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De nos jours la philosophie est devenue un phénomène de masse.

Elle est partout : dans les magazines,


sur internet, dans les forums, à la télévision, dans les cafés. Le philosophe lui-même n’échappe pas à la
starisation médiatique. Souvent d’ailleurs il est invité à s’exprimer sur des sujets qui ne sont pas de sa
compétence directe : l’économie, la psychologie, le climat etc.

Mais pour certains, la philosophie est déconnectée de la vie, elle n’est rien de plus qu’une analyse du
langage, une spéculation vide sur l’inconnaissable, un jeu intellectuel stérile. De ce fait, la plupart des
gens pensent que la philosophie est une perte de temps.

Alors à quoi sert la philosophie ? Pourquoi des philosophes ?

Comme nous allons le montrer, la philosophie constitue le cadre dans lequel l’homme peut comprendre
le monde et agir sur sa propre vie. Elle fournit les outils par lesquels il peut découvrir la vérité et utiliser
son esprit pour améliorer sa vie.

LE SAVOIR C’EST LE POUVOIR

Pour les philosophes de l’Antiquité, la philosophie était d’une importance cruciale, une question de vie
ou de mort. En grec, philosophie signifie « amour de la sagesse ». La philosophie est donc née comme
une étude de la nature fondamentale de l’existence, de la nature de l’Homme et de sa relation à
l’existence.

Sans une explication ou une interprétation du monde qui nous entoure, nous serions impuissants à agir
sur la réalité. Nous ne pourrions pas agir librement pour préserver nos vies ou les améliorer. Nous
devons savoir ce que nous pensons sur les questions philosophiques, parce que nos réponses peuvent
influer sur le cours de nos vies. Plus notre vision du monde est correcte plus nous sommes en mesure de
comprendre le monde et d’agir en conséquence. Sans cette base solide, toute action devient suspecte.

Dès l’origine, la philosophie n’a jamais eu que deux buts indissociables :


Apprendre à mieux vivre sur cette Terre

Connaître la vérité

Philosopher est-ce rechercher le bonheur ? Oui mais dans la vérité. Une idée peut me rendre heureux
mais être fausse. Si j’ai le choix entre une vérité et un bonheur, je ne suis philosophe qu’en tant que je
choisis la vérité. Autrement dit, la quête du bonheur ne suffit pas à définir la philosophie, qui est amour
de la sagesse. Si le bonheur est bien le but de la philosophie il n’en est pas la norme.

C’est seulement la réalité qui est la norme ultime de toute évaluation. En effet, toute connaissance est
connaissance de la réalité. Les notions de vrai et de faux ne sont significatives que par référence à la
réalité. Comparer nos jugements à la réalité est le seul moyen de déterminer la vérité objective.

Les idées philosophiques sont importantes parce que la vie est importante et que la vie oblige à faire des
choix. Pour que nos choix soient libres, il faut qu’ils soient rationnellement motivés et éclairés. Loin
d’être un jeu inutile, la philosophie est donc un facteur fondamental de liberté.

LA PERSPECTIVE SOCRATIQUE : « INTERROGEZ-VOUS »

« Comment sais-tu ce que tu sais ? »

Telle est, de façon résumée, l’interrogation socratique. Et Socrate a passé sa vie à traquer les
contradictions de ses interlocuteurs. Car deux propositions contradictoires ne peuvent pas être vraies en
même temps et sous le même rapport. L’une est vraie, l’autre fausse.

Socrate avait aussi pour devise le fameux : « connais-toi toi-même ». Il est important de repérer nos
propres prémisses philosophiques. Nous réfléchissons toujours à l’intérieur d’un cadre de principes mais
nous ne le savons pas toujours.

La philosophie doit donc d’abord conduire à une réflexion sur soi-même, sur ses propres opinions :

Ai-je une vision du monde et laquelle ?


Quelles sont mes prémisses ? Quels sont les principes à partir desquels je fonde ma propre vision du
monde ?

Quels sont mes arguments ? Suis-je capable de justifier toutes mes affirmations ?

Suis-je cohérent avec moi-même ? Suis-je capable d’assumer toutes les conséquences de ma vision du
monde, y compris celles qui peuvent déranger les opinions communes ?

Ayn Rand a proposé une belle image de la méthode philosophique :

La meilleure façon d’étudier la philosophie est de l’approcher comme une enquête policière : suivre
chaque piste, indice et implication, de façon à découvrir qui est un meurtrier et qui est un héros. Le
critère de l’enquête est dans ces deux questions : Pourquoi ? et Comment ? Si une thèse donnée semble
juste — pourquoi ? Si une autre thèse semble fausse — pourquoi ? et comment ai-je pu y croire ? – La
philosophie, qui en a besoin ?

