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FASCICULE DE
PHILOSOPHIE
Offert
par :
- la CDC
- la Ville
de
Guédiawa
ye
- la Ville
de Pikine
Février 2020
République Du Sénégal
Un Peuple – Un But – Une Foi
FASCICULE DE
PHILOSOPHIE
Offert
par :
- la CDC
- la Ville
de
Guédiawa
ye
- la Ville
de Pikine
Février 2020
SOMMAIRE
sociale…………………………………………………………….P.21
P.48
2
COMPOSITION DU COMITE DE PILOTAGE
Le comité qui a piloté l’élaboration du fascicule est ainsi constitué :
- Gana SENE à l’Inspection d’Académie (IA) de Pikine-Guédiawaye (Inspecteur
d’Académie entrant),
- Seyni WADE à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Inspecteur d’Académie sortant),
- Idrissa GUEYE à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Secrétaire général entrant),
- Aboubakry S NIANG à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Secrétaire général
sortant),
- Adama DIOUF Consultant,
- Saliou SALL au Centre régional de Formation des Personnels de l’Education
(C.R.F.P.E.) de Dakar,
- Mamadou Lamine SYLLA à la Caisse des Dépôts et Consignations (C.D.C.),
- Matar DIOP à la C.D.C.,
- Samane M. GNING à la C.D.C.,
- Magueye SECK à la Mairie de Ville Pikine,
- Salamata LY à la Mairie de Ville Pikine,
- Charles Ousmaïla NDIAYE à la Mairie de Ville de Guédiawaye,
- Pape Maoumy FALL à la Mairie de Ville de Guédiawaye.
3
AVANT-PROPOS
L’option pédagogique, dans le fascicule, est orientée vers l’entrée par les
compétences requises pour le traitement des exercices proposés en philosophie, la
dissertation et le commentaire.
Les sujets traités mettent ainsi l’accent sur les quatre compétences que sont :
- La Conceptualisation : elle consiste à définir philosophiquement une
notion-problème parce qu’elle engage un double rapport : le rapport de la
pensée au langage et le rapport de la pensée à elle-même. Les notions
communes sont souvent confuses d’où la nécessité de les conceptualiser,
c’est-à-dire, leur donner un contenu précis à partir duquel il est alors autorisé
d’engager une réflexion rigoureuse.
Enfin, les exercices traités portent sur trois domaines du programme officiel de
philosophie en vigueur dans les établissements secondaires du Sénégal. L’objectif
principal est de faciliter les conditions d’apprentissage de la philosophie et de
permettre par la même occasion d’apporter des solutions aux difficultés que
rencontrent les apprenants.
4
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE
II- PROBLEMATIQUE
Il n’est pas aisé de donner une définition de la philosophie qui échappe à toute
controverse. Ce qui peut sembler décourageant et pourrait conduire à renoncer à
toute tentative de la définir. Cependant, la perspective de ne pas définir la
philosophie n’est-elle pas incompatible avec l’exigence de la quête de la vérité ? La
définition de la philosophie est-elle un acte superfétatoire (inessentiel, inutile) ou
présente-t-elle un enjeu de taille et qui apparaît dès lors comme une décision
relevant à la limite d’une nécessité ? Si on ne la définit pas comment la distinguer de
ce qu’elle n’est pas ? Par-delà toutes ces définitions n’y aurait-il pas un caractère
commun qui détermine toutes les philosophies quelles que soient leur obédience ?
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III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
- Première étape de la réflexion : Validation de la thèse implicite.
« On doit s’abstenir de définir la philosophie » : On a souvent tendance à renoncer à
la définition de la philosophie. Quelles sont les raisons qui pourraient fonder une telle
opinion ?
Argument 1
La diversité des définitions de la philosophie qui sont pour la plupart du temps
divergentes, voire contradictoires, conduit bien souvent à croire qu’il n’est pas
opportun de la définir, de lui donner un contenu qui, de toute évidence sera
interrogé. S’il y a diversité des définitions, cela peut se justifier par le fait que la
philosophie est une pensée personnelle, une prise de position d’un sujet pensant qui
vise l’universalité de par sa dimension rationnelle et critique, ne s’appuyant que sur
la seule force démonstrative érigée en élément de preuve. Ainsi, le débat
contradictoire est toujours autorisé. Ce n’est pas étonnant parce que, dès son
avènement, la philosophie se présente et s’affirme comme un espace ouvert
caractérisé par le débat contradictoire. L’histoire de la philosophie révèle qu’elle se
présente sous la forme de la relativité de conceptions qui s’affrontent et se
contredisent de sorte que Kant a pu assimiler la philosophie à une arène, un champ
de bataille où il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. C’est cette diversité qui fait dire à
Sartre que « la Philosophie n’est pas…En fait, il y a des philosophies » ; autrement,
dit il n’y a pas une philosophie universellement acceptée par tous les philosophes.
Chaque philosophe la conçoit à sa manière.
Ceci s’explique par le fait que chaque philosophe pense en fonction de son contexte
socio-culturel, historique, économique et de son profil psychologique. Dans ce cas de
figure, chaque philosophe développe sa propre vision du monde, une vision
personnelle différente de celle des autres philosophes, à partir de l’idée qu’il se fait
de la philosophie. Cette contradiction se comprend parce que dans l’univers grec où
elle a émergé, ainsi que nous l’enseigne Vernant, elle adopta d’emblée les règles du
jeu intellectuel qui sont entre autres, le débat contradictoire, la libre discussion.
Chaque nouvelle théorie est livrée à l’appréciation de tous et soumise à la critique
sans complaisance. C’est bien en effet, dans cet affrontement d’idées que la
philosophie voit le jour. C’est dire que la philosophie est née du débat contradictoire
et s’en nourrit. Est-il alors étonnant de voir apparaître tant de divergences entre les
philosophes, de voir naître des théories et conceptions différentes à l’intérieur de la
philosophie ? Si donc la philosophie se présente sous la forme de conceptions
différentes et contradictoires, il n’est pas surprenant d’avoir des définitions variées et
opposées au point de décourager tout esprit naïf qui tenterait de la définir.
L’affrontement entre théories opposées est sans merci, sans aucun répit. Ce qui rend
encore plus difficile la tentative de trouver une définition unanime de la philosophie.
S’il est vrai que la diversité des définitions de la philosophie peut trouver une
explication dans les différentes conceptions du monde et les orientations théoriques
de chaque philosophe, l’historicité de la philosophie peut aussi être un facteur
justificatif.
6
Argument 2
La philosophie est aussi caractérisée par son historicité. Lorsqu’on parle de
l’historicité de la philosophie, cela signifie qu’elle est engagée dans ’histoire, elle ne
naît pas ex nihilo. En effet, toute philosophie est tributaire de son époque. Parler de
l’historicité de la philosophie revient ainsi à affirmer qu’elle dépend d’un ensemble de
facteurs historiques. Autrement dit, la philosophie est plongée dans le devenir de
l’humanité, elle change d’une époque à une autre en fonction de l’évolution des
hommes. C’est le sens qu’il convient de donner au propos de Hegel lorsqu’il écrit :
« toute philosophie est fille de son époque ». En tant qu’elle est une activité de
l’esprit qui s’interroge sur l’expérience humaine, la philosophie dépend de l’ensemble
des déterminations et des conditions spirituelles et matérielles de son temps. Dès
lors que ces conditions évoluent d’une époque à une autre, les philosophies qui sont
la quintessence de l’expérience humaine à une époque donnée, évoluent également.
N’est-ce pas dans ce sens qu’il convient de comprendre le propos de Marx selon
lequel « les philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons. Ils sont
les fruits de leur époque, de leur peuple, dont les énergies les plus subtiles et les
moins visibles s’expriment à travers les idées philosophiques. Le même esprit qui
construit les chemins de fer avec les mains des ouvriers, construit les systèmes
philosophiques dans le cerveau des philosophes. La philosophie n’est pas extérieure
au monde. Toute philosophie véritable est la quintessence spirituelle de son
époque. » Ce qui signifie que le philosophe ne tombe pas des nuées, il n’est pas un
esprit désincarné : il est imprégné des réalités de son temps et qu’il retraduit en
pensées, en concepts. On comprend dès lors pourquoi la définition et les rôles
conférés à la philosophie puissent changer.
7
- Deuxième étape de la réflexion : Les limites de la thèse.
L’obligation de définir la philosophie présente un enjeu de taille pour quiconque
entreprend de philosopher.
Argument 1
Toute discipline qui se veut rigoureuse doit commencer par délimiter son domaine
d’application. La philosophie n’échappe pas à cette règle. En effet, comment la
philosophie pourrait-elle entreprendre une quête rigoureuse de la vérité sans pour
autant savoir ce qu’elle est ? Comment pourrait-on la distinguer des autres modes de
connaissance ? Si elle n’est pas définie, on encourt des risques énormes, c’est la
porte ouverte à toute sorte de dérive, à des confusions. On comprend pourquoi dès
l’origine, Socrate commence la quête de la vérité en cherchant le concept à travers la
question « qu’est-ce que ? ». C’est dans ce sens que chaque philosophe accorde de
l’importance à la question « Qu’est-ce que la philosophie ? »
Mais il convient de préciser que la philosophie ne recherche pas l’unanimité à
tout prix. C’est pourquoi tant d’esprits vaillants qui s’accordent tous à se nommer
philosophes ne définissent pas leur activité de la même manière, ou du moins ne
donnent pas le même contenu à la notion de « philosophie ». Et pourtant il semble
bien qu’ils aiment tous la vérité et recherchent la sagesse. Les points de vue en
philosophie, sans pour autant être subjectifs, sont tout de même personnels et
participent à l’élaboration de théories qui s’affrontent inévitablement. Si donc les
définitions sont propres à chaque philosophie, il faut dire que ce fait n’est point
étranger à la philosophie, mais en est plutôt une partie intégrante. Il y aurait pour
cette raison autant de définitions de la philosophie qu’il y a de philosophes.
L’accepter et l’intégrer, c’est être dans la philosophie et non en dehors. Ainsi, chaque
philosophe avance une conception de la philosophie qui se heurte aux autres
conceptions dont elle se distingue. Ce qui enrichit l’activité philosophique par un
déploiement toujours continu de définitions qui n’en épuisent pas le sens mais qui
portent toutes les caractéristiques propres à la philosophie dont elles ont en partage
ce qui en constitue la quintessence.
8
Argument 2
Saisir l’intentionnalité philosophique dans ce qu’elle a de plus essentiel est une tâche
que doit accomplir quiconque entreprend de cheminer dans la voie philosophique
d’autant plus que, comme le dit Simone Manon, « Chaque auteur incarne
l’intentionnalité philosophique à sa manière, en réactualise la nature et les fins de
telle sorte qu’il peut être intéressant d’en écrire les variantes. On ne doit pas avoir
peur de la contradiction car elle caractérise la philosophie ».
Cependant, n’est-ce pas un défi des plus grands pour la philosophie, une
gageure, que de tenter de cerner, de saisir ou de délimiter cette activité appelée
philosophie ?
