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2. Cf. le livre de P. Chabal et J.P. Daloz, L’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument
politique, Paris, Economica, 1999.
3. Pour une analyse critique des méthodes de recherche empirique sur la corruption,
cf. G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « La corruption comme terrain. Pour une approche
socio-anthropologique », in G. Blundo (éd.) Monnayer les pouvoirs. Espaces, mécanismes et
représentations de la corruption, Paris, PUF – Genève, IUED, 2000, p. 21-46.
4. J.-F. Médard, « L’État néo-patrimonial en Afrique noire », in J.-F. Médard (éd.) États
d’Afrique noire, Paris, Karthala, 1991.
5. M. Weber, État et société, Paris, Plon, 1971.
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« néo » est là pour souligner qu’il ne s’agit plus d’un contexte traditionnel. Nous
entendons par État néopatrimonial le fait que, si l’État est par ses structures for-
mellement différencié de la société, du point de vue de son fonctionnement, les
domaines du public et du privé tendent informellement à se confondre. L’État
est, en quelque sorte, privatisé à leur profit, par ceux-là mêmes qui y détiennent
une position d’autorité, d’abord au sommet de l’État, mais aussi à tous les
niveaux de la pyramide étatique. Le dirigeant politique se comporte en chef patri-
monial, c’est-à-dire en véritable propriétaire de son royaume. C’est pourquoi le
pouvoir et la richesse tendent à se confondre et la possession du pouvoir poli-
tique ouvre la voie à l’accumulation économique. En même temps, le pouvoir
étatique, au lieu d’être institutionnalisé et de se distinguer de la personne du chef,
tend à se confondre avec la personne de son titulaire. L’institutionnalisation du
pouvoir, comprise en ce sens, à été la clé de la transmission dans la durée du pouvoir
politique au-delà de ses titulaires, et donc de l’accumulation du pouvoir politique au
sein de l’État. Elle constitue le fondement de la puissance de l’État moderne.
L’État néopatrimonial est une sorte d’État avorté et la corruption lui est
consubstantielle. Il repose sur le pouvoir personnel. La plupart des chefs d’État
qui ont réussi à durer ont bâti un véritable système de pouvoir personnel autour
de leur personne. Le chef d’État joue de son pouvoir de nomination comme d’un
pouvoir de patronage, distribuant alternativement la faveur et la défaveur, la grâce
et la disgrâce. La légitimation – et donc la reproduction de ce système de pouvoir
personnel – suppose que le chef dispose d’une capacité de redistribution qui lui
permette de faire accepter le recours à la contrainte, dont il use pour extraire des
ressources de la société. La gestion rationnelle – c’est-à-dire soucieuse de sa
propre reproduction – d’un État patrimonial repose sur la redistribution, mais
sur une redistribution fondée sur le favoritisme et de type particulariste plus
qu’universaliste, comme c’est le cas du « welfare state ». Si les ressources vien-
nent à manquer ou qu’elles ne sont pas judicieusement redistribuées, l’instabilité
menace. Les États risquent alors de se transformer en États purement préda-
teurs, utilisant la force uniquement pour se maintenir au pouvoir et en extraire
tous les bénéfices possibles. La crise économique qui se développe au cours des
années 1980 et les remèdes économiques qui lui ont été apportés ont eu pour
résultat de tarir les ressources de l’État qui s’est trouvé ainsi en panne sèche. La
crise économique s’est alors transformée en crise politique6.
On voit ainsi comment la corruption en Afrique ne correspond pas à des
finalités uniquement économiques d’enrichissement individuel, mais qu’elle a
aussi des fonctions politiques et sociales qu’on ne peut ignorer. Elle se greffe sur
le sous-développement, tout en vidant de leur contenu les politiques dites de
développement. On ne voit pas comment un quelconque développement peut
voir le jour dans de telles conditions, non pas que le développement suppose
nécessairement la disparition de la corruption – les expériences asiatiques et occi-
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ruption au sens juridique de contrat de corruption, mais l’ensemble des délits qui
lui sont connexes8. Toutes ces variables interviennent de façon différente dans
chaque pays africain. Nous insisterons tout d’abord sur la dimension corruptive
de certaines formes d’échange social, dans la mesure où cette question est trans-
versale aux deux formes qui nous intéressent ici, la petite corruption banalisée et
la grande corruption.
