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Justin Coomlan AYELO

Justin Coomlan AYELO & Florentine HOUEDENOU


SE CONSTRUIRE POUR ENSEIGNER :
ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE DE L’ENSEIGNEMENT Florentine HOUEDENOU
La connaissance des codes de déontologie, la compréhension de la
mission de l’éducateur et de la conscience professionnelle, l’amour des
exigences du métier, de l’éthique et le développement des qualités de
l’enseignant sont des points essentiels pour réussir une vie épanouie
dans l’enseignement. Ce livre donne des clés indispensables à tous
les éducateurs, parents et adultes. Il servira d’ouvrage de formation
ou même de bréviaire aux élèves-professeurs qui font leurs premières
armes dans le métier et de miroir aux plus anciens.

Docteur en sciences de l’éducation et premier en philosophie au


BAC 1986, Justin Coomlan AYELO est aussi titulaire d’un Diplôme
d’études approfondies en philosophie et d’une UV en théories de la
communication. Il dispense les cours de techniques d’animation, des
questions actuelles en éducation, de la philosophie de l’éducation….
dans les écoles normales publiques et privées et au département de
psychologie et des sciences de l’éducation à l’Université d’Abomey-
SE CONSTRUIRE POUR ENSEIGNER
Ethique et déontologie

Se construire pour enseigner : Ethique et déontologie de l’enseignement


Calavi. Auteur ou co-auteur de Semence du Bon Citoyen, de L’Expression
écrite par l’exemple, des Techniques d’animation en pédagogie et en

de l’enseignement
andragogie, de la philosophie en seconde sous l’APC, de La philosophie en
terminales, de La dissertation et le commentaire en philosophie par l’exemple, il
participe à la formation des élèves-professeurs dans les écoles normales
d’enseignement supérieur.

Docteur en Sciences de l’Education et de la Formation depuis 2005


à l’Université Pontificale Salésienne de Rome (Italie), Houédénou
Florentine est Maître-assistant des Universités de CAMES. Actuelle
Cheffe du Département des Sciences de l’Education et de la Formation
à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’Université
d’Abomey-Calavi, elle poursuit ses recherches en pédagogie générale
et familiale, en orientation scolaire et professionnelle, en conception et
gestion des curricula, en éthique et déontologie de l’enseignement, en
psychopédagogie de la communication et en citoyenneté et discipline.
Elle forme les élèves-professeurs à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-
Novo. Chargée de cours, elle allie son expérience pratique à la rigueur
scientifique du chercheur à travers la publication d’articles et d’ouvrages
tels que : L’art de se Réaliser (2009) ; Manuel de courants pédagogiques (2013)
et Ethique et enseignement (2017).
Les éditions ProTIC

Les éditions ProTIC


Abomey-Calavi, 2018
ISBN : 978-99919-824-6-5
Justin Coomlan AYELO
Florentine HOUEDENOU

Se construire pour enseigner


Ethique et déontologie de l’enseignement

Les éditions ProTIC, Abomey-Calavi, 2018


Dépôt légal : N° 10469 du 06/07/2018
Bibliothèque Nationale du Bénin3èmetrimestre
ISBN : 978-99919-824-6-5

Le photocopillage tue le livre


Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque
procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans
l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon passible
de peines prévues par la loi 84-008 du 15 mars 1984 relative à la protection
des droits d’auteur en République du Bénin..
AVANT-PROPOS

A notre époque, le métier d’enseignement bat de


l’aile dans plusieurs pays et particulièrement en
République du Bénin. Or, la professionnalisation
dudit métier appelle les acteurs à mettre en
application l’éthique et la déontologie.
Intervenant dans les écoles normales
supérieures, lieu de formation des enseignants
du secondaire et de qualification
professionnelle, l’idée de produire cet ouvrage
intitulé : « Se construire pour enseigner :
Ethique et déontologie de l’enseignement »
s’avère indispensable.

Ce livre, tout en retraçant les problèmes qui


minent le métier d’enseignement à notre époque
et qui tente même de ternir son image, rappelle
aux enseignants aussi bien leur devoir que les
raisons d’être de leur métier. D’ailleurs, toute
corporation fonctionne avec un minimum de
règles. Etre de bons professionnels, c’est
fondamental et cela va de soi dans le domaine de
l’éducation. Le mot « enseignant désigne toutes
-3-
personnes qui, dans les écoles, ont charge de
l’éducation des élèves » (Article 1er de la
recommandation OIT/UNESCO du 05 octobre
1996). L’enseignant, travaillant sur l’être
humain, a besoin d’être guidé et orienté pour
agir avec dextérité sur lui qui reste à la fois corps
et âme. Imperturbable, il doit être père, mère,
l’élévateur de niveau, le guide, le facilitateur et
l’orienteur. Ainsi, ce document retrace l’idéal
d’enseignant en partant de la genèse du mot
déontologie pour s’appesantir sur l’éthique et les
qualités de l’enseignant, sa mission, les sources
intarissables qui nourrissent son métier, ses
devoirs, la culture dont il doit être tributaire et
les vertus à lui utiles.

C’est donc un ouvrage précieux, écrit avec


concision et précision pour aider les enseignants
à se mirer, pour ceux qui travaillent déjà. Par
ailleurs, il sert d’ouvrage de formation ou même
de bréviaire pour le futur enseignant et celui qui
fait ses premières armes dans le métier
d’enseignement. Pour ce faire, nous remercions
tous ceux qui ont contribué à son achèvement.
-4-
INTRODUCTION

Nous entendons souvent parler de déontologie


en journalisme, en médecine, au sein de l’armée
et aussi en éducation. C’est qu’en fait l’exercice
de tout métier nécessite l’adoption d’un
comportement donné. L’enseignant, qu’il soit du
public ou du privé, exerce une fonction
exceptionnelle au sein de la société à cause de la
tâche d’éducation qui lui est dévolue. Il est
encore plus interpellé dans la mesure où il agit
sur des âmes dont l’avenir dépend
essentiellement de lui. Nous essayerons
d’énumérer et d’analyser les qualités qu’il doit
avoir pour réussir sa mission qui est en réalité un
sacerdoce, une mission très délicate certes, mais
à la fois très noble. C’est alors de l’éthique
professionnelle de l’enseignant qu’il s’agit dans
ce document.

-5-
Déontologie : sens, enjeux et utilité

Du grec deôn-ontos qui signifie « ce qu’il faut


faire » et logos, « connaissance ou pensée », la
déontologie est la science de la conscience
professionnelle, et traite des devoirs à remplir
dans l’exercice d’un métier.

Selon le Dictionnaire Encyclopédique de


l’Education et de la Formation (Champy et
Etévé, 2005, p. 243), la déontologie est l’ensemble
des règles qui régissent la conduite des membres
d’une profession. Elle se limite aujourd’hui à un
ensemble de règles et devoirs qu’impose
l’exercice d’un métier aux professionnels. La
déontologie de l’enseignement veut définir ce
qu’est l’enseignement, où il commence, où il
s’arrête et repérer l’ambigüité ou l’illégitimité de
certaines pratiques. Elle vise la transmission
explicite du savoir, à tous ses niveaux et dans
toutes ses formes.

-6-
Elle exclut tout rapprochement avec les
doctrines de partis, les statuts de syndicats, les
textes fondamentaux de groupes confessionnels
ou les règlements des administrations.

Ainsi, la déontologie demeure le code de


conduite d’un individu exerçant une profession.
C’est donc l’ensemble de ses devoirs au sens
strict du mot, c’est-à-dire ses obligations
morales. En termes clairs, elle est l’ensemble des
lois ou règles morales devant guider un
travailleur dans son secteur d’activité avec pour
but essentiel de l’aider à réussir dans sa fonction
et de lui permettre d’avoir un rayonnement
social. Le Petit Larousse (2015) précise qu’elle est
« l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent
une profession, la conduite de ceux qui l’exercent, les
rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le public ».
La déontologie exige alors la probité,
l’impartialité et la neutralité dans les domaines
de transmission des connaissances, les modes
d’exercice de l’enseignement, la communication
avec les élèves et le contact permanent avec eux.
-7-
Dans sa fonction de conduire l’apprenant au
développement, à la promotion de la totalité de
sa personnalité comme à la découverte de la
science, l’enseignant ne peut oublier de
l’emmener à accroître la confiance en soi et
l’estime de soi dans la relation éducative
(Monbourquette, 2003). Il nous faut admettre
qu’à l’école, le travail scolaire constitue une
occasion de reconnaissance mutuelle entre
l’enseignant et l’apprenant. L’enseignant
demeure de manière constante à l’écoute de ceux
qui lui sont confiés.