Aucune philosophie ne peut donc exister sans se définir. Définir, c’est tenter
de saisir la nature d’une chose et l’essence de la philosophie est à chercher non pas
dans les contenus mais bien plutôt dans une certaine posture qui caractérise toute
philosophie et qu’on nomme esprit critique. On doit donc définir la philosophie parce
que sa définition demeure un problème, elle « est en jeu dans le questionnement et
la pratique philosophique. »
Ainsi que nous l’avons montré tantôt, la philosophie qui ne cesse de se déployer, de
prendre des formes nouvelles, d’emprunter de nouvelles voies en raison de sa liberté
et au gré de ses diverses aventures, ne saurait se définir à partir des contenus qui
varient d’une doctrine à l’autre mais plutôt à partir d’une attitude critique
caractéristique de toute philosophie, qui est toujours la même vis-à-vis de ces
contenus et qui autorise à parler de la philosophie pérenne.
9
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE
10
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
La philosophie semble inutile pour le sens commun qui perçoit l’utilité dans sa
dimension matérielle. La philosophie serait inutile croit-on, parce qu’elle semble
éloignée de nos préoccupations immédiates qui sont plus tournées vers les questions
de survie et de bien-être. En effet, elle ne peut se développer réellement que lorsque
l’on a satisfait d’abord aux besoins vitaux comme manger, boire, etc. Aristote
affirmait que cette discipline n’apparaît que lorsqu’on a déjà satisfait aux besoins
matériels. En d’autres termes, face à l’urgence de la vie, elle apparaît ainsi comme
une discipline de luxe qui ne peut s’exercer que lorsqu’on est libéré des soucis
ordinaires. Ce n’est pas étonnant qu’elle soit née en Grèce, particulièrement chez les
nobles qui, pendant que les esclaves s’acquittaient des taches journalières, eux
pouvaient s’adonner librement à la réflexion et à la contemplation. Hobbes écrit dans
le Léviathan que « l’oisiveté est la mère de la philosophie ». Ce qui renforce l’idée
que la philosophie ne peut être pratiquée que lorsqu’on se sera émancipé du souci
matériel. S’interrogeant sur nos savoirs et nos pratiques, elle ne donne pas de savoir-
faire et de compétence pour garantir à l’homme le confort matériel auquel il aspire
de plus en plus dans une société ultra moderne où la consommation est poussée à
son paroxysme, à l’extrême. On lui reproche ainsi son inaptitude à changer la réalité
et à installer l’individu dans un doute perpétuel qui peut le plonger dans une
inquiétude permanente et qui pourrait l’empêcher d’agir.
Argument 2
La philosophie paraît également inaccessible à la plupart des gens du fait de son
caractère abstrait et spéculatif. Ces préjugés semblent trouver leur ancrage dans la
dimension métaphysique de la philosophie. En effet, la métaphysique soulève des
questions complètement décentrées des préoccupations immédiates de l’homme. Ces
questions précisément portent, par exemple, sur le sens de la vie, la question de la
mort, l’existence de Dieu.
Il s’y ajoute que l’absence de réponses définitives aux questions qu’elle se pose,
amène à penser qu’elle est statique et figée, donnant ainsi l’impression d’un
verbiage. C’est de cette façon que pense l’homme du sens commun, l’homme de la
rue qui n’est mu que par des besoins pratiques. S’insurgeant contre celle attitude qui
n’est pas fondée en raison, Bachelard montre que l’opinion ne pense pas et qu’elle
« traduit ses besoins en pensées ». C’est justement ce qui l’empêche de saisir
l’essentiel et, par voie de conséquence, de philosopher.
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Deuxième étape : Les limites de la thèse. La philosophie, à défaut d’être utile
au sens où l’entend le sens commun, a tout de même de la valeur.
Argument 1
La valeur d’une chose ne dépend pas forcément de son utilité pratique. Comte-
Sponville fait remarquer que beaucoup de choses ayant une très grande importance
dans la vie de l’homme, telles que l’amour, le bonheur, le beau, ne sont pourtant
d’aucune utilité matérielle. L’art par exemple, en dépit de son inutilité, nous procure
une satisfaction spirituelle. Il en est de même des valeurs (religieuses, esthétiques,
morales.) qui sont par essence abstraites et qui pourtant sont d’une importance
capitale parce qu’elles donnent des repères aux hommes pour organiser leur
existence individuelle et collective.
C’est aussi le cas de la philosophie qui joue le rôle de conscience critique de
l’Humanité. Or il n’y a pas de révolution intellectuelle proprement dite là où la pensée
critique ne s’exerce pas en toute liberté. C’est sous ce rapport qu’il faut entendre
Russel qui souligne que la valeur de la philosophie réside dans le doute libérateur.
Elle libère des dogmes (opinions, traditions, croyances,…) qui sclérosent la pensée de
l’homme et freinent son autonomie intellectuelle. Elle détruit les préjugés, par
exemple l’idée que la technoscience pourrait à elle seule satisfaire la totalité des
besoins de l’homme. C’est oublier qu’en sa qualité d’ « animal métaphysique »,
comme dit Schopenhauer, l’homme a besoin de s’interroger sur son existence.
Argument 2
Penser que la philosophie est inutile peut relever d’un jugement abusif. Par sa double
fonction de veille et d’éveil, elle participe effectivement à la transformation du
monde. Il est certain que la philosophie relève de la sphère de la pensée et non de
celle de l’action. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’elle intervienne directement
dans le processus de transformation du monde au même titre que la technoscience.
Son implication dans ce processus s’exerce sur la conscience des hommes qui sont
appelés à changer le monde. D’ailleurs, l’histoire nous enseigne que les
bouleversements socio-politiques comme ceux qu’on a observés par exemple, à la
place Tiananmen en Chine, le printemps arabe au Maghreb, sont toujours précédés
de révolutions intellectuelles. Marx ne disait-il pas qu’ « une idée devient une force
quand elle s’empare des masses ».
Exemple de conclusion :
Au regard de son caractère spéculatif, la philosophie peut apparaître comme une
entreprise vaine. C’est ce qui justifie d’ailleurs qu’elle fasse souvent l’objet d’un rejet.
Pourtant cette dimension spéculative lui confère à bien des égards la possibilité de
remplir une fonction d’éveil et d’alerte.
Malgré toutes les accusations dont elle fait l’objet, paradoxalement le besoin de
philosopher s’intensifie avec la déliquescence des valeurs et les dérives de la
technoscience. Il devient urgent alors pour l’humanité de comprendre que ses
moyens de vivre ne doivent pas compromettre ses raisons de vivre. Ne serait-ce que
pour cette raison, le besoin de philosophie, aujourd’hui plus que jamais s’avère
nécessaire.
12
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Toute pensée » :
« Toute’ » renvoyant ici à la totalité et se rapportant à la pensée, désigne l’ensemble
des formes de pensées entendues au sens de théories ou de productions
intellectuelles. Il s’agit ici d’une généralisation sans distinction aucune de toutes les
formes de production désignées par l’expression « toute pensée ».
« Pensée » peut désigner les mythes, les cosmogonies, les divers systèmes de
croyances ou religions (reposant sur des textes écrits ou sur des récits oraux), mais
aussi les théories dites rationnelles telles la philosophie ou la science.
« Philosophique » : désigne ce qui se rapporte à la philosophie et qui est donc, à la
fois, rationnel et critique.
II- PROBLEMATISATION
Qualifier toute pensée de philosophique c’est admettre que toute production
intellectuelle relève du domaine de la philosophie. N’est-ce pas la meilleure façon de
nier la spécificité du discours philosophique que de dire que toute pensée est
philosophique ? Bien qu’étant du domaine de la pensée, la philosophie n’a-t-elle pas
des caractéristiques propres qui la particularisent par rapport à d’autres formes de
pensée ?
13
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
Selon une conception assez répandue, tout homme qui pense s’adonne d’une
manière ou d’une autre à la philosophie. Autrement dit, il suffirait de penser pour
philosopher. C’est ce qui conduit à croire que chacun est philosophe. De ce point de
vue on confond philosophie et opinion ou encore philosophie et point de vue,
principes de vie. Ainsi il n’est pas rare d’entendre l’homme du sens commun dire par
exemple : « ma philosophie m’interdit de faire telle ou telle chose » pour signifier
que sa propre vision du monde a valeur philosophique. De même on est amené à
penser qu’il y aurait de la philosophie dans les contenus culturels (mythes, religions,
proverbes, contes, légendes, etc.). La philosophie sous ce rapport se réduirait à une
simple vision ou représentation du monde. Mais cette philosophie spontanée que
Gramsci qualifie de « philosophie implicite » n’est-elle pas à distinguer de celle dite
« explicite » ?
Argument 2
Les mythes, les cosmogonies ou les autres formes de pensées de même nature ont
pour vocation d’expliquer le monde en vue de satisfaire la curiosité et le désir de
connaître présent chez tout homme. Dans certaines cultures, ces premières
approches du réel portent le nom de philosophie. En effet, si la philosophie se définit
comme une quête de sens, et dans la mesure où ces formes de représentation en
sont porteuses et qu’elles renferment également une certaine forme de rationalité,
on peut alors être tenté de les qualifier de pensées philosophiques. C’est le cas du
Révérend Père Placide Tempels qui confère à la cosmogonie bantoue un statut
philosophique. On peut aussi citer le cas du Professeur Assane Sylla qui donne un
titre assez évocateur à son ouvrage : La philosophie morale des Ouolof.
Mais on peut se demander si toute vision du monde est assimilable à de la
philosophie. En d’autres termes, faut-il admettre que les pensées contenues dans les
cosmogonies et croyances sont philosophiques ?
14
- Deuxième étape : limites de la thèse. La philosophie est une réflexion
rationnelle et critique.
Argument 1
Le fait que la philosophie relève du domaine de la pensée ne signifie pas pour autant
que toute pensée est philosophique. Certes la pensée en est une condition
nécessaire sans toutefois en être la condition suffisante. En effet, la philosophie est
une forme de représentation du monde au même titre que le mythe par exemple.
Mais ce qui distingue ici la philosophie du mythe est son approche rationnelle. C’est
aussi ce qui la distingue de toutes les autres formes de représentation du monde.
Dire que la philosophie est une pensée rationnelle c’est d’abord affirmer qu’elle est
une production de la raison. En tant que telle, elle est soumise à l’exigence de
cohérence, ce qui suppose une organisation méthodique, un enchaînement rigoureux
des idées, fondé sur le modèle du raisonnement mathématique. Platon, pour mettre
l’accent sur la spécificité de la réflexion philosophique et la rupture qu’elle opère
d’avec les autres modes de pensée fait remarquer que « les subtilités mythologiques
ne méritent pas d’être soumises à aucun examen sérieux. Tournons-nous plutôt du
côté de ceux qui raisonnent par voie de démonstration » pour faire référence à la
philosophie. C’est sous ce même rapport qu’il affirmait que le mythe est ruiné de
l’intérieur par la contradiction.
