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Introduction

COMPRENDRE LES TRANSFORMATIONS DE L’INDUSTRIE MUSICALE


Une approche par le modèle d’affaires

Emilie Ruiz, Albéric Tellier, Julien Pénin

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2021/1 N° 294 | pages 79 à 97


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746249356
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2021-1-page-79.htm
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INTRODUCTION
ÉMILIE RUIZ
Univ. de Strasbourg, Univ. de Lorraine,
CNRS, BETA, F-67000 Strasbourg

ALBÉRIC TELLIER
Université Paris-Dauphine, Université PSL,
DRM [M-Lab], UMR CNRS 7088

JULIEN PÉNIN
Univ. de Strasbourg, Univ. de Lorraine,
CNRS, BETA, F-67000 Strasbourg

Comprendre les
transformations de
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l’industrie musicale
Une approche par le modèle d’affaires

L’objectif de cet article est de revenir sur les profonds


bouleversements touchant la musique enregistrée depuis
l’avènement de la numérisation, qui a permis la dématérialisa-
tion des œuvres. Nous proposons un cadre général pour mieux
cerner les défis à relever par les acteurs, en mobilisant une
approche fondée sur le modèle d’affaires. Nous défendons l’idée
qu’un nouvel écosystème de la musique est en train de se
développer, nécessitant l’acceptation collective d’un « méta-
modèle d’affaires » pour fonctionner. L’article présente égale-
ment les travaux de ce numéro spécial.

DOI: 10.3166/rfg.2021.00505 © 2020 Lavoisier


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« And you better start swimmin’ revenir sur les profonds bouleversements
Or you’ll sink like a stone qui ont touché, et touchent encore, la
For the times they are a-changin’ » musique enregistrée depuis l’avènement
(Bob Dylan) de la numérisation, qui a permis la
dématérialisation des œuvres, et de proposer

D
epuis que l’innovation s’est impo- un cadre général pour mieux les cerner.
sée comme un objet de recherche Dans une première partie, nous proposons
en management, les chercheurs un retour historique sur le développement
ont eu tendance à privilégier l’étude de de l’industrie musicale. Ce détour par
secteurs d’activités à fort contenu techno- l’histoire permet de comprendre les trans-
logique. Or, depuis quelques années, il formations profondes amenées par l’arrivée
apparaît que les organisations des industries de nouvelles technologies. Si le monde de la
créatives (le cinéma, le jeu vidéo, la cuisine, musique enregistrée était autrefois organisé
l’architecture, etc.) sont aussi confrontées à autour d’une chaîne de valeur largement
ces questions du renouvellement régulier de pilotée par les maisons de disques, il est
leurs offres. Aussi, l’étude de ces organi- actuellement en pleine reconfiguration.
sations est particulièrement intéressante Avec l’arrivée et la multiplication des
pour la recherche en management, notam- plateformes, la musique enregistrée apparaît
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ment dans le domaine de l’industrie de plus en plus comme un écosystème
musicale. En effet, les transformations de d’affaires dans lequel des partenaires/
cette industrie et les pratiques, parfois adversaires tentent collectivement de créer
déviantes, des artistes qui y évoluent nous de nouvelles offres tout en cherchant à
offrent de formidables opportunités pour s’accaparer une part substantielle de la
reconsidérer les nouveaux modes de valeur créée. Dans une seconde partie, nous
consommation (Le Guern, 2016), les modè- proposons un cadre général pour mieux
les et les pratiques de management (Denis, cerner les caractéristiques et impacts de
2014) et les pratiques de conception et de cette reconfiguration. En considérant que les
diffusion des innovations (Tellier, 2017, acteurs ne pourront concilier intérêts indi-
2020). L’ambition de ce numéro spécial est viduels et collectifs que s’ils n’arrivent à
ainsi d’apporter un éclairage sur les trans- s’aligner sur des processus de création de
formations de cette industrie et les leçons valeur, la répartition des rôles et des
qu’il est possible d’en tirer. Comme le responsabilités de chacun et le partage
montrent les articles qui suivent, mais aussi cohérent des revenus générés, nous pro-
l’interview qu’André Manoukian a accor- posons une approche par le prisme du
dée spécialement pour ce numéro de la modèle d’affaires. En d’autres termes, dans
Revue française de gestion, les multiples la lignée des travaux d’Adner (2017), nous
formes que prend la musique aujourd’hui, défendons l’idée qu’un écosystème d’affai-
les expérimentations qui la régénèrent ainsi res ne peut fonctionner que grâce à un
que les nouveaux modèles économiques qui « méta-modèle d’affaires » qui lie les
s’y développent sont difficiles à gérer par les différents membres et donne de la cohérence
acteurs du secteur. Plus particulièrement, à l’ensemble. Chacune des composantes de
l’objectif de cet article introductif est de ce modèle est ainsi abordée, ce qui permet
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 81

notamment de positionner les différents équipes administratives, etc. Parallèlement,