Au même moment, il veille à ses propres


réactions émotives surtout négatives. Son
respect envers ses apprenants et sa capacité à les
faire tous participer aux activités de la classe,
stimuleront leur présence active en classe. Tous
s’y sentiront pleinement accueillis et en
confiance. Cela motive plus et promeut la
confiance qui est un meilleur gage de la réussite
scolaire. Eduquer alors consiste à promouvoir
chez les élèves le sens de leur propre dignité et
-8-
les raisons de cette dignité. Car, éduquer les
enfants, c’est former les futurs cadres
responsables, consciencieux et compétents de
l’avenir, et, par conséquent, le citoyen ou la
citoyenne, la mère ou le père de demain. C’est
pourquoi nous proposons ici quelques exemples
de Codes de déontologie de l’enseignement :

1. Dès que l’enseignant(e) prend en charge


des élèves, il s’engage à les faire
progresser, s’il y a lieu avec l’aide de tiers
compétents.
2. L’enseignant s’efforce d’élaborer ses
enseignements avec soin et en y
consacrant le temps nécessaire…
3. L’enseignant s’abstient de porter un
jugement définitif sur un élève. Il
souligne plutôt les points susceptibles
d’ouvrir des perspectives.
4. L’enseignant tâche de traiter tous les
élèves avec la même conscience, dans un
souci d’égalité et de justice, quels que

-9-
soient les sentiments que chacun lui
inspire en particulier.
5. L’enseignant a le devoir de perfectionner
ses connaissances, sa didactique, les
pratiques pédagogiques et tout autre
procédé d’élaboration ou de transmission
du savoir.
6. L’enseignant ne doit pas présenter le
savoir comme un obstacle infranchissable
ou l’ignorance comme un état
irrémédiable. Il fondera la transmission
du savoir sur l’activité effective et la
démonstration tangible pour ne pas
risquer d’exclure ses apprenants par une
théorisation injustifiée.

Dans ce rapport au savoir avec l’apprenant, il


s’avère également indispensable pour
l’enseignant de cultiver le sens de l’éthique.

-10-
Ethique et l’agir de l’enseignant
__________________________________________

Le concept d’Ethique vient des mots grecs éthos


() et èthos (). L’emploi de ces deux
termes est antérieur au substantif latin mos
(pluriel mores) d’où dérive le mot "morale".
Chez les Grecs, le mot "éthique" a une saveur
philosophique dans l’emploi de chacun des
deux mots éthos () et èthos ().

Le premier concept () veut dire la


demeure, le lieu où l’on séjourne habituellement.
Ici, nous relevons qu’en signifiant le séjour, le
lieu où l’on réside chaque jour, le mot éthos
() veut dire aussi la place habituelle et
introduit l’idée du juste milieu. Ce qui montre
que l’agir de l’homme ne doit pas créer de
déséquilibre ou de dysharmonie dans son
rapport à soi, aux autres et à l’environnement.

-11-
Et c’est le but spécifique de l’éducation : la
formation harmonieuse, responsable, libre et
intégrale de la personne humaine ou son
développement plénier (Houédénou, 2017).

L’éthique désigne à la fois la vertu au sens de


juste mesure, d’ordre et d’harmonie dans les
conduites humaines et la science d’une telle
attitude de vie. Quand un sujet avance aux pas
de l’Ethique, il garde et garantit « la juste place de
toute chose » en ce monde (Bernard, 1990, pp : 30-
31) et progresse sur le chemin de la perfection.
Un tel individu atteint son idéal humain et
devient ainsi un exemple pour tous dans la
pratique des vertus. De ce fait, l’éthique
représente ainsi la base de l’agir humain. Elle est
le principe, ce qui fonde et enracine l’existence.
Alors, l’éthique comporte les principes de la
morale et désigne l’ensemble des règles de
conduite, des critères d’évaluation de la
conduite humaine, des mœurs et par extension,
l’étude de tels principes. Du coup, elle constitue
la base de l’agir humain.
-12-
Par ailleurs, Bernard (1990, pp. 30-31) affirme
que lorsqu’un individu avance aux pas de
l’éthique, il garde et garantit « la juste place de
toute chose » en ce monde et progresse sur le
chemin de la perfection, de la justice, de la paix,
de l’équité sociale, du développement et du
bonheur. L’éthique est la recherche du bonheur
par le choix d’une existence prenant en compte
les relations interhumaines (Canivez, 1988). Cela
signifie que dans les lieux d’éducation ou de
formation professionnelle, les acteurs ont
l’obligation d’éduquer et de former les
apprenants à la connaissance de soi et à la
découverte de l’autre en tant qu’une personne
humaine, qu’un collègue ou un partenaire, un
égal ou un collaborateur de travail, un anthropos
et un ami de la vie et par-dessus tout, une source
de richesse culturelle. Dans le monde de
l’éducation, il est important d’enseigner aux
élèves à canaliser les frustrations. Nous devons
les amener à accepter les frustrations, à différer
les gratifications, à assumer des responsabilités

-13-
des faits mal accomplis ou à accepter leurs
propres limites. Assumer les frustrations,
signifie respecter, endurer et supporter avec
patience quelques chose que nous ne
comprenons pas.

Alors, il s’avère indispensable pour


l’enseignant-éducateur de vivre l’éthique car,
l’éthique l’amène à répondre à la question
« comment bien vivre ? » et se présente comme
la quête raisonnée du bonheur. L’éthique pose la
question : « Qu’est-ce que la vie bonne ? ». Ceci
amène Lévinas (1981, p. 281) a montré que
l’éthique est la philosophie première de tout
individu. Elle cerne le champ de l’existence
globale et y fait du sujet l’acteur, l’agent de la
réalisation de l’existence authentique. Elle
signifie d’abord ce qui se passe dans le rapport
avec un autre homme. Elle est l’ouverture du
Moi à l’altérité de l’Autre, avec une assignation
immédiate à la responsabilité dans l’amour.
C’est aussi priorité donnée à l’autre sur soi, le
penser à l’autre avant le penser à soi, le respect
-14-
de son irréductible altérité. L’éthique est le lieu
même où la différence représentée par l’autre
n’est pas indifférence, mais appel à la
responsabilité pour autrui, la reconnaissance de
sa subjectivité, le respect de son physique c’est-
à-dire la réalité corporelle de l’homme, le respect
de la personne et de sa vie. Alors, la formation
de l’individu à l’éthique, c’est-à-dire aux
valeurs, reste fondamentale. Dans cette
perspective, Morin (2000) invite les enseignants
à former les apprenants à la compréhension en
faisant d’elle un objectif d’apprentissage et une
stratégie d’enseignement-apprentissage car, la
compréhension est la base de tout
développement personnel et social. De même,
Conturie (2004) dans cette optique met un accent
particulier sur la reconnaissance, le travail de
l’autre, le silence, l’intériorité, la spiritualité, le
respect des différences, le droit à la communion.
Dans cette optique, le Rapport Delors (1996)
rappelle que :

-15-
La découverte de l’autre passe nécessairement
par la connaissance de soi, et, pour donner à
l’enfant et à l’adolescent une vision juste du
monde, l’éducation, qu’elle soit faite par la
famille, la communauté ou l’école, doit
d’abord lui faire découvrir qui il est. C’est
alors seulement qu’il pourra véritablement se
mettre à la place des autres pour comprendre
leurs réactions. Développer cette attitude
d’empathie à l’école est fécond pour les
comportements sociaux tout au long de la vie.

En ce sens, pour corriger les déviances et les


dérives comportementales, les acteurs du
système éducatif doivent rendre systématique
l’éducation éthique dans le parcours éducatif
afin d’amener chaque apprenant et citoyen de la
nation au développement d’une attitude éthique
dans cette décennie de l’Education Pour Tous
(EPT). C’est pourquoi l’exercice du métier
d’enseignant exige donc des qualités.

