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ORDONNANCES MACRON

TÉLÉTRAVAIL : UN
CADRE JURIDIQUE
PLUS ADAPTÉ
EXTRAIT
Ouvrage pratique
Ordonnances Macron

www.editions-legislatives.fr
Formes particulières de travail

Pour s’adapter aux nouvelles formes du travail, les ordonnances du


22 septembre 2017 adaptent un certain nombre de formes particulières de
travail : télétravail, contrats précaires, horaires atypiques… Elles ont égale-
ment abrogé le contrat de génération.

■ Télétravail : un cadre juridique plus adapté

1. Suppression de la distinction entre télétravail régulier et


télétravail occasionnel
Jusqu’au 24 septembre 2017, la réglementation sur le télétravail concer-
nait « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail… est ef-
fectué hors de ces locaux de l’entreprise de façon régulière et volontaire ».
Ce critère de régularité a été supprimé de la définition du télétravail (Ord.
no 2017-1387, art. 24).
Il faut dire qu’il était source de confusion. En théorie, ce critère signifiait
qu’était exclu de la réglementation sur le télétravail, le recours exception-
nel au télétravail pour répondre à des situations particulières (préconisation
du médecin du travail, grève des transports, pour faire face à une situation
familiale comme un enfant malade…). En pratique, il était souvent interpré-
té comme une obligation de fixité des jours de télétravail. Conséquence :
le recours exceptionnel au télétravail était privilégié parce qu’il échappait à
la réglementation du télétravail.
Depuis le 24 septembre 2017, le télétravail, qu’il soit effectué de façon ré-
gulière ou non, doit être soumis à la réglementation du télétravail (Ord.
no 2017-1387, art. 24, I)

2. Mise en place du télétravail par accord collectif, charte


ou avenant au contrat

 Primauté donnée à l’accord collectif sur la charte


L’ordonnance du 22 septembre 2017 imposait que le télétravail régulier
soit « mis en place dans le cadre d’un accord collectif, ou à défaut, dans
le cadre d’une charte élaborée par l’employeur… ». Il en résultait qu’en
l’absence d’accord collectif ou de charte sur le télétravail dans l’entreprise,
il n’était plus possible de recourir au télétravail (à l’exception du télétravail
occasionnel). La loi de ratification du 29 mars 2018 a supprimé cette exi-
gence.
Depuis le 30 mars 2018, il est donc possible de recourir au télétravail en
appliquant :
– un accord collectif qui aura été négocié au préalable. Il peut s’agir d’un ac-
cord collectif de branche, d’entreprise, d’établissement, de groupe ;

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– ou, à défaut, une charte élaborée par l’employeur après avis du comité so-
cial économique, s’il existe. En raison des termes « à défaut », la mise en
place du télétravail par une charte ne peut se faire que, dans l’hypothèse où
il y a des délégués syndicaux dans l’entreprise, si une négociation sur le té-
létravail a été engagée mais qu’elle a échoué. En l’absence de délégué syn-
dical, l’employeur peut directement opter pour la rédaction d’une charte ; il
n’est pas tenu d’utiliser les techniques subsidiaires de négociation (négocia-
tion avec un salarié mandaté, avec le CSE…) ;
– ou, en l’absence d’accord collectif ou de charte, un accord écrit entre
chaque salarié concerné et l’employeur. Le télétravail peut être mis en place
sur la base d’un accord individuel y compris si l’employeur n’a pas ouvert les
négociations d’un accord collectif. L’employeur a le choix soit de passer par
un accord collectif (ou à défaut une charte) soit par un accord individuel.
REMARQUE

la négociation d’un accord collectif ou l’établissement d’une


charte permet d’encadrer le télétravail afin qu’il soit adapté
aux besoins de l’entreprise et qu’il réponde aux aspirations
des salariés tout en évitant les éventuelles dérives
(discrimination, intrusion dans la vie privée, isolement du
salarié, surcharge de travail…).