Argument 2
En plus, l’activité philosophique se donne pour mission d’interroger tout savoir, toute
connaissance. La méthode critique trouve dès lors sa justification dans la prise de
conscience que nos connaissances premières sont toujours mal fondées parce
qu’elles relèvent de l’opinion, des sens. Autrement dit, elles sont généralement
formulées sans le concours de la raison, sans aucune méthode. A partir du moment
où elles sont fausses, elles se présentent comme dangereuses. Ici le doute apparaît
comme ce qui accroît la vigilance de l’esprit, qui le met en alerte. On peut dire à
juste titre qu’il est une sorte d’anticorps qui empêche la contamination de l’esprit par
des contre-vérités, les préjugés, les superstitions. La critique s’impose ainsi comme
une précaution nécessaire pour toute entreprise qui se propose de rechercher la
vérité : elle une voie obligée avant d’admettre ou de rejeter toute proposition. Cette
exigence de critique, en même temps qu’elle est orientée vers les autres domaines
de connaissance, s’applique également à la philosophie. Ainsi la vocation à la fois
critique et autocritique de cette discipline la démarque des autres formes de pensée
qui pourraient lui ressembler sans être elle. La double exigence, la rationalité et
critique, qui est la marque distinctive de la philosophie implique qu’elle ne puisse se
déployer tout en s’ignorant. Autrement dit, la conscience d’elle-même en tant
qu’approche du réel est de facto inhérente à son déploiement. En termes clairs, l’idée
d’une philosophie implicite est totalement irrecevable.
15
Exemple de conclusion :
Il y a certes une idée répandue qui veut que chaque homme qui pense philosophe à
sa manière. Même des systèmes de pensée tels que les mythes, les croyances et les
cosmogonies revendiquent le statut de philosophie. Cependant, force est d’admettre
qu’il ne suffit pas de penser pour philosopher même si l’acte de penser y est
essentiel. Faudrait-il encore qu’on exerce sa pensée de façon rationnelle. S’y ajoute
qu’une théorie peut prétendre à la rationalité, comme la science sans pour autant
s’identifier à la philosophie. La philosophie est en définitive identifiable par sa nature
critique et autocritique. Elle interroge toutes les vérités établies sans jamais cesser
de s’interroger sur les vérités qu’elle prétend établir elle-même.
16
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
Le sujet comprend trois (3) mots importants qui méritent d’être correctement
élucidés pour comprendre son sens : Idée ; philosophie africaine ; défendable.
« Idée » : dans le contexte précis du sujet, le mot idée est synonyme d’une
croyance, d’une opinion, d’une proposition, d’une thèse, d’une théorie que l’on tient
pour vraie et que l’on s’attache à défendre. Ce qui laisse entendre que « la
philosophie africaine » n’est pas une réalité effective, son existence fait l’objet d’une
polémique, d’un débat contradictoire.
« Philosophie africaine » : il y a une nuance fondamentale à opérer entre
« philosophie africaine » et « philosophie en Afrique ». La « philosophie en Afrique »
désigne l’état de la philosophie en Afrique et le mot philosophie est ici considéré dans
son acception universelle. En revanche « philosophie africaine » renvoie à une autre
signification par l’adjonction de l’épithète « africaine » à la philosophie pour la
qualifier. Ainsi, « philosophie africaine » indique une philosophie qui serait spécifique,
propre à l’Afrique. Le néologisme « ethnophilosophie » est la terminologie usuelle
pour désigner cette philosophie spécifique, propre à l’Afrique. Ce qui laisse entendre
que l’ethnophilosophie aurait ses marques propres qui permettraient de la distinguer
de la philosophie occidentale en particulier et des autres formes de philosophies en
général.
« Défendable » : qui peut être défendu c’est-à-dire qui peut être soutenu ou
justifié. Il s’agit de ce dont on peut plaider en sa faveur.
II - PROBLEMATISATION
L’idée d’une philosophie africaine a fait l’objet d’une thèse défendue par ceux qui
sont communément appelés les ethnophilosophes. Cette philosophie se retrouverait
dans les mythes, les contes ou encore les proverbes. Cependant il y a lieu de se
demander si la philosophie se détermine en fonction des particularités culturelles,
civilisationnelles, voire géographiques, ou bien si elle doit plutôt être une activité
universelle, la même pour tous.
17
III-QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
En Grèce antique, les écoles philosophiques étaient de véritables communautés
formées par des personnes qui partagent la même vision du monde lisible à travers
leur mode de vie. Nous pouvons citer à titre illustratif les pythagoriciens chez qui
nous observons le culte du nombre ainsi que le signifiait Philolaos : « tout est
nombre » et qui les poussa à développer les sciences mathématiques. Dès l’antiquité,
toujours vêtus de blanc, ils avaient anticipé le comportement végétarien qu’ils
justifiaient par la théorie de la métempsychose, en vertu de laquelle les âmes
immortelles migrent d’un corps à un autre y compris ceux des animaux. C’est la
même qui s’observait chez les platoniciens, les épicuriens, les stoïciens…
Cela peut légitimer l’existence de communautés de pensée, que des personnes qui
partagent une même aire géographique et culturelle peuvent également avoir en
partage une certaine philosophie entendue ici à la fois comme une Weltanschauung,
c’est-à-dire une vision du monde et comme une sagesse vécue.
Argument 2
La démarche ethnophilosophique consistera alors à identifier la philosophie d’une
société à sa vision du monde, à son système de valeurs enfouis dans la conscience
collective, lisible et traduisible à travers mythes et rites, proverbes et coutumes.
Selon cette conception, toute société, n’importe laquelle, aurait une philosophie
implicite qui se confondrait avec sa vision du monde. Le rôle de la philosophie serait
dès lors de procéder à une étude des éléments culturels (démarche ethnologique) et
de mettre en évidence à la fois la cohérence de la pensée et le lien entre cette
conception du monde et l’orientation de l’action.
C’est dans cette logique que s’inscrit la démarche de l’ouvrage La Philosophie Bantou
du Révérend-Père Tempels qui inaugure le débat autour de l’existence d’une
philosophie propre à la communauté bantoue et au-delà à toute les communautés
africaines philosophie africaine. C’est dans cette perspective qu’on a affirmé
l’existence d’une philosophie bambara, ouolof, diola.
18
- Deuxième étape : Limites de la thèse implicite.
La philosophie est une activité rationnelle, critique et elle s’exprime à titre individuel,
généralement sous la forme d’un système.
Argument 1
La philosophie est une activité rationnelle, universelle.
Il ne serait pas légitime de bouleverser les repères classiques de la philosophie pour
aménager un espace à l’Afrique dans le déploiement de la pensée universelle.
L’ethnophilosophie fonctionne comme si les africains étaient des êtres à part si bien
que l’individu y serait incapable de penser par lui-même et développer une
conception du monde qui ne serait pas sous l’emprise de la pensée commune à son
peuple. Dans Le Discours de la Méthode, René Descartes proclame l’universalité de la
raison. Elle est « la chose du monde la mieux partagée ». Ce qui distingue les
hommes entre eux, ce n’est donc pas que les uns ont plus de raison que les autres ;
c’est précisément dans la manière de s’en servir que réside la différence. La
philosophie n’est pas envisageable sans la raison qui est le seul mode d’accès
légitime à la connaissance critique. Elle ne se conçoit pas non plus indépendamment
de la responsabilité du sujet pensant et de l’esprit critique qui en est le moteur. A ce
titre, le philosophe est nécessairement auteur de sa pensée dont il porte l’entière
responsabilité Cette responsabilité individuelle du philosophe dans son rapport à sa
philosophie fait dire à Husserl que la philosophie est une « affaire personnelle » du
philosophie même si par ailleurs sa visée est l’universel.
Argument 2
La philosophie semble rebelle à toute définition formelle. C’est d’ailleurs dans cette
brèche que s’engouffre une indulgence ou complaisance intellectuelle qui voudrait
que tout soit philosophie. Il est plus opportun de s’en remettre au rôle de la
philosophie de manière générale dans l’histoire et en particulier dans la situation de
l’Afrique, continent meurtri par l’esclavage, sous domination coloniale et noyé dans la
mondialisation. Cette Afrique sans repères, confrontée à une crise métaphysique
sans précédent n’éprouve nullement le besoin d’une pseudo-philosophie figée,
enfouie dans ses représentations culturelles primitives. Il y a donc nécessairement
lieu de reconsidérer la posture ethnophilosophique sous un angle critique tout en
mettant en garde l’intelligentsia africaine face à ses responsabilités historiques. La
fonction véritable de la philosophie est de libérer les consciences de la tyrannie de
l’obscurantisme, des superstitions, de l’ignorance asservissante et d’orienter l’avenir.
C’est peut-être sous ce rapport que Marx pensait que les philosophes n’ont que de
trop interpréter le monde, « maintenant il s’agit de le transformer ».
19
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
Sujet 1 : « Posons donc que tout ce qui est universel chez
l’homme relève de la nature et se caractérise par la spontanéité,
que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture
et présente les attributs du relatif et du particulier ».
Appréciez ce propos de Lévi-Strauss.
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Universel » : ce que tous les êtres ont absolument en partage.
« Nature » : c’est ce qui existe indépendamment de l’activité transformatrice de
l’homme ; ici « nature » renvoie au naturel en l’homme, c’est-à-dire, l’ensemble des
caractères communs à l’espèce humaine, l’hérédité. Il ne faut pas confondre la
nature en l’homme de la nature de l’homme qui fait l’objet d’une polémique en
philosophie.
« Norme » : formule abstraite qui indique ce qui doit être, c’est-à-dire la valeur.
« Culture » : l’ensemble des productions matérielles et immatérielles de l’homme.
« Relatif » : ce qui change, varie en fonction du temps et de l’espace.
II- PROBLEMATISATION
Lévi-Strauss propose des outils conceptuels pouvant permettre d’opérer une
distinction systématique de ce qui relève de la nature et ce qui relève de la culture
dans le comportement humain. Tout se passe comme si les deux ordres s’opposent :
la spontanéité du besoin biologique, naturel et le caractère normatif de la culture.
Plutôt que d’envisager sous le mode de l’opposition le rapport nature et culture, ne
serait-il pas plus judicieux d’y voir une continuité, un prolongement dans la mesure
où c’est la nature elle-même qui rend possible la culture ?
20
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
La nature en l’homme renvoie à l’universel, à tout ce qui est spontané chez l’homme.
L’homme est une espèce naturelle comme toutes les autres. Il porte ainsi de
manière infaillible les empreintes de la nature. Celle-ci se présente en lui sous le
double critère de l’universalité et de la spontanéité. Un comportement universel
désigne un comportement observable sur l’ensemble des êtres humains, en leur
qualité d’êtres vivants. En effet tous les êtres humains, par exemple, se nourrissent,
se reproduisent, meurent. A ce titre, la nature en l’homme se confond avec les lois
biologiques de l’espèce. Toutes les fonctions biologiques (manger, boire, dormir, se
reproduire, etc.) sont présentes en nous virtuellement : c’est l’hérédité. La
spontanéité quant à elle désigne tous les comportements dont le développement se
fait tout seul, ne nécessitant ni réflexion, ni apprentissage. Il y a cependant lieu de
préciser que contrairement à l’animal, l’homme est dépourvu d’instinct et c’est
seulement par abus de langage qu’on parle « d’instinct de succion » pour désigner
l’automaticité de l’acte de téter chez le nourrisson et « d’instinct sexuel » pour mettre
l’accent sur l’autonomie de son développement. Dans un langage plus adapté, on
parlerait de « pulsion de succion » et de « pulsions sexuelles » en lieu et place.
