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Les conférences des Nations Unies pour la prévention des catastrophes naturelles de

Yokohama de 1994 et de Kobé de 2005 : une analyse comparative

Par Dupleix NGADEHI

Introduction

Depuis le début des années 19901, la thématique des risques et des


catastrophes naturels a émergé sur la scène internationale. Un véritable monde des
catastrophes naturelles s’est constitué au niveau international et s’est peu à peu
institutionnalisé. Ceci est une traduction d’une prise de conscience réelle de la communauté
internationale de l’importance de la gestion et de la prévention des catastrophes naturelles. En
effet, la gestion et la prévention des catastrophes sont désormais considérées comme un outil
de développement durable. C’est à juste titre que l’Organisation Internationale de la
Protection Civile affirme que « la protection civile et le développement forme un binôme
inséparable »2. Car compte tenu de la forte vulnérabilité des individus et des communautés, la
survenance de ces risques naturels entraîne souvent des catastrophes provoquant des pertes en
vies humaines, la destruction de biens ainsi que la dégradation de l’environnement ce qui
contribue à réduire les efforts de développement. Par ailleurs, ces catastrophes compromettent
la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et ralentissent ainsi la
marche vers un développement durable. De plus lorsqu’une catastrophe survient dans un pays
en développement, les fonds dédiés aux projets de développement sont redirigés vers les
activités liées aux secours et à la reconstruction 3. Cependant, des efforts sont entrepris à tous
les niveaux afin de trouver une solution à ce problème.
C’est ainsi que sur la scène internationale, de nombreux acteurs de natures et de statuts
divers (les bailleurs de fonds, organisations internationales et régionales, acteurs étatiques,
1
Pour cette période, l’on dénombre environ 7100 désastres qui a été à l’origine de la mort de plus de 300 000
personnes, affectant plus de 200 millions d’autres et causant plus de 800 milliards de dollars américains de
dommages (ONU, 2004 :4-5), Cité par Sylvie Pedneault, Le développement durable : L’organisation des Etats
Américains et le cadre d’action de Hyogo pour la réduction des risques de catastrophe , Maîtrise en Etudes
Internationales, Université de Laval, Canada, 2010.
2
Le terme de protection civile est utilisé ici à la place de gestion et de prévention des catastrophes naturelles
dans une perspective plus globalisante. Cette citation est similaire aux propos de Mark Malloch Brown qui
affirme que « Les catastrophes naturelles exercent une pression considérable sur le développement », La
réduction des risques de catastrophes : un défi pour le développement, un rapport mondial, PNUD, New York,
2004.
3
Selon les calculs de la Federal Emergency Management Agency, un dollar dépensé dans les activités de
mitigation des désastres permet d’économiser deux dollars en activités liées à la réponse d’urgence.

1
organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales, centres de
recherche, universités, entreprises privées, compagnies d’assurances) déploient de gros efforts
pour juguler les effets dévastateurs de ces phénomènes.
C’est au rôle joué par l’Organisation des Nations Unies à travers l’organisation de
deux grandes conférences sur la prévention des catastrophes (celle de Yokohama de 1994 et
celle de Kobé de 2005), qui font figures de proues dans l’émergence et l’institutionnalisation
de ce monde de catastrophe, que cette étude est consacrée. Cet angle d’approche se justifie
parce que premièrement le rôle de l’ONU sur la scène internationale s’est accru de façon
exponentielle tout au long du XXe siècle et en ce début du XXIe siècle et deuxièmement
l’ONU apparaît aujourd’hui comme un espace déterminant dans la production de normes, de
discours, de formes de savoirs, d’outils et de pratiques.
A ce titre, l’organisation de ces deux grandes conférences sur la prévention des
catastrophes par l’ONU a contribué significativement à des avancées certaines dans la
prévention des catastrophes dans le monde. L’organisation de tel évènement fortement
médiatisé concourt à l’élaboration de rapports dont certains constituent des références pour de
nombreux acteurs (qu’ils soient gouvernementaux, non gouvernementaux, scientifiques ou
militants). Tel est le cas des conférences de Yokohama de 1994 et de Kobé de 2005 sur la
prévention des catastrophes naturelles. Celles-ci ont débouché sur deux outils de référence en
matière de prévention des catastrophes naturelles : la Stratégie et le Plan d’action de
Yokohama de 1994 et la Stratégie et le Cadre d’action de Hyogo-Kobé de 2005.
Après avoir exposé le contexte ayant prévalu à l’organisation de ces deux conférences
tout en en faisant une présentation succinct, nous nous interrogerons sur les liens qui existent
entre elles en termes de constances et d’avancées. Nous tenterons pour finir de mettre un
accent particulier sur les défis à surmonter et à prendre en compte pour que l’avenir de la
protection civile soit un devenir.

