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La Gazette des archives

La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives


départementales de l’Orne
Jean-Pascal Foucher

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Foucher Jean-Pascal. La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne. In: La Gazette des
archives, n°209-210, 2008-1-2. La conservation préventive. pp. 165-179;

doi : 10.3406/gazar.2008.4471

http://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_2008_num_209_1_4471

Document généré le 01/02/2018


La mise en place d’un plan d’urgence
aux Archives départementales de l’Orne

Jean-Pascal FOUCHER 1

La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne


s’inscrit dans une réflexion globale sur la politique de conservation de
l’établissement. La nécessité d’appréhender les questions de conservation dans
leur globalité nous est apparue après le constat d’une distorsion assez nette
entre les normes et préconisations et la réalité des pratiques aux Archives
départementales et au musée départemental d’art religieux. Les failles observées
étaient de natures diverses : vétusté des réseaux (électricité et canalisations) de
30 ans d’âge, magasins sans traitement d’air ni ventilation, absence
d’équipements de sécurité (pas de détection incendie, circulations non
sécurisées), absence de culture du conditionnement de conservation, utilisation
de matériaux inappropriés voire nocifs, salle de lecture exiguë, public et
personnel insuffisamment sensibilisés à la manipulation. Il n’existait pas en
outre de procédures d’urgence.
Cette situation était sans doute assez commune. Pour l’améliorer, il convenait
d’agir sur l’enveloppe et les moyens, ainsi que sur les habitudes de travail de
l’équipe, dans l’espoir que les principes de la conservation préventive irriguent
le service en profondeur.
Nous avons, depuis 1998, mené d’importants travaux dans le cadre de la mise
en conformité de la sécurité, en premier lieu du personnel et du public, mais
aussi des collections : réfection complète du réseau électrique, mise aux normes
de la sécurité incendie des personnes, installation d’une détection incendie dans
le bâtiment. Ce bâtiment, saturé de toutes parts, ne pouvait être contraint
davantage aux impératifs de conservation. Son exiguïté nous interdisait

1 Cette communication a été présentée par Jean-Pascal Foucher et Catherine Cottin.


Jean-Pascal Foucher

notamment de mettre en place une chaîne de traitement matériel cohérente :


nous avons dû renoncer à certaines améliorations dans l’attente d’un nouveau
bâtiment.
Les budgets de conditionnement ont connu une croissance forte. La
sensibilisation de l’équipe, l’acquisition des matériels adaptés, la mise en place
de nouvelles pratiques, ont pendant plusieurs années été organisées et gérées au
quotidien directement par le chef de service.
Cette gestion assez empirique, sans plan d’ensemble formalisé et partagé, fit
bouger les choses, sans pour autant avancer aussi vite qu’espéré.
L’individualisation d’une fonction conservation préventive est rapidement
apparue comme une nécessité. Mais il ne semblait pas facile de la confier à un
cadre en place, chacun ayant des attributions qui suffisaient à son occupation.
Une occasion s’est présentée lorsque Catherine Cottin, recrutée comme agent
du patrimoine en 2000 pour le bureau des archives contemporaines, a réussi
son concours d’assistant qualifié de conservation en 2003. La collectivité offrait
généralement, dans ce type de situation, la possibilité à son agent ayant réussi
un concours d’être recruté dans le cadre d’emploi obtenu, dès lors qu’un poste
correspondant à ce cadre pouvait être défini. Catherine Cottin a ainsi accepté
de prendre en charge le secteur de la conservation et de la restauration en 2003.
Elle a été rattachée directement au directeur, sans véritable encadrement, dans
une organisation de type mission. Au jeu des équilibres instables auquel nous
soumettons en permanence nos moyens, le bureau des archives
contemporaines a ainsi perdu un poste.
La refonte de l’organigramme des services du département en 2006 et la
réussite de l’intéressée au concours d’attaché nous ont donné l’occasion
d’ajouter aux cinq bureaux précédemment existants, dirigés chacun par un
agent de catégorie A, un bureau de la conservation préventive, en charge des
domaines suivants : conservation, conditionnement, atelier de reliure et atelier
photo, restauration, programmes de numérisation, gestion des supports de
substitution, entretien des magasins et des collections et plan d’urgence.
Un cadre, une ébauche de feuille de route, du temps dégagé, on pouvait donc
commencer à réfléchir à une analyse globale de notre politique de conservation
et de sécurité des collections. Il nous a d’emblée semblé évident que nous ne
pouvions être globalement performants, si pour un ou deux sujets parfaitement
maîtrisés dans la chaîne de conservation, nous fermions les yeux sur le reste. La
réflexion sur le plan d’urgence s’est donc développée parallèlement à la mise

