La présente étude rentre dans le cadre d'une série d'études prospectives sur Madagascar initiée par le PNUD en Mai 2001. Ces études thématiques ont pour objectifs de:
- Eclairer sur l'évolution des tendances lourdes et leurs implications sur la société Malgache
- Elaborer des hypothèses de base en vue d'une construction d'un cadre de stratégie de développement à long terme
- Dégager enfin un plan d'action pour la période 2001-2015
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PNUD - 2001
Titre original
Culture et prospective: revue documentaire (PNUD - 2001)
La présente étude rentre dans le cadre d'une série d'études prospectives sur Madagascar initiée par le PNUD en Mai 2001. Ces études thématiques ont pour objectifs de:
- Eclairer sur l'évolution des tendances lourdes et leurs implications sur la société Malgache
- Elaborer des hypothèses de base en vue d'une construction d'un cadre de stratégie de développement à long terme
- Dégager enfin un plan d'action pour la période 2001-2015
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PNUD - 2001
Droits d'auteur :
Attribution Non-Commercial (BY-NC)
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La présente étude rentre dans le cadre d'une série d'études prospectives sur Madagascar initiée par le PNUD en Mai 2001. Ces études thématiques ont pour objectifs de:
- Eclairer sur l'évolution des tendances lourdes et leurs implications sur la société Malgache
- Elaborer des hypothèses de base en vue d'une construction d'un cadre de stratégie de développement à long terme
- Dégager enfin un plan d'action pour la période 2001-2015
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. BG
REPUBLIQUE DE MADAGASCAR PROGRAMME DES NATIONS UNIES
POUR LE DEVELOPPEMENT
Programme PNUD MAG/97/007 - DAPI
« Gouvernance et Politiques Publiques pour un Développement Humain Durable »Culture et Prospective
Sommaire
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Liminaire
Bref eurvol des études consaorées a la culture malgache
1, Etudes publiées entre 1900 et 1960 1
2. Etudes postérieures 8 1960
Le temps dans la culture malgache
1. Les mesures du temps chez les Malgaches uw
2. Les diverses perceptions du temps a Madagascar u
3. Le temps et le destin 13
4. Le temps envisagé dans le cadre des relations sociales (ou
fihavanana) 1s
5. Le présent, la conscience historique et le lorig terme
Le travail
1. Le discours sur le travail et la culture malgache 19
2. Les différentes formes de travail 8 Madagascar 21
3. Travail, productivité, discipline B
4, Travail et solidarité sociale 25
5. Travail et vision & long terme
Vargent
1. Laconception malgache de l'argent 29
2. Argent, d&penses somptuaires et pratique ostentatoires 30
3. Quelle fonction I’argent remplit-il dans la vie quotidienne ? 2:
:
Culture et Prospective ;
;
4, Bst-ce que le Malgache pense &’épargne et dans quel but ? 33
5. Argent, clivages sociaux, corruption et effritement des valeurs 33
6. La vision malgache de argent et Ia vision du long terme 34
Chapitre 5 La higrarchie 35
1. Higrarchie et organisation sociale 35
2. Higrarchi et stratification sociale dans la société malgache
moderne 31
3. Higrarchic, ang social et mobilité sociale 38
4, Hiérarchie traditionnelle et higrarchie administrative 39
5. Hiérarchie sociale et vision du futur 39
Chapitre 6 La parole 4
1. La parole et le sacré 41
2. La parole et la société 41
3. Parole et communication 2
4, Parole, kabary, littérature orale, tradition 4B 7
5. La parole dans le cadre de la prospective “4 .
;
Conclusion 45
1. Les valeurs communes partagées par les Malgaches 45
2. Les “handicaps” ou “point d’achoppement” 45
3. Perspectives (pour le futur) 47 7
Bibliographic st
Enquétes aCulture et Prospective
Liminaire
La présente étude rentre dans le cadre d’une série d’études prospectives sur Madagascar initiée par le
PNUD en Mai 2001. Ces études thématiques ont pour objectifs de
( _ Eclairer sur I’évolution des tendances lourdes et leurs implications sur la société Malgache.
Elaborer des hypothéses de base en vue d’une construction d'un cadre de stratégie de
développement & long terme.
