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MATIERE : Droit du travail

Auteur :Stéphanie ARIAGNO PRACCA

I. Cas pratique 2
II. Correction 3
A. La régularité du licenciement de Mme Lautusse 3
B. Le licenciement de M. Labelle 5

Date de création du document : année universitaire 2012/2013


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I. Cas pratique

L’entreprise Clinexe est une société spécialisée dans le nettoyage


industriel. Cette société a son siège social à Lyon et emploie 52
personnes.
Mme. Lautusse a été embauchée le 12 septembre 2000 en tant que
standardiste. Elle s’occupe de l’accueil des clients. Ces clients souhaitent
que la société Clinexe nettoie les locaux de leur entreprise. Le dirigeant
de la société Clinexe a reçu en janvier 2012, une plainte d’un client qui
n’a pas été satisfait de l’accueil qui lui a été fait lors de ses appels
téléphoniques. Informée, Mme. Lautusse est surprise de cette remarque
ayant toujours eu l’impression de faire son travail avec sérieux et
amabilité.
Profitant de l’occasion, le dirigeant rappelle à Mme Lautusse que son
poste nécessite une bonne présentation. Or, cette salariée n’hésite pas à
venir travailler avec de nombreux percing. Ses vêtements sont souvent de
style gothique.
Quelques semaines plus tard, le même client se plaint à nouveau de
l’accueil désagréable que lui aurait réservé Mme Lautusse. Selon lui,
cette salariée serait allée jusqu’à l’insulter devant d’autres clients.
Régulièrement convoquée à un entretien préalable, Mme Lautusse nie le
comportement qui lui est imputé. Le 12 octobre 2012, Mme Lautusse
reçoit une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant son
licenciement pour perte de confiance.
Décidée à ne pas se laisser faire, Mme. Lautusse saisit le Conseil des
Prud’hommes pour contester son licenciement. Elle invoque un
licenciement discriminatoire en raison de sa tenue vestimentaire.
Dans cette même société, M. Labelle est licencié pour faute grave après
que le vigile de la société SoSecure ait rapporté la dégradation par M.
Labelle du distributeur de boissons. En effet, la société Clinexe fait appel
à une société de sécurité pour faire surveiller le distributeur automatique
par des caméras vidéo. Selon le vigile, M. Labelle a dégradé le
distributeur et a dérobé des marchandises. Cependant, l’employeur est
inquiet car il n’a jamais prévenu les salariés de cette vidéosurveillance.
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II. Correction

A. La régularité du licenciement de Mme Lautusse

Le licenciement de Mme Lautusse semble s’appuyer sur des faits


inhérents à sa personne. Il s’agirait donc d’un licenciement pour motif
personnel. La lettre de licenciement ne mentionne pas de faute, c’est
donc un licenciement pour motif personnel non disciplinaire (Soc,
21.09.2006).
- Procédure de licenciement
Le licenciement d’un salarié doit suivre un certain nombre de règles
légales, faute de quoi, l’employeur s’expose à des sanctions.
En l’espèce, la salariée a été « régulièrement convoquée ». Ce point ne
pose donc pas de problème.
Durant l’entretien, la salariée a pu présenter sa défense puisqu’il est
indiqué que la salariée a nié les faits qui lui étaient reprochés.
Le motif du licenciement est bien indiqué dans la lettre de licenciement
reçue avec accusé de réception. Il s’agit d’une perte de confiance.
Sur la forme, le licenciement est régulé mais cela ne préjuge pas de la
validité du motif du licenciement.
- Bien fondé du licenciement
Le licenciement est un droit causé (L.1232-1 Code du travail). La cause
doit être objective et matériellement vérifiable. En l’espèce, la « perte de
confiance » doit être caractérisée. Ici, ce sont les déclarations d’un client
qui mettent en cause le sérieux du travail de Mme Lautusse et qui
génèreraient une perte de confiance de l’employeur envers sa salariée.
D’après une décision de la Cour de Cassation (Soc, 13.01.2004), la perte
de confiance ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement. Il
n’y a que des éléments objectifs qui puissent fonder un licenciement.
Le licenciement de Mme Lautusse est donc un licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
- Discrimination invoquée par la salariée
La salariée conteste son licenciement au motif que celui-ci est plus basé
sur ses tenues vestimentaires que sur la perte de confiance.
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Un salarié qui se dit victime de discrimination doit simplement apporter
aux juges des indices laissant à penser qu’il aurait été victime de
discrimination.
L’article L.1132-1 du Code du travail énumère les motifs constitutifs
d’une discrimination. Le cas de Mme Lautusse pourrait-il s’analyser en
une discrimination portant sur l’apparence physique ? Selon la
jurisprudence, l’apparence physique renvoie à « la physionomie, à la
constitution physique et à la tenue vestimentaire » (CPH Paris,
17.12.2002). Mme Lautusse pourrait donc arguer de cette possible
discrimination en justice.
Cependant, la défense de l’employeur pourrait invoquer un autre principe
justifiant l’éventuel comportement de l’employeur par rapport à la tenue
vestimentaire de Mme Lautusse. En effet, le principe de libertés
individuelles de l’article L.1121-1 du Code du travail et donc de libertés
vestimentaires peut être mis en échec si le salarié exerce des fonctions en
rapport avec le public.
D’après la jurisprudence (Soc, 28.05.2003 il s’agit de l’affaire dite « du
bermuda ») « Si, en vertu de l’article L.1121-1, un employeur ne peut
imposer à un salarié des contraintes vestimentaires qui ne seraient pas
justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but
recherché, la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail
n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales ».
Or en l’espèce, Mme Lautusse est chargée de l’accueil de clients
importants. Elle représente le premier contact des clients avec
l’entreprise Clinexe. De fait, son employeur peut lui imposer une tenue
vestimentaire plus classique.
De fait, il n’est pas certain que Mme Lautusse obtienne gain de cause en
invoquant une discrimination fondée sur l’apparence physique. A titre
accessoire, elle peut toujours faire cette demande puisque de toute façon
son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Conséquences financières et juridiques du licenciement
Plusieurs hypothèses sont à envisager.
a/ Dans le cas d’un licenciement discriminatoire, le licenciement de
Mme Lautusse est nul (L.1132-4 Code du travail). Mme Lautusse
dispose alors de 2 options :
o La salariée demande sa réintégration : Soc, 3.07.2003, dans
cette hypothèse, la salariée doit retrouver son poste et
percevoir une somme réparant la totalité du préjudice subi
c’est-à-dire les salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son
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licenciement et sa réintégration. Ici la réintégration est de
droit, l’employeur ne peut pas s’y opposer.

