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III- L’éthique, un outil au service de la gouvernance

A- L’éthique dans la gouvernance des entreprises

L’ampleur des scandales financiers, sanitaires, ou environnementaux n’ont de


cesse, de salir l’image et pénaliser l’économie de nombreux pays. C’est à juste
raison qu’aussi bien dans le monde des chercheurs que celui des professionnels
d’entreprises, des médias, des citoyens, et des internautes, l’interrogation sur la
notion de gouvernance dans sa dynamique relationnelle avec l’éthique demeure
d’actualité.

La réflexion éthique dans l’entreprise revêt plusieurs dimensions :

 La dimension axiologique

Elle est la dimension principale de la formalisation éthique. Elle fixe les


valeurs de l’entreprise. Les valeurs centrales abordées par la majorité des
documents sont les notions d’intégrité, d’honnêteté, d’équité, de
professionnalisme, de respect, d’exemplarité, de loyauté, de solidarité, de
responsabilité, etc.

 La dimension déontologique

Elle manifeste une réflexion sur les règles et traduit la volonté de faire
adhérer les membres aux règles et normes de l’organisation.

 La dimension téléologique et ontologique

La téléologie se préoccupe des intentions. Elle exprime l’objectif d’adhésion


aux buts (finalités de l’organisation).
L’ontologie traduit la volonté de l’entreprise de réfléchir sur sa propre nature. La
dimension ontologique exprime la volonté d’adhésion à l’identité de l’organisation.

 La dimension psychologique

Elle est une dimension transversale qui vise à faire en sorte que les membres
se sentent partie prenante de l’organisation. A cet effet, le document éthique
est un outil du système d’incitation œuvrant à faire en sorte que l’entreprise
devienne un univers de l’adhésion et non de la contrainte.

Les attentes des consommateurs sont nombreuses. Les exigences, de leur


part, des pratiques dites « éthiques » imposent aux entreprises d’avoir à la fois
une responsabilité « sociale » et « commerciale ». L’éthique conduit à raisonner
en fonction d’un but utilitaire, celui du bien-être du groupe. L’entreprise a le

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pouvoir de dégager des profits et de réaliser la production, mais, elle doit, en
contrepartie, se montrer responsable envers la collectivité.

Il faut souligner que l’éthique dans l’entreprise est relative. Les règles
éthiques sont en effet établies par chaque organisation en fonction de sa
culture, de ses objectifs spécifiques et des moyens mis en œuvre avant d’être
écrites et rendues publiques.

L’éthique en entreprise est en fait une combinaison de trois dimensions


dynamiques :

 Une éthique préventive regroupant les notions de sécurité ;


d’environnement et de santé.
 Une éthique interne centrée sur un respect rigoureux des normes
juridiques ainsi que sur l’émergence d’un code interne de déontologie et
de la notion d’employabilité.
 Une éthique externe impliquant une plus grande transparence vis à vis de
ses partenaires (actionnaires quel que soit leur importance, clients,
fournisseurs, et autres groupes de pression).

Ces trois dimensions de l’éthique prouvent bien que les entreprises sont
soumises à une exigence de transparence. Transparence et éthique sont
intimement liées car elles constituent les deux piliers d’une bonne gouvernance.
La transparence est la conséquence du comportement éthique des organisations.
Le comportement éthique est l’ensemble des attitudes qui contribuent, au sein
des organisations, à la divulgation des informations (aux parties prenantes) et à
la qualité des dirigeants (honnêteté, respect des contrats, sens du bien
commun…). La transparence et l’éthique sont inextricablement liées puisqu’il n’y a
pas d’éthique sans transparence et vice versa. La bonne gouvernance découle de
l’application des principes d’éthique et de transparence que ce soit au niveau de
l’entreprise ou au niveau de l’État et de l’Administration .

 Ethique économique et développement durable (RSE)

La notion de « développement durable » est apparue à la conférence de


Stockholm en 1972. Le rapport Brundtland en 1987 le définit comme « la
capacité des générations présentes à satisfaire leurs besoins sans compromettre
la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». A la
conférence de Rio de Janeiro en 1992, le concept de développement durable va
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conduire 150 pays à adopter un programme visant à concilier le développement
économique avec la protection de l’environnement et l’équité sociale (Agenda 21).

Les entreprises subissent des pressions régulières de l’opinion publique dans


le sens d’un engagement éthique, d’une plus grande responsabilité au niveau social
et environnemental. Il revient aux entreprises de proposer des produits
socialement, humainement et écologiquement corrects. C’est dans ce contexte
qu’apparaît l’expression « parties prenantes » (stakeholders) désignant tous ceux
qui sont touchés par l’activité de l’entreprise à savoir les collectivités locales, les
organisations non gouvernementales, les actionnaires et les partenaires
économiques de l’entreprise.