(iii) Dégager enfin un plan d’actions pour la période 2001-201.
1. Pourquoi une étude sur la « Culture Malgache et la prospective » ?
La culture tient une place importante dans tout processus de développement et dans la mise en oeuvre
de projets visant le changement social. Les recherches sur le développement, menées jusqu’a présent &
Madagascar, ont révélé lexistence de « résistances » au changement et & l'innovation. Assez souvent,
ces résistances ont été justifiges au nom d’un attachement aux traditions ancestrales (cf. G.
Condominas 1961, “Fokon’olona et collectivités rurales en Imerina”, Berger-Levrault, Paris,
Réédition 1991, Editions de I’Orstom). Par ailleurs, il apparait que certaines valeurs traditionnelles sont
mobilisatrices pour la réalisation du développement (cf.J. Dez 1965, “Les conflits entre la tradition et la
novation” in : Bulletin de Madagascar n° 227-228, Avril - Mai, page 367-392). Ceci démontre, donc,
Vimportance de la culture dans la vie socio-économique d’un pays, mais également son impact
considérable sur les mentalités et les comportements des gens.
Mais que penser de la prospective ? Est-il envisageable de développer cette démarche & la lumigre de
Ja culture Malgache ? Pour le moment, il est difficile d’y répondre étant donné que Ia premiere
préoccupation est de savoir avant tout si une étude sur la culture peut étre entreprise dans le cadre de
la prospective.
Concernant cette demire, une remarque s*impose. Le fait est que ceci est un exercice qui n’a pas
seulement pour but de construire un “sénario” pour le futur mais aussi essayer de provoquer un
“changement social” dans le sens d'un développement envisagé selon la perspective du long terme. Or,
‘un changement social s’accompagne, dans la plupart des cas, de “facfeurs” qui sont susceptibles de le
freiner ou de le provoquer. Parmi ces facteurs, la culture ou les traditions peuvent étre citées.
De nouveau, 1a problématique déja évoquée & propos du développement se retrouve. Ainsi, étudier la
culture dans le cadre de la prospective c’est d’abord s’efforcer de comprendre le réle ou la fonction
qu’elle assume par rapport & I’innovation et au changement. C’est aussi essayer de trouver dans cette
culture certains éléments qui permettent d’infléchir les tendances lourdes dans la société Malgache
‘contemporaine. Le but final de I’étude serait alors de dégager des orientations pour le futur, c’est-a-dire
de tracer le chemin du développement en cherchant & l’orienter, comme I’a dit R. Bastide, suivant « la
pente d’écoulement de la culture » (cf. R. Basile 1971, “Antbropologie appliquée”, Payot, Patis, p.61).
2. Quelle seva la démarche adoptée pour cette elude ?
La présente étude se propose, notamment, de présenter une synthése des études consacrées & la culture
Malgache et son importance pour la prospective. II ne s"agit pas d’entreprendre une étude systématiqueCulture et Prospective
de la culture Malgache, ni d’ouvrir un nouveau champ de recherche en socio-anthropologie concernant
la culture et la prospective. 1! s*agit tout simplement de faire un état des lieux sur la question mais avec
une visée pratique. Ceci se fera & partir des “études existantes” sans pour autant engager un débat de
type académique sur tel ou tel point controversé de la tradition Malgache. En définitive, la tache
consistera @ dégager, @ partir des documents existants, les grandes idées concernant la culture
Malgache et les problémes qu’elle soulve dans une vision de long terme ou de prospective. Ce qui
signifie que I’étude prendrait en quelque sorte l’aspect d’une revue documentaire en s'y distinguant par
la présentation synthétique des idées-forces qui font, non pas tellement la culture Malgache en général
(ce qui serait long et fastidieux), mais de quelques aspects seulement de cette culture.
I convient aussi de dire un mot sur l'approche développée dans cette étude. Puisqu’il n'est pas question
@’entreprendre une recherche sur la culture et la prospective, il faut reconnattre, tout de méme,
Vexistence d'une difficulté d’ordre méthodologique & propos du théme & traiter. En effet, sous quel
angle présenter la synthése et sur quelle base s’appuyer pour pouvoir dégager les idées-forces qu
viennent d’étre évoquées?