L’Allégorie de la Caverne aussi, racontée par Platon dans La République, nous invite à nous défier des
apparences, des idées reçues. La philosophie, dans une perspective socratique, peut donc donner un
esprit critique, voire subversif à l’égard de la culture ambiante et des modes du jour.

LA PHILOSOPHIE EST ACCESSIBLE À TOUS

Tout le monde fait de la philosophie, consciemment ou pas. À la base de toutes les théories
philosophiques, il y a des questions légitimes et fondamentales, des questions que tout le monde se
pose et qui relèvent d’un besoin authentique de la conscience humaine :

Qu’est-ce que l’Homme ?

Que puis-je savoir ?

Comment dois-je conduire ma vie ?

Comment la cité doit-elle être gouvernée ?

Quels sont les éléments ultimes de la réalité ?

Survit-on à la mort physique ?

Les valeurs morales sont-elles réelles ?


Sommes-nous libres ?

Le monde présuppose-t-il un auteur ?

Etc.

L’Homme est un animal doué d’une intelligence, d’un esprit ou d’une raison. Par conséquent il se
distingue de l’animal par une disposition spécifique à penser et à raisonner. Or philosopher c’est poser
ces questions fondamentales et tenter d’y répondre.

LA MÉTHODE EN PHILOSOPHIE

Mais comment faire de la philosophie d’une façon méthodique étant donné la multiplicité des systèmes
de pensée qui ont une certaine cohérence interne mais qui se contredisent la plupart du temps ?

Il faut le reconnaître, il y a beaucoup d’idées absurdes et aberrantes dans l’histoire de la philosophie.


Mais ce n’est pas une raison pour la rejeter. Au contraire, plus on l’étudie, plus on est en mesure de
réfuter ces fausses idées.

Notre cerveau est un peu comme un disque dur. Il absorbe tout ce qu’on lui envoie, le meilleur comme
le pire. Mais si on ne le programme pas, on risque d’en faire une véritable poubelle. Une philosophie
non consciente d’elle-même n’évolue pas, par manque de confrontation avec la réalité, mais peut
également parasiter nos actes à cause des préjugés et des idées fausses qu’elle véhicule.

Autrement dit, il est nécessaire de définir un ensemble de principes rationnels, formant un système
cohérent, que tout homme pourrait adopter, quelle que soit sa religion ou son absence de religion. À la
lumière de ces principes rationnels aussi universels que possible, il deviendra alors possible de comparer
les systèmes entre eux et d’identifier les systèmes incompatibles avec celui que l’on estime le plus
rationnel.

En philosophie, l’argumentation reste la seule façon de garantir autant que possible la vérité des thèses
défendues. D’où l’importance de la rationalité. Nos sens sont notre seule façon d’obtenir des
informations sur le monde. Mais la raison seule nous permet de comprendre la réalité, de justifier nos
affirmations et de maintenir la cohérence au sein de nos connaissances.
L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE AUJOURD’HUI

La philosophie au bac est née dans les années 1840 sur le modèle du professeur d’université. On
privilégiait alors les auteurs et les textes à l’excès. Dans les années 1960, on a voulu casser ce modèle en
privilégiant les thèmes et les notions. On est alors tombés dans un excès inverse : la démagogie. D’où les
deux formes pathologiques d’enseignement de la philosophie en terminale :

le cours « thèse de doctorat », façon professeur d’université,

le cours « zapping », ou de pseudo-débats sur des sujets de société finissant toujours par un couplet
moralisateur sur le nazisme ou le racisme.

La bonne manière d’enseigner la philosophie consiste plutôt à chercher dans le passé des réponses aux
questions que nous nous posons. Cela revient à se plonger dans les textes des grands auteurs pour :

en saisir les thèses et les arguments,

en évaluer la portée,

résoudre les questions philosophiques qui se posent aujourd’hui.

Il s’agit moins de reconstituer scientifiquement les doctrines du passé que de comprendre


rationnellement comment elles peuvent répondre à nos questions, éclairer notre présent. Cette
méthode suppose que les philosophes du passé se sont posé les mêmes problèmes que nous et que
nous partageons avec eux les mêmes critères de rationalité.

Et le professeur de philosophie est un peu comme un guide de haute montagne : il doit cartographier le
paysage, le baliser, proposer des chemins, des portes d’entrée et de sortie. Avec le temps, l’élève pourra
se passer du professeur et trouvera lui-même son propre chemin.

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