-16-
Quelques qualités de l’enseignant
S’il est vrai que l’enseignant aujourd’hui est un
fonctionnaire d’Etat pour la plupart du temps, il
n’en demeure pas moins vrai qu’il exerce une
fonction exceptionnelle à cause de la tâche
d’éducateur qui lui a été confiée. Il a des
obligations particulières car, intervenant dans
un domaine du service social dont le but
fondamental est de promouvoir tout l’homme.
Selon Tsafak G. (1998), « l’avenir de l’élève
[l’étudiant] dépend pour une large part de l’éducation
reçue à l’école [l’université] » (p.48). Cela signifie
que l’influence exercée par l’enseignant exerce
sur les diverses facultés (intelligence, sensibilité,
sentiment, volonté, etc.) de l’apprenant est
considérable. Cette compréhension du métier
doit-être la même pour tous les enseignants
même ceux de l’enseignement supérieur. Ainsi,
toutes les catégories d’enseignants que compte
l’école aujourd’hui doivent avoir des qualités
qui faciliteraient l’accomplissement de leur
MISSION, car, en fait, être enseignant, c’est
devoir accomplir une mission.
-17-
Mission de l’enseignant

En réalité, à l’école, l’enseignant remplace les


parents et continue l’éducation amorcée par la
famille depuis la maison. La mission de
l’enseignant est alors de faire en sorte que
l’enfant puisse développer ses talents et avoir
des comportements dignes de la vie au sein
d’une société, tout en étant lui-même.
L’enseignant doit faire de l’enfant un citoyen à
part entière, un promoteur du développement.
C’est pour cela que l’Etat et les privés essaient,
tant bien que mal, de se préoccuper de
l’éducation, de récompenser le travail qu’il abat.
Et, c’est justement là, le sens de la MISSION.

L’enseignant doit alors, par amour, s’acquitter


de sa mission qui apparaît comme un sacerdoce
d’autant plus que pour une grande part, l’avenir
des écoliers, élèves et étudiants dépendent de lui
car, l’enseignement reste une fonction qui
présente un caractère éminemment respectable
en raison du dévouement qu’il exige puisque la
profession d’éducateur est un sacerdoce. Elle
-18-
exige dans l’exercice de la profession, l’oubli de
soi ; le goût des choses de l’esprit. De même, elle
comprend la conception de la tâche ; le sens de
sa responsabilité ; le sens de sa mission. Ce qui
caractérise au contraire la vocation dans son
acceptation propre, c’est le don total de soi,
l’engagement de l’être tout entier, avec toutes les
ressources de son intelligence et de son cœur,
toutes ses forces spirituelles et physiques, et tout
son temps, dans sa tâche professionnelle. Avoir
la vocation d’un métier, c’est, dans l’absolu,
pouvoir et vouloir ne vivre que pour lui.

La destinée des hommes et des femmes qui


s’engagent dans le métier d’éducateur est
profondément marquée par ce métier. C’est
pourquoi, ils ne doivent pas s’y engager à la
légère. L’enseignant est comme une chandelle. Il se
consume pour éclairer la route aux autres et les aider
à grandir. En plus, il a besoin de se donner le
courage pour la remplir, pour persévérer et y
demeurer fidèle à mesure que les années
-19-
s’accumulent et que se multiplient les
obligations professionnelles. Cette force, cette
volonté de servir, ce courage et cette ardeur au
travail peuvent même susciter après coup la
vocation chez ceux qui ne se sentaient pas
impérieusement appelés par la carrière
enseignante. C’est pourquoi les termes
employés à son propos n’appartiennent pas,
comme c’est le cas aujourd’hui, au vocabulaire
des métiers (compétences, savoir-faire,
techniques, etc.), mais à celui du sacerdoce
ecclésiastique : « vocation », « mission », «
service », « apostolat », « disciples ». Si la notion
de déontologie évoque l’idée de devoirs
spécifiques à une pratique déterminée, celle-ci
est habituellement toujours liée à celle de droits
corrélatifs de ces devoirs. En République du
Bénin, selon la Loi d’orientation (2003), « L'école
doit former des citoyens intellectuellement et
moralement équilibrés, animés d'un esprit
patriotique et prêts à participer au développement
économique, social et culturel de leur pays » (article
6). Par conséquent, si l’enseignant ne s’acquitte
-20-
pas dignement de sa tâche et n’accomplit pas sa
mission avec conscience professionnelle, il aura
fait rater à toute une génération d’apprenants la
vie et reculer la nation de plusieurs années. C’est
peut-être dans ce cas que nous pouvons nous
interroger sur les durées de travail que nous
observons depuis plusieurs décennies à cause
des grèves avec nos écoliers, élèves et étudiants
d’aujourd’hui, bâtisseurs de demain.

L’éducateur a le devoir d’enseigner à ses


apprenants que rien ne s’obtient dans la vie sans
effort. On éduque l’effort par des actions très
simples : si les élèves apprennent à faire des
efforts dans de petites choses, ils seront après
capables d’affronter des défis encore plus
grands. Ce qui est clair, une éducation ratée à la
base ne se rattrape plus et, un penseur de
l’antiquité grecque affirme à ce sujet que : « On
ne peut redresser un bois courbé et gauchi ».
L’homme étant la denrée la plus importante, la
matière la plus précieuse en Afrique, il vaut
mieux le travailler avec conscience. Or, la
conscience naît sans nul doute de la vocation.
-21-
La vocation professionnelle

Du latin vocatio, de vocare qui signifie appeler, la


vocation concerne la destination naturelle de
quelqu’un. C’est un penchant ou une aptitude
spéciale, un genre de vie ou une activité. La
vocation est une vive inclination, une aptitude
spéciale pour un état de vie, une profession ou
une branche d’activité selon Le Petit Larousse,
(2010). La vocation est alors cette disposition
naturelle ou acquise qui crée une pulsion ou un
appel irrésistible selon la philosophie classique.
Elle fait naître un attachement farouche et donne
de l’aisance à exercer un métier qu’on s’est
donné librement. Ainsi, elle est réellement un
appel, un penchant naturel et peut s’identifier
par un attrait qu’on a pour tel métier sans y voir
d’avance le gain ou les intérêts qu’il procure. En
effet, selon Louis Pasteur (1822-1895), « Ce n’est
pas la profession qui honore l’homme mais l’homme
qui honore sa profession ». Cette manière de se
sentir appelé par et pour le travail est bien ce
qu’on pourrait nommer vocation première.
-22-
L’enseignant qui est arrivé dans l’enseignement
avec cet atout naturel ou cette inclination fait
des merveilles d’autant plus que le secret du
bonheur est de faire ce qu’on aime et le secret de
la réussite est d’aimer ce que l’on fait.

Toutefois, on peut aussi avoir une vocation


seconde. Les besoins de la cause ou les
circonstances poussent certaines personnes à
devenir enseignant peut-être parce qu’il est plus
facile d’entrer dans ce corps. En principe, une
fois qu’un individu s’est trouvé dans
l’obligation d’exercer le métier d’enseignant
comme ce fut le cas des Jeunes Instituteurs
Révolutionnaires (JIR) et Jeunes Bacheliers
Révolutionnaires (JBR) en République du Bénin
vers les années 70, il devrait commencer par
apprendre à aimer son métier. Il devra se créer
les conditions pour devenir amoureux de son
métier d’autant plus que sans un minimum
d’attrait, la conscience professionnelle déserte
le forum.

-23-
La conscience professionnelle

Sans vouloir noircir le tableau, nous estimons


qu’avec certains comportements observés çà et
là aujourd’hui, on peut déjà ouvrir un carnet
nécrologique à ce qu’on appellerait si dignement
«Conscience professionnelle». Certains enseignants
vaquent les cours comme ils le veulent, sans
autorisation aucune ; ils restent dans les rues ou
dans leur maison et s’occupent de leurs affaires
privées. Et quand ils décident de se rendre au
service, ils y vont encore en retard. La
ponctualité, l’assiduité et la régularité ne sont
plus de mise. Rares sont les enseignants qui se
soucient de ces principes élémentaires dont
notre compatriote Jean Pliya (1973) a su faire
bonne mention dans son livre intitulé « La
Secrétaire particulière ». Ce comportement
demeure toujours actuel et a mobilisé l’attention
de Sabi Brahima H. (2018) dans sa thèse de
doctorat. Selon lui, le taux d’absentéisme est trop
prononcé en République du Bénin et
précisément dans le département de l’Alibori
-24-
puis constitue du coup une des causes de la
mauvaise qualité de l’éducation. A travers son
travail, il a relevé la mauvaise foi dont fait
preuve la plupart des enseignants surtout les
jeunes, de leur manque de conscience
professionnelle et du professionnalisme. Ainsi,
la conscience professionnelle a disparu,
pourrait-on dire, pour laisser place à la pagaille
et au libertinage.