Pour une question de commodité, et & titre d’hypothése de travail pour une étude plus approfondie du
probléme, il nous semble que le mieux serait de procéder & “une approche thématique”, en prenant
comme axes quelques themes qui ont des incidences sur la prospective. Ces themes peuvent étre
nombreux et variés, mais pour se faire une idée du lien existant entre culture et prospective, ila été jugé
utile de circonscrire et de limiter l'étude & quelques notions clés auxquelles la société Malgache
accorde actuellement beaucoup d’importance. Ce sont : le travail, ’argent, la hiérarchie et la parole. Il
n’est pas question d’étudier ces notions en elles-mémes, il s’agit, comme il a été dit plus haut, de
fourir une synthase & partir des matériaux existants.
3. Remarques sur la culture Malgache : le probleme de Vhomogénéité et de
la diversité de la culture Malgache
Avant dentrer dans le vif du sujet, il convient peut-étre de faire quelques remarques sur la culture
posent ici sont les suivantes : Dans quel sens le mot “culture” a-til
interprété par les spécialistes ? Est-ce qu’il faut parler d’homogénéité ou de diversité dans la culture
Malgache ?
BA. Sens du mot “culture”
Texiste autour du mot “culture” toute une constellation de sens, Beaucoup d’auteurs ont essayé d’en
donner une définition a I’aide de synonymes. Plusieurs termes (en francais) ont été retenus :
+ “Civilisation”, d’oi Vemploi assez fréquent de Vexpression “ciisation Malguche”, par
opposition sans doute a la civilisation occidentale (européenne) qui a été imposée dans le pays
pendant ’ere coloniale. La culture est donc entendue ici au sens large. Par exemple : l'article
de M, Rakotonirina sur |’identité culturelle et le développement (cf. Af, Rakotonirina 1984,
“Tdentité culturelle et développement” in Collectif sous la direction de J. P. Domenichini, J. P
Poirier, D. Raberisoanjato 1984, “Ny Razana txy mba maty. Cultures traditonnelles
Malgaches”, Editions de la Librairie de Madagascar, Antananarivo), dans lequel auteur utilise
tant6t le mot “culture” (et cultures au pluriel, p.12) tantot le terme “civilisation” (“La alversité
de la civilisation Malgache est une donnée immédiate de Vexpérience”, p.15). Les mots “culture” et
“civilisation” sont done interchangeables. A noter qu’il y a des auteurs qui préférent parler
carrément de “cisitsation Malgacbe” (entendue toujours au sens de culture, done de culture
Malgache), (cf. P Oftino 1986, “LEtrangire intime. Exsai d'antbropologie de ta civilisation de
Tancien Madagascar”, 2 Tomes, Edition des archives contemporaines).Culture et Prospective
+ “Mecurs et coutumes”, souvent ces deux mots sont accouplés pour exprimer une idée : la
culture Malgache. Cette culture comprend outre les mceurs des Malgaches en général, les
coutumes particuligres et spécifiques & chaque région, traduites en Malgache par fomban-
drazana (coutumes ancestrales), (cf. H. Berthier 1933, “Murs ef coulumes du peuple
Malgache”, Tananarive 1933). Il est & noter que des livres ont été écrits en Malgache au sujet
des fomnba (cf. Rév. WEE. Cousins 1806, “Fomba matagasy”, LMS, Antananarivo).
+ “Traditions”, le mot culture est souvent rapproché du terme “tradition” qui signifie en
Malgache lovan-tsofina (témoignages oraux), (cf. R. Pe Malzac 1899, “Dictionnaire frangais-
Malgache”, Patis, p.816). Mais le mot Malgache le plus souvent usité c’est celui de “iantara”
n orale (le mot a été traduit en francais par “histoire”). Ainsi, la culture renvoie avant
tout aux traditions orales d’un groupe (clan, ethnic) comme celles se rapportant & l’ethnie
Merina et leur organisation sociale et politique (cf. A. Délivré 1974, “bistoire des rots
a Tmerina, Inlerprétation d'une tradition orale”, Klincksieck, Paris). Le recueil que le pére jésuite
Callet a fait & propos des traditions “merina” (traditions relatives & V’histoire des rois et & la
société merina au temps de la royauté) demeure aujourd’hui une référence (cf. R. P Callet
1878, 2™° ed, 1918, “Tantara ny Andriana eto Madagascar”, 2 vol., Imprimerie officielle,
trad. V. Chapus et E. Ratsimba, 1953, 1956, 1958, 1978, Histoire des rois, Académie Malgache,
‘Tananarive).
