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infectieuse
Chez le même éditeur
Lupus érythémateux, par D. Lipsker, J. Sibilia. 2013, 316 pages.
Chirurgie dermatologique, par J.-M. Amici, J.-Y. Bailly, M. Beylot-Barry, D. Egasse, L. Thomas, 2012, 400 pages.
Guide de l'examen clinique et du diagnostic en dermatologie, par D. Lipsker. 2010, 304 pages.
Dermatologie et infections sexuellement transmissibles, par J.-H. Saurat, J.-M. Lachapelle, D. Lipsker, L. Thomas. 2009,
5e édition, 1 176 pages.
Collection Dermatologie
Sous la direction du Professeur Dan Lipsker
Dermatologie
infectieuse
Mourad Mokni
Professeur des universités, faculté de médecine de Tunis,
service de dermatologie, hôpital La Rabta,
chef de l’unité de recherche UR12SP07,
Université Al Manar 2, Tunis, Tunisie
Nicolas Dupin
Professeur des universités – praticien hospitalier,
université Descartes Paris 5,
service de dermato-vénéréologie,
Pavillon Tarnier, hôpital Cochin, Paris
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent
ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les repro-
ductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes
citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122–4,
L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
ABDELHAK Sonia, chef du laboratoire de DEVELOUX Michel, maître de conférences LEBBÉ Céleste, professeur des universités –
génomique biomédicale et oncogénétique, des universités – praticien hospitalier, service praticien hospitalier, université Diderot
Institut Pasteur de Tunis, Tunisie. de parasitologie – mycologie, hôpital Saint- Paris 7 et INSERM U976, policlinique de
Antoine, Paris. dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
ARACTINGI Sélim, professeur des
universités – praticien hospitalier, université DO-PHAM Giao, chef de clinique assistant, LENORMAND Cédric, praticien attaché,
Descartes Paris 5, service de dermatologie, assistant hospitalo-universitaire, UPEC et clinique dermatologique, hôpital civil, CHRU
hôpital Cochin, Paris. INSERM CIC 006, service de dermatologie, de Strasbourg.
hôpital Henri Mondor, Créteil.
AUBIN François, professeur des universités – LEVY Eve, chef de clinique assistante des
praticien hospitalier, université de Franche- DOUTRE Marie-Sylvie, professeur des hôpitaux, clinique dermatologique, hôpital
Comté, service de dermatologie, hôpital Jean universités – praticien hospitalier, service de civil, CHRU de Strasbourg.
Minjoz, CHU de Besançon. dermatologie, groupe hospitalier Sud, CHU
LIPSKER Dan, professeur des universités –
de Bordeaux.
BEN SALAH Afif, professeur des universités, praticien hospitalier, clinique dermatologique,
chef du service d’épidémiologie médicale, DUCOURNAU, Corinne, ingénieur d’étude en hôpital civil, CHRU de Strasbourg.
Institut Pasteur de Tunis, Tunisie. virologie, Institut de recherche biomédicale
LORTHOLARY Olivier, professeur des
des armées, Brétigny-sur-Orge.
BOUBAKER Sémir, professeur des universités – praticien hospitalier, service
universités, chef de service, laboratoire DUCROUX Émilie, chef de clinique assistante, de maladies infectieuses et tropicales,
d’anatomie pathologique, Institut Pasteur unité de suivi des transplantés d’organe, centre d'infectiologie Necker Pasteur, IHU
de Tunis, Tunisie. service de dermatologie, hôpital Édouard Imagine, hôpital Necker-Enfants malades,
Herriot, CHU de Lyon. Paris.
CARSUZAÀ Francis, dermatologue, Toulon.
DUPIN, Nicolas, professeur des universités – MAHÉ Antoine, praticien hospitalier, service
CHANAL Johan, chef de clinique assistant, praticien hospitalier, université Paris 5, de dermatologie, hôpital Pasteur, Colmar.
assistant hospitalo-universitaire, service de service de dermato-vénéréologie, Pavillon
dermatologie, hôpital Cochin, Paris. MARTINS GOMES Ciro, département
Tarnier, hôpital Cochin, Paris.
des maladies sexuellement transmissibles
CHOSIDOW Olivier, professeur des EL EUCH Dalenda, praticien hospitalier, et biologie moléculaire en dermatologie,
universités – praticien hospitalier, UPEC et service de dermatologie, hôpital La Rabta, université de Brasilia, Brésil.
INSERM CIC 006, service de dermatologie, unité de recherche UR12SP07, Université Al
hôpital Henri Mondor, Créteil. MAUBEC Ève, praticien hospitalier, service
Manar 2, Tunis, Tunisie.
de dermatologie, hôpital Bichat – Claude
COUPPIÉ Pierre, professeur, service de EL HAYDERI Lara, chef de clinique adjoint, Bernard, Paris.
dermatologie, centre hospitalier Andrée service universitaire de dermatologie, CHU
Rosemon, Cayenne, Guyane française. MEBAZAA Amel, assistante hospitalo-
du Sart Tilman, Liège, Belgique.
universitaire, hôpital La Rabta, unité de
DE CARSALADE Georges-Yves, praticien EUVRARD Sylvie, praticien hospitalier, service recherche UR12SP07, Université Al Manar 2,
hospitalier, service des urgences, hôpital dermatologie-vénéréologie, hôpital Édouard Tunis, Tunisie.
Layné, Mont-de-Marsan. Herriot, hospices civils de Lyon.
MERKLEN-DJAFRI Carine, chef de
DELAUNAY Pascal, praticien hospitalier, FARHI David, dermatologue, Paris. clinique assistante des hôpitaux, clinique
service de parasitologie – mycologie, hôpital dermatologique, hôpital civil, CHRU de
de l'Archet, CHU de Nice. FERNEINY Marie, chef de clinique assistante, Strasbourg.
assistante hospitalo-universitaire, université
DEL GIUDUCE Pascal, dermatologue et Descartes Paris 5, service de dermatologie, MOKNI Mourad, professeur des universités,
infectiologue, chef du service d’infectiologie hôpital Necker-enfants malades, Paris. faculté de médecine de Tunis, service de
et dermatologie, centre hospitalier dermatologie, hôpital La Rabta, chef de
intercommunal de Fréjus – Saint-Raphaël. FERRIER-REMBERT Audrey, chercheur chef de l’unité de recherche UR12SP07, Université Al
projet, unité de virologie, Institut de recherche Manar 2, Tunis, Tunisie.
DESRUELLES François, dermatologue, biomédicale des armées, Brétigny-sur-Orge.
dermato-vénéréologie-lasers, diplômé de MORAND Jean-Jacques, médecin en chef,
médecine tropicale, ancien interne des FEUILHADE DE CHAUVIN Martine, maître professeur agrégé du Val de Grâce, service
hôpitaux, ancien chef de clinique, membre de de conférences des universités – praticien de dermatologie, hôpital d'instruction des
la Société française de dermatologie et de la hospitalier, université Diderot Paris 7, policlinique armées Sainte-Anne, Toulon.
société de pathologie exotique, Nice. de dermatologie, responsable du laboratoire de
mycologie, hôpital Saint-Louis, Paris. MOUGIN Christiane, professeur des
DESCAMPS Vincent, professeur des universités – praticien hospitalier, EA 3181,
universités – praticien hospitalier, service de HUBICHE Thomas, dermatologue, unité de université de Franche-Comté, laboratoire de
dermatologie, hôpital Bichat, Paris. dermatologie infectiologie, centre hospitalier biologie cellulaire et moléculaire, CHU de
intercommunal de Fréjus – Saint-Raphaël. Besançon.
V
LISTE DES COLLABORATEURS
NIKKELS Arjen, professeur, chef du service PIÉRARD-FRANCHIMONT Claudine, ROUX Jennifer, chef de clinique assistante,
universitaire de dermatologie, CHU du Sart professeur en sciences biomédicales, assistante hospitalo-universitaire, policlinique
Tilman, Liège, Belgique. université de Liège, CHU de Liège, de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
Belgique.
PAGÈS Cécile, praticien hospitalier, RYBOJAD Michel, praticien hospitalier,
service de dermatologie, hôpital POIRIER Jean-Paul, dermatologue, policlinique de dermatologie, hôpital Saint-
Saint-Louis, Paris. Saint-Laurent-du-Var. Louis, Paris.
VI
Préface
C’est avec un grand plaisir que je préface cet ouvrage consa- ou la cancérologie, l’approche systématique des maladies
cré aux manifestations cutanées des maladies infectieuses. Il a infectieuses à expression cutanée, donc centrée sur un organe,
été coordonné et en partie rédigé par trois des meilleurs experts implique des connaissances vastes aussi bien dans le domaine
francophones en dermatologie infectieuse, entourés et aidés de la microbiologie, que dans la gestion des médicaments
par de nombreux co-auteurs pour couvrir ce vaste domaine en anti-infectieux et de la sémiologie et de la physiologie de l’or-
mouvance permanente. Le dynamisme qui caractérise l’étude gane cible, la peau.
des maladies infectieuses tient à de nombreuses causes, comme Réunir l’ensemble de ces connaissances dans un seul
l’épidémiologie changeante des maladies vectorielles, l’émer- ouvrage, tout en restant pratique et utilisable au quoti-
gence permanente d’épidémies comme celle due au virus dien est une tâche difficile. C’est ce qui a été réussi dans
Ebola qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest ou encore cet ouvrage. Pour cela, il a fallu les compétences de der-
l’évolution permanente des résistances aux antibiotiques, illus- matologistes, infectiologues, microbiologistes, phar-
trée par les souches de staphylocoques communautaires deve- macologues, d’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient et
nues résistantes à la méticilline (« SARM ») pour ne citer que d’Amérique du Sud !
quelques exemples. Cette dynamique explique la nécessité de Que les coordonnateurs et l’ensemble des auteurs ayant
tout praticien de se tenir à jour, d’autant plus que nous dispo- participé à cet ouvrage soient ici remerciés pour cet effort !
sons pour beaucoup de ces maladies de traitements efficaces.
Or si l’étude des maladies infectieuses est une discipline
transversale par excellence, comme l’immunologie clinique Dan Lipsker
VII
5-FU 5-fluoro-uracile
AB Angiomatose bacillaire
Ac Anticorps
ACA Acrodermatite chronique atrophiante
ACV Aciclovir
ADN Acide désoxyribonucléique
Ag Antigène
AIN Anal Intraepithelial Neoplasia
AINS Anti-inflammatoire non stéroïdien
AJCC American Joint Committee on Cancer
AMM Autorisation de mise sur le marché
APEC Asymmetric Periflexural Exanthem of Childhood
ARN Acide ribonucléique
ATBF African Tick Bite Fever
ATU Autorisation temporaire d'utilisation
BAAR Bacille acido-alcoolo-résistant
BB Borderline borderline
BCG Bacille de Calmette et Guérin
BGN Bacille Gram négatif
BH Bacille de Hansen
BK Bacille de Koch
BL Borderline lépromateux
BT Borderline tuberculoïde
CCS Cœur – cerveau – sang
CD Cluster de différenciation
CDC Centers for Disease Control and prevention
CE Carcinome épidermoïde
CI Chromosomic Integration
CIVD Coagulation intravasculaire disséminée
CK Cytokératine
CM Carcinome de Merkel
CM Cryoglobulinémie mixte
CMV Cytomégalovirus
CNR Centre national de référence
CPK Créatine-phosphokinase
CRP C Reactive Protein
CT Chlamydia trachomatis
CTCL Cutaneous T Cell Lymphoma
CV Coxsackievirus
DCI Dénomination commune internationale
Ddass Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DDT Dichlorodiphényltrichloroéthane
DHB Dermohypodermite bactérienne
DHBN Dermohypodermite bactérienne nécrosante
DHF Dengue Haemorrhagic Fever
DIHS Drug Induced Hypersensitivity Syndrome
DRESS Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Signs
DSS Dengue Shock Syndrome
E (protéine) Early (protéine précoce)
EA Early Antigens
EBNA Epstein-Barr Nuclear Antigen
EBV Epstein-Barr Virus
Echo Enteric Cytopathic Human Orphan
EEV Extracellular Enveloped Virus
EH Eczéma herpeticum
XI
EM Érythème migrant
LISTE DES ABRÉVIATIONS
XIV
Flore cutanée, microbiote 1
et microbiome
Mourad Mokni, Sonia Abdelhak
Dermatologie infectieuse
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
1 DERMATOLOGIE INFECTIEUSE
Levures – Malassezia
aureus et les Candida, mais favorisent la prolifération de d'ADN (acide désoxyribonucléique) et de séquençage peuvent
Propionibacterium acnes. Le processus d'adhésion des bac- actuellement contourner les cultures et permettent une repré-
téries sur les cellules épidermiques joue également un rôle sentation moins biaisée du microbiote cutané et son contenu
important pour la colonisation bactérienne ; les mécanismes génétique appelé microbiome.
en sont mal connus, faisant intervenir la surface bactérienne et
la synthèse d'adhésines bactériennes, mais également la pré-
sence de récepteurs par les cellules épidermiques, ce qui peut MICROBIOME ET MICROBIOTE CUTANÉS
expliquer certaines susceptibilités individuelles.
La température à la surface de la peau varie en fonction Le mot microbiote désigne ici les espèces autrefois groupées
des régions : 30 °C au niveau de la plante des pieds, 35 °C sous le terme « microflore », c'est-à-dire celles qui prédo-
au niveau des aisselles. Elle dépend également des conditions minent et/ou sont durablement adaptées à la surface et à l'inté-
extérieures et des variations physiologiques liées aux réponses rieur d'un organisme vivant.
vasculaires du derme qui représentent un véritable système de Le microbiote est l'expression des conditions écologiques
régulation. Ce système permet d'obtenir des variations de la de ces milieux (température, pH, teneurs hormonales, en
température cutanée de 30 à 40 °C, pour des variations de la graisses, en protéines, etc. exposition aux UV (ultraviolets),
température extérieure de 15 à 40 °C. Cette gamme de tem- absence de lumière, type de muqueuse, etc.), conditions
pératures conditionne la composition de la flore microbienne. auxquelles vont répondre les communautés microbiennes
en cause, individuellement et/ou collectivement, et qu'elles
peuvent modifier ou entretenir.
Facteurs immunitaires Ce concept embrasse les notions de communauté micro-
Ils résultent de la synthèse par les kératinocytes de l'épiderme bienne, d'interactions fonctionnelles entre micro-organismes
de peptides antimicrobiens tels que les défensines. Des anti- et entre eux et l'organisme ou différents organes (allant du
corps présents dans la sueur pourraient jouer un rôle dans l'im- simple commensalisme jusqu'à la symbiose). Par extension, le
munité de surface. microbiome peut désigner la somme des génomes des micro-
La caractérisation de cette flore cutanée a reposé sur la organismes vivant dans ou sur un organisme animal ou végé-
culture de prélèvements à la surface de la peau ou des biopsies. tal (hors état pathologique). Un séquençage collectif de ces
Cependant, moins de 1 % des espèces bactériennes peuvent organismes est possible (métagénomique), applicable à un
être cultivées dans les conditions standards de laboratoire et écosystème complet.
beaucoup de celles qui poussent sont envahies par des espèces On estime actuellement qu'un million de bactéries avec des
2
à croissance rapide [5]. Des études récentes d'amplification centaines d'espèces différentes habitent chaque cm2 de peau [6].
Flore cutanée, microbiote et microbiome 1
Il est actuellement évident que seule une minorité de bacté- sont nouvellement découverts [13], ce qui indique que le por-
ries sont capables d'être isolées par culture à cause des condi- tage chronique et la présence à la surface de la peau des polyo-
tions nutritionnelles et physiologiques. Ces bactéries ne sont mavirus sont importants. De nombreux membres de la famille
pas nécessairement les plus abondantes et les plus influentes des Circoviridae sont présents à la surface cutanée particuliè-
dans l'écosystème cutané. De plus certaines bactéries néces- rement du genre cyclovirus.
sitent des conditions spéciales de prélèvement, transport et
cultures. Le développement des techniques moléculaires VARIATIONS SELON L'ÂGE
d'identification et de quantification des micro-organismes a
révolutionné notre vision du monde microbien. In utero, la peau fœtale est stérile, mais quelques minutes
En 2007, le NIH (National Institutes of Health) amé- après la naissance la colonisation microbienne commence.
ricain a lancé le Projet du microbiome humain afin d'éta- Les nouveau-nés sont d'abord colonisés par un microbiote peu
blir un catalogue de référence des séquences des génomes diversifié. Au contact de l'environnement, et suite aux chan-
microbiens à partir de 242 adultes en bonne santé et de com- gements au niveau de la peau des caractéristiques d'humidité,
prendre la spécificité des flores microbiennes intestinales, de température et glandulaire, on assiste à une diversification
génito-urinaires et cutanées [7]. Récemment, le résultat progressive du microbiote cutané [14]. Ces niches microbio-
du projet microbiome a été publié décrivant les méthodes tiques continuent à se développer avec la puberté, l'âge et les
métagénomiques d'études et les bases de données publiques expositions environnementales.
de tout le génome et les séquences des gènes 16SrRNA [8]
Ces travaux ainsi que d'autres études de la dernière décen- VARIATIONS SELON LE SIÈGE
nie ont caractérisé le microbiome cutané de volontaires La colonisation bactérienne est variable selon le siège cutané
sains et sa variation selon les différentes niches, les indivi- avec une spécificité bactérienne associée à des microenviron-
dus et le temps. nements humides, secs et sébacés (figure 1.1). En général,
La méthode d'analyse basée sur le séquençage d'une col- la diversité bactérienne semble plus faible dans les régions
lection de micro-organismes telle que le microbiote cutané sébacées étudiées (front, plis rétro-auriculaires, narine, dos)
est désignée comme « métagénomique » [9]. Cette méthode suggérant une sélection des germes pouvant tolérer ces sites
consiste en l'amplification de gènes de petite sous-unité d'ARN [15, 16]. Les Propionibacterium spp. sont les organismes
(acide ribonucléique) ribosomal procaryote (16SrRNA) à par- dominants, ce qui confirme les études classiques décrivant
tir de prélèvements cutanés [7]. Ce gène 16SrRNA existe Propionibacterium spp. comme des résidents lipophiles des
chez toutes les bactéries et les archae mais non chez les euca- unités pilosébacées. Les analyses métagénomiques ont aussi
ryotes. Le nombre séquences d'une espèce représente sa rela- révélé que les Staphylococcus et Corynebacterium spp. sont les
tive abondance dans l'échantillon analysé. organismes les plus abondants au niveau des régions humides
Ces méthodes ont donc permis de contourner les limites étudiées (ombilic, aisselles, plis inguinaux, plis interfessiers
techniques de cultures et ont révélé une plus grande diver- et plis des coudes) [15, 16]. Les staphylocoques occupent des
sité des différentes flores microbiotiques. Les bactéries niches aérobies et utilisent probablement l'urée de la sueur
cutanées appartiennent à quatre embranchements (phyla) : comme source d'azote. Les corynebactéries poussent diffici-
Actinobacteria, Firmicutes, Bacteroidetes et Proteobacteria. lement et lentement en culture, ce qui a longtemps minimisé
Ces mêmes phyla sont retrouvées à des proportions différentes leur rôle dans la flore cutanée. La dégradation de la sueur apo-
dans les microbiotes des muqueuses buccales et intestinales. crine par les corynebactéries et les staphylocoques est respon-
En ce qui concerne le règne fongique, la colonisation de sable de la mauvaise odeur associée à la sudation chez les
la peau par Malassezia se déclare dès la période néonatale. humains [17].
Malassezia est en effet présent chez 100 % des nouveau-nés Les régions cutanées sèches sont le siège de la plus grande
dès le 1er jour de vie. Le niveau de colonisation par Malassezia diversité microbienne avec la présence des quatre phyla
augmente ensuite avec le temps. Sa diversité chez l'enfant Actinobacteria, Proteobacteria, Firmicutes et Bacteriodetes
s'apparente à celle de l'adulte à partir du 30e jour de vie [10]. [15, 16]. Ces sites incluent les avant-bras, les fesses et les
En revanche, d'un point de vue quantitatif, une forte augmen- mains. La constatation la plus surprenante au niveau de ces
tation est observée chez le garçon de 16 à 18 ans et chez la sites est l'abondance des organismes Gram négatif que l'on
fille de 10 à 12 ans. Le nombre de Malassezia diminue ensuite pensait coloniser la peau très rarement et que l'on considérait
jusqu'à la sénescence [11]. Il est à noter que certains nouveau- comme contaminants du tractus gastro-intestinal. Il est aussi
nés développent une pustulose lors de la colonisation par intéressant de constater que ces sites contiennent une plus
Malassezia. grande diversité phylogénétique que l'intestin et la bouche
Le virome cutané est actuellement moins bien caractérisé. chez un même individu [16].
Il est composé aussi de virus résidents et transitaires. Des ana-
lyses de séquençages à la surface cutanée ont montré trois
familles prédominantes : Papillomaviridae, Polyomaviridae et VARIABILITÉ TEMPORELLE DU MICROBIOTE
Circoviridae [12], ce qui confirme le portage asymptomatique Cette variabilité dépend du site. Les régions les plus stables
de nombreuses souches de papillomavirus (HPV) (jusqu'à 17 dans le temps en matière d'habitat microbien sont celle par-
différentes souches). En plus, 13 nouvelles souches de g-HPV tiellement fermées telles que le conduit auditif externe, les
ont été identifiées, suggérant que la diversité des groupes de narines et les plis inguinaux [15]. En général, les localisations
g-HPV résidents est plus large que ce qui a été déjà décrit ayant une grande diversité microbienne (avant-bras, creux
[12]. Les polyomavirus des cellules de Merkel, les polyoma- poplités, plis du coude, talon et espaces interdigitaux) sont
virus 6, les polyomavirus 7 et les polyomavirus humains 9 moins stables dans le temps [15].
3
1 DERMATOLOGIE INFECTIEUSE
Plis interdigitaux
Pli sous-fessier Sites secs
Fesses
Creux poplité 13 %
14 %
15 %
41 %
Talon
Espaces interorteils
RÉFÉRENCES
[1] Price PB. The bacteriology of normal skin : a new quantitative test applied to a [11] Sugita T, Suzuki M, Goto S, Nishikawa A, Hiruma M, Yamazaki T, et al.
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Pediatr Int 2012 ; 54(3) : 350–5. challenges. J Am Acad Dermatol 2013 ; 69 : 143–55.
4
Infections par les virus 2
herpès simplex 1 et 2
Lara El Hayderi, Arjen F. Nikkels
VIROLOGIE
Les virus herpès simplex de type 1 (HSV-1) et de type 2 PHYSIOPATHOLOGIE
(HSV-2) font partie de la famille des alpha-herpesviridae,
tout comme le virus de la varicelle et du zona (VZV). Ces Après la primo-infection herpétique, les axones transportent
virus partagent certaines caractéristiques biologiques, entre le virus de la peau ou des muqueuses orales ou génitales
autres, l'épidermo-neurotropisme, les mécanismes de répli- vers le ganglion nerveux sensitif correspondant au territoire
cation, la latence ganglionnaire et un effet cytopathique. En infecté. La latence virale s'établit alors dans le ganglion de
revanche, les manifestations cliniques les distinguent claire- Gasser V1 et V2 (nerfs trijumeaux 1 et 2) pour l'herpès oro-
ment. L'HSV-1 et l'HSV-2 sont des virus icosaédriques à ADN labial et dans un ganglion sacré (S1-S5) pour l'herpès ano-
linéaire et bicaténaire de 150 à 200 nm. Ils se différencient génital. Cette latence persiste à vie, et jusqu'à ce jour, aucun
par certains critères structuraux et épidémiologiques. Ils par- traitement curatif n'existe. Suite à une réactivation virale, en
tagent des antigènes communs et il existe un grand degré d'ho- règle générale liée à une légère immunosuppression transi-
mologie génomique. Ils sont constitués d'une nucléocapside, toire, une réplication virale a lieu au niveau ganglionnaire
renfermant l'ADN viral, et d'une enveloppe glycoprotéique. et les axones véhiculent le virus vers la peau où ils conta-
De manière générale, l'HSV-1 infecte plutôt la partie supé- minent les cellules épithéliales basales, après relargage des
rieure du corps, notamment la sphère otorhinolaryngologique terminaisons nerveuses intra-épidermiques. Une fois arrivé
(ORL), tandis que l'HSV-2 a un tropisme préférentiel anogé- dans les cellules épithéliales hôtes, l'HSV met en œuvre plu-
nital. L'HSV est transmis par contact direct interhumain à par- sieurs mécanismes pour inhiber temporairement la recon-
tir des lésions herpétiques ou par des gouttelettes de salive. Il naissance par les cellules de Langerhans, ce qui lui donne le
peut s'auto-inoculer et être transféré d'une lésion herpétique à temps de se répliquer et d'infecter les cellules voisines. Après
un autre site anatomique chez le même individu. 2 à 3 jours, l'immunité innée commence à freiner l'extension
des lésions et 4 à 5 jours plus tard, l'immunité cellulaire et,
dans une moindre mesure, humorale, débute le combat contre
ÉPIDÉMIOLOGIE l'infection virale. L'infection et la réplication des HSV dans
les cellules hôtes conduit à un effet cytopathique. Ceci se tra-
Les HSV sont des virus ubiquitaires. Il n'y a pas de variabi- duit sur un plan clinique par le développement des lésions
lité saisonnière de l'incidence de l'infection. Environ 10 % vésiculeuses.
Dermatologie infectieuse
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Infections par les virus herpès simplex 1 et 2 2
La distinction dans le type viral n'est pas insignifiante, car les vement virologique étant effectué en cas de lésion suspecte.
infections génitales HSV-1 sont moins sévères que celles à Au moment de l'accouchement, l'examen clinique est refait et
HSV-2 et ont moins tendance à récidiver. Les facteurs stimu- un prélèvement virologique est systématique. Si celui-ci est
lant les récidives sont identiques à ceux des récidives orola- positif, l'enfant doit être traité. La décision de pratiquer une
biales, et sont en plus favorisés par les rapports sexuels. La césarienne est à prendre en salle de travail. Pour les obsté-
majorité des patients présentent un prodrome douloureux, triciens, ce n'est qu'en présence de lésions suspectes que la
environ 2 jours à quelques heures avant la récidive clinique. césarienne est pratiquée mais il n'existe pas de consensus à ce
La reconnaissance de ce prodrome est essentielle car elle per- sujet. Un traitement antiviral oral peut également être proposé
met de savoir quand un traitement épisodique devrait être ins- 1 à 2 jours avant l'accouchement. En cas de primo-infection
tauré par le patient lui-même. Des sensations de cuisson, des chez la mère, le traitement est impératif et la césarienne est
paresthésies et un prurit sont les signes les plus fréquemment conseillée. Mais dans deux tiers des cas, les mères n'ont aucun
observés. Comme montré dans l'herpès labial, tout prodrome antécédent herpétique et sont asymptomatiques au moment
n'est pas obligatoirement suivi de récidive cliniquement appa- de l'accouchement. Plus récemment, l'initiation systématique
rente, et tous les patients ne présentent pas un prodrome. d'un traitement oral antiviral suppresseur à long terme chez
L'herpès génital récidivant chez l'homme se manifeste par ces enfants à risque a montré une amélioration significative
la survenue d'une plaque légèrement érythémateuse, suivie de la morbidité.
par l'apparition rapide d'un ou de plusieurs bouquets de vési-
cules, habituellement au même endroit. Chez la femme, les FORMES RARES D'INFECTION HERPÉTIQUE
lésions vésiculeuses se trouvent souvent sur le même site aux
grandes ou petites lèvres. Les récidives sont souvent doulou- Panaris herpétique
reuses. Par la suite, elles sèchent et se transforment en lésions Les infections herpétiques d'un ou plusieurs doigts, connues
croûteuses qui disparaissent après 2 à 3 jours. Il n'y a pas de sous le nom de panaris herpétique, sont fréquentes chez l'enfant
cicatrices. La durée de la maladie est d'approximativement 7 à et au sein du personnel paramédical, médical et dentaire avec
10 jours. Les manifestations atypiques sont courantes. une incidence de 2,4/100 000/an. Chez les dentistes, l'HSV-1
Il faut noter la forte association infection VIH-HSV-2 à est le plus souvent observé. Une augmentation de l'incidence
l'homo ou à la bisexualité. Les ulcérations génitales herpé- du panaris herpétique à HSV-2 a été rapportée. Cette infection
tiques représentent un très probable facteur de risque de est souvent discrète car il existe généralement une immunité
contamination par le VIH. croisée. Des récurrences sont observées. Le port systématique
des gants a pu réduire l'incidence professionnelle.
Herpès néonatal
L'herpès néonatal est rare (1/2 000 à 5 000 naissances) mais Eczéma herpéticum
grave. On estime qu'environ 20 % des femmes enceintes sont L'eczéma herpeticum, ou syndrome de Kaposi-Juliusberg,
infectées par l'HSV-2, dont 80 % ignorent la présence du désigne une infection herpétique chez le patient atteint d'une
virus HSV [1]. Trois voies de transmission de la mère vers le dermatite atopique. Vu les caractéristiques structurelles de
fœtus/enfant sont possibles : intra-utérine, per-partum ou post- l'épiderme atopique et les déficiences immunitaires cellulaires
partum. Environ 10 % des transmissions ont lieu in utero, en et de l'immunité innée associées, l'HSV peut se disséminer
particulier si la mère fait une primo-infection herpétique durant très facilement et présenter des infections très sévères avec un
la gestation. Cette infection intra-utérine entraîne un avorte- risque sérieux d'infection systémique. L'âge de prédilection
ment, un retard de croissance intra-utérin, des atteintes ocu- est l'enfance et l'adolescence. L'infection débute habituelle-
laires, des cicatrices cutanées, des troubles neurologiques et/ou ment à partir d'un herpès labial récidivant et dissémine par
cardiaques, en fonction de l'âge de la gestation. Dans 80 % des contact direct, par auto-inoculation et par progression d'une
cas, la transmission a lieu lors de l'accouchement par voie basse lésion à la suivante. Le plus souvent l'HSV-1 est l'agent res-
où l'enfant est en contact très étroit avec les muqueuses infec- ponsable, mais de rares cas sont dus à l'HSV-2 et au VZV. Les
tées par l'HSV. Le risque est d'autant plus grand que l'infection lésions peuvent être localisées, ressemblant au zona, avec une
maternelle est récente. Parfois, c'est l'entourage direct (famille, distribution dermatomique, ou disséminées, dans un contexte
personnel obstétrique) qui est responsable de la contamination. d'altération plus ou moins grave de l'état général, de fièvre et
Trois formes d'herpès néonatal sont décrites. La forme dis- fatigue. L'impétiginisation des lésions cutanées est la compli-
séminée (10 % des cas) est la plus sévère et se traduit par cation la plus fréquente. Une diarrhée, ces céphalées intenses
une atteinte multiviscérale affectant, entre autres, le foie, les et une broncho-pneumopathie doivent évoquer une dissémi-
surrénales, le rein, le poumon, et est associée à une encépha- nation virale systémique. Les récidives sont rares.
lite dans la moitié des cas. Les lésions cutanées ne sont pré-
sentes que dans 50–80 % des observations. La mortalité est Herpès gladiatorum
supérieure à 80 % en l'absence de traitement et est proche
Des infections cutanées disséminées à HSV-1 ou HSV-2 sont
de 60 % malgré un traitement antiviral. Les formes neurolo-
décrites chez les personnes pratiquant des sports de combat, et
giques (méningo-encéphalites), débutant plus tardivement, le
surviennent en petites épidémies. Le contact direct et rappro-
plus souvent au cours de la 2e semaine de la vie, sont plus fré-
ché est vraisemblablement responsable de la contamination.
quentes et de moins mauvais pronostic, les traitements ayant
réduit la mortalité immédiate de 50 à 15 % et diminuant égale-
ment les séquelles. Les formes oculaires et cutanéomuqueuses Herpès lichénoïde
ont un bon pronostic [2]. Un examen clinique très régulier Chez certains patients immunodéprimés, les récurrences
est indiqué à partir de la 34e semaine d'aménorrhée, un prélè- herpétiques, en particulier au niveau anogénital, peuvent se 9
2 PARTIE 1 VIROLOGIE
manifester comme une éruption lichénoïde localisée. Il n'y a diagnostic différentiel avec une candidose doit être fait, car
pas de lésions vésiculeuses visibles sur un plan clinique. Ce les prélèvements mettent souvent les Candida en évidence,
type d'infection peut durer facilement 3 à 4 semaines voire mais il s'agit plutôt d'une colonisation et non d'une infection.
davantage. L'infection herpétique est de type peu permissif. Le moyen diagnostique le plus fiable reste la biopsie cuta-
La reconnaissance de l'herpès lichénoïde requiert un prélève- née avec une recherche par immunohistochimie des antigènes
ment histologique avec identification immunohistochimique, herpétiques.
car les effets cytopathiques font habituellement défaut.
Érythème polymorphe et HSV
Herpès chronique [3] Tant l'herpès orolabial que l'herpès génital peuvent être la
C'est une entité que l'on rencontre habituellement chez le cause d'un érythème polymorphe (figure 2.2). Dans 65 % des
patient immunodéprimé, et plus particulièrement au cours du patients avec un érythème polymorphe récidivant, il y a un
VIH, malgré un traitement antirétroviral adéquat. Ces lésions historique d'herpès labial récidivant. Celui-ci peut précéder
se situent le plus souvent au niveau de la région anogénitale et l'érythème polymorphe de quelques jours à 2 semaines mais
se présentent comme des lésions ulcérées chroniques avec un occasionnellement se manifeste simultanément. Bien que le
bord pseudo-épithéliomateux (figure 2.1). La reconnaissance virus ne soit pas mis en évidence en microscopie électronique
est difficile et tardive. L'écouvillonnage pour une culture ou isolé en culture, les antigènes gB (glycoprotéine B : consti-
virale reste souvent négatif, car il s'agit d'infections peu per- tuant majeur de l'enveloppe virale) des HSV ont été détectés
missives. Ces lésions persistent plusieurs semaines et l'her- au sein des kératinocytes des lésions d'érythème polymorphe,
pès chronique est indolore et bénin avec un faible potentiel et l'ADN viral des HSV a été retrouvé dans des lésions
de dissémination cutanée. La résistance aux antiviraux dépen- par Polymerase Chain Reaction (PCR). Le traitement de
dant de la thymidine-kinase (TK) virale, comme l'aciclovir, l'érythème polymorphe associe des corticostéroïdes topiques
est presque de règle. Cette résistance est due soit à une pro- et un antiviral. En cas de récidives fréquentes, un traitement
téine mutée tronquée, non efficace, soit à l'absence totale de antiviral au long cours est préconisé.
TK virale.