I- Contexte ayant concouru à l’organisation des conférences sur la


prévention des catastrophes naturelles

La question des catastrophes naturelles, de leur gestion et de leur prévention, a émergé


sur la scène internationale il y a une trentaine d’années. En réalité celle-ci n’est pas aussi
nouvelle comme tend à le souligner certains auteurs. Car on peut remonter plus loin dans
l’histoire et particulièrement en rappelant à notre mémoire la célèbre polémique sur le

2
tremblement de terre qui avait ravagé Lisbonne la capitale Portugaise en 1756 et qui opposait
Rousseau à Voltaire.
Mais cela va sans dire que ce n’est qu’au début des années 1980 que cette question a
commencé à attirer l’attention de nombreux acteurs de la société internationale. Depuis lors
moult réflexions sont menées dans divers milieux dans le but de trouver des solutions aux
phénomènes de catastrophes naturelles.
Dans cette mouvance, l’idée d’une décennie consacrée à la réduction des risques de
catastrophes naturelles viendra de la communauté scientifique4, lors de la conférence
mondiale sur l’ingénierie des tremblements de terre. Celle-ci avait alors comme souhait
d’étendre la portée des capacités techniques et scientifiques de réduction des catastrophes 5.
C’est ainsi qu’en 1989, la résolution 44/236 des Nations Unies, adoptée par 155 Etats
membres et territoires, décrètera la décennie 1990-2000 « Décennie Internationale de la
Prévention des Catastrophes Naturelles » (DIPCN) dans le but de bâtir une culture de la
prévention et « réduire à travers une action internationale concertée, particulièrement dans
les pays en voie de développement, la perte des vies, la destruction de la pauvreté et les
dysfonctionnements économique et social causés par les catastrophes naturelles »6
(Assemblée Générale des Nations Unies, 1989).
C’est dans le sillage de cette décennie que s’inscrit l’organisation des deux
conférences sur la prévention des catastrophes naturelles : celle de Yokohama de 1994 et celle
de Kobé de 2005. Ces trois évènements en effet sont intimement liés. Ils ont pour élément
commun l’évaluation des progrès faits dans la réduction des risques de catastrophes
naturelles. C’est ainsi que la conférence de Yokohama tenue au Japon en 1994 (A) visait à
évaluer les progrès de mi-parcours de la DIPCN et la conférence de Kobé (Hyogo) tenue au
Japon en 2005 (B) visait quant à elle à identifier les défis et manquements relatifs aux
initiatives de réduction des catastrophes naturelles et à évaluer les résultats atteints par la
stratégie de Yokohama.

A- Conférence de Yokohama de 1994 : une évaluation de la DIPCN


Organisée à mi parcours de la DIPCN et sous les auspices de l’ONU, la conférence de
Yokohama du 23 au 27 mai 1994 avait pour objectif essentiel d’évaluer la DIPCN afin
d’apprécier ce que les acteurs de ce champ d’action qu’est la prévention des catastrophes
4
Le mérite revient au géophysicien américain Frank Press qui fut le premier à évoquer l’idée d’une décennie
internationale sur le thème des catastrophes naturelles en 1984 au 8 e International Congress of Earthquake
Engineering.
5
ISDR, 2004
6
Traduction libre de l’auteur