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aux normes du bâtiment et au travail fait sur la conservation, le


conditionnement et l’entretien.
La nécessité d’acquérir des réflexes et de disposer d’un outil d’intervention est
devenue plus criante avec la concrétisation du projet d’extension du bâtiment à
partir de 2001. Cette extension comprenait 3 000 m2 neufs, mais aussi une
intervention lourde dans le bâtiment existant : destruction d’un bâtiment en
rez-de-chaussée accolé à la tour, restructuration complète de son rez-de-
chaussée, percement de communications entre les magasins de la tour et le
nouveau bâtiment sur cinq niveaux, distribution de gaines. Ces travaux
impliquaient l’apport de feu (soudure pour la plomberie), d’eau (sciage du
béton), de poussières (circulations, percements, ponçage) et la présence de
nombreux intervenants peu sensibles à nos contraintes. Il nous était impossible
d’isoler totalement les magasins des zones de travaux, de déplacer les
collections dans le bâtiment plein à craquer et de renoncer à maintenir l’activité
de communication.
L’élaboration d’un plan d’urgence devenait une nécessité.

Comprendre et définir le périmètre du plan d’urgence

La première étape du travail de conception du plan d’urgence a été de


comprendre dans le détail la finalité d’un plan d’urgence appliqué aux archives
et ce qu’il devait comporter.

Prendre connaissance de la documentation existante

Les documents alors à disposition étaient peu nombreux, difficiles à mettre en


œuvre ou ne répondant pas aux besoins :
- le « Modèle de plan de prévention des sinistres pour les musées, centres
d’archives et bibliothèques » 1, comprend une centaine de pages à remplir avec
beaucoup de données techniques sur le bâtiment. La structure de ce modèle et

1 « Modèle de plan de prévention des sinistres pour les musées, centres d’archives et
bibliothèques », Dijon, 1999, Office pour la Coopération et l’information muséographiques.

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le niveau de précision attendu étaient inadaptés au besoin immédiat et au


temps dont nous disposions. Il nous permit néanmoins de prendre conscience
du chemin à parcourir pour savoir quoi faire et qui contacter en cas de sinistre ;
- le classeur « Une méthode d’évaluation des pratiques de conservation
préventive dans un service d’archives »1 permet de faire le point sur les pratiques
en cours à l’instant T, mais ne donne pas de modèle de plan d’urgence, puisque
ce n’est pas le propos. Ce document fut renseigné par ailleurs ;
- les fiches techniques dégâts des eaux élaborées par la Bibliothèque
nationale de France ont été d’un grand secours. Elles donnent par type de
support et par genre de sinistre, la réponse à apporter. Très détaillées, elles
n’oublient aucun support, donnent les techniques à mettre en œuvre
(congélation, séchage à l’air libre, lyophilisation, etc.), les matériels à acquérir, et
surtout les manières de manipuler les documents en toutes circonstances. La
limite de ces fiches, c’est justement leur exhaustivité. Il faut pouvoir synthétiser
les informations qui y sont contenues en grandes catégories de supports,
enlever les fiches pour des supports non présents et toujours garder à l’esprit la
réalité des moyens, en particulier humains, dont nous disposerons réellement
en cas de sinistre ;
- un autre élément de réflexion fut le plan d’intervention rédigé pour les
Archives départementales des Pyrénées-Orientales, premier et seul exemple
alors disponible d’un plan d’urgence pour un service d’Archives
départementales en France.
La recherche de documentation complémentaire a eu lieu essentiellement sur
Internet, et en particulier sur les sites canadiens et américains. À la lecture des
textes réglementaires français régissant un plan d’urgence, il est apparu que les
plans d’urgence imposés par la loi à certaines catégories d’établissements
classés sont supervisés, validés et mis en œuvre en cas de sinistre par les
services de la sécurité civile d’une préfecture.