LA CORRUPTION-ÉCHANGE SOCIAL
Il est banal de constater qu’en Afrique, les relations sociales ont tendance à
être fortement personnalisées. Aussi, lorsqu’on veut analyser les mécanismes de
la corruption en Afrique, il est important de tenir compte de la façon dont
diverses formes de relations sociales sont assimilables à de la corruption lorsque,
en s’appliquant aux rapports avec le monde politique, administratif ou judiciaire,
elles engendrent le favoritisme et contaminent ainsi la gestion publique : c’est ce
que l’on appelle la « corruption-échange social ». On a trop souvent tendance
dans le langage courant à réduire implicitement la corruption à la corruption
purement économique, c’est-à-dire marchande, comme le pot-de-vin. Dans ce
dernier cas, les biens et services s’échangent directement ou sont médiatisés par
l’argent, sans qu’intervienne dans l’échange la personne des partenaires : l’échange
est impersonnel. Dans l’échange social, si l’échange conserve une dimension éco-
nomique, il n’y est pas réductible, car la personne des acteurs modifie la nature
même de l’échange. Cette distinction revêt une importance particulière dans le
contexte africain où diverses pratiques de corruption-échange social sont mon-
naie courante, qu’il s’agisse du népotisme, du clientélisme, du copinage ou encore
du « tribalisme ». Le népotisme renvoie à la prégnance des relations de parenté
au sein de la famille étendue, qui impose à l’acteur public de faire profiter les
membres de sa parentèle de son accès privilégié aux ressources publiques. Cela
peut se faire en recourant à toutes les formes de favoritisme comme la redistri-
bution de l’argent des pots-de-vin ou des détournements au sein de la parentèle,
ou encore en faisant recruter en priorité ses parents à un poste public. Il s’agit à
la fois d’un devoir moral et d’une obligation sanctionnée socialement, parfois jus-
qu’au recours à la sorcellerie. La relation de clientèle constitue un rapport de
dépendance personnelle qui repose sur un échange réciproque de faveurs entre
deux personnes, le patron et le client, qui contrôlent des ressources inégales. On
parle souvent de patronage lorsqu’il s’agit d’un responsable politique qui distri-
bue des ressources publiques, comme des emplois ou des permis, contre une
fidélité politique. Le copinage est un échange de services entre amis, et concerne
des personnes égales ou potentiellement égales. Enfin, ce qu’on appelle vulgaire-
ment « le tribalisme » est une forme de favoritisme à base ethnique ou même
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dent toute leur reconnaissance. Il faut donc bien distinguer les pratiques et les
représentations de la corruption et prendre en considération les deux niveaux
d’analyse.
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10. La recherche, coordonnée par Giorgio Blundo et Jean-Pierre Olivier de Sardan, a bénéfi-
cié du financement de la Commission des communautés européennes et de la Direction du
développement de la coopération suisse. Combinant l’analyse de la presse (4 700 articles
recensés) et des archives judiciaires à des observations directes, des entretiens approfondis
(plus de 900) et à des études de cas, l’étude s’est focalisée sur les domaines suivants : les trans-
ports et la douane, la justice, la santé, les marchés publics, la fiscalité locale, la coopération au
développement et les politiques de lutte. Les responsables nationaux ont été Nassirou Bako-
Arifari pour le Bénin, Mahaman Tidjani Alou pour le Niger et Giorgo Blundo pour le Sénégal.
Cf. G. Blundo, J.-P. Olivier de Sardan et al., La Corruption au quotidien en Afrique de l’Ouest.
Approche socio-anthropologique comparative : Bénin, Niger et Sénégal, rapport final de
recherche, Marseille, EHESS, IUED, IRD, octobre 2001, 282 p. Voir aussi le dossier « La cor-
ruption au quotidien », coordonné par G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, in Politique afri-
caine, nº 83, Karthala, 2001.
11. Pour une description plus détaillée des différentes formes de la corruption « banalisée »,
cf. G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « La corruption quotidienne en Afrique de l’Ouest »,
art. cit., p. 8-37.