L’instinct et la pulsion partageant la spontanéité. En définitive, pour qu’un
comportement puisse relever du fait naturel il lui faut se conformer aux deux critères
que sont l’universalité et la spontanéité
21
Argument 2
En l’homme tout ce qui est assujetti à la règle relève du domaine de la culture et se
caractérise par le relatif et le particulier. Il en va de même pour la norme qui
désigne l’ensemble des règles de conduite qu’il convient de suivre au sein
d’un groupe. Elle est fondatrice de toute société en même temps qu’elle l’organise.
Considérons par exemple les habitudes alimentaires. Si s’alimenter relève d’une
nécessite pour tous les êtres humains et par conséquent relevant de la nature, il n’en
demeure pas moins que chaque groupe humain autorise certains aliments et en
interdit d’autres. La manière de s’alimenter change également d’un groupe à un
autre.
Ainsi de grandes civilisations comme les civilisations, européenne, chinoise et
africaine sont respectivement identifiées à travers les habitudes de la fourchette, de
la baguette et de la main. De telles variations sont également observables au niveau
des techniques culinaires, des techniques architecturales, des règles de mariage, des
rituels pour les morts et de toutes autres pratiques sociales. De ce fait,
l’appropriation de la culture, sous toutes ses formes, passe nécessairement par
l’apprentissage. La norme implique comme conséquence le relatif et le particulier du
fait que les règles sont inventées par un groupe socio-culturel donné en fonction de
sa trajectoire historique. Elle change, varie d’un groupe à un autre, d’une époque à
une autre, disons, dans le temps et l’espace. C’est le sens qu’il convient de donner au
mot « relatif ». A titre illustratif, on peut considérer que chaque communauté conçoit
les règles de mariage d’une manière spécifique qui découle de sa propre vision du
monde ; elles ne sont pas absolues. Ainsi, toute culture est particulière car portant
les empreintes de sa communauté. Nous pouvons alors définir la culture avec Lévi-
Strauss comme l’ensemble des comportements appris, ceux que l’homme a inventés
pour faire face aux sollicitations de la nature et qui sont transmis de génération en
génération par imitation ou par éducation.
Exemple de transition
Il ressort de cette assertion de Claude Lévi-Strauss que les deux dimensions de
l’existence humaine constituées par la nature et la culture semblent opposées. En
effet, là où la nature en l’homme relève avant tout de l’inné et s’applique à tous, en
revanche, la culture quant à elle est du domaine de l’acquis, de l’inventivité et de la
créativité humaine et s’applique à des particuliers.
Toutefois on peut se demander si la culture doit être appréhendée dans son rapport
avec la nature en termes de rupture ou de continuité. En d’autres termes, est-il
même possible de les dissocier, si l’homme se définit avant tout comme un être de
paradoxe, de liberté ?
22
- Deuxième étape de la réflexion : Limites de la thèse.
Argument 1
Imbrication ou interaction entre nature et culture chez l’homme.
Poser comme hypothèse la distinction du naturel et du culturel chez l’homme,
n’est-ce pas courir le risque de laisser échapper ce qui fait la marque spécifique de
l’homme en tant qu’être bio-culturel ? L’homme étant un produit de la nature,
comment parviendrait-il à produire de la culture ? Le fait qu’il soit capable de culture,
n’est-ce pas la preuve que la culture participe de sa propre nature ? En tant
qu’espèce naturelle, si l’homme est capable de culture, c’est parce qu’il possède les
prédispositions, la nature donc l’y a déjà préparé. C’est sous ce rapport que François
Jacob affirme que l’enfant vient au monde avec des « structures d’accueils» ou
« prédispositions naturelles » par lesquelles il peut apprendre toute culture. Ceci
signifie que l’apprentissage résulte de l’interaction permanente entre nature et
culture. D’ailleurs, il est important de souligner que Lévi-Strauss lui-même met en
exergue ce qu’il appelle « le paradoxe de la prohibition de l’inceste ». La prohibition
de l’inceste est une règle universelle et elle devrait donc, sur la base de ses critères
de démarcation, relever strictement de la nature, et pourtant ce n’est pas le cas,
parce qu’elle est une norme, et en tant que telle, elle devrait également relever
strictement de la culture.
Argument 2
Le fait culturel est universel, même s’il se décline dans la diversité. La diversité
culturelle s’explique par le potentiel de construction de la raison et l’idéal de liberté
qui s’incarne dans l’humanité. Tous les peuples ont été capables, en effet, de
produire une culture, ce qui témoigne de son universalité en tant qu’elle définit
l’homme. En effet, si la culture se conçoit comme l’ensemble des productions
matérielles et immatérielles, autrement dit comme l’ensemble des solutions que
l’homme apporte aux injonctions de la nature, on constatera aisément que tous les
peuples ont su réaliser ce que Malinowski appelle les quatre conquêtes culturelles
fondamentales : un monde technique (les ustensiles, les machines, etc.), une
organisation politique, un système de valeurs et de normes et un système de
communication (langues) par lesquelles ils ont su s’adapter à leur milieu naturel.
Ainsi, la diversité des cultures témoigne de l’universalité du fait culturel et même de
l’unité du genre humain contrairement à la catégorisation de Lévi-Strauss.
Les différences repérables d’une culture à une autre, d’une civilisation à une autre,
peuvent se rencontrer au sein d’une race pendant que des races hétéroclites peuvent
les avoir en partage. Qu’est- ce qui peut bien justifier cela, si l’on admet que la
raison est une ? Cela s’explique par le fait qu’au-delà de toutes les contingences,
l’homme est fondamentalement liberté. Dans ce cas de figure, il ne se laisse
23
emprisonner ni par la nature, ni par la culture. Il s’y ajoute qu’avec le phénomène de
la mondialisation accentué par la révolution numérique et cybernétique, force est de
constater que l’interpénétration des cultures devient inévitable. Leur fécondation
mutuelle tend vers l’émergence d’une nouvelle culture partagée dont tous les
contours ne sont pas encore cernés.
Exemple d’introduction
24
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I - ANALYSE CONCEPTUELLE
II - PROBLEMATISATION
L’homme ne devient humain qu’à l’intérieur du cadre culturel qui le façonne dès le
berceau et peut-être même avant la naissance. Mais en tant qu’être de raison et de
liberté peut-il se laisser emprisonner dans ce que la culture a fait de lui. S’il en était
ainsi, comment comprendre qu’un homme puisse s’écarter de sa culture et adopter
une culture étrangère ? L’homme n’est-il pas alors ce qu’il se fait dans un processus
continu à partir de son héritage culturel ?
25
III – QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
L’homme est ce que la culture fait de lui. Il en est ainsi parce que le petit
homme vient au monde avec des prédispositions naturelles qui ne peuvent se
développer que dans un cadre culturel. C’est cette idée que soutient l’éthologue Boris
Cyrulnik qui écrit : «un homme seul n’est pas un homme. Dès que l’enfant paraît, le
monde alentour met à sa disposition un climat affectif, un langage, des outils et une
culture avec lesquels l’enfant va articuler ses capacités génétiques et
neuropsychiques. Ce n’est qu’en interaction avec son milieu que le petit humain
pourra enclencher, développer et exprimer ses capacités. » Ceci signifie que c’est le
milieu culturel qui fournit à l’homme les éléments nécessaires à son développement.
L’homme est façonné par cet ensemble de valeurs acquises dans sa société par
imitation ou grâce à l’éducation. C’est ce qui autorise François Chirpaz à dire : « On
ne naît pas homme on le devient » et on ne le devient que dans la société. Et les
acquis de la culture se donnent en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir-être.
Par le savoir l’homme accède à des connaissances au moyen desquels il construit un
univers intellectuel et spirituel que Georges Bataille appelle le « monde humain » et il
se dote d’un langage qui lui permet d’en parler et de communiquer, d’échanger avec
ses semblables. C’est dans ce monde qu’il transforme « sa nature » par l’éducation et
la nature par le travail en faisant appel à son savoir-faire, la technique. Les valeurs
qui sont des idéaux renforcent la construction de sa personnalité et lui permettent de
se tenir selon ce qui est attendu de la culture à laquelle il appartient.
Argument 2
En l’absence d’une culture acquise dans et par la société le petit de l’homme
se comporte de façon inhumaine et ne se différencie pas fondamentalement de
l’animal ou est même pire. Car l’animal a au moins son instinct infaillible pour le
guider.
On peut citer à titre d’exemple le cas des enfants sauvages comme Victor de
l’Aveyron, Amala et Kamala. Et Cyrulnik va encore plus loin lorsqu’il apporte une
précision de taille : « Lévi-Strauss pense que les enfants sauvages illustrent ce que
donnerait la nature humaine s’il n’y avait pas de culture. Pour un éthologue, c’est mal
poser le problème que de le penser en termes de disjonction entre la nature et la
culture. L’un sans l’autre ne peut fonctionner. L’enfant-loup ne représente pas ce que
donnerait la nature avant la culture, puisque sa nature ne peut ni se développer ni
s’exprimer s’il n’y a pas de culture. L’enfant sauvage n’est pas un enfant de la nature,
puisque par nature, l’homme ne peut fonctionner que dans une culture. » Il s’agit de
comprendre alors que c’est la société qui inculque à l’homme des valeurs qui lui
permettent de se hisser au-dessus de l’animalité et de faire preuve de sociabilité en
étant porteur du minimum exigible à un individu pour se libérer de son égo et vivre
26
en harmonie avec autrui et avec le milieu physique, car l’homme n’est pas « un
empire dans un empire » comme l’avait si bien perçu Spinoza.
On pourra utilement faire appel à l’idée de Kant qui parle de « l’insociable
sociabilité » tout comme, d’ailleurs, la fable des porcs épics chez Schopenhauer
permet à bien des égards de renforcer l’argumentaire de la thèse implicite.
Argument 1
Il est vrai qu’à la naissance, avant même que la culture ne fasse son œuvre,
l’homme se reconnaît par son apparence physique, par un ensemble de
prédispositions naturelles, (génétiques, biologiques). C’est ainsi que nul n’a besoin de
test de reconnaissance pour la confirmation de son appartenance à l’humanité.
D’emblée, tout homme est doté d’une infrastructure biologique qui détermine son
ancrage dans l’espèce humaine. Faut-il pour autant parler d’humain à ce stade ? Non
l’humain comme nous venons de le montrer n’apparaît que dans la culture qui
permet à l’homme de « s’écarter de la nature » pour réaliser sa nature. C’est dire
alors que l’homme, contrairement à l’animal qui est figé parce que déterminé par
l’instinct, est un animal perfectible. C’est en ce sens qu’il convient de comprendre le
propos d’A. Comte-Sponville qui s’inscrit dans la perspective rousseauiste et
kantienne : « on naît humain, puis on le devient ». Cela vaut pour l’individu autant
que pour l’espèce
Argument 2
L’indétermination originelle caractérise l’homme. Avancer une telle thèse, c’est
reconnaître que l’homme est un être inachevé. C’est cette idée que l’on retrouve chez
Heidegger qui fait remarquer, tout comme Sartre, que l’homme en tant que
« dasein » ou « ouverture au monde », sa spécificité réside précisément dans le fait
de ne pas avoir de définition puisque rien, ni la nature ni la culture, ne le définit
définitivement. On ne peut pas dire de ce qui devient qu’il est. Il se définit
exclusivement dans et par le projet infini qui le constitue en tant qu’être de raison et
de liberté. Il est ce qu’il se fait, ce qu’il aura librement choisi d’être à partir de ce
qu’on a fait de lui. Il ne s’agit pas de nier les conditions objectives qui déterminent
tout homme, que tous les hommes ont en partage et qui fonctionnent comme des
contraintes qui définissent leur existence ; par exemple tous les hommes sont des
mortels. Il s’agit simplement de reconnaître qu’en dépit de ces déterminations,
chaque existence, en tant que liberté demeure une expérience individuelle concrète,
un « projet ». La valeur propre de chaque individu réside dans sa manière
personnelle de réaliser concrètement ce projet. Nous sommes tous des êtres situés.
