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EPHEMERIDES THEOLOGICAE
LOVANIENSES
EDITAE CURA
J. Bittremieux, J. Coppens, J. de Becker,
J. Forget, A. Janssen, A. Van Hove.
SUMMARIUM.
ARTICULI.
J. Van der Meersch. De notione entis supernaturalis .... 227
NOTAE ET MISCELLANEA.
H. DE BtlC, S. I. Barthelemy de Medina et les origines du probabilisme. 264
CHRONICA.............................................................................................................. 409
LOVANII BRUGIS
Secretariatus: Administratio:
19, Rue des Recollets. Car. BEYAERT, Editor Pontificius
6, Rue Notre Dame.
NOTAE ET MISCELLANEA
BARTHELEMY DE MEDINA
ET LES ORIQINES DU PROBABILISME.
(Suite) 70.
et firma sententia dictat ac docet, licitum esse in dubiis sequi opinionem pro-
babilem » etc., id est, optimis angumentis probatam: idque evincit exemplum
quod affert, an liceat sortem accipere ex mutuo, ratione lucri cessantis. —
L’exemple propose par Medina dans le passage de Vlnstructio vise ici (Cf.
supra: SS 81-82) implique au contraire un conflit de deux vraies probabilites
opposees. « Confessarius opinative arbitratur mutuantem non posse aliquid
capere pro lucro [cessante] ; et ex adverso paenitens, sequens contrariam opi
nionem quae probabilis est, accepit aliquid pro lucro cessante. In tali casu,
dico confessarium posse, immo debere absolvere paenitentem... quamvis contra
propriam sententiam... »
72. In speculativis. Medina ne voit pas de difference entre la probabilite in
speculativis et la probabilite in practicis. Comment donc lui faire endosser une
notion de la probabilite (certitude en matiere contingente) qui n’a d’objet ade-
quat que in practicis?
73- & 67: Quando sunt duae opiniones probabiles de aliquo contractu. Cf.
S 70.
74. S 66: Quando utraque opinio, tarn propria quam opposita, est aeque pro
babilis.... Quando in opinionibus est aequalis probabilitas.
75. S 71 : Utrum teneamur sequi opinionem probabiliorem, relicta probabili?
— S 74: Si est opinio probabilis, licitum est eam sequi, licet opposita proba-
bilior sit. — S 79: Licet opinio probabilior tutior sit, probabilis est secura. —
S 80: Quando sunt duae opiniones in jure, altera probabilis, altera vero pro
babilior, licitum est judici probabilem amplecti. — § 83: Cum quid effecerit
paenitens, probabilem opinionem sequendo nonnullorum hominum disertorum,
quamvis confessarius probabiliorem contrariam sequatur sententiam.
76. C’est ce qui ressort du cas oü le confesseur doit absoudre son penitent
contra propriam opinionem (§§ 62. 67). D’une part en effet le confesseur juge
personnellement plus probable que le contrat dont lui parle son penitent est
usuraire; mais d’autre part il reconnait une probabilite ä l’opinion contraire,
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L,e P. Goree n’en juge autrement que pour avoir accorde trop de
credit aux idees du P. Gardeil sur le röle de la certitude probable
dans la theologie premoderne. Mais il n’est pas vrai que dans la
probabilite des anciens il s’agisse toujours « de certitude appuyee
sur les meilleures raisons personnelles et sur les raisons des meilleures’
personnes », ni que ce soient « des theologiens modernes qui aient
introduit la notion de doute dans le probable moral » 8t, ni que les
probabilistes aient du rompre avec toute une tradition philosophique
pour preter ä Medina leur notion de probabilite.
Nous accordons volontiers que l’on retrouve en gros chez Medina,
touchant la probabilite, la terminologie de ses predecesseurs. Mais
nous ajoutons aussitöt que, dans cette terminologie passablement
confuse, s’etaient toujours meles des points de vue divers, que l’on
82. Point de vue de Yappreciation morale, nette-
peut reduire ä trois 81
ment caracterise dans l’axiome canonique que nous citions plus haut
(§ 96, note): « Opinio doctoris magni inducit causam probabilem
erroris », oü « probabilem » signifie irreprochable, legitime. — Point
de vue topique, inspirant la definition celebre: « Probabilia sunt quae
videntur omnibus aut plurimis aut sapientibus » 83, et tendant ä faire
du probable (en tant que persuasif) un moralement certain. — Point
de vue critique enfin, bien marque par ce mot d’Hugues de Saint-
Victor, predecesseur certes assez ancien de Medina: « In rebus oc-
cultis, ea quae magis probabilia nobis videantur, eligimus, ita tarnen
ut in nulla parte dubia pro certis asserere praesumamus » 8485 , oü le
probable (au sens de plausible) n’apparait plus que comme un demi-
assure relativement douteux, comme un vraisemblable toujours sus-
pect, alors meme qu’il semble offrir plus de garanties que son
contraire 8s. Chez Medina, ce troisieme aspect de la probabilite pre-
babilem opinionem (§ 82). — Il admet d’autre part que, tout en adherant ä une
opinion comme probable, on peut avoir de justes raisons de redouter et de
soupqonner le contraire (§ 80, b, 3"). — Enfin, il accepte de discuter le principe
« In dubiis tutior pars » ä propos du conflit des opinions probables (§§ 72. 79).