Granulomes herpétiques
Herpès folliculaire La persistance des antigènes de l'enveloppe glycoprotéique
La folliculite herpétique est une entité rare, qui doit être sus- herpétique, très résistante à la dégradation enzymatique, peut
pectée devant toute folliculite inflammatoire, vésiculeuse ou conduire à la formation des granulomes dermiques. Dans
pustuleuse, groupée et d'apparition rapide. Un prurit accom- aucun cas l'ADN viral n'a été mis en évidence. Le même phé-
pagne souvent l'herpès folliculaire. La région de la barbe peut nomène se rencontre dans des vasculites granulomateuses du
être le site d'un sycosis. Dans cette entité il existe une infec- système nerveux central. Le diagnostic repose sur l'analyse
tion des kératinocytes infundibulaires profonds ou plus super- histologique qui met en évidence des granulomes composés
ficiels. Le diagnostic se fait sur une biopsie cutanée. d'un riche infiltrat de cellules macrophagiques/monocytaires
Mac 387 et CD68 positives. Cliniquement ces granulomes
Glossite médiane herpétique peuvent se manifester quelques jours à semaines après la
résolution des lésions herpétiques. Ils se caractérisent par
L'infection herpétique de la langue est habituelle durant la
des infiltrats de type granulome annulaire dans le site de l'an-
primo-infection. Néanmoins, une glossite n'est quasi jamais
cienne éruption herpétique. Le traitement requiert des corti-
observée lors des infections récurrentes chez le patient immu-
coïdes topiques pendant 1 voire 2 semaines.
nocompétent. La glossite herpétique médiane peut se rencon-
trer dans le cadre d'une immunodépression. D'importantes
nécroses tissulaires sont la complication la plus redoutée. Un Mastite herpétique
Il s'agit d'une entité rare mais dont la fréquence est vraisem-
blablement sous-estimée. Elle peut être unilatérale ou parfois
bilatérale. L'infection herpétique est souvent ulcérée et touche
Des formes sévères d'infection cutanée et/ou systémique par n Pemphigoïde bulleuse
n Épidermolyses bulleuses
HSV sont observées chez le patient immunodéprimé et chez
n Brûlures
le patient présentant une dermatose préexistante à risque. De
n Dermatite atopique
même, certaines procédures à visée cosmétique augmentent le n CTCL de type mycosis fungoïde
risque de complications herpétiques. n Syndrome de Sézary
n Maladie de Hailey-Hailey
Infections systémiques
Les patients immunodéprimés (transplantation d'organe
solide, patients greffés de moelle, VIH, grossesse, chimio-
thérapies, biothérapies, immunosuppression iatrogène, etc.)
risquent des infections herpétiques systémiques. Ce risque est
d'autant plus grand que l'immunosuppression est profonde.
L'infection herpétique systémique peut affecter presque tous
les organes. Si elles sont reconnues rapidement, les infections
mono-organiques ont un pronostic relativement favorable. En
revanche, les défaillances multisystémiques dues à l'HSV sont Figure 2.3. Infection à HSV-1 suite à l'injection des produits
presque toujours fatales. 11
de comblement (acide hyaluronique) dans la lèvre supérieure.
2 PARTIE 1 VIROLOGIE
Type de
prélèvement Technique Sensibilité Spécifique Durée Indications
12
Infections par les virus herpès simplex 1 et 2 2
place. Il est important de surveiller la fonction rénale avant le
traitement. Des réductions des doses de l'ACV sont requises
chez le patient ayant une insuffisance rénale et les patients
dialysés.
Actuellement aucun vaccin n'est disponible pour l'herpès
orolabial ou l'herpès génital.
L'ACV (crème cutanée et ophtalmologique, solution orale,
comprimés, intraveineux) est un nucléoside cyclique ayant
une affinité élective pour la TK virale. Afin de contrer la mau-
vaise biodisponibilité orale de l'ACV, qui atteint environ 16 à
17 %, la prodrogue VCV a été développée, permettant une
biodisponibilité orale d'environ 65 %. D'autres antiviraux,
comme le FCV (voie orale) et le penciclovir (PCV) (voie
topique et intraveineuse) ont également été développés.
La résistance aux antiviraux chez la population saine reste
sous la barre de 0,5 %, malgré plus de 30 ans d'usage épiso-
dique et continu. Chez les patients immunodéprimés, la résis-
tance thérapeutique est plus souvent observée (cf. Herpès
Figure 2.4. Herpès zostériforme unilatéral affectant les
chronique).
dermatomes V2 et V3. Les tableaux 2.3 et 2.4 résument les différentes situations
cliniques fréquentes et rares et les traitements (agent, posolo-
gie et durée) proposés [6–9]. Le tableau 2.5 résume le traite-
L'application locale des antiviraux n'est qu'exceptionnelle- ment prophylactique des infections herpétiques. Les niveaux
ment compliquée par une allergie de contact. L'administration de preuve (I : études randomisées, comparatives, en double
orale des antiviraux aciclovir (ACV), famciclovir (FCV) et insu, sur large échantillonnage, II : études de cas ou de séries
valaciclovir (VCV) est très bien tolérée et sûre. La seule inte- de cas, III : opinion d'experts) sont mentionnés pour chaque
raction médicamenteuse est celle avec le 5-FU (5-fluoro- option de traitement [10].
uracile), qui peut être mortelle. L'administration intraveineuse L'herpès génital a un impact très important sur la vie affec-
peut provoquer des réactions locales, surtout lors d'une injec- tive et sexuelle [11]. Un soutien psychologique et les groupes
tion trop rapide. Une heure est le temps minimum pour l'admi- de forum et d'échange entre patients peuvent aider le patient à
nistration intraveineuse et la voie intraveineuse doit rester en mieux vivre sa maladie.
Herpès orolabial Impétigo bulleux, eczéma de contact, zona facial herpangine, stomatite aphtoïde, syndrome
de Stevens-Johnson, pharyngite, candidose orale, mucosite liée à une chimiothérapie
Herpès génital Toute ulcération génitale, chancre syphilitique, aphtes, chancroïde, zona génital
Herpès chronique Toute ulcération génitale chronique d'origine virale ou bactérienne, Paget extra-mammaire,
néoplasie intra-épithéliale génitale ou anale
13
2 PARTIE 1 VIROLOGIE
Herpès génital récidivant chez le sujet ACV PO 200 mg × 5/j, 5 j (crise modérée) III
immunodéprimé
ACV IV 10 mg/kg/8 h, 7 à 10 j (crise sévère) III
ACV : aciclovir ; FCV : famciclovir ; PCV : penciclovir ; VCV : valaciclovir ; IV : intraveineux ; PO : per os
14
Infections par les virus herpès simplex 1 et 2 2
Tableau 2.4. Traitement épisodique des manifestations dermatologiques rares à HSV.
15
2 PARTIE 1 VIROLOGIE
Resurfaçage, dermabrasion, FCV PO 125 mg × 2/j (sans histoire d'herpès), 1–3 j avant I
peelings profonds traitement jusqu'à la cicatrisation complète
HSV et procédures dentaires ACV PO 200 mg × 3/j, 2 j avant et 3 j après traitement III
ACV : aciclovir ; FCV : famciclovir ; VCV : valaciclovir ; PO : per os ; DNCB : dinitrochlorobenzène ; DCP : diphencyprone.
RÉFÉRENCES
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16
Infection par le virus 3
de la varicelle et du zona
Lara El Hayderi, Arjen F. Nikkels
Traitement 21 PHYSIOPATHOLOGIE
Prophylaxie 22
VARICELLE
Après l'inoculation, le VZV pénètre, via des gouttelettes
infectées, dans les voies respiratoires superficielles, infectant
les muqueuses. La varicelle est très contagieuse et lorsqu'un
VIROLOGIE cas de varicelle se présente au sein d'une famille, environ 80
à 90 % des individus séronégatifs développeront une varicelle
Le virus de la varicelle et du zona (VZV) appartient à la
par la suite. Une réplication virale a lieu dans les ganglions
famille des alpha-herpesviridae. Son cycle de réplication est
lymphatiques locorégionaux et est rapidement jugulée par
similaire à celui des virus herpès simplex virus de type 1 et 2.
l'immunité cellulaire et innée de l'hôte. Quelques jours plus
Le VZV possède également un tropisme neuro-épidermique,
tard, le VZV dissémine dans la circulation sanguine, au sein
une latence ganglionnaire et induit un effet cytopathique dans
des lymphocytes T, et atteint le foie et la rate. Ensuite une
la cellule hôte. Le virus VZV se compose d'un ADN bica-
deuxième virémie, avec une grande charge virale, conduit
ténaire au sein de la capside virale. Le tout est enrobé d'une
à l'infection des cellules endothéliales cutanées qui trans-
enveloppe contenant des glycoprotéines de surface, qui ont un
mettent le VZV aux kératinocytes. Dans ces dernières cellules
rôle important dans l'induction d'une réponse immunitaire de
s'installe une infection cytopathique responsable des lésions
la part de l'hôte. L'ADN viral a été complètement séquencé.
vésiculeuses de la varicelle. Il existe plusieurs virémies suc-
Il contient 124 884 paires de base, 71 ORF (Open Reading
cessives expliquant l'arrivée des nouvelles lésions cliniques.
Frames) qui codent pour 67 protéines dont environ 33 ont été
Les systèmes immunitaires innés et adaptatifs cellulaires et
identifiées. Au stade latent, le VZV n'exprime que des pro-
humoraux jugulent l'infection après une dizaine de jours. Le
téines de latence, comme l'IE (protéine immédiate précoce)
VZV se retranche dans les ganglions nerveux, le plus souvent
4, 62 et 63. Lors de la réactivation virale, le VZV exprimera
céphaliques (ganglion de Gasser) ou les ganglions dorsaux.
des gènes E et ensuite L, qui produiront respectivement des
Une infection latente s'installe dans les noyaux des cellules
protéines E (protéines précoces), nécessaires à la synthèse de
nerveuses et dans les cellules satellites. L'immunité humo-
l'ADN viral et à la construction de la nucléocapside, et des
rale persiste durant des années mais diminue progressivement
protéines L (protéines tardives) constituant l'enveloppe virale.
jusqu'à une valeur seuil, suite à laquelle le VZV se réactive,
conduisant au zona.
ÉPIDÉMIOLOGIE
ZONA
La varicelle est typiquement une infection de l'enfance. Suite à la réactivation virale au niveau d'un ganglion ner-
Environ 9 enfants sur 10 font la varicelle avant l'âge de 10 ans. veux, le VZV se réplique et voyage rapidement via le sys-
La séroprévalence augmente rapidement avec les années et tème microtubulaire des axones vers la peau du dermatome 17
Dermatologie infectieuse
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3 PARTIE 1 VIROLOGIE
innervé par le ganglion nerveux. Une fois arrivé dans la peau, Varicelle chez le senior
le VZV est libéré des terminaisons nerveuses libres intra- La primo-infection par VZV chez le patient âgé est rare et
épidermiques et périfolliculaires, infectant les kératinocytes plus difficile à reconnaître car les lésions cutanées sont nette
épidermiques et folliculaires, respectivement. La réplication ment moins nombreuses, ne présentent pas de progression
du VZV au sein de ces cellules conduit à la formation des céphalocaudale et sont plus grandes. Les lésions vésiculeuses
lésions vésiculeuses cutanées. peuvent atteindre 2 à 3 cm de diamètre. Curieusement, chez
le patient âgé, la varicelle se déroule de façon peu sévère et
sans fièvre. Les complications décrites chez l'enfant et l'adulte
CLINIQUE n'ont jamais été rapportées à ce jour.
Réactions lichénoïdes
Tout comme les HSV, le VZV peut parfois se présenter sous
forme d'une éruption lichénoïde unilatérale à distribution der-
Figure 3.3. Zona sacré chez un jeune garçon. matomique. Vu l'absence de lésions vésiculeuses, une biopsie 19
3 PARTIE 1 VIROLOGIE
est requise afin d'identifier le VZV au sein des kératinocytes. pseudo-lymphomes, vasculites, lichen plan, psoriasis, eczéma
Cette entité dure plus longtemps qu'un zona habituel et peut de contact, etc.
persister 2 à 4 semaines. Néanmoins, la complication la plus redoutée du zona
est le développement des douleurs post-zostériennes.
COMPLICATIONS Exceptionnelles avant l'âge de 40 ans, leur fréquence aug-
mente de plus en plus après 50 ans. La majorité des douleurs
La complication cutanée la plus fréquente de la varicelle est le post-zostériennes diminue progressivement dans les mois qui
développement des petites cicatrices dépigmentées et légère- suivent le zona, mais un faible pourcentage de patients pré-
ment déprimées. Ensuite on trouve la surinfection bactérienne sente des douleurs persistantes.
par les streptocoques ou les staphylocoques. Une désinfec- Le patient présentant un zona peut également avoir des
tion locale est en règle générale suffisante pour traiter cette déficits moteurs avec des conséquences en fonction du der-
complication. matome atteint. Une paralysie faciale unilatérale (dermatomes
Les complications neurologiques et du système nerveux trigéminés), d'un bras (dermatome cervical ou thoracique
central de la varicelle chez l'enfant sont heureusement rares haut), diaphragmatique (dermatome thoracique bas) ou une
(< 1 cas/1 000) mais présentent une morbidité permanente et incontinence urinaire (dermatome sacré) sont parfois obser-
sévère [1]. Le syndrome de Reye, l'ataxie cérébelleuse aiguë, vées après le zona.
les myélites transverses, les méningites et les encéphalites en Certaines dermatoses peuvent se présenter comme une
sont les représentants les plus dangereux. La vasculite granu- éruption zostériforme qui doit être distinguée du zona.
lomateuse des artères temporales se traduit par un accident
vasculaire cérébral aigu dans les semaines ou mois qui suivent
un zona dans le territoire trigéminal.
Chez les patients adultes ayant une varicelle, environ 25 % DIAGNOSTIC
présentent une pneumopathie varicelleuse interstitielle, dont
25 % nécessitent une ventilation assistée. Les hépatites vari- Les méthodes diagnostiques pour le VZV sont les mêmes que
celleuses suivent en termes de fréquence. Plus rarement, pour l'herpès simplex virus. Elles sont résumées tableau 3.1.
d'autres organes peuvent être touchés lors d'une varicelle, sous Le test de Tzanck est le test le plus rapide et associé à l'im-
forme de kératite, névrite optique, glomérulonéphrite, arthrite, munohistochimie hautement spécifique et sensible. La culture
myocardite, pancréatite, orchite et vasculite. virale est une méthode peu sensible car le VZV est beaucoup
La peau des patients atteints du zona peut être surinfectée plus difficile à mettre en culture que les HSV.
par les mêmes germes. Le dermatome qui a été le site d'un L'examen histologique n'est pratiqué que dans les cas
zona peut également présenter des complications tardives douteux. La présentation histologique des infections muco-
suivantes, entre autres : granulome annulaire, sarcoïdose, cutanées est similaire à celle des HSV. Dans la phase érythé-
20
Infection par le virus de la varicelle et du zona 3
mateuse, seule l'immunohistochimie peut mettre en évidence Chez le patient adulte, les experts conseillent un traite-
la présence des antigènes viraux du VZV au sein d'un épi- ment antiviral oral ou par voie intraveineuse. Vu la rareté de
derme spongiotique. La phase vésiculeuse clinique se tra- la situation, il n'existe pas de donnée concernant le traitement
duit histologiquement par une acantholyse intra-épidermique chez le patient âgé. La décision d'administrer un traitement
avec une réaction inflammatoire lymphomonocytaire/histio- antiviral oral ou intraveineux doit être évaluée au cas par cas.
cytaire périvasculaire superficielle dermique. Les effets cyto- Les différentes options thérapeutiques sont résumées dans
pathiques sont les plus évidents à ce stade. Les vésicules sont le tableau 3.2, avec le niveau de preuve (I : études randomi-
progressivement infiltrées par des polynucléaires neutro- sées, comparatives, en double insu, sur large échantillonnage,
philes, expliquant les lésions pustuleuses cliniques. Suivent II : études de cas ou de séries de cas, III : opinion d'experts).
alors une phase croûteuse et une cicatrisation avec une cica-
trice lors de la varicelle et le plus souvent sans cicatrice dans
le cas du zona.
Aucune distinction ne peut être faite entre les infections cuta- ZONA
nées par les HSV et le VZV. L'immunohistochimie ou la PCR Le principal but du traitement du zona est de réduire le risque
in situ est nécessaire à l'identification de l'agent causal [2]. des douleurs persistantes post-herpétiques. Secondairement,
un traitement antiviral peut aider à diminuer la sévérité et la
durée du zona [3]. En règle générale, un traitement antiviral
est recommandé chez le patient au-delà de 50 ans, à condition
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
que celui-ci puisse être instauré dans les 72 heures après l'ap-
Toutes les dermatoses infantiles vésiculeuses doivent être parition des premières lésions cutanées, sinon l'efficacité est
distinguées de la varicelle, comme les exanthèmes vésicu- compromise [4]. Le traitement antiviral du zona est classique-
leux des virus Coxsackie et Echo (Enteric Cytopathic Human ment fixé à 7 jours, mais il doit être poursuivi jusqu'à ce qu'il
Orphan). D'autres maladies comme l'herpès simplex, le n'y ait plus de nouvelle lésion et que toutes les lésions soient
Pityriasis Lichenoides et Varioliformis Acuta (PLEVA), les au stade croûteux.
rickettsioses, les morsures d'arthropodes, les éruptions médi- Tous les auteurs s'accordent sur l'efficacité des traitements
camenteuses et l'eczéma de contact doivent être éliminées. antiviraux systémiques vis-à-vis de la réduction de la sévé-
La distribution unilatérale de l'éruption cutanée dans un rité, de la durée et des douleurs concomitantes. Néanmoins,
contexte de douleur chez un patient âgé rend le zona unique l'efficacité sur la réduction de l'incidence et de la sévérité
et presque pathognomonique. Néanmoins, des études viro- des douleurs post-zostériennes n'est pas admise par tous [5].
logiques montrent que dans jusqu'à 25 % des cas, la dis- L'administration concomitante des corticostéroïdes par voie
tinction clinique entre une infection par VZV et HSV est orale n'a jamais montré ses preuves en termes de diminution
erronée, ce qui incite à l'utilisation plus fréquente des de fréquence et d'intensité des douleurs post-zostériennes. Vu
tests diagnostiques pour confirmer une suspicion clinique. ces capacités immunosuppressives, son utilisation n'est pas
L'eczéma de contact localisé, l'impétigo bulleux et une phy- conseillée. Les différentes options thérapeutiques sont résu-
tophotodermatose peuvent parfois prendre une distribution mées dans le tableau 3.2.
zostériforme. Le zona facial doit être différencié de l'érysi-
pèle de la face.
DOULEURS POST-ZOSTÉRIENNES [6]
TRAITEMENT Elles sont souvent heureusement passagères et auto-
résolutives. Le traitement antiviral et éventuellement du para-
cétamol avec ou sans codéine est en règle générale suffisant.
VARICELLE La définition des douleurs post-zostériennes varie d'un auteur
Le traitement de la varicelle vise surtout à atténuer les signes à l'autre mais de manière générale on la définit comme la per-
et symptômes de la primo-infection très sévères (patient sistance des douleurs au-delà de 3 mois après la résolution
adulte) ou le patient immunodéprimé. Il est prouvé que le trai- des lésions cutanées du zona. Le traitement des douleurs post-
tement antiviral par aciclovir réduit l'intensité et la durée de zostériennes est difficile et non codifié. Il fait classiquement
la varicelle chez l'enfant et le nombre de jours d'absence au appel à des traitements locaux, des antalgiques avec ou sans
travail des parents. L'immunité anti-VZV acquise par l'en- codéine, des antidépresseurs tricycliques et des anticonvul-
fant n'est pas inférieure en cas de traitement antiviral. Mais sivants (tableau 3.3). Les différents traitements peuvent être
la grande majorité des enfants sains ne requiert pas de traite- utilisés en combinaison. En cas de douleurs rebelles, des mor-
ment antiviral. Une désinfection des lésions cutanées peut être phiniques peuvent être utilisés et le patient devrait être adressé
appliquée. Un traitement antiprurigineux par les antihistami- à un centre de la douleur. Des traitements alternatifs, comme
niques de 1re génération (cétirizine, Théralène) peut diminuer l'acupuncture, sont parfois utiles mais leur efficacité n'est
la tendance au grattage, notamment lors de la phase croûteuse. pas prédictible. Il est important d'adapter le traitement pour
Des antipyrétiques de type paracétamol peuvent être adminis- chaque patient individuellement, tout en assurant un accom-
trés en cas de forte fièvre, toute en évitant l'acide acétylsalicy- pagnement psychologique, surtout dans les cas graves qui pré-
lique, responsable du syndrome de Reye. sentent un très lourd fardeau pour la qualité de vie.
21
3 PARTIE 1 VIROLOGIE
Varicelle
Zona
PROPHYLAXIE
22
Infection par le virus de la varicelle et du zona 3
RÉFÉRENCES
[1] Bozzola E, Tozzi AE, Bozzola M, Krzysztofiak A, Valentini D, Grandin A, et al. [4] Nikkels AF, Piérard GE. Oral antivirals revisited in the treatment of herpes zoster :
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23
Infection par le virus 4
Epstein-Barr
Nicolas Dupin
ÉPIDÉMIOLOGIE
CLINIQUE
VIROLOGIE
Le virus EBV est responsable de maladies très variées et son
L'EBV possède un génome ADN double brin linéaire de 172 kb expression clinique est également polymorphe dans les situa-
et le diamètre du virion est de 120 à 200 nm. Aux extrémités de tions d'immunodépression. Il s'agit d'un virus oncogène associé
la molécule d'ADN viral linéaire se situent des séquences répé- à des processus lymphomateux avec cependant encore de nom-
tées inversées permettant la « circularisation » de l'ADN viral breuses interrogations sur les mécanismes exacts de la lympho-
sous forme épisomale dans le noyau cellulaire. Dans la plupart magenèse. La peau fait partie des organes cibles de l'EBV et de
des cellules infectées, l'ADN viral se présente sous forme d'épi- nombreux tableaux dermatologiques ou autres syndromes ont
some en nombre variable de 1 à 100 épisomes par cellule. Neuf été décrits en association avec la primo-infection EBV.
polypeptides codés par les gènes latents sont régulièrement Classiquement, la mononucléose infectieuse (MNI) associe
exprimés dans la phase de latence virale (EBNA : Epstein- de la fièvre présente dans 80–90 % des cas, pouvant durer plus
Barr Nuclear Antigens et LMP : Latent Membrane Protein). de 10 jours, une angine typiquement pseudo-membraneuse,
Plusieurs types de latence (I à III) sont définis en fonction de la présence d'adénopathies et dans près de 50 % des cas une
l'expression ou non de ces polypeptides dans les cellules infec- splénomégalie [1].
tées et le type de latence caractérise également les différents L'atteinte cutanée est présente dans 5 à 10 % des cas, et la
types de lymphoproliférations associées au virus. La protéine présentation est très variable à type d'exanthème le plus souvent
Z, codée par la séquence BZLF-1, est la protéine qui déclenche morbilliforme mais le rash peut également être décrit comme
le cycle productif. Les antigènes tardifs nécessitent la synthèse rubéoliforme, roséoliforme ou plus rarement comme scarlatini-
d'ADN viral et comprennent les antigènes VCA (Viral Capsid forme. La présence d'un œdème palpébral (signe de Hoagland)
Antigens) et les antigènes MA (Membrane Antigens). Les cel- décrit comme un œdème palpébral supérieur est assez caracté-
lules cibles chez l'homme sont les lymphocytes B par interac- ristique mais fugace et souvent non vu ou diagnostiqué [2]. Des
tion entre la gp 340/220 et le récepteur CD21. L'EBV est un cas d'urticaire satellites de la PI-EBV ont également été décrits. 25
Dermatologie infectieuse
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4 PARTIE 1 VIROLOGIE
RÉFÉRENCES
[1] Tursz T, Pagano JS, Ablashi DB, De Thé G, Lenoir G, Pearson GR. Le virus [2] Hoagland RJ. The clinical manifestations of infectious mononucleosis. A report of
26 d'Epstein-Barr et les maladies associées. Paris : Inserm. John Libbey Eurotext ; 1993. two hundred cases. Am J Med Sci 1960 ; 240 : 21–9.
Infection 5
par le cytomégalovirus
Vincent Descamps
Virologie 27
PRIMO-INFECTION
CHEZ L'IMMUNOCOMPÉTENT
Clinique 27 Elle est symptomatique dans 10 % des cas avec fièvre, asthé-
Diagnostic 28 nie, syndrome mononucléosique et parfois exanthème. La
durée d'incubation est de 30 jours. Des observations d'ulcé-
Traitement 28 rations génitales à type d'ulcère de Lipschütz ou de vulvo-
vaginite avec lésions vésiculeuses ont été décrites lors des
primo-infections à cytomégalovirus (classiquement associées
respectivement à l'EBV ou l'HSV).
VIROLOGIE
INFECTION DE L'IMMUNODÉPRIMÉ
Le cytomégalovirus ou HHV-5 (Human Herpes Virus 5) est Des formes sévères sont possibles chez l'immunodéprimé, que
comme tous les herpès virus un virus à ADN double brin. Son celles-ci soient liées à une primo-infection ou le plus souvent
génome est entouré d'une capside protégée d'une enveloppe à une réactivation : fièvre, colite, hépatite, pneumopathie, réti-
recouverte de glycopeptides. Ce virus est largement présent nite, encéphalite et rash cutané. En cas d'infection disséminée,
dans la population : sa prévalence est variable suivant le niveau celle-ci est appelée maladie à cytomégalovirus. Cette réacti-
socio-économique. Elle est proche de 50 % dans les pays d'Eu- vation s'observe en cas de forte immunodépression : greffe de
rope de l'Ouest, mais elle est bien supérieure dans les pays en moelle, transplantation d'organe ou infection par le VIH avec
voie de développement avec un virus présent chez jusqu'à 90 à un taux de lymphocytes CD4+ inférieurs à 100/mm3. Elle est
100 % de la population. Il est transmis par toutes les sécrétions aussi mise en évidence au cours du DRESS souvent associée à
humaines (salive, larme, sécrétions génitales, sperme, urine, des réactivations d'autres herpès virus (HHV-6, HHV-7, EBV,
lait maternel). Lors de la primo-infection, il se dissémine à HSV) avec possiblement une coopération entre ces virus.
l'ensemble de l'organisme par une virémie et infecte particuliè- Les lésions cutanées sont à type d'exanthème (figure 5.1),
rement les cellules endothéliales, la moelle et les monocytes, vasculite à type de purpura ou de nodules nécrotiques, lésions
les cellules épithéliales, les fibroblastes et le système nerveux vésiculobulleuses et érosives. Des ulcérations génitales
central. Après la primo-infection il persiste à l'état latent prin-
cipalement dans les monocytes et les cellules endothéliales des
vaisseaux. Des réactivations sont possibles favorisées par une
immunodépression. Des réinfections sont aussi décrites.
CLINIQUE
Le pouvoir pathogène du cytomégalovirus est sous-estimé.
L'infection par le cytomégalovirus est en effet le plus sou-
vent inapparente. C'est le prototype du virus opportuniste :
alors que la primo-infection du cytomégalovirus est le plus
généralement asymptomatique (dans 90 % des cas) chez le
sujet immunocompétent, elle peut être sévère chez le sujet
immunodéprimé et responsable d'infection congénitale chez
la femme enceinte. Ces réactivations sont favorisées par l'im-
munodépression ou surviennent au cours de certaines patho- Figure 5.1. Exanthème maculopapuleux chez un patient
logies comme le DRESS ou de situations de stress (patients en infecté par le VIH en réanimation au cours d'une maladie à CMV
réanimation, grands brûlés). (encéphalite, atteinte pulmonaire et cutanée). 27
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5 PARTIE 1 VIROLOGIE
peuvent être favorisées par le traitement par foscarnet ou par IgG et IgM dirigées contre les antigènes viraux (pp65). Les
des co-infections par HSV. tests d'avidité des IgG permettent de différencier pour les séro-
logies une infection récente d'une infection ancienne (les IgM
INFECTION CONGÉNITALE ET PÉRINATALE sont plutôt associées aux infections récentes mais peuvent s'ob-
server au cours des réactivations). Les sérologies sont utiles
L'infection à cytomégalovirus est la première cause d'infec- pour classer donneurs et receveurs d'organe, de moelle ou de
tion congénitale virale dans le monde. En France elle concerne sang [1]. Elles sont aussi utiles pour connaître le statut des
0,1 % des nouveau-nés et est responsable de 400 à 800 décès femmes enceintes vis-à-vis de l'infection à cytomégalovirus.
ou manifestations graves par an. En France, 55 % des jeunes Le virus peut être recherché dans le liquide amniotique
femmes enceintes sont séronégatives pour le cytomégalovi- dans le cas de suspicion d'infection congénitale.
rus. Le risque concerne principalement les primo-infections L'examen histologique permet de mettre en évidence les
(10 % d'atteinte du fœtus) mais peut s'observer après une réin- cellules infectées (en particulier endothéliales) par la présence
fection ou une réactivation. L'atteinte fœtale quand elle est d'inclusions intranucléaires caractéristiques, avec confir-
symptomatique est dans 30 % des cas responsable d'une mort mation par immunohistochimie ou hybridation in situ. Des
fœtale, dans 60 % des cas à l'origine d'un retard psychomoteur, images de vasculite leucocytoclasique peuvent être observées
d'une microcéphalie et/ou d'une surdité. Dans 10 % des cas en cas de biopsie de lésions purpuriques infiltrées.
l'enfant peut naître sans séquelle mais justifiera d'un suivi pro-
longé (oculaire, développement psychomoteur). Aujourd'hui
il n'est pas recommandé de faire une sérologie systématique
pour connaître le statut des femmes enceintes concernant le TRAITEMENT
cytomégalovirus. En revanche cette infection devra être par-
Elle repose sur les trois antiviraux : ganciclovir, valganci-
ticulièrement recherchée en cas de rash cutané au cours de la
clovir (administré per os), foscarnet et cidofovir. Ces médi-
grossesse.
caments sont associés à des effets secondaires importants :
L'infection périnatale (par le lait ou le passage dans la filière
neutropénie pour le ganciclovir, anémie et insuffisance rénale
génitale) est moins grave sauf pour les enfants prématurés qui
pour le foscarnet, toxicité rénale pour le cidofovir (réservé aux
peuvent développer une pneumopathie interstitielle.
cas de résistance aux deux premiers antiviraux).
L'efficacité des traitements antirétroviraux a diminué de
façon spectaculaire les infections à cytomégalovirus au cours
DIAGNOSTIC de l'infection VIH.
La prévention des infections à cytomégalovirus chez les
Il repose sur la PCR quantitative sur sang total, sécrétions ou greffés repose sur la sélection des receveurs et des donneurs
tissus. Le virus peut être isolé par la culture virale (dans le pour éviter de greffer un organe « séropositif » à un receveur
sang, la salive, l'urine, le lavage bronchoalvéolaire, le liquide « séronégatif ». De plus la transfusion de sang « déleucocyté »
céphalorachidien, le liquide amniotique). La recherche d'une a diminué le risque de transmission.
antigénémie par immunofluorescence (plus rapide) est bien Le traitement préventif par valganciclovir est proposé aux
corrélée à la virémie. Les sérologies sont d'un intérêt plus patients à haut risque [2, 3].
limité (par technique Elisa). Elles permettront de détecter des Il n'y a pas de vaccin actuellement disponible.
RÉFÉRENCES1
[1] Rowe J, Grim SA, Peace D, Lai C, Sweiss K, Layden JE, et al. The significance in solid organ transplant recipients. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 2 :
of cytomegalovirus viremia at day 100 or more following allogeneic CD005133.
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[2] Owers DS, Webster AC, Strippoli GF, Kable K, Hodson EM. Pre-emptive medications for preventing cytomegalovirus disease in solid organ transplant
treatment for cytomegalovirus viraemia to prevent cytomegalovirus disease recipients. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 2 : CD003774.
1
Pour en savoir plus : centre national de référence cytomégalovirus http://www.unilim.
28 fr/cnr-cytomegalovirus-test/
Infection par l'herpès 6
virus 6
Vincent Descamps
RÉACTIVATION HHV-6
Après transplantation
ou greffe de moelle Figure 6.1. DRESS à la carbamazépine avec réactivation
Ces réactivations sont principalement liées au sous-type HHV-6.
HHV-6B. Les réactivations HHV-6 sont fréquentes dans les
3–6 semaines suivant les greffes : 25–75 % pour les greffes de
moelle, et 20–55 % pour les transplantations d'organe. Le tableau En dehors de la dermatologie infectieuse, l'implication du
clinique associe fièvre, éruption cutanée, atteinte viscérale (hépa- virus HHV-6 est discutée dans la maladie de Rosai-Dorfman
tite, pneumopathie, encéphalite, hémophagocytose, etc.) pou- (histiocytose non langerhansienne), dans différentes mani-
vant conduire à une défaillance multiviscérale, rejet de greffe, festations neurologiques (HHV-6A) telles que l'épilepsie
réaction du greffon contre l'hôte. Ces réactivations HHV-6 s'as- temporale, certaines encéphalites, la sclérose en plaques, le
socient généralement à des réactivations séquentielles d'autres syndrome de fatigue chronique, des pathologies thyroïdiennes
herpèsvirus EBV, cytomégalovirus (CMV), HHV-7. (thyroïdite auto-immune), certaines maladies de Hodgkin.
RÉFÉRENCES2
[1] Zerr DM, Meier AS, Selke SS, Frenkel LM, Huang ML, Wald A, et al. [2] Descamps V, Ben Saïd B, Sassolas B, Truchetet F, Avenel-Audran M, Girardin P,
A population-based study of primary human herpesvirus 6 infection. et al. groupe Toxidermies de la Société française de dermatologie. Prise en
N Engl J Med 2005 ; 352 : 768–76. charge du DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms).
Ann Dermatol Venereol 2010 ; 137 : 703–8.
2
Pour en savoir plus : http://hhv-6foundation.org 31
Infection par l'herpès 7
virus 7
Vincent Descamps
Virologie 33
PITYRIASIS ROSÉ DE GIBERT
L'association HHV-7 et même HHV-6 et pityriasis rosé de
Clinique 33 Gibert reste controversée. Le pityriasis rosé de Gibert est
Diagnostic 34
caractérisé par une éruption débutant par une plaque érythé-
mato-squameuse à type de médaillon (figure 7.1) de couleur
Traitement 34 plus rosée que rouge recouverte d'une fine desquamation
(pityriasique) suivie de l'apparition de multiples lésions digi-
tiformes disposée sur le tronc (figure 7.2) et les membres
VIROLOGIE
Le virus HHV-7 (Human Herpes Virus 7) est un membre des
roséolovirus de la famille des bêta herpès virus. Il est proche
sur le plan structural et génétique du virus HHV-6B. Il partage
des homologies de séquences entre 20 à 75 % selon les gènes
étudiés. Il bénéficie de moins d'études spécifiques.
C'est un virus ubiquitaire présent dans la majorité de la
population. Il est généralement transmis dans l'enfance par la
salive et par voie respiratoire au cours des premières années
de vie. L'acquisition de l'HHV-7 apparaît plus tardive que le
virus HHV-6, vers 3–4 ans. Comme les autres Herpesvirus
après une primo-infection il persiste dans l'organisme sous
une forme latente. Le génome est alors présent sous une forme Figure 7.1. Médaillon initial d'un pityriasis rosé de Gibert.
extra-chromosomique dans les lymphocytes T. Le récepteur
cellulaire de HHV-7 est le CD4. Ce virus est présent dans les
glandes salivaires et excrété de façon asymptomatique chez
les sujets sains.
CLINIQUE
EXANTHÈME SUBIT
Il n'y a pas de particularité rapportée pour l'exanthème subit
associé à HHV-7 en comparaison des éruptions ou manifes-
tations associées à l'exanthème subit de l'HHV-6B. Ce virus
tout comme le virus HHV-6B est associé aux crises d'épilep-
sie fébriles. Concernant l'exanthème subit la responsabilité
de HHV-7 apparaît moindre au cours des 2 premières années
dans les études épidémiologiques. Figure 7.2. Pityriasis rosé de Gibert.