27
C’est ce que laisse entendre Sartre lorsqu’il écrit : « pour nous, ce que les hommes
ont en commun, ce n’est pas une nature, c’est une condition métaphysique : et par
là, nous entendons l’ensemble des contraintes qui les limitent a priori, la nécessité de
naître et de mourir, celle d’être fini et d’exister dans le monde au milieu d’autres
hommes. » En effet, il faut reconnaître l’existence d’une condition humaine
universelle, mais toute expérience individuelle est irrémédiablement irréductible à
une autre. D’où la question de la responsabilité et de l’engagement.
Exemple de conclusion
Il peut être opportun, c’est-à-dire, à des fins pédagogiques, de vouloir
opposer nature et culture quand il est question de définir l’homme. Cependant, force
est de reconnaître que nulle part il est fait cas d’un homme qui serait pure nature et
par suite qui viendrait à la culture. L’histoire montre que partout où l’homme a
existé, il était déjà dans la culture. Ce qui signifie qu’en l’homme on ne saurait
dissocier le naturel du culturel. Cela se justifie par le fait que l’homme est un être
comme le dit E. Morin, « bio-culturel » qui se perfectionne. En réalité, la perfectibilité
est sa nature qui se révèle dans la culture. Ainsi, on devra certes reconnaître une
unité du genre humain relevant aussi bien du naturel que du culturel au sens où
nous appartenons tous à l’espèce humaine. Les différences culturelles aussi, loin de
remettre en cause cette unité la renforce du fait que tous les hommes sont des êtres
culturels. On pourrait dès lors dire que c’est bien la culture qui fait l’homme, au sens
générique et même si chaque homme est libre de se choisir son modèle humanisant,
au sens où le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga fait de la culture « un
choix de traits sur le grand arc de cercle des possibilités ».
28
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
Reformulation possible :
La culture apparaît-elle comme une extension de la nature (comme la réalisation de
la nature, ce qui l’accomplit) ?
II- PROBLEMATISATION
La culture désigne l’ensemble des productions matérielles et immatérielles,
c’est-à-dire ce que l’homme ajoute à la nature par le truchement du travail et de la
morale. De ce point de vue la culture apparaît comme une sorte de négation, de
refus du donné naturel. Ne pourrait-elle pas alors être comprise comme une
altération de la nature ? Cependant, si l’homme est capable de produire la culture
n’est-ce pas que c’est la nature qui l’y prédispose en le dotant de facultés qui s’y
prêtent ? Sous ce rapport la culture n’est-elle pas finalement la nature de l’homme,
ce par quoi la nature elle-même s’accomplit ?
29
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
La culture peut provoquer une altération de la nature. Les manifestations culturelles
se présentent de plus en plus comme une dégradation de l’environnement naturel.
En effet là où l’industrie culturelle se développe, la nature en pâtit. Aujourd’hui avec
le développement des sciences et techniques, nous assistons à une industrialisation
très poussée qui agresse l’atmosphère et détruit l’air et la couche d’ozone. Les
perturbations climatiques qui en découlent sont à l’origine de nombreuses
conséquences néfastes (inondations, tsunamis, réchauffement climatique,
désertification,…). Ce qui pose actuellement des problèmes écologiques sans
précédent et qui font naître un peu partout à travers le monde des mouvements
écologiques pour la défense de la nature. Si, à ses débuts, l’humanité avait créé la
technique pour faire face aux injonctions de la nature pour garantir sa survie, force
est de reconnaître que l’usage superflu qu’on en fait dans nos sociétés de
consommation à outrance la dévie de ses objectifs de départ.
Argument 2
La culture moderne façonnée par les progrès scientifiques et techniques a
tendance à secréter des modèles de sociétés marquées par une crise profonde des
valeurs spirituelles, une remise en cause des valeurs fondatrices de notre humanité
comme la solidarité, l’anthropophilie, la justice, etc. C’est précisément cette perte qui
entraîne la dégradation des mœurs et éloigne l’homme de son naturel. C’est ainsi
que la modernisation entraîne souvent des comportements qui frisent la déchéance
et qui bafouent la dignité humaine. Une telle culture si l’on peut dire, se moque des
qualités originelles de l’homme qui sont, pour Rousseau, la pitié et l’amour de soi.
Ces critiques de Rousseau à l’égard de la société donnent des ailes à sa propre
boutade : « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt […] ». La société
comme produit de la culture peut se présenter non seulement comme un cadre de
perfectionnement des qualités naturelles de l’homme, mais aussi comme un facteur
de la dégradation des mœurs à cause de certains liens malsains qui s’y nouent. En
vivant dans la société, l’homme peut être ainsi amené à perdre de son humanité.
30
Deuxième étape : limites de la thèse.
La culture peut être perçue comme prolongement de la nature.
31
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I. ANALYSE CONCEPTUELLE
« Individu » : désigne tout élément d’un ensemble qui a une identité et qui est
indivisible. Mais au sens propre et psychologique du terme, l’individu c’est l’être
humain considéré isolément par rapport au groupe, dans ce qui le particularise, tant
du côté de ses goûts, que de ses pulsions, etc.
« Virtuellement » : en puissance, potentiellement, par opposition à ce qui est réel,
effectif ; ce qui peut advenir,
« Ennemi » : signifie ici un danger, quelque chose de nuisible, une menace.
« Société » : est un ensemble d’individus qui entretiennent des rapports organisés.
III- PROBLEMATISATION
Affirmer que l’homme est virtuellement un ennemi de la société revient à penser qu’il
porte en lui, dès la naissance et tout au long de la formation de sa personnalité, des
dispositions singulières qui peuvent être incompatibles avec les exigences de la vie
en société. Toutefois, à partir du moment où l’homme ne peut mener son existence
qu’en collaborant avec ses semblables, ne serait-il pas peut-être plus judicieux de le
prendre pour un être sociable ? Ne faudrait-il plutôt penser que ce sont les dérives
perpétrées au nom de la société qui le dressent contre elle ? Dans cette optique, au
lieu de considérer l’individu comme l’ennemi de la société, ne serait-il pas son allié
incontournable ?
32
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
Egoïsme et singularité de l’homme
Caractérisé par sa singularité l’individu est un être qui a tendance à ne s’intéresser
qu’à la satisfaction de ses propres besoins. En agissant de la sorte, il met en avant
son « égoïsme. D’ailleurs chaque individu a ses penchants, ses pulsions, ses désirs
pouvant le conduire à avoir de la répulsion pour la vie en société. Kant le précisait en
parlant de « l’insociabilité » naturelle de l’homme qui conduit l’individu à ne pas
s’accorder avec la société qu’il voit d’un mauvais œil. Il le fait dans la mesure où ce
qui compte à ses yeux n’est autre que la réalisation de ses aspirations individuelles.
Or, une telle réalisation n’est pas toujours effective à cause de la société caractérisée
toujours par une réglementation. L’animosité chez l’homme s’expliquerait par ses
désirs, ses pulsions et ses intérêts égoïstes. Cette idée se retrouve chez Freud qui
considère l’homme comme un être sous l’emprise de sa libido et naturellement
agressif.
Argument 2
Nature contraignante de la société
De par son essence et son mode de fonctionnement, la société ne propose pas mais
impose à l’individu des règles de conduite. N’oublions pas que les normes sociales
sont coercitives (contraignantes). Elles peuvent brimer, étouffer l’individu au point où
celui-ci ne sent plus ou a du mal à s’épanouir. Freud ne voulait pas dire autre chose
en évoquant le malaise dans la civilisation. En effet l’homme a un penchant à
l’agressivité et à la sexualité. Afin qu’il ait société, il faut amener l’homme à réprimer
un tel penchant. C’est la raison pour laquelle la société, la civilisation ont une base
répressive. Cette répression peut amener l’individu à se rebeller et à se dresser
contre la société qu’il considère alors comme ennemie. En effet, la société, à travers
ses règles et normes, vise la stabilité et la paix. Ce faisant, elle cherche à réprimer
toute forme de pulsions considérées comme nuisibles.
Selon Freud, « les hommes se sentent lourdement opprimés par les sacrifices que la
civilisation attend d’eux afin leur rendre la vie en commun possible ».
33
- Deuxième étape : Limites de la thèse
La société pourrait elle-même secréter le conflit ?
Argument 1
Un éventuel conflit entre la société et l’individu peut être un état de fait qui ne lui est
pas forcément imputable. En effet, l’homme est un être social, c'est-à-dire qui vit
dans le groupe et qui ne peut vivre en dehors de lui. Il est donc sociable par nature
et ne saurait par conséquent constituer un danger pour la société. Ainsi, Aristote
déclare que « la cité est au nombre des réalités qui existent naturellement et que
l’homme est par nature un animal politique » Dans cette perspective, l’homme n’est
rien sans le groupe social auquel il appartient. Et la société en tant que corps prime
sur l’individu en tant que membre. De ce point de vue, individu et société ne
s’opposent pas, ce sont plutôt deux réalités intimement liées et inséparables. Ce dont
l’individu est l’ennemi, ce n’est jamais la société elle-même, mais une perversion de
la société qui est détournée de sa fonction originelle de rendre l’homme heureux. Si
Rousseau dit que l’homme est né bon mais c’est la société qui le corrompt et le rend
méchant, il s’attaque alors non à la société elle-même, mais à une certaine forme de
société, celle-là même qui exploite, asservit et détruit la part d’humain qui dort en
chaque homme.
Argument 2
L’individu a intérêt à se conformer à l’ordre social dans la mesure où c’est le cadre à
l’intérieur duquel se réalise son humanité. C’est dans cette perspective que Chirpaz,
mettant en évidence l’intérêt du rapport individu/société affirme qu’ « on ne naît pas
homme on le devient ». Sous ce rapport, au lieu d’être un potentiel ennemi de la
société, l’individu est son allié. Il l’est d’autant plus que lui-même contribue à
façonner la société qui a vocation de le façonner. Le rapport entre individu et société
n’est donc pas unilatéral : c’est un rapport dialectique. On ne saurait donc
comprendre que l’individu puisse constituer un danger pour la société. Au contraire
ce sont les abus des tenants de l’autorité sociale qui peuvent donner à l’individu
l’impression que c’est la société elle-même qui est coupable de leur mal être. On ne
saurait trouver illustration parfaite de ce point de vue en dehors des sociétés de
consommation qui réduisent l’individu à une simple marchandise.