81. R. P. Gorce, /. c., col. 484.
82. Nous resumons ici les conclusions d’une Etüde sur les divers sens du mot
« probabilis », qui paraitra incessamment dans la Revue Gregorianum.
83. Aristote, Top. I, 1, 7 (100 b, 21); et Bota, in h. 1.: P L 64, 910 D.
84. HuguEs de S.-V., De sacramentis, I, 6, 26: P L 176, 280 D.
85. Dans l’article auquel nous venons de renvoyer, on trouvera d’abondants
exemples de cet emploi du mot probabilis chez les ecrivains anterieurs au milieu
du XVIe siecle. Mais sans sortir des textes que nous avons reproduits ci-dessus,
il est aise de voir combien la notion du probable « demi-assure » etait com
mune, banale, usuelle dans le milieu scolastique oü devait se former Medina.
— C’est Sylvestre de PriEro, nous parlant d’un « doute probable », defini
par Legale probabilite des raisons opposees (§ 2), et empruntant d’ailleurs cette
definition ä son grand aine, saint AnTonin ; puis, supposant qu’ä l’opinion
magis probabilis peut faire pendant une contradictoire minus probabilis, et
celä, soit notabiliter soit non notabiliter (§ 3); n’hesitant pas, consequemment,
ä introduire l’idee de doute (large) dans l’opinion (§ 4), qu’il n’en distingue
pas moins du doute (strict) (§ 6). — C’est CajETan, qualifiant l’opinion de
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est, utrum possit quis, contra suam, aliorum sequi opinionem. (Que Ton ait le
droit de suivre sa propre opinion, lieu commun sans interet pour la discussion.
Mais qu’il soit permis de suivre l’opinion d’autrui contre la sienne propre,
voilä l’objet de la controverse... oü Medina a fait ecole].... Jamvero, quomodo
unicuique viro docto a'gere liceat contra propriam opinionem, explicabo. Veram
igitur existimo sententiam quam sequitur Bartholomeus Medina in art. 6° hujus
quaestionis, jamque in scolis (et multo ante) communis fuit: nempe, viro docto
licitum esse, contra suam opinionem quam probabiliorem arbitratur, operari
secundum opinionem aliorum, etsi opinio aliorum sit minus tuta, et, suo judicio,
minus probabilis; dum tarnen ratione et probabilitate destituta non sit. »
(Commentarii ac disputationes in l-II sancti Thomae, Salmanticae 1598, Disp.
62, n. 12). d) Sanchez, contemporain de Vasquez, et meme son aine d’un an,
comprend tout ä fait comme lui la Position de Medina, dont il s’inspire lui-
meme de tres pres, ainsi qu’en temoigne l’extrait que nous citons plus loin, ä
la note 101. « Praecipua difficultas est an cuicumque liceat in foro conscien-
tiae operari juxta aliorum opinionem minus tutam, quam probabilem reputat,
contra propriam tutiorem et quam sibi probabiliorem esse persuadet.... Partem
[affirmativam] sustinent Mercado, Medina.... » (Opus morale, Matriti 1613,
1. I, c. 9, n. 14). e) D'ailleurs, si Medina avait professe le probabiliorisme,
comment aurait-il pu traiter en adversaires Conrad Summenhart et Sylvestre
de Priero, si nettement probabilioristes eux-memes, et s’opposer, de Cajetan
et Soto, des textes inspires (en apparence au moins) du meme esprit? Pas plus
que le P. Goree, le P. M.-R. ne donne satisfaction ä ce fait. f) Autre impossi-
bilite. Le P. M.-R. suppose que, dans la proposition Si est opinio probabilis,
licitum est eam sequi, licet opposita probabilior sit (5 74), probabilis marque une
probabilite envisagee au point de vue de celui qui agit, tandisque probabilior
repondrait au point de vue de l’opinion commune. Ce changement de point de
vue ä l’interieur d’une si courte phrase est dejä ici passablement choquant.