33
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7 PARTIE 1 VIROLOGIE
RÉFÉRENCES
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Polymerase Chain Reaction Assay for Detection and Follow-up of Herpesvirus
34
Infection par l'herpès 8
virus 8
Nicolas Dupin
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8 PARTIE 1 VIROLOGIE
pas exprimés dans les tumeurs de Kaposi mais ces gènes lytiques
pourraient jouer un rôle soit en amont du processus tumoral, soit
dans la pérennisation du processus tumoral en favorisant la pro-
duction de nouveaux virions, le développement d'une néoan-
giogenèse ou en permettant au virus d'échapper au contrôle
Figure 8.1. Nodule de Kaposi du bord interne du pied chez un immunitaire.
patient ayant une MK classique. En dehors de la MK, HHV-8 pourrait être associé à des
exanthèmes maculopapuleux lors de la primo-infection [7] ou
lors d'épisodes de réactivations chez les immunodéprimés. Si
les rashs observés en primo-infection n'ont jamais fait l'ob-
jet d'une description précise, le rôle direct du virus a pu être
démontré au cours d'une réactivation (figures 8.3 et 8.4) [8]. En
dehors de ces situations, le rôle d'HHV-8 dans d'autres affec-
tions dermatologiques est marginal ou absent.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic indirect repose sur la sérologie qui fait appel à des
tests d'immunofluorescence indirecte (IFI) sur lignées non sti-
mulées (IFI latente ; très spécifique mais parfois en défaut chez
Figure 8.2. Immunohistochimie avec l'anticorps anti-LNA-1 l'immunodéprimé) ou stimulées (IFI lytique ; avec risque de faux
avec présence d'un marquage typique en mottes (rouge) dans le positifs du fait d'une antigénicité croisée avec l'Epstein-Barr).
noyau des cellules fusiformes. Des tests de type Elisa existent également et offrent l'avantage
36 Collection Agnès Carlotti.
d'être automatisés et plus sensibles mais là encore des faux posi-
Infection par l'herpès virus 8 8
tifs sont possibles. La recherche de séquences virales dans le
sang est possible mais n'a pas réellement d'intérêt en dehors du TRAITEMENT
Castleman. Le virus peut être retrouvé dans la salive à des titres
En pratique, si certains antiviraux antiherpétiques (cidofo-
élevés sans qu'il y ait de corrélation avec l'activité de la MK.
vir, valganciclovir) ont montré une activité sur la réplication
Les séquences virales sont détectées par PCR dans les lésions de
in vitro, ils sont inefficaces sur la MK, le virus étant majo-
Kaposi à des titres élevés et les techniques d'immunohistochimie
ritairement latent et donc inaccessible à ces molécules. Les
sont très précieuses pour mettre en évidence les protéines virales
antiviraux actifs contre l'HHV-8 pourraient se concevoir dans
dans les lésions permettant de confirmer le diagnostic notam-
une stratégie préventive dans les populations à risque (greffés,
ment grâce à l'anticorps dirigé contre LNA-1 [6].
VIH principalement).
RÉFÉRENCES
[1] Giraldo G, Beth E, Haguenau F. herpes-type particles in tissue culture [5] Flore O, Rafii S, Ely S, O'Leary JJ, Hyjek EM, Cesarman E. Transformation of
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139–232. 47 : 684–8.
37
Rougeole
Michel Rybojad
9
TRANSMISSION
La rougeole est une maladie virale grave, extrêmement conta- Le virus de la rougeole est extrêmement contagieux. La rou-
gieuse, en nette recrudescence, du fait d'une insuffisance de geole ne survient que chez l'humain. Les nourrissons sont pro-
couverture vaccinale. Elle reste l'une des causes importantes tégés jusqu'à l'âge de 6 à 9 mois par les anticorps maternels
de décès du jeune enfant, alors qu'il existe un vaccin sûr et acquis passivement. La transmission est aérienne, de personne
efficace. Toutefois, en raison d'un réservoir unique (l'homme) à personne, mais peut aussi se faire via du matériel récemment
et de l'existence d'un vaccin efficace [1], son élimination, souillé par des sécrétions nasopharyngées.
voire son éradication, sont possibles. C'est aussi une virose Le virus reste actif et contagieux dans l'air ou sur les sur-
anergisante, d'où la fréquence et la gravité des complications, faces contaminées pendant 2 heures. Les porteurs du virus
liées au virus lui-même ou à des germes de surinfection, qui peuvent le transmettre pendant les 4 jours qui précèdent l'ap-
mettent en jeu le pronostic vital. De plus, chez l'immuno- parition de l'éruption cutanée et les 4 jours qui suivent. Les
déprimé (transplanté ou infecté par le VIH), l'infection est flambées de rougeole peuvent entraîner des épidémies suscep-
volontiers grave, avec risque létal. tibles de provoquer de nombreux décès, notamment parmi les
jeunes enfants malnutris. Dans les pays où la rougeole a été
en grande partie éliminée, les cas importés restent une source
ÉPIDÉMIOLOGIE importante d'infection et expliquent en partie la recrudescence
de cette maladie dans les pays industrialisés (Europe, États-
Unis, etc.).
MORBIDITÉ ET MORTALITÉ
On estime que 158 000 personnes, dont une majorité d'enfants
de moins de 5 ans, sont mortes de la rougeole en 2011 [2]. En FACTEURS FAVORISANTS
Europe [3], elle est habituellement bénigne, mais les com- Les facteurs favorisant la survenue d'une rougeole grave sont
plications graves ne sont pas exceptionnelles, 100 à 200 cas le très jeune âge (< 1 an) ou l'âge adulte, la malnutrition, les
d'encéphalite post-morbilleuse sont rapportés en France chaque infections associées, la promiscuité, le bas niveau d'hygiène,
année. La rougeole reste trop fréquente dans de nombreux pays l'immunodépression et la grossesse. Les épidémies de rou-
en développement, notamment dans certaines régions d'Afrique geole sont courantes et graves chez les réfugiés et les per-
et d'Asie. Plus de 20 millions de personnes en souffrent chaque sonnes déplacées pour lesquelles la mortalité est supérieure
année. L'immense majorité (plus de 95 %) des décès par rou- à 15 %.
geole survient dans des pays où le revenu par habitant est
faible et l'infrastructure sanitaire fragile. La létalité est de 0,5
à 1 cas/1 000 dans les pays industrialisés, mais peut être très VIROLOGIE
élevée dans les pays en développement : estimée en moyenne La rougeole est due à un virus à ARN de la famille des
à 7,4 %, elle peut atteindre jusqu'à 32 % par exemple dans les Paramyxoviridae du genre Morbillivirus [2]. Il se développe
conditions qui prévalent dans les camps de réfugiés. normalement dans les cellules qui bordent le pharynx et les 39
Dermatologie infectieuse
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9 PARTIE 1 VIROLOGIE
poumons. C'est un virus enveloppé à ARN simple brin de pola- et le thorax, puis l'abdomen et les cuisses, enfin les membres
rité négative, dont le diamètre est compris entre 150 et 350 nm. inférieurs. C'est une éruption punctiforme, maculopapuleuse
Le génome contient 15 894 nucléotides, 6 gènes (N, P, M, F, (figure 9.1), érythémateuse, souvent purpurique, non pruri-
H, L) codant pour 8 protéines (N, P, M, F, H, L, V, C). Le gineuse, plus ou moins confluente mais respectant des inter-
gène P code pour la phosphoprotéine P et deux autres protéines valles de peau saine.
non structurales (V et C) via un processus d'édition de l'ARN Le diagnostic est difficile sur peau noire. Il faut retenir la
et un cadre de lecture alternatif. Les protéines H, F et M sont valeur du signe de Koplick, la sensation de relief à la surface
des protéines membranaires. La protéine F est une protéine de de la peau au toucher, la coloration rouge violet, bistre, suivie
fusion enchâssée dans la membrane lipidique. La glycopro- d'une desquamation très nette, sauf au niveau palmoplantaire,
téine H (hémagglutinine) est transmembranaire et responsable permettant un diagnostic rétrospectif.
de l'attachement du virus à l'un des trois récepteurs cellulaires L'état du malade s'améliore normalement à partir du 3e jour
connus : les clusters de différenciation CD150 et CD46, et la suivant l'apparition de l'exanthème et guérit en 7 à 10 jours
molécule d'adhésion cellulaire nectine-4. après le début de la maladie. Les patients sont contagieux
L'infection par le virus de la rougeole entraîne la fusion de jusqu'à 5 jours avant et après le début de l'éruption, avec un
la cellule infectée avec des cellules voisines pour former des maximum de contagiosité lors de la phase prodromique de la
cellules géantes multinucléées (syncytium) pouvant conte- maladie. L'infection confère une immunité à vie, y compris
nir une centaine de noyaux. Les cellules infectées meurent chez les personnes paucisymptomatiques.
ensuite par apoptose. La période post-rougeoleuse dure du 11e jour après le début
de l'exanthème à la fin du 3e mois.
CLINIQUE COMPLICATIONS
À la période d'état, les complications sont :
FORME COMMUNE
n respiratoires dues au virus de la rougeole (laryngotrachéo-
Reconnaître la rougeole chez le petit enfant est souvent facile
bronchite précoce, otite moyenne, pneumonie) ;
[5]. Elle évolue dans sa forme habituelle selon un rythme bien n ou dues à des germes de surinfection (Streptococcus pneu-
défini. Après une incubation silencieuse de 10 à 14 jours suit
moniae, Haemophilus influenzae) :
une période d'invasion de 3 jours qui est marquée par une n otite moyenne, laryngite tardive staphylococcique,
fièvre à 39–40 °C, un catarrhe oculonasal (rhinite, conjonc- n conjonctivite surinfectée parfois cause de cécité,
tivite), une toux sèche et un énanthème apparaissant 2 jours n broncho-pneumonies,
après le début du catarrhe. La muqueuse buccale est rouge, n digestives à type de diarrhées avec risque de déshydrata-
parsemée parfois de petites taches blanchâtres pathognomo-
tion (salmonelles, shigelles, rotavirus) ;
niques réalisant le signe de Koplick qui est fugace mais de n encéphalite post-infectieuse ou encéphalite aiguë dis-
haute valeur diagnostique.
séminée survenant de façon aiguë 3 à 6 jours après
À la période d'état, 14 jours après le contage, apparaît chez
l'éruption.
un enfant ayant changé de comportement (« aspect grognon »)
un exanthème au niveau du visage, débutant derrière les Les complications dépendent de facteurs liés à l'hôte ou à
oreilles, d'évolution descendante en 4 jours, atteignant le cou l'environnement.
Le risque de panencéphalite subaiguë sclérosante post- nie d'expérience en matière de réduction de la mortalité due
vaccination qui avait été discuté semble remis en cause. Il est à la rougeole, l'initiative fait campagne auprès des pouvoirs
en tous les cas bien moindre que celui de la rougeole natu- publics et des donateurs du monde entier en faveur d'une stra-
relle. De même, la relation possible entre cette vaccination tégie d'éradication de la rougeole et de la rubéole.
et l'autisme, qui avait été évoquée, est actuellement écartée. En avril 2012, l'initiative contre la rougeole et la rubéole a
lancé un nouveau Plan stratégique mondial de lutte contre la
rougeole et la rubéole qui couvre la période 2012–2020. Ce
CONCLUSION plan fixe de nouveaux objectifs mondiaux pour 2015 et 2020 :
n avant fin 2015 : réduire le nombre de décès par rougeole
L'initiative contre la rougeole est le fruit de la collaboration dans le monde d'au moins 95 % comparé aux niveaux de
de l'OMS, de l'Unicef, de la Croix-Rouge américaine, des l'année 2000, atteindre les objectifs régionaux d'élimination
Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis et de la rougeole, du syndrome de rubéole congénitale et de la
de la Fondation pour les Nations Unies dont le but est d'aider rubéole ;
les pays à atteindre leurs objectifs en matière de lutte contre n avant fin 2020 : éliminer la rougeole et la rubéole dans au
la rougeole et la rubéole. Se fondant sur plus d'une décen- moins cinq régions de l'OMS.
RÉFÉRENCES
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42
Rubéole
Michel Rybojad
10
Virologie 43 ÉPIDÉMIOLOGIE
Épidémiologie 43 Bénigne chez l'enfant, la rubéole peut être grave chez la
Clinique 43 femme enceinte en raison du risque de malformations congé-
nitales. Mais 80 à 95 % des femmes sont immunisées avec un
Diagnostic 44 taux qui augmente avec les vaccinations systématiques dans
l'enfance. La contagion débute une semaine avant l'éruption et
Syndrome de rubéole congénitale 44
persiste 2 semaines après.
Traitement 44 Mondialement, 29 000 cas ont été déclarés en 2004 et l'Or-
ganisation mondiale de la santé tablait pour une éradication
Vaccination 45 en 2010 [1].
Conclusion 45
En Amérique, des campagnes de vaccination ont permis
d'interrompre la transmission de la rubéole sur tout le conti-
nent, le dernier cas endémique au continent étant en février
2009. Toutefois, quelques cas isolés de rubéole y sont toujours
rapportés, importés par des voyageurs infectés à l'étranger.
La rubéole est une infection virale aiguë contagieuse. Elle Grâce à la politique de vaccination, la maladie devient de
est généralement bénigne chez l'enfant mais elle a de graves plus en plus rare en Europe. En France en 2009, deux cas de
conséquences chez la femme enceinte. En effet, elle peut rubéole congénitale ont été diagnostiqués : une femme qui
entraîner la mort fœtale ou des malformations congénitales refusait toute vaccination et une autre femme d'origine étran-
(syndrome de rubéole congénitale). gère. Ces deux patientes ont eu des éruptions qui ont été prises
Le virus de la rubéole se transmet par les gouttelettes pour une réaction allergique.
nasales expulsées par les personnes infectées lorsqu'elles éter- Grâce à cette politique vaccinale, le taux d'infections rubéo-
nuent ou toussent. L'homme est le seul hôte connu. leuses maternelles et le taux d'infections congénitales ont
chuté de façon significative au cours des 20 dernières années.
En 2010, en France aucune rubéole congénitale malforma-
VIROLOGIE tive n'a été rapportée à l'Institut de veille sanitaire. Malgré ces
données encourageantes, il convient de rester prudent. En effet,
C'est une infection contagieuse, immunisante, due à un togavi- en 2011 et 2012, une épidémie de rubéole a sévi en Tunisie et
rus : le rubivirus. Sa taille varie entre 60 et 70 nm. Il possède un en Algérie. Du fait des échanges entre la France et les pays du
ARN monocaténaire messager non segmenté, une capside ico- Maghreb, le Centre national de référence (CNR) des infections
saédrique et une membrane avec deux types de glycoprotéines rubéoleuses materno-fœtales a observé une recrudescence des
E1 et E2 dont le rôle est d'attacher le virus aux globules rouges. cas de rubéole pendant la grossesse et, conséquemment, a dia-
Le virus se propage dans l'organisme en 5 à 7 jours et les symp- gnostiqué un certain nombre d'infections congénitales. Cette
tômes apparaissent en général 2 à 3 semaines après l'exposition. situation est liée à une insuffisance de la couverture vaccinale,
L'infectiosité atteint son maximum 1 à 5 jours après l'appa- que ce soit dans les pays du Maghreb ou en France.
rition de l'éruption cutanée.
Quand une femme contracte la rubéole en début de gros-
sesse, la probabilité de transmission du virus au fœtus est de CLINIQUE
90 %. Chez la femme enceinte, la rubéole peut entraîner une
fausse couche, une mort à la naissance ou de graves malfor- Dans sa forme classique du petit enfant, la rubéole survient
mations congénitales (syndrome de rubéole congénitale). Les surtout au printemps.
nourrissons atteints d'un syndrome de rubéole congénitale Après une incubation totalement silencieuse de 16 jours,
peuvent excréter le virus pendant au moins un an. apparaissent : une fièvre et des myalgies, puis une éruption 43
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10 PARTIE 1 VIROLOGIE
essentiellement ;
n des anomalies cérébrales, qui surviennent seulement
lorsque l'infection a eu lieu entre la 3e et la 16e semaine
Figure 10.1. Exanthème maculopapuleux de la rubéole.
de grossesse et qui sont à l'origine de retard intellectuel de
sévérité variable, de microcéphalie et de diplégie spastique ;
n parfois une prématurité avec petit poids de naissance.
débutant sur le visage, envahissant l'ensemble du corps en une
journée. Elle prédomine sur les pommettes et le menton, puis Les malformations structurales majeures sont rares. Le dia-
sur le thorax, l'abdomen, les fesses et la racine des membres, gnostic prénatal d'infection fœtale doit être proposé en cas de
respectant paumes, plantes et cuir chevelu. contact d'une femme enceinte avec un patient infecté, qu'il y
Ce sont des macules rose pâle, le plus souvent séparées par ait éruption ou non.
des espaces de peau saine, parfois confluentes (figure 10.1). Les Si la patiente n'a pas été vaccinée récemment, on peut affir-
lésions disparaissent en 3 ou 4 jours, suivies d'une fine desquama- mer la primo-infection rubéoleuse en cas :
tion furfuracée. Des macules rosées du palais peuvent être obser-
vées (taches de Forschheimer). Il existe de façon quasi constante n d'élévation des IgG sériques ou séroconversion avec IgM
des adénopathies dans différents territoires ganglionnaires, en au-dessus du seuil de positivité ;
n de faible avidité des IgG ;
particulier dans les régions suboccipitales et rétro-auriculaires.
n de présence d'IgM dans le sang fœtal (une ponction de
Une discrète splénomégalie existe dans un cas sur deux.
La numération formule montre souvent une hyperlympho- sang fœtal ne peut être pratiquée qu'après 22 semaines de
cytose et une plasmocytose quelques jours après l'éruption. grossesse) ;
n d'identification du génome viral dans le liquide amniotique
Les formes compliquées sont exceptionnelles (purpura
thrombopénique, arthrite, méningo-encéphalite). par PCR ;
n de présence d'IgM spécifiques dans le sang du cordon, ou
Chez l'adolescent et l'adulte, la symptomatologie est par-
fois plus bruyante : fièvre à 39 °C, éruption rouge vif d'allure dans n'importe quel tissu du fœtus ou du nouveau-né.
scarlatiniforme, atteinte muqueuse fréquente, adénopathies En cas de diagnostic prénatal positif de primo-infection
diffuses, arthrites et splénomégalie avec même possible rup- rubéoleuse, on peut attendre un tableau complet de SRC si
ture spontanée de la rate. Des complications neurologiques l'infection a eu lieu au cours des 2 premiers mois de grossesse.
centrales ou périphériques sont rares. Si l'infection survient avant 12 semaines de grossesse, envi-
ron 80 % des fœtus sont atteints, et entre 12 et 16 semaines,
la probabilité d'atteinte fœtale est d'environ 50 %. Entre 12 et
DIAGNOSTIC 16 semaines, c'est une surdité que l'on observe le plus sou-
vent. Les autres anomalies et le retard de croissance semblent
Bien que le diagnostic puisse être clinique dans sa forme clas- n'apparaître que si l'infection a eu lieu au 1er trimestre. Si elle
sique, il existe également un grand nombre de rubéoles inap- survient après 16 semaines, il est rare d'observer des anoma-
parentes, sans éruption. lies congénitales ou un retard de croissance.
À l'inverse, le diagnostic de rubéole peut aussi être posé par Avant l'introduction du vaccin, jusqu'à un enfant pour
excès, car de très nombreux virus (Coxsackie, échovirus, adé- 1 000 naissances vivantes présentait ce syndrome. La vaccination
novirus, EBV) sont responsables d'éruptions rubéoliformes. antirubéoleuse à grande échelle a permis d'éliminer quasiment
Les examens sérologiques sont donc indispensables pour la rubéole et le syndrome de rubéole congénitale dans de nom-
affirmer le diagnostic de rubéole. breux pays développés et dans quelques pays en développement.
Ceci est impératif lorsque l'éruption survient chez la femme La région OMS des Amériques n'a enregistré aucun cas de
enceinte ou dans son entourage : une séroconversion ou une syndrome de rubéole congénital de nature endémique (trans-
élévation significative du titre des anticorps (multiplié par 4) mise naturellement) depuis 2009. C'est dans les régions OMS
détectée par inhibition de l'hémagglutination et/ou immunoen- de l'Afrique et de l'Asie du Sud-Est, où la couverture vacci-
zymologie signe la primo-infection rubéolique que confirme nale est la plus faible, que les taux de syndrome de rubéole
la présence d'IgM. congénitale sont les plus élevés.
RÉFÉRENCES
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45
Infection 11
par le parvovirus B19
Nicolas Dupin
Virologie 47
MÉGALÉRYTHÈME ÉPIDÉMIQUE
OU 5e MALADIE
Épidémiologie 47 C'est la présentation clinique la plus fréquente [1]. Il s'agit d'un
Clinique 47 exanthème maculopapuleux légèrement œdémateux débu-
tant sur les joues en donnant l'aspect en « paire de claques »
Diagnostic 48 (slapped cheek) (figure 11.1) puis s'étendant au tronc et aux
extrémités, où des macules rose pâle confluent en carte de
Traitement 48 géographie ou en guirlandes de sapin de Noël (figure 11.2)
pour disparaître en 1 semaine. La fièvre est généralement
absente, mais on peut noter une fébricule associée ou non à
des manifestations ORL (rhinorrhée, jetage nasal, etc.) et des
VIROLOGIE douleurs articulaires.
Découvert par hasard, le parvovirus B19 (PVB19) appartient AUTRES MANIFESTATIONS CUTANÉES
à la famille des parvoviridae [1]. Il s'agit d'un petit virus non
enveloppé muni d'une capside icosaédrique de 25 nm de dia- Le PVB19 est associé à de nombreuses manifestations cuta-
mètre. Le génome viral est constitué d'un ADN monobrin nées et des études ayant porté sur le rôle des virus dans les
d'environ 5 600 nucléotides et code pour 3 protéines virales exanthèmes fébriles ont montré que près de 30 % des exan-
ayant une fonction bien déterminée. La protéine NS1 a de thèmes chez l'enfant étaient liés au PVB19 [2]. Ainsi, l'exan-
multiples fonctions réplicatives et est cytotoxique pour la thème associé à la primo-infection peut être moins spécifique
cellule hôte, les protéines VP1 et VP2 sont les protéines de que celui observé lors du mégalérythème épidémique, et
capside. L'antigène érythrocytaire P est le récepteur cellu-
laire du PVB19.
ÉPIDÉMIOLOGIE
La primo-infection survient le plus souvent dans l'enfance
mais elle peut survenir tout au long de la vie et la séropréva-
lence augmente avec l'âge, passant de 10 % entre 1 et 5 ans à
40 % entre 20 et 30 ans et à plus de 70 % au-delà de 60 ans.
Dans les pays tempérés, les infections par le PVB19 sur-
viennent par petites épidémies généralement au printemps.
Le principal mode de contamination est la voie respiratoire
mais ce virus peut également être transmis par voie san-
guine en particulier par les concentrés de facteurs antihémo-
philiques (VIII et IX). L'absence d'enveloppe rend ce virus
particulièrement résistant aux procédés d'inactivation par la
chaleur.
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11 PARTIE 1 VIROLOGIE
prendre un aspect morbilliforme ou roséoliforme. La notion tation la plus fréquente est un exanthème rappelant celui du
de prurit est rapportée dans près de 40 % des cas de rashs liés mégalérythème observé chez l'enfant. Les 3 autres tableaux
au PVB19. cliniques sont le purpura en gants et chaussettes, l'exanthème
Le PVB19 est également associé à des purpuras en gants périflexural et le purpura vasculaire.
et chaussettes (socks and gloves syndrome) [3] ou à des syn- De façon plus anecdotique, ont été rapportés des tableaux
dromes dits « babouins » caractérisés par un exanthème en d'érythème noueux et des signes muqueux au cours des primo-
caleçon avec des lésions érythémateuses et purpuriques des infections à PVB19.
grands plis inguinaux et axillaires (figure 11.3) [4]. PVB19
peut être responsable d'urticaire aiguë éventuellement asso- MANIFESTATIONS EXTRA-CUTANÉES
ciée à des manifestations pulmonaires [5].
PVB19 est responsable de purpuras immunoallergiques Les manifestations articulaires peuvent aussi être la seule
caractérisés par des lésions purpuriques infiltrées prédomi- manifestation clinique au cours d'une primo-infection à
nant sur les zones déclives et dont l'histologie correspond PVB19. Leur fréquence augmente avec l'âge puisqu'elles sont
dans la grande majorité des cas à une vascularite leucocyto- notées dans 10 % des primo-infections de l'enfant et dans 30 %
clasique [6]. Dans un travail rétrospectif ayant porté sur 29 des cas chez l'adulte. Il s'agit le plus souvent d'une polyar-
cas de primo-infections à PVB19 de l'adulte, les auteurs ont thrite bilatérale et symétrique touchant initialement les petites
identifié 4 présentations dermatologiques différentes qui pou- articulations des extrémités puis s'étendant aux grosses arti-
vaient être associées dans près de 45 % des cas. La présen- culations et disparaissant en quelques semaines. Parfois, les
manifestations articulaires peuvent persister au-delà et deve-
nir chroniques avec des épisodes cycliques alternant avec des
périodes de rémission. Ces tableaux articulaires chroniques
peuvent faire discuter une polyarthrite rhumatoïde, cepen-
dant le rôle du PVB19 a maintenant été écarté tout comme
dans d'autres maladies systémiques, notamment la périartérite
noueuse et le syndrome de Kawasaki.
En dehors des manifestations articulaires qui peuvent être
aiguës ou chroniques, le PVB19 est responsable de crise éry-
throblastopénique aiguë ou d'anémie chronique chez les patients
ayant une hémolyse chronique nécessitant une augmentation
de l'érythropoïèse ou chez les patients immunodéprimés.
Enfin, le PVB19 est responsable de l'hydrops fetalis chez
les femmes enceintes non immunisées (qui représentent près
de 50 % des femmes en âge de procréer) avec un risque de
transmission materno-fœtale de 30 % et un risque de perte
Figure 11.2. Exanthème maculopapuleux du tronc fœtale de 5 à 10 %.
et des membres en « guirlande de sapin de Noël »
chez un homme de 40 ans.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic d'infection à PVB19 repose sur la sérologie (anti-
corps de type IgG et IgM) et la détection d'ADN viral dans le
plasma des patients. Les techniques moléculaires sont à réser-
ver aux infections chroniques. Le virus peut également être
isolé dans la moelle, et d'autres compartiments, en particu-
lier le liquide amniotique et le sang du cordon. Les anticorps
IgM apparaissent dès les premières manifestations cliniques et
peuvent persister pendant 2 à 3 mois suivant la primo-infection.
TRAITEMENT
Dans la plupart des cas, aucun traitement n'est nécessaire.
En cas d'infection persistante, des cures courtes et éventuel-
lement répétées d'immunoglobulines intraveineuses sont
Figure 11.3. Exanthème purpurique flexural et périflexural parfois utiles notamment en cas de manifestations hématolo-
chez une jeune adulte au cours d'une primo-infection à PVB19. giques chez les patients immunodéprimés [7].
48
Infection par le parvovirus B19 11
RÉFÉRENCES
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49
Infection par entérovirus 12
et paréchovirus
Thomas Hubiche
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12 PARTIE 1 VIROLOGIE
l'entérovirus 71 et certains échovirus. Ces dernières années en partie antérieure du pilier des amygdales, du voile du palais
France, les virus les plus fréquemment retrouvés étaient les et du pharynx. Cette disposition postérieure dans l'oropha-
CV-A10 et CV-A6 [5]. Un même sérotype peut être respon- rynx aide au diagnostic différentiel avec les primo-infections
sable chez des patients distincts d'un SPMB, d'une herpangine herpétiques. La douleur générée par ces lésions est au pre-
ou d'un tableau mixte. mier plan. Les symptômes durent 3 à 6 jours. Le traitement
Cette infection de la petite enfance se manifeste par une est symptomatique [6].
fièvre élevée associée à des vésicules de l'oropharynx posté- Les mêmes complications générales que dans le SPMB
rieur. La lésion élémentaire est une vésicule entourée d'un halo ont été rapportées dans les herpangines. Comme pour le
érythémateux laissant place à des érosions. Les patients ont en SPMB ces complications neurologiques sont associées à
général moins d'une dizaine de lésions. Celles-ci siègent à la l'entérovirus 71.
52
Infection par entérovirus et paréchovirus 12
sont souvent asymptomatiques ou responsables d'une fièvre
EXANTHÈME MACULOPAPULEUX isolée chez le jeune enfant. Récemment, un tableau clinique
À ENTÉROVIRUS particulier dû à HpeV3 a été rapporté. Cette infection se mani-
feste en période néonatale ou chez le nourrisson par une fièvre
Les infections à entérovirus se manifestent également par la élevée, des signes neurologiques centraux, un ballonnement
survenue d'exanthèmes peu spécifiques [1]. Les signes extra- abdominal et un exanthème. Les signes neurologiques cen-
cutanés ne sont pas spécifiques. La confirmation diagnostique traux sont une irritabilité, une hypotonie ou des crises convul-
est nécessaire dans les cas compliqués. Le virus sera recher- sives [10]. L'exanthème est retrouvé selon les études chez 14
ché sur des prélèvements de l'oropharynx, du sang, du LCR et à 60 % des enfants. Il apparaît en moyenne 2 jours après le
des selles. Des exanthèmes morbilliformes, roséoliformes ou début de la fièvre et dure 3 jours. L'exanthème principalement
encore des éruptions purpuriques pétéchiales ont été rappor- maculeux prédomine aux extrémités notamment au niveau
tés. Seuls les exanthèmes liés aux coxsackievirus A9 et écho- palmoplantaire (figure 12.3) [11].
virus 9 sont bien documentés. Devant un tel tableau clinique une recherche de HPeV par
Les infections à coxsakievirus A9 surviennent sous la forme PCR sur le liquide céphalorachidien et/ou sur sang total permet
d'épidémie chez des enfants âgés en moyenne de 4 ans. Un de confirmer le diagnostic. Les analyses cytologique et bio-
exanthème serait observé chez 61 % des enfants. L'exanthème chimique du LCR peuvent être normales. La CRP (C Reactive
maculopapuleux (papule : 1–3 mm) débute au niveau de la face Protein) sanguine est également normale, une lymphopénie
et du tronc et a une évolution centrifuge. Il apparaît dans la peut être présente. Il n'y a pas de traitement anti-viral, le trai-
majorité des cas dès le début de la fièvre. Des exanthèmes urti- tement est symptomatique.
carien, pétéchial ou vésiculeux ont été rapportés. Des compli-
cations (méningite, pneumonie, polynévrite) surviennent chez
environ 10 % des enfants [7, 8]. Comme pour les autres infec-
tions à entérovirus, le maintien d'une fièvre élevée sur plusieurs
jours doit faire rechercher la survenue d'une complication. Le
diagnostic est confirmé par PCR sur prélèvement nasopharyngé
et en présence de complications sur sang et/ou LCR.
L'échovirus 9 est associé à des épidémies de méningites virales.
Un exanthème est noté chez 10 à 15 % des enfants, cette fréquence
est plus élevée chez le nourrisson. Les signes généraux sont une
fièvre et des troubles digestifs. L'exanthème est maculopapuleux,
peu spécifique, parfois associé à un purpura pétéchial. Des cas d'her-
pangine ont été décrits avec ce virus. Dans toutes ces infections le
traitement est symptomatique [9].
RÉFÉRENCES
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53
Infection cutanée par les 13
papillomavirus humains
François Aubin, Jean-Luc Prétet, Christiane Mougin
Dermatologie infectieuse
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13 PARTIE 1 VIROLOGIE
pour infecter les cellules de la couche basale épithéliale, scolaire [10]. Environ un tiers des enfants de 4 à 12 ans pré-
dont certaines sont capables de se diviser. Cette pénétration sente des verrues des mains ou des pieds. La prévalence et
est favorisée par les microtraumatismes épidermiques ou par le nombre de types viraux présents sont plus élevés chez les
des altérations de la barrière cutanée. L'ADN viral est libéré sujets immunodéprimés, notamment les patients greffés d'or-
dans le cytoplasme puis transporté dans le noyau de la cel- gane. La transmission de(s) HPV responsable(s) de la lésion
lule où il se réplique en petit nombre, à l'origine de l'infec- se fait par contact direct ou indirect, à travers une effraction
tion latente [6]. cutanée. La transmission des HPV cutanés par contact indi-
L'infection par HPV s'accompagne d'une stimulation de la rect avec des surfaces contaminées (sol de gymnase, piscine)
réponse immunitaire innée et adaptative [7, 8]. Les HPV sont ou par auto-inoculation a été récemment remise en question
reconnus comme étant des signaux de danger par le système [11]. La régression spontanée est habituelle en plusieurs mois
immunitaire via l'activation de différents récepteurs dont les ou années, avec souvent une guérison simultanée de verrues
récepteurs de type Toll (Toll-Like Receptors, TLR). Chez les réparties sur différents endroits du corps. Néanmoins, cer-
sujets immunocompétents, l'infection par HPV entraîne la taines verrues plantaires peuvent persister des années notam-
production de nombreuses cytokines par les macrophages, ment chez l'adulte.
les cellules Natural Killer, les lymphocytes, les fibroblastes
et les kératinocytes. Ces cytokines vont réprimer l'expression CLINIQUE
des protéines virales, retarder la croissance des cellules infec-
tées par les HPV et induire leur apoptose. Si la majorité des Verrues vulgaires ou communes
infections à HPV sont éliminées par une réponse immunitaire Majoritairement dues aux HPV cutanés de types 1, 2, 3, 4,
humorale et cellulaire efficace, les HPV ont aussi développé 27 et 57, les verrues vulgaires affectent avec prédilection les
différentes stratégies d'échappement immunitaire expliquant mains et les pieds, mais peuvent aussi se développer sur n'im-
les infections persistantes [8, 9]. porte quelle autre zone du corps. Très répandues chez l'enfant,
ce sont des tumeurs épidermiques papillomateuses et kérato-
siques à limite nette, dont la taille varie d'un à plusieurs milli-
INFECTIONS CUTANÉES BÉNIGNES mètres. Elles se présentent sous la forme de lésions de couleur
À PAPILLOMAVIRUS : LES VERRUES chair, plus ou moins planes ou surélevées en papule ferme.
Une surface rugueuse hyperkératosique est caractéristique,
Le diagnostic est clinique, et ne justifie pas de biopsie ni avec bordures abruptes (figure 13.1).
de recherche d'ADN viral. Les verrues se différencient les
unes des autres par leur aspect clinique par leur localisation Verrues plantaires
anatomique et par le type d'HPV responsable de la lésion Les facteurs favorisant le développement de verrues plantaires
(tableau 13.1). La charge virale est élevée au sein des lésions sont : l'hyperhidrose plantaire, l'acrocyanose, les trauma-
favorisant leur contagiosité. tismes locaux, les fissures et les malformations squelettiques
et/ou orthopédiques. La présence de capillaires thrombosés
ÉPIDÉMIOLOGIE donne souvent à ces verrues un aspect ponctué, avec hyper-
Les verrues peuvent exister à tous les âges, mais affectent kératose noirâtre, les distinguant d'un durillon. L'apparition
plus particulièrement les enfants de 10 à 16 ans, en particu- d'une ulcération chronique doit faire évoquer le diagnostic dif-
lier s'il existe déjà des verrues dans l'entourage familial ou férentiel de mélanome ou de maladie de Bowen. Deux formes
cliniques de verrues plantaires sont décrites :
n la myrmécie à HPV-1 (figure 13.2) : le plus souvent unique,
bien circonscrite par un anneau hyperkératosique recou-
Tableau 13.1. Lésions cutanées bénignes à HPV. vrant partiellement la surface qui est ponctuée de points
Forme Types d'HPV Localisation Aspect noirâtres (microhémorragies) ;
clinique prédominant clinique
Figure 13.2. Verrue plantaire à type de myrmécie. Figure 13.4. Verrues planes du dos de la main.
