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L’inflation

Le fait de mettre en circulation des moyens de paiement supplémentaires, par


exemple en stimulant le crédit à la consommation, ne reste pas sans effet sur
l’économie nationale, très probablement la demande de biens et services est
stimulée par une expansion de la masse monétaire. Lorsque l’offre sur le marché des
biens et services est rigide, la demande supplémentaire de biens et services qui
s’ensuit ne rencontre pas une offre équivalente. Le marché des biens et services est
en déséquilibre. Une demande excédentaire apparaît et les producteurs guidés par la
recherche du profit maximum s’adapteront à la pression d’une demande qu’ils ne
peuvent satisfaire en augmentant leurs prix de vente.la création monétaire produit
donc de l’inflation qui réduit la valeur réelle des unités monétaires en circulation.

I Définition.

L’inflation1 désigne un mouvement général et cumulatif de hausse durable du


niveau général des prix. C’est-à-dire du prix moyen de tous les biens et services
échangés dans un pays au cours d’une période donnée. Ainsi la hausse de prix d’un
bien ne suffit pas pour parler d’inflation. Ce qui ne signifie pas aussi que tous les
prix évoluent de la même manière. L’inflation n’empêche donc pas des mouvements
de prix relatifs de se produire, qui reflètent les différences de gains de productivité
ou de rapports de force d’une branche à l’autre.

Quelle que soit sa cause initiale, l’inflation est par nature un phénomène monétaire.
En effet, si le prix moyen des biens en monnaie nationale augmente, cela implique
que l’on dépense plus d’unités monétaires qu’auparavant pour chaque unité de biens
échangée dans l’économie ; cela suppose soit une augmentation de la quantité de
monnaie en circulation, soit une élévation de la vitesse de circulation de la
monnaie : chaque unité monétaire est en circulation un plus grand nombre de fois et
permet d’effectuer un nombre de transactions plus élevé qu’auparavant.

II La mesure de l’inflation.

Mesurer l’inflation consiste le plus souvent à observer un panier pondéré de


biens représentatifs de l’ensemble des biens consommés par les ménages. En effet,
ce sont les prix de consommation finale des ménages qui sont pris en compte dans
la mesure de l’inflation. Ces biens sont répartis parmi les différents postes de

1
Voir :
 Denis Clerc, « Inflation et croissance », éditions Syros/Alternatives, Paris 1989, p12 ;
 Anne-Marie Bouvier et Dominique Lafleur, op.cit, p 86 ;
 Maurice Gabillet, op.cit., p 94.

C’est-à-dire des rapports de prix entre les biens, considérés deux à deux.
consommation des ménages. Les pondérations de ce panier sont définies par la part
de la consommation représentée par chacun de ces biens ou services dans la dépense
totale de ces derniers. Un indice des prix à la consommation mesure les variations
enregistrées par le panier observé, traduisant ainsi la variation du coût de la vie pour
les consommateurs, et de la valeur de la monnaie dans ses aspects les plus concrets
pour les ménages.

Le taux d’inflation2 correspond donc à la variation de l’indice des prix à la


consommation entre deux dates.

Afin d’établir le taux d’inflation en glissement, on compare l’indice des prix d’un
même mois à un an d’intervalle.

A noter qu’en revanche, des taux modérés d’inflation, de l’ordre de 2 à 3% sur une
base annuelle, sont généralement considérés comme normaux, peut être même,
selon certains auteurs, préférable à une inflation zéro.

III Les termes connexes.

Plusieurs termes peuvent être associés à l’inflation notamment :

 L’inflation rampante. Décrit un état d’inflation durable, sinon chronique,


dont le taux mesuré correspond à des valeurs faibles ;
 La déflation. Appelée aussi inflation négative décrit la situation d’une
économie où est constatée une baisse générale et durable des prix ;
 La désinflation. Décrit la situation d’une économie où est constatée une
baisse du taux d’inflation, qui cependant reste positif. Aussi, on dit qu’il ya
désinflation quand les prix augmentent toujours, mais à un rythme moins
important qu’auparavant ;
 La stagflation. Terme combinant stagnation et inflation. C’est une situation
particulière où l’on constate dans une économie la simultanéité d’un niveau
élevé d’inflation et d’une stagnation de la production, résultat d’une
croissance faible, qui est une source de chômage ;
 L’hyperinflation. Correspond à la situation d’une économie affectée par une
inflation extrêmement élevée, échappant à tout contrôle.
 La stabilité des prix. Décrit la situation d’une économie où la hausse des
prix est durablement très faible ou nulle, ce qui contribue à maintenir à un
niveau faible l’incertitude des agents économiques vis-à-vis du futur. En ce
2
Voir
 Anne-Marie Bouvier et Dominique Lafleur, op.cit, p 86 ;
 André Bollard et autres, op.cit., p 149-156.
sens, la stabilité des prix accroît la lisibilité de l’avenir et contribue à
conforter les anticipations positives des agents économiques.