Stages et groupe de travail

Les services de la sécurité civile en Préfecture sont chargés du suivi et de la


mise en œuvre des plans d’urgence imposés à certaines catégories

1 « Une méthode d’évaluation des pratiques de conservation préventive dans un service


d’archives », Paris, 2002, CICL – DAF.

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d’établissements classés. La formation initiale d’assistant qualifié a été


l’occasion de suivre un stage de plusieurs jours au service de la sécurité civile de
la préfecture de l’Orne. Au-delà de la documentation et des conseils concrets
apportés, c’est aussi toute une culture de la prise de conscience et de la gestion
des risques qui est véhiculée par ce service. La première étape du stage a été de
comprendre ce qui caractérise vraiment un plan d’urgence : ce n’est pas un plan
de prévention des risques, ni une photographie de la situation à un instant
donné, mais véritablement un programme organisationnel d’intervention en cas
de sinistre, avec, pour toile de fond, la situation la plus catastrophique que l’on
puisse imaginer. Avec l’aide de ce service et par l’accès à leur documentation, et
en particulier aux plans existants pour les industries et les établissements
scolaires, la réalité du travail à accomplir s’est faite jour ; avec l’aide du service,
la structure du plan d’urgence des archives a été élaborée. Ce fut aussi
l’occasion d’échanges fructueux à propos de nos problématiques : problème
d’infestation, danger d’introduire de l’eau dans un magasin, a fortiori pour
éteindre un incendie, etc.
Dans le même temps, les Archives de l’Orne ont adhéré au Comité français du
Bouclier Bleu (CFBB) : le service s’est impliqué dans le groupe de travail « Plan
d’urgence »1 où les discussions, fondées sur une large base de compétences et
d’expériences, permirent d’échanger sur les points d’achoppement rencontrés
dans l’élaboration du dossier ornais et par là même de le faire avancer.
En tant que membre du groupe « Plan d’urgence », Catherine Cottin a ainsi pu
suivre la journée de formation à l’évacuation des documents mise en place à la
BNF et imposée, là-bas, à l’ensemble des personnels. Cela a permis d’observer
l’organisation concrète de l’évacuation des documents : découverte du matériel
nécessaire à l’intervention, liste de fournisseurs, organisation des équipes
d’intervention, équipement des personnels, etc.

Parallèlement, il fallait approfondir les connaissances sur les supports des


documents, la chimie des papiers, les problèmes de mobilier, les techniques de
dépoussiérage, de restauration : en bref tous les composants d’un document et
de son environnement afin d’essayer d’avoir la vision la plus globale possible
des problèmes posés par un sinistre et les questions liées à la restauration des
documents sinistrés.

1 Aujourd’hui groupe Plan de sauvegarde.

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L’élaboration du plan

C’est avec ces informations qu’a commencé le travail d’élaboration.


Parallèlement, le reste du service était informé de la démarche et de plus en
plus de procédures en conservation préventive étaient rédigées et mises en
place, concernant essentiellement la manipulation des documents, la
consultation par les lecteurs et le conditionnement. Le plan devait s’inscrire
dans une démarche plus globale, plus large que la « simple » intervention en cas
de sinistre, et surtout il s’agissait de mettre en place un maximum de mesures
pour prévenir les sinistres.

