1. Problème
Différence entre instant et moment
La différence intuitive est que un moment induit une durée, contrairement à un instant, qui
implique l’immédiateté. L’incompatibilité dans *Ça fait un instant viendrait de ce que cela/ça fait
est connoté quantitativement comme exprimant le « + d’où l’inacceptabilité de combinaisons
avec des noms véhiculant « le peu » comme instant. Cependant, la plausibilité de l’explication
selon laquelle ce serait l’orientation de cela/ça fait vers le quantitatif qui justifierait l’exclusion
de instant – puisque cela/ça fait peut introduire aussi bien des périodes interprétées comme
longues (5) que des périodes interprétées comme courtes
2. Hypothèse de résolution
Deux observations qui permettent une explication :
2/ existence d’expression figées sur le modèle qui exprime une durée longue ça fait un bail, ça
fait une éternité, ça fait une sacrée paye, ça fait des lustres, ça fait un siècle, ça fait des siècles, ça
fait un (bon + petit) bout de temps
Deux phrases peuvent se rattacher à un même type structural sans relever de la même structure
L’hypothèse de l’auteur est que la structure cela/ça fait SN tps où tps signale un nom de temps connait
moins de contrainte, a une interprétation plus générale
3. Observations
Différents tests montent une différence de comportement entre la construction ça fait SN Tps
et ça fait un moment
Cela/Ça fait un moment.
Cela/Ça fait (quelques jours + plusieurs semaines + un mois + cinq minutes.
Test de la question
Elles répondent toutes les deux à la question quand
La question combien de temps qui révèle une étendu temporelle :
Elle localise plus moins l’événement rapporté
Alors qu’elle constitue une façon d’éviter de répondre
Cela fait combien de temps que tu es mariée ? – Cela fait un moment.
b. ??Ça fait combien de temps que tu le sais ? – Ça fait un moment.
c. Cela fait combien de temps que tu es mariée ? – Cela fait (un mois + quelques jours +
plusieurs semaines + des années).
Construction syntaxico-lexicale comparaison formelle pour étayer ce constat
• Le pronom démonstratif Présentatif temporel sous déterminé : le pronom accepte
l’alternance cela/ça, ne se prête pas à la question ni à l’extraction, il est postérieur à
l’événement qu’il présente
Il est mort ça fait plus de dix ans.
a. *Qu’il est mort fait plus de dix ans.
b. *Sa mort fait plus de dix ans.
c. *Il est mort ceci fait plus de dix ans.
• Le verbe : Le verbe en se met à tous les temps sauf au passé simple pour ça fait SN tps
Il fait des études de Droit (ça fait un moment / *ça a fait un moment / *ça
Il faisait des études de Droit (ça faisait un moment / *ça allait faire un moment / *ça venait
de faire un moment / *ça pouvait faire un moment /ça devait faire un moment).
e. *ça fait (exactement + précisément + juste + environ + à peu près + seulement) un moment.
• Le test de la négation
Il est mort
a. ça ne fait pas deux jours. (= ‘ça ne fait même pas deux jours’, ‘ça ne fait pas deux jours
entiers’, ‘ça fait moins de deux jours’)
*Il est mort ça ne fait pas un moment. (= *‘ça ne fait même pas un moment’, *‘c’est plus
court qu’un moment : un instant seulement’)
Cela/Ça fait (déjà + quand même + presque + bien) (un mois + quelques
b. Cela/Ça fait (seulement + juste + à peine) (un mois + quelques jours + deux
semaines).
Mais avec un moment, l’énoncé ne se prête pas à l’atténuation, elle est restreinte à
l’orientation vers le « + »
• Les variantes
4. Conclusion
On a là une nouvelle différence permettant de considérer que (6) Cela/Ça fait un moment est un
cas particulier (une « construction ») du schéma général <Cela/Ça + faire + Détindéf + Ntps>.
Projection du travail :
en somme, pourquoi cela/ça fait est-il susceptible d’entrer dans cette construction : qu’est-ce
qui, dans l’identité du démonstratif et dans celle de faire, prédispose leur association pour
exprimer ce type de conceptualisation de la durée ? Nous