IL2R
n Déficit lymphocytaire T avec mutations RHOH, MST1,
n Syndrome hyper-IgE
n Syndrome de Netherton
RÉFÉRENCES
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61
Infections par les pox 14
et parapoxvirus
Francis Carsuzaà, Audrey Ferrier-Rembert,
Corinne Ducournau, Christophe Peyrefitte
Virologie 63
formes types de particules virales sont infectieuses : IMV et
EEV (Intracellular Mature Virus et Extracellular Enveloped
Principales infections à Poxviridae 65 Virus). Elles rendent compte de quelques singularités dans le
type de propagation et de la survie dans des conditions d'envi-
Diagnostic 67 ronnement précaires (ainsi des orthopoxvirus qui, en condi-
Traitement 68 tions sèches, à l'abri de la lumière et à basse température
peuvent survivre des années). Leur lyophilisation permet une
Conclusion 68 survie extrêmement longue. Ils sont résistants mais peuvent
être inactivés par divers désinfectants : glutaraldéhyde à 2 %,
formaldéhyde à 1 %, ammoniums quaternaires.
Trente-trois ans après l'affirmation enthousiaste de l'Organi-
sation mondiale de la santé « We declare solemnly that the EFFET PATHOGÈNE : ÉPITHÉLIOTROPISME
world and all its peoples have won freedom from smallpox », ET RÉPLICATION AUTONOME
la grande famille des Poxviridae reste d'une redoutable actua- Les récepteurs ne sont pas clairement identifiés à ce jour.
lité. La multiplicité des réservoirs, la diminution de la couver- Les glycoaminoglycanes constituent une hypothèse intéres-
ture vaccinale, les états d'immunodépression et leur potentiel sante. L'entrée, cutanée le plus souvent, se fait par la fusion
d'armes biologiques sont au cœur d'une situation clinicobio- des membranes virale et cellulaire ou directement par plu-
logique unique. Les émergences et réémergences témoignent sieurs mécanismes dont l'endocytose et la macropinocytose.
de cet équilibre instable entre les virus, les hommes et les ani- La décapsidation génère dans le cytoplasme des nucléocap-
maux. La renaissance du virus de la vaccine dans le contexte sides dont les génomes sont transcrits par un riche équipement
de la mise au point de vaccins recombinants participe égale- enzymatique (ADN-polymérase en particulier). Les poxvirus
ment de cette modernité. génèrent une toxicité qui rend compte de l'effet cytopatho-
gène : cellules arrondies et en massue, dégénérescence archi-
tecturale, inclusions cytoplasmiques éosinophiliques (corps
VIROLOGIE de Guaniéri).
CLASSIFICATION
POXVIRUS ET IMMUNITÉ
La famille des Poxviridae regroupe les sous-familles des
Entomopoxviridae (insectes) et des Chordopoxviridae (verté- Les modèles animaux mettent en évidence le rôle complé-
brés). Le risque d'infection systémique fait la singularité des mentaire de l'immunité innée et adaptative (cellulaire et
orthopoxvirus (tableau 14.1) [1]. humorale). En fonction du modèle animal et du virus utili-
sés, la réponse immunitaire prépondérante varie. Dans le
modèle singe/monkeypox, le rôle de la réponse humorale est
STRUCTURE primordial, dans le modèle souris/cowpoxvirus, le rôle pivot
De forme oblongue à type de brique (figure 14.1), ils sont de la réponse CD4 a été mis en évidence, alors que dans le
visibles au microscope optique du fait de leur grande taille (200 modèle souris/Ectromélie l'ensemble de la réponse immu-
à 400 nm). Le nucléosome contient un ADN bicaténaire (150 nitaire CD4+, CD8+ et anticorps a pu être identifiée. Les
à 300 kDa). Le virion est entouré de deux membranes externes réponses immunitaires spécifiques responsables de la pro-
constituées d'une double couche lipoprotéique structurée en tection contre les infections à orthopoxvirus diffèrent selon
tubules, caractéristique des formes enveloppées des poxvirus. le modèle d'infection utilisé. Il semble que plusieurs facteurs
Le séquençage du génome de nombreux poxvirus dont celui soient à l'origine des différences observées : virus, souche,
du virus de la vaccine a été réalisé. L'assemblage des poxvirus voie d'inoculation, type d'animaux. L'interférence poxvirus –
[2] est un processus complexe initié dans le viroplasme. Deux immunité innée (cellules NK) est au centre de la réflexion ; 63
Dermatologie infectieuse
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14 PARTIE 1 VIROLOGIE
Cowpox [10]
ÉPIDÉMIOLOGIE
Le réservoir naturel est constitué de rongeurs sauvages, cam-
pagnols et souris des bois en particulier. Depuis le premier
cas humain, diagnostiqué dans la première moitié du xxe siè
cle, quelques 200 observations étaient colligées au milieu
des années 2000. Elles concernaient la Russie, les anciennes
républiques occidentales de l'ex-URSS et les pays avoisinants Figure 14.3. Infection à Cowpox virus.
(Asie centrale en particulier). La transmission se fait à par- Collection IRBA.
tir du chat et beaucoup plus rarement à partir d'animaux de
zoo contaminés. Depuis 2008, une émergence, sous forme de
cas groupés, est observée en Allemagne, France et Pays-Bas. INFECTIONS À PARAPOXVIRUS
La souche, identique (étude du gène de l'hémagglutinine), est Ces virus sont la cause de deux infections focales transmises à
transmise lors de contacts étroits avec des rats de compagnie l'homme par contact direct avec les ovins (Orf) ou les bovins
et éventuellement des chats sauvages. La transmission inte- (nodule des trayeurs) chez lesquels ces zoonoses s'expriment
rhumaine n'a pas été décrite à ce jour. par une mammite ou des lésions buccales ou péribuccales (res-
pectivement ecthyma contagieux et dermatite pustuleuse). La
contamination peut se faire également de façon indirecte (clô-
CLINIQUE
tures, mangeoires, litières, fourrage), du fait de la survie pos-
Les adolescents et jeunes adultes sont préférentiellement sible du virus dans le milieu extérieur pendant des mois, voire
concernés. L'absence d'immunité pourrait être en cause. Les des années. La contamination interhumaine est exception-
lésions prédominent sur les mains, le visage et le tronc. Après nelle. Les localisations préférentielles sont représentées par la
une incubation de 8 à 12 jours, la séquence papule – vésicu- main (90 % des cas) (figure 14.4), et l'extrémité céphalique.
lopustule – ulcération et/ou croûte hémorragique noirâtre est Après une incubation variable de 3 jours à 4 à 6 semaines, la
évocatrice au même titre que la large collerette érythémato- lésion évolue classiquement en six stades de 6 jours : macu-
œdémateuse non douloureuse (figure 14.3). La forme ophtal- lopapule, aspect en cible (pustule centrale érythémateuse,
mologique (auto-inoculation) est caractérisée par un œdème anneau blanc, anneau externe érythémateux), phase exsuda-
majeur de la région orbitaire. La disposition sporotrichoïde est tive, nodule sec puis papillomateux, croûte sèche. La lésion
très rare. Le syndrome général, dont la fièvre, est d'intensité est souvent douloureuse, en dehors de toute surinfection, et
variable. Adénite et lymphangite sont habituelles. L'évolution régulièrement accompagnée d'une lymphangite et/ou adénite.
spontanée se fait vers la constitution d'une cicatrice rétrac- Des formes géantes sont rapportées chez le sujet transplanté
tile en 1 à 2 mois. Des formes graves sont possibles en cas et en cas de traitement anti-TNF-alpha. La description d'érup-
de dermatite atopique et chez les patients immunodéprimés. tions vésiculobulleuses de type érythème polymorphe ou
Le diagnostic différentiel se pose avec l'ecthyma gangréneux, pemphigoïde bulleuse (absence d'ADN viral dans les bulles)
certaines affections fongiques (fusarium, mucormycose) et est singulière. Les diagnostics différentiels sont représentés
dans un contexte de bioterrorisme, le charbon, la peste et la par la tularémie, le granulome à corps étranger du trayeur et
tularémie. La déclaration auprès des autorités sanitaires est surtout, une infection à pyogènes à l'origine de gestes chirur-
66 obligatoire.
gicaux intempestifs.
Infections par les pox et parapoxvirus 14
s'agit-il d'une affection à poxvirus (cowpox, vaccine, tana- Le traitement préventif vise à limiter rapidement le risque
poxvirus), ou d'une autre infection (tularémie, charbon en de dissémination. Il comporte la recherche et l'éradication du
particulier) ? réservoir (monkeypox aux États-Unis, cowpox en Europe), la
n en présence d'une éruption disséminée, papulovésiculeuse protection des sujets à risque de formes graves, la discussion
et/ou pustuleuse, s'agit-il d'une variole ? de la vaccination pour les sujets contact.
La déclaration et/ou l'alerte des autorités sanitaires est obli-
L'histopathologie (corps éosinophile de Guarnieri) apporte
gatoire pour les infections à orthopoxvirus.
un diagnostic présomptif alors que la microscopie électro-
nique (particules virales) ne permet pas la différenciation des
orthopoxvirus. L'approche moléculaire (PCR, q-PCR) est pri-
vilégiée pour sa sensibilité (genre, espèce) et la rapidité d'ob-
tention du diagnostic. CONCLUSION
Les feux des infections à poxvirus se rallument de façon dif-
TRAITEMENT fuse sur la planète. Les causes sont multiples : baisse de la
couverture vaccinale, évolution des virus à partir d'un « grand
Il est habituellement symptomatique, visant à limiter le risque ancêtre » qui persisterait, variations de l'immunité, évolution
de surinfection et d'auto-inoculation (antiseptiques, protec- de l'habitat et des comportements humains. Les techniques de
tion des lésions). L'intérêt des antiviraux (cidofovir) et/ou des biologie moléculaire répondent à la nécessité d'un diagnos-
immunoglobulines est probable en cas de formes graves (ter- tic précoce (bioterrorisme en particulier). La réémergence de
rain, topographie des lésions, extension). Le ST246 est très la variole reste la toile de fond de ces infections. La mise au
prometteur, les dérivés du cidofovir (HPMP-5-azaC) et des point de nouveaux vaccins et molécules antivirales est plus
prodrogues sont en cours d'évaluation. que jamais d'actualité [11].
RÉFÉRENCES
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68
Infection par les virus 15
des hépatites virales
Marie-Sylvie Doutre
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15 PARTIE 1 VIROLOGIE
Sur le plan diagnostique, la présence des Ac anti-HBs et ment anictérique. En fait, de nombreux autres virus (EBV,
anti-HBc témoigne d'une protection immunitaire due à une CMV, adénovirus, HHV-8, etc.) peuvent aussi être respon-
infection ancienne et guérie, souvent passée inaperçue. S'il sables de cette éruption ;
y a seulement des Ac anti-HBs, il peut s'agir d'une réponse n l'association lichen plan/hépatopathie chronique a été rap-
efficace à la vaccination contre le VHB mais aussi d'une portée il y a plus de 20 ans, la fréquence des marqueurs du
infection ancienne et guérie avec disparition spontanée des VHB au cours du lichen variant de 4 à 40 %. De même,
AC anti-HBc. En cas d'Ac anti-HBc isolés, cela correspond dans la porphyrie cutanée tardive, ceux-ci étaient présents
le plus souvent à une infection ancienne guérie avec dispa- dans 50 à 70 % des cas. Cependant, dans ces deux derma-
rition spontanée des AC anti-HBs, exceptionnellement à la toses, il n'y a généralement pas de preuve de réplication
phase de « fenêtre sérologique » d'une hépatite aiguë, alors virale. De plus, la plupart des études sont anciennes, réali-
associée à une augmentation des transaminases. Enfin, la pré- sées avant que le virus de l'hépatite C n'ait été identifié. En
sence de l'Ag HBs est synonyme d'infection par le VHB. Les fait, il s'agit le plus souvent d'une co-infection VHB/VHC.
tests sérologiques (IgM anti-HBc, Ag HBc, ADN du VHB,
transaminases) permettront de différencier infection aiguë et
chronique, multiplication virale persistante ou non, hépatite
chronique et portage sain. INFECTION PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C
Diverses manifestations dermatologiques sont observées au
cours des différentes phases évolutives de l'infection par le Le virus de l'hépatite C (VHC) est un virus enveloppé à ARN,
VHB [2, 3] : de la famille des Flaviviridae, dont il existe 6 génotypes prin-
cipaux (numérotés de 1 à 6), séparés en sous-types. Leur dis-
l'urticaire aiguë associée ou non à un angio-œdème fait
n tribution varie selon les zones géographiques et le type de
partie du « classique » syndrome pré-ictérique de l'hépa- contamination. Certains d'entre eux sont plus fréquemment
tite B avec des arthralgies ou des arthrites, des céphalées associés à des formes sévères de la maladie et à une moins
(triade de Caroli), ces manifestations régressant spontané- bonne réponse thérapeutique.
ment quand l'ictère apparaît. La biopsie montre parfois une Sur le plan diagnostique, il n'est actuellement pas possible
vasculite lymphocytaire ou leucocytoclasique, associée à d'identifier en routine les antigènes du VHC. La présence
des dépôts d'immunoglobulines, d'Ag HBs et de complé- d'Ac indique que le sujet est ou a été infecté. Le diagnostic
ment sur la paroi des vaisseaux. En revanche, aucune étude d'une infection active repose donc sur la seule identification
contrôlée ne permet de prouver une relation entre urticaire de l'ARN viral par PCR.
chronique et infection à VHB [4] ; La transmission du VHC se fait le plus souvent par expo-
n les vasculites cutanées, survenant durant la phase aiguë sition à du sang contaminé : transfusions, transplantations
ou chronique de l'hépatite, sont souvent associées à des d'organes, toxicomanie par injections, blessures par piqûres
arthralgies, une neuropathie périphérique, une atteinte accidentelles, elle est très rarement sexuelle ou materno-
rénale, etc. Elles se manifestent habituellement par un pur- fœtale. D'autres modes de contamination existent probable-
pura maculopapuleux, plus rarement des ulcérations des ment puisqu'environ 20 % des patients ayant une infection par
membres inférieurs, des gangrènes distales. Il existe parfois le VHC n'ont pas de facteur de risque identifié.
une cryoglobuline de type II ou III, avec présence d'Ag HBs L'infection virale aiguë est le plus souvent asymptoma-
dans le cryoprécipité et dépôt d'Ag HBs, d'immunoglobu- tique. L'hépatite évolue vers la chronicité chez 70 à 80 % des
lines et de complément au niveau de la paroi des vaisseaux patients. En cas d'infection chronique, une cirrhose apparaît
dermiques ; dans 5 à 20 % des cas, la survenue d'un carcinome hépatocel-
n si dans les années soixante-dix, la prévalence de l'infec- lulaire ayant une incidence annuelle de 3 à 5 % à partir de la
tion par le VHB était de 30 à 40 % dans la périartérite constitution de la cirrhose. En France, la prévalence est esti-
noueuse (PAN), elle est actuellement inférieure à 10 %, mée à 0,84 % soit environ 370 000 porteurs d'Ac du VHC, la
étant donné le développement important de la vaccination moitié seulement connaissant son statut.
et une meilleure sécurité transfusionnelle [5]. Le type des
manifestations dermatologiques observées (livedo, nodules AFFECTIONS CUTANÉES EN RELATION
sous-cutanés, purpura, etc.) est identique qu'il y ait ou non DIRECTE AVEC LE VHC [6]
une infection virale mais elles sont moins fréquentes en cas
d'infection virale. En revanche, les PAN VHB+ paraissent Cryoglobulinémies
plus sévères que les formes primitives et les signes diges- La relation VHC/cryoglobulinémie mixte (CM) de type II
tifs, l'hypertension artérielle maligne, les neuropathies péri- (composant polyclonal associé à un composant monoclonal
phériques et l'orchite sont plus fréquents chez les sujets [IIa] ou oligoclonal [IIb]) ou III (composants polyclonaux) est
infectés. Dans les PAN liées au VHB, le traitement repose actuellement clairement démontrée. Cette association est fré-
sur une courte corticothérapie et des échanges plasma- quente : les marqueurs du VHC sont trouvés dans 40 à 90 %
tiques, associés à des molécules antivirales ; des CM et inversement une CM est présente chez environ 60 à
n décrite par Gianotti en 1955, l'acrodermatite papuleuse 90 % des patients ayant une infection chronique. Cependant,
infantile a été rattachée à une infection par le VHB en 1970. ces chiffres varient quelque peu en fonction de l'origine géo-
Cette éruption faite de papules de quelques millimètres de graphique des sujets étudiés [7]. L'infection virale chronique
diamètre, siégeant sur le visage et les membres, souvent entraîne une expansion clonale B produisant des IgM à acti-
associée à une fièvre, des adénopathies superficielles, sur- vité rhumatoïde présentant une réactivité croisée idiotypique
vient le plus souvent chez l'enfant mais aussi chez l'adulte, avec des Ac dirigés contre le VHC induits par la protéine d'en-
70 au cours de la phase aiguë de l'infection virale, habituelle- veloppe E2, ceci aboutissant à la formation de CM au sein
Infection par les virus des hépatites virales 15
desquelles l'ADN viral peut être mis en évidence. Via leur VIH, mutations du gène de l'hémochromatose [HFE], homo
interaction avec la fraction C1q du complément, elles sont ou hétérozygotes [C282Y, H63B]).
capables d'activer la voie classique entraînant l'atteinte des Sur le plan clinique, il existe dans les zones photoexposées
vaisseaux de petit et moins fréquemment de moyen calibre [8]. (visage, dos des mains), une fragilité cutanée et/ou des lésions
Chez 5 à 10 % des patients, les CM sont symptomatiques, vésiculobulleuses évoluant vers des croûtes, laissant des cica-
se manifestant par des lésions purpuriques maculopapu- trices atrophiques avec des grains de milium (figure 15.2).
leuses des membres inférieurs (figure 15.1), des nodules Une hypertrichose malaire, une hyperpigmentation cutanée
sous-cutanés, parfois des ulcérations ou des nécroses cuta- sont parfois associées.
nées, mais aussi une urticaire, un syndrome de Raynaud, etc. Dans les formes liées au VHC, l'atteinte hépatique paraît
La biopsie montre habituellement une image de vasculite plus fréquente et plus sévère qu'en l'absence d'infection virale
leucocytoclasique, parfois lymphocytaire. Ces signes cuta- et l'âge d'apparition plus bas.
nés sont souvent associés à des manifestations articulaires, Le rôle exact du VHC est encore mal compris. Agit-il direc-
rénales, neurologiques. tement ou par l'intermédiaire d'une surcharge ferrique dans
La mise en évidence d'Ac anti-VHC mais aussi de l'ARN laquelle pourrait intervenir l'hepcidine, protéine impliquée
viral dans le cryoprécipité est un argument pour conforter les dans la régulation du métabolisme du fer [13] ?
relations existant entre CM et VHC. Au niveau même de la Le traitement symptomatique repose sur les saignées et de
peau, le VHC a également été mis en évidence, souvent com- petites doses d'hydroxychloroquine, associées à l'éviction des
plexé à des IgG et/ou des IgM. facteurs aggravants (protection antisolaire, suppression de
Différentes études se sont intéressées aux génotypes du l'alcool et des médicaments inducteurs). Parfois, les manifes-
VHC et aux phénotypes HLA (Human Leukocyte Antigen) tations cutanées de la PCT régressent ou disparaissent lors du
chez les sujets ayant ou non une CM. Les résultats sont dis- traitement antiviral [11].
cordants, montrant dans certains cas une association significa-
tive, dans d'autres non.
Le traitement repose sur les antiviraux, parfois associés à MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES
des corticoïdes, des immunosuppresseurs ou du rituximab en PEUT-ÊTRE ASSOCIÉES AU VHC
fonction de la sévérité des manifestations cliniques [9]. Un Lichen plan
travail récent montre l'efficacité de faibles doses d'interleu- Depuis le premier cas de lichen buccal associé à une hépatite à
kine 2 dans des formes résistantes aux thérapeutiques clas- VHC rapporté il y a plus de 20 ans, de très nombreux travaux
siques [10]. La réponse au traitement antiviral des signes ont été réalisés avec des résultats très différents quant à la fré-
cliniques de la CM est habituellement en corrélation avec la quence de cette association, d'un pays à l'autre et même d'une
réponse virologique mais il y a parfois des cas discordants ou région à l'autre au sein d'un même pays, et selon le type de
même, dans certaines observations, une aggravation [11]. lichen [14, 15]. Quand une association statistiquement signifi-
Il existe aussi des vasculites cutanées ou cutanéosysté- cative est mise en évidence, il s'agit essentiellement de lichen
miques associées au VHC sans CM détectable. Leurs carac- buccal le plus souvent érosif.
téristiques cliniques, biologiques et histologiques sont très L'évolution du lichen sous traitement par interféron paraît
proches et leur prise en charge est identique [12]. également différente selon les observations : amélioration
dans certains cas, aggravation dans d'autres ou même induc-
Porphyrie cutanée tardive (PCT) tion du lichen par le traitement [11].
La fréquence de l'association PCT – infection à VHC prou- Les mécanismes de cette association, si elle existe, sont
vée par la mise en évidence d'ARN viral (70 à 90 % dans encore mal compris (réplication du virus dans l'épithélium
le sud de l'Europe, 20 % en Europe du Nord) varie en fonc- buccal ?). Même si le VHC n'est pas en cause chez tous les
tion de la prévalence de cette infection dans les différentes patients, un lien existe probablement chez certains malades,
zones géographiques mais aussi des facteurs de risque asso- justifiant un dépistage systémique dans les lichens buccaux
ciés (médicaments, intoxication alcoolique, infection par le érosifs ou non.
Figure 15.1. Purpura maculopapuleux des membres inférieurs Figure 15.2. Porphyrie cutanée tardive : lésions bulleuses et
au cours d'une cryoglobulinémie mixte. croûteuses du dos des mains. 71
15 PARTIE 1 VIROLOGIE
RÉFÉRENCES
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73
Dengue, chikungunya 16
et autres arboviroses
François Desruelles
Dermatologie infectieuse
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
16 PARTIE 1 VIROLOGIE
n lésions de vascularite,
CHIKUNGUNYA n éruption lichénoïde,
n érythème noueux,
Le chikungunya (chik en abrégé), dont le nom vient lui du n érythème polymorphe,
makondé (autre langue africaine) et signifie « qui se recourbe, n macules labiales achromiques,
se recroqueville, à l'image des feuilles tombées des arbres », n hyperpigmentation cutanée et muqueuse ;
appartient au groupe des togavirus. n exacerbation de dermatoses préexistantes :
Le chikungunya peut comme la dengue se présenter sous n mélasma,
la forme d'un syndrome pseudo-grippal, en particulier accom- n psoriasis,
pagné d'intenses arthralgies, qui peuvent même toucher les n lichen plan,
mâchoires, et entraîner des difficultés d'alimentation chez les n lèpre (réaction type I).
nourrissons. Mais la variabilité clinique du chikungunya est
importante et il peut se présenter aussi avec un tableau d'allure Toutefois en dehors de l'érythème généralisé, nombre de
76 ces manifestations ont été rapportées dans un contexte de pan-
méningoencéphalitique ou septicémique.
Dengue, chikungunya et autres arboviroses 16
Figure 16.3. Érythème type roséole du chikungunya. Figure 16.4. Érythème maculeux type roséole du virus
Collection Pascal del Giudice. West-Nile.
Collection Pascal del Giudice.
démie et il n'est pas impossible que certaines ne représentent Ce virus est transmis par les moustiques du genre Culex, il
qu'une association fortuite et leur lien avec le virus doit être est transporté par les oiseaux migrateurs. Il peut infecter les
pris avec précaution. chevaux et être responsable chez cette espèce d'une encépha-
Comme pour la dengue, le chikungunya repose sur un fais- lite virale mortelle. C'est ainsi qu'en 2000 une épidémie ayant
ceau d'arguments épidémiologiques et clinicobiologiques tels touché des chevaux a été rapportée en Camargue.
qu'une polyarthralgie fébrile, prédominant aux mains et aux Le virus est responsable d'un syndrome neurologique
poignets, une éruption polymorphe, et une lymphopénie. fébrile pouvant être responsable d'encéphalite, de méningite,
L'isolement viral (PCR dans le sang) et les tests sérolo- de méningo-encéphalite, de myélite, de névrite. Ainsi, depuis
giques permettent confirmer le diagnostic en l'absence de une dizaine d'années dans le sud de la France, tout syndrome
contexte épidémique. neurologique fébrile survenant à partir de mai doit faire l'objet
Il n'est pas forcément évident de distinguer le chikungunya d'un prélèvement et de la réalisation d'une recherche du virus
de la dengue, mais dans le chikungunya, l'éruption est souvent West-Nile de façon systématique.
plus marquée, les conjonctives plus injectées, les arthralgies L'infection à virus West-Nile s'accompagne également de
plus intenses, en revanche, l'épisode fébrile est plus court, les manifestations dermatologiques dans 50 % des cas. Il s'agit de
myalgies moins importantes, et les hémorragies cutanéomu- macules érythémateuses de type roséole généralisées, asymp-
queuses plus rares. tomatiques (figure 16.4) [7].
D'autres diagnostics doivent être aussi écartés : scarlatine,
Kawasaki, syndromes de choc toxique staphylococcique ou
streptococcique, toxidermies, autres fièvres éruptives en par- AUTRES ARBOVIROSES
ticulier infantiles, etc.
Le traitement est également symptomatique, et la prévention Il existe de nombreux autres virus transmis par des arthropodes
repose principalement sur la réduction maximale du nombre de responsables de tableaux cliniques variés avec des distribu-
gîtes réservoirs, en particulier tout récipient d'eau stagnante. tions géographiques différentes en fonction des vecteurs et du
biotope. Certaines de ces arboviroses peuvent s'accompagner
de manifestations dermatologiques, cependant ces manifesta-
VIRUS WEST-NILE tions cliniques font rarement l'objet d'une description clinique.
Dans la littérature ces éruptions sont en général rapportées
Ce virus a été isolé pour la première fois en Ouganda en 1937. comme « rash » sans autre précision. Les fièvres hémorragiques
Son aire de répartition géographique est vaste et s'étend en comme la fièvre jaune, l'infection à virus Ebola, ou le virus de
Afrique, Europe, Asie centrale, Océanie et depuis 1999, ce Marbourg, s'accompagnent d'un érythème généralisé suivi très
virus est endémique aux États-Unis avec une extension vers rapidement d'un syndrome hémorragique diffus, avec purpura,
le sud et le nord du continent. En Europe, des cas sporadiques hématémèse et diarrhées sanglantes. Les phlébovirus respon-
sont signalés dans le sud depuis les années soixante. En 2003 sables de méningites estivales dans les pays du sud de l'Europe
les premiers cas d'infection humaine à virus West-Nile ont été s'accompagneraient d'une éruption maculeuse. Le virus Sindbis
rapportés dans le sud de la France dans l'aire de Fréjus/Saint- qui sévit en Finlande et responsable d'arthralgies s'accompagne
Raphaël avec 7 cas humains. aussi d'une éruption maculeuse.
RÉFÉRENCES
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16 PARTIE 1 VIROLOGIE
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78
Éruptions paravirales
Cédric Lenormand, Carine Merklen-Djafri, Dan Lipsker
17
(Asymmetric Periflexural Exanthem of Childhood, jusqu'alors à aucun cadre nosologique clairement défini.
APEC – Unilateral Laterothoracic Exanthem,
Ce sont ces dernières qui font l'objet d'une description plus
ULE) 81
détaillée dans ce chapitre (tableau 17.1).
Pseudo-angiomatose éruptive 82
ou couleur chair, parfois sans modification de surface, parfois différents prodromes peuvent être rapportés ou non par les
avec une évolution vésiculeuse centrale et/ou une desquama- patients : sensations de malaise général, anorexie, troubles
tion secondaire, réparties symétriquement de manière évo- gastro-intestinaux, céphalées, arthralgies, odynophagie ou
catrice sur les faces d'extension des membres, les fesses et fièvre modérée.
le visage, en épargnant nettement le tronc. Les lésions, assez L'éruption débute typiquement par une lésion « héral-
monomorphes, ne sont que peu ou pas confluentes, et peu ou dique » de croissance progressive, qui est une plaque ovalaire
pas prurigineuses. Elles peuvent persister jusqu'à plusieurs ou ronde bien limitée, mesurant de 2 à 6 cm, à bords rose vif
semaines, puis finissent par disparaître spontanément. Des et à centre déprimé plus pâle ou brunâtre, fripé. Une colle-
formes moins typiques, œdémateuses, prurigineuses, d'évolu- rette de squames fines sépare habituellement les deux zones,
tion parfois purpurique, ont été décrites. avec un bord adhérent périphérique. Le plus souvent situé
Initialement décrite en Italie par Gianotti et Crosti en 1955, sur le tronc, parfois sur le cou ou la racine des membres, ce
l'éruption a été tout d'abord attribuée à l'infection par le virus médaillon initial est suivi après un délai variable (48 heures à
de l'hépatite B (« maladie » de Gianotti-Crosti pour certains 3 semaines) par une éruption plus diffuse survenant par pous-
auteurs), dont la prévalence était particulièrement marquée sées, faite de lésions de sémiologie identique mais de plus
dans cette région. De nombreux autres virus (Coxsackie, adé- petite taille, disposées le long des lignes de tension de la peau,
novirus, parvovirus B19, rotavirus, rubéole, VIH-1, Orf) et donnant un aspect caractéristique en « sapin de Noël ». À ces
bactéries (streptocoque β-hémolytique, Mycoplasma pneu- petits médaillons s'associent souvent d'autres petits éléments
moniae, mycobactéries atypiques, Borrelia sp, Bartonella érythémateux maculeux ou discrètement papuleux non squa-
henselae, Neisseria meningitidis) ont depuis été rapportés meux (figure 17.1). Les lésions qui touchent le tronc, le cou et
comme responsables de tableaux identiques (« syndrome » de la racine des membres en épargnant le plus souvent le visage
Gianotti-Crosti), avec au premier plan la famille des herpèsvi- et le cuir chevelu ne sont habituellement que peu ou pas pru-
rus (EBV, CMV, HHV-6), parfois dans un contexte de réacti- rigineuses. Elles évoluent en 3 à 6 semaines vers la guérison
vation virale. Les formes post-vaccinales semblent elles aussi spontanée, mais peuvent laisser parfois des séquelles hypo ou
assez fréquentes. hyperpigmentées toutefois non définitives.
Si le diagnostic est purement clinique dans les formes De nombreuses formes cliniques « atypiques » ont été
typiques [3], une biopsie est parfois réalisée dans le cas décrites, soit par l'aspect clinique des lésions (papuleuses
contraire afin d'éliminer certains diagnostics différentiels (pity- urticariennes, en cocardes, pustuleuses, vésiculobulleuses,
riasis lichénoïde, purpura rhumatoïde, histiocytose langerhan- purpuriques, parfois géantes ou au contraire à type de petites
sienne, etc.). On constate alors habituellement une dermite papules parfois folliculaires), soit par leur topographie
spongiforme, avec un œdème du derme papillaire. Il existe un (formes inversées touchant la face et les extrémités, formes
infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire qui peut contenir exceptionnelles unilatérales ou blaschkolinéaires), soit
quelques polynucléaires éosinophiles. La présence d'altérations par leur nombre (formes diffuses quasi érythrodermiques,
de la membrane basale avec infiltrat lichénoïde et nécroses formes pauci voire mono-lésionnelles), soit encore par leur
kératinocytaires est possible. Selon le contexte clinique, un évolution (extrêmes de durée de 2 semaines à 5 mois, réci-
bilan biologique pourra être réalisé avec hémogramme, dosage dives possibles parfois multiples). Ces formes atypiques se
des transaminases, sérologie HBV (et VIH chez l'adulte). rencontreraient plus volontiers dans des contextes de prise
Aucun traitement n'est nécessaire, et on rassurera avant tout médicamenteuse (éruptions « à type de PRG » décrites par
les parents quant à la bénignité de l'affection et son évolution exemple après prise de captopril, métronidazole, isotréti-
spontanément favorable, quoique parfois durable. noïne, oméprazole, terbinafine, imatinib, adalimumab, etc.)
ou de vaccinations. Les formes des sujets d'origine africaine
méritent d'être distinguées par une atteinte plus fréquente du
PITYRIASIS ROSÉ DE GIBERT
Le pityriasis rosé de Gibert (PRG) est un exanthème auto-
résolutif décrit initialement par Gibert en 1860. Il s'agit
d'une dermatose relativement fréquente, qui serait le motif
de recours de 7 patients sur 1 000 venant consulter un der-
matologue, tandis que l'incidence a été évaluée à 170 cas par
an pour une population de 100 000 habitants [4], ce chiffre
étant probablement sous-estimé. Il existe un pic de fréquence
entre l'âge de 10 et 35 ans, bien que des cas touchant des
nourrissons comme des vieillards aient été décrits. L'éruption
concernerait un peu plus fréquemment les femmes enceintes,
et a été rapportée de manière rare chez des sujets immunodé-
primés. Le caractère saisonnier de l'éruption (qui surviendrait
préférentiellement au printemps et à l'automne) est débattu,
et si la survenue de cas regroupés est habituelle, les authen-
tiques cas intrafamiliaux ou en collectivité sont en réalité plu-
tôt rares [5].
Lors de la consultation, un terrain atopique est souvent
80 noté, ainsi qu'une notion d'infection récente. Dans ce cadre, Figure 17.1. Pityriasis rosé de Gibert.
Éruptions paravirales 17
visage et du cuir chevelu, des lésions papuleuses, une durée
d'évolution plus courte et des séquelles pigmentaires plus EXANTHÈME PÉRIFLEXURAL ASYMÉTRIQUE
fréquentes [6]. DE L'ENFANT (ASYMMETRIC PERIFLEXURAL
Le diagnostic du PRG est clinique. L'examen histologique, EXANTHEM OF CHILDHOOD, APEC –
lorsqu'il est pratiqué, peut montrer dans les formes les plus UNILATERAL LATEROTHORACIC
typiques un infiltrat lymphocytaire du derme papillaire, avec EXANTHEM, ULE)
des papilles élargies et des crêtes épidermiques effilées, et une
exocytose d'éléments lymphocytaires isolés au sein d'un épi- Cette dermatose éruptive est évoquée par sa topographie, sa
derme plus ou moins spongiotique. C'est ainsi l'une des causes distribution et sa chronologie. Les lésions élémentaires ne
d'une inflammation principalement papillaire. Les examens sont pas spécifiques. Celles-ci sont habituellement érythé-
biologiques ne sont utiles qu'au diagnostic différentiel (séro- mateuses, micropapuleuses, scarlatiniformes. Elles peuvent
logie syphilitique et VIH). également former des plaques œdémateuses ou eczémati-
Du point de vue physiopathologique, avec la multiplica- formes ou prendre un aspect purpurique en vibices dans les
tion d'études reposant sur des techniques de biologie molécu- plis. L'éruption débute à proximité d'un grand pli, le plus sou-
laire, il est actuellement admis que le PRG ait pour cause une vent axillaire ou inguinal. À partir de cette atteinte initiale,
réactivation des virus HHV-7 et/ou HHV-6, qui appartiennent l'évolution est centrifuge, s'étendant asymétriquement de part
aux Herpesviridae de type β et partagent d'ailleurs certains et d'autre du pli. L'éruption peut s'étendre d'abord de façon
épitopes antigéniques [5]. La primo-infection par ces virus se homolatérale sur un hémicorps (figure 17.2), avant une deu-
fait tôt au cours de la vie, et ils persistent ensuite dans l'orga- xième phase où l'éruption se bilatéralise vers la fin de la
nisme à l'état latent. Sous l'effet de facteurs environnemen- 2 e semaine. Même s'il y a généralisation de l'éruption, elle
taux comme des infections par d'autres micro-organismes, un reste à prédominance périflexurale. Des lésions blaschkoli-
état d'immunodépression relative au cours de la grossesse, néaires peuvent être associées. Le visage, les paumes et les
ou encore une prise médicamenteuse, une réplication virale plantes sont habituellement respectés. On peut palper une
débuterait initialement dans la plaque héraldique, puis diffu- adénopathie dans le territoire atteint initialement, générale-
serait au reste de la peau. ment discrète et non douloureuse. L'énanthème est rare et le
Aucun traitement n'est nécessaire, l'éruption guérissant spon- prurit habituellement modéré. Dans plus de la moitié des cas,
tanément. Les dermocorticoïdes peuvent être utiles dans les l'éruption est précédée de prodromes digestifs, ORL ou respi-
formes les plus prurigineuses. L'efficacité de l'érythromycine, ratoires. Une fébricule est souvent associée. L'état général est
suggérée initialement, n'a pas été confirmée par une étude ran- conservé. L'éruption dure habituellement entre 3 et 6 semaines
domisée contre placebo [7]. L'aciclovir à fortes doses (800 mg et peut être suivie d'une desquamation furfuracée. Des formes
per os × 5/jour) semble avoir accéléré la guérison dans une autre moins typiques ont été décrites, incluant des atteintes faciales
étude contre placebo, portant cependant sur un faible nombre et palmoplantaires, une fièvre élevée, une évolution prolongée
de patients et sans randomisation ou double aveugle [8]. et des rechutes [11, 12]. Le pic d'incidence est situé autour de
2 ans mais des observations ont été faites chez l'adulte et dès
les premiers mois de vie [13]. Les examens biologiques de
SYNDROME PAPULO-PURPURIQUE routine ne sont pas contributifs.