Certains enseignants ne préparent plus la classe.


Tout est devenu exagérément commercial. Les
enseignants vendent tout ce qu'ils doivent
utiliser en classe à l'école : les cahiers d'activités,
la craie, les photocopies, les notes, les
fournitures (dotation), ... Les faux frais, il en
existe à foison dans les établissements primaires,
secondaires et universitaires. L'école, du coup,
est devenue très chère au Bénin. L'enseignant n'a
plus le temps de voler spontanément et
librement au secours d'un élève. Des travaux
dirigés (TD) sont imposés par les enseignants à
leurs apprenants et le même enseignant devient
-25-
répétiteur de ses propres élèves. Il traite les
épreuves de devoirs à ceux qui se sont inscrits à
ses travaux dirigés (TD).

Aujourd'hui, on assiste simplement à la


marchandisation de l'école. Le système de troc
fonctionne à tous les niveaux. Aucun ordre
d'enseignement n'est épargné. Inutile de penser
à une recherche par des instituts spécialisés en la
matière pour redresser le système. Les résultats
d'une telle étude sont connus d'avance. La
corruption en milieu scolaire a atteint une
proportion alarmante. Et il faut agir, agir en
changeant de mentalité. Car, en fait c'est une
question de mentalité. Si chacun se décide à
changer, le système éducatif s'en portera mieux.

Or, c’est cette conscience professionnelle qui


devrait aider l’enseignant à bien accomplir sa
mission d’autant plus qu’elle est la lumière qui
idéalise la tâche et le moteur intérieur qui aide à
la mieux accomplir. C’est pourquoi, la loi n°
2003-17 du 11 novembre 2003 portant

-26-
Orientation de l’Education Nationale en
République du Bénin rectifiée par la loi 2005-33
du 06 octobre 2005 précise : « Les enseignants
doivent s’acquitter de leur mission avec conscience
professionnelle et efficacité » (article 67). Dans ses
alinéas 2 et 3, elle propose des sanctions : « Les
plus méritants sont récompensés par l’Etat et élevés
dans les divers ordres nationaux. Les enseignants qui
se révèlent défaillants dans l’exercice de leur fonction
et ceux coupables d’actes immoraux sont sanctionnés
conformément aux textes en vigueur». Car, la
conscience professionnelle prend sa source dans
le sentiment profond de la noblesse du rôle de
l’éducateur averti qui doit, avec courage,
s’acquitter régulièrement des multiples tâches
que commande l’exercice de sa mission qui lui
exige d’aimer les enfants comme le souhaite P.
Bertrand :

« Quiconque aime les enfants c’est la


véritable vocation -et possède, par surcroît,
le goût de l’action réfléchie, ne manquera
de se plaire dans l’enseignement. C’est
qu’en effet notre métier, s’il est exercé,

-27-
n’abaisse pas l’homme ; il l’oblige
constamment au contraire à faire des
efforts pour atteindre un plus haut degré
de puissance éducative, il l’épure, l’exalte.
Il réussit bien plus souvent qu’on ne le
croit à faire de l’humble maître de l’école
un véritable artiste en son genre, c’est-à-
dire un pétrisseur d’âmes, un créateur de
caractères et d’individualités » (Traité de
législation scolaire, 1983, p. 157).

En tant que vertu individuelle, la conscience


professionnelle est une condition de l’estime de
soi, une forme de sincérité et de fidélité envers
soi. Elle exige la régularité, l’assiduité,
l’efficacité, la justice, l’équité, le zèle et l’esprit
d’initiative. Elle implique le sens du travail bien
fait et la volonté de bien le faire (Perrenoud,
2010). Olivier Reboul (2005, pp. 5-7) l’atteste en
disant « qu’il n’y a pas d’éducation sans valeurs ».
Des valeurs de plus en plus prégnantes, tant
pour l’enseignant que pour l’apprenant
(Dupont, 2004, p. 81) s’avèrent indispensables
pour ajuster les démarches pédagogiques en
fonction des situations vécues :

-28-
 Le sens social : se situer en tant qu’individu
dans un groupe et avoir conscience de ce
que l’on vit ;
 Le respect de l’autre : prendre conscience
de l’autre en tant qu’individu, tenir
compte des besoins, écouter, … ;
 L’adaptabilité : envisager les situations de
classe sous l’angle de l’apprenant et sous
celui de l’enseignant, accepter de se
remettre en cause et d’être remis en
question.
Les travaux de Paquay (1998, 2001) s’inscrivent
dans cette perspective et précisent six axes qui
convergent vers le cœur de l’identité
professionnelle du maître : être avant tout un
praticien réflexif capable d’apporter des
réponses inédites à des situations de classe ou
de vie scolaire mouvantes :

 Acteur socia,l qui sur la base des objectifs


prioritaires définis par un système
éducatif, les intègre dans sa pratique ;

-29-
 Chercheur, qui est capable de remettre en
question ses pratiques et connaissances
pédagogiques en les actualisant ;
 Instruit, c'est-à-dire qui dispose de la
culture générale la plus large possible
tant sur les plans humains, disciplinaires
que scientifiques ;
 Personne humaine capable d’établir des
relations constructives avec l’ensemble des
membres de la communauté éducative ;
 Pédagogue, qui a la capacité de
diagnostiquer et d’identifier les
difficultés et obstacles et de décider des
pratiques, les méthodes, les techniques et
stratégies les plus adéquates pour
conduire les situations d’apprentissage
ou résoudre les problèmes observés ;
 Praticien, qui dispose des savoirs
accumulés lors de la formation initiale ou
continue. Voici la représentation de
l’enseignant dans l’exercice de sa
fonction.

-30-
Personne
humaine

Maître
Chercheur
instruit

Praticien
réflexif

Praticien Acteur
social

Pédagogue

Figure 1 : Être enseignant : Qui, que dois-


je être ?
Source : Réalisée à partir de la figure 1 de
Paquay (1998-2001).

-31-
Dans le domaine du savoir-être, l’enseignant est
essentiellement un « être-en-relation » avec les
apprenants, les collègues, les parents, la
hiérarchie, les différents milieux et organisations
gravitant dans et autour de l’école. Ces différents
univers, s’ils se côtoient, se méconnaissent et ne
se comprennent sans doute pas suffisamment. Si
les compétences relationnelles sous-entendent
l’instauration d’un climat favorable et propice
au dialogue, elles nécessitent également des
capacités à développer :

 Avec les élèves : un échange de


connaissances, un dialogue des cultures,
une confrontation d’idées ;
 Avec les collègues : des échanges
professionnels constructifs, disciplinaires
et interdisciplinaires, horizontaux et
verticaux, dans une perspective de travail
en équipe ou de projet ;
 Avec la hiérarchie : un
engagement/partenariat

-32-
professionnel pour le travail de qualité et
de réputation de l’établissement;
 Avec les autres milieux gravitant autour
de l’école (dont les parents) : un dialogue
constructif favorisant l’ouverture de
l’école vers la société.

En somme, il ressort que chaque enseignant-


éducateur doit avoir une idée claire de la
nécessité de développer les comportements
éthiques et déontologiques dans l’exercice de
son métier en en vue de l’autoréalisation et par
conséquent du développement durable.

Mais pour en arriver là, l’enseignant doit avoir


une parfaite connaissance de ses devoirs ou
obligations morales.

-33-
Les devoirs de l’enseignant

L’enseignant doit accomplir plusieurs devoirs.


Il a entre autres pour obligation de :

 préparer son cours ; ses fiches et sa


classe ;
 corriger les devoirs ou exercices ;
 s’informer de l’évolution de la science ;
 manifester une curiosité intellectuelle et
une ouverture au monde de la science ;
 veiller à développer constamment ses
connaissances et ses compétences.