3.2. La question de l'unité et de la diversité de la culture Malgache
Les spécialistes sont presque unanimes & affirmer l’unité des Malgaches sur le plan culturel. Cette unité
est renforeée par|’existence dune “langue unique” qui comporte plusieurs variantes dialectales. Ainsi,
pour H. Berthier, il existe & Madagascar un fonds commun malgré la diversité de la population. “De
‘méme que la langue Malgache est UNE dans toute ile, les tribus de Madagascar ont un fonds commun
de coutumes présentant, il est vrai, des différences dues aux contingences et a leur degré inégal
@Pévolution, Cette unité a frappé les explorateurs de la Grande Ile qui n’ont pas mangué de la signaler,
Berthier 1933, p.23)
1 faut reconnaitre qu’il existe aussi une diversité dans la culture Malgache, On pense que celle-ci est
lige & la diversité de la population. Dans l'ouvrage dA. Grandidier, une mine de renseignements sur la
question peut étre trouvée (Volume IV consaeré & I’Ethnographie), (cf. A. ef G. Grandidier 1908-
1928, “Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar; Vol. IV, Ethnographie, 5 Tomes,
Imprimerie fationale, Paris). Dans d’autres écrits ou ouvrages (publiés avant 1960), le theme de la
Giversité est traité dans la perspective d’une étude des spécificités de chaque ethnic (cf. G. Mondain
1904, “Des ies religieuses des Hovas avant Vintroducton du cbristianisme”, Cahors, Couestant, (cf. R.P.
Dubois 1938, “Monographie des Belsiteo”, institut d°Ethnologie, Paris), (cf. $. Rabarfiaona & J.
Valette 1959, “Les grandes fetes rituelles des Sakalava du Menabe ou Fitampoba’, Bulletin de Madagascar
n°155, p.281-313). A partir des années 70, certains auteurs n’hésitent pas & parler d’une vision du
monde propre a “l’ethnie” étudiée (cf. 2, Mole? 1979, “La conception Malgache du monde, du surnaturel
et de Ubomme en Imerina’, 2 tomes, L’Harmattan, Paris), (cf. ; R. Jaovelo-Dzao 1996, “Mts, rites ef
transes & Madagascar. Angano, Joro et tromba sakalava’, Editions Ambozontany — Karthala,
Antananarivo/Paris), (cf. E. R. Mangalaza 1998, “Vie et mort chez les Betsimisaraka de Madagascar.
Exsai d'antbropologie philasopbique”, L?Harmattan, Paris).Culture et Prospective
Les spécificités “ethniques” qui viennent d’étre évoquées n’excluent pas existence d’un fonds
commun dans la Grande ile. Comme le dit L. Molet dans |’introduction de son ouvrage sur la
“Conception Malgache du monde, du surnaturel et de homme en Imerina” : “Car ily a, au-dela ef au-dessous
des diférences superficeles, des nuances, comme pour la langue, une fois dépassées les divergences des parlers
des patois ou des dialeces, un fonds Malgache de Vantbropologie, de la tvlogie, de la cosmologie. y a un
substrat que les groupes conmaissent ef partagent ; il) a une unicilé qui est clue, nonobstant es obscurités en ce
qui concerne les origines extérieures et les dates d'arrivée, a une cobabitation prolongée pendant des siéctes dans
cette ile que (on peut parcourir @ pied dans sa plus grande dimension en quelques mois sans aucun obstacle
naturel" (cf. 2a Molet 1979, op. cit, p.12)-
M. Rakotonirina va encore plus loin en affirmant que “de fous les pay’s aant acquis leur indépendance
depuis la fin de ta seconde guerre mondiale, Madagascar est le seul pays qui présente, @ evidence, une
‘quadruple unite” *
= Unité géograpbique : qui parle d’elle-méme. Lille a sa personnalité bien marquée entre
PAfrique et la grande aire océanienne.