Le diagnostic est essentiellement clinique. Lorsqu'une biop-
EN « GANTS ET CHAUSSETTES »
sie est réalisée, les données histologiques sont assez caracté-
Décrit en 1990 par Harms et Saurat [9], ce syndrome est ristiques et associent un infiltrat mononucléé lichénoïde à la
caractérisé par la survenue souvent brutale d'un œdème
érythémateux et prurigineux des mains et des pieds, bien
délimité, avec des papules millimétriques ou légèrement
supramillimétriques et un purpura pétéchial, et s'accompa-
gnant parfois de quelques signes généraux (fièvre modérée,
arthromyalgies, asthénie). Une atteinte des organes génitaux
et de la cavité buccale est fréquemment rapportée, avec des
pétéchies ou des aphtes. Deux tiers des cas rapportés dans
la littérature sont associés à une infection par le parvovi-
rus B19, mais d'autres virus (EBV, CMV, HHV-6/7, VZV,
Coxsackie, rougeole, VHB) [10], des bactéries (Mycoplasma
pneumoniae) et des prises médicamenteuses (cotrimoxazole)
peuvent être responsables de tableaux identiques. L'examen
histologique lorsque réalisé ne montre pas de vasculite, mais
un infiltrat mononucléé périvasculaire et une extravasation
d'hématies dans les papilles dermiques, et parfois une vacuo-
lisation de l'assise basale de l'épiderme, qui peut être acantho-
sique et parakératosique. Des dépôts de complexes immuns
interviendraient dans la physiopathologie de l'affection [10].
Le traitement fait appel au repos, et aux dermocorticoïdes à
titre symptomatique, les lésions évoluant favorablement en Figure 17.2. Exanthème périflexural asymétrique de l'enfant
15 jours environ. (APEC).
81
17 PARTIE 1 VIROLOGIE
PSEUDO-ANGIOMATOSE ÉRUPTIVE Cette éruption a été décrite par Drago, Basso et Rebora en 2005
en Italie du Nord [16], comme une possible nouvelle entité. À ce
Elle se caractérise par l'apparition sur un mode éruptif de mul- jour, aucune observation similaire n'a été publiée. Les auteurs
tiples petites macules et papules angiomateuses, mesurant ont décrit une éruption caractéristique et reconnaissable selon
quelques millimètres ; elles sont généralement entourées d'un eux, à partir de l'observation de 29 sujets adultes. L'éruption
halo de vasoconstriction et disparaissent à la vitropression est constituée de macules roses ou érythémateuses et prend un
(figure 17.3). La distribution des lésions est variable et le visage aspect réticulé et symétrique sur le tronc. Les lésions s'étendent
peut être atteint [14]. À l'examen histologique, les capillaires aux membres après 2 à 3 jours, confluent, mais respectent tou-
du derme superficiel sont dilatés avec des cellules endothé- jours des intervalles de peau saine. Quelques papules excoriées
liales turgescentes, mais il n'y a pas de prolifération vasculaire. ont été notées chez tous les patients. Les paumes, les plantes,
L'éruption régresse en une dizaine de jours, mais des formes le visage et les muqueuses sont toujours respectés. Chez deux
plus prolongées existent. Elle succède souvent à un épisode tiers des patients, l'éruption survient après 3 à 7 jours de fatigue
infectieux des voies aériennes supérieures chez l'enfant, ce qui ou de syndrome pseudo-grippal.
n'est pas noté habituellement chez l'adulte. De petites épidé- Des signes fonctionnels sont notés au moment de la diffu-
mies ont été rapportées en collectivités et en milieu hospitalier sion de l'éruption, représentés par un prurit et des sensations
[15]. Une immunodépression pourrait favoriser le dévelop- de brûlure avec frissons, sans fièvre. L'éruption régresse après
pement de cette affection, mais elle n'est pas systématique. 3 à 4 semaines, sans séquelle. Son caractère saisonnier (prin-
Plusieurs virus ont pu être incriminés dans la survenue de cette temps ou été), les prodromes et la guérison spontanée font
éruption : échovirus, parvovirus B19, Coxsackie et EBV, ainsi suspecter une origine virale. Malgré une exploration systéma-
que la vaccination par le ROR (rougeole – oreillons – rubéole). tique des malades, aucun agent infectieux n'a cependant pu
Quelques cas ont été attribués à des piqûres d'insectes. être mis en évidence.
RÉFÉRENCES
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82
Infections 18
à Staphylococcus aureus
Pascal del Giudice
IMPÉTIGO
C'est une infection de l'épiderme dû à Staphyloccus aureus
(SA), à Streptococcus pyogenes ou à l'association des deux.
En France 90 % des impétigos sont dus à S. aureus alors Figure 18.1. Impétigo. 85
Dermatologie infectieuse
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18 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
On distingue classiquement l'impétigo bulleux staphylo- nécrotique, le bourbillon. Il n'est pas rare d'observer une col-
coccique de l'impétigo croûteux streptococcique. En pratique lerette desquamative circulaire.
cette distinction avec l'impétigo streptococcique est très diffi- Il est toujours dû au S. aureus, qui a comme particularité de
cile et a peu d'intérêt. produire une toxine, la leucocidine de Panton Valentine [6, 7].
Le « pemphigus épidémique des crèches » décrit autrefois Les diagnostics différentiels se posent avec :
est un impétigo bulleux épidémique touchant les nourrissons. n les folliculites dues à d'autres micro-organismes : dermato-
L'impétiginisation caractérise l'évolution en impétigo
phytes (kérion), folliculite candidosique, pityrosporique ou
d'une dermatose préexistante, en général touchant l'épiderme
à bacilles Gram négatif ;
(eczéma, varicelle, etc.) ou secondaire au grattage (pédicu- n la maladie de Verneuil.
lose, gale, etc.). Chez l'adulte l'infection est rarement primi-
tive et vient compliquer une dermatose sous-jacente. Le furoncle peut évoluer vers des complications locales et
L'ecthyma est une variante clinique évolutive : il s'agit d'un locorégionales [1] :
impétigo creusant, réalisant une ulcération profonde dans n l'anthrax qui résulte d'un conglomérat de plusieurs furoncles
le derme, plus particulièrement due au streptocoque bêta-
(à distinguer de l'anthrax qui désigne chez les Anglo-Saxons
hémolytique du groupe A. L'ecthyma simple est à distinguer
la maladie du charbon) ;
de l'ecthyma gangréneux survenant chez le sujet immunodé- n la furonculose chronique, caractérisée par la répétition de
primé et dû en général à Pseudomonas aeruginosa.
furoncles sur plusieurs mois. Bien que l'on ait évoqué des
Le prélèvement pour examen bactériologique trouve
causes comme le diabète ou les immunodépressions, il
S. aureus ou Streptococcus pyogenes ou l'association des deux
n'existe actuellement aucun facteur favorisant bien caracté-
selon le pays.
risé pour expliquer ces formes chroniques ;
Un traitement local est suffisant dans les formes peu éten- n un abcès primitif ;
dues : antiseptiques locaux pluriquotidiens (polyvidone iodée, n une lymphangite ;
chlorhexidine, solution de Dakin). L'application des antisep- n des complications systémiques : bactériémie, localisations
tiques sous forme de pommades permet de ramollir les croûtes
secondaires (qui sont très rares en fait) ;
et de favoriser la cicatrisation. L'impétigo est une des rares n la staphylococcie maligne de la face. Il s'agit d'une complication
indications pour l'utilisation de topiques antibiotiques (acide
grave, très rare actuellement grâce aux antibiotiques, secondaire
fusidique, mupirocine). L'antibiothérapie systémique est indi-
quée en cas de lésions multiples et étendues. Elle repose sur
des molécules actives contre Staphylococcus aureus et/ou
le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, c'est-à-dire
une pénicilline du groupe M (oxacilline ou cloxacilline), une
céphalosporine de 1re ou 2e génération, les macrolides (si les
bactéries isolées sont sensibles ou en cas d'allergie aux bêta-
lactamines), l'acide fusidique ou la pristinamycine [1].
Il est indispensable de renforcer les mesures d'hygiène per-
sonnelle (douche quotidienne, lavage des mains, brossage des
ongles, changement de vêtements fréquents, etc.) ; l'isolement et
l'éviction scolaire sont indiqués dans des collectivités d'enfants.
FOLLICULITES
Staphylococcus aureus est responsable de la majorité des fol-
liculites (infections du follicule pilo-sébacé).
Folliculite superficielle
Il s'agit de l'infection de la partie superficielle du follicule
pilo-sébacé (ostium folliculaire). Cliniquement elle se mani- Figure 18.2. Folliculite, sycosis de la barbe.
feste par une pustule, centrée par un poil et associée à un
érythème périfolliculaire (figure 18.2). Les pustules sont de
nombre variable et siègent sur les régions pileuses des cuisses,
périnée, bras, dos, paupière (orgelet).
Le sycosis de la barbe (figure 18.2), dont l'extension est favo-
risée par le rasage, est une forme clinique particulière localisée
à la face caractérisée par l'extension et la chronicité des lésions.
Furoncle
Il définit une folliculite profonde et nécrosante avec atteinte
du follicule pilo-sébacé dans sa totalité. Il se caractérise par
une papule ou un nodule inflammatoire, douloureux, centré
par une pustule sur une zone pileuse (le poil ayant disparu du
fait de la nécrose) (figure 18.3). En quelques jours de matura-
86 tion va se constituer en son centre du pus associé à une zone Figure 18.3. Furoncle.
INFECTIONS À STAPHYLOCOCCUS AUREUS 18
à un furoncle de la face, localisé dans la zone centrofaciale, au- L'analyse bactériologique classique du pus permet l'iden-
dessus de la ligne horizontale, passant par les lèvres, zone dont tification de la bactérie. Actuellement on observe une émer-
le réseau veineux qui se draine vers le sinus caverneux. La sta- gence mondiale de S. aureus résistants à la méticilline en
phylococcie maligne de la face résulte d'une thrombophlébite milieu communautaire (SARM-Co) responsables d'infections
septique des veines de la région centrofaciale. La complication suppuratives dont de nombreux abcès [9]. Ces germes sont
majeure est la thrombophlébite du sinus caverneux. encore rarement isolés en France actuellement.
Le traitement est d'abord chirurgical, avec le drainage de
l'abcès. Le bénéfice de l'antibiothérapie est faible. L'IDSA
Traitement des folliculites et furoncles (Infectious Disease Society of America) recommande une
Dans tous les cas, on aura recours à : antibiothérapie systémique complémentaire : en cas de loca-
n des mesures d'hygiène générales : lavages des mains fré- lisation « critique » (visage, etc.), immunodépression, volume
quents avec des savons antiseptiques à la chlorhexidine ou important de l'abcès (> 5 cm), échec du drainage, âges
à la polyvidone iodée, éviter la manipulation du furoncle, extrêmes et présence de signes généraux. Dans tous les autres
éventuellement isoler la lésion à l'aide d'un pansement ; cas, l'antibiothérapie n'est pas indiquée [10].
n des soins antiseptiques locaux pluriquotidiens sous forme
FURONCULOSE CHRONIQUE
En cas de furonculose, en plus des mesures précédentes le
traitement doit comporter la désinfection des principaux gîtes
de portage : aisselles, périnée et vestibules narinaires par des
toilettes antiseptiques et l'application de pommade antibio-
tique (mupirocine, bacitracine, etc.).
Il est utile de confier au patient une fiche lui expliquant des
règles d'hygiène à respecter (lavage des mains fréquent, chan-
gement et lavage des vêtements et serviettes de toilettes fré-
quents, désinfection baignoire à l'eau de Javel, etc.).
PANARIS
Il s'agit d'une infection du repli unguéal, caractérisée cliniquement Figure 18.4. Abcès.
par un repli unguéal inflammatoire et douloureux et augmenté
de volume. Le traitement est l'incision et drainage et les antisep-
tiques locaux. Un antibiotique systémique peut être associé.
ABCÈS
C'est une collection de pus. Il n'existe pas dans la littérature
de notion de taille à partir de laquelle on parle d'abcès, mais
certains proposent le diamètre de 2 cm comme limite infé-
rieure pour le définir [8]. L'abcès se présente sous la forme
d'un nodule ou d'une plaque érythémateuse, inflammatoire et
très douloureux. Après quelques jours d'évolution, la palpation
met en évidence une consistance molle témoin de la collection
(figure 18.4). La fièvre est rare, une lymphangite, des adénopa-
thies satellites sont parfois associés. L'état général est conservé.
S. aureus est l'agent infectieux de très loin le plus souvent
isolé. La majorité des abcès primaires ou spontanés sont le fait
de S. aureus producteurs de leucocidine de Panton Valentine
[8]. Les abcès secondaires (inoculation directe accidentelle,
toxicomanie, injections septiques, etc.) sont le plus souvent
87
dus à S. aureus mais pas exclusivement. Figure 18.5. Lymphangite.
18 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
RÉFÉRENCES
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88
Infections à Streptococcus 19
pyogenes
Pascal del Giudice, Thomas Hubiche
LYMPHANGITE
Les streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A (SGA) Il s'agit d'une infection aiguë des vaisseaux lympha-
ou Streptococcus pyogenes sont considérées comme les deu- tiques sous-cutanés, le plus souvent due aux Streptococcus
xièmes bactéries, en fréquence, après Staphylococcus aureus, pyogenes. La porte d'entrée est une plaie septique ou une der-
responsable d'infections cutanées bactériennes. matose surinfectée. Elle se présente cliniquement comme la
Les antibiotiques actifs sur Streptococcus pyogenes sont lymphangite à Staphylococcus aureus. Le diagnostic clinique
surtout les bêtalactamines comme l'amoxicilline qui ont la repose sur la découverte d'un cordon rouge, chaud, dou-
meilleure activité. En cas d'allergie, les macrolides, la pristi- loureux, infiltré, s'étendant le long d'un trajet lymphatique,
namycine ou la clindamycine peuvent être utilisés. Le taux de depuis la porte d'entrée jusqu'aux ganglions de drainage. Une
résistance aux macrolides dépend des pays. fièvre est fréquente.
ANITE STREPTOCOCCIQUE
INFECTIONS CUTANÉES DIRECTES Il s'agit d'un intertrigo périanal, érythémateux, douloureux ou
prurigineux, bien délimité, sans fièvre ou altération de l'état
IMPÉTIGO ET ECTHYMA général. Il touche surtout les enfants. Le prélèvement local
L'impétigo streptococcique est une infection cutanée super- montre un SGA. Le traitement repose sur l'antibiothérapie
ficielle contagieuse due aux Streptococcus pyogenes systémique prolongée pendant 3 semaines. La vaginite strep-
(figure 19.1). L'ecthyma en est une forme profonde. Ces tococcique plus rare est possible.
lésions touchent surtout les enfants dans les pays en voie de
développement. Les principales différences avec l'impétigo
staphylococcique sont qu'il n'a jamais été prouvé que les SGA MANIFESTATIONS TOXINIQUES
Il s'agit principalement de la scarlatine et du syndrome du
choc toxinique streptococcique.
SCARLATINE
Elle est due à une infection à Streptococcus pyogenes, excep-
tionnellement des groupes C ou G. Le foyer infectieux est le
plus souvent une angine. La possibilité pour un foyer infec-
tieux cutané à l'origine d'une scarlatine n'est pas clairement
établie.
Cette infection survient plutôt en période froide. Les épi-
démies sont classiquement rapportées dans des collectivités.
La scarlatine se manifeste par l'apparition brutale d'une fièvre
élevée et d'un mal de gorge. Des céphalées, des douleurs
abdominales ou des frissons sont parfois présents. 89
Figure 19.1. Impétigo streptococcique.
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19 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
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90
Dermohypodermites 20
bactériennes aiguës
(cellulites bactériennes)
Pascal del Giudice
Érysipèle 91
DÉFINITION
Il s'agit d'une dermohypodermite bactérienne aiguë non nécro-
Autres dermohypodermites bactériennes sante liée le plus souvent à un streptocoque β-hémolytique du
aiguës 93 groupe A, B, C ou G.
Fasciite nécrosante 93
ÉRYSIPÈLE
Le travail de la conférence de consensus a parfaitement défini
le champ de l'érysipèle. Nous en reprenons ici les principaux
éléments. Figure 20.1. Érysipèle de jambe typique.
91
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20 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Ils se posent avec :
n la phlébite surale ;
n la fasciite nécrosante ;
n la dermohypodermite nécrosante ;
n les autres dermohypodermites bactériennes.
ÉVOLUTION
La guérison est obtenue en général en une dizaine de jours
Figure 20.2. Érysipèle de jambe sur cicatrice. sous antibiothérapie.
Le risque évolutif principal est la récidive, favorisée par
une insuffisance veineuse ou lymphatique chronique et/ou la
persistance d'une porte d'entrée (ulcère de jambe, intertrigo
interdigitoplantaire).
TRAITEMENT
Il est instauré à domicile ou à l'hôpital en cas de doute dia-
gnostique, de signes généraux marqués, de complications,
de comorbidité significative, de contexte social défavorable,
d'absence d'amélioration à 72 heures ou d'affections associées.
L'antibiothérapie systémique doit être avant tout antistrepto-
coccique :
n β-lactamines en monothérapie :
n pénicilline G injectable (traitement de référence mais de
3 prises quotidiennes),
n amoxicilline + acide clavulanique en cas de doute sur
A B
Figure 20.4. Fasciite nécrosante à Streptococcus pyogenes : même jour à 14 h (A) et à 23 h (B). 93
20 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
RÉFÉRENCES
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94
Infections à Pseudomonas 21
aeruginosa
Thomas Hubiche
ECTHYMA GANGRÉNEUX
Le principal facteur de risque pour la survenue d'un
ecthyma gangréneux est la présence d'une neutropénie pro-
fonde, bien que de rares cas aient été décrits en l'absence Figure 21.1. Ecthyma gangréneux à une phase précoce chez
d'immunodépression. une patiente neutropénique. 95
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21 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
RÉFÉRENCES
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97
Infections 22
à corynebactéries
Mourad Mokni
Érythrasma 99
Kératolyse ponctuée 100
Dermatologie infectieuse
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22 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
l'acide fusidique par voie locale, soit les tétracyclines ou la cla- paires hyperkératosiques et s'accompagner d'un intertrigo
rithromycine en dose unique (1 g) par voie générale [9]. En fait macéré entre les orteils. Les pieds atteints sont macérés, avec
un nombre très limité d'études de susceptibilité de C. minutis- une odeur désagréable et une hyperhidrose. L'atteinte pal-
simum sont disponibles. Ces études sont anciennes et ont été maire est exceptionnellement décrite en zone tempérée, mais
réalisées sans antibiogramme. Une étude récente montre une elle existe dans les climats chauds et humides. Les signes cli-
résistance significative à l'érythromycine, l'azithromycine, la niques sont le plus souvent plus discrets avec des petites zones
pénicilline et l'ampicilline. Une bonne sensibilité a été retrou- d'hyperkératose blanche, macérée, plus souvent sillonnée que
vée avec amoxicilline-acide clavulinique, céfaclor et acide ponctuée. Les lésions peuvent toucher les espaces interdigi-
fusidique [10]. Un traitement à base de clarithromycine en taux et les pulpes digitales.
dose unique a été essayé avec succès [11].
DIAGNOSTIC
Il est facile et repose le plus souvent sur le simple examen
KÉRATOLYSE PONCTUÉE clinique. L'examen en lumière de Wood n'a pas d'intérêt.
Les colorations Gram, PAS (Periodic Acid Schiff) et Gomori
C'est une infection bactérienne non inflammatoire palmoplantaire. méthénamine d'argent montre des bactéries au fond du cratère.
Le diagnostic différentiel inclut les verrues plantaires, le
ÉPIDÉMIOLOGIE ET PATHOGÉNIE pied d'athlète (mycose des pieds), la kératodermie palmo-
La kératolyse ponctuée est une infection ubiquitaire qui est fré- plantaire ponctuée, les pits des carcinomes basocellulaires
quente dans les climats tempérés et tropicaux. L'hyperhidrose, nævoïdes des paumes et des plantes et la maladie de Darier.
l'occlusion prolongée et l'augmentation du pH de la surface
cutanée sont les facteurs favorisants les plus fréquents. La plu- TRAITEMENT
part des infections sont causées par Kytococcus sedentarius Les topiques à l'érythromycine, la clindamycine, la mupiro-
(anciennement Micrococcus sedentarius), mais d'autres bacté- cine, la tétracycline et les antifongiques azolés ont montré une
ries telles que Dermatophilus congolensis, Corynebacterium efficacité rapide [2]. L'érythromycine orale est indiquée pour
et Actinomyces spp. ont été impliquées. K. sedentarius produit les formes étendues. Les solutions de chloride d'aluminium à
deux sérines-protéases (K1 et K2) qui dégradent la kératine du 20 %, les injections de toxine botulique peuvent être utilisées
stratum corneum [12]. pour traiter l'hyperhidrose associée.
Des composants soufrés qui sont produits par la bactérie
sont responsables de la mauvaise odeur associée.
TRICHOMYCOSE AXILLAIRE
CLINIQUE
Elle touche avec prédilection la plante des pieds dans les Il s'agit d'une infection superficielle à corynebactéries. Elle
zones d'appui où la couche cornée est épaisse. La couche est classiquement attribuée à Corynebacterium tenuis, mais il
cornée paraît blanche et sillonnée avec de nombreux petits n'existe pas de souche bactérienne de référence. Il est vraisem-
cratères déprimés et ponctués (1–7 mm) confluents prenant blable que cette affection résulte de la présence de plusieurs
parfois un aspect arciforme ou figuré (figure 22.2). Il n'y a variétés de corynebactéries, le pouvoir pathogène principal
pas d'érythème et les lésions peuvent passer inaperçues pour étant attribué à celle qui se développe au contact de la cuti-
le patient. Quand elles sont discrètes, elles peuvent être mieux cule pilaire.
visibles par un bain de pied : l'hydratation de la couche cornée
permet une meilleure visualisation des sillons et des dépres- CLINIQUE
sions punctiformes. L'atteinte des pieds est presque toujours
bilatérale ; elle peut s'étendre aux orteils dans les aires pul- Elle se manifeste par la présence de petites formations per-
lées jaunâtres et adhérentes ou des cylindres engainant la tige
pilaire des poils axillaires ou plus rarement génitaux. Les
poils sont grisâtres, jaunâtres, ternes, épaissis. Le manque
d'hygiène et l'excès de sudation ont été incriminés sans argu-
ments décisifs. Ces lésions s'accompagnent d'une odeur carac-
téristique et la sueur peut prendre une couleur rouge tachant
les vêtements. L'affection est asymptomatique et peut passer
inaperçue.
DIAGNOSTIC
Il repose sur l'examen in vivo en lumière de Wood conférant
aux poils infectés une fluorescence jaune pâle, ou sur l'examen
des tiges pilaires entre lame et lamelle au microscope à fluo-
rescence. Les cultures sont rarement demandées. L'examen au
microscope montre des colonies bactériennes Gram + engai-
Figure 22.2. Kératolyse ponctuée, de nombreux petits nées dans un cément. Ce dernier, de coloration jaune, plus
cratères déprimés et ponctués confluents prenant parfois un rarement noire ou rouge, provient d'une sécrétion bactérienne
100 ou de la sueur apocrine.
aspect arciforme ou figuré.
Infections à corynebactéries 22
Le diagnostic différentiel devra se faire avec les gaines cou-
lissantes péripilaires, la piedra noire (Piedraia hortae) et la
piedra blanche (Trichosporon beigelii). Ces deux dernières se
caractérisent par de petits grains non fluorescents en lumière
de Wood. La trichomycose bactérienne peut être associée à
d'autres corynébactérioses cutanées.
TRAITEMENT
Il peut justifier le rasage avec usage secondaire d'antisep-
tiques ou d'imidazolés. Il est souvent recommandé de faire
un traitement de l'hyperhidrose associée. Des ablutions vinai-
grées chaudes permettent de détacher les amas bactériens des
poils axillaires ou génitaux. On peut également associer de
l'érythromycine ou de la clindamycine en topiques [2].
Figure 22.3. Diphtérie cutanée, ulcération de la jambe
recouverte d'une croûte.
Collection Antoine Mahe.
DIPHTÉRIE CUTANÉE
La diphtérie est une infection aiguë contagieuse qui est CLINIQUE
due à un bacille Gram positif, non sporulé et immobile :
La présentation clinique habituelle réalise une ulcération à
Corynebacterium diphtheriae.
l'emporte-pièce à fond, profond, et découpé. Les lésions sont
multiples dans les trois quarts des cas et se situent le plus sou-
ÉPIDÉMIOLOGIE vent aux extrémités, surtout les jambes (figure 22.3). Au début
C'est une maladie relativement rare qui sévit d'une manière l'ulcération se recouvre d'une fausse membrane grise dont
endémique dans plusieurs pays tropicaux et dans certaines le détachement laisse apparaître une base propre et hémor-
populations urbaines pauvres avec une forte contagiosité ragique. Les lésions de début peuvent être pustuleuses avec
interhumaine [13]. Grâce à la généralisation de la vaccina- évolution ultérieure vers la formation de croûte ou d'ulcéra-
tion, la diphtérie est devenue une maladie rare dans les pays tion. Une adénopathie satellite ou une manifestation toxinique
développés, son incidence annuelle variant de 0,1 à 0,2 cas/ (myocardite, polynévrite, etc.) sont rares.
million [14]. La forme cutanée représente moins de 1 % de
tous les cas [15]. La diphtérie cutanée est fréquente dans les DIAGNOSTIC
pays à climat chaud et humide [16], comme l'Afrique cen-
Il repose sur l'examen direct et l'isolement du germe en
trale et orientale, l'Asie ou certaines îles du Pacifique. Dans
culture sur milieu spécifique. L'association d'une surinfec-
les pays industrialisés elle se voit dans les populations défa-
tion par Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes est
vorisées, chez les alcooliques, les toxicomanes. L'atteinte
fréquente.
cutanée a un rôle évident dans l'éclosion et l'expansion des
épidémies.
La diphtérie cutanée étant une maladie exclusivement TRAITEMENT
humaine, la transmission peut se faire du nasopharynx ou La pénicilline G est très active et devrait rester le traitement
de la peau chez un même malade ou chez des patients dif- de choix de la diphtérie cutanée. La forme retard constitue une
férents. La porte d'entrée est souvent une plaie, une abra- excellente alternative pour les patients qui risquent d'être per-
sion traumatique ou une affection cutanée préexistante car dus de vue. L'amoxicilline 1 g × 3/jour est également un bon
le bacille ne peut pas pénétrer la peau saine. Le pouvoir choix thérapeutique. En cas d'allergie à la pénicilline, l'érythro-
pathogène de C. diphteriae est lié à la sécrétion d'une exo- mycine est au moins aussi efficace. La sérothérapie recourt au
toxine. Pour les enfants vivant en zones d'endémies, la diph- sérum équin avec les risques d'anaphylaxie. La technique de
térie cutanée représente une forme d'immunisation, puisque Besredka s'impose pour éviter les accidents allergiques graves.
la toxine diffuse lentement à travers les lésions cutanées et Les posologies varient de 20 000 à 100 000 UI/L, habituelle-
induit un taux élevé d'anticorps. En plus des enfants, les ment par voie intramusculaire. La vaccination anatoxinique
sujets âgés et les patients immunodéficients sont les per- du patient, le dépistage et le traitement antibiotique des sujets
sonnes le plus souvent atteintes avec comme facteurs favori- contacts sont indispensables, ainsi que le contrôle du statut
sants la mauvaise hygiène, les drogues par voie injectable et vaccinal de l'entourage, avec revaccination en cas de besoin.
les traumatismes cutanés.
RÉFÉRENCES
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Méningococcémies
Nicolas Dupin
23
103
Dermatologie infectieuse
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23 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
Figure 23.1. Lésions papuleuses érythémateuses du dos et de la paume de la main chez une patiente ayant une méningococcémie
chronique à NM de sérogroupe B.
Figure 23.2. Même patiente que figure 23.1, avec diffusion des lésions aux membres inférieurs et au tronc.
104
L'atteinte est bilatérale est symétrique.
Méningococcémies 23
de piqûres d'insectes avec une lésion en cible purpurique au ont été observés avec le sérogroupe C ou plus récemment avec
centre (figure 23.3). Des lésions pustuleuses aseptiques sont le sérogroupe X.
observées dans moins de 10 % des cas. Les lésions cutanées
peuvent être douloureuses dans un tiers des cas, et sont sou-
vent récurrentes et prédominent sur le tronc et les membres TRAITEMENT
avec une atteinte palmoplantaire (figure 23.1) dans 30 % des
cas. La biopsie cutanée retrouve à la fois des signes de vascu- Il repose sur l'antibiothérapie qui doit être entreprise sans délai
larite leucocytoclasique et des thromboses vasculaires secon- dès qu'un cas de méningococcémie aiguë est suspecté [1]. Le
daires. Les méningocoques ont été mis en évidence dans les traitement du choc et des complications viscérales repose sur
lésions cutanées autour et dans la lumière des vaisseaux et des mesures réanimatoires qui ne seront pas détaillées ici. En
la dissémination des bactéries semble faire intervenir l'inter pratique, on recourt à la ceftriaxone qui doit être injectée en
action entre des structures bactériennes et les systèmes de intramusculaire à la dose de 2 g et ce avant l'admission. Le
jonction des cellules endothéliales [3]. L'atteinte articulaire est relais est pris par la forme intraveineuse à la posologie de
également quasi constante et touche plus particulièrement les 1 g/jour. La durée du traitement est généralement de 7 jours
grosses articulations et s'associe à des myalgies. Contrastant avant d'envisager un relais par une céphalosporine orale ou
avec l'atteinte cutanée, ces patients n'ont pas de méningite. par la ceftriaxone en sous-cutané ou de l'amoxicilline pour
une durée totale d'antibiothérapie de 15 jours. Quelle que soit
la forme de méningococcémie, le traitement antibiotique est
DIAGNOSTIC le même et les cas de méningococcémie doivent faire l'objet
d'une déclaration obligatoire eux organismes de santé. Une
Il est fait sur les hémocultures qu'il faut savoir répéter et/ chimioprophylaxie doit être systématiquement administrée
ou sur la culture ou la PCR à partir des lésions cutanées. Le aux sujets contacts.
germe isolé est le plus souvent du sérogroupe B mais des cas
RÉFÉRENCES
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a012393.
105
Tuberculose cutanée
Amel Mebazaa, Mourad Mokni
24
Entité Chancre T. ulcéreuse Miliaire Gommes Scrofulodermes T. verruqueuse Lupus Érythème Autres
clinique d'inoculation orificielle vulgaire induré de tuberculides
Bazin
Cultures + + ++ + + ± ± – –
IDR – – – ± ± + + ++ ++
Terrain Nourrisson, Auto- Immuno Faible Faible Sujet déjà Réactivation Hyperréactivité
jeune enfant inoculation dépression immunité immunité sensibilisé cellulaire
intermédiaire (scrofulodermes, gommes tuberculeuses et tuber- immunodépression (auquel cas il pourrait y avoir une réacti-
culose verruqueuse) sont les plus prévalentes (tableau 24.1). vation). Le risque de développer la maladie est moindre chez
Ce profil est en mutation progressive en fonction du dévelop- un sujet sensibilisé que chez un sujet qui n'a jamais été en
pement socio-économique du pays ou de la région. contact avec le germe [3].
La TC atteint le plus souvent le sujet jeune. Il existerait Les macrophages et les lymphocytes T activés sont les
une prédominance masculine nette de l'infection selon des principaux acteurs de l'immunité cellulaire impliqués dans la
études indiennes, chinoises et africaines [11–13]. En Europe défense de l'hôte contre la tuberculose [3, 4].
et au Maghreb en revanche, on ne retrouve pas de prédomi- Selon la qualité de cette réponse immune, il existe un
nance de sexe. Selon l'OMS, près des deux tiers de la popula- spectre de formes anatomocliniques de tuberculose cutanée :
tion atteinte sont âgés de moins de 30 ans [5]. Dans une étude des formes multibacillaires avec mauvaise réponse immune
indienne, près de 20 % des patients atteints de TC étaient âgés (miliaire, gommes, scrofulodermes et tuberculose orificielle)
de moins de 16 ans [11]. et des formes paucibacillaires avec réponse immune bonne ou
En Europe, Au Japon et également en Tunisie, l'âge moyen intermédiaire (lupus vulgaire et tuberculose verruqueuse) [3, 4].
au moment du diagnostic se situe aux alentours de 40 ans. Dans
la série marocaine de 216 cas, l'âge moyen des patients était de
29 ans (60 % des patients âgés de moins de 30 ans). Dans la série CLASSIFICATION
tunisienne de l'hôpital la Rabta, 7 patients (0.05 %) étaient âgés
de moins de 15 ans lors du diagnostic de la maladie [7]. Plusieurs classifications ont été proposées pour subdiviser les
formes anatomocliniques de TC [2, 3, 6]. Parmi celles-ci, c'est
la classification de Beyt qui fait référence [6]. Cette classifi-
cation repose principalement sur des critères physiopatholo-
PHYSIOPATHOLOGIE
giques. Par ailleurs, à l'instar de la classification de Ridley et
Après un premier contact avec le BK, un chancre d'inoculation Jopling dans la maladie de Hansen, une autre classification a
se développe, le plus souvent pulmonaire, rarement cutané. À été établie sur des critères cliniques, immunologiques, histo-
partir de ce foyer initial, une dissémination des bacilles se pro- logiques et bactériologiques. Cette classification distingue des
duit, d'abord par voie lymphatique, puis par voie sanguine [4]. formes multibacillaires avec mauvaise réponse immune et des
Des sites secondaires d'infection se constituent, électivement formes paucibacillaires avec réponse immune bonne ou inter-
aux sommets pulmonaires, mais également au parenchyme médiaire (tableau 24.1) [2, 4].
rénal, aux épiphyses et au cortex cérébral. Les localisations Le diagnostic microbiologique est aisé dans les formes
cutanées sont plus rares. Elles résultent soit d'une inocula- multibacillaires. Il est en revanche plus difficile dans les
tion directe du BK, soit d'une dissémination sanguine ou par formes paucibacillaires. Il nécessite donc le recours à des cri-
contiguïté à partir d'un foyer de voisinage (ganglion, os). tères cliniques, immunologiques et histologiques pour aider
L'infection par le bacille de Koch n'est pas synonyme de mala- au diagnostic. C'est dans ces formes de diagnostic difficile
die tuberculeuse. Dans 90 % des cas, une immunité cellulaire que l'amplification génique par PCR pourrait être d'un grand
se constitue, permettant une guérison définitive de la maladie. apport [2, 19].