Selon Burke (1996), être professionnel, c’est


avoir le savoir-faire nécessaire pour travailler.
Dans sa profession, l’enseignant doit gérer la
complexité et l’incertitude. Il doit participer à la
gestion, à la conception et à l’élaboration des
programmes, des méthodes d’enseignement et
d’évaluation, des manuels et autres auxiliaires
d’enseignement. L’enseignant est tenu d’évaluer
ses élèves avec équité, de les orienter dans leurs

-34-
choix professionnels. Il doit également respecter
les normes de la profession et collaborer avec les
autorités éducatives. Ces dernières doivent
élaborer des codes et normes d’éthique et de
conduite de la profession. Pour Burke (1996)
également, l’enseignant doit assurer le service,
être présent à son poste de travail, assurer lui-
même les tâches qui lui sont confiées et répondre
devant ses supérieurs hiérarchiques de l’autorité
qui lui a été conférée et de l’exécution des ordres
qu’il a reçus. Il a l’obligation de servir l’Etat avec
loyauté et abnégation, respecter la hiérarchie du
fait qu’il a au-dessus de lui une autorité qui a
vocation pour le commander et lui donner des
ordres. Il doit également faire preuve de
discrétion professionnelle dans tout ce qui
concerne les faits et les informations dont il a
connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

En outre, dans le même sens, il lui est interdit de


soustraire des pièces ou des documents du
service, de les communiquer ou de les
reproduire pour les besoins des tiers. En raison
-35-
de la fonction qu’il exerce, l’enseignant est tenu
à l’impartialité, à la sérénité de jugement. Dans
le domaine de sa profession, il doit s’abstenir de
toute propagande pour ou contre un parti
politique, une confession religieuse, le port d’un
insigne politique, la distribution de tracts,
l’apposition d’affiches politiques,
comportements proscrits dans les locaux de
service. L’enseignant ne doit pas mettre au
premier plan ses intérêts personnels. Il doit être
désintéressé car, on ne devient pas enseignant
pour gagner de l’argent, mais parce que l’on
pense que cette fonction vous permettra d’être
plus utile à l’ensemble de la collectivité.

D’après Médard & Vaast (1959), un des buts de


l’école, et non pas des moindres, consiste à
donner à l’enfant le goût de l’étude. On
concevrait mal que le maître ne possède pas en
lui cette flamme qu’il doit transmettre.
S’instruire et méditer pour accéder à la culture
constituent un des devoirs de l’éducateur. La
qualité de son travail est donc à ce prix.
-36-
Ainsi, alors que l’incompétence d’un salarié
dans le secteur productif, privé ou public, pose
des problèmes purement techniques et/ou
psychologiques, sans incidence éthique,
l’incompétence d’un enseignant du service
public ou privé par rapport à certaines
qualifications désormais requises constitue aussi
une défaillance éthique, c’est-à-dire une faute
morale. On peut ici faire une analogie avec le
médecin, qui lui aussi est soumis à un « devoir
(éthique) de compétence».

De quelles compétences s’agit-il ? En suivant


toujours l’analyse de Lise Demailly, on peut
noter qu’elles sont essentiellement liées à la
transformation du public scolaire ou
estudiantin. Elles concernent, d’un côté la
gestion de l’hétérogénéité socioculturelle et
scolaire des écoliers, élèves et étudiants ; de
l’autre, la lutte contre l’échec scolaire, dans la
mesure où celui-ci apparaît de plus en plus
comme un scandale moral (injustice liée à sa
corrélation avec l’origine sociale) et comme un
-37-
gaspillage, donc une dilapidation des ressources
publiques. Cette «nouvelle déontologie de
l’enseignant » se trouve formulée de manière
assez exhaustive et précise dans la circulaire du
29 mai 1997 en France où les exigences qu’elle
développe peuvent se regrouper en trois
composantes essentielles.

En premier lieu, une composante


«relationnelle». Le professeur doit considérer ses
élèves «comme des personnes capables
d’apprendre et de progresser ». On reconnaît ici
une expression du «postulat d’éducabilité
cognitive» qui oblige l’enseignant à ne
considérer aucun échec comme définitif ni
aucun élève comme irrémédiablement incapable
d’atteindre le niveau requis. Dans l’optique de la
circulaire, ce postulat n’est plus simplement un
principe général et généreux admis de tous les
enseignants, mais sans incidence sur leur
comportement professionnel quotidien. Il
débouche sur des obligations concrètes : « agir
avec équité envers les élèves » (ce qui peut aller
-38-
contre une stricte égalité du temps et des efforts
consacrés à chacun) ; « les connaître et les
accepter dans le respect de leur diversité », « être
attentif à leurs difficultés ». Il y a ainsi ce qu’on
pourrait appeler une obligation d’individualisation
de l’enseignement, qui peut déboucher par
exemple sur une redéfinition du service des
enseignants. Lorsque le rapport Legrand en
1982, et plus récemment le rapport Meirieu issu
d’une vaste consultation, proposent d’intégrer
dans l’horaire hebdomadaire des professeurs
quelques heures de tutorat, ils suscitent une
levée de boucliers et une résistance acharnée
(notamment de la plupart des syndicats et
notamment du SNES). Les arguments évoqués
consistent à dire que l’enseignant n’est ni un
confesseur, ni un psychothérapeute ; mais
derrière ces caricatures du tutorat, ce qui
transparaît implicitement, c’est au fond l’idée
qu’une pédagogie différenciée contreviendrait à
l’égalité absolue que le professeur doit maintenir
entre les élèves : « Les bons élèves seront

-39-
pénalisés si on prend plus de temps pour les
mauvais ». On le voit, le débat ne se situe pas
d’abord sur le terrain pédagogique, mais éthique
: égalité et équité s’opposent comme deux
conceptions différentes et antagonistes de la
justice en matière d’éducation.

En second lieu, une composante


« organisationnelle ». A l’opposé de
l’individualisme foncier de l’enseignant
traditionnel (fondé sur la mythologie du Maître
enseignant, on l’a vu, par sa personne plus que
par ses pratiques et assimilant les élèves à des
disciples) aujourd’hui, « le professeur exerce son
métier en liaison avec d’autres, dans le cadre
d’équipes variées » (ibid., p. 1572). La
différenciation de la pédagogie et la mise en
place de pratiques de remédiation supposent un
travail collectif, à la fois dans sa préparation et sa
mise en œuvre. En ce sens, la concertation
devient pour l’enseignant une obligation
déontologique : « il a le souci d’établir des
collaborations avec ses collègues de la même discipline
-40-
et d’autres disciplines ainsi qu’avec le professeur
documentaliste » (p. 1573).

Il ne saurait davantage éluder la charge de


certains apprentissages sous prétexte qu’ils ne
relèvent pas de sa discipline ou de son grade :
«Quelle que soit la discipline qu’il enseigne, il a une
responsabilité dans l’acquisition de la maîtrise orale
et écrite de la langue française et dans le
développement des capacités d’expression et de
communication des élèves » (p. 1575).

Enfin, il faut relever une troisième composante


appelée « réflexive ». Le professeur
d’aujourd’hui a l’obligation de saisir le sens
social, culturel et historique de sa pratique, et
non pas seulement les contenus qu’il enseigne :
«Il doit être à même de mesurer les enjeux sociaux de
l’éducation et de son action au sein du système»
(p.1572). Il doit également «situer l’état actuel de
sa discipline, à travers son histoire, ses enjeux
épistémologiques, ses problèmes didactiques et
les débats qui la traversent ». « Il a réfléchi à la

-41-
fonction sociale et professionnelle de sa
discipline » (p. 1572). Autrement dit, il a le
devoir de ne plus être simplement un spécialiste
compétent dans son domaine, mais un citoyen
responsable et lucide, capable de situer celui-ci
dans un contexte global. C’est pourquoi « il sait
qu’il lui revient de poursuivre sa propre
formation tout au long de sa carrière » et
«actualiser ses connaissances et mener une
réflexion permanente sur ses pratiques
professionnelles » en vue de l’améliorer et de se
perfectionner.

Le rapport Meirieu, on le sait, proposait


d’inclure dans le service des enseignants un
volume annuel d’heures de formation
obligatoire. Une telle mesure n’a pas été retenue.
Elle révolutionnerait profondément la
conception actuelle du métier d’enseignant.
Celle-ci demeure pour l’instant régie par un
modèle « libéral ». Contrairement à l’avocat et au
médecin, l’enseignant est certes salarié, et même
fonctionnaire ; il est soumis à des contraintes
-42-
réglementaires que n’ont pas les professions
libérales. Mais comme celles-ci, il jouit d’une
totale liberté dans sa pratique : à l’intérieur du
programme et des horaires définis par
l’institution, il est totalement libre du choix de
ses méthodes et de ses démarches ; et comme
elles, il est supposé se cultiver librement durant
ses heures de loisir, sans que l’institution puisse
le contraindre à acquérir telles connaissances ou
se former à telles ou telles techniques. Dans
l’enseignement de la philosophie notamment, la
«liberté du professeur » est érigée en dogme au
nom duquel sont rejetées toutes les innovations
didactiques et pédagogiques développées
durant ces vingt dernières années. Ainsi,
l’enseignant doit être aussi un homme de grande
culture.