articles proposés dans ce numéro spécial. les plus importantes d’entre elles se dotent
de ressources matérielles d’envergure
(matériel, studios d’enregistrement, etc.) et
I – LA MUSIQUE ENREGISTRÉE : s’appuient sur leur appartenance à de grands
QUAND UNE INDUSTRIE SE groupes industriels pour avoir accès aux
RECONFIGURE EN ÉCOSYSTÈME nouvelles technologies.
D’AFFAIRES Dans les années quatre-vingt-dix, l’industrie
musicale connaît un âge d’or avec des
1. Une brève histoire de l’industrie
niveaux de vente exceptionnels (Fanen,
musicale
2017). Les acteurs ont réussi le passage de
L’industrie musicale se développe à partir l’analogique au numérique tout en préservant
de la fin du 19e siècle, au moment où il leur modèle d’affaires. On continue à vendre
s’avère possible d’enregistrer, de reproduire des compact-discs comme on vendait des
et de diffuser des œuvres à grande échelle. disques vinyles. Mais le développement de
Le support qui permet l’écoute (disque 78 nouvelles technologies autour du numérique
tours, puis 33 et 45 tours, cassette, compact- va très vite entraîner une remise en cause
disc) devient un produit de grande consom- profonde des « façons de faire » en vigueur,
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mation conçu, fabriqué et commercialisé par à la fois du côté des maisons de disques, des
des entreprises privées qui n’hésitent pas à fabricants de supports, des distributeurs, des
mobiliser les technologies, les dispositifs et amateurs de musique, mais aussi des artistes.
les pratiques en vigueur dans les autres Ces technologies, en permettant la dématé-
industries pour maximiser les retours sur rialisation, la compression des fichiers (avec
investissement. le mp3) et l’envoi à distance, vont en effet
Les défis sont alors nombreux : trouver de favoriser l’arrivée d’acteurs capables de
nouveaux artistes, composer, écrire, jouer, proposer des prestations renouvelées et de
enregistrer, éditer, fabriquer, commerciali- déstabiliser des acteurs en place qui ne
ser, protéger les droits, etc. Progressive- disposent pas d’emblée des compétences et
ment, les maisons de disques vont s’imposer des infrastructures nécessaires pour s’adapter
comme l’acteur pivot de la filière musicale. (Alexander, 2002). L’arrivée de ces nou-
Adoptant un mode d’organisation très veaux intervenants (comme le service peer to
intégré, elles tentent de gérer l’intégralité peer Napster) pose bien entendu le problème
de la « chaîne du disque » : de la détection de la rémunération des droits d’auteur sur
des artistes à l’exploitation commerciale des Internet mais remet également en cause le
œuvres, en passant bien entendu par le métier de différentes entreprises (fabricants
financement des enregistrements. Pour de supports, maisons de disques, distribu-
réaliser toutes ces opérations, elles recrutent teurs, etc.). Parallèlement à d’intenses pour-
des équipes étoffées : auteurs, composi- suites judiciaires pour infraction à la
teurs, musiciens de studio, ingénieurs du législation sur le droit d’auteur, ces acteurs
son, arrangeurs, directeurs artistiques, mais installés tentent de développer des solutions
aussi découvreurs de talents, responsables technologiques permettant la diffusion
de label, attachés de presse, commerciaux, contrôlée de produits audio avec l’aval des
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détenteurs des droits. Une première solution 2. Les enjeux de la transformation


est apportée en 2001 par Apple avec son IPod d’une industrie en écosystème
(puis l’IPhone). Connecté à la plateforme de
téléchargement ITunes, ce baladeur numé- Forte de toutes ces évolutions, la filière
rique permet l’achat en ligne de chansons. musicale traditionnelle laisse place à un
Quatre ans plus tard, les services de diffusion écosystème d’affaires (ESA), c’est-à-dire
en continu (« streaming ») commencent à se une communauté stratégique d’intérêts,
développer. constituée d’organisations issues de sec-
Désormais, la production, la distribution et teurs différents (Torrès-Blay, 2000) et co-
la consommation d’œuvres musicales sont produisant une prestation. On y trouve bien
largement dématérialisées. Si les ventes de entendu les acteurs historiques (maisons de
compact discs se sont effondrées, les disques, distributeurs, etc.) mais aussi les
plateformes de streaming (Deezer, Spotify, nouveaux entrants (offreurs de solutions de
Youtube, etc.) ont vu leur nombre d’abon- streaming par exemple) et divers acteurs de
nés croître de manière très significative. secteurs connexes comme la fabrication de
Comme d’autres, l’industrie musicale a smartphones, les applications mobiles de
ainsi abandonné le modèle de la propriété partage de vidéos et de réseautage social
(organisé autour de l’achat/vente de sup- (comme TikTok) ou les jeux vidéo (des jeux
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ports physiques) pour entrer dans « l’âge de en ligne comme Fortnite diffusent désor-
l’accès » (Rifkin, 2001). mais des concerts en live), des spécialistes
On le voit, le passé récent de l’industrie de la diffusion sécurisée en ligne (cf. le
musicale et son présent sont particulière- développement des concerts virtuels depuis
ment riches d’évolutions aux importantes la crise du Covid), des communautés très
conséquences. La chaîne de valeur de actives, des concepteurs d’algorithmes pour
l’industrie musicale, avec ses frontières la détection et la comptabilisation des
clairement établies et ses acteurs positionnés œuvres diffusées, etc.
sur des maillons spécifiques (création, Cet ensemble ne fonctionnera dans la durée
fabrication des supports et des matériels, que si ses membres sont satisfaits de leurs
distributeurs, diffuseurs, etc.), est en pleine positions. Des travaux (e.g. Iansiti et Levien,
reconfiguration et son pilotage revient 2004) ont déjà montré que le bon fonction-
désormais aux acteurs experts de la mise nement de l’ESA est largement déterminé
en relation. Comme dans d’autres secteurs par la qualité des interactions des membres,
impactés par les technologies de l’informa- notamment entre ceux qui apportent les
tion et de la communication (TIC), le actifs nécessaires au développement des
développement de plateformes est obser- prestations créatrices de valeur (par exemple
vable à différents niveaux : entre détenteurs dans notre cas les détenteurs des catalogues)
des catalogues et auditeurs certes, mais aussi et ceux qui permettent, par l’intermédiaire
entre artistes et fans prêts à financer les de la plateforme, la combinaison effective
œuvres (crowdfunding), entre artistes et des actifs et compétences collectivement
compositeurs (crowdsourcing), etc. apportées (ici, les acteurs comme Spotify,
Comment cerner la nature et l’impact de Deezer, etc.). Or, les motifs qui poussent les
ces changements ? acteurs à intégrer un ESA sont variés :
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 83