Dans 10 % des cas, une tuberculose « maladie » se déclare [4].
De nombreux facteurs endogènes (les âges extrêmes, les
déficits congénitaux de l'immunité cellulaire, les maladies auto- DIAGNOSTIC
immunes) et exogènes (la promiscuité et les mauvaises condi-
tions d'hygiène, les infections virales dont le sida, les affections Il repose sur un faisceau d'arguments.
parasitaires chroniques, la prise d'immunosuppresseurs ou d'une
corticothérapie générale prolongée, l'alcoolisme chronique, la CLINIQUE
malnutrition) favorisent l'infection et la maladie [4]. Les arguments cliniques sont les suivants :
Lors d'un contage, un sujet antérieurement exposé au BK
est théoriquement « immunisé » (au même titre que le BCG n un examen clinique minutieux qui suspectera une TC ;
108 [bacille de Calmette et Guérin]) sauf en cas de survenue d'une n la notion de zone d'endémie ;
Tuberculose cutanée 24
n l'existence d'éventuels antécédents de tuberculose ; ils permettent également l'identification précise de la mycobac-
n l'association à une tuberculose pulmonaire ou à un foyer de térie et la détermination de sa sensibilité aux antibiotiques, avec
tuberculose viscérale active. un coût moindre que celui de la PCR [20].
Biopsie cutanée
RÉACTIONS TUBERCULINIQUES
L'image histologique la plus caractéristique est celle d'un
Différentes techniques sont utilisées pour évaluer l'allergie à granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse et présence
la tuberculine. La plus utilisée est la lecture quantitative après de bacille acido-alcoolo-résistant [4]. Cependant, selon la
injection intradermique stricte (méthode de Mantoux) de réponse immunitaire et l'ancienneté des lésions, d'autres
0,1 mL, soit 10 U de tuberculine Mérieux (ou 2 U de images histologiques peuvent se voir telles que des granu-
PPD-RT23 danoise), fiable. Cependant de nombreux facteurs lomes palissadiques ou sarcoïdosiques, des abcès, une réaction
influencent l'allergie tuberculinique. Cette hypersensibilité inflammatoire non spécifique ou une panniculite [3, 4, 21].
retardée à médiation cellulaire dépend d'un contrôle géné- En présence d'une bonne réponse immunitaire de l'hôte (lupus
tique ; ainsi on observe des anergies tuberculiniques familiales tuberculeux, tuberculose verruqueuse), des granulomes tuber-
malgré des vaccinations BCG répétées. Tous les facteurs agis- culoïdes se développent. Ils peuvent être le siège de lympho-
sant sur l'immunité (âges extrêmes, infections virales dont le cytes, de plasmocytes, d'histiocytes et de cellules géantes de
sida, maladies auto-immunes, médicaments immunosuppres- type Langhans (figure 24.1). Cependant la nécrose caséeuse
seurs ou corticothérapie générale, malnutrition, etc.) peuvent est minime ou absente et les bacilles tuberculeux ne sont géné-
négativer la réponse allergique ou la ralentir ; c'est pourquoi il ralement pas retrouvés ou sont présents en très faible nombre.
importe d'effectuer une lecture répétée du test, non seulement Dans les formes associées à une faible réponse immunitaire
à la classique 72e heure mais parfois jusqu'au 6e jour. La valeur de l'hôte, la formation de granulome peut être compromise et
seuil de lecture de l'IDR (intradermoréaction) en l'absence de les lésions sont le siège d'une réaction inflammatoire non spé-
vaccination BCG est habituellement fixée à 10 mm d'indura- cifique aiguë ou chronique (tuberculose orificielle, miliaire
tion. Lorsque la vaccination remonte à plus d'un an, l'infection tuberculeuse, gommes). Dans ces formes, le diagnostic est
par le bacille tuberculeux (qui n'est pas synonyme de maladie facilité par la présence de bacilles de Koch dans les tissus [4].
tuberculeuse) est probable si l'IDR est supérieure à 14 mm, Dans les autres formes (scrofulodermes), les lésions montrent
a fortiori si elle est phlycténulaire. À l'échelon individuel, le des images intermédiaires.
« virage » de l'allergie tuberculinique (ou le « survirage » en
cas de vaccination BCG) a une meilleure valeur prédictive
de l'infection. Une intradermoréaction négative n'élimine ni
Technique d'amplification génique
une infection ni une tuberculose évolutive, a fortiori si elle est Les techniques d'amplification génique (PCR) sont des tech-
récente ou si le malade est immunodéprimé. niques sensibles et rapides pour la détection du bacille de
Koch et peuvent être d'un grand apport dans les formes pau-
cibacillaires [4, 19].
BIOLOGIE En effet, en raison de la difficulté d'isoler bactériologique-
La mise en évidence du BK dans les lésions est le seul ment l'agent pathogène notamment dans les formes pauciba-
moyen qui permettra un diagnostic de certitude d'une tuber- cillaires, la PCR a été mise au point pour détecter rapidement
culose cutanée. Cependant, cette situation reste rare pour la le BK afin de commencer le traitement plus rapidement que
tuberculose cutanée, surtout dans les formes paucibacillaires par les méthodes classiques. Arora et al. ont utilisé la PCR
(tableau 24.1). chez 10 patients présentant une tuberculose cutanée (3 tuber-
culoses verruqueuses, 2 lupus vulgaires, 3 scrofulodermes,
Examen direct 1 tuberculide papulonécrotique et 1 érythème induré de Bazin) :
60 % des PCR étaient positives (3 tuberculoses verruqueuses,
Il fait appel au caractère acido-alcoolo-résistant du bacille. 2 lupus vulgaires, 1 scrofuloderme) alors que l'histologie
Cette capacité pour les bacilles, déjà colorés par la fuchsine n'était quasiment pas spécifique et que les cultures par tubages
phéniquée de Ziehl ou un colorant fluorescent (auramine), de
ne pas être décolorés par les acides et l'alcool, permet de les
détecter à l'examen microscopique en quelques minutes. Cette
technique est peu sensible et non spécifique. L'acido-alcoolo-
résistance est une caractéristique de l'ensemble des mycobac-
téries [4].
Culture
Elle est fondamentale pour le diagnostic bactériologique, l'iden-
tification de l'espèce et l'élaboration de l'antibiogramme. Le BK
se cultive en aérobie strict entre 35 et 37 °C sur milieux enrichis,
notamment celui de Löwenstein-Jensen. Cependant la lenteur
de multiplication des BK impose un délai de culture de 28 jours
(4 à 8 semaines). Une détection plus rapide peut être obtenue
par la respirométrie radiométrique. Les nouveaux systèmes de
culture comme Bactec (milieu liquide) ont l'avantage d'être plus
109
performants que le milieu traditionnel de Löwenstein-Jensen, Figure 24.1. Granulomes tuberculoïdes et cellules géantes.
24 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
ou prélèvements locaux n'étaient positives que dans 10 % rituelle, chirurgie avec du matériel non stérilisé, tatouage, per-
des cas (aucune PCR positive chez 20 sujets témoins qui pré- cement d'oreille) ou à l'infection d'une plaie souillée (crachats,
sentaient une lèpre) [22]. De même, de l'ADN du complexe morsure) voire à une contamination orale (bouche à bouche, lait
M. tuberculosis a été détecté dans des lésions d'érythème induré infecté) [2, 3]. Deux à 3 semaines après inoculation, un petit
de Bazin [19] ou au sein de tuberculides papulonécrotiques nodule érythématoviolacé apparaît puis s'ulcère avec décol-
[19, 22]. Cependant, cette méthode a également ses limites : lement des bords. Trois à 8 semaines après l'inoculation, une
des précautions strictes mais élémentaires doivent être prises extension lymphatique est alors visible avec lymphangite et adé-
pour le prélèvement des échantillons, à savoir leur (non) fixa- nopathies régionales indolores. Celles-ci vont se ramollir et fis-
tion ou encore l'extraction de l'ADN [19]. De même, la dis- tuliser à la peau, en quelques mois [2–4]. Il n'y a pas de signes
tinction entre M. tuberculosis, M. bovis et M. africanum n'est généraux. L'évolution est spontanément favorable en 3 à 12 mois
pas facile à réaliser par PCR [22]. Il convient donc d'utiliser laissant une cicatrice atrophique [2, 4]. Plus rarement, la maladie
la PCR dans la connaissance de ses limites et de façon appro- peut toucher d'autres organes ou aboutir à un lupus vulgaire, à
priée, mais elle peut être un complément intéressant pour aider une tuberculose verruqueuse ou à un scrofuloderme. L'IDR à la
au diagnostic de tuberculose cutanée (surtout dans ses formes tuberculine est négative en début de maladie et se positive par la
paucibacillaires) et débuter au plus tôt le traitement. suite [2]. L'histologie montre initialement une réaction inflam-
matoire non spécifique faite principalement de polynucléaires
neutrophiles avec de nombreux bacilles. En quelques semaines,
Tests immunologiques s'installe une immunité spécifique, avec développement de gra-
Depuis de nombreuses années on s'est attaché à étudier les nulomes tuberculoïdes et raréfaction des bacilles [2].
réponses immunologiques au cours de la tuberculose (réponse Dans une étude récente de l'hôpital la Rabta, 3 cas de
humorale ou lymphocytaire B avec production d'anticorps, chancres tuberculeux ont été décrits, 2 buccaux et 1 génital [7].
réponse cellulaire ou lymphocytaire T avec production d'inter-
féron gamma) et à mettre au point des tests immunologiques Tuberculose ulcéreuse orificielle
pour le diagnostic de la tuberculose maladie et de la tubercu-
lose infection. Les tests sérologiques développés pour explo- Devenue très rare, cette entité est secondaire à une auto-
rer l'immunité humorale n'ont jamais été satisfaisants. Les inoculation à partir de foyers pulmonaire, laryngé, digestif ou
difficultés inhérentes au test cutané à la tuberculine ont sus- urogénital chez des sujets fortement bacillifères [2, 4]. Cette
cité, depuis une dizaine d'années, un vif intérêt pour le déve- affection se localise au niveau des orifices naturels (narines,
loppement de tests in vitro de l'exploration de l'immunité bouche, anus et urètre). Elle touche généralement des adultes
cellulaire. Plusieurs tests sont commercialisés ou en dévelop- de sexe masculin. La lésion se situe volontiers dans la bouche
pement dans plusieurs pays. Ils mesurent la production d'inter- (en particulier sur la langue) ou aux lèvres [1–4]. Elle est
féron gamma par les cellules T circulantes, en réponse à des habituellement unique, superficielle et particulièrement dou-
antigènes de M. tuberculosis en utilisant les techniques Elisa loureuse. Les bords sont irréguliers, violacés et le fond est
(QuantiFERON-TB, Cellestis Limited) ou Elispot (T-SPOTTB, fibrinopurulent. Les localisations anales et génitales ont ten-
Oxford Immunotec). Le diagnostic de l'infection tuberculeuse dance à être végétantes. La tuberculose ulcéreuse orificielle
latente a aussi gagné en sensibilité, spécificité, et valeur pré- s'accompagne souvent d'adénopathies locorégionales homo-
dictive positive, grâce à ces tests, qui tendent à remplacer – latérales, inflammatoires. Histologiquement, il existe un
sauf pour les jeunes enfants – le test tuberculinique. Ces tests infiltrat inflammatoire massif et non spécifique où l'on peut
ont toutefois des limites qu'il est important de connaître, en individualiser le bacille [2]. Les cultures sont souvent posi-
particulier pour ce qui est de la distinction entre tuberculose tives. Lorsque la lésion est chronique, un granulome apparaît
active et latente, et de l'exclusion du diagnostic de tuberculose. et le bacille est alors difficilement mis en évidence [2–4].
De nouvelles méthodes de diagnostic avec de bonnes sen-
sibilité et spécificité sont en cours de développement surtout Scrofulodermes
dans la tuberculose pulmonaire. Leur utilisation dans la tuber- C'est la forme de TC la plus fréquemment décrite dans les
culose cutanée est à l'étude. séries maghrébines et africaines [5, 7, 10, 11, 16]. Elle résulte
de l'envahissement, par contiguïté, de la peau à partir d'un
foyer sous-jacent. Elle réalise un ou des nodule(s) ferme(s)
FORMES ANATOMOCLINIQUES sous-cutané(s), mobile(s) au départ, qui se ramolli(ssen)t
secondairement pour fistuliser en regard de foyers tubercu-
leux profonds ganglionnaires (cervical, axillaire, inguinal,
FORMES MULTIBACILLAIRES
etc.) (figure 24.2) ou ostéoarticulaires (rachis, membres).
Chancre tuberculeux Les lésions cutanées se traduisent par des ulcères déprimés
C'est une présentation rare (1 à 2 % des cas de TC). Il résulte à bords pourpres et irréguliers, d'aspect décollé, à fond gra-
de l'inoculation cutanée de Mycobacterium tuberculosis chez un nuleux jaunâtre et des fistules déchargeant du pus séro-
sujet non immunisé. Il est surtout observé chez les enfants et les grumeleux [2–4]. Les cicatrices qui en résultent sont le plus
nourrissons mais peut se voir également chez le personnel de souvent rétractiles, parfois hypertrophiques [1–4]. Les scrofu-
santé ou de laboratoire [1–4]. L'inoculation de Mycobacterium lodermes surviennent habituellement chez l'adulte jeune sans
bovis peut s'observer chez les sujets en contact avec du bétail prédominance de sexe. L'IDR est le plus souvent positive.
(vétérinaire, éleveurs). Le chancre tuberculeux siège habituelle- Lorsqu'elle est supérieure à 15 mm, elle est en faveur d'une
ment au niveau des membres ou de la face. Il peut aussi siéger tuberculose active. Cependant, l'IDR peut être négative en cas
au niveau des régions buccales et génitales [2]. La contamina- de tuberculose confirmée et se positiver avec l'amélioration
110 tion fait suite à une blessure directement infectante (circoncision clinique. Sur le plan biologique, un syndrome inflammatoire
Tuberculose cutanée 24
Le lupus vulgaire affecte électivement la face, le cou et les cellules mononucléées, le derme est le siège de granulomes
oreilles. Il peut également toucher les membres ou le reste tuberculoïdes, mais la nécrose caséeuse est rarement retrou-
du tégument (figure 24.4) [2, 4, 6]. Cette forme de tubercu- vée. La recherche de bacilles à l'examen bactériologique est
lose cutanée résulterait d'une réactivation d'une tuberculose souvent négative [2, 4]. C'est dans ces formes paucibacillaires
quiescente, mais des formes contemporaines d'un foyer pro- de diagnostic difficile que la PCR présente un intérêt majeur
fond évolutif sont décrites [1, 2, 4, 6]. La lésion élémentaire, pour détecter le BK [19, 22]. Il est également important de
le lupome, est un micronodule mou, plan ou légèrement rechercher des localisations secondaires de l'infection.
papuleux, jaunâtre, donnant un aspect de « gelée de pomme »
à la vitropression. La confluence de plusieurs lupomes abou-
tit au classique placard à centre atrophique et à bordure TUBERCULIDES
érythémato-violine infiltrée centrifuge qui peut s'ulcérer ou Ces formes dites réactionnelles sont nosologiquement controver-
pigmenter (figure 24.4). Il est recommandé de rechercher sées. Elles seraient liées à une réaction d'hypersensibilité due au
une atteinte muqueuse associée (principalement nasale ou relargage d'antigènes par un foyer tuberculeux interne souvent
buccale en cas de localisation faciale du lupus) [2, 4]. méconnu [1–4]. Ces formes sont de diagnostic difficile, car le BK
Plusieurs aspects anatomocliniques de lupus vulgaire ont est dans la majorité des cas non retrouvé à la bactériologie [2].
été décrits :
n le lupus plan, de teinte rouge, orangée ou violacée surtout Érythème induré de Bazin
en périphérie, finement squameux ou légèrement érodé, Ce syndrome anatomoclinique décrit en 1855 est en train de
avec une évolution cicatricielle nacrée en son centre, simu- gagner du terrain de par le monde et notamment en Extrême-
lant un lupus érythémateux [2, 4] ; Orient. Dans une série japonaise il représentait près de 80 %
n le lupus annulaire, à forte extension centrifuge, à distinguer
des cas de tuberculose cutanée rapportés [14, 15].
du lupus subaigu et des dermatophyties [1, 2, 4] ; Il survient préférentiellement chez la femme (90 %), à tout âge
n le lupus psoriasiforme qui réalise des plaques squameuses
après la puberté (âge moyen : 40 ans). Les patientes sont volontiers
étendues infiltrées et prête à confusion avec des dermatoses obèses et ont une insuffisance veineuse. Elles présentent des pous-
érythématosquameuses psoriasiformes [1, 2] ; sées d'hypodermite souvent aggravées par la fatigue et le froid,
n le lupus serpigineux qui forme un placard (verruqueux,
évoluant de façon chronique sur plusieurs années, précédées de
impétigoide, végétant ou pseudo-tumoral) d'extension irré- signes généraux (fièvre, asthénie), d'une sensation de « jambes
gulière et lente prédominant au tronc et aux membres [2, 4] ; lourdes ». Le tableau clinique réalise des nodules inflammatoires
n le lupus scléreux (de Leloir et Vidal) produisant un bourre-
fermes, mal circonscrits, mobiles par rapport au plan profond,
let papillomateux induré sur les membres et difficile à dis- peu nombreux (1 à 10) parfois confluents en placards indurés,
tinguer cliniquement de la tuberculose verruqueuse [2] ; douloureux, prédominant, de façon bilatérale et non symétrique,
n le lupus tumidus réalisant une tuméfaction rouge jaunâtre,
électivement aux faces postéro-inférieures des jambes [2, 4, 14] ;
infiltrée, d'évolution lentement extensive sans tendance à l'épiderme est érythématoviolacé (avec parfois une collerette de
l'ulcération [2, 4] ; desquamation) ou de couleur normale (figure 24.5). L'évolution se
n le lupus ulcérovégétant (vorax) touchant préférentiellement
fait vers l'ulcération une fois sur trois. La guérison spontanée s'ob-
la pointe du nez avec des mutilations parfois importantes tient en quelques semaines à quelques mois avec une hyperpig-
pouvant faire évoquer un carcinome, une sarcoïdose, un mentation cicatricielle sans atrophie. L'état général est conservé
lymphome à type de granulome centrofacial ou une infec- et il est exceptionnel de trouver une autre localisation de la tuber-
tion spécifique (leishmaniose, lèpre, syphilis tertiaire ou culose [2]. L'IDR est fortement positive, voire phlycténulaire. À
mycose profonde) [1, 2, 4] ; l'histologie on observe un infiltrat lymphohistiocytaire initialement
n le lupus myxomateux comportant une tuméfaction molle
hypodermique lobulaire puis septal puis dermohypodermique
jaunâtre localisée surtout sur le lobe de l'oreille simulant les avec une atteinte vasculaire multifocale, touchant les vaisseaux
infiltrations lymphomateuses. artériels et, typiquement, thrombosant les veines de moyen et petit
L'IDR est positive, témoin de la réactivation de la maladie calibre avec nécrose fibrinoïde et leucocytoclasie. Les granulomes
tuberculeuse. Histologiquement, l'épiderme est infiltré par des tuberculoïdes périvasculaires plus tardifs comportent parfois une
Érythème noueux
Il s'agit d'une hypodermite nodulaire aiguë, réalisant des nodo-
sités inflammatoires de 10 à 40 mm, rouges, chaudes, doulou-
reuses à la palpation, mal limitées et profondément enchâssées Figure 24.6. Abcès dû à la vaccination au BCG.
dans le derme et l'hypoderme. Il existe une phase prodromique
de 3 à 6 jours, marquée par de la fièvre, des arthralgies et une
altération de l'état général. Ces nodosités apparaissent essen-
tiellement aux faces d'extension des jambes, plus rarement aux
avant-bras et sont en nombre variable [2]. Chaque élément
persiste 2 à 3 semaines, passant par les teintes de la biligenèse
avant de disparaître sans laisser de cicatrice. Les poussées se
succèdent sur 3 à 6 semaines environ. L'étiologie tuberculeuse
est devenue rare, mais à suspecter chez les enfants vivant dans
les pays tropicaux [2]. L'atteinte cutanée est alors contempo-
raine d'une primo-infection. La biopsie a peu d'intérêt, car elle
ne met pas en évidence le BK. Une IDR phlycténulaire ou le
virage des réactions tuberculiniques sont des éléments impor-
tants pour faire le diagnostic étiologique [2].
TRAITEMENT
Il comporte un double volet : préventif et thérapeutique. La
prévention se fait par une vaccination par le vaccin BCG ainsi 113
que par la lutte contre la pauvreté et la promiscuité [1–4]. Figure 24.7. Lupus tuberculeux après vaccination par le BCG.
24 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
Le traitement de la TC est le même que celui de la tuber- drithérapie dont le but est de prévenir l'émergence des mutants
culose pulmonaire et fait appel à l'association de rifampicine, résistants et de rendre rapidement le malade non contagieux
d'isoniazide, de pyrazinamide et éventuellement d'éthambutol, [1, 24]. Ces protocoles comportent obligatoirement les
pendant 2 mois, puis de rifampicine et d'isoniazide pendant 2 premiers mois l'isoniazide (3 à 5 mg/kg/jour), la rifampi-
4 mois [1–4]. La durée de traitement des formes multibacil- cine (10 mg/kg/jour), l'éthambutol (15 à 20 mg/kg/jour) et
laires de TC dépend principalement des localisations secon- le pyrazinamide (20 à 30 mg/kg/jour), simplifiés pour les
daires sous-jacentes de l'infection [3, 24]. 4 à 7 mois suivants par une bithérapie isoniazide + rifam-
En cas d'immunodéficience acquise (notamment le sida), picine. L'éthambutol n'est probablement pas indispen-
l'antibiothérapie sera prolongée (9 à 12 mois) en surveillant sable en cas de souche sensible [24]. Les médicaments per
étroitement la survenue d'effets indésirables, l'apparition os sont pris le matin à jeun. Ce protocole reste la référence.
d'une réaction paradoxale en début de traitement et en prenant Cependant, la variabilité des traitements est soumise à des cri-
en compte les interactions médicamenteuses [2, 24, 25]. tères individuels (association à une localisation extracutanée,
contre-indication d'une molécule, etc.) et à des arguments épi-
démiologiques (coût et disponibilité des traitements). La ten-
MOYENS THÉRAPEUTIQUES
dance actuelle privilégie les régimes courts de 6 mois, avec
Ils font appel à diverses molécules actives contre le BK. Le prise quotidienne continue [24]. Des essais thérapeutiques
tableau 24.2 résume leurs particularités et leurs principaux effets comportant un régime antibacillaire de 4 mois ont montré des
indésirables. Les protocoles de la TC sont identiques à ceux résultats encourageants dans la tuberculose pleurale et pour-
de la tuberculose pulmonaire, avec institution d'une tri ou qua- raient être étendus à la TC [24].
Éthambutol + isoniazide Dexambutol-INH PO : cp sécable, éthambutol Cf. posologies et effets indésirables des différents
400 mg, isoniazide 150 mg composants
Rifampicine (R), 10 mg/kg/j 6 mois 6 mois 9 mois NFS, ASAT, ALAT, créatinine
Isoniazide (H), 4 à 5 mg/kg/j 6 mois 6 mois 9 mois ASA, ALAT, examen neurologique
Par ailleurs, chez le patient atteint de sida, il faut tenir n tuberculose cutanée de l'enfant : les posologies doivent être,
compte des interactions médicamenteuses avec les antirétro- comme pour l'adulte, adaptées au poids ;
viraux (rifampicine et zidovudine, lamivudine et inhibiteurs n complications du BCG « BCGites » : l'isoniazide 5 mg/kg/
des protéases, et isoniazide et didanosine ou zalcitabine). jour est administré pendant 6 mois.
Depuis 1985 se pose le problème de BK chimiorésistants à
À côté des mesures médicales, la place de la chirurgie est
un seul antituberculeux (isoniazide) ou a plusieurs. La possi-
restreinte : excision de lésions verruqueuses de petite taille,
bilité de multirésistance doit être évoquée en cas de traitement
reconstruction après une mutilation secondaire à un lupus
antituberculeux antérieur, surtout si celui-ci a été incomplet,
tuberculeux [2, 24].
en cas de contage avec des patients ayant des souches multi-
L'efficacité du traitement est jugée sur la cicatrisation des
résistantes ou en cas de séropositivité pour le VIH [24]. Dans
lésions cutanées et sur la prise de poids. La recherche d'effets
ces situations (résistance confirmée par un antibiogramme),
secondaires se fait cliniquement et biologiquement (surveil-
plusieurs antibiotiques sans AMM (Autorisation de mise sur
lance hépatique, rénale et uricémie) (tableau 24.3), le risque
le marché) pour cette indication ont été testés pour se subs-
d'hépatite cytolytique étant majoré par l'association isonia-
tituer aux antibiotiques classiques : quinolones (ofloxacine,
zide-rifampicine [2].
ciprofloxacine, voire sparfloxacine), aminosides (kanamy-
L'existence d'une éruption cutanée suggestive d'une toxi-
cine, amikacine), ansamycines et éthionamide [24].
dermie aux antibacillaires doit conduire à une enquête de
pharmacovigilance rigoureuse afin de déterminer la drogue
responsable, sinon à une réintroduction progressive de chaque
INDICATIONS médicament seul par paliers espacés de 3 à 4 jours [24].
Avant de démarrer le traitement antituberculeux qui est relati-
vement lourd et contraignant, il est recommandé de :
n recueillir le maximum d'arguments histologiques, immuno- MESURES ADJUVANTES
logiques et épidémiologiques permettant de retenir l'origine Certaines mesures adjuvantes sont indispensables, notam-
tuberculeuse ; ment la notification des cas de TC et le dépistage de tubercu-
n s'acharner à recueillir une preuve bactériologique, rarement lose pulmonaire dans l'entourage familial. Il est recommandé
présente avec les méthodes usuelles ; d'assurer une prise en charge conjointe avec les services de
n rechercher la présence d'une localisation tuberculeuse pneumologie [1, 2, 25]. Dans certains pays du Maghreb, les
extracutanée, associée dans 20 à 30 % des cas ; malades sont adressés au médecin du centre de lutte antitu-
berculeuse [5, 7]. En effet, dans cette affection chronique
Les modalités thérapeutiques sont les suivantes : où l'observance risque de ne pas être suffisante (avec possi-
n tuberculose cutanée vraie sans foyer extra-cutané chez l'im- bilité de résistance ultérieure), le contrôle direct de la prise
munocompétent : un traitement court de 6 mois est préco- médicamenteuse augmente les taux d'efficacité du traitement
nisé [24] ; [4, 5, 7].
n tuberculose cutanée associée à un ou plusieurs foyers vis-
s'expliquer par l'immunodépression liée aux infections rétro- Les aspects cliniques étant disparates, la biopsie cuta-
virales, aux néoplasies et aux transplantations d'organes, par née est recommandée devant toute lésion cutanée chronique
la résistance croissante aux antituberculeux et par le relâche- et traînante notamment en zone d'endémie, afin d'asseoir le
ment des campagnes de lutte contre la tuberculose. diagnostic.
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116
Mycobactérioses atypiques 25
ou environnementales
Mourad Mokni
Groupe II Scotochromogènes (pigmentation même en l'absence de lumière) à croissance lente Mycobacterium scrofulaceum
(> 7 jours) Mycobacterium szulgai
Mycobacterium gordonae
Groupe III Non chromogènes à croissance lente (> 7 jours) Mycobacterium avium intracellulare
Mycobacterium ulcerans
FORMES ENVIRONNEMENTALES
CLINIQUE
Elles réalisent deux tableaux cliniques évocateurs :
Les lésions élémentaires rencontrées sont polymorphes : n la forme tropicale endémique ou ulcère dit « de Buruli ».
nodules, papules, pustules, abcès, ulcères, placards plus ou Cette affection, due à M. ulcerans, tient son nom de la
moins profonds (figures 25.1 à 25.3). Ces lésions peuvent être particulière fréquence avec laquelle elle a été décrite
uniques ou multiples, localisées à un membre ou disséminées dans la région de Buruli en Ouganda. L'affection est
[2]. On peut distinguer plusieurs formes épidémio-cliniques. endémique dans plusieurs zones tropicales humides
d'Afrique centrale et occidentale. Elle réalise une perte
de substance de dimension variable à bords irréguliers
et décollés au-delà des berges visibles. L'ulcération peut
être géante, térébrante, provoquant des destructions des
structures musculaires et ostéoarticulaires sous-jacentes
(cf. chapitre 26) ;
n les formes aquatiques : granulomes des piscines et mala-
FORMES OPPORTUNISTES
Figure 25.1. Lésions nodulaires à M. chelonae de la jambe Chez l'immunodéprimé, la présentation clinique est plus
chez un patient immunodéprimé sous corticothérapie. sévère, avec une fréquence plus importante des formes abcé-
Collection Pascal del Giudice. dées ou ulcérées et des lésions multiples [2]. Une adénopathie
satellite peut être palpée. Une extension profonde par conti-
guïté peut être associée : arthrite, ténosynovite (notamment au
niveau digital, où elle est plus fréquente que l'arthrite), ostéite.
Des atteintes viscérales, notamment pulmonaires ou du sys-
tème nerveux central sont possibles, essentiellement chez
l'immunodéprimé. L'intradermoréaction à la tuberculine est
en règle positive, ce qui ne doit pas égarer le diagnostic vers
une tuberculose.
INFECTIONS IATROGÈNES
Alors que les mycobactérioses atypiques cutanées survenant
sous corticothérapie générale ou sous immunosuppresseurs
sont « classiques », des publications récentes rapportent aussi
des cas survenant sous agent anti-TNF-α [1, 3, 4]. La majorité
Figure 25.2. Lésions nodulaires et ulcérées à M. chelonae de ces cas sont causés par M. marinum, mais d'autres germes
chez un patient immunodéprimé sous corticothérapie. peuvent être impliqués : M. chelonae, M. mucogenicum,
118 Collection Nicolas Dupin. M. abscessus.
Mycobactérioses atypiques ou environnementales 25
Figure 25.3. Patient non immunodéprimé ayant présenté une mycobactériose à M. chelonae après une cure de « spa ».
Collection Vincent Descamps.
RÉFÉRENCES
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120
Infection 26
à Mycobacterium ulcerans
ou ulcère de Buruli
Jean-Jacques Morand
121
Dermatologie infectieuse
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26 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
Mycobacterium ulcerans sont capables de transmettre l'infec- IL-2, IL-10, IL-8, etc.). En outre MU produit un biofilm parti-
tion à la souris. Chez des souris préalablement immunisées culier constitué d'une matrice extracellulaire abondante, com-
par des extraits de glandes salivaires de Naucoris ou exposées portant plus de 80 protéines dont la mycolactone, disposées
à la piqûre de punaises aquatiques saines, le développement dans des vésicules très cytotoxiques notamment contre les
de lésions cutanées serait exceptionnel. De plus les sujets pré- macrophages et les adipocytes, peu immunogènes, et confé-
sentant des lésions à M. ulcerans auraient un taux d'anticorps rant une résistance importante aux antibiotiques. La myco-
reconnaissant les constituants du suc salivaire des punaises bactérie se développe idéalement entre 30 et 33 °C, ce qui
inférieur à celui de sujets sains exposés aux piqûres de ces explique son tropisme pour la peau.
insectes. On peut interpréter cela soit comme un effet protec-
teur, immunisant de la salive de punaises : c'est ce qui expli-
querait que des pêcheurs exposés fréquemment à ces piqûres CLINIQUE
ne seraient pas plus touchés par la maladie, soit a contrario
comme le résultat d'une anomalie initiale de l'immunité ou L'incubation de la maladie serait lente, de l'ordre de plusieurs
secondaire (effet de la mycolactone) facilitant la maladie et se mois, variable selon le mode de contamination et l'immunité.
traduisant par moins d'anticorps. Le tableau clinique évolue, sans fièvre et avec conservation de
Des mollusques d'eau douce, des poissons pourraient l'état général, en trois phases caractéristiques. Par fréquence
constituer un maillon de la chaîne épidémiologique. Plus décroissante, l'infection concerne les membres inférieurs, les
inquiétantes sont les études australiennes en faveur de la trans- membres supérieurs, le tronc et de façon exceptionnelle la
mission possible de la maladie par des moustiques (Aedes tête.
camptorhynchus) avec une corrélation forte entre la positivité La phase pré-ulcéreuse est caractérisée par une tuméfac-
de la PCR MU chez les insectes et la prévalence de la maladie tion sous-cutanée ferme, le plus souvent indolore et non
chez l'homme selon la zone prélevée. La relation pourrait être adhérente au plan profond. Cette tuméfaction peut se limi-
inverse, les moustiques prélevant MU chez des mammifères ter à un nodule typiquement non inflammatoire et volontiers
infestés. Ainsi une infection naturelle a été mise en évidence prurigineux, entouré d'un halo œdémateux, ou s'étendre en
chez le possum et le koala en Australie, l'alpaga au Pérou. une plaque ou un placard d'évolution fistulisée, voire diffu-
Mycobacterium ulcerans produit une exotoxine lipidique ser à l'ensemble d'un membre (figure 26.1). Au plan phy-
nécrosante. Ce polykétide de petite taille nommé mycolactone siopathologique cette phase correspond à la constitution de
possède des propriétés cytotoxiques, coagulantes et immuno- la nécrose hypodermique conséquence de la diffusion de
suppressives locales et systémiques. Les gènes codant pour Mycobacterium ulcerans et de sa toxine le long des travées
les enzymes responsables de sa synthèse sont contenus dans conjonctivovasculaires interlobulaires. Dans un délai très
un plasmide dont l'acquisition pourrait fournir une explica- variable de quelques jours à quelques mois ou même plu-
tion à l'émergence de la maladie. MU partage avec d'autres la sieurs années, on voit apparaître à la surface de cette infil-
capacité de produire cette enzyme. Le séquençage de la tota- tration une zone phlycténulaire, pustuleuse ou nécrotique ou
lité du génome de MU a été réalisé en 2007. La comparaison bien les tissus se désagrègent en une fonte purulente souvent
des génomes des mycobactéries productrices de mycolactone impressionnante (figure 26.2).
fait présumer un ancêtre commun de type Mycobacterium La phase ulcéreuse est annoncée par l'élimination du spha-
marinum. La forme « classique » d'IMU serait observée en cèle cutané qui laisse place à un ulcère profond atteignant
Afrique de l'ouest et en Australie où MU produirait respecti- l'aponévrose plus ou moins étendu. La caractéristique de cet
vement la mycolactone A/B et C. La forme ancestrale corres- ulcère réside dans l'aspect décollé des bords (figure 26.3),
pondrait aux IMU rencontrées au Japon (M. shinshuense), en comme c'est le cas pour la plupart des ulcérations à mycobacté-
Guyane et en Chine où elle se caractériserait par la production
de mycolactone D. M. liflandii et M. pseudoshottsii ainsi que
certaines souches de M. marinum produiraient des mycolac-
tones E et F.
PHYSIOPATHOLOGIE
Elle est très complexe et comme toute infection à mycobacté-
rie, elle dépend avant tout de l'immunité de l'hôte génétique-
ment programmée et acquise et de la pathogénicité de l'agent
infectieux, les formes africaines sécrétant la mycolactone A/B
semblent les plus agressives. Il semble qu'il existe de nom-
breux sujets infestés qui demeurent asymptomatiques. À l'oc-
casion d'une baisse de l'immunité, la maladie va s'exprimer et
son intensité notamment l'extension osseuse sera fonction des
capacités de défense de l'hôte. La mycolactone entraîne l'apop-
tose puis la nécrose des cellules de l'hypoderme et de cellules
de l'inflammation dont les macrophages. Les cytokines qui
interviennent dans le processus d'activation de l'immunité Figure 26.1. Placard cellulitique évocateur d'infection à
122 cellulaire sont inhibées (TNF-alpha, interféron gamma, IL-1, Mycobacterium ulcerans.