-43-
L’enseignant : un homme de culture
Un enseignant a rassemblé deux cent mille
francs CFA pour s’acheter les dix volumes de la
collection pédagogie pratique pour l’Afrique et ses
collègues se sont moqués de lui en disant : « toi,
tu construis ta maison en papier », une manière
de lui dire qu’il n’était pas opportun de
mobiliser une si forte somme pour ses livres
alors qu’il pouvait se procurer une parcelle avec
ladite somme. Cette ironie traduit le
comportement qu’adoptent présentement
certains enseignants qui font dos aux portes de
la culture générale et professionnelle.

C’est un véritable danger qui guette la


corporation enseignante. C’est la mort de la
culture et le règne de l’inculture. Et pourtant en
réalité, tout enseignant a besoin de se cultiver. Il
doit se documenter, aller dans les bibliothèques,
écouter la radio, suivre la télévision au moment
des débats importants et aux heures
d’informations et de présentation de
documentaire. Il doit se procurer aussi des livres
-44-
de culture générale notamment en littérature, en
sciences humaines et sociales d’autant plus que,
selon la loi d’orientation n°2003-17 du 11
novembre 2003 modifié par la loi n°2005-33 du
06 octobre 2005 portant orientation de
l’éducation au Bénin, « l’école doit permettre à tous
d’avoir accès à la culture, à la science, au savoir, au
savoir-faire et au savoir-être » (article 3).

S’agissant aussi de la culture professionnelle, il


devrait s’abonner aux revues pédagogiques qui
paraissent en République du Bénin ou ailleurs.
Reconnaissant la nécessité pour l’enseignant de
se cultiver, le législateur a prévu dans la loi
d’orientation qu’ « il est organisé chaque année, à
l’intention des personnels enseignants et
d’encadrement et selon le cas, des programmes de
formations obligatoires de perfectionnement ou de
recyclage destiné à améliorer leurs prestations
pédagogiques, techniques et professionnelles »
(article 66). Le même article souligne la nécessité
de mise en stage du personnel enseignant : « En
fonction des besoins de l’Etat ou sur demande sociale,
-45-
il peut être organisé à l’intention de ses personnels des
stages de requalification» (article 66). Ainsi,
l’enseignant, pour réussir dans sa mission, a
besoin d’avoir une grande culture car :

« L'école doit offrir à tous, la possibilité


d'appréhender le monde moderne et de
transformer le milieu en partant des
valeurs culturelles nationales, du savoir,
du savoir-faire et du savoir-être endogènes
et du patrimoine scientifique universel.

Elle doit permettre à tous les niveaux, une


éducation et une formation permanentes,
favoriser les spécialisations grâce à une
orientation judicieuse qui tienne compte
des capacités individuelles et des besoins de
la Nation.

Elle est ouverte à toutes les innovations


positives utiles et doit prendre en compte
notamment l'instruction civique, la
morale, l'éducation pour la paix et les
droits de la personne, l'éducation en
matière de population et à la vie familiale,
l’éducation relative à l'environnement, et
l'éducation pour le développement
conformément à l'article 40 de la
Constitution » (article 4).

-46-
La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet
1989 en France, en redéfinissant les finalités du
système éducatif, portait en germe une
modification profonde du statut de l’enseignant.
A côté des finalités traditionnelles comme
l’acquisition d’une culture générale, le
développement de la personnalité de l’élève ou
l’éducation à la citoyenneté, qui
s’accommodaient fort bien de la conception
charismatique analysée plus haut, deux finalités
nouvelles apparaissent.

D’une part, le service public de l’éducation doit


«contribuer à l’égalité des chances». C’est
pourquoi, « l'école doit combattre la médiocrité par
la culture de l'excellence tout en sauvegardant
l'égalité des chances pour tous » (Loi d’orientation,
2003, article 5). D’autre part, il doit permettre à
l’élève de « s’insérer dans la vie sociale et
professionnelle». Or, la question de l’égalité des
chances pose immédiatement le problème de la
contradiction entre l’égalité formelle qui a
toujours été assurée par l’école publique (tous
-47-
les élèves reçoivent le même enseignement dans
les mêmes conditions avec les mêmes moyens)
et l’égalité réelle, qui suppose de compenser les
inégalités antérieures et extérieures à l’école -
notamment socioculturelles - donc de « favoriser
les défavorisés », de préférer l’équité à l’égalité
stricte. A cet effet, la loi d’orientation béninoise
citée plus haut « garantit l'égalité des chances,
l'égalité des sexes et l'équilibre interrégional »
(article 12).

L’enseignant ne peut plus être cet arbitre


impartial, ce maître prestigieux qui se pose en
modèle à imiter. Il doit faire des choix, connaître
les élèves auxquels il a affaire dans leur
singularité, repérer leurs difficultés
d’apprentissage, en chercher les causes pour
pouvoir y remédier, définir des priorités. Les
exigences déontologiques qui s’imposent à lui
n’ont plus dès lors seulement trait à sa propre
personne -être suffisamment cultivé et savant
pour pouvoir dispenser un enseignement de
qualité, avoir un comportement irréprochable,

-48-
une parfaite maîtrise de soi, etc. Elles concernent
aussi et surtout sa relation avec les apprenants, à
leurs préoccupations, à leur milieu familial et
social, aux urgences entre lesquelles il est appelé
à trancher. Il ne lui suffit plus d’être
intellectuellement compétent et moralement
respectable, ni d’avoir une personnalité lui
conférant une « autorité naturelle » et un
«rayonnement exemplaire :». Il a également
l’obligation de posséder des capacités et
compétences relationnelles, disposer de
techniques de gestion et de résolution des
conflits, et surtout vouloir l’égalité non comme
un principe abstrait, mais comme un combat
quotidien nécessitant des outils et des méthodes.
Il en va de même pour l’insertion sociale et
professionnelle de l’apprenant. Dans la mesure
où il ne s’agit plus seulement d’une simple
socialisation (apprentissage des règles de base
de la vie en société) couronnée par une
éducation morale et civique, mais d’un accès à
l’autonomie dans toutes ses composantes -
intellectuelle, mais aussi économique, juridique,

-49-
politique, sociale, etc. Elle suppose que
l’enseignement ne se réduise pas à la
juxtaposition de disciplines ou de matières
définies comme les éléments d’une «culture
générale ». La société moderne étant en
évolution constante, elle implique pour
l’enseignant l’obligation de se tenir au courant
de ses évolutions, de ne pas les rejeter dans un
hautain mépris, de ne pas distinguer entre des
apprentissages «nobles» qui seraient de son
ressort et d’autres «subalternes» qu’on
abandonnerait aux familles ou aux
circonstances.

De même, les mots sacrifice, effort, travail…sont


des vocables désagréables dans la culture
actuelle. Les apprenants sont immergés dans
cette culture. L’effort indispensable pour
grandir cède le pas à la commodité, au désir
facile et nous oublions qu’il est nécessaire pour
murir.

Pour y parvenir, l’enseignant a besoin d’avoir


une égalité d’humeur.

-50-
L’enseignant : homme de la maîtrise de soi
L’enseignant a besoin d’une grande égalité
d’humeur. Pour ce faire, il doit se maîtriser
entièrement et éviter d’agir sous l’effet de la
colère car, « la colère est un aveu d’impuissance : on
ne règne sur les âmes que par le calme » (Traité de
législation scolaire, 1983, p. 158). La patience, la
prudence et la douceur sont alors des qualités
indispensables pour lui. Il essaie de créer dans la
classe ou dans l’amphithéâtre, un climat de
confiance qui favorise l’accès à l’acquisition des
connaissances et le développement des
compétences par tous.