Un travail d’analyse et de concertation

Les contacts pris avec les pompiers nous ont rassurés sur le fait que la brigade
d’Alençon était très fortement sensibilisée à nos problématiques de
conservation et consciente qu’inonder les collections était aussi nocif qu’un
éventuel incendie. Nous savions pouvoir compter sur leur discernement, à
entretenir et cultiver, au-delà de leur mission première d’évacuation des
personnes et de neutralisation du sinistre. Mais la mobilisation probable
d’autres brigades en cas de sinistre majeur rend nécessaire l’élaboration et la
diffusion d’un document de synthèse exposant les problématiques de
protection des collections, qui serait également joint aux plans Établissement
recevant du public (ERP) à disposition des pompiers sur le site.
Des réunions ont également eu lieu avec les personnels du Pôle patrimoine et
logistique (services du Département) pour les questions de fournitures, de
matériel et d’assurance des agents en cas d’intervention hors de leurs heures de
travail ou dans les départements voisins ; avec les Affaires juridiques pour
l’élaboration d’une convention avec les départements de la Sarthe et de la
Mayenne ; avec la Direction des ressources humaines (DRH) pour les
questions d’indemnisation des personnels et de récupération horaire et un des
membres de ce bureau s’est déclaré volontaire en cas d’appel à volontaires pour
s’occuper du suivi horaire. Le projet a aussi été présenté au Comité hygiène et
sécurité pour validation des choix des matériels de protection des agents.
La rédaction des fiches du plan a pu être entreprise en commençant par les
étapes qui paraissaient les plus urgentes à mettre en place dans la perspective
des travaux d’extension : la phase d’alerte, le matériel à mettre en œuvre, le
déroulement de l’évacuation des collections sinistrées.

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La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne

La mise à plat des procédures, des circuits de déplacement des personnes et


d’évacuation éventuelle des collections nous a permis de constater les
problèmes de sécurité des personnes et des collections induits par les travaux
d’extension proprement dits, avec en particulier le point noir de la mi-journée,
moment pendant lequel le bâtiment était sous la responsabilité d’une seule
personne, en salle de lecture provisoire, sans aucun report d’alarme.
L’avancement du travail avait lieu par à-coups, en fonction du temps
disponible pour cette tâche, de la progression des lectures, mais aussi au gré
des révisions nécessaires à cause de la progression du chantier, du
déménagement des lieux de travail, des circuits d’évacuation disponibles à un
moment, puis indisponibles voire murés à d’autres.

L’état d’avancement

Le plan d’urgence commencé en 2004 n’est toujours pas achevé à ce jour. Les
travaux de construction sur le site des archives ont commencé en janvier 2006 ;
en septembre une première version du plan était achevée et la formation de
l’ensemble des personnels à l’évacuation de documents sinistrés a pu être
menée. Cette étape fut l’occasion de vérifier la pertinence des procédures
envisagées sur le papier. Ce ne fut évidemment pas le cas, aussi les corrections
ont-elles été immédiatement apportées.
Par ailleurs, la procédure de recours aux volontaires en cas de sinistre en
dehors des heures d’ouverture ou pendant des congés n’est pas encore
formalisée mais 14 personnes se sont déclarées volontaires pour être appelées à
leur domicile, parmi lesquelles 11 sont prêtes à intervenir chez nos voisins de la
Sarthe ou de la Mayenne. En effet, devant le coût des matériels à immobiliser
pour une hypothétique intervention en cas de sinistre, l’idée de mutualisation
avec les voisins s’est imposée à nous. Mais au-delà des coûts, c’est aussi la
compétence qu’ont les personnes travaillant dans un service d’archives, et quel
que soit leur niveau, qui est reconnue. En cas de sinistre ce n’est ni le lieu, ni le
moment d’expliquer ce qu’est un magasin, un épi, une travée, une cote, toutes
choses qui nous semblent à tous évidentes mais qui sont bien énigmatiques
pour le profane. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’intervention de
bénévoles n’a pas été retenue pour une évacuation des documents, mais sera
envisagée pour la logistique en cas de sinistre majeur, en fonction de nos
besoins.

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Structure et contenu du plan d’urgence

Le plan d’urgence est divisé en trois parties : un ensemble de fiches réflexes,


des fiches action et des annexes.
Les fiches réflexes comprennent, par poste de travail, la procédure à suivre en
cas de déclenchement d’alarme. Elles sont complémentaires des procédures
classiques d’évacuation et de mise en sécurité des personnes et doivent
permettre, dans une situation de crise, de mettre en œuvre, dans l’ordre, un
certain nombre d’opérations. Ces fiches réflexes ne doivent pas comporter plus
de cinq à sept points successifs et toute personne présente au moment du
sinistre au poste défini doit pouvoir l’utiliser. Elles sont au nombre de quatre et
ont pour titre :
- détection manuelle incendie : pour l’ensemble du personnel
- contrôle d’alarme et évacuation : pour les personnels de l’accueil, du
secrétariat et de la salle de lecture (localisation des reports d’alarme)
- contrôle de l’évacuation et orientation des pompiers : pour les cadres
présents
- salle de lecture : en particulier les dispositions à prendre entre 12 h et
13 h 30, moment où le président de salle peut être le seul du service sur place.