3
naturelles avaient fait pour prévenir les catastrophes naturelles, en atténuer leurs effets ou s’y
préparer et envisager les principes directeurs devant encadrés l’action future.
Ainsi, du fait de l’accentuation de l’impact des catastrophes naturelles, les pays
conscients de cet état de choses devraient faire de la prévention des catastrophes naturelles un
élément clé de leurs plans de développement, faute de quoi les progrès socio-économiques
seront sans cesse sapés par les catastrophes qui surviennent fréquemment. D’où la nécessité
pour ces pays d’adopter des mesures et de mener des activités qui à terme permettront de bâtir
un monde plus sûr au XXIe siècle.
Par conséquent, au terme de cette conférence, une stratégie et un plan d’action ont été
mis en place en vue de la réduction des risques de catastrophe. A cet effet, ces pays ont établi
un certain nombre de principes devant guider les mesures et une série d’activités à
entreprendre aux niveaux local et national, régional et sous régional et international.
Toutefois, une décennie plus tard, malgré les efforts faits à plusieurs niveaux, l’on
s’est rendu rapidement compte de l’accentuation des catastrophes et le nombre considérable
de dommages et pertes de vies humaines relevé à l’issu des différents catastrophes ayant eu
lieu au cours de la décennie. De plus, le constat fait souligne non plus la rémanence des
catastrophes mais beaucoup plus que la vulnérabilité est au cœur des causes premières de ces
nombreux dégâts. D’où il était nécessaire que des mesures plus concrètes soient prises pour
circonscrire les effets pervers des catastrophes. Ce fut l’une raison principale de l’organisation
d’une deuxième conférence sur la prévention des catastrophes naturelles. En outre, la 18 e
mesure à entreprendre au niveau international énoncée dans la Stratégie de Yokohama
soulignait la nécessité de l’organisation d’une conférence à la fin de la décennie en ces
termes : « Il faudrait organiser une conférence d’examen des activités de prévention des
catastrophes naturelles à la fin de la Décennie afin de définir une stratégie de poursuite des
activités de prévention des catastrophes au XXIe siècle. »7

B- Conférence de Kobé de 2005 : un prolongement et une refondation de


la Stratégie de Yokohama
Longtemps repoussée après la fin de la DIPCN, la conférence de Kobé organisée dans
la préfecture de Hyogo au Japon du 18 au 22 janvier 2005 en commémoration du grand
tremblement de terre de Hanshin-Awadji du 17 janvier 1995 fut une occasion exceptionnelle

7
Conformément aux termes du point 13 R du Plan d’action de Yokohama de 1994 relatif aux activités devant
être menées au niveau international.

4
de promouvoir une approche stratégique et systématique de la réduction de la vulnérabilité et
de l’exposition aux aléas et compte tenu du fait que l’impact des catastrophes est demeurée un
obstacle majeur au développement.
Ainsi suite aux lacunes relevées et aux enseignements tirés de la stratégie et du plan
d’action de Yokohama, la nécessité d’adopter de nouvelles mesures plus concrètes dans le but
essentiel d’aider les collectivités et les nations à devenir plus résilientes face aux catastrophes
est apparue comme incontournable en ce début du XXIe siècle.
A cet effet, la Conférence de Kobé ayant résulté en l’adoption d’un cadre d’action dit
« Cadre d’Action de Hyogo 2005-2015 » (CAH 2005-2015) est le prolongement logique de
l’action entreprise par l’ONU en 1994 et visant l’institutionnalisation de la prévention en vue
de faire face aux catastrophes naturelles. Ainsi celle-ci a conduit à une redéfinition de
l’approche adoptée pour faire face à ces catastrophes naturelles en rompant avec certaines
méthodes adoptées dans le cadre de la stratégie de Yokohama et en intégrant de nouvelles
mesures et façons de faire pour venir à bout, du moins, circonscrire les effets dévastateurs liés
aux phénomènes de catastrophes naturelles. Ainsi l’on peut s’interroger sur les points de
congruence et de divergence entre ces conférences soit, de manière plus spécifique, à relever
les constances et les avancées qui existent entre celles-ci.