III Les causes de l’inflation.

Quelle que soit sa cause initiale, l’inflation est par nature un phénomène
monétaire. Maintenant, s’il y a divergence sur le diagnostic d’une situation
d’inflation particulière, c’est qu’en effet plusieurs causes peuvent être pointées
séparément ou de manière combinée3.

III.1 L’inflation induite par la demande.

L’inflation par la demande est provoquée par un excès de la demande, de la


part des ménages et des entreprises, sur l’offre. Le phénomène d’excès peut
concerner un marché spécifique ou au contraire l’ensemble de l’économie. Par
exemple la demande générale est trop stimulée par une politique budgétaire ou par
une offre de crédit bancaire trop dynamique induisant :

 Une croissance des dépenses publiques et des dépenses de consommation ;


 Une augmentation des revenus ;
 Une modification des comportements des consommateurs (par exemple :
phénomène de mode).

Cette explication permet de trouver un remède à l’inflation dans l’accroissement de


l’offre de biens, dans l’augmentation des capacités de production (dans le cas de
l’existence de capacités de production inemployées).

III.2 L’inflation induite par les coûts.

Une autre catégorie de causes de l’inflation se trouve du côté de l’offre des


produits et des facteurs, c’est-à-dire dans les conditions de la production. Ainsi,
l’inflation par les coûts trouve son origine dans l’augmentation d’un ou plusieurs
éléments essentiels des coûts de production. C’est par exemple le cas quand les
salaires augmentent plus vite que la productivité ou lorsque les matières premières
ou l’énergie de base se renchérissent.

Les entreprises répercutent l’augmentation des coûts de production sur les prix de
vente des biens et services. Mais aux côtés des coûts, on rencontre aussi le profit.
Les entreprises ont ainsi la possibilité d’augmenter leurs prix afin de maintenir ou
d’accroître leurs marges de profit, ce qui influe sur le niveau général des prix.

3
Voir :
 Anne-Marie Bouvier et Dominique Lafleur, op.cit, p 86,87 ;
 Maurice Gabillet, op.cit., p 94,95.
 Alexis Jacquemin, Henry Tulkens, Paul Mercier (B), op.cit., p 54-56.
 G. Dufort et A. Gouault, op.cit., p 160-161.
III.3 L’inflation induite par des éléments structurels.

L’inflation par les éléments structurels peut être induite par un état donné de
la structure des marchés ou de l’économie. Ce qui signifie que la hausse des prix
s’explique par les conditions de formation des prix sur les marchés ou dans les
secteurs économiques. En particulier, les prix résultant de situations de monopoles
ou de concurrences imparfaites, de conflits sociaux et de considérations
politiques…etc.

Mais la pression sur le niveau général des prix peut aussi provenir d’un changement
dans la structure de la demande globale, en particulier lorsque les conditions de
concurrence et les formes des marchés varient fort d’un secteur à l’autre. Supposant
par exemple qu’une fraction de la demande se déplace du secteur agricole vers le
secteur industriel ; si à la suite de dispositions réglementaires, les prix des produits
agricoles ne sont pas flexibles à la baisse, il faut s’attendre à une hausse des prix
industriels non compensée par une baisse du prix des produits de l’agriculture.
Toutes autres choses restant égales par ailleurs, il en résulte une élévation du niveau
général des prix. En d’autres termes, la rigidité à la baisse des prix et des salaires
dans de nombreux secteurs de l’économie peut avoir pour résultat qu’une
redistribution de la demande se traduise par une hausse des prix, alors même que la
demande globale ne serait pas excédentaire, en termes réels, par rapport au plein
emploi.

III.4 L’inflation importée.

Elle est liée à l’augmentation du prix des importations. On dit qu’il ya


inflation importée lorsque l’on veut souligner que les hausses de coûts résultent de
l’augmentation des prix des biens importés, qu’il s’agisse de matières premières, de
biens semi-finis ou de produits finis. Cette hausse peut se répercuter sur l’ensemble
de l’économie.