Exemple d’introduction : Il est généralement admis que la vie en société n’est pas
aisée. Elle est le plus souvent le théâtre de conflits. Ainsi, si l’individu au sens propre
du terme, c’est l’être humain considéré isolément par rapport au groupe, la société
quant à elle désigne la vie en communauté. Elle est fondée sur des normes qui
souvent entrer en contradiction avec les aspirations individuelles. L’être humain dans
ce qui constitue son individualité représente-t-il nécessairement une menace pour la
société ? Par ailleurs, si l’on considère que la personnalité humaine se construit dans
la société et que l’individu isolé perd cette qualité humaine comment concevoir alors
leur relation sous un rapport antagonique ? Ne devrait-on pas plutôt penser les
relations entre l’individu et la société sous la modalité d’une bienveillance mutuelle ?
34
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I. ANALYSE CONCEPTUELLE
Le sujet comporte trois concepts clés qu’il faut analyser rigoureusement pour en
saisir la signification appropriée et déboucher sur une problématique, en passant par
sa reformulation.
Ces concepts sont : « la liberté », « la condition », « la responsabilité ».
« La liberté » : se conçoit communément comme absence de contrainte, autrement
dit le pouvoir d’agir sans subir de contrainte par rapport à ses désirs, sa volonté.
Etre libre, c’est être soi-même, avoir une autonomie de choix.
« La condition » : c’est ce qui rend possible, le facteur déterminant.
« La responsabilité » : c’est le fait de « répondre de », devoir assumer ses actes.
La responsabilité serait donc une obligation de répondre de ses actes, d’être garant
de quelque chose. C’est le fait d’être dans les dispositions d’assumer ses actes
quelles que soient leurs conséquences.
Reformulation du sujet :
Ne pouvons-nous répondre de nos actes que dans la mesure où nous les posons en
toute souveraineté ?
II - PROBLEMATISATION
La liberté est le pouvoir de choix qui engage l’autonomie du sujet qui agit sans
contrainte, c’est-à-dire, volontairement. Il a ainsi la capacité de discernement et peut
décider de telle ou telle autre chose en toute souveraineté. C’est donc sous ce
rapport qu’il peut être tenu pour responsable de ses actes. Mais si j’agis sans
réfléchir aux conséquences de mes actes et que je me retrouve par exemple en
prison par ce simple fait, cela ne signifie-t-il pas que la souveraineté de l’acte n’est
pas une garantie suffisante qui impliquerait la responsabilité ? Autrement dit ma
responsabilité peut être engagée sans que je ne sois directement l’auteur de l’acte.
Ainsi sous différents angles, je peux être responsable, par ignorance, pour avoir
détenu l’information, par indifférence, par complicité ou même moralement.
35
III - QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Première étape : Phase de validation de la thèse implicite
La liberté comme condition de la responsabilité
Argument 1
Si l’homme peut être tenu pour responsable de ses actes, c’est parce qu’il est
non seulement un être conscient mais il est doté aussi d’un libre arbitre qui le
conduit à prendre telle ou telle autre décision. En effet, si je ne suis pas libre de mes
choix, si je suis déterminé par des forces qui m’échappent, comment légitimement je
peux répondre des actes que je pose ? La condition de ma responsabilité est ma
liberté. Seulement, il est important de souligner que la liberté dont il est question ne
réside pas dans l’absence de contrainte ou faire ce qui me plaît comme le suppose le
sens commun. S’il en est ainsi c’est parce que la liberté signifie certes avoir des
droits mais aussi des charges, c’est-à-dire reconnaître qu’on est l’auteur de ses actes
et cela n’est possible que si au départ j’étais libre de mon choix. C’est en effet ce que
laisse entendre Sartre : « Nous prenons le mot de « responsabilité » en son sens
banal de « conscience d’être l’auteur incontestable d’un événement ou d’un objet ;
cette responsabilité est simple revendication logique des conséquences de notre
liberté. » En effet la liberté s’expérimente dans toutes les situations dans la mesure
où à tout moment l’homme a le pouvoir de choisir face à plusieurs possibilités. Ainsi,
on peut dire que l’homme est choix perpétuel puisqu’il est doté de libre arbitre, il a la
capacité de discernement et il peut opter pour le meilleur choix. C’est cette puissance
de la volonté que Descartes appelle « la principale perfection de l’homme » parce
que, grâce à elle l’homme est capable de maîtriser ses actions. C’est sous ce rapport
que le libre arbitre rend l’homme entièrement responsable de ses actes. Cette liberté
totale a pour conséquence une responsabilité totale. L’homme est entièrement
responsable, parce qu’il est toujours engagé dans une situation qu’il doit transcender
(dépasser).
Argument 2
L’homme est responsable de tout devant tous. Il porte sur ses épaules le poids
du monde. Telle est l’explication profonde de l’angoisse. Sartre montre que
l’existence elle-même est angoisse du fait de son absurdité. En effet la raison n’est
pas capable de justifier le pourquoi de l’existence, ceci est source d’angoisse et cette
angoisse est renforcée par le poids de notre responsabilité parce que c’est une
responsabilité à la fois totale et interindividuelle ; ceci signifie que nous sommes
responsables de tout et de tout le monde. La prise de conscience de l’absurdité de
l’existence humaine et du poids de notre responsabilité nous conduit fatalement à
l’angoisse.
De manière plus précise on peut dire que pour Sartre, ce sont les décisions
que je prends qui donnent sens aux situations qui existent. Par conséquent, notre
responsabilité va bien au-delà de ce que nous avons directement fait. En effet une
telle idée est mise en évidence par Sartre qui considère que nous sommes à la fois
36
responsables de nous-même et des autres. C’est sous ce rapport qu’il apporte une
clarification fondamentale : « la première démarche de l’existentialisme consiste à
faire prendre à tout homme conscience qu’il est entièrement responsable.» Sartre
montre que la liberté, au lieu d’être un avoir (puisque l’avoir peut diminuer ou
augmenter), elle est un être ; c’est pour dire au fond que je me confonds avec ma
liberté ; je suis condamné à la liberté. Ainsi je ne peux pas ne pas être responsable
Ce qui signifie alors que si j’accepte d’être libre donc je dois impérativement assumer
les conséquences de mes actes, d’où ma responsabilité.
Supposons, a contrario, qu’un individu soit privé de sa liberté pour une raison
ou pour une autre. En l’absence de la liberté, sur quelle base pourrait-on lui imputer
une quelconque responsabilité ? Répondre d’un acte semble ainsi n’avoir de sens que
lorsque la jouissance de la liberté est effective.
Limites de la thèse
Argument 1
On suppose habituellement que pour être responsable, il faut être libre. Mais
le problème qui se pose est de savoir si la liberté dont il est question est une réalité
effective ou une illusion. Il est vrai que l’homme est liberté du fait qu’il est détenteur
d’un libre arbitre. Mais il ne faut pas pour autant penser que son libre arbitre est
absolu. En effet, l’homme est souvent pris dans un faisceau de déterminismes qui
semblent limiter sa liberté : le déterminisme physique, le déterminisme social, le
déterminisme psychologique Ce triple déterminisme doit nous amener à reconsidérer
le sens classique de la notion de liberté entendue de manière absolue. Sous ce
rapport la liberté consisterait à tenir compte de la possibilité que notre marge de
manœuvre puisse réduite. C’est précisément dans cette logique que s’inscrit Spinoza
qui écrit : « ceux qui pensent être libres sans être déterminés rêvent les yeux
ouverts.» Autrement dit, il possible de porter la responsabilité d’un acte non pas
parce qu’il émane d’une libre décision mais que parce que j’en suis tout simplement
l’auteur.
Argument 2
La responsabilité ne rime pas forcément avec la liberté. En effet responsabilité et
déterminisme ne sont pas incompatibles. Une telle prise de position doit nous
amener à dépasser l’opposition classique entre liberté et déterminisme. Ce qui
signifie donc qu’il faut repenser le libre arbitre. Cette nouvelle manière de concevoir
la liberté doit nous conduire à envisager la responsabilité non plus sous l’angle d’une
responsabilité personnelle ou subjective mais il s’agira si l’on peut dire de militer en
faveur de ce qu’on pourrait appeler une responsabilité objective. Autrement dit, notre
responsabilité va au-delà de notre individualité et peut englober les actes des autres
lorsqu’ils sont sous notre charge ou sous nos soins. De même nous pouvons comme
le suggère Hans Jonas être responsables devant les générations futures. Sartre
abonde en ce sens lorsqu’il estime que la responsabilité de chacun « engage
l’humanité tout entière »
37
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
II- PROBLEMATISATION
C’est un lieu commun de définir l’homme comme un être conscient pour signifier qu’il
ne se contente pas seulement d’exister mais il se sait exister. Ce savoir qu’il a de son
existence fait de lui un être libre car étant capacité par la conscience elle-même à
opérer des choix en toute souveraineté. Tout porte donc à croire que conscience et
liberté sont inextricablement liées. C’est le privilège de la conscience qui fonde la
différence de nature entre l’homme perçu comme être conscient et l’animal comme
régi par l’instinct. Remettre en cause la souveraineté absolue de la conscience par
l’affirmation de l’existence d’un inconscient psychique ne reviendrait-il pas alors à
déposséder l’homme de la liberté et le ravaler au rang de l’animal ? L’opposition
entre inconscient psychique et liberté ne se dissipe-t-elle dès lors que les contenus
psychiques refoulés peuvent remonter en surface par la cure psychanalytique ? Ne
pouvons-nous pas considérer sous ce rapport que l’ignorance asservit et la
connaissance libère ?
38
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
La liberté requiert la conscience, autrement dit, pour qu’un homme soit libre ne lui
faut-il pas impérativement être conscient. En effet c’est par la conscience que
l’homme est informé et se rend compte de ce qu’il fait ou de ce qu’il dit. Non
seulement il s’en rend compte mais aussi il peut choisir d’agir en toute connaissance
de cause, en toute responsabilité donc en toute liberté. Or, il arrive que la conscience
n’embrasse pas l’intégralité de nos pensées et que quelque chose en nous nous
échapperait, d’où l’existence d’un inconscient psychique. L’inconscient psychique à
travers ses contenus actifs a tendance à faire de sorte que l’homme s’illusionne,
croyant agir de lui-même alors qu’il est agi à son insu. Il se voit agir tout en ignorant
les motifs qui le font agir. Du moment qu’il n’est pas à l’origine de ses actes il y a
forcément perte d’autonomie. Et l’homme se réduirait ainsi à être le jouet de forces
souterraines qui influenceraient et orienteraient ses actes. De ce point de vue,
l’existence de l’inconscient serait de facto incompatible avec la liberté.
