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§110 - Le trait d’union signe d’unité grammaticale.

a) Entre le verbe et les pronoms conjoints qui le suivent et qui forment avec lui un seul groupe phonétique.
1° Pronom personnel conjoint sujet, ainsi que ce et on :
Dit-il. Dit-on. Est-ce vrai ? Peut-être irai-je le voir.
S’il y a un t final analogique (§ 796, e, N. B.) , il se place lui-même entre traits d’union : Répliqua-t-il. Chante-t-elle ? Peut-être va-t-on le
voir. Vainc-t-il ? Convainc-t-elle ? — S’il faut aller à la ligne à cet endroit, il convient de respecter la syllabe et de couper ira- / t-il .
2° Pronom personnel conjoint complément d’un impératif non négatif :
Crois-moi. Dites-lui de venir me voir. Prends-le avec précaution. Prends-en deux. Soyez-en sûr. Allons-y. — De même avec plusieurs
pronoms : Dites-le-moi. Allez-vous-en. — Rends-nous-les (Hugo, Lég., LII). [Cf. § 681, b, 1°.] — Tiens-le-toi pour dit (Gide, Faux-monn., p.
463).
Lorsque l’impératif est suivi d’un infinitif, il faut prendre garde au fait que le pronom peut être rattaché à l’infinitif, ce que l’on voit en
comparant avec le tour non impératif :
Il le fait passer avant lui → Fais- le passer avant toi . — Laissons- nous rêver . — Mais : Laissons nous guider .

Il me le fait lire → Fais- le-moi lire . — Mais : Il vient me le raconter →   Viens | me le raconter .

On oppose Laisse-le-moi lire à Laisse-moi le lire . Cf. § 684, b, 1°.


N.B.Dans Va-t’en , le t n’est pas un t analogique (cf. 1°) , mais le pronom personnel élidé : § 44, c, 4°.
b) On considère aussi comme un seul mot phonétique H
1° Le pronom personnel et l’adjectif même :
Moi-même, lui-même, eux-mêmes . — Mais : Ceux mêmes qui… Ici même. Par là même.
2° Le pronom démonstratif ou un nom précédé du déterminant démonstr. et les adverbes ci et là :
Celui-ci, celle-là, cet homme-ci, ces choses-là . — Cette maudite somme-là ( Flaub., Éduc., II, 3). — On a même agglutiné ceci et cela .
Selon Littré (art. là , 8°), on ne met pas de trait d’union quand un complément s’intercale entre l’adverbe et le nom auquel se rapporte le
déterminant démonstratif. Ce marchand de vin là. Ces preuves de bonté là .
Cette règle est logique, puisque là n’est pas uni étroitement avec le dernier mot. Elle n’est pas toujours respectée cependant : Ce quart
d’heure-là (Verne, Drame en Livonie, iii ). — Ce genre de réalité-là ( Thérive, dans le Temps, 17 févr. 1938) . — De même : À ce suffrage
universel-là (Hugo, Nap.-le-Petit, VI, 9). — Comp. § 561, a.
c) Le trait d’union est la marque de la coordination sans pause :
Le nord-est. Un enfant sourd-muet. Un sourd-muet. Une porte-fenêtre. Une jupe-culotte. Les romans d’Erckmann-Chatrian [= Émile
Erckmann et Alexandre Chatrian] . Les années 1941-1942.
En particulier, dans les numéraux composés par addition, entre les éléments qui sont l’un et l’autre inférieurs à cent : vingt-deux, trente-
neuf, soixante-dix-huit. Trente-neuvième. R1
Telle est la règle traditionnelle, selon laquelle il ne faut donc pas de trait d’union 1) s’il y a et : vingt et un, vingt et unième ; 2) si l’un des
composés par addition est cent ou mille : cent un, mille deux, trois mille cent . — Le Conseil supérieur de la langue française (cf. § 90, e) a
proposé la suppression de ces deux exceptions. On peut donc écrire : vingt-et-un, vingt-et-unième, cent-un, mille-deux , etc. — Million et
milliard , qui sont des noms, échappe nt à cette rectification : trois millions cent . Cf. § 594, b.
On met souvent un trait d’union entre deux adjectifs de couleur désignant une teinte qui participe des deux couleurs :
Yeux gris-bleu (Ac. 2000, art. gris ). — Chartreuse vert-dorée (Gide, Paludes, L. P., p. 66). — Moustaches gris-blond (Mauriac, Chemins de
la mer, iii ). — Yeux gris-jaunes (Cl. Simon, Vent, p. 224). R2 — Ardoises gris-bleu (M. Pons, dans les Temps modernes, févr. 1973, p. 1356) .
— Quelque chose de plus en plus friable, diaphane, gris-blanc (Sollers, Femmes, F°, p. 146). A