o La salariée ne demande pas sa réintégration : Mme Lautusse


aura droit aux indemnités de licenciement ; à des dommages
et intérêts pour réparation du préjudice lié à l’illicéité du
licenciement supérieur aux dommages et intérêts de l’article
L.1235-2 ; à l’indemnité de congés payés ainsi qu’à une
indemnité de préavis peu important qu’elle est été ou non en
mesure d’effectuer son préavis.
b. le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : Mme Lautusse aura
droit à toutes les indemnités résultant du bénéfice de 12 années
d’ancienneté. Elle bénéficiera d’une indemnité de licenciement, d’une
indemnité de congés payés et d’une indemnité de préavis.
En vertu de l’article L.1235-3 du Code du travail et afin de sanctionner
l’absence de cause réelle et sérieuse, Mme Lautusse pourra demander sa
réintégration (qui n’est pas de droit donc l’employeur pourra la refuser).
A défaut, elle touchera une indemnité qui ne pourra pas être inférieur à 6
mois de salaire.

B. Le licenciement de M. Labelle

Nous sommes ici dans le cadre d’un licenciement pour motif personnel
disciplinaire car une faute est reprochée au salarié.
A défaut de précisions sur la procédure de licenciement, nous
considérerons que celle-ci est régulière. Nous allons concentrer notre
étude sur le motif de licenciement : la dégradation du distributeur et le
vol de marchandise entraînant un licenciement pour faute grave.
- Analyse du vol
Une jurisprudence constante indique que l’on peut considérer que le
salarié a commis un vol passible d’une sanction dès lors que la valeur de
ce vol est supérieure à 15€ (Soc, 19.05.1993 ou Soc, 24.05.2000). Or en
l’espèce, M. Labelle aurait dérobé des marchandises à un distributeur. La
valeur de ces marchandises est en général de quelques euros. Sauf à ce
que M. Labelle ait dérobé à plusieurs reprises des marchandises, il sera
difficile de qualifier ses actes de vol constitutif d’une faute grave.
Cependant, une décision récente (Soc, 5.05.2011) a considéré que tout
vol de marchandise pouvait être constitutif d'une faute grave et fondé un
licenciement. L’employeur pourrait donc voir son raisonnement validé.
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Dans tous les cas, l’employeur peut utiliser d’autres sanctions comme
l’avertissement ou la mise à pied qui seront versés au dossier du salarié
et éventuellement réutilisable dans le futur. Comme la jurisprudence est
fluctuante sur ce point, une sanction autre que le licenciement pour faute
grave paraît être le plus raisonnable.
- Le problème de la vidéosurveillance
Dans notre cas d’espèce, l’employeur sanctionne son salarié pour des
dégradations et un vol sur la base d’images obtenues par vidéo
surveillance. Peut-il utiliser ces images de manière licite ?
D’après l’article L.1121-1 du Code du travail, « nul le peut apporter aux
droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à
accomplir ni proportionnées au but recherché ». Cet article fonde les
limites à l’utilisation de la vidéo surveillance en entreprise.
Pour que l’employeur puisse engager des actions contre ses salariés sur
la base de la vidéo surveillance, les salariés doivent être mis au courant
de ce procédé ainsi que les représentants du personnel. La CNIL doit
également être informée. En l’espèce, M. Labelle n’avait pas été informé
de l’existence de ce système.
Les éléments recueillis via des systèmes de vidéosurveillance illicites ne
pourront servir de preuve des fautes commises par un salarié (Soc.,
20.11.1991, Soc., 7.06.2006).En l’espèce, l’employeur ne peut donc pas
se baser sur les images vidéos pour licencier M. Labelle. Au-delà du
problème de la valeur du vol et de la sanction éventuelle, l’employeur ne
peut pas prouver légalement ses accusations. Le licenciement de M.
Labelle est donc sans cause réelle et sérieuse.

- Conséquences financières de l’absence de cause réelle et sérieuse

Tout comme Mme Lautusse, M. Labelle aura droit à toutes les


indemnités possibles si son ancienneté est suffisante. Il devrait disposer
d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité de congés payés et
d’une indemnité de préavis.
En vertu de l’article L.1235-3 du Code du travail et afin de sanctionner
l’absence de cause réelle et sérieuse, il pourra demander sa réintégration
(qui n’est pas de droit donc l’employeur pourra la refuser). A défaut, il
touchera une indemnité qui ne pourra pas être inférieur à 6 mois de
salaire.

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