II- Les conférences de Yokohama de 1994 et de Kobé de 2005 sur la


prévention des catastrophes naturelles : entre constances et avancées

Les deux grandes conférences sur la prévention des catastrophes naturelles ont donné
naissance à deux paradigmes fort contrastés qui sont en réalité une perception et une ambition
poursuivie par la communauté internationale en matière de prévention et de gestion des
catastrophes naturelles.
Pour ce qui est du premier paradigme, « pour un monde plus sûr », il est une vision
utopique et très ambitieuse de l’ère des catastrophes naturelles qui à ce moment précis était
entrain de se mettre en place. A cet effet selon cette conférence, la cadre institué par la
DIPCN devrait offrir la possibiité  à tous les pays vulnérables de bâtir un monde sûr d’ici la
fin du siècle dernier. Afin que cela puisse être réalisable, les pays devraient être animés d’un
nouvel esprit de coopération fondé sur les intérêts et le devoir communs de sauver des vies
humaines. Par conséquent, cette conférence a ainsi constitué une étape importante dans la
marche de l’humanité vers le progrès. En effet, dans la partie introductive du rapport de la
conférence, il est fait mention que « la réponse aux catastrophes naturelles n’engendre pas

5
que des résultats limités et temporaires. Par conséquence, la communauté internationale doit
privilégier la prévention et la préparation, seules à même de contribuer à la réduction des
risques de catasttrophes »
En revanche, dans le cas du second paradigme, la communauté internationale a
compris la nécessité de sortir de l’utopie pour réaliser que les catastrophes naturelles sont une
réalité avec laquelle il faut composer et la solution passe par une prise de conscience réelle et
effective devant s’inscrire dans une perspective plus pragmatique et concrète par l’adoption
des mesures devant contribuer à « bâtir des Nations et des Collectivités plus résilientes face
aux catastrophes naturelles. »
Toutefois quels liens ou corrélations peut-il exister entre ces deux conceptions ?
Quelles avancées marquent la rupture du second paradigme d’avec le premier ? Ces questions
nous portent à relever les constances (A) entre ces deux grandes conférences et d’insister sur
les avancées (B).

A- Les constances
Ce qu’il importe de relever dans un premier temps est qu’il s’agisse de la conférence
de Yokohama ou de celle de Kobé, les bases de l’action sont restées les mêmes. En effet, ces
deux conférences s’appuient sur les mêmes principes qui ont été édictés lors de la première
conférence. De ce fait, il est question dans le cadre de ces deux outils de mettre l’accent sur
les aspects suivants : l’évaluation du risque comme étape indispensable dans l’élaboration
d’une politique de prévention, la prévention et la préparation sont des éléments clés dans la
lutte contre les catastrophes naturelles et elles doivent être considérées comme parties
intégrantes dans les politiques de développement nationaux, régionaux et internationaux.
Néanmoins, il convient d’aligner les mesures prises relatives aux deux conférences les
unes sur les autres pour mieux percevoir les similitudes existantes entre elles. S’inscrivant
dans ce sillage, l’on ne peut manquer de relever de nombreuses similitudes notamment dans la
distribution des rôles aux différents acteurs intervenant dans la prévention des catastrophes
naturelles, leur engagement à s’investir dans la réduction des catastrophes, les activités à
mener aux différents niveaux d’intervention en matière de prévention.
S’agissant de la distribution des rôles, il convient de souligner que les deux
conférences ont gardé la même vision en terme du rôle premier attribué aux Etats en matière
de réduction des catastrophes et de protection des populations et des infrastructures. De même
qu’elles pensent que les organisations régionales et sous régionales devraient participer
activement à l’exécution des plans et programmes régionaux relatifs à la prévention des