La première exigence de l’éducateur est la


maîtrise de soi car, « on ne règne sur les âmes
que par le calme » (§.15). L’enseignant doit
«s’imposer à lui-même les disciplines dont il doit
être le défenseur » (§.5) : ponctualité, patience,
sens de l’effort et du travail bien fait, goût de
l’ordre et de l’épargne, sont ainsi des nécessités
déontologiques, parce qu’on ne peut enseigner

-51-
aux autres des vertus que l’on ne pratiquerait
pas soi-même. Dans cette ligne, sa charge
d’éducation des apprenants l’oblige à éviter tout
harcèlement sexuel grâce à sa maîtrise de soi.
L’enseignant est d’abord un «modèle» en étant
exemple de valeurs qu’il veut que les élèves
apprennent. A ce titre, il enseigne moins par ce
qu’il dit que par ce qu’il fait, et en dernier ressort
par ce qu’il est car, il est impossible de
distinguer, dans le cas de l’enseignant, ce qui
renverrait à une déontologie professionnelle et
ce qui relève de la morale tout court. Car,
l’enseignement est peut-être le seul «métier» où
l’activité publique et vie privée, existence
professionnelle et personnelle se confondent et
se dissocient très difficilement.

Activé de recherche

Démontrer l’utilité de l’éthique de l’enseignement


et proposer un sujet d’étude de cas

-52-
La vie sociale de l’enseignant
L’enseignant est un homme public. Il doit être
courtois, correct et respectable. Il a l’obligation
alors de s’habiller correctement, d’avoir une
conduite irréprochable dans son milieu. En
République du Bénin, le problème est si
préoccupant que le ministre des enseignements
secondaire, technique et de la formation
professionnelle a été obligé de prendre une note
de service en interdisant aux enseignants de
porter des tenues peu recommandables pour
professer.

-53-
-54-
Avec cette note, espérons qu’on s’arrête
simplement à la notion qui explique toute
extravagance et toute malpropreté. La morale
professionnelle recommande une tenue propre
et correcte. Mais de grâce, une tenue correcte ne
signifie pas forcément une tenue française. Au-
delà de ce quiproquo, cette lettre vient à point
nommé d’autant plus que certains enseignants
s’habillent très mal et très souvent.

A titre indicatif et à toutes fins utiles, voici


quelques tenues interdites par la législation
scolaire :

 Pour les hommes :


- Tee-shirt moulant ;
- jeans serrés ;
- tenue Bomba à manche longue ;
- tenue Bomba sans le Gobi ;
- verres fumés non médicaux ;
- casquette (sauf les professeurs de sport) ;
- pantalon et chemise sans enfoncement de
la chemise dans le pantalon ;

-55-
- tenue sale (surtout le col des habits déjà
portés, une journée entière) ;
- souliers avec du fer aux semelles ;
- pantalon sans sous-vêtement ;
- écouteurs dans les oreilles ;
- collier de rappeurs (grand et long) ;

 Pour les femmes :


- Mini-jupe (en dessus des genoux) ;
- collant ;
- faux cils ;
- faux ongles ;
- jeans moulants ;
- chaussures hauts talons ;
- soutien-gorge remontant ;
- habit à grande fente ;
- boucle d’oreille dans les narines ;
- foulard;
- habit transparent ;
- sous-vêtement trop osé.

-56-
Il doit éviter par exemple de se soûler et d’être
un débiteur insolvable. Il ne doit pas donner
dans le jeu des ambitions démesurées. Sa vie de
famille doit être un modèle (pas un troupeau de
femmes querelleuses, d’enfants mal nourris et
mal vêtus), s’il faisait le contraire, il porte
atteinte à sa propre honorabilité. Il est donc un
exemple vivant pour les écoliers, élèves ou
étudiants et le milieu.

Comme tout métier, l’enseignement comporte


certains principes et obligations. L’enfant ne
valant que ce que vaut son maître, ce dernier est
contraint de respecter fidèlement les règles
techniques. L’enseignant se retrouve tous les
jours face à une marmaille d’enfants ou de
jeunes venant d’horizons divers et ayant reçu
chacun une éducation différente de celle des
autres, il doit cependant être un modèle à suivre,
un exemple pour tous, d’où ses exigences.

En effet, Macaire F. (1985) note que l’enseignant


doit être à la hauteur de toutes les questions que

-57-
pourront lui poser ses élèves qui le placent sur
un piédestal, qui ont une très haute idée de lui.
Sa responsabilité devant les élèves l’amène à se
garder de poser des actes qui soient en
contradiction avec sa mission. Il doit vivre ce
qu’il professe, c’est-à-dire qu’il doit être un
exemple, voire un modèle pour ses apprenants.
Rien n’est sans importance pour lui, même pas
sa tenue comme mentionné précédemment. A ce
sujet, Vaast (1985, p. 40) s’adresse aux
éducateurs en ses termes : « Vous n’êtes pas un
fonctionnaire très riche, hélas. Mais cela ne doit pas
vous empêcher d’être correctement et proprement
vêtu ». Par ailleurs, il souligne que : «[…] pas
d’attitudes nonchalantes, pas de cigarettes aux lèvres,
pas de mains dans les poches, pas de coiffures sur la
tête » (Vaast, 1985, p. 41).

L’enseignant demeure également responsable


devant les parents, la patrie et devant l’humanité
toute entière. C’est sur lui que comptent tous les
parents pour la formation de la personnalité
totale de leurs enfants. L’enseignant ne doit pas,
-58-
par conséquent, abuser de leur confiance. L’Etat
pour sa part, a le droit de demander des comptes
à l’enseignant de l’éducation des futurs citoyens.
Son devoir est d’écarter tous ceux qui ne se
comportent pas selon les normes. Dans la même
perspective, Hubert (1965) s’exprime en ces
termes :

« Pas plus qu’il ne se tient à l’écart des


familles, l’éducateur n’a intérêt à se tenir
isolé de la vie elle-même. L’ouvrier sorti de
son atelier, l’employé libéré de son bureau,
l’industriel ou le commerçant évadé des
soucis de leur profession se retrouve dans
la foule anonyme. L’éducateur même dans
les grandes villes mais surtout dans les
petites communes, reste éducateur » (p.
36).

Il ne peut y avoir de scission entre sa vie privée


et sa vie professionnelle, entre les vertus qu’il
enseigne et ce qu’on observe dans ses pratiques
de tous les jours, dans le comportement qu’il

-59-
adopte au quotidien. Sa tenue, son langage, sa
conduite doivent à chaque instant manifester ce
qu’il prêche par l’exemple. Toujours pour
Hubert (p. 217), il faut que « l’enfant sente que
l’éducation s’identifie exactement avec la loi que
[l’enseignant] présente ». Dans ses comportements
de tous les jours, il doit refléter l’image d’une
personne admirable et respectueuse. Les actes
qu’il pose au quotidien doivent être en
congruence avec ses enseignements.

L’action de l’enseignant est une éducation dans


la mesure où elle suscite chez lui le respect du
devoir et de la raison auxquels il s’identifie.
L’humanité a le droit d’exiger qu’on élève la
jeunesse dans un esprit et un sentiment de paix
en écartant l’orgueil tribal ou racial, la méfiance,
le mépris, vis-à-vis des voisins fussent-ils
d’anciens ennemis. Ici, la responsabilité de
l’enseignant tient à l’influence qu’il peut exercer
sur la jeunesse, soit pour le rapprochement, soit
pour l’opposition des peuples. En clair,
l’éducateur a une grande part de responsabilité

-60-
dans l’évolution de l’humanité vers la paix, les
progrès sociaux et la compréhension mondiale.

Vaast (p.41) abonde dans le même sens quand il


dit : « En classe, vous êtes surveillé par vos élèves.
Mais, même dans votre vie privée vous restez
surveillé cette fois par la population qui a toujours le
pouvoir de vous attirer des ennuis professionnels si
votre vie privée la choque ». Tsafak (1998, p. 27)
déclare toujours au sujet des exigences de la
profession enseignante que : « La profession
enseignante est de celles qui prennent tout l’homme.
Elle fait étroitement corps avec la condition humaine,
puisque les plus hautes vertus humaines
constamment s’y épanouissent ; et c’est là sa noblesse.
Il n’y a pratiquement pas de conflit de conscience, de
contradiction possible entre les exigences de la
profession enseignante et la morale ». C’est dans
l’enseignement que les plus grandes vertus de
l’être humain trouvent leur terrain fertile. Cela
est d’autant plus vrai qu’une des finalités de
l’action éducative est de promouvoir ces vertus,
d’éviter tout mal et de chercher sans relâche le
bien.
-61-
L’enseignement fait appel à la fois à la technique
de l’art et à l’éthique professionnelle. C’est dans
le métier d’enseignant que ces deux éléments
fusionnent. Il y a pourtant dans le monde des
professions où l’on peut réussir sans ces grandes
vertus humaines et sans moralité. Il peut arriver
à un soldat en guerre de tuer, mais ce sera par
devoir, dans le seul et unique but de défendre la
patrie. Un policier met hors d’état de nuire un
élément dangereux. Les deux font bien leur
travail tout en posant des actes qui peuvent ne
pas être en harmonie avec leur conscience.
Toujours pour Tsafak (1998), l’enseignant ne
peut se soustraire aux exigences de sa profession
contrairement à une autre catégorie de
travailleurs.