La version la plus spectaculaire de cette source d’inflation a incontestablement été


celle qui a affecté certaines économies, surtout celles des pays industrialisés, à la
suite des « chocs » pétroliers des années soixante-dix. L’importance quantitative
extrême du pétrole comme input énergétique dans la plupart des processus
industriels ainsi que dans les transports a eu pour effet un alourdissement
considérable des coûts, et dès lors des prix des produits.

III.5 L’inflation induite par la monnaie.


L’inflation monétaire peut s’expliquer par une création monétaire supérieure à
la production de biens et services. Cela augmente la demande et par la suite les prix
(par exemple, une baisse des taux d’intérêt incite massivement les ménages à
emprunter en vue de consommer). C’est le point de vue théorique avancée dans les
années soixante avec l’école monétariste de Milton Friedman. Ainsi, l’inflation
provient d’une quantité de monnaie excessive ou, plus exactement, d’une croissance
de la masse monétaire trop importante par rapport à la croissance de la production.

Cependant, cette explication permet de trouver un remède à l’inflation dans


l’accroissement de l’offre de biens, dans l’augmentation des capacités de production
(dans le cas de l’existence de capacités de production inemployées) et pas seulement
dans une réduction de la masse monétaire, mettant en évidence une limite de
l’analyse monétariste. En effet, la création monétaire n’est inflationniste que si
l’offre est rigide ; c’est-à-dire si l’appareil de production n’est pas capable de
satisfaire une demande accrue.

III.6 Rôle des facteurs psychologiques et des anticipations.

Lorsque des phénomènes psychologiques s’ajoutent aux précédents, il arrive


que les individus, par leurs anticipations, adoptent des attitudes qui sont à l’origine
du phénomène inflationniste, qui par la combinaison d’autres facteurs peuvent
amplifier le mouvement de façon brutale :

 La spirale inflationniste. Si le prix d’un élément essentiel augmente, tous les


autres suivent mécaniquement, et les effets retard mettent en place une boucle
de rétroaction, un cercle vicieux, chaque effort pour combler la différence
créée n’ayant comme seul effet que de mettre en place la prochaine hausse
(comme un animal qui cherche à attraper sa queue) ;
 Les dispositions d’indexations. De nature contractuelle ou réglementaire, qui
ont pour effet de lier entre eux les prix de différents biens et services, vont
contribuer à répercuter et à diffuser de façon mécanique le phénomène de
hausse et le transférer, par répercussion quasi automatique, en direction
d’activités ou de secteurs initialement non concernés par la variation de prix ;
 La panique monétaire. La monnaie utilisée est aujourd’hui essentiellement du
papier ou du métal sans autre usage, et donc sans autre valeur que celle
attachée à la confiance des utilisateurs. Si, à tort ou à raison, ils se persuadent
que la monnaie va perdre de sa valeur, ils voudront l’échanger contre des biens
(provoquant une inflation par la demande) ou des devises étrangères
(provoquant une inflation importée), ce qui nourrira l’inflation, qui validera
l’anticipation inflationniste et la renforcera.

IV Les conséquences de l’inflation.


Réellement, ce n’est pas l’inflation ni la déflation qui comptent, ce sont les
variations de l’inflation par rapport à celle qui était prévue ; ce qui est la même
chose que l’inflation si, mais seulement si, l’anticipation était une variation nulle de
la valeur de la monnaie, une hausse de l’inflation ou une désinflation produisent un
effet, pas une inflation égale à celle contre laquelle on a pu se prémunir.

Les conséquences économiques et sociales sont généralement des plus terribles, et


marquent durablement la population. La monnaie concernée perd, en interne comme
en externe, son statut d’étalon de référence et d’échange. Une nouvelle monnaie doit
la remplacer.

Il faut noter que l’inflation peut pénaliser, favoriser, être relativement neutre et
provoquer des adaptations dans le comportement des agents économiques4.

Elle pénalise :

 Les créditeurs qui n’ont pas réussi à se prémunir contre l’inflation ;


 Les détenteurs de monnaie ;
 Les exportateurs, qui plus de mal à vendre leurs produits plus chers, et leurs
fournisseurs ;
 Les agents victimes de « l’illusion monétaire », qui est une perte de pouvoir
d’achat masquée par hausse nominale du revenu…etc.

Elle favorise :

 Les débiteurs ;
 Les créditeurs qui réussi à se prémunir contre l’inflation ;
 Les détenteurs d’actifs (par opposition aux détenteurs de monnaies) ;
 Les détenteurs de stocks, lorsque ceux-ci ont été achetés avant ou en début de
hausse des prix ;
 Les importateurs, qui vendront plus facilement les produits étrangers dont le
prix n’a pas de raison d’augmenter autant ; et leurs clients, qui dépenseront
moins, en terme réel, pour le même produit.