exploiter une nouvelle opportunité, se déve- perspective repose sur une caractéristique
lopper dans un nouveau domaine, riposter à clé d’un ESA : il est, pour ses membres, le
des manœuvres impulsées par de nouveaux lieu de la création de valeur mais aussi de sa
entrants, etc. capture. En s’accordant sur une « structure
La recherche académique a ainsi montré que d’alignement » (formelle ou non), les
la constitution et le fonctionnement d’un membres de l’ESA précisent les activités
ESA impliquent une acceptation commune qui doivent être réalisées pour concrétiser la
du rôle de chacun (e.g. Koenig, 2012). Les proposition de valeur et les modalités de
objectifs individuels doivent être suffisam- partage de la valeur créée.
ment cohérents entre eux et s’aligner. Un tel alignement des acteurs est sans doute
L’alignement correspond à un accord mutuel encore en construction dans l’industrie
entre les membres sur leurs positions musicale. Chacun des nouveaux entrants et
respectives et sur ce qu’ils échangent des acteurs installés tentent actuellement de
(informations, composants, flux financiers, développer sa « stratégie d’écosystème »
etc.) (West et Wood, 2014). Comme les (Adner, 2017). Dans l’ESA de la musique
interactions entre les membres d’un ESA sont enregistrée, les défis, problèmes et points de
largement fondées sur la coopétition (Pelle- désaccords restent nombreux. Si les acteurs
grin-Boucher et Gueguen, 2005), la forma- ont réussi collectivement à élaborer des
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tion d’un tel accord peut être difficile à réponses robustes aux pratiques de piratage,
concrétiser. Les travaux d’Adner (2017) ont la répartition de la valeur créée paraît encore
notamment montré que l’échec de formation déséquilibrée. Nombreux sont les artistes et
d’un ESA peut avoir pour origine l’incapacité labels à se plaindre des niveaux très bas des
des acteurs à réaliser un tel alignement, et royalties versées par les plateformes de
plus largement des luttes de pouvoir et de streaming et des modes de calcul. Para-
contrôle d’actifs. En effet, bon nombre llèlement, les nouveaux modèles d’affaires
d’acteurs peuvent chercher à s’imposer de l’industrie musicale portés par des acteurs
comme pivot au cœur de l’écosystème. En comme YouTube ou Deezer n’ont pas encore
étant positionnés sur des nœuds essentiels du fait leur preuve sur la durée tandis que ceux
réseau de relations, ils espèrent orchestrer portés par des acteurs historiques paraissent
l’ensemble et capter une part importante de la fragilisés (Guichardaz et al., 2019). L’audi-
valeur créée. Comme l’indique Koenig teur est désormais confronté à des catalogues
(2012), pour obtenir cette position de immenses (Salganik et al., 2006) qui
« keystone » (Iansiti et Levien, 2004), amènent des problématiques nouvelles liées
l’acteur pivot doit maintenir un fort contrôle à l’hyperchoix (Hanrahan, 2016). Du côté
sur des actifs clés et non substituables, ce qui des artistes, les défis sont également nom-
peut l’entraîner dans des manœuvres breux (Seabrook, 2016). Plusieurs ont vu
d’affrontement. dans le développement des réseaux numéri-
L’ESA peut alors être envisagé comme une ques un moyen de faciliter la diffusion
structure qui permet l’alignement d’un d’informations (notamment avec des sites de
ensemble de partenaires variés qui inter- réseautage comme Myspace puis Facebook),
agissent pour qu’une proposition de valeur de renforcer la relation avec les consomma-
se matérialise (Adner, 2017). Une telle teurs de musique et de s’affranchir du poids
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jugé excessif des maisons de disques. Mais de la valeur créée ?) Il nous semble alors
les déconvenues ont été nombreuses, faute de judicieux de mobiliser le concept de modèle
compétences suffisantes, notamment pour les d’affaires.
indépendants et les artistes « en devenir ». Dans son sens premier, le modèle d’affaires
Le succès médiatique est désormais étroite- est un modèle cognitif de conception et
ment lié à la capacité à fédérer des passionnés formalisation de la stratégie d’entreprise
de musique, à leur diffuser des informations doté de trois composantes clés : la proposi-
en avant-première et à les mobiliser rapide- tion, la création et la capture de valeur
ment au moment de la sortie d’un nouvel (Baden-Fuller et Morgan, 2010). En se
album. Jamais la connexion avec les fans n’a focalisant sur ces différentes composantes,
semblé être un facteur aussi décisif pour le les entreprises peuvent ajuster leurs déci-
destin commercial des œuvres enregistrées sions stratégiques à leur environnement.
(Berger, 2012). Cela explique sans doute le Elles peuvent, plus particulièrement, conce-
fort développement des techniques de mar- voir leurs sources d’avantage concurrentiel,
keting direct, voire de growth hacking, mais tirer profit des innovations, technologies et
aussi la migration des revenus vers les opportunités de marché (Teece, 2010), (ré)
concerts (Le Guern, 2016). La partie suivante organiser leurs ressources et leurs activités
propose ainsi de revisiter les enjeux et défis à au sein de leur chaîne de valeur et optimiser
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relever par les acteurs à l’aune des compo- l’innovation, notamment collaborative
santes classiques du modèle d’affaires. (Appleyard et Chesbrough, 2017).
Si ce concept a été initialement développé
au niveau de l’entreprise, il nous semble
II – LA MUSIQUE ENREGISTRÉE :
intéressant de le mobiliser pour l’étude de
UN « MÉTA-MODÈLE D’AFFAIRES »
collectifs, ici des ensembles d’acteurs
EN CONSTRUCTION
engagés dans la création, la production et
Comment appréhender, dans le cas de la diffusion des œuvres musicales enregis-
l’industrie musicale, les tentatives précé- trées. En d’autres termes, nous considérons
demment décrites mais aussi les tensions qu’un ESA fonctionne grâce à un « méta-
entre acteurs qui peuvent en découler ? Au modèle d’affaires » qui lie les différents
sein d’un ESA, l’alignement des acteurs membres, donne de la cohérence à l’en-
permet l’élaboration d’une proposition de semble, mais qui peut aussi l’empêcher de
valeur, c’est-à-dire un panier de fonction- se régénérer. Si Apple a réussi à construire
nalités et d’éléments plus immatériels que la un écosystème autour du couple Iphone/
clientèle cible va valoriser. Envisager cette ITunes, c’est bien parce que des acteurs
proposition comme le « cœur » de l’ESA très variés (de la presse aux applications
permet d’envisager d’emblée les débats et utilitaires en passant par les concepteurs de
désaccords qui peuvent survenir entre les jeu vidéo), ont finalement accepté collecti-
membres de l’ESA sur la valeur à proposer vement une manière de s’organiser et de se
(quelles doivent être les fonctionnalités à répartir la valeur créée autour d’une
inclure ?), la répartition des rôles pour créer plateforme commune. D’ailleurs, le récent
cette valeur (qui fait quoi ?) et sur son conflit né de la volonté d’Epic Games,
partage (comment chacun capture une partie l’éditeur du jeu vidéo Fortnite, de
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 85

