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La naissance de la grande cuisine - L'Art de service - Et le peuple ?

Le XVIIe siècle, appelé le Grand Siècle, le fut aussi par sa gastronomie.


Le règne de Louis XIII est marqué par une sorte d'éclipse culinaire après les fastes de la
Renaissance. En revanche, c'est sous celui de Louis XIV, le Roi Soleil, que la
gastronomie est à l'image de la monarchie, somptueuse et raffinée.
La grande cuisine française va établir ses règles dans ses cuisines avec ce qui doit être
« le bon goût », celui des aliments. Elle commence à se développer dans les maisons
« bourgeoises ».
On assiste dans les ouvrages de cette époque à des polémiques culinaires très violentes
entre modernistes et traditionnalistes.

Le Goût par Abraham Bosse - 1635

La naissance de la grande cuisine


 Déclin du goût pour les épices

La démocratisation des épices sur les marchés des grandes villes banalise sa consommation et
les tables princières vont leur substituer les plantes aromatiques comme le thym, le laurier, le
persil à l'origine de notre bouquet garni ainsi que la ciboulette, l'estragon et le romarin.

 Naissance des ragoûts et des sauces


Les cuisiniers du XVIIe siècle prônent de
nouvelles façons de faire et expriment une conception de la cuisine vers plus de technicité. Ils
édulcorent de moins en moins les viandes et les poissons. Le sucre est désormais réservé aux
gâteaux, aux plats de céréales ainsi qu'à ceux à base d'œufs et de laitages. Les sauces maigres
sont en voie de disparition, la moutarde en est la dernière survivante. Elles sont supplantées
par des sauces grasses et onctueuses, où rivalisent beurre, œufs et crème qui s'adaptent mieux
aux parfums plus délicats de l'estragon, du basilic ou de la ciboulette.
Une technique nouvelle de liaison apparaît : celle du roux (à base de beurre et de farine).
Parallèlement, les sauces émulsionnées du genre beurre blanc et sauce hollandaise entrent en
scène pour accompagner le brochet

 Apparition des jus et des coulis

L 'autre grande innovation est l'apparition des


déglaçages de viandes rôties dans des récipients couverts : « le grand bouillon nourricier »
(bœuf, veau, mouton et leurs abats, diverses volailles, du lard auxquelles on ajoute
généralement un "paquet", c'est-à-dire un bouquet garni).
L'ancêtre de nos fonds actuels est le « coulis universel » fait à partir du bouillon qu'on enrichit
avec un agent de liaison (farine voire poudre d'amandes), des champignons et du bœuf haché
puis passé au tamis.

Massialot (à gauche) n'en mentionne pas moins de 23 recettes différentes en 1691.


 Au travers des ouvrages

L a « révolution culinaire » indiscutablement marquée par le


règne et la personnalité de Louis XIV, se produit au tournant du siècle avec les « maitres
queux » et la renaissance de la littérature culinaire notamment la publication du « Cuisinier
Français » de La Varenne (1651) et plus tardivement du « Cuisinier royal et bourgeois » de
Massaliot (1691) où comment mettre la cuisine gastronomique et monumentale qu'il a créé
pour les Grands du royaume à la portée d'un plus vaste public (les bourgeois).
Chose nouvelle, au travers de ces ouvrages, la cuisine devient objet de polémiques d'une rare
violence entre ceux qui prônent le naturel et les sauces courtes et ceux qui restent fidèles à
certaines habitudes anciennes comme l'aigre-doux, l'épicé, le mélange salé-sucré, les liaisons
au pain grillé.

 Essor des légumes et de la diététique

Ce siècle culinaire est aussi marqué par le recours de plus en plus massif aux légumes (y
compris aux légumes racine jusque-là méprisés), le goût pour les salades et les fruits dont la
cour de Louis XIV fait une consommation immodérée (dessaisonalisation des fruits et
légumes) en entrée comme en dessert.

Le XVIIe siècle sera aussi celui des jardiniers et verra


l'essor des cultures maraîchères et fruitières à l'instar de La Quintinie, élève d'Oliviers de
Serres, qui créa à Versailles le célèbre Potager du Roy.
Hier vulgaires, parce que poussant dans la terre, les légumes les plus consommés sont alors
les artichauts, asperges, petits pois, champignons, cardons ...alors que le topinambour et le
haricot seront l'apanage d'une certaine élite sociale. Les fruits deviennent à la mode et sont
présentés en corbeille ou en pyramide lors du dernier service.
 Et aussi...

Une mode est lancée : celle des mousses pour permettre « de manger sans que l'on ait à
assister au spectacle grossier et prosaïque de la mastication ».

Naissance de l'art des confitures désignant les compotes, les


gelées, les marmelades. Thé, café et chocolat deviennent des boissons à la mode. Le premier
café ouvre ses portes en 1674 sous l'enseigne « Le Procope » à Paris et deviendra le lieu
privilégié des écrivains et philosophes. Pierre Pérignon dit Dom Pérignon, moine bénédiction
et œnologue de ce siècle, joue un rôle majeur dans l'assemblage et l'élaboration du champagne
qui ravira les tables royales au XVIIIe siècle.
La technique du feuilletage par La Varenne va conduire à l'invention du mille-feuilles que
nous connaissons aujourd'hui.

C'ETAIT QUAND AU FAIT ?...