Mais dans certaines autres formules, on ne peut l’admettre sans faire violence
aux mots. C’est le cas pour un bon nombre de celles que nous avons repro-
duites au debut de cette note, en particulier pour celles qui sont extraites des
55 66, 67, 70, 79 (la seconde), 80, 83 (la seconde). g) Peut-etre le P. M.-R. a-t-il
ete, sinon entraine, du moins confirme dans sa malencontreuse Interpretation
par une erreur, qu’on a peine ä s’expliquer, sur le sens de l’expression opinio
nem probabilem sequi. A la maniere dont il souligne cette expression, dans un
passage de Medina qu’il eite ä la page 55 de son articie, on voit qu’il la croit
synonime de opinionem teuere probabilem. Mais c’est tout ä fait ä tort. Opinio
nem teuere marque une adhesion de l’esprit. Opinionem sequi, une direction de
conduite. Il serait ridicule de supposer que l’esprit puisse adherer ä une
opinion qu’en meme temps il jugerait moins probable. On ne peut tenir une
proposition de preference ä une autre, que si on la croit plus probable que cette
autre. On peut au contraire se diriger d’apres une opinion que l’on croit moins
fondee que la doctrine opposee; et alors l’opinion que l’on suit n’est pas la
meme que celle que l’on tient: on tient l’une parceque sibi probabilior, on suit
l’autre bien que sibi minus probabilis; on a son opinio propria, ä laquelle on
adhere speculativement (cum formidine tarnen), mais on lui prefere l’opinio
aliorum, d’apres laquelle on se dirige en pratique. Il en est donc de opinionem
sequi comme de opinionem docere ou proponere. Dans les disputes scolaires
du moyen-äige, c’etait un usage courant des maitres de soutenir ou de faire
soutenir ä leurs eleves des theses auxquelles ils ne donnaient pas leur assenti-
ment, auxquelles du moins ils se defendaient de croire, mais qui servaient de
pretextes ä leur virtuosite dialectique. Soto fait allusion ä cet usage, lorsqu’il
ecrit: In speculabilibus scolarum disputationibus, nullum inde conflatur peri-
culum, quod quispiam minus probabilia, ingenii gratia, defendat (§ 43. Cf. § 71).
18
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nous avons parle plus haut I0°), il n’y a rien neanmoins, parmi les
elements de cette demonstration, qui marque ni un recul dans la
conviction ni une modification dans le point de vue. A cet egard, il
convient d’observer que, longtemps apres Medina, beaucoup de pro-
babilistes se contenteront encore des deux idees mises en ceuvre par
lui: i° Qui suit une opinion probable, agit correctement; 2° Se ranger
au plus probable peut etre plus parfait, mais non obligatoire I0‘. A
quel point est-ce donc se fourvoyer, que de chercher dans l’une ou
l’autre de ces idees la preuve que le celebre theologien n’a pas meme
songe au probabilisme!
Accusera-t-on de nouveau, comme lorsqu’il s’agissait de la notion
de probabilite, « l’incomprehension des casuistes »? Ce serait tres
injustement.
Quand on lit en effet ces mots de Medina: Nemo obligatur ad id
quod melius et perfectius est; perfectius est esse virginem quam esse
Et c’est de ce mot de Soto que s’autorise Medina, pour conclure a pari (§ 78):
Licitum est opinionem probabilem in scolis docere et proponere, ut adversarii
nobis concedunt; ergo licitum est eam consulere [et parconsequent: eam sequi],
— Resumons cette longue critique. Pour determiner le sens precis de la question
traitee par Medina dans le passage de sa dissertation oü l’on a vu le probabi
lisme 71-80), le P. M.-R. rapproche cette question de celle qui la precede
immediatement: Utrum sit licitum agere contra propriam opinionem? (§ 62-70).
Nous admettons nous aussi la parfaite continuite de ces deux questions; la
seconde n’est que la suite et l’explicitation de la premiere. Mais au lieu d’en
conclure au probabiliorisme des formules de Medina (hypothese qui se heurte
ä plusieurs impossibilites), nous voyons lä une raison de plus de reconnaitre
l’intention probabiliste de ces formules. Quand Medina permet de ne pas
suivre l’opinion plus probable, il ne permet rien d’autre que d’agir contre sa
propre opinion et suivant l’opinion (probable, quoique moins probable) d’autrui.