Les entreprises sont soumises à un double défi : d’une part, se positionner


comme des entreprises citoyennes et d’autre part, réaliser une performance
globale. La valeur des entreprises se mesure à l’aune de leur performance
économique, de leur niveau de protection de l’environnement et de l’impact de
leurs activités sur la cohésion sociale. Ainsi, le modèle productiviste doit
répondre aux attentes des hommes du XXIème siècle.

Les pressions de l’environnement sociopolitique quant à l’engagement éthique


des entreprises obligent celles-ci à réduire leur marge de manœuvre. En effet,
cherchant à se situer dans un environnement plus honnête, la société est
prompte à condamner et à sanctionner le comportement d’entreprises mettant
en danger, par leurs produits ou leurs pratiques de gestion, la santé ou la
sécurité humaine. Face aux obligations et aux devoirs qui sont les leurs vis-à-vis
de l’environnement, il revient aux entreprises de maîtriser leur image externe
auprès des différents publics : actionnaires et milieux financiers, pouvoirs
publics, clients, fournisseurs, grand public. Pour ce faire, elles cherchent à
communiquer le plus clairement possible sur les éléments clés de son identité.

La responsabilité sociale de l’entreprise oscille entre deux extrêmes quant à


la finalité de l’entreprise : l’un réduit la responsabilité de l’entreprise à
l’obtention du profit (le plus important possible) pour ses actionnaires, et l’autre
étend la responsabilité de la firme à tous les acteurs ayant un intérêt dans
l’entreprise. Si la responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses
profits, l’entreprise n’a, dans ce cas, aucun devoir à l’égard des salariés, des
consommateurs, des fournisseurs, des sous-traitants ou des collectivités
publiques. Ses rapports avec les uns et les autres sont subordonnés à l’intérêt
des seuls contributeurs en termes de capitaux.

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Pour les tenants de la théorie des parties prenantes, l’entreprise capitaliste a
des responsabilités beaucoup plus étendues. L’entreprise doit assumer ses
responsabilités sociales, d’une part, en reconnaissant certes les besoins et les
priorités des intervenants de la société ; d’autre part, en évaluant les
conséquences de ses actions sur le plan social afin d’améliorer le bien-être de la
population en général tout en protégeant les intérêts de son organisation et de
ses actionnaires.

En somme, l’éthique de l’entreprise vis-à-vis des tiers à savoir ses partenaires,


l’environnement et la communauté au sein de laquelle elle exerce, est
fondamentalement une éthique du respect. Ce respect s’inscrit dans une logique
relationnelle durable. Le respect du partenaire actuel est une nécessité car il
sera peut-être aussi le partenaire de demain.

 Ethique de la gouvernance

La réflexion éthique permet de nous interroger sur ce que doit être la finalité
d’une entreprise. Cette redécouverte de l’entreprise non plus comme une
structure économique, mais surtout comme une communauté humaine est la
preuve que s’élabore de nouveaux rapports sociaux. L’éthique devient, dès lors,
un paramètre qui aide à la mise en place de nouvelles méthodes de travail.

 Ethique du management

Le management éthique pose l’homme comme la véritable valeur. L’homme n’est


plus un moyen mais une fin. L’homme est perçu en tant que travailleur mais
également en tant que client, consommateur, citoyen. Le travail est pour l’homme
et non l’homme pour le travail. Par le travail, l’homme se réalise dans son
humanité. Cette redécouverte de la valeur de l’homme dans l’entreprise est
tributaire de la culture de cette entreprise. La culture organisationnelle est un
ensemble complexe de valeurs, de croyances, de symboles, de pratiques qui
définissent la manière dont une entreprise réalise ses activités. C’est une
manière spécifique à l’entreprise de répondre à ses problèmes. La culture de
l’entreprise influence, pour ainsi dire, le comportement éthique.

La culture organisationnelle est un concept clé pour étudier le comportement


éthique. Elle touche tous les aspects de la vie quotidienne : système de
promotion, de décision, attitude au travail. Tout part de la reconnaissance
que les entreprises tout comme les individus ont des personnalités et que la
culture joue un rôle important dans la vie des membres de l’entreprise.

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On comprend alors que toute éthique d’entreprise est enracinée dans sa culture
propre et n’a de sens qu’à travers elle.