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donné après coup soit laissé à l’appréciation de l’usager, cette pratique est telle-
ment banalisée que la gratification, offerte ou sollicitée, est devenue une règle
plutôt que l’exception. La frontière entre le cadeau de remerciement spontané et le
pot-de-vin obligatoire tend ainsi à se brouiller. Les « cadeaux anticipateurs » à un
agent public, aussi courants, traduisent en revanche des stratégies d’investissement
corruptif à moyen et long terme, car le fonctionnaire se retrouvera en position
d’endettement, au moins symboliquement, vis-à-vis de son « bienfaiteur ». Ainsi, «
un juge nouvellement nommé recevra en cadeau de bienvenue un climatiseur du
grand commerçant local ou d’un avocat de la place. À l’inverse, un autre juge pour-
ra lui-même se mettre volontairement en situation de dette vis-à-vis des entrepre-
neurs dont il sollicitera des largesses à l’approche de la fête de la Tabaski12 ».
Dans d’autres cas, les fonctionnaires « vendent » les services qu’ils devraient
effectuer gratuitement. Cette rétribution indue d’un service public peut prendre
plusieurs formes : carnets de santé vendus le double de son prix par les agents d’ac-
cueil du dispensaire ; interventions de la police facturées aux usagers, sous forme de
frais de déplacement ou par la mise en place de contrats de sécurité privée (voir le
cas du port autonome de Cotonou, où la surveillance des entrepôts de marchandises
sous douane est facturée régulièrement aux transitaires13) ; ou encore, vente abusive
de formulaires et imprimés administratifs, dont on simule la rareté.
D’autres formes de corruption utilisent la contrainte comme levier principal
pour solliciter le pot-de-vin ou la faveur de la part des usagers. Elles sont vécues
par ces derniers comme des pratiques d’extorsion, dans lesquelles aucun service
n’est véritablement fourni et les possibilités de transaction et de négociation se
réduisent fortement. Le premier exemple est celui bien connu du racket exercé
lors des innombrables contrôles routiers, dont sont victimes les chauffeurs de
taxi et de car, les camionneurs, ou encore les importateurs devant un barrage
douanier… On sait que le « code de la route pratique » prévoit, depuis longtemps,
le glissement furtif d’un billet de banque dans la chemise qui contient les pièces
du véhicule. Connaître ce code de la route, avec ses normes pratiques, son éti-
quette, ses tarifs, constitue un élément concret de l’apprentissage du métier de
transporteur ou de commerçant. Aux barrages douaniers, ou dans les salles d’at-
tente d’un hôpital, c’est aussi le temps du citoyen qui est pris en otage ; mais les
formes de corruption-contrainte sont parfois plus sournoises, comme l’abus de
la garde-à-vue et des procédures de flagrant délit pour acheter, via des intermé-
diaires (généralement les gardiens de prison), la clémence du procureur14.
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Si, le plus souvent, ces formes de ponction prennent la forme d’un véritable
péage non accompagné d’un service, il faut aussi reconnaître que sous l’aspect de la
menace peuvent se cacher parfois des interactions mutuellement bénéfiques pour
les acteurs. En effet, la plupart des véhicules impliqués dans le transport en com-
mun ou dans le commerce (tant au Bénin et au Niger qu’au Sénégal), vétustes et
dépourvus de pièces valables, se trouvent dans un état d’infraction permanente. La
frontière est donc faible entre la corruption sous contrainte et le cadeau de remer-
ciement offert à l’agent, qui a permis au chauffeur de rouler malgré les défauts
constatés.
À l’opposé des formes de corruption fondées sur la menace et la contrainte,
où la dimension de l’extorsion prime la dimension transactionnelle, nous ren-
controns des pratiques qui se confondent avec celles de la sociabilité ordinaire.
Rentrent dans cette catégorie les échange de services et de faveurs entre promo-
tionnaires, parents, ressortissants d’une même localité ou région, membres d’une
même faction politique. Dans ce cas de figure, l’agent de l’État se trouve face au
dilemme de choisir entre le respect d’une éthique bureaucratique abstraite et rare-
ment pratiquée dans son milieu de socialisation professionnelle, et la fidélité due
aux réseaux identitaires, familiaux, politiques. Sur ce point particulier, les repré-
sentations du public et des fonctionnaires se rejoignent, car celui qui s’abstient
de venir en aide à un proche se voit victime d’opprobre social et d’ostracisme.