- Unité linguistique : malgré V'existence de dialectes dont I’intercompréhension exige pour
certains un apprentissage de quelques jours ou plus, il n’existe qu’une seule langue
Malgache du Cap d’Ambre & Faux Cap, des Antakarana aux Antandroy ~ qui reléve du
fonds commun malayo-polynésien.
= Unité historique : V'lle a toujours &é congue comme un ensemble, du point de vue de
Pextérieur, et malgré des dissensions internes, des antagonismes, se présente comme une
entité.
= Unité culturelfe : 1a méme remarque sur la langue peut étre faite & propos de la culture, Les
spécificités régionales sont fondées sur les mémes modéles structuraux. Ces schémes
uniformes sont eux-mémes, pour l’essentiel, d’origine indonésienne, Mais au cours d’un
millénaire et demi, environ, d’histoire, la civilisation Malgache, & partir de ce fonds
commun, a rencontré des éléments trés divers, et _méme tres disparates, et les a
remarquablement assimilés ; c’est ce que I’on pourrait appeler le “miracle Malgache”, c’est-
A-dire cette étonnante faculté d’intégration qui a permis de construire avec des matériaux
variés. “Le creuset Malgache a surtout réinterprété @ fa mesure de sa propre logique sociale” (cf.
M. Rakotonirina 1984, att. cit., p.13-14).Culture et Prospective
Chapitre 1. Bref survol des études
consacrées a la culture malgache
Dans ce survol, il est proposé de présenter les études qui ont été consacrées & la culture Malgache
depuis le début du 208° sidcle (début de I’époque coloniale) jusqu’& nos jours. La liste qui va étre
indiquée n’est pas exhaustive. Et en fait, il n’a été retenu que les écrits qui ont traité directement de la
culture Malgache ou de certains aspects de cette culture.
Concernant les ouvrages anciens datant d’avant la conquéte francaise (récits de voyageurs, études
ethnographiques entreprises par des explorateurs ou des missionnaires), l'ceuvre de A. et de G.
Grandidier 1903-1920, in “Collection des ouvrages anciens concernant Madagascar”, 9 Vol.. Union
coloniale, Paris, peut servir de référence. Mais, pour ce qui sont des études postérieures & l'année 1900,
elles peuvent étre divisées en deux grandes catégories : celles publiées entre 1900 et 1960 (année de
V'indépendance de Madagascar) et celles qui ont paru apres 1960.
1. Etudes publiées entre 1900 et 1960
14. Etudes ethnologiques ou “Science Coloniale” ?
Suite & des publications réalisées par des explorateurs et des missionnaires (par exemple : De La
Vaissiére R. P1885, “Vingt ans d Madagascar: Colonisaton, traditions bistoriques. Meeurs et ereyances
apres les notes du P Abinal”, Librairie Victor Lecoffre, Paris), une “science efbnologique” (ou
anthropologique) s’est constituée avec comme objet principal "étude des peuplades (science des
«races » selon l’approche de Galliéni) de Madagascar ainsi que de leurs meeurs et de leurs coutumes.
Le but de cette science était de faire connaitre la mentalité des Malgaches 2 l'aide d’une description
minutieuse de leur vie sociale et religieuse. Il s’agissait aussi de réaliser des études a l'intention des
administrateurs coloniaux chargés de défendre les intéréts de la métropole dans le pays.
Parmi les ouvrages édités et publiés pendant I’époque coloniale, il y a lieu de signaler :
1° oeuvre monumentale d’Alfred Grandidier & laquelle son fils Guillaume Grandidier a pris
une part importante : (cf. A. & G. Grandidier 1908, “Hisloire physique, naturelle et politique de
Madagascar” , Imprimerie nationale, Paris). Concernant la culture Malgache, on peut se référer au
Volume IV qui comporte plusieurs tomes. Dans ce volume, A. Grandidier présente une ethnographie de
Madagascar (tel est d’ailleurs le titte du Volume IV : Etude comparative sur les Indoocéaniens et les
Malgaches entre lesquels, selon l'auteur il existe des ressemblances trés frappantes), une description
détaillée des peuplades rencontrées dans la Grande ile, une analyse de l’organisation familiale et sociale
a Madagascar et enfin une description des coutumes ainsi que de la religion pratiquée par les
Malgaches.