Les fiches action, au nombre de six, prennent ensuite le relais si l’ampleur du


sinistre le nécessite. Elles sont mises en place une fois les personnes évacuées
et mises en sécurité et le sinistre circonvenu pour ce qui concerne l’incendie,
maîtrisé pour les sinistres liés à des pénétrations d’eau. Les trois premières
s’intitulent :
- diagnostic : pour les cadres et agents techniques
- organisation : pour les agents techniques
- appel à volontaires : une pour la DRH, une pour les Archives et une
pour les concierges du Département qui assurent le gardiennage en dehors des
heures d’ouverture.
Ces trois premières fiches action doivent permettre d’organiser la gestion des
documents sinistrés en diagnostiquant la nature et l’ampleur d’un sinistre, en
mettant en place les premières équipes de traitement, en faisant appel, si
besoin, au personnel non présent et qui s’est déclaré volontaire.

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La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne

Les trois dernières fiches action indiquent les opérations à réaliser pour les
documents papier ou parchemins humides ou mouillés, les CD ou DVD
humides ou mouillés, les documents atteints par les suies et ceux non sinistrés
à protéger. Elles énumèrent les interventions et décrivent les chaînes de
traitement en fonction de la nature des dégâts et des supports.
La dernière partie du plan comporte en annexe l’ensemble des documents de
suivi : liste des personnes présentes avec le département d’origine (dans le cas
d’une intervention mutualisée) et les horaires d’arrivée et de départ, suivi des
bacs, réception et aiguillage des bacs pour traitement (congélation,
lyophilisation, séchage), réception des bacs sur les lieux de destination. Cette
dernière partie comprend également la liste des fournisseurs et prestataires avec
adresse et numéro de téléphone, réalisée de manière concentrique, afin de
contacter en premier les plus proches.
Le plan d’urgence est disponible sous forme papier en deux exemplaires : un
localisé dans le bureau du chef de service, proche du secrétariat, et un, avec un
certain nombre de fiches actions sous pochettes plastiques, dans une armoire
localisée en un espace facilement accessible de l’extérieur, avec le matériel de
première intervention. Le plan est aussi accessible sous forme numérique sur le
réseau Archives.

Ce qui reste à faire

La mise à jour liée aux nouveaux espaces

Les plans du bâtiment avec les circuits d’évacuation, qui, pour des raisons de
sécurité des personnes, n’avaient pas été joints au plan d’urgence, à cause de
trop fréquents changements pendant les travaux, sont à intégrer.

La connaissance des prestataires et fournisseurs et la définition de nos besoins

Mais le travail le plus lourd (en terme de temps à consacrer) qui reste à mener
consiste à contacter les éventuels prestataires susceptibles d’être appelés en cas
de sinistre majeur : transporteurs, entrepôts frigorifiques, etc. Le repérage de

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Jean-Pascal Foucher

ces fournisseurs ou prestataires est certes quasiment achevé depuis plus d’un an
mais tout le travail de prise de contact, d’explication de nos besoins éventuels,
la création d’une sorte de répertoire de référents est encore à faire. Par la suite,
la mise à jour de ce répertoire sera une des opérations les plus chronophages.