Argument 2
Si nous postulons l’existence d’un inconscient psychique, il semble alors que nous
aurions du mal à concevoir l’homme en tant que maître de ses actes. Et en observant
les différents actes posés par les hommes, on remarque qu’il y a des actes manqués
comme le lapsus par exemple. Cela arrive quand voulant dire une chose se dit autre
chose à la place. Freud nous donne à titre illustratif le cas du président Schreiber,
qui, à l’occasion d’une réunion, constate dans la salle la présence de ses ennemis. Au
moment d’ouvrir la séance, inconsciemment il la ferme en disant : « la séance est
close ». Il aurait dû dire « la séance est ouverte. »
Ces actes manqués qui sont la manifestation de l’inconscient attestent que l’homme
n’a aucune emprise, ni sur leur existence, ni sur leur mode d’expression. Si, aussi
bien leur existence que leur expression échappent à l’homme comment pourrait-il
prétendre se connaître lui-même et se poser comme être libre ? En effet, s’il nous
arrive de dire des choses à notre insu que nous ne voulions pas dire, cela n’atteste-t-
il pas un cas de manifestation de l’inconscient. Ce qui témoigne de la réalité effective
de l’inconscient et par ricochet du caractère illusoire de la liberté.
39
- Deuxième étape : Limites de la thèse implicite
L’existence de l’inconscient psychique n’est pas une raison suffisante pour
disqualifier la liberté.
Argument 1
L’homme n’est certes pas toujours conscient de tout ce qui se passe en lui, mais est-
ce une raison suffisante pour mettre en péril sa liberté ? D’ailleurs ne faudrait pas
reconsidérer le concept de liberté ? L’homme est un être si complexe que tout ce qui
se déroule dans son for intérieur ne parvient pas intégralement à sa claire
conscience. Néanmoins, le fait qu’un inconscient psychique existe n’atteste pas de la
négation de notre liberté. Le sujet pensant est capable de s‘affranchir du pouvoir de
l’inconscient grâce à la connaissance. La connaissance de notre inconscient
psychique, plutôt que d’être un obstacle peut constituer un moyen pour nous libérer.
Ce qui à notre insu nous détermine, nous conditionne, si nous le cernons, si nous
nous rendons compte de son emprise, cela peut nous aider à avoir davantage
d’autonomie. D’ailleurs, la psychanalyse freudienne ne s’oppose pas à la liberté.
Freud a voulu mettre à la disposition de l’homme les moyens d’une véritable liberté.
Il s’agit alors d’informer l’homme afin qu’il sache ce qui se passe en lui, ce qui lui
permet d’exercer un contrôle. Si par exemple je prends conscience d’un oubli qui a
été à l’origine d’un traumatisme, par ce simple fait, je me libère de ses effets
traumatisants. Du reste la cure psychanalytique ne cherche pas autre chose qu’à
ramener à la conscience claire les contenus psychiques inconscients. Une fois
devenus conscients, ils cessent d’être actifs et c’est en cela que la connaissance est
libératrice.
Argument 2
En opposant inconscient psychique et liberté, on peut être amené à la concevoir
comme indétermination. Or la liberté ne saurait est être comprise comme de
l’indépendance au sens où on pourrait tout se permettre. Autrement dit la liberté
s’accommode parfaitement bien avec le déterminisme à la seule condition d’en avoir
l’intelligence. Engels ne disait-il pas à ce propos que la liberté n’est autre que
l’ « intelligence de la nécessité » pour signifier que l’acte libre ne s’oppose pas à la loi
mais s’y conforme. Ainsi donc ce n’est pas parce que nous sommes déterminés que
notre liberté est compromise. Ici le mot liberté est à appréhender autrement qu’elle
n’est perçue communément. Il nous faut comprendre que la permissivité est la
véritable ennemie de la liberté car si tout un chacun se mettait à faire ce qu’il veut
on se retrouverait dans ce que Hobbes appelle état de nature.
En définitive, retenons que par la connaissance, l’homme peut parvenir à dominer
et à maîtriser ses traumatismes afin de s’en délivrer car il ne sera plus esclave ou
dépendant des troubles qui l’affectent et, par rapport auxquels, il pourra acquérir une
autonomie. S’y ajoute également que la loi n’est pas un obstacle à la liberté.
Rousseau ne disait-il pas « point de liberté sans lois », que la loi est l’organe même
de la liberté.
40
Exemple de conclusion
La liberté et l’existence de l’inconscient sont à priori incompatibles. C’est le
sens de la question du sujet. Il nous est apparu en premier lieu que la conflictualité
de la liberté et de l’inconscient pouvait se justifier par le simple fait que je ne peux
pas revendiquer avoir une maîtrise sur un objet dont je n’ai pas conscience. En
second lieu nous nous sommes rendus à l’évidence que ce qui est inconscient
échappe au contrôle du sujet parce qu’il n’en a pas connaissance. Dès lors que ce qui
est inconscient est remonté en surface, ses effets s’estompent par la même occasion.
Enfin nous sommes arrivés à l’idée que c’est une mauvaise perception de la liberté
qui conduit à sa négation surtout lorsqu’elle est comprise comme absence de
détermination. Le déterminisme étant présent sous toutes ses formes il serait
illusoire de prétendre le supprimer. Mais si nous en avons l’intelligence nous réalisons
notre liberté en nous accordant avec tous les phénomènes qui nous déterminent.
41
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
Le sujet comporte quatre concepts clés qui méritent d’être analysés, c’est-à-dire
rigoureusement définis pour saisir le problème posé. Ces concepts sont :
« Finalité », « Etat », « réalisation », « liberté ».
« Finalité » : c’est ce que l’on cherche à atteindre, l’objectif ultime visé, la mission à
accomplir, le but.
«Etat » : l’Etat désigne ici le pouvoir politique institutionnalisé, c’est le
gouvernement et l’ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité.
«Réalisation » : c’est le fait de rendre réelle ou effective une chose.
L’accomplissement d’un fait, sa mise en œuvre. L’atteinte ou la manifestation d’une
chose.
« Liberté » : Droit de faire ce que les lois permettent sous réserve de ne pas porter
atteinte aux droits d’autrui et avoir une autonomie de choix.
II- PROBLEMATISATION
42
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
L’institution de l’Etat
Si comme le prétend Aristote, l’homme est un animal politique, la vie en
société relève d’une nécessité ; ce qui signifie que les hommes sont condamnés à
vivre dans un cadre social. Seulement, tout en étant naturellement sociables, les
hommes sont aussi réfractaires à la vie communautaire à cause de leur « penchant à
l’agressivité. » Ce qui conduit à installer un climat conflictuel qui menace la cohésion
et la stabilité de la vie sociale. C’est justement en vue de parer au chaos que l’Etat a
été institué ; en effet l’Etat joue le rôle d’arbitre en coordonnant les différentes
relations qui se tissent entre individus mais aussi entre groupes d’individus,
maintenant ainsi les différents conflits nés de ces rapports dans les limites du
supportable. Son institution a permis donc d’organiser la vie en société. En
réglementant les relations interindividuelles, l’Etat tente d’harmoniser les rapports
que les citoyens entretiennent entre eux. L’Etat peut-être ainsi une solution pour
résoudre un problème vital : celui de l’ordre et de la sécurité qui sont une exigence
pour toute vie communautaire. En sécurisant et en pacifiant ainsi l’espace politique,
l’Etat institue un cadre de prédilection de la liberté.au moyen d’un outil majeur qu’est
la loi.
Argument 2
La loi comme outil fondamental de l’Etat pour garantir la liberté.
Argument 1
44
45
Argument 2
Il en découle que l’Etat consiste en un rapport de domination fondé sur le moyen de
la violence. Sous ce rapport, bien évidemment, parler de liberté relève d’une illusion,
car aucune marge de manœuvre n’est laissée à l’individu qui ne peut développer une
quelconque initiative propre sans l’inscrire dans le paradigme des lois et des
institutions.
En effet, l’Etat a le pouvoir de contraindre les individus à payer des impôts, d’aller à
la guerre, à travailler de force. L’Etat peut les priver de liberté par l’emprisonnement
et même leur ôter la vie par la peine de mort.
Si l’exercice du pouvoir d’Etat est contraignant, de deux choses l’une : soit la nature
de l’individu est telle que c’est par la force qu’il faut le tenir au respect, soit les
intérêts que l’Etat préserve sont ceux des particuliers (classes économiquement
dominantes) non ceux de la grande masse des populations.
Le premier cas de figure est envisagé par l’absolutisme, doctrine qui accorde à l’Etat
un pouvoir absolu. Thomas Hobbes, dans son Léviathan, défend l’idée d’une nature
humaine agressive que seule la force est à même de contraindre à la sociabilité.
Hobbes théorise l’Etat monarchique dont le pouvoir est absolu du fait que les
individus, pour assurer la sécurité de leurs biens et de leurs personnes, ont signé un
« pacte de soumission ». L’idée qui fonde sa théorie postule que sécurité et liberté
ne vont pas ensemble, et plus de liberté implique nécessairement moins de sécurité
et inversement.
Le second cas de figure est envisagé par les théories anarchiste et marxiste qui
considèrent que l’Etat est contrôlé par une classe dominante et de ce fait constitue
une menace à la liberté et à l’égalité.
Dans la doctrine anarchiste comme dans le marxisme, ce qui est prôné pour le
triomphe de la liberté, c’est la disparition de l’Etat.
Pour la théorie marxiste, l’Etat est un simple appareil répressif, un instrument de
domination et d’oppression d’une classe sur une autre. C’est pour cette raison que
Marx prône la suppression de l’Etat bourgeois et son remplacement par un Etat
prolétarien qui est censé s’éteindre progressivement au fur et à mesure de la
disparition de la classe bourgeoise au profit d’une société sans classe : le
communisme.
A la différence de Marx qui milite pour une disparition progressive de l’Etat, un
dépérissement de l’Etat, les anarchistes prônent sa disparition immédiate.
L’anarchisme dont le projet est de détruire l’Etat en tant que tel voit dans celui-ci un
mal radical parce qu’il est la source de toutes les oppressions, une entrave à la
liberté des individus. L’Etat est condamné parce qu’il est une aliénation de la liberté
et non sa réalisation. Et comme le dit Bakounine : « il est un immense cimetière où
viennent s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle ».
Mais n’est-il pas utopique, irréaliste que de prétendre se passer de l’Etat sous
prétexte des crimes commis en son nom ? Ne serait-il pas plus judicieux de s’inscrire
dans une logique constructive allant dans le sens de fixer des limites au pouvoir
d’Etat ou ce que Montesquieu appelle communément des contre-pouvoirs ? En effet
le modèle d’Etat démocratique ou l’Etat de droit, par la séparation des pouvoirs en
pouvoir législatif, judiciaire et exécutif ou par l’érection de droits universels auxquels
46
l’Etat lui-même ne peut se soustraire, amoindrissent l’autoritarisme et garantissent
aux citoyens, sécurité et liberté. Cette demande pressante de liberté qui envahit tous
les espaces politiques débordent du cadre restreint de l’Etat, dans les limites de sa
juridiction. La communauté internationale par le devoir d’ingérence somme les Etats
à respecter les droits fondamentaux de l’homme, droits inaliénables.
47
DOMAINE 3
EPISTEMOLOGIE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Peut-on » renvoie ici à la possibilité de fait, ce qui relève de l’ordre du réalisable,
a-t-on les moyens de…
« Seul » : l’idée d’exclusivité ; unique possibilité.
« Définir » : déterminer et délimiter une chose en vue de la spécifier, de la
distinguer de ce qu’elle n’est pas, la caractériser.