contourner les règles et les tarifs en vigueur certains albums n’étant pas commercialisés
dans l’écosystème Apple montre bien sous une forme physique. En cela, plusieurs
l’importance des questions d’alignement caractéristiques classiques des œuvres musi-
et des jeux de pouvoir entre membres d’un cales sont abandonnées : support physique,
ESA. pochette, acquisition définitive pour un prix
Dans le contexte de l’industrie musicale, fixé dès le départ, distribution dans les
malgré les évolutions précédemment décri- réseaux traditionnels (en magasin ou en
tes, le méta-modèle d’affaires en vigueur est ligne). Désormais, on propose plutôt d’ac-
longtemps resté linéaire et fermé, impli- céder, moyennant rémunération par abon-
quant relativement peu d’acteurs sur la nement, à des catalogues immenses, que
chaîne de valeur. Si l’émergence de l’on peut écouter sur de multiples appareils,
nouvelles technologies, de nouvelles res- mais aussi archiver, compiler, commenter,
sources et de nouveaux acteurs entraîne ce partager, etc.
modèle d’affaires vers davantage d’ouver- Si la musique est l’un des premiers secteurs
ture et d’interactivité, un travail de longue d’activité à avoir été impacté à grande
haleine est sans doute encore requis avant échelle par la numérisation, certains de ses
que les acteurs ne parviennent à trouver leur acteurs ont un peu tardé à cerner ces
place dans les processus de proposition, de modifications majeures dans la proposition
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création et de capture de valeur. de valeur. En particulier, les maisons de
disques n’ont pas anticipé les nouvelles
pratiques de consommation rendues possi-
1. Des changements sur la proposition
bles par la dématérialisation. Leur obstina-
de valeur
tion à conserver coûte que coûte leurs
De par l’essor, rendu possible par la positions concurrentielles avantageuses et
dématérialisation, de nouveaux acteurs, leur incapacité à se renouveler les ont
notamment les plateformes numériques progressivement éloignées de leur marché
d’intermédiation, la proposition de valeur (Fanen, 2017). Comme souvent, ce sont des
de l’industrie musicale s’est vue enrichie de nouveaux venus qui ont détecté les premiers
multiples fonctionnalités qui impactent à la le potentiel des nouvelles technologies.
fois l’expérience de consommation et les Avec l’iPod, Apple a amené une proposition
dispositifs de promotion des artistes. de valeur simple à formuler (« j’emmène
toute ma musique avec moi ») mais en
cohérence totale avec les modes de vie et les
Une offre désormais largement
attentes d’une génération friande de pro-
dématérialisée
duits nomades.
Conformément à ce qui a pu être observé
dans d’autres secteurs, la dématérialisation a
Un renouvellement de l’expérience client
permis l’élaboration de propositions de
valeur complètement revues. Dans l’indus- Quand les réseaux peer to peer et le mp3
trie musicale, le client n’est plus obligé de ont commencé à s’imposer, de nombreux
faire l’acquisition d’un objet figé. Parfois, il acteurs installés ont considéré que ces
arrive même qu’il ne puisse plus le faire, évolutions étaient de nature à détériorer la
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qualité de l’écoute, et au-delà, l’expérience voire une perte de contrôle, qu’il faut
de consommation. Force est de constater apprendre à gérer.
qu’il n’en est rien pour au moins trois raisons. Les réseaux sociaux sont aussi les nouveaux
Tout d’abord, les services de streaming instruments de la création de l’image de
comme Deezer ou Spotify tentent de leur côté marque et du story telling. Mais, dans le
d’enrichir et de personnaliser l’écoute musi- même temps, le vinyle est désormais
cale par des dispositifs de recommandation et considéré comme un objet susceptible de
la création de playlists. Ils renforcent aussi le stimuler les sens de certains clients. Dans le
sentiment communautaire en permettant à monde du hip-hop par exemple, on observe
l’utilisateur de publier des avis, de partager depuis quelques années un intérêt grandis-
des coups de cœur, etc. sant pour les vinyles en séries très limitées, à
Ensuite, la dématérialisation permet de créer des prix parfois jamais vus, mais aussi pour
du lien avec les fans qui peuvent suivre en les offres liées qui combinent disque,
direct le processus de création. En multipliant vêtement, billet de concert, etc. Cet attrait
les annonces, les sondages, les livraisons de pour des expériences de consommation
versions intermédiaires, l’artiste invite le « réelles » est également visible dans la
public à « vivre » la fabrication de son œuvre. place prise désormais par les concerts et
Il crée un intérêt pour le nouvel album avant festivals qui deviennent pour de nombreux
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même sa sortie officielle. Mais en retour, les artistes la principale source de revenus
fans contribuent également et largement à la (Brennan, 2015).
notoriété et à l’image de l’artiste. Comme le Enfin, de nouvelles propositions de valeur
montre l’article d’Anthony Galluzzo dans le émergent à la faveur des évolutions techno-
présent numéro, les communautés de fans de logiques ou du contexte. Comme l’a relevé
stars musicales réalisent un travail narratif, en Barnat (2016), de nouveaux dispositifs
co-écrivant le récit de leur idole. Ce d’écoute immersive font leur apparition en
processus de co-construction narrative est parallèle du développement des visiocasques
un levier particulièrement intéressant à de réalité virtuelle. En captant le son à 360°,
exploiter pour enrichir la proposition de ils peuvent potentiellement révolutionner
valeur. Galluzzo montre dans sa recherche l’expérience de l’auditeur en le plaçant au
que les managers peuvent l’exploiter en cœur du système de diffusion, plutôt que
adoptant notamment un modèle freemium/ dans la traditionnelle relation frontale acteur-
premium : diffuser gratuitement une masse spectateur. La crise du Covid a, de son côté,
importante de contenu pour faire grandir la incité les acteurs à expérimenter des formules
communauté et réserver une fraction du nouvelles de spectacle, notamment les
contenu à une clientèle prête à payer pour concerts « virtuels », avec des résultats
l’obtenir. Mais l’auteur alerte aussi sur les parfois spectaculaires. En juin 2020, le
problèmes que peuvent poser ces pratiques. groupe coréen BTS a organisé un concert
Les fans peuvent développer une activité virtuel diffusé sur Internet. Plus de 750 000
créative contraire aux intérêts et à l’image personnes, originaires de 107 pays, l’ont
que souhaite se donner la star musicale. suivi. Avec des places vendues entre 23 et 35
Favoriser l’activité interprétative des fans euros, ce concert aurait rapporté près de 20
implique ainsi une délégation de pouvoir, millions de dollars.
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 87