Mais cela n’a rien de contraignant (« une fois sur deux », pour le Trésor , art. gris ) : Selon que les nuages étaient blanc gris o u blanc
blanc (Giraudoux, Siegfried et le Limousin, L. P., p. 151) . — Jument bai brun (Ac. 1932, art. bai ). — Chevaux bai châtain (Ac. 2001, ib. ) —
Cheveux châtain roux (Petit Rob., art. auburn ). — Yeux bleu vert (Rob., art. bleu ). — Carreaux vert jaune (Pieyre de Mandiargues, Marge, p.
211). — De couleur violet pourpre (Grand Lar. langue, art. violine ).
Dans les autres adjectifs de couleur composés, rouge vif, bleu nuit, gris de lin , etc., le trait d’union est superflu. Pourtant, l’Ac. 1932-1935
écrit étoffe gris-de-lin art. gris , mais ruban gris de lin art. lin ; étoffe gris de lin (2000, ib. ).
d) On trouve aussi le trait d’union à la place de et ou d’une préposition. R3
Il explora en 1887-1889 la boucle du Niger (Barthes, dans Tel quel, automne 1971, p. 89) [= pendant les années allant de 1887 à 1889] .
— En particulier, au lieu de par ou de la barre oblique : À huit cents kilomètres-heure et à trois mille cinq cent trente tours-minute , je perds
mon altitude (S. Exup., Pilote de guerre, p. 107). — Les voitures passent à près de cent kilomètres-heure (Duhamel, Problèmes de civilisation,
p. 173). — Il aborda le sol à une vitesse de 14 mètres-secondes [sic ] (Kessel, Mermoz, p. 229). — Cet usage est critiqué par l’Association
française de normalisation (dans le Journal officiel de la République fr., 10 oct. 1951). Mais les écrits non techniques sont peu sensibles à cette
critique.
D’une manière générale, dans les constructions nom + nom complément juxtaposé, il y a beaucoup d’hésitation et aussi d’arbitraire : cf. §
179, c .

A
Colette , Képi, p. 73 ; Beauvoir , Belles images, I ; Vailland, Beau Masque, I, 1 ; Cayrol, Froid du soleil, p. 123 ; Sabatier, Trois sucettes à la
menthe, p. 9 ; J. Roy, Saison des za, p. 107.

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H
Jusqu’en 1835, l’Ac. faisait suivre très d’un trait d’union, qu’elle a supprimé en 1878. Littré (1863-1872) appliquait la règle de 1835 : ° Une
campagne très-agréable. ° Cela lui arrive très-rarement . L’écriture manuscrite a conservé un certain temps l’agglutination qui avait été le
procédé utilisé avant l’usage du trait d’union. Cf. § 993, H2.

R1
Autre cas : Jusqu’à dix-onze heures (Willy et Colette) = jusqu’à dix ou onze heures ; mais le trait d’union n’est pas la seule présentation de
ces formules : cf. § 602, b .

R2
Les ex. de Cl. Simon et de Gide ne respectent pas l’invariabilité qui est de règle dans ce cas : cf. § 555, a, 1°.

R3
Dans cet emploi, le trait d’union est aujourd’hui concurrencé par la barre oblique (§ 136) .

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