Clauses obligatoires de l’accord collectif ou de la charte sur le


télétravail (C. trav., art. L. 1222-9)
Clauses spécifiques au télétravail :
1o les conditions de passage en télétravail (en particulier en cas
d’épisode de pollution déclarée par le Préfet) ;
2° les conditions de retour à une exécution du contrat de travail
sans télétravail (période d’adaptation, clause de réversibilité) ;
3o les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise
en œuvre du télétravail (avenant, échange de courriel…) ;
4o les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de
la charge de travail ;
5o la détermination des plages horaires durant lesquelles l’em-
ployeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
6° (depuis le 7 septembre 2018) les modalités d’accès des travail-
leurs handicapés à une organisation en télétravail, en application
des mesures prévues à l’article L. 5213-6.
Clauses obligatoires dans tout accord collectif : un préambule, la
forme et les délais de renouvellement ou de révision, les conditions
de suivi et la clause de rendez-vous et s’il s’agit d’un accord de du-
rée indéterminée : les conditions de dénonciation et le délai de pré-
avis.

 Un « droit » au télétravail très relatif


Lorsque le salarié demande à bénéficier du télétravail en application de
l’accord collectif ou de la charte sur le télétravail applicable dans l’entre-
prise, l’employeur qui oppose un refus, alors que le salarié occupe un

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poste éligible au télétravail dans les conditions prévues par l’accord ou la


charte, doit motiver sa réponse (C. trav., art. L. 1222-9).
Pour s’y opposer, l’employeur devra justifier son refus par des arguments
objectifs. Ce refus ne devra être ni discriminatoire ni abusif. Il peut s’agir,
selon nous, des motifs suivants : condition d’éligibilité prévue par l’accord
collectif ou la charte non remplie, impossibilité technique (ex. : logement
exigu ne permettant pas l’exercice du télétravail dans de bonnes condi-
tions), nécessité de la présence physique du salarié pour le fonctionne-
ment de l’entreprise…
REMARQUE

à noter que l’accord collectif ou la charte peut comporter des


critères d’éligibilité au télétravail dès lors qu’ils sont objectifs
comme, par exemple, une ancienneté minimale, la nécessité
de la présence du salarié pour assurer le fonctionnement du
service ou de son équipe, des travaux nécessitant l’utilisation
de logiciels ou d’applications faisant l’objet de restrictions
d’utilisation à distance, la nature des fonctions.

Par conséquent, le salarié qui demande à passer en télétravail n’a pas un


droit au télétravail puisque l’employeur, hors discrimination ou abus de
droit, peut lui en refuser l’accès.
Si l’employeur peut refuser d’octroyer le télétravail à un salarié pour des
raisons objectives, il ne peut pas imposer à un salarié de télétravailler :
même s’il est prévu par accord collectif ou par une charte, le télétravail re-
pose sur le volontariat (C. trav., art. L. 1222-9) et nécessite l’accord du sa-
larié.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, face à une demande de télé-
travail, l’employeur peut opposer un refus sans avoir à motiver sa réponse
Seule exception (introduite depuis le 7 septembre 2018) : la demande de
recours au télétravail est formulée par un travailleur handicapé ou un
proche aidant. Dans ce cas, l’employeur doit motiver sa décision de refus
(C. trav., art. L. 1222-9).

 Consultation des représentants du personnel


■ Sur l’élaboration d’une charte sur le télétravail
Lorsque l’employeur établit une charte pour encadrer le télétravail, il doit
élaborer cette charte après avis du comité social et économique (C. trav.,
art. L. 1222-9) ou le cas échéant, du comité d’entreprise ou de la déléga-
tion unique du personnel.

■ Surla mise en place du télétravail


en application d’un accord collectif
Depuis la loi Rebsamen, il n’est plus exigé de consulter les représentants
du personnel sur les projets d’accord collectif (C. trav., anc. art. L. 2323-2
et art. L. 2312-8). Par conséquent, l’employeur n’a pas à consulter les re-
présentants du personnel avant de décider de négocier sur le télétravail.