L’intégration des enseignements d’un sinistre à répétition

Dans l’évaluation sommaire des risques faite en amont du plan d’urgence,


l’inondation par les sous-sols n’avait jamais été envisagée au vu de la situation
géographique du bâtiment.
Nous avons eu la chance de pouvoir tester nos réflexes en cas de sinistre à
plusieurs reprises ces derniers mois. Si aucun sinistre n’a touché les collections
pendant les travaux (hormis deux cartons d’archives recouverts de lait de
ciment et malgré une importante fuite d’eau dans la tour) grâce à la présence
quotidienne d’un agent technique des archives sur le chantier, nous avons subi
dans les mois qui ont suivi la livraison du bâtiment plusieurs inondations, sans
atteinte aux documents, avec quatre causes différentes. Le premier sinistre s’est
produit lors d’un violent orage au début du mois de juin 2007 : les réseaux
d’eaux vannes et d’eaux pluviales de la ville se sont trouvés saturés et se sont en
partie déversés dans le vide sanitaire du nouveau bâtiment, et l’inondation s’est
propagée au sous-sol de la tour, où les pompiers ont pompé environ 200 m3
d’eau.
La gestion du sinistre a montré que des formations et sensibilisations avaient
porté leurs fruits : les personnes présentes ont canalisé le flux pour retirer l’eau
de ruissellement des locaux de conservation et des circulations (1/2 journée),
évacué des documents au rez-de-chaussée par sécurité, remonté d’autres d’une
tablette, puis géré le retour à la normale par l’assèchement des sols,
l’installation de déshumidificateurs et le contrôle régulier du climat. Le tout
s’est fait dans une relative sérénité : la gestion de l’inondation s’est faite dans
l’urgence, mais la définition des procédures de retour à la normale a été
débattue dans le calme et la sérénité.
Les premières heures du sinistre ont également illustré les faiblesses de
l’organisation. Le plan est apparu insuffisamment assimilé, à tous les niveaux
de la hiérarchie : le cadre chargé de l’élaboration du plan d’urgence n’étant pas
là, personne n’a pensé à consulter le plan d’urgence, pourtant accessible à tous
(l’ampleur limitée du sinistre et sa maîtrise rapide ne l’ont certes pas rendu

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La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne

nécessaire) ; la localisation du matériel et des consommables n’était pas assez


connue.
L’équipement de la collectivité est apparu insuffisant pour faire face à ce
sinistre, pourtant de faible ampleur : pas de pompe, pas de botte, pas de
raclette, pas d’aspirateur à eau.
La sécurité des agents n’a pas fait l’objet de la vigilance nécessaire : les femmes
de ménage ont travaillé avec des sandalettes et à mains nues, alors que du
matériel était disponible et qu’on était en présence d’eaux vannes. La
responsabilité de l’encadrement est de veiller à la sécurité des agents, mais aussi
de leur imposer d’autorité les procédures et matériels de protection mis à leur
disposition.
Nous avons également été confrontés à la faible réactivité des services soumis
aux règles de la commande publique : la prestation de désinfection a été
réalisée trois semaines après le sinistre. Il est apparu nécessaire de déterminer
des procédures d’urgence en amont avec les services chargés des achats et
prestations. La communication, peu abordée dans le plan d’urgence, nous est
apparue essentielle. Elle doit être rapide, transparente et organisée en direction
de l’équipe (réquisition du personnel présent, coordination des interventions,
vérification de l’équipement de chacun, organisation de la chaîne de
commandement), du public (en particulier si la communication des documents
doit être affectée et pour couper court aux rumeurs) et de la chaîne
hiérarchique.
Enfin, l’identification du risque d’inondation nous a amenés à renforcer la
vigilance, par l’instauration d’une visite quotidienne des agents d’entretien au
sous-sol et d’une visite systématique en cas de forte pluie, même en dehors des
heures ouvrées ; du matériel a été acquis pour faciliter le traitement de ce type
de sinistre.

En guise de conclusion

Aspects positifs

La mise en place d’un plan d’urgence est une activité très consommatrice de
temps. Avoir pu mener ce projet dans le cadre d’une formation initiale

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d’application a permis de rentabiliser au maximum les stages pratiques et les


formations utiles au projet.
Le pilotage de cette démarche a été assuré par un cadre en formation initiale,
nouveau dans le service, qui a pu diffuser les bonnes pratiques sans avoir à
lutter soi-même contre des mauvais réflexes qu’elle n’avait pas acquis.
La formation de l’ensemble des personnels au plan d’urgence a été l’occasion
de renforcer la conscience de la fragilité des documents que nous conservons
et de la responsabilité qui nous incombe au quotidien. Cela s’est traduit par la
demande de plus de la moitié des agents de suivre une formation plus générale
à la conservation préventive et de refaire la formation à l’évacuation au moins
tous les deux ans.
Le regroupement des fonctions de conservation préventive sur un seul cadre a
garanti la cohérence globale de la chaîne de traitement et de sécurité des
collections. Le plan d’urgence n’a pas été imposé du jour au lendemain : il a été
préparé et s’est inscrit dans un projet plus large.