Elle est relativement neutre pour :

 Les détenteurs de revenus indexés sur l’inflation ;


 Les créditeurs qui se sont correctement protégés.

Elle provoque des adaptations :

4
Voir
 Alexis Jacquemin, Henry Tulkens, Paul Mercier (B), op.cit., p 51-54.
 G. Dufort et A. Gouault, op.cit., p162.

C’est ce biais cognitif qui consiste à raisonner en monnaie courante, sans se soucier ou tenir compte de l’inflation.
 Incitation pour les détenteurs de la monnaie à se prémunir contre la
dépréciation de celle-ci en s’en dessaisissant au profit des valeurs refuges (par
exemple : devises fortes, métaux précieux, valeurs mobilières…etc.) ;
 Pression accrue en faveur de l’indexation des revenus sur l’inflation ;
 Hausse de l’endettement, puisqu’il est plus avantageux d’être débiteur que
créancier ;
 Incitation à investir (arbitrage en faveur des actifs productifs et de
l’endettement, au détriment de la détention de monnaie et la situation de
créancier) ;
 Hausses préventives (des prix des loyers, des taux de crédits,…) ;
 Révision des anticipations, en accréditant l’idée qu’un nombre croissant
d’agents économiques agissent ou agiront pour se prémunir de l’inflation.

Il faut noter aussi, tel que découvert par A.W.Phillips lors de son observation des
données de l’économie Britannique sur la période de 1861 à 1957, qu’il existe une
corrélation négative très nette entre inflation et chômage. Cette relation inverse
constitue la courbe de Phillips5, du nom de son découvreur qui a le premier établi
l’existence et la stabilité de cette relation sur une longue période au Royaume-Uni.

V L’arbitrage inflation-chômage.

Postérieurement à A.W.Phillips, de nombreux travaux ont ensuite confirmé


l’existence de cette relation pour la plupart des pays industriels. La courbe de
Phillips est représentée par le graphique suivant.

Courbe de Phillips.
Taux d’inflation

Taux de chômage

Source : Jacques Généreux, op.cit., p243.

5
Voir
 Olivier Blanchard et Daniel Cohen, « Macroéconomie », éditions Pearson éducation, Paris 2007, 195-216 ;
 C. Bialès, M. Bialès, R. Leurion, J.-L. Rivaud, op.cit., p137-138.
 Jacques Généreux, op.cit., p242-243.
Philips explique cette relation décroissante en considérant que lorsque le chômage
est faible, par exemple, il y a des tensions à la hausse du taux de salaire sur le
marché du travail et le rapport de force est en faveur des organisations syndicales de
travailleurs. Cette relation est élargie en 1960 sous l’impulsion de Samuelson et de
Solow à la relation entre taux d’inflation et taux de chômage, en fonction du
mécanisme, parfois appelé la spirale prix-salaires, et cette expression décrit bien le
phénomène à l’œuvre.

 Un faible chômage en traîne une hausse des salaires nominaux ;


 En réponse à la hausse des salaires, les entreprises augmentent leurs prix ;
 En réponse à la hausse des prix, les salariés demandent une hausse des
salaires nominaux ;
 Les entreprises augmentent à nouveau leurs prix, les salariés augmentent à
nouveau leurs revendications salariales ;
 Et ainsi de suite, avec comme résultat une inflation continue des prix et des
salaires.

Cependant, durant les années 1970, la relation s’est brisée. Aux USA et dans la
plupart des pays de l’OCDE, il y’avait à la fois une forte inflation et un fort
chômage (stagflation), ce qui était totalement contraire à la courbe de Phillips. Une
nouvelle relation apparut, mais ce fut cette fois entre le taux de chômage et le taux
de croissance de l’inflation. Aujourd’hui, un fort taux de chômage ne semble pas
entraîner une faible inflation mais plutôt une baisse de l’inflation.

Toutefois, nous noterons que la courbe de Phillips a connu des mutations résultant
de changements dans la façon dont les ménages et les entreprises forment leurs
anticipations.

In fine, on observe qu’à côté des déséquilibres intérieurs sur les différents
marchés ou dysfonctionnements internes, tels que nous venons de les voir
précédemment, peuvent éventuellement apparaitre des dysfonctionnements
extérieurs qui feront l’objet de la leçon suivante.

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