INFECTION À MYCOBACTERIUM ULCERANS OU ULCÈRE DE BURULI 26
tion de la maladie lors de sida, notamment concernant l'atteinte
osseuse, ce que semblent confirmer d'autres études.
L'évolution spontanée des ulcérations est rarement favo-
rable même si l'on peut observer une épidermisation démar-
rant à partir des bords et un bourgeonnement parfois exubérant
de l'ulcère aboutissant à une cicatrisation apparente alors que
le germe est toujours présent dans l'hypoderme. Il peut exis-
ter des lésions infracliniques et des récidives comportant
volontiers une ostéite et une polyfistulisation. La coexistence
de lésions contiguës d'âge différent confère à ces lésions un
aspect bigarré assez caractéristique. L'impotence fonction-
nelle engendrée par les ulcères périarticulaires et la rétraction
des cicatrices conduisent à des séquelles à type d'ankylose et
de blocage en position vicieuse.
ecthyma à streptocoque ou à staphylocoque d'évolution creu- d'ototoxicité et de néphrotoxicité) et une efficacité optimales
sante, ulcérations traumatiques surinfectées notamment à (bactéricidie) : les associations rifadine-clarithromycine ou
germes pyocyaniques, troubles trophiques neuropathiques rifapentine-moxifloxacine semblent prometteuses.
(mal perforant lépreux ou diabétique notamment), infections Partant de l'hypothèse que l'inefficacité du traitement anti-
parasitaires (leishmaniose) ou fongiques, ulcères vasculaires. biotique était souvent liée à l'absence de diffusion dans les
Mais considérant l'habituel jeune âge des malades, la chro- tissus infectés et nécrosés notamment du fait de phénomènes
nicité des lésions, ce sont surtout l'ulcère phagédénique et sa surajoutés de thrombose vasculaire, l'adjonction d'héparine
complication majeure que constitue le carcinome sur cicatrice de bas poids moléculaire (énoxaparine 20 à 40 mg × 2/jour
qui doivent être évoqués. en injection sous-cutanée durant 2 mois) a été proposée. La
En cas d'ostéite, de plus en plus fréquemment décrite, la thermothérapie à 40 °C pourrait s'avérer utile selon certains
tuberculose, les ostéites chroniques à pyogènes ou à salmo- auteurs. La vaccination BCG, et plus récemment un vaccin
nelles compliquant notamment la drépanocytose, les mycé- comportant l'antigène 85A diminuerait le risque de contracter
tomes doivent être discutés. Contrairement à ces affections, un UB mais surtout de développer une atteinte osseuse.
l'IMU ne concerne que les os longs des membres, jamais les L'excision-greffe des tissus infectés et nécrosés règle le
os du crâne, les vertèbres, les côtes, le sternum ou le bassin. problème de diffusion des antibiotiques et est couramment
pratiquée. Cependant, les marges de résection demeurent
empiriques et ne mettent pas à l'abri d'échecs ou de récidives
TRAITEMENT en l'absence d'antibiothérapie efficace. De plus, les excisions
larges sacrifient des téguments encore viables, et mettent à
Les buts du traitement sont de stériliser le foyer microbien, nu de vastes surfaces dont la réparation pose un problème
d'assurer la réparation tissulaire dans les meilleurs délais, et technique délicat dans les pays où les moyens chirurgicaux
de limiter ou corriger les complications fonctionnelles ; la et anesthésiques sont limités, rendant difficiles des greffes en
prise en charge de l'infection à Mycobacterium ulcerans est résille ou des lambeaux pédiculés. C'est pourquoi certains pré-
donc à la fois médicale, chirurgicale et physiothérapique. conisent, après la détersion et un parage limité, des greffes en
Le meilleur schéma antibiotique reste à définir, car si îlots sous anesthésie locale. Dans les formes nodulaires débu-
Mycobacterium ulcerans est sensible in vitro à de nom- tantes l'excision chirurgicale peut néanmoins constituer un
breux antibiotiques, les résultats in vivo demeurent incertains. traitement radical. Dans les formes graves et les ostéomyélites,
L'inoculation expérimentale à la souris permet l'étude de la l'amputation est parfois nécessaire. La kinésithérapie active
sensibilité aux antibiotiques et contribue à mieux comprendre et passive, visant à mobiliser les articulations concernées par
la pathogénie de l'affection. le processus, doit être aussi précoce que possible pour éviter
En présence de cette infection mycobactérienne, une bianti- les complications invalidantes nécessitant alors le recours à la
biothérapie paraît être le minimum pour éviter l'émergence de chirurgie orthopédique correctrice (plâtre ou attelle, mobili-
résistances, et pour une durée qui ne semble pas devoir être infé- sation sous anesthésie générale, résection de brides, ténolyse,
rieure à 2 mois : l'association streptomycine-rifampicine a été la ténotomie, désinsertion musculotendineuse).
première efficace ; remplacée par amikacine-rifampicine en rai- La prévention des infirmités repose sur une sensibilisa-
son de l'ototoxicité de la streptomycine. Les protocoles étaient tion des acteurs de santé au diagnostic et à la prise en charge
variés, comportant uniquement une antibiothérapie dans les précoces des formes débutantes notamment nodulaires.
formes débutantes non ulcérées de petite taille (< 5 cm), se com- L'éducation sanitaire doit mettre en garde les populations
binant à la chirurgie dans les formes évoluées, après 4 semaines rurales du risque de contamination par le milieu hydrotellu-
d'antibiothérapie en deçà de 15 cm de diamètre, après 1 à rique lors de la fréquentation des points d'eau. La limitation de
2 semaines au-delà, avec un total de 8 semaines de traitement l'extension de l'endémie passe par une réflexion sur les consé-
minimum. Le protocole rifampicine (10 mg/kg/jour) + ofloxa- quences des aménagements hydrauliques. Devant le problème
cine (environ 7 mg/kg/jour) durant 2 à 6 mois a également été de santé publique que représente cette maladie émergente,
utilisé avec succès. Actuellement on recherche sur le terrain des l'OMS a créé en 1998 un groupe d'experts pour coordonner
antibiothérapies combinant une disponibilité (coût acceptable), les recherches et les mesures de contrôle (Global Buruli Ulcer
une faisabilité (pas d'injection intraveineuse), une tolérance (pas Initiative).
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Georges-Yves de Carsalade, Antoine Mahé
Lèpre 27
Dermatologie infectieuse
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par l'Éthiopie, le Nigeria et la Tanzanie qui avaient notifié secondaire. La pénétration par voie digestive a été exception-
2 000 à 4 500 nouveaux cas par an jusqu'en 2010. nellement décrite (après ingestion de tatou infecté). La trans-
L'Inde et le Brésil ont enregistré une baisse très lente depuis mission via des insectes vecteurs, bien que théoriquement
2006 et 2007. L'Indonésie, après un plateau constaté depuis possible (survie du bacille dans le tube digestif des culex et
2006, a enregistré une nette augmentation en 2011. Ces trois punaises pendant 4 à 5 jours), n'a jamais été prouvée, et l'épi-
pays ont représenté à eux seuls 83 % du nombre de nouveaux démiologie de la maladie n'est pas en faveur d'une transmis-
cas dépistés en 2011. sion significative par un arthropode.
Bien qu'il n'existe pas de statistique fiable pour l'Europe, La plupart des malades se contamineraient dans l'enfance.
quelques cas y sont dépistés chaque année. La France n'est pas Bien que, classiquement, un contact prolongé et étroit avec
totalement indemne de cette pathologie avec environ 20 nou- un patient bacillifère semble nécessaire, il semble à l'heure
veaux cas par an en métropole [1], et deux foyers encore très actuelle bien démontré qu'un contact beaucoup plus bref suf-
actifs outre-mer : principalement Mayotte (environ 50 nouveaux fise, à condition que le patient soit réceptif.
cas par an) et la Guyane Française (environ 15 par an) [2]. L'incubation est longue, de 3 à 5 ans pour les formes pauci-
En 2011, le taux mondial de nouveaux cas présentant une bacillaires, et 7 à 11 ans pour les formes multibacillaires. Des
incapacité de degré 2 pour 100 000 habitants (présence d'une délais beaucoup plus courts ou beaucoup plus longs (20 ans,
déformation ou d'une ulcération, amputation, raideur ou raccour- voire 30 ans) ont été rapportés. À l'inverse de la tuberculose –
cissement) était de 0,23, soit 12 225 cas. Il est à noter que ce taux autre mycobactériose – l'épidémie de VIH n'a pas eu
présente une très grande disparité entre pays dans une même d'influence visible sur la diffusion de la maladie de Hansen.
région. En 2012, le taux de nouveaux cas de lèpre multibacil-
laires variait de 91 % aux Philippines à 33 % en Équateur. La
proportion de femmes parmi les nouveaux cas variait en 2011 de BACTÉRIOLOGIE
28 à 57 %, suivant les pays. Celle d'enfants de moins de 15 ans
en 2011 variait de 39 % aux îles Marshall à 0,59 % en Argentine. Le bacille de Hansen (BH) est une mycobactérie. Depuis 2008,
l'espèce est divisée en deux sous-espèces : M. leprae, l'espèce
principale, et M. lepromatosis, sous-espèce n'existant apparem-
TRANSMISSION DE LA MALADIE [3, 4] ment qu'au Mexique et dans les Caraïbes et donnant un tableau
En 2013, il reste encore de nombreuses inconnues sur la dissé- clinique différent individualisé depuis longtemps : la lèpre de
mination et la pénétration dans l'organisme de Mycobacterium Lucio-Latapi. En microscopie optique, les bacilles sont indif-
leprae. L'homme est le seul réservoir en pratique, bien qu'une férenciables, seul leur génome diffère partiellement [5].
épizootie chez le tatou en Louisiane aux États-Unis soit bien Le BH est un bacille acido-alcoolo-résistant. Il est coloré en
documentée et que quelques cas sporadiques chez des grands rouge par la coloration de Ziehl-Neelsen. Avec cette colora-
singes aient été rapportés. La contamination semble due essen- tion, le BH apparaît comme un bâtonnet aux extrémités arron-
tiellement aux formes multibacillaires. La voie de dissémi- dies de 1 à 8 μm de long, sur 0,3 μm de large. Une coloration
nation la plus importante est la voie aérienne, via une rhinite homogène correspond à un bacille viable, tandis qu'une colo-
chronique que présentent les patients les plus bacillifères. Un ration granuleuse ou irrégulière témoigne d'un bacille en voie
patient multibacillaire peut ainsi disséminer de 104 à 107 bacil de dégénérescence, en principe non infectant. Sur le frottis
les/jour via ses sécrétions nasales. Les lésions cutanées spéci- de suc dermique ou sur une coupe histologique, M. leprae
fiques ne sont pas contagieuses (sauf les rares lésions ulcérées). apparaît soit isolé, soit regroupé en amas dit « globi » dans
Les maux perforants plantaires étant des lésions neurotro- les formes multibacillaires. Le pourcentage de formes homo-
phiques ne contiennent pas de bacille de Hansen. La présence gènes par rapport au nombre total de bacilles permet de cal-
abondante de M. leprae dans le lait de femme multibacillaire culer l'index morphologique, qui a un certain intérêt dans le
est bien documentée, et si la mère n'était pas traitée cela serait suivi des patients.
potentiellement une source de contamination. Bien que dans Le BH nécessite un parasitisme intracellulaire strict : on
le sperme de patient lépromateux le bacille de Hansen ait été le retrouve dans les macrophages et les cellules du système
retrouvé, la contamination conjugale est rare, ce qui permet nerveux périphérique, plus particulièrement les cellules de
de penser que la transmission sexuelle est négligeable voire Schwann. Son temps de division est extrêmement lent, de
inexistante. La présence de bacilles dans les selles et les urines 13 à 20 jours (pour mémoire, M. tuberculosis, déjà considéré
de patients multibacillaires a été aussi constatée, mais ceux-ci comme lent, se divise en 20 heures). Ce temps de division
ne semblent pas jouer un rôle dans la transmission de la mala- explique notamment la durée d'incubation longue de la mala-
die. Enfin, le bacille de Hansen peut survivre dans des muco- die (3 à 11 ans), la progression très lente des lésions cuta-
sités nasales desséchées 1 à 2 jours, voire une semaine. De nées et neurologiques (plusieurs mois à années) en dehors
nombreuses études ont souligné la présence de bacille dans des réactions de réversion, la durée longue des traitements
l'environnement des patients, mais son interprétation épidémio- (6 ou 24 mois), et également la durée extrêmement longue qui
logique reste incertaine. sépare la guérison d'un patient et les rares rechutes constatées
La contamination par voie aérienne via un aérolisat des (souvent plus de 10 ans). Ce dernier fait illustre par ailleurs
sécrétions nasales ou salivaires semble être la voie de péné- la difficulté à valider de nouveaux protocoles de traitement.
tration principale chez le sujet récepteur. La muqueuse nasale La température optimale de division du bacille se situe entre
serait la porte d'entrée principale. La pénétration par voie pul- 27 et 30 °C. Cela explique son tropisme pour les zones cuta-
monaire, bien que suspectée par analogie avec la tuberculose, nées froides (oreilles, face, mains), ainsi que pour les nerfs
ne semble pas devoir être retenue, aucune lésion lépreuse pul- périphériques ayant un trajet superficiel (cubital/ulnaire, scia-
monaire n'ayant jamais été décrite. La voie percutanée via tique poplité externe, tibial postérieur, plexus cervical super-
126 une peau lésée représente la deuxième voie, bien que très
ficiel, sus-orbitaire, facial, médian et radial).
Lèpre 27
Le BH ne se cultive pas in vitro. Le seul moyen de le cultiver
est l'inoculation au tatou ou au coussinet plantaire de la souris. CLASSIFICATIONS
La seule technique pour tester la sensibilité aux antibacillaires
La lèpre est une maladie à spectre, et toutes les classifications
était l'inoculation d'un prélèvement dans le coussinet plantaire
prennent en compte cette spécificité. En fonction de l'immu-
de souris, en comparant la multiplication chez des souris trai-
nité du patient vis-à-vis du bacille, le malade se trouve à un
tées par antibiotiques pendant 7 à 12 mois avec des souris non
endroit plus ou moins bien caractérisé du spectre. En fonction
traitées témoins. Récemment, le séquençage du génome de
de l'évolution de la maladie, de celle de l'immunité ou de sa
M. leprae a permis d'identifier les mutations de gènes respon-
charge bacillaire, le patient peut changer de situation le long
sables de l'apparition de résistances aux antibiotiques : mutation
du spectre de la maladie.
du gène rpoB pour la rifampicine, du gène gyrA pour la résis-
tance à l'ofloxacine, et du gène folP1 pour la dapsone [6]. La
détermination de la résistance par cette technique est parfaite-
CLASSIFICATION DE RIDLEY ET JOPLING
ment fiable, et infiniment plus rapide que la technique classique. Cette classification qui date de 1962 reste la plus aboutie et, à
Afin de favoriser la diffusion de cette technique, un test d'hybri- notre avis, la plus pertinente d'un point de vue clinique et pro-
dation sur bandelette de nitrocellulose a été commercialisé. nostique. Elle permet de prévoir, dans une certaine mesure,
le risque de réactions lépreuses, et ainsi de sensibiliser les
patients sur ces complications qui font toute la gravité de la
PHYSIOPATHOLOGIE maladie. Cette classification prend en compte la bactériolo-
gie, l'histologie et la clinique (tableau 27.1). En 1966, elle a
Depuis très longtemps, une susceptibilité génétique est forte- été légèrement modifiée avec l'introduction de la lèpre lépro-
ment suspectée en raison, entre autres, de la diversité de l'évo- mateuse subpolaire correspondant à des patients ayant un
lution clinique d'une même maladie suivant un spectre allant phénotype LL mais susceptibles de présenter des réactions de
des formes tuberculoïdes aux formes lépromateuses, ainsi que réversion, ainsi que de deux formes cliniques indéterminées
des agrégats familiaux de cas voisins. Les récentes découvertes « pré-T » et « pré-L » (TI et LI).
moléculaires ont par ailleurs montré que le génome du bacille Dans le reste de ce chapitre, nous considérerons comme
de Hansen était pratiquement invariant, et de plus aucune diffé- « tuberculoïdes » les patients porteurs d'une lèpre TT ou BT, et
rence de virulence entre des souches n'a été trouvée. En parti- comme « lépromateux » ceux atteints d'une lèpre BB, BL ou LL.
culier, le contrôle génétique semble intervenir à deux niveaux :
le passage de l'exposition à l'infection par M. leprae (environ CLASSIFICATION DE L'OMS
5 % de la population serait susceptible de développer une lèpre Dans un souci de simplification (difficulté d'accès à l'his-
en cas de contact), et le type de lèpre développé après infection. tologie dans les pays en voie de développement) et dans un
Le support génétique précis est encore débattu, mais il semble but opérationnel (quels patients nécessitent une bithérapie
que les récepteurs de type Toll [7] gouvernent le type de lèpre ou une trithérapie ?), l'OMS a proposé de classer les patients
développé, et que la susceptibilité à développer une lèpre après en deux formes uniquement sur le résultat de l'examen bac-
un contact avec la bactérie dépend de plusieurs autres gènes tériologique du frottis : formes « paucibacillaires » et formes
(PARK2/PACGR, LTA, etc.) [8]. « multibacillaires ». Les critères de classification de ces deux
Dans la lèpre tuberculoïde TT, l'immunité est de bonne qualité formes ont plusieurs fois changé. En 1982, étaient considé-
ainsi que le montre la formation de granulome lymphocytaire T rés comme paucibacillaires les patients ayant un IB (index
dans les lésions. On retrouve au sein des granulomes des lym- bacillaire) inférieur à 2+, et les autres multibacillaires ; à par-
phocytes T1, avec production de cytokine pro-inflammatoire. tir de 1988, le patient était classé multibacillaire sur la seule
Dans la lèpre lépromateuse LL, l'immunité cellulaire est totale- présence de bacille(s), indépendamment de leur quantité. Les
ment défaillante comme le montre la multiplication majeure du caractéristiques de ces deux formes, et en particulier leur rela-
bacille dans les lésions sans réaction inflammatoire. La réponse tion avec les formes cliniques tuberculoïdes et lépromateuses,
lymphocytaire est ici faite de lymphocytes T2, avec production sont détaillées dans le tableau 27.2.
de cytokines anti-inflammatoires. Dans les formes intermé- En 1998, l'OMS a réintroduit la primauté de la clinique en
diaires dites « borderlines », l'immunité est intermédiaire et se supprimant toute référence à la bactériologie, jugeant que sur
modifie au cours des réactions de réversion qui sont en fin de le terrain, en pays d'endémie, les frottis sont peu fiables [9].
compte de réels syndromes de restauration immunitaire, sponta- Trois formes ont été définies, chacune correspondant à une
nés ou favorisés par la diminution de la charge bacillaire due au modalité de traitement : lèpre à lésion cutanée unique (traite-
traitement antibacillaire. Les formes polaires (TT et LL) ne font ment minute), lèpre paucibacillaire avec 2 à 5 lésions cutanées
jamais de réaction de réversion car dans un cas l'immunité est et au maximum un nerf atteint (bithérapie pendant 6 mois),
maximale, et dans l'autre la défaillance est complète. lèpre multibacillaire avec plus de 5 lésions cutanées ou d'un
Pour mémoire, la réaction de Mitsuda (in vivo) et la réponse nerf atteint (trithérapie pendant 12 mois).
proliférative des lymphocytes (in vitro) permettent d'explorer
l'immunité cellulaire vis-à-vis du Bacille de Hansen, même si
la première n'est plus pratiquée, et l'autre confidentielle. CLINIQUE
Les déficits immunitaires congénitaux ou acquis (sida,
chimiothérapie, etc.) ne semblent avoir aucune influence, ou D'une façon générale et pédagogique, l'association d'une atteinte
seulement marginale, sur l'épidémiologie et les manifestations cutanée et d'une atteinte neurologique (la première atteinte neu-
cliniques de la lèpre, en dehors d'une plus grande fréquence rologique étant l'hypoesthésie d'une lésion cutanée) est très évo-
de névrites et des réactions chez les patients co-infectés par catrice du diagnostic de lèpre. Au niveau de la peau, la maladie de
le VIH et le BH. Hansen entraîne une hypochromie et/ou un érythème ; sur peau 127
27 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
TT BT BB BL LL
Bordure Nette et en relief Nette et en relief Bords flous à l'extérieur, Mal définie Mal définie
nets à l'intérieur
Atteinte des gros Peu fréquente, Fréquente, Oui, surtout si réaction Oui, surtout si réaction Symétrique
troncs nerveux asymétrique asymétrique de réversion de réversion
Histologie Infiltrat lymphocytaire, Idem TT, mais Infiltrat épithélioïde Macrophages Bande de Unna,
granulome épithélioïde respect de la zone pauvre en lymphocytes spumeux, filets macrophages
sous-épidermique sous-épidermique nerveux infiltrés non spumeux, bacilles
et profond détruits, bande de en globi
Unna
Risque d'ENL – – – + ++
Risque de réaction – + ++ ++ –
de réversion
TT : tuberculoïde tuberculoïde ; BT : borderline tuberculoïde ; BB : borderline borderline ; BL : borderline lépromateux ; LL : lépromateux lépromateux.
Figure 27.3. Repigmentation centrale d'une lésion de lèpre Figure 27.4. Lèpre borderline tuberculoïde chez un patient
tuberculoïde. à peau claire.
129
27 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
Les antibiotiques utilisés ne sont pas contre-indiqués pen- Il ne faut pas oublier que la PCT détruit les bacilles, mais que
dant la grossesse ni l'allaitement, ou durant une contraception c'est le système macrophagique qui les éliminera en plusieurs
(la dose mensuelle de rifampicine est insuffisante pour entraî- années. Il est admis, et vérifié, que l'IB va donc continuer
ner une interaction avec la pilule, ce qui n'est pas le cas avec une à décroître, à la même vitesse, après la mise en EOST. Un
prise quotidienne). Le traitement est globalement bien toléré. Il patient ayant un IB à 5+ initialement mettra donc au moins
faut garder à l'esprit que les effets secondaires des antibiotiques 5 ans (dont 3 ans en EOST) à se négativer (s'il n'y a pas d'état
sont assez rares (0,5 % des patients traités), alors que les réac- réactionnel intercurrent).
tions de réversion (20 % des patients interpolaires) et l'ENL Après la fin de la PCT, il est fondamental de maintenir un
(5 % des patients lépromateux) sont nettement plus fréquents. suivi au moins annuel pendant 5 ans pour les formes tuber-
La polychimiothérapie favorise les réactions de réversion. culoïdes, 10 ans pour les formes lépromateuses. Un contrôle
En revanche, l'ENL est devenu moins fréquent, sans doute en annuel de l'IB est utile pour s'assurer de sa décroissance progres-
raison de la prise systématique de clofazimine (effet préven- sive. La sensibilisation régulière des patients au risque de réac-
tif). Pour cette raison, de nombreuses équipes dans les pays tion de réversion tardive ou, plus rarement, d'ENL post-PCT,
développés utilisent d'emblée la clofazimine à la posologie de toutes complications sources d'invalidité si prises en charge
100 mg/jour, très bien supportée au long cours. avec retard, est fondamentale. L'apparition progressive de nou-
À côté de ce protocole le mieux validé est apparu en 1997, à velles lésions cutanées, ou l'ascension de plus de 2+ de l'index
l'initiative de l'OMS, un traitement dit « minute », initialement bacillaire, permet de porter le diagnostic de rechute qui, en pra-
prévu pour les formes à lésion unique sans atteinte neurolo- tique, est très rare voire exceptionnelle pour les formes tuber-
gique ; ce traitement comporte une dose unique de rifampicine culoïdes, et de l'ordre de 1 % des cas chez les multibacillaires.
(600 mg), d'ofloxacine (400 mg) et de minocycline (100 mg)
(ROM). Secondairement, il a été proposé en traitement mensuel
comme alternative à la PCT pour les patients non compliants, TRAITEMENT DES RÉACTIONS
ou présentant des contre-indications aux autres antihanséniens. Traitement des réactions de réversion
Une revue récente de la littérature confirme toutefois l'infério- La réaction de réversion nécessite une mise rapide sous trai-
rité d'une dose unique de ROM versus une PCT de 6 mois [14]. tement anti-inflammatoire afin d'éviter des séquelles neurolo-
Un ROM donné mensuellement pendant 6 mois semble en giques définitives. En aucun cas, il ne faut arrêter le traitement
revanche une alternative possible pour les patients paucibacil- antibacillaire. En l'absence de signes neurologiques ou si ceux-
laires. Un ROM donné mensuellement à un patient multibacil- ci sont très modérés, l'aspirine (2 à 3 g/jour) peut être suffi-
laire entraîne une diminution aussi rapide de l'index bacillaire sante, mais une surveillance étroite est impérative. S'il existe
qu'une polychimiothérapie classique, mais aucune évaluation une névrite douloureuse et/ou un déficit neurologique, la cor-
des rechutes à long terme n'existe pour ce protocole. ticothérapie générale s'impose. La dose initiale de 0,5 mg/kg/
L'association rifapentine – moxifloxacine – minocycline, jour de prednisone (Cortancyl) est généralement suffisante.
qui associe les trois médicaments les plus bactéricides vis-à-vis Elle doit être poursuivie pendant plusieurs mois (au minimum
de M. leprae, semble prometteuse mais reste expérimentale. 6 mois), à doses progressivement décroissantes pour éviter les
récidives. Une surveillance neurologique rapprochée s'impose
pour ajuster le traitement et surveiller sa tolérance. Très rare-
ÉVOLUTION DES LÉSIONS
ment dans notre expérience, une neurolyse chirurgicale peut
SOUS TRAITEMENT être indiquée si les troubles neurologiques déficitaires récents
Sous PCT, les lésions cutanées tuberculoïdes se désinfiltrent et/ou la douleur ne diminuent pas franchement après une
lentement. Souvent, la lésion est encore présente à la fin des semaine de corticothérapie. La mise au repos du nerf par immo-
6 mois de traitement, juste un peu désinfiltrée ; elle va toute- bilisation temporaire du membre est utile à visée antalgique.
fois continuer à régresser après la mise en observation sans
traitement (EOST) ; l'hypoanesthésie de la lésion persiste en Traitement de l'ENL
revanche le plus souvent définitivement.
Les macules des lèpres lépromateuses disparaissent en Classiquement, le thalidomide est le traitement de choix de
quelques mois, les lépromes en 6 mois à 2 ans en fonction de l'ENL ; son utilisation est cependant souvent problématique,
leur taille initiale, laissant une peau atrophiée cicatricielle en notamment chez la femme en âge de procréer, et comporte
regard. Si une réaction de réversion survient, les lésions cuta- de plus de nombreux effets secondaires (neuropathie, throm-
nées sont comme « fixées » par la réaction, et leur clairance boses, etc.). La posologie initiale en est de 300 à 400 mg/jour.
devient beaucoup plus longue. L'effet est spectaculaire, les lésions cutanées disparaissant en
Les lésions neurologiques secondaires aux états réactionnels moyenne en 7 jours. Dès que l'ENL est maîtrisé (en 3 à 5 jours),
régressent rapidement avec le traitement anti-réactionnel. En on diminue la posologie de 100 mg tous les 10 jours environ
revanche, les névrites silencieuses régressent beaucoup plus jusqu'à 100 mg, puis on diminue plus lentement pour une durée
lentement, et très incomplètement. Lorsqu'ils sont installés, les totale de traitement de 1 à 2 mois (sans dépasser 4 mois).
déficits moteurs sont le plus souvent insensibles au traitement. Les corticoïdes sont un traitement de deuxième intention.
Débutés à une posologie de 0,5 à 0,75 mg/kg/jour, ils font dis-
paraître les lésions en une vingtaine de jours. Dès que les signes
MISE EN OBSERVATION SANS TRAITEMENT généraux sont amendés, on diminue de 5 mg par 5 jours. Les
À la fin du traitement, si l'IB était positif initialement, il est anti-inflammatoires non stéroïdiens sont réservés aux formes
utile de le contrôler. Étant donné que la clairance de l'IB sous les plus bénignes. Une association corticoïde et thalidomide
traitement est de 0,6 à 1+ par an, il n'est pas rare qu'un patient est proposée dans les formes les plus sévères. Toutefois, dans
136 ayant un IB de plus de 2+ soit encore positif à la fin de la PCT. notre expérience ainsi que celle de plusieurs équipes, l'ENL
Lèpre 27
gagne à être traité en première intention par la pentoxifylline lysée) donne souvent de bons résultats, mais nécessite un
(400 mg × 3/jour) [15]. Ce médicament a, certes, une activité chirurgien spécialisé.
moins spectaculaire, mais bénéficie d'une tolérance au long
cours bien meilleure, ce qui est ici très important du fait d'une
forte tendance à récidiver ou à se chroniciser. La corticothéra- PRÉVENTION
pie générale est si possible à éviter en première intention, car
elle entraîne presque toujours une corticodépendance difficile La lèpre étant une maladie peu contagieuse, il n'y a aucun
à gérer. Par ailleurs, la clofazimine a également un effet anti- risque de contamination pour les soignants ; aucune précau-
réactionnel lent. À 100 mg/jour, elle a un effet préventif, alors tion particulière n'est donc à prendre. Étant donné la dispari-
qu'à une posologie de 200 à 300 mg/jour, elle est dotée d'un tion de tout risque contagieux moins d'un mois après le début
effet curatif en 4 à 6 semaines. Sa mauvaise tolérance diges- du traitement actuel à base de rifampicine, aucun isolement du
tive au long cours à ces doses en limite l'utilisation. patient n'est préconisé.
Quel que soit le traitement proposé, celui-ci doit être En revanche, il existe un risque de contagion antérieure
poursuivi plusieurs mois et arrêté très progressivement. Les chez les « sujets contacts » intradomiciliaires des patients
récidives d'ENL sont en effet fréquentes. La reprise du trai- lépromateux (les patients tuberculoïdes ne sont pas ou très peu
tement initial permet habituellement de juguler les nouvelles contagieux). Les enfants de moins de 15 ans sont le groupe le
poussées. plus à risque. Les conjoints ne sont que rarement contaminés.
On estime qu'environ 10 % des contacts intradomiciliaires en
pays d'endémie développeront une lèpre dans les 10 années
Traitement des névrites silencieuses suivantes. La lèpre restant en 2013 une maladie honteuse et
Lorsqu'elles surviennent au cours du traitement antibacillaire, une source réelle de rejet familial et social, un dépistage initial
une corticothérapie type « névrite réactionnelle » peut être ten- « agressif » de la famille tel qu'il était proposé autrefois nous
tée (« équivalent réactionnel » supposé). Pour les névrites silen- semble contre-productif. Dans notre expérience, nous inci-
cieuses découvertes lors de l'examen initial, il n'y a pas de tions plutôt le cas index à dépister lui-même dans sa famille
traitement spécifique. En cas de survenue d'un déficit après la fin (fonction valorisante) [16] ; secondairement, à la fin du traite-
du traitement, il faut se méfier du début d'une réaction de réver- ment, lorsque le patient est (et se sent) guéri, nous organisions
sion tardive, en sachant que les fibroses séquellaires évolutives un dépistage familial actif.
ne sont pas rares. L'efficacité de la corticothérapie sera alors un Aucune chimioprophylaxie de l'entourage n'est préconisée.
argument de poids pour distinguer ces deux éventualités. Le BCG protège partiellement (20 à 50 % des sujets vacci-
nés selon les études) contre la lèpre. Mais cet effet protecteur
existe surtout chez les enfants, et ne s'exerce a priori que vis-
Traitement des séquelles à-vis des formes tuberculoïdes.
Le mal perforant plantaire doit, globalement, être pris en D'un point de vue neurologique, seul la lèpre nerveuse
charge comme un mal perforant diabétique, avec des risques pure pose un problème diagnostique différentiel avec d'autres
infectieux (ostéite) et vasculaires toutefois moindres : mise en maladies neurologiques. En effet l'hypertrophie nerveuse bien
décharge, chaussage adapté, pansements non agressifs, déca- que très évocatrice de lèpre est décrite dans d'autres maladies
page prudent des callosités, etc. Pour certains, la neurolyse neurologiques rares : la névrite interstitielle hypertrophique
du nerf tibial postérieur pourrait aider à la cicatrisation. La familiale de Dejerine Sottas, l'amylose familiale portugaise.
chirurgie de propreté garde encore une place dans les atteintes La syringomyélie, bien que d'origine centrale, avec son syn-
sévères. La tarsorraphie est très utile en cas de lagophtalmie. drome anesthésique et l'amyotrophie des membres supérieurs
La chirurgie réparatrice (transposition tendineuse en cas de réalisant l'aspect de main de singe, peut faire aussi évoquer le
steppage du pied, ou pour rendre fonctionnelle une main para- diagnostic de lèpre nerveuse.
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Comparison of PCR-mediated amplification of DNA and the classical methods 100 : 32–5. 137
Tréponématoses 28
non vénériennes
Ciro Martins Gomes, Roger Pradinaud
Épidémiologie Cosmopolite Zones forestières, Climat sec et aride Zones forestières, chaudes
chaudes et humides et humides
Transmission Sexuelle et congénitale Contact cutané direct Contact cutané direct Contact cutané direct
Tranche d'âge Nouveau-nés à adultes Enfants de moins Enfants de moins Enfants de moins
en phase sexuelle active de 15 ans de 15 ans de 15 ans
139
Dermatologie infectieuse
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28 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
[5, 8]. Les études phylogénétiques montrent que les agents des pouvant être responsables d'érosions cutanées, comme la gale
tréponématoses présentent une origine commune, ce qui rend [1]. Le pian est lié à une mauvaise hygiène et touche principale-
leur différenciation plus difficile [5, 8]. ment les enfants de moins de 15 ans, plus vulnérables. Aucune
transmission congénitale n'a été observée [1, 6].
Comme dans la SV, les manifestations cliniques du pian se
ÉPIDÉMIOLOGIE produisent en phases précoce et tardive. On peut également
distinguer trois formes primaire, secondaire et tertiaire [6].
Le pian survient dans des zones forestières, chaudes et À la phase primaire (10 jours à 3 mois après l'infection), le
humides. Après les campagnes de traitement de masse chancre d'inoculation, propre, non induré, siège le plus sou-
menées par l'OMS dans les années 1950 et 1960, la quan- vent aux membres inférieurs et s'accompagne d'une adéno-
tité de nouveaux cas a régressé [1, 6, 9]. Dans les années pathie satellite ; il peut guérir avec une cicatrice achromique
1980, après la fin de ces campagnes, on a observé une nou- [6] ou se transformer après une propagation lymphatique ou
velle vague de cas en Afrique occidentale et centrale [6]. hématogène, en une lésion secondaire bourgeonnante entou-
Actuellement, la maladie est encore décrite dans des pays rée de petites tumeurs papillomateuses et végétantes, rouges,
comme le Cameroun, le Congo, le Togo, la Côte d'Ivoire et humides (pianome) (figure 28.1), diffuses, nombreuses
en particulier au Ghana, en Papouasie Nouvelle-Guinée et (maman-pian) [9].
aux Îles Salomon. Son incidence semble augmenter avec la L'atteinte muqueuse est rare [6, 9]. Aux paumes et plantes,
saison des pluies [9–11]. les lésions sont kératosiques et fissurées, douloureuses (pian
La syphilis endémique (le béjel) est décrite dans les pays crabe) (figures 28.2 et 28.3). Ces lésions sont riches en tré-
africains de climat sec et aride, surtout dans les communau- ponèmes. Des lésions plus tardives, polymorphes, sèches,
tés à faible niveau de développement économique et à condi- papuleuses, squameuses, circinées, coexistent ou se suc-
tions d'hygiène insuffisantes [1]. Elle a déjà été répandue en cèdent, pauvres en tréponèmes [6]. Il est commun d'avoir
Europe, au nord de l'Asie, dans les régions méditerranéennes des lésions périorificielles (bouche, anus). Cette phase peut
et en Afrique australe. Au cours des dernières années, elle s'accompagner de signes généraux : malaise, prostration et
semble être limitée à la péninsule arabique et dans les pays arthralgies.
situés au sud du Sahara [1]. Pendant la phase secondaire, on peut avoir aussi une
La pinta a été identifiée en Amérique centrale, aux périostite et une atteinte des cartilages osseux avec des dou-
Caraïbes et auprès des populations amazoniennes [12]. Les leurs intenses, en particulier à l'avant-bras, et une polydactylie
récents efforts pour son éradication et l'amélioration de la des mains et des pieds (figures 28.4 et 28.5) [6]. C'est la plus
qualité de vie dans certaines de ces populations ont modi- destructrice des tréponématoses endémiques (n'goundou, gan-
fié cette épidémiologie. Néanmoins, un système d'informa- gosa). Une résolution spontanée des lésions surtout cutanée
tion défaillant empêche une meilleure cartographie de ces est fréquente, mais des récidives sont décrites.
maladies. Après cette phase, le patient entre dans une phase de latence.