2° G. Julien 1909, “Institutions politiques et sociales de Madagascar”, 2 tomes, 6d. Guilmoto, Paris.
Tne s"agit pas & proprement parler dune étude ethnologique, mais plut6t d’une étude juridique. Dans.
le tome Il, quelques indications concernant le droit coutumier Malgache peuvent étre trouvées.
3° H, Bertier 1933 (Aéjd cits), “Notes et impressions sur les meeurs ef coutames du peuple Malgache”,
Tananarive. L’auteur note dans la préface de son livre que celui-ci est destiné aux fonctionnaires de la
Colonie. II y aborde, entre autres des thémes comme les fad) ou interdits (r6les et importances), la
religion des Malgaches, le culte des ancetres, les sacrifices, la vie sexuelle, les principaux événementsCulture et Prospective
de la vie individuelle, de la vie sociale, Par ailleurs, le theme de la vie psychique y occupe une grande
place. La raison, selon l’auteur, réside dans le fait que cette derniére “est mal connue, D'aulre part, sa
connaissance est indispensable pour priciser ce que nous pounvons espérer découvrir de Tame Malgache,
infiniment plus complexe qu'on ne le croit communémen?” (p.8).
4° C, Renel 1934, ‘Ancétres ef Dieux”, Imprimerie moderne de 'Emyme, Tananarive. L’auteur
‘raite dans ce livre quelques themes de la culture Malgache : I’ame et ses divers aspects, la mort et la
vie future, les ancétres et les diewx. II note que les croyances aux ménes des Vazimba (les autochtones)
sont trés vivaces dans le pays. A propos de “Zanahary” (appellation donnée & Dieu), C. Renel pense
qu'il s'agit d'un ancétre lointain inconnu, appelé aussi “zavatra” (chose). S’il est vénéré, c’est parce
qu'il assume le r6le qui est dévolu aux ancétres : celui de transmettre la vie et d’en garantir la durée
ici-bas. C'est pourquoi il est appelé “Andriananabary” (le dieu créateut).
5° H. M, Dubois (R.P) 1938, “Monographie des Betsieo”, Institut d’ethnographie, Paris. Euvre
d’un missionnaire catholique (frangais), c’est l'un des rares ouvrages qui ait fait une étude exhaustive
sur une ethnie Malgache (1.510 pages). Une description du portrait moral du Betsileo ainsi que de
organisation sociale de la société traditionnelle peuvent y étre trouvées. Les chapitres consacrés aux
coutumes présentent une description détaillée des rites et des pratiques sociales betsileo. La place
‘oceupée par les sacrifices (saotra, lanonana) dans la vie sociale met en relief I'importance du sumnaturel
et du symbolisme dans la culture betsileo.
En marge de ces études entreprises dans le cadre dune ethnologie de la “colonie”, d’autres recherches,
ont été menées au sujet des coutumes Malgaches
1° A. Yan Gennep 1904, “Tabou et totémisme & Madagascar”, Paris. C’est la premitre étude
(scientifique) menée sur les fady (interdits ou tabous) Malgaches. Cet ouvrage de 343 pages demeure
encore une référence aujourd'hui, Lintérét de cette étude réside dans le fait qu’il a mis en lumiére les,
divers aspects des fady (fady lié au hasina ou sacré, les fady et la sanction, les tabous du mort, les
tabous des clans et des castes, les interdits sexuels, les tabous des animaux et des végétaux...). Mais,
ce qu'il faut retenir c'est que : “Le tabou est un ces éléments fondamentauex ce fa vie sociale et individuelle
des habitants de Madagascar: I régle Vexislence quotidienne du roturier, du noble, da chef. de la familie, ce la
Iribu entitre méme; il décie sourtent de la parenté ef du genre de vie de Venfant qui vient de naire ; il eve des
barritres entre les jeunes gens ef limite ou nécesste Vextension territoriale de la famille ; il régte fa maniére de
Iravailler et répartit striclement Vouvrage; il dicte méme le menu; il sole malade, écarte les vivants du mort ;
(.-) ihassure (...) la perpétité de forme des actes rituels, Veficacité du remide et de Vannulette. Ainsi le tabou
joue ¢ Madagascar un réte important dans ta vie religieuse, politique, économique ou sexuelle ; partout it
intervient, en quelque sorte corame un régulateur” (Chap. I, p.12).