6
catastrophes naturelles. Enfin, ces conférences ne manquent pas d’affirmer l’important rôle
que devrait jouer les organisations internationales pour apporter leur soutien aux Etats dans
leur programme de prévention et de gestion des catastrophes naturelles.
Pour ce qui est de l’engagement des acteurs, l’application des principes de bases
constitue l’épine dorsale de ces stratégies et plans d’action et repose sur cet engagemet des
acteurs à se doter de moyens adéquats pour venir à bout des catastrophes naturelles. A cet
effet, ces conférences somment les acteurs à s’investir dans la prévention par la mise en place
des systèmes d’alerte précoce, des plates-formes nationales et à leur diffusion à très grande
échelle. Dans cette perspective, il est important de souligner qu’un tel investissement
implique un partage des technologies et des informations, préalables indispensables dans la
lutte contre les catastrophes naturelles. De même que la vulgarisation des systèmes d’alerte
précoce et leur intégration dans les stratégies nationales de lutte contre les catastrophes
naturelles sont d’une importance capitale. Plus loin encore, ces instruments mettent l’accent
sur l’harmonisation des législations internes avec les exigences internationaux prises dans le
cadre de ces conférences. En outre les Etats sont invités à introduire la prévention des
catastrophes naturelles dans leurs législations internes, synonyme de leur engagement dans la
stratégie globale de lutte contre les catastrophes naturelles.
Pour ce concerne les mesures à entreprendre, les niveaux d’intervention sont restés les
mêmes c’est-à-dire les niveaux local et national, régional et sous régional et international.
Cette logique devrait favoriser la promotion d’une culture mondiale de la prévention à tous les
échelons décisionnels telle que promue par chacune de ces conférences et rappeler à chaque
acteur l’accroissement de l’interdépendance au niveau mondial et aussi du fait que les
catastrophes naturelles se moquent des frontières. D’où la nécessité d’une synergisation des
forces et moyens de lutte contre les catastrophes naturelles. De plus chaque pays devrait se
sentir interpeler à saisir l’opportunité qu’offre ces stratégies et plans d’action pour oeuvrer
non seulement individuellement et collectivement à appliquer les politiques et atteindre les
objectifs afin de faire de la prévention et la préparation un facteur de changement véritable.
En outre, ces mesures sont fondamentalement les mêmes car elles concernent essentiellement
le renforcement des capacités et l’affectation des ressources et leur utilisation efficace,
l’éducation et la formation en matière de prévention des catastrophes naturelles, le
renforcement des ressources humaines, des moyens matériels et des capacités des institutions,
de recherche et développement, du recensement et de l’organisation en réseaux des centres
d’études avancées existants de manière à renforcer les activités de prévention, etc.

7
Toutefois, à la différence du plan d’action de Yokohama, le CAH va plus en
profondeur dans chacune de ces mesures. C’est ce que nous mettrons en évidence dans les
lignes suivantes.

B- Les avancées
De nombreuses avancées ont été relevées en matière de réduction de risques à l’issue
de la mise en place d’un nouveau cadre directeur de prévention des risques de catastrophes
naturelles.
D’une manière générale, il est important de souligner que le CAH est l’un des
premiers outils international de réduction de risques. En effet, il est le premier à prévoir des
tâches spécifiques et détaillées pour chaque type d’acteur et à établir des responsabilités
précises pour chacun d’eux. Il est en outre un cadre de référence en la matière car il jouit
d’une plus grande légitimité en ceci que la capacité d’action des acteurs est un élément clé
devant être prise en compte au moment de l’évaluation de leur participation à sa mise en
œuvre.
Par ailleurs, le CAH s’est inscrit dans une approche globale pour s’attaquer à la
problématique des catastrophes naturelles. En effet, on constate avec le CAH que le domaine
d’études des catastrophes naturelles a connu des transformations importantes qui conduisent
aujourd’hui à un nouveau paradigme basé sur une approche holistique de réduction des
risques de catastrophes. Changement de paradigme imputable à un changement de mentalité
engendré par la prise de conscience effective du lien qui existe entre le processus de
développement et la vulnérabilité. D’où dans son préambule, la conférence est qualifiée
d’ « occasion exceptionnelle de promouvoir une approche stratégique et systématique de la
réduction de la vulnérabilité et de l’exposition aux aléas »8
D’une manière plus spécifique, nul n’est besoin ici de taire la rupture essentielle entre
la conférence de Yokohama et celle de Kobé en termes de vision stratégique et perspective
évaluative. En effet, la conférence de Kobé est allée plus loin que celle de Yokohama en ceci
qu’elle s’est fixé trois axes stratégiques, cinq priorités et vingt indicateurs devant permettre de
parvenir au résultat escompté, de même que guider les mesures à prendre à chaque niveau
pour mieux évaluer les efforts faits par chaque type d’acteur afin de réduire les risques de
catastrophes. Cette structuration fournie ainsi une bonne lisibilité quant à l’évaluation des
mesures prises et des actions mises en oeuvre par les différents acteurs qui investissent ce
champ d’action. Celle-ci fait du CAH un bon instrument et outil d’évaluation des avancées et
8
Cf. CAH 2005-2015