Difficultés

Cet avantage présente aussi son revers : identifier un référent dans un service,
c’est aussi encourager la déresponsabilisation, à tous les niveaux de la
hiérarchie. L’investissement et la vigilance collectifs peuvent en souffrir. La
communication, la formation revêtent une importance capitale pour assurer
une adhésion de tous, en particulier de l’encadrement, au projet. Observée dans
d’autres domaines, la difficulté à inscrire des procédures nouvelles, portées en
mode « mission », dans les pratiques quotidiennes des agents est réelle. Elle est
accrue par le fait qu’il s’agit de maintenir le service en état de vigilance
permanente, pour des risques et des probabilités de sinistres qui restent très
faibles.
La définition d’un plan d’urgence nécessite un temps important. La
concentration d’autres missions sur son pilote ne permet ni une rédaction
linéaire du document, ni une mise à jour au fil de l’eau. Le plan d’urgence
avance ainsi par à-coups, ce qui peut nuire à sa qualité et à son efficacité.
Finalement, l’investissement est-il rentable ? Il faudrait pour contribuer au
débat donner la parole aux responsables de collections qui ont connu de graves
sinistres sans qu’un plan d’urgence ait été élaboré et assimilé en amont. Ou

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La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne

ressentir plus souvent le stress de l’alarme incendie en pleine nuit dans un


établissement sans plan d’urgence. Notre responsabilité de gestionnaire de
collections est grande : on pourra certes nous reprocher de ne pas avoir classé
les archives assez vite, mais la critique ne devrait pas être trop virulente. En
revanche, nous serons en première ligne si nous n’avons pas su identifier les
risques, prévenir ceux que nous pouvions prévenir, circonscrire ceux que nous
pouvions circonscrire, et élaborer les procédures d’urgence pour sauver un
maximum de collections si nous n’avons pu éviter le sinistre. L’urgence, c’est le
plan d’urgence.

Plan d’urgence et mutualisation : des réseaux à activer et à entretenir

Si chaque établissement possède ses propres contraintes, ses propres risques,


un bâtiment spécifique qui se comporte de façon spécifique, on peut
néanmoins admettre qu’une partie des risques et de leurs effets sont communs
à tous les services d’archives, voire pour certains sinistres à tous les
établissements patrimoniaux, tout comme les ressources locales et les
prestataires. Afin de partager l’investissement en temps et de limiter le coût des
équipements, il nous est apparu nécessaire d’élargir le champ de notre réflexion
à d’autres structures, dans la logique du partage d’expériences dont nous avions
bénéficié soit lors des stages de formation initiale d’application (FIA), soit dans
le cadre de la participation aux travaux du CFBB. Il nous semble désormais
indispensable de mutualiser, au sein de réseaux multiples, à la fois la réflexion
et les procédures opérationnelles. L’efficacité du réseau des services d’archives
et nos liens naturels avec les établissements patrimoniaux cousins rendent cette
solution envisageable.
La mutualisation de la réflexion théorique sur les plans d’urgence se poursuit,
en particulier au sein du CFBB. Elle pourrait se développer dans un cercle
limité aux services d’archives pour les questions qui les intéressent
exclusivement : choix des documents à évacuer en priorité, problématiques
propres à certains supports, etc.
La mutualisation des stocks de matériels et consommables (bacs, gants,
matériel) immobilisés pour un sinistre qui ne se produira peut-être jamais
apparaît comme une mesure de saine gestion des deniers publics. Cette
mutualisation doit être envisagée dans un périmètre départemental ou régional,
l’accessibilité du matériel dans la demi-journée étant une condition minimale. Il
nous a semblé que seuls, dans notre région, les services d’archives