De nouveaux dispositifs de promotion d’organisation et de promotion de spectacles,


des artistes artistes, etc.), ces actions sont susceptibles de
créer des tensions au sein de l’écosystème.
En permettant de fédérer des communautés Par exemple, le développement des concerts
de fans tout au long du processus de création virtuels, s’il puise sa légitimité à la fois dans
et de distribution des œuvres musicales, des les évolutions technologiques qui permettent
plateformes comme MySpace, et plus des expériences en ligne enrichies et dans la
récemment Bandcamp, ont renouvelé la nécessité de trouver des réponses à des
relation entre créateurs et consommateurs. contextes inédits (comme la crise du Covid),
De leur côté, certains artistes n’hésitent plus pose actuellement des questions complexes
à prendre en charge la gestion des fans qui (respect des droits, systèmes de billetterie en
passe très largement par une utilisation ligne, etc.) et remet en cause la place et le rôle
intensive des réseaux sociaux. Quelques de certains acteurs historiques. Les enjeux du
acteurs dédiés dans l’accompagnement des développement de ces spectacles en ligne et
artistes et des labels ont également émergé. les inquiétudes qui en découlent sont résumés
C’est par exemple le cas de l’entreprise dans ces propos du directeur général
Believe, qui permet de promouvoir et de d’Olympia Production (News Tank Culture
gérer le catalogue d’artistes et de labels 12/2020) : « Le livestream est un complé-
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variés. Dans ce dossier, Robin Charbonnier, ment qui ne doit pas venir perturber
Pierre Poinsignon et Thomas Paris s’inté- l’écosystème du live. Pour faire du lives-
ressent tout particulièrement au cas de cette treaming, il faut détenir des droits. Ensuite, il
entreprise en proposant notamment une faut envisager un modèle économique entre
lecture par les stratégies dites « Bottom toutes les parties prenantes. » Toutes ces
Of Pyramid ». En étudiant le cas de Believe, modifications portées à la proposition de
les auteurs montrent qu’en misant sur des valeur nous amènent à questionner la
artistes peu connus ou atypiques, l’entre- manière dont cette valeur est créée.
prise a su concurrencer les majors en
proposant aux artistes et labels un service
2. Une création de valeur ouverte
de promotion leur permettant de se
à de multiples acteurs
promouvoir.
On le voit, tous ces dispositifs et ces pratiques La diversification des acteurs de l’industrie
nouvelles visent à renouveler la proposition n’impacte pas seulement la diffusion du
de valeur, notamment en intégrant les contenu musical, mais également les moda-
possibilités offertes par les TIC et les réseaux lités de sa création. Comme nous l’avons vu
sociaux. Elles nécessitent cependant de précédemment, alors que l’industrie musi-
développer et d’accéder à des ressources et cale reposait autrefois sur un nombre limité
compétences nouvelles et de construire des d’acteurs cantonnés à des rôles très précis,
dispositifs organisationnels inédits qui asso- cette dernière s’est aujourd’hui ouverte sur
cient des acteurs historiquement éloignés de l’ensemble de sa chaîne de valeur, à laquelle
l’industrie musicale. Impulsées simultané- ont pris part de nouveaux acteurs, grâce
ment par des acteurs variés (maisons de notamment au développement de nouveaux
disques, plateformes de streaming, sociétés outils et de nouvelles technologies.
88 Revue française de gestion – N° 294/2021

De nouvelles manières de créer musical s’est ainsi démocratisée et est


les œuvres rendue accessible à tous ceux souhaitant
s’y essayer.
Tout d’abord, la recherche d’artistes pour Au-delà d’Internet, cette démocratisation se
interpréter, et parfois écrire et composer, le voit favorisée par la mise à disposition de
contenu musical s’est aujourd’hui trans- nombreux « toolkits », c’est-à-dire des
formé à la lumière d’une logique d’innova- boîtes à outils qui « permettent aux utilisa-
tion ouverte entrante, c’est-à-dire « une teurs de créer de nouveaux produits
pratique consistant à tirer parti des décou- innovants (…) » (von Hippel et Katz,
vertes des autres (...) » (Chesbrough et 2002, p. 2). Dès 2006, Jeppesen et
Crowther, 2006, p. 229), à laquelle pren- Frederiksen étudiaient la communauté d’uti-
nent part de nombreux acteurs. Si les lisateurs du logiciel de musique assistée par
maisons de disques historiques possédaient ordinateur Reason, édité par le suédois
leurs propres services de détection, de Propellerhead Software. Aujourd’hui, il
sélection, voire de formation des artistes, semble que bon nombre de boîtes à outils
elles privilégient désormais des pratiques de permettent à tout à chacun de créer et
veille sur les réseaux sociaux et sur des sites partager du contenu musical de façon encore
comme Youtube pour détecter les nouveaux plus accessible, sans que cela ne soit
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talents. forcément piloté par une organisation. Un
La logique d’innovation ouverte porte exemple récent des plus marquants est
également une logique de co-création, qui certainement celui de la plateforme TikTok,
consiste à développer des produits et qui permet à n’importe quel utilisateur de
services avec des clients, utilisateurs et créer de courtes vidéos accompagnées de
consommateurs. La création de valeur de musique. Si elle ne met pas systématique-
l’industrie musicale s’est ainsi ouverte à de ment l’accent sur de la création musicale,
nombreux artistes peu connus, voire à TikTok a permis de propulser d’illustres
d’illustres inconnus, en exploitant les inconnus sur le devant de la scène grâce à
possibilités du crowdsourcing (CS). Théo- leurs créations. Par exemple, le rappeur
riquement, le CS consiste à externaliser une américain LilNas X a acquis en 2019 une
tâche à un ensemble d’individus par le biais très forte notoriété suite à sa création
d’un appel ouvert sur Internet. Plus parti- réalisée pour le « Yeehaw Challenge ».
culièrement, le CS d’activités créatives Parallèlement à l’ouverture du processus
(Ruiz et al., 2017) permet à un acteur ou créatif, un autre aspect essentiel touchant au
une organisation de solliciter une foule processus de création musicale a trait au rôle
d’individus pour accéder à de nombreuses croissant des technologies dites d’intelli-
ressources ou à des inputs créatifs spécifi- gence artificielle. La musique est par essence
ques. Dans l’industrie musicale, des plate- mathématique et constitue ainsi un terrain
formes telles que Beatstars, Airbit, ou propice à l’utilisation des machines pour
encore Soundgine permettent de mettre en produire de la musique artificielle. Leibniz
relation des beatmakers (des créateurs de (1712) lui-même, en son temps, n’affirmait-il
rythme) et des artistes pour vendre et acheter pas que « La musique est un exercice caché
du contenu musical. La création de contenu d’arithmétique tel que l’esprit ignore qu’il
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 89