8
de progrès dans la réduction des risques de catastrophes naturelles. Raison pour laquelle, l’on
peut le qualifier de cadre de référence pour la réduction des risques de catastrophes naturelles
dpartout dans le monde. Dans cette perspective, le CAH se rendant compte que la réduction
des risques de catastrophes doit s’inscrire dans « une démarche vraiment anticipative
impliquant à informer et mobiliser les populations et à les associer à tous les aspects de
l’action menée dans les collectivités au sein desquelles elles vivent », de même que soulignant
aussi «  la modicité des crédits qui, dans les budgets de développement, sont affectées
expressément à la réalisation des objectifs de réduction des risques, que ce soit au niveau
national ou à l’échelon régional ou par le biais de mécanismes de coopération ou de
financement internationaux »9, note que « l’on pourrait beaucoup mieux adopter les
ressources disponibles pour réduire efficacement les risques de catastrophe et tirer un bien
meilleur parti des méthodes éprouvées applicables à cet effet. »10
Par ailleurs, le CAH promeut le genre conformément à l’engagement des Nations
Unies à assurer une égalité des sexes au XXIe siècle en encourageant les acteurs à intégrer
une perspective sexospécifique « dans toutes les politiques et dans tous les plans et processus
décisionnels relatifs à la gestion des risques de catastrophe ». Cette approche vise
essentiellement à rendre cette frange de la population apte à faire face aux catastrophes
naturelles en leur donnant les outils nécessaires et des méthodes appropriées. Puisque lors de
la survenance de catastrophes naturelles, elles sont très souvent les plus atteintes et les plus
vulnérables.
En outre, il encourage les Etats et la comunauté internationale à impliquer davantage
les populations dans les processus d’exécution des programes relatifs à la prévention et à la
gestion des catastrophes natureles. Ceci passe par « l’intégration des questions liées à la
gestion et à la réduction des risques de catastrophes naturelles dans les sections pertinentes
des programmes d’enseignement à tous les niveaux et l’utilisation d’autres voies, officielles et
officieuses, pour informer les jeunes et les enfants. » De même que par « l’élaboration des
programmes de formation et d’enseignement consacrés à la gestion et à la réduction des
risques de catastrophe à l’intention de publics précis et l apromotion de l’exécution des
projets de formation au niveau des collectivités en prenant en considération le rôle que les
volontaires peuvent jouer, selon les cas, aux fins de renforcer les capacités disponibles au
niveau local pour faire face aux catastrophes naturelles et en atténuer les effets. »

9
Ibid.
10
Ibid.

9
D’un autre côté, le CAH insiste sur le rôle et la contribution du secteur privé à la
résilience des Nations et des collectivités face aux catastrophes en encourageant les Etats à
instaurer des « partenariats entre le secteur public et le secteur privé afin de faire participer
plus activement ce dernier aux activités de réduction des risques de catastrophes. » La
participation de ce type d’acteur est d’autant plus important du fait que les Etats ne disposent
pas toujours de ressources assez suffisantes pour prévenir ou gérer les catastrophes naturelles.
Ainsi avec leur participation, l’on assiste à la disponibilité de nouvelles ressources, gage
d’une renforcement des moyens des Etats dans la préparation, la prévention et la gestion des
catastrophes naturelles.