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Formes particulières de travail

3. Application de la présomption d’accident du travail


Un accident est présumé être un accident du travail lorsqu’il a lieu pendant
les horaires de travail et sur le lieu du travail (Cass. soc., 30 nov. 1999,
no 93-14-208). Mais dans la mesure où en télétravail le lieu du travail est
aussi le lieu du domicile (ou un autre lieu), il y avait un doute sur l’applica-
tion ou non de cette présomption au télétravailleur.
Désormais, il est clairement précisé dans le code du travail que « l’accident
survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’acti-
vité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de tra-
vail au sens des dispositions de l’article L. 411-1 du code de sécurité
sociale ».
Cette présomption n’aura pas de difficulté à s’appliquer pendant les plages
horaires du télétravailleur dès lors qu’elles ont été bien définies et qu’elles
donnent lieu à un contrôle par le biais notamment d’un logiciel de saisie
des horaires.
Pour les salariés en forfait jours, non soumis à des horaires de travail pré-
établis, l’application de la présomption pourra s’appliquer, semble-t-il, aux
accidents survenus pendant les plages horaires où le salarié est joignable.
En dehors de ces plages horaires, l’application de la présomption est plus
problématique. Il faudra démontrer que l’accident est survenu pendant
l’exercice de l’activité professionnelle.

4. Une prise en charge des coûts encore floue


Avant le 22 septembre 2017, l’article L. 1222-10 du code du travail
précisait : « l’employeur prend en charge les coûts découlant directement
de l’exercice du télétravail, en particulier ceux liés aux matériels, logiciels,
abonnements, communications et outils ainsi que les coûts liés à la main-
tenance de ceux-ci ».
Cette obligation pour l’employeur de prendre en charge les coûts liés au
télétravail a été supprimée de l’article L. 1222-10 du code du travail par l’ar-
ticle 21 de l’ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Cette suppression ne signifie pas, pour autant, que les coûts liés au télé-
travail sont transférés au télétravailleur.
En effet, la prise en charge par l’employeur des coûts liés à l’exercice des
fonctions du salarié reste une obligation générale dont il ne peut s’exoné-
rer.
Cette suppression est dictée par le caractère obsolète de la liste des frais
à prendre en charge. : notamment, la plupart des salariés disposent d’in-
ternet chez eux et n’ont pas un surcoût de leur abonnement du fait de son

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utilisation dans le cadre du télétravail. Il n’y a donc pas lieu pour l’em-
ployeur de prendre en charge cet abonnement.
REMARQUE

le plus souvent, l’employeur met à la disposition du salarié un


ordinateur professionnel nécessaire à l’exercice du télétravail
avec des données et des connexions chiffrées. Cet ordinateur
comporte l’accès aux logiciels et aux applications utilisées
dans l’entreprise. La connexion internet utilisée peut être celle
à laquelle s’est abonné à titre privé le salarié ou celle de
l’entreprise (par le biais d’une carte spécifique délivrée par
l’employeur). Dans les 2 cas, il n’y a pas de prise en charge
pour l’entreprise car il n’y a pas de surcoût pour le salarié ; le
forfait reste inchangé.

Régime social de la prise en charge des coûts du télétravail


L’ordonnance du 22 septembre 2017 ne règle pas le sort de la prise
en charge de coûts au regard de la Sécurité sociale. A ce jour, ce
sont les règles de droit commun d’assujettissement qui
s’appliquent : pour être exonéré de cotisations, le remboursement
des frais liés au télétravail nécessite en principe que l’employeur
justifie qu’il s’agit de dépenses réelles, ce qui demande une gestion
des factures laborieuse. L’employeur peut préférer verser une in-
demnité forfaitaire mensuelle au salarié. Mais si la valeur du rem-
boursement ne peut être justifiée, l’indemnité sera considérée
comme un complément de salaire soumis à cotisations sociales.

5. Entrée en vigueur
Les dernières modifications apportées au régime du télétravail sont en-
trées en vigueur depuis le 1er avril 2018, date d’entrée en vigueur de la loi
de ratification du 29 mars 2018. Ainsi, alors qu’entre le 24 septembre 2017
et le 31 mars 2018, il était exigé de négocier un accord collectif ou d’établir
une charte pour mettre en place de façon régulière le télétravail dans l’en-
treprise, depuis le 1er avril 2018, l’employeur retrouve le choix d’opter
entre un accord collectif (ou à défaut une charte) ou un accord individuel
avec chaque salarié concerné
Pour les avenants ou clauses du contrat sur le télétravail conclus avant le
24 septembre 2017, les dispositions de l’accord et de la charte sur le télé-
travail se substituent, sauf refus du salarié, aux clauses contractuelles
contraires ou incompatibles. Le salarié fait connaître son refus dans le délai
d’un mois à compter duquel l’accord ou la charte a été communiqué dans
l’entreprise (Ord. no 2017-1387, art. 40, VII).

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accords d’entreprise,
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