compte ». Certes, la capacité des machines à dans un cadre légal sécurisé tout en assurant
produire de la musique populaire reste une rémunération aux auteurs dont les
limitée par les aspects sociétaux et culturels œuvres sont ré-utilisées (Geiger, 2018).
(Salganik et al., 2006). Il reste qu’elles
peuvent et pourront de manière croissante
De nouveaux modes de financement
produire de la musique. En particulier,
l’association homme-machine (la production Il n’est pas rare que l’ouverture touche
hybride) est déjà une solution opération- également le financement de la création de
nelle : la production est assistée par ordina- contenu musical, notamment par le biais de
teur mais l’humain reste le pilote et plateformes de crowdfunding. Certains
sélectionne, en dernier ressort, les morceaux artistes manquent en effet de ressources
qui seront distribués (la conscience artistique financières afin de pouvoir créer la valeur
reste l’apanage de l’humain). Or, ces qu’ils proposeront ensuite à leur public.
nouveaux modes de production ne vont Dans ce dossier, l’article de Rahma Chekkar
pas sans poser de sérieuses questions en et Sophie Renault s’intéresse aux échelles
matière de valorisation économique, notam- de contreparties proposées par les artistes en
ment en ce qui concerne l’information des quête de financement. En analysant plus de
consommateurs et à leur acceptabilité. vingt projets de crowdfunding musicaux
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Par ailleurs, la numérisation croissante de la soumis sur la plateforme Ulule, les auteures
musique pose de nouvelles questions en formulent de précieuses recommandations
matière de gestion des droits de propriété aux artistes, notamment d’équilibrer mimé-
intellectuelle, qui entrent désormais en tisme et singularité dans les contreparties,
conflit frontal avec le processus cumulatif d’adopter une stratégie de ciblage différen-
de création numérique (Pénin, 2015). Une ciée et d’inciter au don.
conséquence essentielle de l’économie Cette logique, largement favorisée par des
numérique est de rendre la réutilisation à plateformes de financement de type Ulule, a
l’identique d’œuvres existantes à la fois ainsi permis à des utilisateurs et consom-
facile, rapide et peu coûteuse. Les créations mateurs de musique de devenir producteurs
numériques sont souvent une combinaison et de favoriser l’autoproduction d’artistes.
(un copié/collé) d’œuvres existantes. Si les Dans ce numéro spécial, l’article de Raphaël
emprunts et réutilisations sont monnaie Cuffolo et Joël Brée s’intéresse tout
courante depuis que la musique existe, il particulièrement à la suppression des inter-
reste que le phénomène s’est démocratisé médiaires et à l’autoproduction. En étudiant
ces dernières décennies. Or, le droit d’auteur le marché de la musique punk, les auteurs
constitue par définition un obstacle à cette analysent notamment les formes de résis-
activité de production numérique cumula- tance mises en œuvre par ce genre musical,
tive. Comme toujours en matière de pro- précurseur en matière d’autoproduction.
priété intellectuelle, un nouvel équilibre doit
donc être trouvé. Cela passera vraisembla-
De nouvelles perspectives technologiques
blement par la mise en place d’un ensemble
d’exceptions au droit d’auteur pour per- Enfin, il est difficile d’évoquer les trans-
mettre aux créateurs numériques d’opérer formations actuelles des modes de création
90 Revue française de gestion – N° 294/2021

et de production musicale sans mentionner plus grand nombre. Si ces différentes


les questions liées à la blockchain. Au évolutions permettent aujourd’hui une plus
milieu de nombreuses autres technologies grande variété et une plus grande liberté
émergentes, la blockchain est très souvent dans la création de valeur, cela n’est pas
montrée du doigt comme étant celle avec le sans difficultés. En effet, la démultiplication
plus fort pouvoir de désintermédiation. Par des acteurs créateurs de contenu et le
définition, les informations figurant sur une chevauchement de leurs rôles peut générer
blockchain sont parfaitement décentralisées, des questions liées à la propriété intellec-
transparentes et infalsifiables. La technolo- tuelle, à la légitimité des artistes qui les
gie blockchain agit ainsi comme un puissant créent, à de nouvelles tendances musicales
générateur de confiance et donc, mécani- et donc au renouvellement du contenu créé,
quement, a le potentiel pour faire quasiment etc. En d’autres termes, l’ouverture de la
disparaître les coûts de transaction (notam- création de valeur interroge le modèle de
ment les possibilités de comportements revenus c’est-à-dire de la capture de la
opportunistes), réduisant de ce fait l’impor- valeur de l’industrie musicale.
tance des tiers de confiance. En consé-
quence, dans le cas de l’industrie musicale,
3. Un renouvellement des stratégies
il est naturel de se demander dans quelle
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de capture de la valeur
mesure la blockchain sera susceptible
de menacer l’hégémonie des majors. C’est Si les modèles traditionnels de monétisation
précisément l’objectif du travail de Laurent semblent devoir être largement abandonnés,
Bach, Rémy Guichardaz et Éric Schenk de nouvelles pratiques émergent déjà,
publié dans ce dossier qui, au travers d’une rendues notamment possibles par des
discussion conceptuelle et d’une étude de avancées technologiques.
cas exploratoire, analyse l’impact de la
blockchain sur l’intermédiation au sein de
Un modèle traditionnel qu’il
l’industrie musicale. L’analyse conduit les
est nécessaire d’abandonner
auteurs à conclure que si, à court terme, la
technologie blockchain reste largement Les transformations de l’industrie musicale
immature et n’aura que peu de conséquen- ont très tôt suscité d’importantes craintes,
ces, à plus long terme son impact est qui se sont largement apaisées aujourd’hui,
susceptible d’être important, en particulier essentiellement grâce à l’essor du streaming
en ce qui touche à l’enregistrement des payant, sur les revenus et dispositifs de
différents droits et à la distribution des monétisation, notamment sur les consé-
rémunérations associées. quences du partage de fichiers (souvent
Ainsi, la logique d’innovation ouverte illégal) sur la vente de CD. Les premières
insufflée à la création se traduit par une analyses économétriques, principalement
redistribution des rôles des acteurs existants aux États-Unis, ont pu conclure que le
(l’artiste, le compositeur et/ou l’auteur ne téléchargement illégal de musique était en
sont plus les seuls créateurs de musique) effet la principale cause du déclin des ventes
ainsi qu’une ouverture et une démocratisa- de musique enregistrée (Rob et Waldfogel,
tion de la création de contenu musical au 2006). En corollaire, il a également été
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 91