L’éthique d’une entreprise regroupe un ensemble de procédures, de règles


qui lui permet d’agir. La culture est la manière de penser l’entreprise : elle
concerne la manière dont les choses ont été faites. Seule la réflexion éthique
permet de savoir pourquoi les choses sont faites. La culture globale de
l’entreprise fait appel au climat éthique de l’entreprise qui en constitue une des
composantes.
Le climat est un élément ou une manifestation de la culture organisationnelle et
est enraciné dans le système de valeurs de l’entreprise. Dans l’entreprise, le
climat éthique est fondé sur les perceptions que les membres ont des normes
organisationnelles (procédures et pratiques) relatives au comportement éthique.

Il est à souligner que la conduite éthique semble plus présente dans les
organisations où les leaders et les normes encouragent et soutiennent la conduite
éthique, et où la conduite éthique est récompensée et la conduite non éthique
punie. Il est donc important que les principaux cadres créent et favorisent une
culture d’entreprise qui exige et encourage une prise de décision éthique. Le
climat éthique est fixé au sommet de l’organisation, l’exemplarité est donc
fondamentale.
Les décisions au sein de l’entreprise, pour garder leur dimension éthique, doivent
également être prises conformément au climat éthique et relativement à
l’éthique du travail en vigueur. La prise de décision éthique est au cœur du
processus de management. Les étapes de la prise de décision se déroulent comme
suit : formulation du problème, analyse du problème, identification des solutions
qui peuvent être prises, évaluation de ces solutions, choix de la meilleure solution
et mise en œuvre de la solution retenue.

La gestion des ressources humaines dans l’entreprise fait aussi référence à


des préoccupations éthiques importantes. Ainsi, la seule application du contrat
économique entre chaque individu et l’entreprise n’est pas suffisante. Elle
entraîne chez les membres de l’organisation la recherche, en priorité, de la
satisfaction de leurs propres besoins même si cela doit se faire aux dépens de
l’atteinte des objectifs organisationnels. C’est pourquoi, l’existence, en parallèle,
d’un contrat psychologique permet donc d’en atténuer les effets pervers. Dans
ce contexte, l’organisation se doit d’être un lieu dans lequel les individus peuvent
se développer. Le style de management doit donc changer : il faut trouver de
nouvelles incitations pour attirer, retenir et motiver des collaborateurs de

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talent. La réussite de l’entreprise n’est possible qu’à la condition qu’elle
réussisse à faire converger ses besoins et valeurs avec ceux de l’individu.

Si le personnel est un partenaire vital pour l’entreprise, le management des


hommes doit s’inscrire dans la politique éthique de l’entreprise. La politique
éthique est donc l’occasion pour les entreprises d’exposer leur politique sociale,
de décrire leur idéal de management (découlant de la vision de l’entreprise
comme une communauté humaine). Elle est l’expression de la responsabilité forte
de l’entreprise vis-à-vis de ses employés ; une responsabilité qui va bien au-delà
des lois pour s’ancrer dans l’humanisme.

 Ethique des affaires

Pour certains, c’est faire preuve d’absurdité que de parler d’éthique en gestion
car le monde des affaires n’obéit qu’à la loi du profit et est exempt
d’interrogations éthiques. Pour d’autres, on ne peut avoir d’éthique appliquée :
l’économie et les affaires devraient simplement être soumises aux mêmes normes
que toute autre activité sociale. Cependant, la réflexion éthique appliquée à
l’entreprise est un sujet de recherche pour bon nombre d’universitaires et de
professionnels.
Les entreprises sont tenues, de plus en plus, de justifier leurs moyens
d’action et la finalité de leurs activités. L’étude de la relation entre moyens
employés et les fins visées fait donc apparaître une préoccupation d’ordre
éthique.
La réflexion éthique en entreprise est au cœur des contradictions entre les
logiques économiques et sociales. C’est une réflexion concernant la responsabilité
de l’entreprise vis-à-vis des acteurs internes et externes. Cette notion de
responsabilité évoque l’obligation de justifier tout acte ou décision en fonction
de normes morales et de valeurs.

L'éthique des affaires se fonde sur l'éthique normative, selon laquelle les
normes éthiques spécifiques sont défendues puis appliquées pour distinguer ce
qui est bien ou mal, c'est-à-dire ce qui devrait être fait ou qui ne devrait
pas être fait. L'éthique des affaires est généralement considérée comme l'une
des formes de l'éthique appliquée à un domaine concret examinant :
 les règles et les principes de l'éthique dans le contexte des
affaires économiques et commerciales ;
 les diverses questions morales ou éthiques qui apparaissent dans le
contexte de l'activité économique des hommes ;