Au cours de la phase latente tardive, la maladie peut évoluer
vers la guérison spontanée en fonction de l'état nutritionnel et
CLINIQUE immunitaire du patient. En moyenne, 10 % des patients non trai-
tés peuvent évoluer vers la phase tertiaire. Leur atteinte survient
après 5 ans d'évolution et aboutit à des lésions permanentes et
PIAN déformantes. Cette phase se présente sous la forme de nodules
Le pian (yaws, bouba, framboesia, parangi, patek) est une nécrotiques et d'ostéites graves, accompagnés de la destruction
maladie infectieuse causée par T. pallidum subsp. pertenue [6]. des structures nasales [13]. La forme tertiaire n'aboutit pas en
La transmission de la maladie se fait par contact cutané direct. général à une insuffisance cardiovasculaire ou à des troubles
Elle est facilitée par des dermatoses préexistantes prurigineuses neurologiques, qui n'ont été décrits que rarement [6].
A B
Figure 28.1. Pianome du dos du pied (A) et multiples pianomes du dos (B).
140 B: collection Jean-Jacques Morand.
Tréponématoses non vénériennes 28
des premiers symptômes. Pendant cette étape, on retrouve qui évoluent vers une forme généralisée, prédominant aux
des gommes profondes de la peau et du nasopharynx pou- éminences osseuses. Une atrophie des plaques est fréquem-
vant entraîner des destructions altérant les fonctions des ment observée [1, 15].
voies respiratoires supérieures [1]. Les douleurs articulaires
et osseuses peuvent évoluer vers des altérations ostéoly-
tiques et des gommes osseuses [13].
DIAGNOSTIC
PINTA Le diagnostic des tréponématoses non vénériennes peut être
La pinta est causée par le T. pallidum variété carateum et elle difficile. Le critère épidémiologique est très important à consi-
a tendance à affecter les enfants de moins de 15 ans [12]. La dérer. Il s'agit de maladies qui surviennent dans différentes
transmission se fait par contact direct avec les lésions cuta- régions et auprès de populations distinctes. La transmission
n'est ni vénérienne ni congénitale. 141
nées infectées.
28 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
Le diagnostic clinique peut être facilité par l'histopatholo- La thérapie repose classiquement sur la pénicilline [1, 17].
gie et par l'utilisation de colorations spéciales. L'imprégnation Une dose unique par voie intramusculaire est généralement
argentique (Warthin-Starry) permet l'identification du tréponème suffisante pour le traitement des tréponématoses non véné-
[6]. L'examen direct au microscope à fond noir d'un frottis de la riennes. La dose recommandée est de 0,6 MUI de benza-
lésion permet de voir les structures hélicoïdales infectieuses [1]. thine-pénicilline en dose unique pour les moins de 10 ans et
Les examens sérologiques sont divisés en tréponémiques et de 1,2 MUI pour les plus de 10 ans [1]. Les traitements sont
non tréponémiques [16]. Les tests non tréponémiques VDRL identiques pour toutes les phases de la maladie.
et le test rapide de la réagine plasmatique (RPR) sont haute- La voie parentérale peut être considérée comme coûteuse
ment sensibles, mais présentent un nombre considérable de faux pour une politique d'éradication de masse [6, 18]. Des études
positifs (autres pathologies comme la lèpre et les maladies sys- randomisées ont montré qu'une seule dose d'azithromycine
témiques). Les tests tréponémiques sont spécifiques aux trépo- comparée au traitement classique avec pénicilline a été effi-
nématoses. Il s'agit du Treponema Pallidum Hemagglutination cace dans des cas de pian [19].
Assay (TPHA), du Fluorescent Treponemal Antibody Absorption L'OMS a élaboré de nouvelles campagnes de traitement
(FTA-Abs) et de l'épreuve immunoenzymatique. Ces tests ont pour éradiquer les TNV [17]. Cela pourrait être la première
un plus faible nombre de faux positifs que les tests non tréponé- situation d'éradication de maladies infectieuses avec des anti-
miques et sont très utiles pour confirmer le diagnostic. biotiques. La dose recommandée est de 30 mg/kg en dose
Les profils sérologiques des TNV sont comparables à ceux unique avec un maximum de 2 g [19].
de la SV pendant les phases évolutives et après le contrôle thé- Des médicaments tels que la tétracycline, l'érythromycine
rapeutique. Cette similitude rend particulièrement difficile la et la doxycycline ont été proposés comme des traitements
différenciation des formes latentes. potentiels. Les doses recommandées pour le traitement de la
La biologie moléculaire a permis d'ajouter un nouvel outil SV semblent efficaces, mais doivent être réservées à des situa-
à la reconnaissance des tréponématoses [6]. La PCR est un tions particulières telles que l'allergie avérée à la pénicilline
important outil pour détecter les différences subtiles entre les [1, 6].
pathogènes. Elle est malheureusement limitée aux centres de
recherche.
CONCLUSION
TRAITEMENT
Les TNV représentent un groupe de maladies négligées.
La principale stratégie pour la prévention primaire des TNV L'atteinte des régions les plus pauvres et isolées du globe
dépend de l'amélioration des conditions sociales et sani- entrave les actions de diagnostic et de traitement. Des actions
taires de la population atteinte. Cette question est importante, pour améliorer les conditions de vie des populations affectées
puisqu'il n'y a pas de vaccin disponible pour prévenir les TNV. sont essentielles pour l'éradication de ces pathologies.
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Rickettsioses
Pascal del Giudice
30
ESCARRE D'INOCULATION
Les rickettsioses sont des zoonoses dues à des bactéries
intracellulaires obligatoires du genre Rickettsia, transmises
à l'homme par des arthropodes, principalement les tiques, CLINIQUE
les poux et les puces [1]. Elles sont présentes dans tous les Quelles que soient les espèces de rickettsies ou l'arthropode
continents et diverses latitudes. Les rickettsioses sont carac- vecteur, la présentation clinique de l'escarre semble être simi-
térisées par une fièvre de degré variable associée à des mani- laire et caractéristique des rickettsioses. La lésion, située sur
festations dermatologiques stéréotypées. Les Rickettsia le site de la piqûre des arthropodes, se présente comme une
infectent préférentiellement les cellules endothéliales des papule asymptomatique avec une croûte centrale noire ou
petits ou moyens vaisseaux, entraînant une vascularite qui brun noir (figures 30.1 à 30.3), d'un diamètre de 0,5 à 2 cm
explique la plupart des manifestations cutanées [1]. Les (1 cm plus souvent) parfois ombiliquée avec une bordure en
atteintes cutanées dépendent de la virulence de l'espèce et relief. Rarement sa taille peut être plus grande [3]. Elle peut
de l'hôte. Des avancées majeures dans la découverte de nou- être entourée d'un érythème et parfois quelques pétéchies [4].
Dermatologie infectieuse
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30 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
A B
Figure 30.3. SENLAT.
A. Piqûre de tique. B. Adénopathie rétro-auriculaire.
étaient présentes dans 95 % des cas, et 61 (54 %) avaient poux ou puces peuvent induire une croûte minimale sur le
plusieurs escarres situées principalement sur les jambes site de la morsure, mais pas une escarre ;
146
Rickettsioses 30
n les rickettsies, présentes dans l'escarre, peuvent infecter les rica mongolotimonae [25]. Dans certains cas, l'éruption peut
cellules endothéliales et par conséquent provoquer une vas- être limitée aux paumes et aux plantes [26].
cularite, et évoluer vers une nécrose ; Lorsque l'éruption est grave, les nombreuses maculopa-
n les cobayes injectés par voie intradermique avec des ric- pules érythémateuses peuvent se présenter par des maculo-
kettsies forment une escarre ; de plus dans l'étude de papules purpuriques [23]. Une telle éruption cutanée a été
Bechah et al., l'apparition d'escarres de la peau dans un rapportée occasionnellement avec R. massiliae [27], R. afri-
modèle animal avec inoculation intradermique directe des cae (2 %) [14], R. australis [28], R. aeschlimannii [29, 30],
différentes espèces était significativement corrélée avec R. conorii (1–10 %) [2, 31–35], R. sibirica mongolotimonae
les observations des escarres chez les humains [13]. Les [36], R. japonicum [37] et souvent avec R. prowasecki (un
auteurs concluent que l'escarre est le reflet d'un contrôle tiers des patients), R. honei [38–40], R. rickettsii [41].
local témoin d'une moindre virulence ;
n l'inoculation intradermique de Rickettsia humaines acci-
dentelles ou expérimentales a provoqué une escarre mon- FORMES CLINIQUES SELON LES ESPÈCES
trant que les bactéries sont capables de produire une escarre Fièvre boutonneuse méditerranéenne
en l'absence d'arthropode [14, 15].
Elle est causée par R. conorii subs conorii et transmise par les
tiques Ripicephalus sanguineus. Sur la base de variations géné-
tiques minimes, l'espèce R. conori comprend les sous-espèces
DIAGNOSTIC suivantes : R. conorii conorii, R. conorii israelensis, R. conorii
La biopsie cutanée de l'escarre ou un simple prélèvement avec caspia et R. conorii indica [42]. Typiquement la FBM débute
écouvillon sont très utiles, car ils permettent l'isolement et après une incubation de 7 jours associée à la fièvre de degré
l'identification précise de la rickettsie par culture ou la PCR élevé (39–40 °C) une escarre et une éruption maculopapu-
[8, 16–22]. leuse. L'éruption est décrite par Mertz et al. comme commen-
çant au niveau des membres et s'étendant ensuite vers le tronc.
Les paumes et les plantes peuvent également être touchées
[43]. L'éruption est présente dans 93–100 % des cas. Elle peut
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL être purpurique dans 1 à 10 % des cas [31–33, 44].
L'escarre est très spécifique et il y a peu d'autres diagnostics à
discuter. Ils comprennent principalement les ecthymas strep-
tococciques ou staphylococciques, une morsure d'araignée et Fièvre pourprée des montagnes
l'infection à cowpox. Dans un contexte de morsure de tique la rocheuses
tularémie doit être recherchée. Dans l'étude de Koss et al., les L'éruption apparaît d'abord sur les poignets et les chevilles,
patients avaient un diagnostic initial de la maladie du char- avec une progression centrifuge vers les paumes les plantes
bon, mais on était dans le contexte de l'attaque à l'anthrax en puis centripète des poignets et des chevilles vers les bras,
2001 [6]. On peut aussi la différencier de la réaction allergique jambes et tronc [45]. À la fin de la 1re semaine de l'éruption,
locale aux piqûres d'arthropodes. des pétéchies apparaissent. À l'opposé, Sexton et al. décrivent
des formes où l'éruption est fugace et limitée [46].
épargnant les paumes et les plantes ; sa durée est de 1–4 jours, [4] et les vésicules ou pustules présentes dans 82 % selon
apparaissant 1 semaine après l'apparition de la fièvre. Paddock et al. [4].
La plupart des rickettsioses sont associées à une éruption
maculopapuleuse. Par exemple, l'éruption cutanée associée à
R. sibirica mongolotimonae est décrite comme plutôt discrète LYMPHANGITE
mais présente dans 71 % des cas [51].
En 2005, Fournier et al. décrivaient des manifestations cliniques
HISTOLOGIE de R. sibirica mongolotimonae chez 7 patients [58]. Ceux-ci pré-
sentaient une fièvre à 38,5 °C, une escarre d'inoculation, une
La caractéristique principale histopathologique est la lymphangite et des ganglions lymphatiques satellites. Cette carac-
capillarite lymphohistiocytaire avec extravasation des téristique clinique a peut-être été observée avec d'autres rickett-
érythrocytes, œdème périvasculaire. Une vascularite leu- sioses comme R. africae, R. heilongjangensis et R. akari.
cocytoclasique est parfois présente. Les rickettsies peuvent
être observées en immunohistochimie dans les cellules
endothéliales. Les lésions endothéliales sont dues à une vas-
cularite des petits vaisseaux lymphohistiocytaires initiale- ESCARRE DU CUIR CHEVELU
ment et progressant vers une vasculite leucocytoclasique. ET LYMPHADÉNOPATHIE CERVICALE
La vascularite dans la RMSF est donc considérée comme APRÈS PIQÛRE DE TIQUE (SENLAT)
une forme de vascularite septique.
Les rickettsies peuvent être identifiées et isolées par biopsie L'acronyme SENLAT a été récemment proposé pour ce
d'une maculopapule par immunohistochimie, PCR et culture [52]. syndrome anciennement connu sous le nom TIBOLA et
DEBONEL [59]. Il se caractérise par une lésion inflamma-
toire croûteuse généralement signalée comme « escarre » du
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL cuir chevelu associée à une adénopathie cervicale doulou-
Bien que n'étant pas spécifique, l'éruption érythémateuse maculo- reuse après une piqûre de tique. Rickettsia slovaca est la pre-
papuleuse est très évocatrice en présence d'une escarre, l'ensemble mière espèce isolée [60]. D'autres espèces ont été associées
peut être considéré comme pathognomonique de rickettsiose. au SENLAT comme R. raoultii, candatus, R. Rioja et R. mas-
Les diagnostics différentiels comprennent la primo- silae, mais aussi d'autres bactéries telles que Bartonnella
infection VIH, une éruption cutanée induite par le médicament henselae et Francisella tularensis. Une alopécie localisée
en particulier si elle est associée à une vascularite leucytoclas- séquellaire peut persister.
tique, et la méningococcémie (en particulier lorsque l'éruption
devient purpurique).
AUTRES MANIFESTATIONS
CUTANÉES RARES
ÉRUPTION MACULO-PAPULO-VÉSICULEUSE
ÉPARSE La présentation clinique la plus grave est le purpura fulminans
(PF) caractérisé par un purpura ecchymotique et une gangrène
Trois espèces de rickettsies sont associées à une éruption distale. Cette manifestation catastrophique est rapportée avec
maculo-papulo-vésiculeuse éparse : R. Akari, R. africae et R. rickettsii [61] et le typhus épidémique. Des cas exception-
R. australis. L'éruption est érythémateuse maculopapuleuse, nels ont été rapportés avec d'autres rickettsies.
généralement clairsemée, associée à une fièvre légère à modé- L'ictère peut être présent dans les cas graves traduisant une
rée de 38 à 38,5 °C. Les maculopapules diffèrent de l'éruption atteinte hépatique. Il est présent chez près de 8 % des patients
maculopapuleuse généralisée du fait que les éléments ne sont infectés par R. rickettsii et est associé à un mauvais pronostic.
pas généralisés mais plutôt rares et dispersés, et parfois asso- Un œdème périorbitaire est possible en particulier chez les
ciés à des vésicules et/ou pustules. enfants ayant une RMSF, corrélé à l'albumine et de mauvais
L'éruption due à R. akari est constituée de papules pronostic. L'œdème des mains et des pieds serait un signe clé
asymptomatiques de 2–8 mm (occasionnellement prurigi- au cours de la RMSF.
neuses), parfois surmontées d'une vésicule [53]. Les papu- Dans de rares cas, les auteurs décrivent une cellulite. Cette
lovésicules deviennent croûteuses [53–57]. Les lésions caractéristique clinique a été rapportée avec R. rickettsii [62],
sont distribuées sur le visage, le tronc et les extrémités. Le R. africae [63], R. tamurae, R. heilonjiangensis, R. sibirica
nombre est généralement de 20 à 40, mais peut varier de mongolotimonae.
5 à 100. L'éruption est présente chez 100 % des patients Une stomatite et des ulcérations muqueuses sont rares.
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Borréliose européenne 31
et borréliose de Lyme
Eve Levy, Dan Lipsker
151
Dermatologie infectieuse
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31 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
p référentiellement dans les régions boisées, tempérées et humides. n une phase tardive (anciennement phase tertiaire) qui com-
La tique du genre Ixodes est infestée par Borrelia au cours d'un prend l'acrodermatite chronique atrophiante ou maladie de
repas sur un animal infecté (ou parfois non infecté si la tique se Pick-Herxheimer et des signes extra-cutanés divers, surtout
nourrit dans la proximité d'une autre tique infestée). Certains ani- neurologiques et articulaires [1].
maux peuvent être infectés et transmettre la maladie (réservoirs
L'histoire naturelle de la maladie est rappelée dans la
compétents) : les rongeurs de petite et moyenne taille (campa-
figure 31.1.
gnols, mulots, musaraignes, écureuils, lièvres), certaines espèces
d'oiseaux (passériformes), certains reptiles et insectivores, tan-
dis que certains grands mammifères (cerfs, chevreuils, mou- MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES
tons) peuvent être infectés mais ne transmettent pas la borréliose Il existe des manifestations dermatologiques certaines, dont
(réservoirs non compétents). L'homme est un hôte accidentel. La l'origine borrélienne a été prouvée, témoignant d'une infection
transmission de la borréliose de Lyme d'une tique infestée vers évolutive à Borrelia, et des manifestations cutanées possibles,
l'homme se fait après au moins 24 heures de repas sanguin (d'où probablement post-inflammatoires où Borrelia pourrait être
l'intérêt de l'ablation précoce de la tique comme mesure préven- l'un des agents étiologiques, chez des individus par ailleurs
tive). La biologie de la tique est étroitement liée aux variations sai- prédisposés.
sonnières, ce qui explique que la contamination se fait surtout du
printemps à l'automne (de fin mai à fin septembre), et que c'est à Manifestations
ce moment-là que l'on voit les manifestations précoces de la mala- dermatologiques certaines
die. La tique peut transmettre la maladie à tous ses stades (larve,
nymphe ou adulte) mais les nymphes sont considérées comme ÉRYTHÈME MIGRANT
étant les formes les plus infectantes pour l'homme [2]. C'est le signe le plus constant et le plus caractéristique de la bor-
Le taux d'infestation des tiques par Borrelia est très variable réliose de Lyme. Il est estimé que 60 à 80 % des sujets conta-
selon les régions, et au sein d'une même région, selon les mas- minés développent un érythème migrant (EM), mais entre 20 et
sifs forestiers. 70 % des patients avec un EM ne se souviennent pas de la piqûre
de tique. Il est aussi fréquent chez l'homme que chez la femme et
il peut apparaître à tout âge. Il s'agit d'une macule érythémateuse,
ÉPIDÉMIOLOGIE parfois centrée par une papule, siégeant à l'endroit de la piqûre
de tique, et qui lui fait suite de quelques jours (voire quelques
L'incidence de la borréliose de Lyme est très variable en fonction semaines), et qui aura une croissance annulaire et centrifuge
de l'environnement (climat tempéré, région boisée et humide, pré- (figure 31.2). La vitesse d'extension de la lésion est variable,
sence de tiques infestées et d'animaux réservoirs). En Europe elle en général de plusieurs millimètres/jour. Le centre de la lésion
prédomine dans les pays scandinaves et en Europe centrale, entre s'éclaircit progressivement et il se forme un anneau maculeux,
le parallèle 35°N et 60°N, en dessous de l'altitude de 1 300 m. dont la bordure plus foncée peut parfois être un peu infiltrée, et
L'incidence annuelle de la borréliose de Lyme en Europe varie dont la taille varie de quelques cm à plus de 1 m de diamètre.
de 0,32 cas pour 100 000 habitants en Angleterre à 315 cas pour Beaucoup plus rarement, le centre ne s'éclaircit pas ou prend un
100 000 en Slovénie. En France l'incidence est de 9,4/100 000 aspect atypique, en cocarde, squameux, bleuté, induré, vésicu-
habitants avec des variations suivant les régions. Aux États-Unis leux, bulleux, ulcéré, nécrotique ou purpurique. La lésion est le
l'incidence était de 13,4/100 000 en 2009 avec 95 % des cas loca- plus souvent ovalaire, parfois triangulaire ou linéaire. Les lésions
lisés sur la côte Est et au centre du pays. La plus forte incidence siègent aux endroits où les tiques se nourrissent préférentielle-
dans le monde a été rapportée dans la commune de Nantucket ment, comme la ligne d'adhésion des sous-vêtements, les plis,
dans le Massachusetts avec 1 198/100 000 en 1994. les fesses, les organes génitaux chez l'homme et les seins chez
L'âge moyen est de 56 ans ; la maladie peut apparaître à tout la femme. Chez l'enfant en revanche, les piqûres de tiques ainsi
âge, mais il existe deux pics de fréquence : entre 5 et 14 ans et que les lésions d'EM siègent plus fréquemment sur la face, le
entre 50 et 64 ans. Il n'y a pas de différence de fréquence entre cou et surtout les oreilles, ce qui expliquerait également la préva-
les sexes et il existe un sur-risque dans les populations rurales lence plus élevée des neuroborrélioses chez l'enfant. L'EM peut
et chez les sujets exposés (agriculteurs, forestiers) [1–4]. être associé à des symptômes locaux de type douleur, prurit, brû-
lure locale ou paresthésies (décrites par environ 50 % des patients
adultes en Europe) ou des symptômes généraux de type fébri-
cule, asthénie, arthromyalgies ou céphalées (plus fréquents chez
CLINIQUE les patients nord-américains qu'européens). Cette symptomatolo-
Par le passé la maladie était séparée en trois stades (pri- gie générale pourrait indiquer une dissémination des spirochètes.
maire, secondaire et tertiaire) par analogie avec la syphilis. La régression de la lésion, même en l'absence de traitement, se
Actuellement, on distingue : fait en quelques jours à quelques semaines en Amérique du Nord,
et après plusieurs mois en cas de borréliose européenne, et elle
n une phase précoce qui peut être localisée ou disséminée : peut laisser (rarement) des séquelles pigmentaires après dispa-
n la phase précoce localisée correspond à l'érythème (chro- rition. En revanche l'EM disparaît plus rapidement, en quelques
nique) migrant de Lipschütz (anciennement phase primaire), jours, après instauration d'une antibiothérapie.
n la phase précoce disséminée (anciennement phase secon- Les critères américains pour le diagnostic d'EM exigent un
daire) survient après dissémination hématogène de la diamètre de la lésion dépassant 5 cm, ce qui n'est plus le cas
bactérie et correspond à l'érythème migrant multiple et avec les critères européens les plus récents. Les critères améri-
aux manifestations extra-cutanées neurologiques, rhuma- cains ne permettent pas d'inclure dans des études épidémiolo-
152 tologiques, cardiologiques, oculaires, etc. ; giques les cas précoces mesurant moins de 5 cm [1, 5].
Borréliose européenne et borréliose de Lyme 31
Histoire naturelle de la maladie en Europe
Dissémination hématogène
Piqûre de
tique (avec Phase Phase
précoce précoce Phase
inoculation tardive
de Borrelia) localisée disséminée
Diagnostic différentiel
Il dépend de l'aspect clinique de l'EM, mais on éliminera un
Figure 31.2. Érythème annulaire et centrifuge, à extension érythème annulaire centrifuge de Darier, une dermatophytose,
lente, non palpable typique d'un érythème migrant (prouvé
un granulome annulaire, une réaction persistante après piqûre
par culture).
d'insecte, un érythème pigmenté fixe, une morphée inflamma-
toire à sa phase initiale, une dermite de contact, un érysipèle
Diagnostic ou une tularémie (lorsque le centre est ulcéré ou nécrotique).
Le diagnostic de l'EM dans sa forme typique est clinique et Inversement, un érythème survenant dans les suites immé-
repose sur le caractère centrifuge et lentement progressif de diates d'une piqûre de tique ne doit pas être considéré à tort
la lésion. Dans les formes atypiques la confirmation du dia- comme un EM [1].
gnostic nécessiterait de mettre en évidence la présence des
Borrelia dans la peau. Toutes les espèces de Borrelia burgdor- ÉRYTHÈME MIGRANT MULTIPLE (OU SECONDAIRE)
feri sensu lato peuvent être responsables d'EM. En Europe il Il est rare en Europe (moins de 3 % en Suède et en Alsace)
est le plus souvent induit par Borrelia afzelii et aux États-Unis alors qu'il dépasse 40 % dans des cohortes pédiatriques 153
31 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE
nord-américaines. Quelques jours à quelques semaines après de petits lymphocytes, d'histiocytes, de polynucléaires éosi-
l'installation d'un EM, surviennent une ou plusieurs lésions nophiles et de plasmocytes. L'étude immunohistochimique
secondaires. Ces lésions siègent en général à distance de la met en évidence des amas de lymphocytes B CD20 exprimant
lésion initiale. Elles sont plus annulaires et de plus petite également le CD10 et le Bcl6 signant leur origine centrofol-
taille, ont moins tendance à migrer et n'ont jamais d'induration liculaire. Il n'y a pas d'expression de Bcl2. Les zones inter-
centrale. Elles résultent d'une dissémination hématogène des folliculaires comportent de nombreux lymphocytes T CD3 et
Borrelia. En cas d'EM multiple, les signes généraux sont plus des plasmocytes polytypiques. La recherche d'un réarrange-
marqués et plus fréquents. ment des chaînes lourdes des immunoglobulines par PCR ne
met pas en évidence de population B monoclonale. Le prin-
LYMPHOCYTOME BORRÉLIEN cipal diagnostic différentiel histologique est le lymphome B
Le lymphocytome borrélien (LB) (anciennement lymphocy- cutané centrofolliculaire ou de la zone marginale. Une sérolo-
tome cutané bénin) est surtout l'apanage des borrélioses euro- gie borrélienne positive a parfois été rapportée dans des lym-
péennes et il est rarement rapporté aux États-Unis. Il est plus phomes B cutanés. Les arguments en faveur de la malignité
fréquent chez l'enfant que chez l'adulte, puisqu'il survient chez sont l'absence de macrophages à corps tingibles, la réduction
0,5 à 2 % des adultes et 1,5 à 7 % des enfants atteints de borré- de l'index de prolifération, la présence de petits amas de lym-
liose européenne. Il s'agit d'un nodule unique ou d'une plaque phocytes CD10 ou Bcl6 en dehors des follicules, l'expression
ferme de couleur rose, rouge, rouge brun, violine ou bleue, du Bcl2 par les centres clairs et la présence d'une population
de taille variable (entre 1 et 5 cm), localisé typiquement au monoclonale [6]. De ce fait, la possibilité d'un LB doit sys-
lobule de l'oreille chez l'enfant (figure 31.3) et sur l'aréole tématiquement être évoquée devant un lymphome B cutané.
mammaire chez l'adulte. Le tronc, la face, l'hélix et le scro- Le sérodiagnostic est habituellement positif à ce stade de la
tum sont également des localisations fréquentes. Une adéno- borréliose. Néanmoins, depuis que la technique de culture des
pathie satellite lui est souvent associée. Il survient quelques Borrelia est au point, d'authentiques cas de lymphocytome
semaines à quelque mois après la piqûre de tique et il est borrélien, prouvés par culture, avec un sérodiagnostic négatif
souvent localisé dans la proximité de celle-ci. L'origine bor- ont été rapportés [8]. Le diagnostic du lymphocytome borré-
rélienne est certaine puisque la présence de Borrelia a pu être lien est clinique lorsqu'il siège dans une localisation typique,
démontrée dans les lésions par amplification génique in vitro surtout quand une adénopathie lui est associée. L'examen his-
et surtout par culture. Le LB est surtout lié à l'infection par topathologique permet de confirmer le diagnostic, en particu-
Borrelia afzelii ou Borrelia garinii, ce qui pourrait expliquer sa lier dans des localisations atypiques ou chez l'adulte afin de
rareté aux États-Unis où ces espèces de Borrelia sont absentes. ne pas méconnaître un lymphome qui pourrait se présenter de
La lésion peut régresser en quelques mois ou années s'il n'y a la même manière.
pas de traitement ou persister plus longtemps, voire donner lieu
à des évolutions récidivantes. Le LB disparaît beaucoup plus Diagnostic différentiel
rapidement si une antibiothérapie est instaurée [1, 5]. Le diagnostic différentiel clinique dépend de l'aspect et de
la localisation du LB, mais on pourra discuter un granu-
Diagnostic lome facial de Lever, un lupus érythémateux dermique, une
L'examen histologique met en évidence un infiltrat lympho- lucite polymorphe, un lymphome cutané primitif ou secon-
cytaire dermique dense, épargnant l'épiderme, classiquement daire, une sarcoïdose, une hyperplasie angiolymphoïde avec
rapporté comme étant plus important en surface qu'en pro- éosinophilie, une mucinose folliculaire ortiée, une gynéco-
fondeur (top heavy), comportant des follicules lymphoïdes mastie nodulaire, et les autres causes de pseudo-lymphomes
bien délimités avec des centres germinatifs. Cependant, les (tatouage, cicatrice de zona, vaccins, etc.) [1].
dernières études montrent que l'infiltrat est plus fréquemment
diffus, comportant des follicules souvent anormaux, avec des ACRODERMATITE CHRONIQUE ATROPHIANTE
centres clairs nus, non polarisés (absence de zone sombre ou L'acrodermatite chronique atrophiante (ACA) ou maladie de
claire), sans zone du manteau identifiable. Les zones interfolli- Pick-Herxheimer est la manifestation dermatologique de la
culaires comportent un infiltrat inflammatoire mixte constitué phase tardive des borrélioses. Elle débute plusieurs mois à
A B
154 Figure 31.3. Lymphocytome borrélien du pavillon de l'oreille droite (A) ; pavillon gauche à titre comparatif (B).
Borréliose européenne et borréliose de Lyme 31
plusieurs années après l'infection. L'ACA est l'apanage quasi ment aux morphées. Des macules anétodermiques peuvent se
exclusif des borrélioses européennes et sa survenue est excep- voir en bordure de plaque étendue d'ACA. En zone d'endé-
tionnelle aux États-Unis. Il s'agit d'une lésion de l'adulte, bien mie borrélienne, un sérodiagnostic des borrélioses est indiqué
que des cas pédiatriques aient été rapportés. Elle est plus fré- chez un sujet avec une anétodermie éruptive apparemment
quente chez la femme. Elle débute par une phase inflamma- idiopathique, car l'infection par Borrelia burgdorferi peut en
toire, caractérisée par un érythème bleu violacé, associé à un être responsable [1].
œdème plus ou moins important, prédominant aux extrémités
et sur les faces d'extension des articulations (figure 31.4). Cet Diagnostic
érythème violacé peut être homogène et diffus ou plus émietté La preuve de l'origine borrélienne de l'ACA a été faite par
réalisant parfois un aspect livédoïde. La lésion est habituelle- la mise en évidence de Borrelia dans les lésions par colo-
ment unilatérale au début, pouvant ensuite devenir bilatérale ration argentique (Warthin-Starry ou variantes), par immu-
et plus ou moins symétrique. Un érythème migrant préalable nohistochimie utilisant des anticorps monoclonaux, mais
dans la même région anatomique a été décrit chez environ surtout par culture et par PCR. L'ACA peut être due à toutes
20 % des sujets. Il existe des formes précoces principalement les espèces de Borrelia burgdorferi sensu lato, bien que
œdémateuses et un œdème unilatéral du talon doit faire évo- Borrelia afzelii en soit responsable dans l'immense majo-
quer ce diagnostic. L'atteinte à ce stade prédomine générale- rité des cas. L'image histologique n'est pas spécifique.
ment au dos du pied ou de la main, sur les genoux, les cuisses L'aspect des lésions cutanées inflammatoires est celui d'un
et les fesses. Cette phase peut durer plusieurs semaines ou infiltrat essentiellement lymphocytaire dermique (lympho-
plusieurs mois. Un traitement antibiotique à ce stade permet cytes T majoritairement CD4) plus ou moins dense, péri-
le plus souvent une guérison complète des lésions inflamma- vasculaire et périannexiel, continu ou discontinu, riche en
toires. Sans traitement les lésions évoluent progressivement plasmocytes, avec des télangiectasies. Les lymphocytes
vers une atrophie définitive, qui confère le nom et l'aspect T expriment des molécules d'activation suggérant que les
caractéristique à l'ACA. À ce stade, le traitement ne modi- lésions d'ACA résultent d'une réaction immunitaire dirigée
fie plus l'aspect clinique. Les lésions sont alors caractérisées contre Borrelia. Il peut s'y associer des histiocytes parfois
par des zones atrophiques où l'épiderme est aminci donnant épithélioïdes, des cellules géantes et des mastocytes. Les
à la peau un aspect fin et plissé, luisant, en papier à ciga- télangiectasies sont constantes, parfois accompagnées d'un
rette, et laissant voir par transparence le réseau veineux. La œdème interstitiel marqué donnant un aspect « vacuolisé »
lésion peut être hypopigmentée ou hyperpigmentée et parfois au tissu conjonctif. L'épiderme est le plus souvent normal,
un peu squameuse. Elle peut être prurigineuse, douloureuse parfois avec des remaniements lichénoïdes et une dégéné-
ou alors s'accompagner d'hyperesthésies ou de paresthésies. rescence vacuolaire des kératinocytes de la couche basale.
Les lésions inflammatoires peuvent coexister avec des lésions Les lésions cutanées atrophiques comportent un épiderme
atrophiques chez un même malade. Une adénopathie homola- et un derme atrophiques. Les lésions cutanées fibreuses
térale, une neuropathie, surtout sensitive, ainsi que des mani- (nodules fibrotiques, bandes fibreuses et plaques scléroder-
festations musculo-squelettiques du membre atteint peuvent miformes) ont un aspect histopathologique sensiblement
s'observer. D'autres lésions cutanées peuvent être associées à identique, avec une fibrose du derme profond et de l'hypo-
l'ACA. Ainsi, les nodules fibrotiques sont des nodules érythé- derme accompagnée de remaniements inflammatoires, avec
mateux ou bleutés qui siègent au voisinage des articulations, parfois des faisceaux collagènes concentriques épaissis qui
surtout sur le coude ou le genou. Les bandes fibreuses périar- deviennent hyalinisés en profondeur des nodules fibro-
ticulaires ou bandelettes cubitales (ou tibiales) sont un autre tiques [6]. La sérologie en IgG est positive dans 100 % des
symptôme évocateur, tout comme les nodules fibrotiques, au cas d'ACA, avec des taux très élevés ; la recherche des IgM
stade inflammatoire infiltratif de l'ACA. Il s'agit de bandes est positive dans 5 à 10 % des cas. La culture est positive
ou de cordons linéaires siégeant sur les surfaces osseuses du dans 20 à 60 % des cas et la PCR dans 60 à 90 % des cas [7].
membre atteint d'ACA. Certains patients peuvent développer Le diagnostic d'ACA repose sur la clinique, éventuellement
des lésions de type sclérose cutanée, ressemblant clinique- aidée par la biopsie et le sérodiagnostic.
Figure 31.4. Aspect érythématoviolacé typique de la phase inflammatoire de l'acrodermatite chronique atrophiante. 155
31 PARTIE 2 BACTÉRIOLOGIE