Pour compléter cette brève présentation des principales formes de corruption
observées en Afrique de l’Ouest, il faudra mentionner des pratiques qui ne résultent
pas des interactions entre services publics et citoyens, mais qui sont le fait des agents
de l’État et plus généralement de tout dépositaire d’une fonction publique : le
détournement et les usages privatifs de matériels et fonctions publics. Une revue de
presse au Niger et au Sénégal (portant sur les trente dernières années) a montré que
ces pratiques sont les plus dénoncées par les journalistes : 27,6 % des articles de la
presse nigérienne et 53,2 % des articles de la presse sénégalaise concernent des
détournements de biens publics, des abus de biens sociaux ou l’usage indu de maté-
riel de l’État15. Bien que ce constat ne suffise pas pour conclure que ces pratiques
sont les plus représentatives de la corruption en Afrique de l’Ouest (la presse n’é-
tant qu’un indicateur partiel et partial du niveau effectif de corruption), des sources
qualitatives complémentaires (entretiens et observations) ont confirmé la banalisa-
tion du vol systématique des ressources publiques. Le plus souvent, ces pratiques
s’inscrivent dans une stratégie de recherche d’un enrichissement rapide. Il faut pro-
fiter au plus vite et au maximum de l’assignation à un poste « juteux » dans un ser-
vice public, puisqu’il s’agit d’un poste souvent éphémère (du fait de la rotation rapi-
de des affectations dans les administrations et de la précarité de certaines nomina-
tions politiques). Tous les moyens sont alors bons pour accumuler le plus rapide-
ment possible : usage privé des véhicules de fonction ou du téléphone du service ;
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La surcharge structurelle des services, qui génère de longues files d’attente pour
l’accès au moindre service, n’est qu’en partie due au manque de personnel qualifié.
Les agents peuvent aussi créer délibérément des goulots d’étranglement, et cela
grâce à de multiples stratégies. Les administrations de contrôle, comme la douane,
abusent de leur arsenal réglementaire pour jouer sur le temps d’attente des usagers
et les « prendre en otage ». Ainsi, les commerçants, les chauffeurs de taxi et même
les passagers préfèrent « donner quelque chose » afin d’éviter les escortes, les déchar-
gements et les fouilles systématiques, qui les retardent et engendrent de lourdes
pertes économiques. Au niveau du système des marchés publics, c’est la complexité
ou la lenteur « naturelle » des procédures qui ouvrent la voie à « l’argent accélérateur
» : au Bénin et au Sénégal, toutes les phases de la réception et du paiement final de
la prestation (signature du rapport de contrôle ou de réception, traitement du dos-
sier par les services financiers, décaissement auprès du Trésor public) deviennent
des occasions de ponction illicite, par la mise en scène de retards, lenteurs, pro-
blèmes de trésorerie16, etc. On peut enfin retarder le fonctionnement de l’adminis-
tration par des formes variées de pénurie (structurelle, organisée ou simulée) : rup-
ture de stock de médicaments et pannes récurrentes des appareils du service de
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DE LA DÉSHUMANISATION À LA SURPERSONNALISATION
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l’usager anonyme, qui ne dispose pas de contacts au sein du service, est méprisé,
maltraité, voire déshumanisé. Les témoignages recueillis dans les dispensaires et
dans les hôpitaux publics sont à cet égard unanimes : « le personnel de santé nous
traite comme des animaux. » En revanche, le cadeau ou la recommandation
déclenchent la sollicitude et l’attention de l’agent public : on sort de la sphère de
l’anonymat pour devenir un client, un patient, un citoyen digne de respect.
Convaincus que l’administration marche à l’argent et aux connaissances, et qu’il
faut se prémunir contre des prévarications ou des blocages possibles, les usagers
se lancent dans une quête incessante de relations. Ainsi, avant de s’adresser au
fonctionnaire derrière le guichet, ils s’informent des liens, réels ou fictifs, qu’ils
pourront évoquer en guise de préalable à la démarche administrative. La corrup-
tion devient alors le recours des « faibles » (du point de vue sociologique) et
constitue souvent le premier pas vers la construction d’une relation d’échange
durable et personnalisé entre l’usager et l’agent public.