montré que le téléchargement illégal avait l’ensemble des services associés offerts qui
entraîné une baisse du budget que les incite le consommateur à payer pour un bien
consommateurs américains consacraient à qui, au final, est largement plus qu’un
la musique (Rob et Waldfogel, 2006). morceau musical. Aujourd’hui, vendre de la
Notons cependant que ces résultats ont fait musique est une activité bien plus complexe
l’objet d’intenses débats au sein de la et variée que de vendre des disques.
communauté académique (e.g. Oberholzer-
Gee et Strumpf, 2007).
De nouvelles pistes pour monétiser
Les tentatives des acteurs historiques pour
l’écoute
endiguer la distribution légale ou illégale de
la musique en ligne ont largement échoué. Le passé récent de l’industrie musicale
Les verrous technologiques, au travers des montre le développement de nouvelles
techniques de cryptage DRM (« Digital manières de capturer la valeur. Les expé-
Right Management ») mobilisées rapide- rimentations sont multiples et n’ont pas
ment et brièvement au début des années encore, pour la plupart, complètement fait
2000, se sont avérés inopérants, voire leurs preuves. Trois pistes peuvent déjà être
totalement contre productifs (Vernik et al., relevées.
2011). Parallèlement, les tentatives légis- Tout d’abord, le streaming payant joue
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latives, dont la réponse graduée instaurée par aujourd’hui un rôle central à double titre. En
la loi Hadopi en France offre vraisembla- premier lieu, il constitue une source directe
blement l’exemple le plus abouti, n’ont pas très importante de revenus pour l’industrie
tenu leurs promesses même si, là encore, les et a largement contribué à imposer les offres
conclusions des chercheurs divergent. Cer- légales de musique et à faire refluer les
taines recherches montrent un effet positif offres illégales. Les études empiriques de
faible mais significatif, notamment sur les plus en plus nombreuses montrent que
ventes de musique en ligne (Danaher et al., l’effet net du streaming sur les revenus de
2014). Mais, plus nombreux sont les travaux l’industrie est clairement positif (Aguiar et
qui mettent en avant une absence d’efficacité Waldfogel, 2018). De surcroît, le streaming
de ces mesures et suggèrent surtout que les tendrait à réduire le recours au télécharge-
consommateurs les plus actifs ont été en ment illégal. En deuxième lieu, il est au
mesure de se tourner vers des moyens de cœur des stratégies de complémentarité
consommation non détectables par les auto- entre les différentes sources de revenus de
rités (Arnold et al., 2019). l’industrie, par exemple entre le streaming
Dans tous les cas, ces débats sont aujourd’- et les concerts en live (Naveed et al., 2017).
hui largement passés de mode tant il semble Ensuite, les acteurs de la musique peuvent
acté que l’industrie musicale est entrée dans se tourner vers l’expérientiel et les concerts
une nouvelle ère de production, distribution afin d’endiguer les problèmes de copie
et consommation et que la monétisation de illégale et de générer des revenus. L’idée ici
la musique ne pourra plus se faire par les étant bien entendu d’appliquer le raisonne-
moyens utilisés dans le passé. L’âge d’or du ment bien connu que si un produit est
CD est bel et bien terminé. Désormais, c’est imitable, une expérience l’est beaucoup plus
la combinaison entre le fichier musical et difficilement. L’engagement croissant des
92 Revue française de gestion – N° 294/2021

majors de la musique dans l’organisation de peuvent aider à absorber une partie des
concerts va clairement dans ce sens (Gui- coûts irrécupérables liés à la production et à
chardaz et al., 2019). la distribution de la musique. Elles peuvent
Enfin, les acteurs de l’industrie musicale se contribuer à structurer une demande de
tournent progressivement vers les mécanis- contenus de niche particuliers, à tester
mes de génération de revenus des « low IP certains contenus ou nouvelles technolo-
regimes ». Comme la haute couture, la gies, à faire la publicité et à assurer la
cuisine gastronomique, les tatouages, les diffusion de contenus, à ajouter de la valeur
logiciels libres, la magie ou les arts de la rue, (commentaires, informations complémen-
la musique se trouve désormais dans une taires, réseaux sociaux, etc.). En somme, les
situation inédite que l’on peut résumer par communautés d’utilisateurs peuvent consti-
l’expression « IP without IP » (« Intellectual tuer des leviers puissants qui permettent aux
Production without Intellectual Protection ») producteurs et distributeurs de musique de
(Darling, 2013). Tous ces secteurs bénéfi- capturer une partie de la valeur qu’ils
cient d’une activité créative souvent intense contribuent à créer. Le rôle des commu-
alors même que les créateurs ne peuvent pas nautés de fans est d’ailleurs souligné plus ou
bénéficier de droits de propriété formels forts. moins explicitement par plusieurs articles
Dans ces secteurs, les acteurs ont tendance à dans ce dossier (crowdfunding, construction
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mobiliser des stratégies largement éprouvées d’une mythologie autour des artistes,
par ailleurs, fondées sur la maîtrise des actifs engagement militant dans le cas du punk
complémentaires (un catalogue, une marque rock, etc.).
ou la complémentarité entre différentes
ressources), l’implication des communautés
Des modèles de revenus impactés
et des normes informelles ou encore le
par le développement technologique
basculement vers l’expérientiel et le specta-
cle vivant. Autant de stratégies que l’on peut Ces nouveaux dispositifs de capture de la
retrouver aujourd’hui au sein de l’industrie valeur peuvent s’appuyer sur des avancées
musicale. technologiques. En particulier, au-delà de
Notamment, les communautés d’utilisateurs ses capacités de désintermédiation, la
et de fans sont amenées à jouer un rôle blockchain possède un réel potentiel quant
croissant afin de réguler la copie illégale et à la structuration des processus d’innovation
de permettre au secteur de capturer une ouverte (Schenk et al., 2019) et la question
partie de la valeur créée. En effet, dans un associée de la rémunération des différents
environnement où il est techniquement très participants. L’innovation ouverte a le plus
difficile d’empêcher les comportements de souvent besoin de traçabilité et de forma-
« passagers clandestins », l’adhésion des lisation. Dans la plupart des modalités de
individus à une norme de bonne conduite est l’innovation ouverte, les participants sou-
essentielle pour limiter ces comportements haitent garder un contrôle sur leur contribu-
déviants. Or, la constitution de communau- tion. Ils désirent a minima qu’elle soit
tés permet précisément de créer et de reconnue et, lorsque c’est possible, qu’elle
défendre de telles normes (Le et Pénin, soit rémunérée. Ainsi, en application de
2017). Les communautés d’utilisateurs l’adage bien connu que « les bonnes
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 93