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Jean-Pascal Foucher

départementales avaient les capacités financières à investir dans du matériel


immobilisé. Cette réflexion n’est sans doute pas pertinente dans les grosses
agglomérations dotées de gros établissements patrimoniaux, de type musées ou
bibliothèques. Des contacts ont été pris en 2006 avec les collègues de la Sarthe
et de la Mayenne dans le but de mutualiser les stocks de matériels immobilisés
à réserver aux interventions en cas de sinistre, sur la base d’un partage en trois
de la facture et des stocks, chacun s’engageant à réserver le matériel pour le
plan d’urgence et à le mettre à disposition à tout moment.
La mutualisation des procédures opérationnelles et logistiques peut être menée
dans le même cadre, mais aussi à l’échelle locale, entre les différents services
patrimoniaux d’une ville : identification des prestataires, définition des
éventuels flux d’objets patrimoniaux, prêt d’espaces de stockage, identification
des locaux immobilisables à proximité.
La mutualisation des moyens humains d’intervention doit également être
intégrée dans les contacts avec les partenaires. Le recours à des moyens
humains extérieurs au service en cas de sinistre de grande ampleur doit être
envisagé. Là encore, il convient de définir plusieurs cercles et de réfléchir au
meilleur usage de chaque compétence. Il nous a semblé qu’en cas d’urgence,
tant que nous n’aurions pas formé du personnel de la collectivité, il était plus
efficace de faire appel à des archivistes d’autres collectivités qui parlent le
même langage et connaissent le matériau. Cette solution, qui consisterait pour
chaque collectivité signataire d’une convention à mettre du personnel à
disposition d’une autre collectivité en cas de sinistre, a été discutée avec les
Archives de la Mayenne et de la Sarthe, validée par l’autorité politique et
étudiée par la DRH et les affaires juridiques. Mais la logique voudrait que, en
même temps qu’on forme les agents des archives, on forme les agents de la
Médiathèque départementale installée sur la même parcelle ou les agents du
pôle patrimoine et logistique du Département. On pourrait aussi élargir aux
personnels des établissements cousins, musées et bibliothèques, implantés sur
la ville.
La création et l’animation de ces réseaux multiples de mutualisation constituent
des enjeux fondamentaux pour la diffusion des plans d’urgence dans
l’ensemble des établissements patrimoniaux, et en particulier dans les structures
disposant de moyens humains limités. Si le gain de temps et les économies
d’échelle sont attendus à moyen terme, la mise en réseau représente une charge
importante. Nous cultivons l’espoir que le centre régional de conservation-
restauration Normandie patrimoine, financé essentiellement par la Région,
ainsi que par l’État, assurera à l’avenir, à l’échelle régionale, la veille technique,

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La mise en place d’un plan d’urgence aux Archives départementales de l’Orne

la coordination de la mutualisation en amont et l’activation du réseau en cas de


sinistre. La fonction de coordination du réseau ouest du CFBB a été confiée à
ce centre en décembre 2007.

Un service à la disposition du patrimoine des collectivités ornaises

En élaborant peu à peu les procédures écrites, en formant les agents, en


assimilant les réflexes, les Archives départementales tentent de s’affirmer
comme un établissement ressource en matière de conservation préventive en
général et en cas de sinistre en particulier. Notre espoir est d’être identifiés
comme tels par toutes les collectivités, sans prétention hégémonique, mais avec
la conscience que nous sommes les seuls à pouvoir assumer cette fonction
méthodologique et opérationnelle.
Dire que nous avons réfléchi à une approche globale de la conservation
préventive, que nous avons élaboré un plan d’urgence ne doit pas laisser croire
que nous avons réglé tous les problèmes et que nous serons toujours
immédiatement opérationnels en cas de sinistre. Un plan d’urgence n’est jamais
un acquis définitif. Il doit vivre au rythme du service, être enrichi et testé
régulièrement. Il ne sera jamais une fin en soi, mais une réponse d’urgence à
une situation qui n’aura pu être maîtrisée. La prévention et la vigilance
quotidienne de chacun resteront toujours les meilleures garanties de sécurité
des collections.

Jean-Pascal FOUCHER
Directeur des Archives départementales de l’Orne

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