Et quand il permettait, quand il commandait meme dans certains cas, d’agir
contre sa propre opinion en se pliant ä celle d’autrui, il autorisait ou obligeait
dejä ä suivre une opinion moins probable, reputee teile par celui-lä meme qui
la suit. (Cf. 62, 67, 81-83, pour le cas, vraiment crucial, du confesseur en
desaccord avec son penitent.) Les probabilistes ne disent pas autre chose,... si
ce n’est lorsqu’ils apportent ä la these de Medina des limitations dont le hardi
moraliste n’avait pas voulu (Cf. § 69).
100. Voir p. 267.
101. Voici par exemple comment Sanchez prouve la these probabiliste dans
son Opus morale, 1. I, c. 9, n. 14. Existimans opinionem esse probabilem, juxta
eam operans, nec temeritatis nec imprudentiae notam incurrit: quippe temere
et imprudenter fieri dicitur, quod absque ratione et causa probabili fit. —
2° Sicut opinio probabilis in speculativis est quam absque deceptionis et erroris
periculo amplecti licet, ita in moralibus opinio probabilis est quam absque pec-
candi periculo sequi licet: quippe nullus ad melius et perfectius amplectendum
astringitur. — 3° Cum omnimoda de rebus [moralibus] certitudo haberi nequeat,
ad eam Deus minime nos obligavit, sed ad operandum cum morali certitudine,
qualis in opinione probabili reperitur: namque intolerabile onus ac multis
scrupulis expositum esset, si opiniones probabiliores investigare teneremur. —
Tout cela n’est rien autre que la demonstration de Medina. — Et ä la suite de
ce texte de Sanchez, nous pourrions mettre sous les yeux du lecteur une page
de Pierre d’Aragon litteralement copiee ä la meme source: De justitia et jure,
Venetiis 1585, q. 63, a. 4, dub. 2. — Ces auteurs avaient donc le Sentiment que
rien mieux que les raisons de Medina ne pouvait etablir leur probabilisme.
BARTHELEMY DE MEDINA ET LE PR0BABIL1SME 277
102. Au surplus, le developpement forme par les 76-77 fait lui-meme partie
d’un ensemble homogene, qui comprend la demonstration positive de la these
et la refutation des objections: § 74-80. Or de tout cet ensemble, et notamment
des reponses aux objections, il ressort bien que ce n’est pas seulement en
matiere de conseils, mais aussi en matiere de preceptes, que Medina pose son
probabilisme.
278 J. DE BLIC
103. Le lecteur averti comprend bien que cette absolution aura pour objet,
non pas l’espece morale sur laquelle porte le doute et dont la suite va etablir
l’inculpabilite, mais les autres fautes confessees.
BARTHELEMY DE MEDINA ET LE PROBABILISME 279
104. « Ainsi, meme ä Salamanque, on ne peut vraiment pas dire que Medina
ait trouve le probabilisme tout fait ou meme en formation. » (L. c., col. 482).
105. « La these de Medina fut repandue immediatement, notamment par
Banez en 1584 et par les theologiens dominicains non seulement espagnols,
mais italiens, fran?ais et flamands. Aussi, lorsque certains jesuites prönerent
280 J. DE BL1C
116. Le doute speculatif est celui qui porte sur une des premisses du syllo-
gisme operatif, tandisque le doute pratique affecte la conclusion. C’est lä ce
que Cajetan veut dire.
117. C’est ä ces explications qu’il faut se reporter pour avoir la cle du petit
developpement de la Summula 13-14) sur l’insuffisance de l’opinion comme
regle d’action et la necessite de la certitude. Faute d’avoir fait ce rapproche-
ment, plusieurs auteurs anciens (et Medina lui-meme: § 71) ont cru que l’en-
seignement de la Summula etait tutioriste. Non, mais l’auteur, qui annonce
dans la preface son intention de reduire la doctrine ä l’essentiel (Posthabitis
disputationibus ac opinionibus), omet en effet la distinction un peu subtile
entre opinion speculative et opinion pratique, et se contente d’inculquer avec
toute la tradition scolastique la necessite d’une conscience pratiquement certaine.
118. Le röle de Cajetan dans le succes de cette distinction s’accuse notamment
par la mention formelle que l’on trouve de lui, ä la date de 1542, sous la plume
du celebre Navarro, qui d’ailleurs ne parait pas comprendre la portee de la
doctrine qu’il transcrit. Commentaria in tres Distinctiones de Paenitentia, D. 7,
c. 4, n. 61.