III- Perspectives pour que l’avenir de la protection civile soit un devenir

A presque trois ans de la fin de la décennie concernée par le CAH, l’on est en droit de
s’interroger sur l’atteinte du résultat poursuivi par cet instrument. Nous y penchant de suite,
nous nous rendons rapidement compte que le résultat escompté reste et demeure à ce jour un
défi qu’il faut relever malgré tous les efforts qui ont été déployés et qui continuent d’être
déployés dans la mise en oeuvre du CAH et les initiatives entreprises à différents échelons sur
l’ensemble du globe. En effet, la communauté internationale réunie à Kobé au Japon du 18 au
22 janvier 2005 s’était décidée « à chercher à parvenir au résultat suivant au cours des 10
années à venir  : réduire de manière substantielle les pertes en vies humaines et les
dommages subis par les collectivités et les pays sur les plans social, économique et
environnemental à cause des catastrophes. » Or en regardant de près les statistiques, le
monde continue de payer un lourd tribut aux catastrophes naturelles non seulement en termes
de vies humaines mais également en termes de dommages. Il n’y a qu’à souligner que le
nombre de catastrophe par année est allé croissant pour atteindre un record jamais atteignable
en 201011 selon les statistiques de la compagnie d’assurances Munich Re et selon Ubyrisk
Consultants au 30 juin 2011, l’on est à pas moins de 426 le nombre de catastrophes naturelles.
Il en est de même pour ce qui concerne le nombre de perte en vies humaines, de coût de
dommages et autres effets. Puisque ceux-ci sont également allés croissants tout au long de la
décennie comme le montre les statistiques. A titre d’illustration, le nombre de pertes en vies
humaines est passé de #### en 2005 à ###### en 2010, l’estimation faite par l’ONG anglaise
OXFAM prévoie une perte de pa smoins de 375 millions di’ici 201512 ; quant au coût des

11
950 catastrophes natureslles ont été relevées pour cette année.
12
Date butoire pour la fin du CAH.

10
dommages subis, il est passé de #### de dollar en 2005 à ##### en 2010. Qu’est-ce qui
explique de telles statistiques malgré comme relever plus haut les efforts et les initiatives
consentis par l’ensemble des acteurs sur l’étendue de la planète ? Autrement dit qu’est-ce qui
explique que ceux-ci n’aient pas produit le résultat escompté ? Ce questionnement nous
pousse à évoquer les contraintes qui sont au fait des défis qu’il faut relever pour favoriser
l’atteinte du résultat escompté par le CAH et assurer un devenir meilleur dans le domaine de
la protection civile.
Les contraintes dont il est question ici se résument en contrraintes sociopolitique et
économique.
S’agissant des contraintes sociopolitiques, il convient de souligner le manque de
volonté politique et la difficile articulation entre exigences internationales et priorités
nationales. Le manque de volonté politique tient non seulement à la prédominance de l’intérêt
des Etats sur l’intérêt général quand il faut prendre des décisions mais aussi au refus de
s’engager dans les programmes de coopération dans la réduction des catastrophes naturelles
de certains gouvernements. En effet, le déterminant fondamental des relations internationales
qu’est l’intérêt est inscrit dans le droit international sous la forme du principe de souveraineté,
de l’égalité et de la réciprocité des Etats. Or ces principes qui peuvent sembler équitables pour
régir les relations entre les Etats ne le sont plus lorsqu’il s’agit de prévention des risques. De
plus les convention internationales et régionales ou des instruments comme le CAH restent
très limités dans leurs portées et leur application tarde souvent à se faire et eu égardau fait que
ceux-ci n’ont pas souvent de caractère obligatoire ni contraignant, ils sont considérés par
nombre de pays (surtout ceux du Sud) comme antinomiques avec les lois nationales. D’où
l’existence d’une réelle inadéquation entre les législations nationales et les législations
internationales. La difficile articulation entre exigences internationales et priorités nationales
se manifeste essentiellement dans la mise en oeuvre des plans d’actions collective tels celui
du CAH ou de Yokohama ; car celle-ci se heurte le plus souvent au problème de l’adéquation
des exigences avec les priorités nationales. En effet, les Etats réchignent à observer les
normes et standards émis par ces plans d’actions et conventions internationales par crainte de
perdre toute autonomie nationale. Ainsi chaque pays se charge de formuler ces priorités en
matière de développement économque et social ; or celles-ci ne cadrent pas forcément avec
les exigences de la protection de l’environnement et de la prévention des catastrophes
naturelles. Aussi si la disparition de la forêt peut s’avérer nécessaire au développement
économique d’un pays, elle peut avoir des impacts négatifs sur l’environnement et peut
constituer de ce fait une menace pour l’environnement global. C’est dire la difficulté de