-62-
Les facteurs d’attrait au métier d’enseignant

En général, le métier d’enseignant selon les


chercheurs en sciences sociales fait recours
nécessairement à une disposition naturelle ou
acquise qui crée une pulsion ou un appel
irrésistible, un attachement farouche et donne de
la facilité à exercer le métier librement choisi.
Dans cette ligne, Gado (2013) identifie chez la
plupart des enseignants, certains facteurs qui
suscitent l’attrait pour le métier d’enseignant. Il
retient entre autres : les salaires réguliers, les
vacances, une certaine sécurité d’emploi, les
collègues de travail.

Mais au-delà de tout, l’amour des enfants doit


être primordial. A cet effet, Macaire (1979)
estime que « quiconque aime les enfants et possède,
par surcroît, le goût de l’action réfléchie, ne manquera
pas de se plaire dans l’enseignement » (p.45). C’est
dire aussi que l’enseignant reste responsable vis-
à-vis des enfants. D’ailleurs, Meirieu (2007)
souligne que la responsabilité personnelle est

-63-
primordiale dans l’éthique. Pour lui, « l’éthique
c’est, en effet, ce qui renvoie à ma responsabilité
propre, à la manière dont je suis capable d’offrir à
l’autre la possibilité d’une rencontre, le bonheur de
comprendre et la joie de savoir ». En d’autres
termes, l’éducateur a le devoir de susciter le
désir d’apprendre, le goût de l’effort et la
disponibilité à apprendre. En un mot, la réussite
de son métier dépend de l’engagement, de sa
capacité d’accueil des apprenants, de sa
compétence d’animation et de l’application de
l’éthique ainsi que de son grand sens de
responsabilité.

-64-
Enseignant : Un homme responsable

La responsabilité de l’éducateur découle de sa


mission même et n’a d’égal que la grandeur de
celle-ci. En tant que bâtisseur de l’humanité pour
la part qui lui revient dans ce domaine, la
mission de l’éducateur le place devant une
responsabilité qui n’a de limite ni dans le temps
ni dans l’espace d’autant plus qu’elle fait partie
intégrante de son choix : « le maître doit être
conscient des responsabilités qu’il assume en
embrassant la carrière d’enseignant » (Macaire F.
1979, p.46). La responsabilité dans son sens
moral suppose une attitude qui fait qu’on est
conscient de tous les actes qu’on pose, sachant
qu’on devrait en rendre compte en cas de
nécessité et même en assumer les conséquences
positives ou négatives. Cette lourde
responsabilité revêt un caractère
pluridimensionnel et présente, de ce fait, les
exigences, les difficultés et la délicatesse d’un
métier où aucune erreur n’est permise.

-65-
Enseignant : Un homme digne

L’enseignant est un éducateur, c’est-à-dire un


homme qui a pour souci premier la formation
complète et harmonieuse des êtres humains qu’il
a à sa charge. C’est un être qui se distingue par
sa générosité, son dynamisme, sa façon de faire
et d’agir. Il est donc l’exemple vivant de la
dignité elle-même, et ceci, en tous lieux et en
toutes circonstances. Il doit être capable d’un
jugement sûr qui fasse de lui un exemple positif.

De ce fait, l’enseignant mettra tout en œuvre


pour ne pas trahir cette confiance placée en lui.
Ainsi, aux yeux de l’apprenant, il apparaît
comme le devoir incarné et personnalisé. Il est
tenu de servir partout où besoin se fait sentir,
quelles que soient les difficultés qu’il rencontre
et l’idée que les autres se font de lui. Un employé
peut se permettre de ne pas aller au travail, sans
que cela ait un effet sur son entourage, sans que
l’attention du public ne soit attirée. Lorsqu’un
enseignant est absent, c’est tout l’établissement
-66-
et même toute la localité qui est au courant. Les
élèves abandonnés, bavardent et attirent
l’attention des classes voisines ; une fois de
retour à la maison, ils rendent fidèlement
compte du scandale qu’ils auront vécu à leurs
parents et à toute la communauté (Tsafak, 1998).
L’enseignant demeure très surveillé par tous.

Pour Desamais et Gineste (1963), personne n’est


obligé de se faire éducateur. Mais celui qui
choisit de le devenir doit envisager avec gravité
toute l’étendue de ses devoirs, toutes les
difficultés de sa charge et en accepter, sans
arrière-pensées, toutes les conditions. On ne
saurait parler de bons enseignants sans vocation,
sans une foi qui soutient et qui élève, sans une
volonté absolue de se consacrer entièrement à
l’éducation.

Par ailleurs, l’enseignant(e) se garde de toute


forme de discrimination en rapport avec la
nationalité, l’appartenance ethnique, le niveau
social, la religion, les opinions politiques,
-67-
l’infirmité, la maladie, etc. Il manifeste le même
degré de considération à tous les apprenants. Il
soutient les parents dans leur tâche éducative en
restant à leur écoute et en s’efforçant de
maintenir le dialogue. Il expose concrètement
ses objectifs pédagogiques et sait au besoin les
adapter aux situations particulières des
apprenants. Enfin, il n’abuse pas du pouvoir que
lui confère sa profession à l’endroit de
l’apprenant, ni des parents, etc.

-68-
CONCLUSION

En définitive, l'enseignant n'est pas un homme


extraordinaire ; il n'est pas non plus un
homme ordinaire. Nous avons eu l'occasion de
le comprendre. Il est du service public, agit sur
les âmes, éduque et forme des générations
entières. Il reste un bâtisseur de la nation, un
socle du développement. Il doit alors s'occuper
de son travail, accomplir sa mission avec
amour, zèle et sagacité. Il mérite une
honorabilité qu'il doit défendre chaque jour.
Aimer son travail et les apprenants comme soi-
même, tel doit être son leitmotiv. Ensemble,
redorons alors nos blasons pour faire
reconnaître l'image de l'enseignant d'hier : «
l'homme correct, consciencieux,
laborieux, studieux, dévoué et cultivé». Car, il
devient de plus en plus un coach. Pour ce faire,
il importe que l'enseignant agisse en
professionnel tout en suivant les normes
éthiques dans l'exercice de ses fonctions.
-69-
En somme, la formation à l'éthique constitue
un réel atout dans la réalisation de la personne
humaine d'autant plus que l'éthique joue un
rôle primordial dans la structuration de la
personnalité, de l'épanouissement de l'homme
et de la qualité de ses relations humaines dans
la société.

-70-
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-78-
TABLE DES MATIERES

Avant-propos………………………………………3
Introduction………………………………………..5
Déontologie : sens, enjeux et utilité….…...…….. 6
Ethique…………………………………………….11
Quelques qualités de l’enseignant.......................17
Mission de l’enseignant………………………….18
La vocation professionnelle……………………..22
La conscience professionnelle…………………..24
Les devoirs de l’enseignant……………………..34
L’enseignant : un homme de culture…………...44
La maîtrise de soi…………………………………51
La vie sociale de l’enseignant…………………...53
Les facteurs d’attrait au métier d’enseignant….63
Enseignant : Un homme responsable ……….....65
Enseignant : Un homme digne……………….... 66
Conclusion………………………………………...69
Références bibliographiques…………………… 71
Table des matières………………………………..79

-79-
Dépôt légal : N° 10469 du 06 /07/2018
Bibliothèque Nationale du Bénin 3èmetrimestre

Achevé d’imprimer sous la presse « Les éditions ProTIC »


BP 1468 Abomey-Calavi (BENIN)
Téléphone : (+229) 95 86 99 51/ 97 67 44 49

-80-

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