BARTHELEMY DE MEDINA ET LE PROBABILISME 283
122. Il n’y a guere moyen de douter que teile soit la pensee du P. Goree.
Voir plus haut, note 105.
288 J. DE BLIC
124. Scriptores Ordinis Praedicatorum, II, 404: Hunc auctorem quidam lau-
dant quasi probabilismo faverit, ob eam quam habet in Summa propositionem:
« Ser licito que el juez sigua la opinion probable. [Ledesma ajoutait: Dexando
la mas probable.] Esta sentencia tiene el maestro Medina, y Orellana, y otros
muchos doctores, particolarmente los discipulos de S. Tomas. »... Ad quam
conclusioncm recte annotat Natalis noster Alexandre, censendum Ledesmium
eo sensu « probabile » accipere, quo illud exigit Medina citatus, praesertim
cum nullam ille specialem de probabili instituat dissertationem.
125. On peut se demander, du reste, quelle valeur Quetif et Echard attachent
eux-memes ä leur explication. Ils ajoutent en effet: Celebris autem jam est
hujus ab Innocentio XI propositionis censura: « Probabile mihi videtur judi-
cem minus probabilem posse opinionem sequi. » Quod summi Pontificis decre-
tum in jure naturali divinoque fundatum esse, nemo neget. Unde, ex utroque
id sibi non apparere, qui dicat Ledesmius, omni-no mirum. — N’est-il donc plus
certain que Ledesma prenne le mot probable en un sens different de celui des
casuistes condamnes?
126. Ibid., II, 316.
127. Voir plus haut, p. 284.
128. Ibid.
290 J. DE BLIC
Si, apres les dominicains, nous interrogions les jesuites — non pas
ceux du temps d’Etienne Dechamps, ils seraient recusables, mais
ceux qui, anterieurs aux controverses morales du dix-septieme siede,
ne pouvaient voir aucun interet particulier ä rechercher des patrons
en dehors de leur ordre, — ils ne nous apprendraient rien que nous
ne sachions dejä,
On a vu plus haut129 que Vasquez et Sanchez, tous deux de la
generation des eleves de Medina, se referent explicitement ä lui dans
leur expose du Systeme probabiliste, dont Sanchez va jusqu’ä lui
emprunter litteralement les preuves I3°. Leur aine Suarez (1548-1617),
ä qui l’on ne refuse pas d’ordinaire une certaine objectivite, presente
egalement Medina comme un probabiliste, et meme comme un pro
babiliste avance, dont les formules seraient ä restreindre plutöt qu’ä
elargir 131.
Il est inutile d’ajouter ni les jesuites Lessius, Tanner, Laymann,
Coninck, ni les theologiens seculiers Montesinos, Wiggers, Ysambert,
ni tant d’autres. Mais en terminant, nous voudrions attirer l’atten-
tion sur la Dispute quodlibetique anonyme, dont nous avons publie le
texte inedit dans notre premiere partie (§§ 84-118), et qui parait de
nature a projeter une certaine lumiere sur l’histoire des progres du
probabilisme. Nous croyons cette piece des environs de l’annee 1580.
Nous avons dit plus haut pourquoi *32. Elle ne saurait etre, en tout cas,
beaucoup plus tardive; car la resistance qu’elle suppose encore de
la part de cercles theologiques importants, relativement ä l’opinion
de Medina, ne devait guere se prolonger au delä de 1585 ou des
annees voisines. Alors, en effet, l’adhesion de Bafiez (§ 120, note 66),
puis, coup sur coup, celles de Lopez (§§ 119-120) et Pierre d’Ara
gon 133 — pour ne parier que des auteurs les plus connus, — allaient
determiner en faveur de Medina un revirement progressif et bientöt
complet de la Situation; les idees nouvelles se seraient conquis leur
place au soleil; on les qualifierait ä leur tour de sententia com
munis I34. C’est justement l’etat de choses inverse que represente
notre dispute. L’auteur s’y declare convaincu, pour le fond, de la
justesse de la these de Medina (§§ 100. 108); mais il n’ose s’y rallier
purement et simplement, parce que, si l’on peut s’exprimer ainsi, eile
manque encore de surface. Soucieux de ne pas quitter les routes bien
frayees, il s’en tiendra donc, dit-il, ä la negative. Ne a communiori
recedamus sententia (§ 109).