« Science » : ensemble de connaissances, d’études, d’une valeur universelle
caractérisées par un objet et une méthode déterminés, et fondées sur des relations
objectives, vérifiables.
« Critère » : moyen de distinguer et de sélectionner.
« Expérimentation » : méthode consistant à provoquer des observations en vue
de vérifier des théories pour les infirmer ou les confirmer.
II- PROBLEMATISATION
La science est une discipline se fondant sur des procédés rigoureux qui lui
permettent de parvenir à des résultats fiables, qui s’imposent à tous. Ces procédés
ont, pour une bonne part, une assise expérimentale au point que certains en sont
amenés à considérer l’expérimentation comme critère exclusif de scientificité. Ce qui
est scientifique ne peut-il être établi que par expérimentation ? L’expérience, à elle
seule, peut-elle épuiser les critères de scientificité. Si c’était le cas, comment qualifier
les mathématiques et la logique qui sont fondées sur une démarche hypothético-
déductive ? A-t-on le droit de ramener toute science aux sciences expérimentales ou
faut-il intégrer d’autres critères de scientificité ?
48
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Argument 1
L’emploi du mot science au sens rigoureux du terme désigne un type de
connaissances ayant un objet précis et une méthode appropriée.
C’est ainsi que la méthode expérimentale est mise en œuvre dans certaines sciences.
Une telle méthode comporte, fondamentalement, trois phases. On procède d’abord à
l’observation d’un fait « polémique ». Par exemple, Claude Bernard observa l’urine
claire et acide des lapins qui est une indication d’un comportement carnivore, alors
qu’en leur qualité d’herbivores, ils devaient avoir l’urine trouble et alcaline. Ensuite,
partant de cette observation, on pose une ou des hypothèses. L’hypothèse n’est pas
une supposition fortuite, elle est une théorie et non une conjecture. C’est Claude
Bernard qui nous en donne l’explication. Il affirme que l’hypothèse est « une
interprétation anticipée et rationnelle des phénomènes de la nature. » Elle consiste
donc à se faire une idée intelligente sur ce qui pourrait expliquer le phénomène
observé. C’est ainsi par exemple que Claude Bernard formulera l’hypothèse selon
laquelle si l’urine des lapins a changé de couleur, c’est probablement dû au fait que
les lapins, étant exposés à la vente, n’ont pas été nourris et ce sont retrouvés dans
un état de jeûne.
Enfin, il procède à la vérification pour confirmer ou infirmer l’hypothèse qui n’était
que probable. Ainsi, en alimentant les lapins avec de l’herbe Claude Bernard constate
que l’urine redevient trouble et alcaline (coloration habituelle). Après les avoir soumis
à nouveau à jeûne et les avoir réalimentés à plusieurs reprises, les résultats restent
identiques.
La même expérience est renouvelée par Claude Bernard sur le cheval, autre animal
herbivore. Les résultats demeurent identiques.
Il est établi de la « preuve » expérimentale qu’« à jeûne, tous les animaux se
nourrissent de leur propre chair ». Donc c’est par la vérification que le savant
découvre une loi scientifique. Par définition, une loi est une relation constante et
nécessaire entre deux ou plusieurs phénomènes interdépendants.
49
Argument 2
Le procédé expérimental est un procédé auquel il faut se fier. En effet, par le canal
de l’expérimentation, il est procédé à une vérification produisant des preuves
matérielles susceptibles de réaliser l’accord des esprits compétents. La science selon
Bachelard n’est autre que l’ « union des travailleurs de la preuve ». A ce titre ses
résultats sont universellement acceptés. Tout porte ainsi à croire que les sciences
expérimentales sont les seules dignes de scientificité au point de reléguer les autres
formes de connaissances au rang de pseudosciences. C’est ainsi que pour le sens
commun, il n’y a de vérité que celle issue de la démarche expérimentale. Par voie de
conséquence, toute démarche qui nourrit une prétention de scientificité cherche à
épouser cette méthode. Fort de ce postulat, le statut épistémologique des sciences
humaines est remis en question : peut-on les tenir comme science à part entière ?
Pour les philosophes du Cercle de Vienne la scientificité de l’histoire est remise en
cause du fait de l’impossibilité de procéder à une vérification expérimentale des
théories historiques qui relèvent dès lors de conjectures.
Dans le même sillage, les résultats spectaculaires de la physique ont donné
naissance au physicalisme qui consiste à ériger la physique en modèle de
scientificité. Quant aux mathématiques et à la logique, elles sont considérées de plus
en plus comme un langage ou une méthode pour les autres sciences ; à ce titre elles
apparaissent alors comme des instruments mis à profit des sciences expérimentales
ou juste comme un « jeu de l’esprit ».
50
Deuxième étape : les limites de la thèse
Argument 1
S’il est vrai que la méthode expérimentale est gage de scientificité, force est de
reconnaître qu’elle ne saurait être érigée en modèle universelle d’autant plus que son
applicabilité ne s’étend pas à toutes les connaissances scientifiques. En effet, en ce
qui concerne les sciences hypothético-déductives (logico-formelles) qui reposent sur
la cohérence du discours, le critère de scientificité change de nature. Il faut dire que
les mathématiques qui sont une pure construction de l’esprit, reposent sur la
démonstration. Elles sont pourtant élevées au rang de science et mieux encore de
socle à toutes les sciences. Ceci surtout en rapport avec la rigueur de la démarche
qui les caractérise et l’évidence de leur résultat Donc, en lieu et place de
l’expérimentation, la démonstration est le critère de scientificité des sciences
hypothético-déductive. La vérité ne se conçoit pas comme adéquation de la pensée
avec la réalité mais plutôt comme conformité de la pensée avec elle-même, la
cohérence interne du discours.
Argument 2
Il peut arriver que des résultats non encore observables soient prévisibles par
anticipation. C’est le cas du tableau périodique de Dimitri Mendelev qui a su, par des
calculs prévoir des éléments qui n’apparaîtront que bien plus tard. Dans ce cas de
figure, la théorie est bien en avance sur la pratique. Conséquemment, ce qui rend
scientifique une théorie n’est pas forcément et toujours l’expérimentation. Il s’y
ajoute que l’expérimentation elle-même n’est pas une garantie absolue de fiabilité.
En effet, quel que puisse être le nombre de fois où l’expérimentation a été faite avec
succès, cela ne peut aucunement justifier l’élaboration d’une loi ne reposant que sur
une généralisation amplifiante. A ce propos, il faut se mettre à l’écoute de Popper qui
avertit contre ce qu’il appelle une généralisation abusive et indue qui ne peut point
être un critère fiable de scientificité ; en effet, il n’ y a pas d’expérience capable de
vérifier définitivement une théorie.
51
DOMAINE 3
EPISTEMOLOGIE
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Science » : ensemble de connaissances et de recherches visant à découvrir les
lois explicatives des phénomènes (naturels et humains) et du raisonnement logico-
formel.
« Technique » : ensemble de pouvoirs tirés des connaissances scientifiques dans le
but de créer des objets utiles.
« Se déployant » : en s’exerçant, en s’activant dans le monde.
« Préoccupations éthiques » : l'éthique (du grec ethos «caractère, coutume,
mœurs») est la réflexion sur les valeurs qui fondent la moralité d’une action (une
bonne action) ; les préoccupations éthiques renvoient donc ici à la réflexion
philosophique sur les jugements de valeur, c’est -à-dire sur l’ensemble des questions
morales relatives aux normes, aux limites et aux devoirs de la technoscience.
II- PROBLEMATISATION
52
La thèse implicite : La science et la technique, en se déployant, soulèvent des
préoccupations éthiques.
Argument 1
La science et la technique rendent possibles de nouvelles pratiques médicales (la
fécondation in vitro, l’euthanasie, les manipulations génétiques tels que l’eugénisme,
le clonage, la transsexualité, qui pourraient heurter la conscience morale.
Martin Heidegger, dans ses Essais et conférences, faisait déjà de la technique
moderne, non pas un danger, mais le danger suprême pour l’humanité. Il estimait en
effet que la technique cherche essentiellement l’« arraisonnement » de l’homme,
c’est-à-dire qu’elle participe de la mise à nu de sa raison, de l’anéantissement même
de son humanité en ce qu’elle procède à une sorte d’« oubli de l’être» qui transforme
l’homme en automate seulement tourné vers l’efficacité et l’utilité pratique et coupé
de sa dimension spirituelle.
Les préoccupations éthiques s’accentuent avec les progrès scientifiques et
techniques.
Argument 2
De même, la recherche effrénée de profits par nos sociétés de consommation pousse
à une surproduction dont les conséquences sont visibles sur l’équilibre de notre
environnement et donc sur la survie même de notre espèce. C’est notamment le cas
de l’émission des gaz à effet de serre qui favorisent la pollution et le réchauffement
climatique entre autres.
Aujourd’hui les entreprises qui n’adoptent pas la gouvernance éthique peuvent se
permettre d’utiliser des techniques qui, en même temps qu’elles augmentent la plus-
value, ne répondent pas aux normes du développement durable qui est un type de
développement qui permet de faire face aux besoins du présent sans compromettre
la capacité des générations futures à subvenir à leurs besoins.
53
Deuxième étape : Limites de la thèse
Argument 1
En approfondissant la réflexion, on est amené à penser que la science et la technique
ne sont pas en contradiction avec l’éthique. Mais c’est l’homme lui-même qui vit ce
qu’on pourrait appeler une crise éthique en faisant un mauvais usage des possibilités
qui lui sont offertes.
En effet, les plus grands dangers qui guettent la civilisation relèvent plus d’une crise
du sens (signification et direction) et du bas niveau moral et spirituel de l’homme que
des découvertes scientifiques elles-mêmes.
Argument 2
Compte tenu de la neutralité axiologique de la science et de la technique, il y a lieu
de définir des principes universels et stables pour relever les défis éthiques, c’est-à-
dire trouver des critères de délimitation et d’encadrement du pouvoir des chercheurs
dans tous les domaines.
Il faut placer la question éthique dans la conciliation, c’est-à-dire dans le juste milieu
entre la liberté d’action des chercheurs, l’intérêt scientifique de leurs recherches et
l’utilité sociale de ces dernières.
Il s’agira enfin de jeter les bases d’une révolution éthique consistant à relativiser
l’idée que nous nous faisons de l’humain.
Exemple de conclusion
L’humanité est de plus en soucieuse des préoccupations d’ordre moral, et même
éthique, qui découlent des applications néfastes des résultats de la science et de la
technique. Ainsi, pour sa survie, une éthique de la responsabilité s’impose afin que
Prométhée ne se déchaîne au point de devenir la source de sa malédiction.
Plutôt que d’incriminer la science et la technique, une prise de conscience est
urgente en vue de concilier en l’homme le pouvoir d’agir et la volonté de bien agir.
Le devoir moral permet de voir clair dans ses désirs et ainsi, d’aider l’homme de la
technoscience à se forger une claire conscience de son action et des conséquences
qui peuvent en découler. En plus d’un arsenal juridique pour protéger les recherches
scientifiques et leurs applications techniques, l’on a aussi besoin de la réflexion
philosophique pour éclairer et orienter nos choix.
54