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LA GRANDE CORRUPTION
LA CORRUPTION INTERNATIONALE
La grande corruption, nourrie pour la plus grande part par la corruption inter-
nationale, se trouve au cœur de la vie économique et politique de l’Afrique. Elle
se greffe essentiellement sur les flux financiers liés aux échanges économiques
internationaux : import-export (d’où l’importance des douanes), investissements
lourds, ressources minières, aide internationale publique... Elle met en jeu des
sommes considérables en chiffres absolus, mais plus encore par rapport aux flux
économiques nationaux. Les fameux « éléphants blancs », barrages, usines en tout
genre, qui s’étaient multipliés dans les années 1970, ont été l’occasion de pots-de-
vin gigantesques. D’une façon générale, la corruption liée aux gros investisse-
ments, aux exportations d’équipements lourds et aux travaux publics génère des
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CORRUPTION ET VIOLENCE
Nous sommes ainsi conduit à prendre en compte dans nos analyses le lien
entre la corruption et la violence, pas seulement en ce qui concerne la petite cor-
ruption, mais aussi la grande corruption. Un phénomène particulièrement grave
s’est développé au cours des années 1990 et constitue une véritable mutation de
la corruption. C’est ce qui a été qualifié de criminalisation du politique21. On
pourrait discuter cette terminologie, mais nous l’adoptons faute de mieux, car elle
met bien le doigt sur ce qui est au cœur du phénomène, c’est-à-dire la fusion de
la violence et de la corruption. Le phénomène n’est pas nouveau en soi, mais ce
qui est nouveau, c’est qu’il se développe dans un contexte à la fois régionalisé et
mondialisé. Cette criminalisation du politique peut prendre la forme d’une cor-
ruption de type mafieux : dans ce cas, les dirigeants s’acoquinent avec des trafi-
quants internationaux liés aux divers trafics illégaux, de drogues, d’armes, ou de
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25. W. Reno, Corruption and state politics in Sierra Leone, Cambridge, Cambridge University
Press, 1997.
26. W. Reno, Warlord politics, Boulder, Colorado, Lynne Rinner, 1998.
27. J.-F. Médard, « La corruption internationale et l’Afrique subsaharienne : une approche
comparative », Revue internationale de politique comparée, vol. 4, nº 2, septembre 1997,
p. 413-441.
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28. F.-X. Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Paris, Stock,
1998. Voir aussi Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Les Arènes, 2000, et Noir
Chirac, Les Arènes, 2002.
29. Sur Elf, la lecture de l’ouvrage rédigé par son ancien dirigeant Loïk Le Floch Prigent est
trés éclairante : Affaire Elf, Affaire d’État, Paris, Le cherche Midi éditeur, 2000.
COMBATTRE LA CORRUPTION : ENJEUX ET PERSPECTIVES
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Mais la France n’a plus les moyens économiques d’entretenir une clientèle
d’États africains. Le clientélisme coûte cher économiquement au patron, car il ne
faut pas confondre les profits des entreprises françaises faisant affaire avec
l’Afrique, dans le contexte privilégié de la Françafrique, et les profits de l’écono-
mie française dans son ensemble. Avec le temps, cette Françafrique s’est trans-
formée. Elle n’est plus centralisée depuis l’Élysée par les réseaux de Jacques
Foccart. Ces réseaux se sont diversifiés et multipliés, entretenant entre eux des
relations de complicité et de concurrence à la fois. La politique africaine de la
France, qu’elle soit officielle ou occulte, a éclaté. Des réformes ont été entre-
prises afin de la normaliser. On assiste à un retrait de la France : la présence mili-
taire est sur le déclin, l’aide publique a chuté de façon drastique et elle a tendan-
ce à se multilatéraliser dans le cadre européen. À moyen terme, la Françafrique
semble destinée à disparaître, elle est sur le déclin, mais n’en finit pas de mourir
et il ne faut pas l’enterrer trop tôt. Si la structure formelle de la Françafrique a été
profondément réformée, son infrastructure informelle et occulte est toujours pré-
sente. Même si certains de ses réseaux constitutifs comme Elf se sont privatisés30
et tendent à se mondialiser, ils entretiennent toujours des liens avec les réseaux
publics occultes qui restent plus ou moins animés depuis l’Élysée. À cet égard,
les récentes élections présidentielles, en permettant la réélection de Jacques
Chirac, risquent de redonner une bouffée d’oxygène à la Françafrique. Il s’agit là
d’une dimension sur laquelle on ne peut faire l’impasse lorsqu’il s’agit de lutter
contre la corruption en Afrique francophone.
30. Sur la privatisation, voir le chapitre « Elf sous écran total » in F.-X. Verschave, Noir silence,
op. cit., p. 371-395.
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