clôtures font les bons rapports de voisi- multiples, indiquant que l’industrie musi-
nage », l’innovation ouverte, pour se cale a largement entamé sa mutation.
développer, a besoin de se reposer sur un Si, comme nous le pensons, le monde de la
cadre formel et juridique (Pénin et Neicu, musique est en train de se reconfigurer en un
2018). À ce titre la blockchain est pro- écosystème d’affaires, la question est alors
metteuse car elle peut permettre d’enregis- de savoir qui, dans ce nouveau monde,
trer et de graver dans le marbre les parviendra à prendre une position clé et à
contributions de chacun, d’en retracer les piloter l’ensemble. Si l’on en croit la
réutilisations et donc d’en assurer les micro- littérature sur les écosystèmes, les platefor-
paiements associés. Elle a également le mes expertes de la mise en relation sont en
potentiel d’assurer une rétribution plus bonne position pour occuper cette place
équitable, qui tient mieux compte des centrale (Iansiti et Levien, 2004). Cepen-
apports de chacun. Les systèmes historiques dant, alors qu’on prédisait leur disparition,
de rémunération de la musique enregistrée et plus largement la fragmentation du
font la part belle aux artistes les plus secteur (Alexander, 2002), les maisons de
célèbres. Un très petit nombre d’artistes disques semblent montrer une réelle capa-
s’approprie l’essentiel de la rémunération, la cité à se régénérer. L’ensemble des indica-
plupart des autres artistes touchant très peu teurs et statistiques disponibles (notamment
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d’argent en enregistrant leur musique les parts de marché) montrent que la
(DiCola, 2013). Une partie de l’explication position des majors ne s’est pas érodée,
est liée au « star system » en vigueur dans bien au contraire (Guichardaz et al., 2019).
les industries culturelles. Mais une autre Une explication, après des difficultés ini-
partie provient des difficultés d’assurer un tiales d’adaptation, est que les majors ont su
traçage des contributions des multiples modifier leur modèle d’affaires et se tourner
acteurs et de leur verser des micro-paie- vers un modèle appelé « 360-degrees deal »
ments. La blockchain va permettre de (Marshall, 2013). Comme le montre le
remédier à ce problème et d’assurer une présent article, la numérisation et Internet
rémunération à l’ensemble des artistes de ont multiplié les possibilités de création, de
l’industrie musicale selon leur niveau de distribution et de valorisation de la musique.
contribution, via des mécanismes de micro- Les sources de revenus sont désormais
paiements basés sur des contrats inscrits multiples et hétérogènes. Les asymétries de
dans la blockchain (Tapscott et Tapscott, ressources et d’information entre les acteurs
2017). sont renforcées. Le nouveau marché de la
musique est ainsi bien plus compliqué à
appréhender qu’il ne l’était il y a deux
CONCLUSION
décennies et les majors ont su s’adapter afin
On le voit, les acteurs de l’industrie de tirer parti de cette complexité. Par des
musicale sont engagés dans un défi colos- stratégies 360°, elles parviennent à exploiter
sal : imaginer des dispositifs de proposition, de la manière la plus cohérente et systéma-
de création et de capture de valeur nouveaux tique possible les complémentarités et
et susceptibles d’être acceptés collective- synergies entre un nombre toujours crois-
ment. Les expérimentations sont désormais sant d’acteurs hétérogènes et des sources de
94 Revue française de gestion – N° 294/2021

revenus toujours plus nombreuses et diffé- Aguiar et Waldfogel (2018) indiquent que le
rentes. Guichardaz et al. (2019) ont montré nombre d’objets musicaux produits a triplé
comment les majors de la musique ont su entre 2000 et 2008. Le numérique permet
modifier leur portefeuille de ressources et de également un accès facilité à cette plus
compétences afin de maîtriser au mieux ce grande variété (la queue de la longue traîne).
nouveau contexte. Elles ont négligé de plus Le consommateur sort gagnant de ces
en plus les compétences techniques histo- transformations.
riques (comme l’enregistrement) pour Au final, les analyses empiriques qui vont
s’orienter vers des compétences plus direc- au-delà des simples indicateurs de revenus
tement liées aux transactions et interactions et qui tiennent compte de la diversité des
avec l’ensemble des acteurs du secteur. acteurs et des contributeurs, et donc de la
Au-delà de cette reconfiguration, envisager qualité et de la variété de la musique
l’avenir de la musique enregistrée, c’est produite, suggèrent que nous allons entrer
aussi s’interroger sur la qualité de la dans un nouvel âge d’or de la musique et,
production des œuvres. Les dernières plus généralement, de l’ensemble des
analyses empiriques montrent que les industries de contenu créatif (Waldfogel,
transformations récentes de l’industrie 2019). Cet âge d’or serait essentiellement dû
musicale ont des implications sur la qualité, à une plus grande ouverture du processus de
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la variété et la diversité de la musique production et de distribution qui permet
produite. Ces implications n’ont pas été d’intégrer davantage de créateurs potentiels
immédiatement perçues, vraisemblablement et donc de générer davantage de diversité et
du fait de difficultés à mesurer la qualité de potentiellement de qualité, tout en autorisant
la musique produite. Pour autant, il est de nouvelles sources de revenus.
essentiel de s’y intéresser car elles per- Ce sont quelques facettes de ce nouvel âge
mettent de mieux tenir compte des intérêts d’or possible pour la musique que nous vous
des consommateurs de musique et pas invitons à découvrir avec les articles qui
seulement de ceux des producteurs. Ainsi, constituent ce dossier. Vous y croiserez des
Waldfogel (2012), en se basant sur trois artistes bien sûr, mais aussi des fans, des
indicateurs de qualité de la musique, responsables de labels, des nouveaux
suggère que la qualité de la musique acteurs qui s’appuient sur le potentiel du
enregistrée avant et après 1999 (l’ouverture numérique, ou encore des experts des
du site Napster) n’a pas diminué. Bien au nouvelles technologies. Pour clôturer ce
contraire, elle semble avoir significative- dossier, Jean-Louis Magakian propose un
ment augmenté. Waldfogel conclut, de compte rendu de l’entretien qu’il a eu avec
manière pragmatique et rassurante, que si André Manoukian. Les échanges avec ce
les grandes maisons de disques ont pu dernier, musicien, homme de télévision et
souffrir initialement d’une baisse de leurs de radio, mais aussi entrepreneur, entrent en
revenus, la bonne musique a continué à faire totale résonance avec les articles de ce
son chemin. L’effet est similaire en ce qui dossier et offrent ainsi la meilleure des
touche à la diversité de la musique produite. conclusions.
Comprendre les transformations de l’industrie musicale 95

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