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 et tout devoir ou obligation pour une personne se livrant aux activités
d'échanges et de commerce.
Deux grandes tendances s’opposent, de nos jours, en éthique des affaires :
L'éthique dite "normative" d'inspiration anglo-saxonne ( Business Ethics) et
l'éthique dite "réaliste" d'inspiration plus européenne ( Real Ethic). Ce que les
anglo-saxons nomment éthique (ethics) est en fait de la morale : une version de
l'éthique à caractère normatif. Elle vise l’énonciation de normes contraignantes
pouvant s’appliquer au fonctionnement institutionnel des entreprises. L’autre,
une éthique se disant plus «réaliste» et moins «normative» se résume en trois
points essentiels : positive, personnelle, pratique.
L'Éthique réaliste est dite positive car elle vise ce qu’il convient de faire et
s’énonce sous forme de recommandations positives. C’est pourquoi, elle ne se
confond pas la morale qui se préoccupe de ce qu’il ne faut pas faire et qui
s’énonce sous forme d’interdictions (ne pas). Elle est personnelle en ce qu’elle ne
saurait être pratiquée par des personnes morales (entreprises ou autres
institutions) mais uniquement par des personnes physiques, seules dotées de
conscience individuelle. L'Éthique réaliste est pratique car induisant une sagesse
pratique. En tant que sagesse pratique appliquée au monde professionnel, elle
doit viser un « vivre-ensemble » professionnel de qualité.

Elle peut se décliner en une diversité d’éthiques appliquées au monde des


affaires. On peut citer, entre autres, l’Ethique de la finance et de la
comptabilité, l’Ethique des ventes et du marketing, l’Ethique de la production,
etc.

 Au niveau de l’Ethique de la finance et de la


comptabilité

Il s’agit d’avoir une comptabilité créative s’éloignant des standards établis


pour tromper les actionnaires et d’éviter une analyse financière trompeuse.

Il s’agit d’éviter : - les arnaques relatives à des manipulations (criminelles) des


marchés financiers ;

- les rémunérations excessives des dirigeants des


entreprises (présidents et directeurs généraux) ;

- la corruption et les pots de vin qui sont des pratiques anti-


compétitives et portant atteinte aux valeurs sociétales ;

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- les abus de biens sociaux c’est-à-dire ici à l’utilisation
illicite à des fins privées des ressources de l’entreprise.

 Au niveau de l’Éthique des ventes et du marketing


Il est question ici d’avoir une communication marketing qui ne cherche pas à
manipuler les valeurs et les comportements. Elle doit se contenter de proposer
des produits répondant aux besoins et attentes de la cible, de donner les
spécificités desdits produits et préciser les circuits de commercialisation.
Il faut éviter : 

- la discrimination par les prix  ;


- les pratiques anti-concurrentielles  incluant les tactiques de
fixation des prix et la manipulation de la loyauté ou de la chaîne
d'approvisionnement ;
- les stratégies de marketing spécifiques telles que le
maquillage écologique de pratiques qui ne le sont pas, produit
d'appel à prix très bas mais non disponible en stock, introductions
d'obsolescence délibérée dans le produit pour pousser à son
renouvellement prématuré ;
- la publicité déloyale attaquant un concurrent, les messages
subliminaux, l’utilisation d'images érotiques pour accrocher le
regard 
- l’usage de méthode de manipulation mentale pour capter l’attention
du prospect, la dissimulation manifeste de certaines clauses du
contrat, la souscription sournoise d'un contrat de financement à
l'insu du prospect, ciblage de population faible ; etc.

 Au niveau de l’Éthique de la production


Il revient, à ce niveau, pour une entreprise
- de faire face à son devoir de s'assurer que ses produits et ses
processus de production ne sont pas nuisibles.
- de s’assurer que ses produits et ses services ne sont pas
défectueux, ne créent pas une dépendance, ou ne sont pas de
nature dangereuse.
- d’avoir des relations éthiques avec son milieu naturel notamment
en ce qui concerne les questions de pollution, d’éthique de
l’environnement, etc.

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- doit garantir le respect du principe de précaution du fait des
problèmes d’ordre éthique que peuvent poser l’invention de
nouvelles technologies.
- doit constamment mettre en application l’éthique relative aux
essais c’est-à-dire la reconnaissance des droits des animaux et la
non- utilisation de ceux-ci dans des expérimentations de produits,
le refus d’utiliser des populations en situation économique précaire
comme objets de tests de médicaments.

En somme, l’Ethique des affaires intervient dans le cadre du questionnement


moral sur les conséquences des actes de gestion englobant à la fois l’homme, la
société et la nature. Les dirigeants des entreprises sont interpellés sur leurs
responsabilités morales dans les domaines de l’environnement social et naturel.
L’exigence éthique à laquelle est soumis tout responsable d’entreprise ne fait que
restituer le mouvement dialectique entre le discours de la sagesse qu’impose
l’éthique et celui de l’action qu’induit la performance économique.

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