. 1610 - 1643 : Louis XIII


. 1610 - 1617 : Régence de Marie de Médicis
. 1618 - 1648 : La Guerre de Trente Ans
. 1624 - 1643 : Les Années Richelieu
. 1643 - 1715 : Louis XIV : Monarchie absolue
. 1643 - 1661 : Régence Anne d'Autriche et Mazarin
. 1648 - 1652 : La Fronde
. 1661 - 1683 : Les années Colbert
. 1682 - 1715 : Louis XIV (le Roi Soleil)

Les inventions :

. 1643 : invention du baromètre par Torricelli


. 1669 : invention de la balance de Roberval
. 1679 : invention du digesteur par Denis Papin (ancêtre de l'autoclave)

LES GOURMETS

- Pierre-François La Varenne : cuisinier du marquis d'Uxelles publie « le cuisinier François » en 1651, premier livre de
cuisine avec des recettes codifiées, « le Pâtissier François » en 1653, « le Parfait Confiturier » en 1667

- Nicolas de Bonnefans : valet de chambre du Roi, auteur d'ouvrages de jardinage

- Pierre de Lune : auteur « Le Cuisinier » en 1656 et « Le nouveau et parfait Cuisinier » en 1668

- L.S.R : « L'art de bien traiter » en 1674 est l'ouvrage qui va influencer l'évolution de la cuisine et du service

- François Massialot : auteur « Le Cuisinier royal et bourgeois » en 1691

- François Vatel : pâtissier-traiteur et maitre d'hôtel


Jean de La Quintinie
(1626 - 1688)

Les buveurs de chocolat


Repas royal à Versailles
préparé par Vatel

Dîner du roi à l'hôtel de ville de Paris


préparé par Massialot

L'Art du service à la française


 Des manières raffinées

La « grande cuisine » n'est pas seulement l'apanage de l'aristocratie. La bourgeoisie s'en


empare également et les uns et les autres accorderont une importance majeure au raffinement
des manières de table comme en témoigne notamment le « Bourgeois gentilhomme » de
Molière (1670).
Orchestré par le maître d'hôtel dont la fonction est grandissante, le service est de plus en plus
raffiné, faisant plus de place à l'hygiène et au savoir-vivre.
L'usage individuel du couteau (invention du couteau à bout rond par Richelieu), de la
fourchette, de la cuillère se répand ainsi que celui de la serviette.
Vers 1750, les couverts de table trouvent leur forme définitive et s'enrichissent de la petite
cuillère.
La vaisselle sera avant tout métallique même si la céramique introduite par Catherine de
Médicis demeure exceptionnelle jusqu'à la fin du XVIIe siècle.
Les assiettes creuses sont introduites à la Cour par Mazarin.
Les verres sont placés dans des verrières disposées sur les dessertes : les domestiques
apportent les verres à pied aux convives qui boivent et les leur rendent aussitôt.

 Plus que jamais, le service à la française

Ce service qui structurait le repas gothique, reste de rigueur : les rôts se situant toujours au
centre du repas, sont précédés par les potages et les entrées. Ils sont suivis par les entremets et
les desserts présentés en coupes ou pyramides impressionnantes constituant l'apothéose des
repas.

Plaisirs de la vue et de
l'odorat, la table doit former un ensemble proportionné et donner l'image d'un tableau
harmonieux et symétrique. Il permet aux convives de choisir parmi différents mets qui leur
sont servis en même temps et auxquels ils ont accès.
À chaque service, et selon le nombre de convives, il doit y avoir le même nombre de plats,
disposés symétriquement, avec, au centre, un plat de milieu, spectaculaire. Aux coins de la
table, quatre plats moyens, entre eux quatre petits et enfin huit plats encore plus petits.

Et le Peuple ?
Siècle de monarchie absolue avec impôts et taxes pour financer la guerre de Trente Ans, les
travaux du Château de Versailles, l'alimentation populaire s'appauvrit pour s'orienter vers une
consommation de céréales sous forme de pain bis, mélange essentiellement de méteil
(mélange de blé et de seigle), de froment et de seigle.
Les céréales ne sont pas uniquement consommées sous la forme de pains levés cuits au four,
mais aussi sous la forme d'une bouillie, plus ou moins épaisse.
Cette soupe est une « eau bouillie » dans laquelle sont plongés des « herbes » et « racines »,
des carottes et des navets, des poireaux, des blettes, des épinards, des panais, des oignons et
surtout du chou, et des légumineuses comme des fèves, des lentilles ou des pois. Au mieux, la
soupe est rehaussée d'un morceau de lard découpé dans la viande de porc salée.
La viande est peu présente, excepté les jours de fête, ainsi que la morue et les harengs les
jours maigres. Quant aux volailles, œufs, beurre et vin, ils étaient apportés au marché afin de
gagner quelques piécettes nécessaires au paiement en argent de l'impôt royal.
Quand la disette sévit, la révolte gagne la plaine, le paysan va voir à la ville ; échoppes,
boulangeries s'y organisent en corps de métiers régis par des lois strictes.
L'abondance n'est pas encore de ce monde...

Prise dans l'unique pièce à vivre organisée autour de l'âtre, la soupe constitue l'essentiel des
trois principaux repas ruraux : déjeuner le matin, dîner à la mi-journée et souper le soir.

La « grande cuisine » qui s'écrit au XVIIe siècle, est une cuisine singulière dont la
renommée et le prestige ne cesseront plus de grandir.
La gastronomie, durant ce siècle, est devenue un art. Les maitres queux sont obligés de
déployer imagination pour les saveurs, les couleurs, les décors et les présentations des
mets.
Cuisine de paradoxe entre ostentation et vrai goût : le retour au naturel sur lequel est
fondée la « nouvelle cuisine » est plus souvent l'expression d'un vœu pieux que d'une
réalité tangible.
Elégance sous Louis XIV

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