11
concilier développement et économique et protection civile. Un autre exemple illustrant cette
difficulté nous est fourni par le protocole de Kyoto qui signé en 1997 et ratifié par envrion
140 pays n’est pas toujours entré en vigueur en raison du refus de certains pays, dont les
Etats-Unis et la Chine. Le constat selon lequel qu’entre déclarations de bonne volonté et la
réalité, il existe un très grand fossé qui va en s’élargissant. Cela se ressent de façon saillante
lorsqu’il s’agit de transférer la technologie. En effet, les moyens de télécommunications tels
que les satéllites sont d’un apport très appréciables dan sle domaine de la réduction des
catastrophes naturelles car grâce aux images diffusées par ceux-ci, les chercheurs parviennent
à prévoir la trajectoire d’un séisme, d’un raz-de-marée ou d’une tempête tropicale. Or ce ne
sont pas tous les pays qui sont en possession de tels outils ; seuls quelques uns en sont
privilégiés. Pour autant, ces pays ne font pas beaucoup d’efforts pour faire profiter les autres
pays touchés de plein fouet par les catastrophes par leur savoir-faire technologique.
Pour ce qui est des contraintes économiques, est concerné ici le manque de moyens
financiers. En effet, la protection des vies humaines et des infrastructures implique un certain
coût qui est dans la majorité des cas très élevé. Mais celui-ci est incomparable au coût dû aux
catastrophes. C’est à juste titre que la Federal Emergency Management Agency 13 affirme
qu’ « un dollar dépensé dans les activités de mitigation des désastres permet d’économiser
deux dollars en activités liées à la réponse d’urgence. » Néanmoins l’on constate que certains
pays tels les Etats-Unis et le Japon disposent de moyens financiers considérables pour passer
outre le coût qu’impose la réduction des catastrophes naturelles et technologiques et investir
dans la prévention. A titre d’illustration, la collecte des données et des informations par la
National Security Agency nécessite chaque année plus de 4 milliards de dollar
d’investissement. En revanche, d’autres pays sont démunis de moyens, d’où l’absence
d’investissements ex-ante dans la gestion des catastrophes naturelles. Cemanque de moyens
se ressent lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre les stratégies de prévention élaborées au niveau
colectif ou bilatéral. Ainsi faute de moyens financiers, beaucoup de projets très souvent n’ont
pu voir le jour et certains qui sont au stade de préparation risquent de subir le même sort.
L’indigence financière contraint ainsi ces pays démunis le plus souvent à sacrifier des
domaines comme la protection de l’environnement, la sauvegarde des forêts et des littorales,
la construction d’infrastructures tenant compte des normes sismiques et environnementales
sur l’autel de la croissance économique.

Conclusion
13
Agence américaine de gestion des risques.

12
En définitive, ces deux conférences mondiales sur la prévention des catastrophes
naturelles organisées par l’ONU ont conduit à l’élaboration de normes et pratiques
essentielles dans la lutte contre les catastrophes naturelles. Elles participent et contribuent
ainsi de façon significative à l’internationalisation et l’institutionnalisation d’un monde de
catastrophes naturelles. Mais tout de suite l’on se rend compte que ces deux conférences sont
intimement liés présentant ainsi de nombreux points de congruence. Cependant une réelle
rupture existe entre elles et s’expriment au travers d’importantes avancées qui méritent d’être
saluées. Toutefois de nombreux défis demeurent et les uns et les autres acteurs sont invités à
fournir encore plus d’efforts et de se doter encore de plus de volonté afin de traduire en action
concrète et pragmatique les mesures et tâches à eux dévolues devant concourir à juguler les
effets pervers des catastrophes naturelles. Nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper
que si ces défis sont relévés l’avenir de la protection civile serait un devenir.

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