2° ¥. Cotte 1947, “Regardons vivre une Iribu Malgache : tes Betsimisaraka”, La nouvelle Edition,
Paris. L’ouvrage, préfacé par un “malgachisant” qui a écrit un livre sur la Grande ile en 1907 (“La
grande ile de Madagascar”, Delagrave, Paris), est ’ceuvre d’un missionnaire catholique. Ayant vécu avec
les Betsimisaraka pendant au moins vingt ans, I’auleur parle de leur culture avec sympathie et
condescendance. Son long séjour en terre beisimisaraka \ui a permis de comprendre les croyances et les
‘coutumes Malgaches (cf. Chap. II - III). Le chapitre consacré & “la religion des ancétres” met en
exergue une des idées-forces de la culture Malgache : /e cule des ancétres. Ce culte occupe une place
centrale dans la religion et la vie sociale des Betsimisaraka : “La we religieuse et sociale des Betsimisaraka,
on Ie constate foul de suite quand on vit parmi eux, gravite surtout autour du souvenir et du culte des morts, des
aneétes: religion catalogue sous le nom de cute des Mines, le Miintome. Ele ne leur est pas partculire,loules
Jes races primitives pratiquant le culte des Ancétres, plus ou moins ; mais cbez les Belsimisaraka, cette religion
est centrale : elle n'est pas toute la religion, mais if n’est pas d'acte religieux qui ne s’en inspire et point de
superstition (...) qui ne se rattache a elle, de prés ou de loin” (Chap. 1V, p.69).Culture et Prospective
3° 0. C Dabl 1951, “Malgache et Maanjan. Une comparison linguistique’, Egode - Instituttet,
Oslo. Un ouvrage magistral et scientifique réalisé par un missionnaire norvégien. Il s’agit avant tout
dune étude linguistique de la langue Malgache. Une comparaison avec le maanjan, langue parlée &
Java, Sumatra et au Bornéo (et aussi en Malaisie) lui permet de dégager une affinité entre la langue
‘Malgache et les langues austronésiennes.
1.2. Etudes réalicées par des missionnaires dans le cadre d'une évangélisation des
“pains”
Beaucoup de livres ont été écrits par des missionnaires protestants et catholiques sur Madagascar.
Pendant la période coloniale, certains d’entre eux ont consacré des études sur la “culture Malgache”
afin de voir les éléments cultyrels qui peuvent €tre utilisés dans ’évangélisation : e’est ce qui a été
appelé les “pierres d’attente” du christianisme (approche catholique) mais également la pédagogic &
utiliser pour convertir les “paiens” (approche protestante). Voici les principaux ouvrages qui ont été
publiés sur la question
I°L, Vig 1905 } 1977 (6ait6 par O. C. Dahl), “Croyances ef mars des Malgacbes”, Fascicule M,
‘Tananarive, L’auteur est un pasteur dorigine norvégienne. Ayant travaillé & Masinandraina — Antsirabe
entre 1875 et 1902, il até confronté au probléme du fatalisme. C’est ce qui l’a amené a écrire ce livre
sur les croyances et, en particulier, sur la croyance au destin (¥intana). Etudiant minutieusement
Vastrologie Malgache, l'auteur affirme que : “le fatalisme basé sur Fastrologie est le nayiau méme, nous
pouwvons le dire, de la religion des Malgaches” (p.50). Le jugement qu’il porte sur cette croyance nest pas
tendre : “Le fatalisme provague et nourrit le sentiment d'anxiété. Cela marque ta vie privée et publique des
Malgaches, et erée cette mentalité d'esclave, qui se retire, craintf, en lui-méme, comme fait Pescargot dans sa
coquille. Les Malgaches ne veulent pas aller contre le destin, (...). ls priferent s‘accommuder, “faire le tour”,
se dérober devant les obstactes ou des résistances” (ibid.). Et auteur de conclure : ‘Avant constaté @ quel potat
1a doctrine eb la croyance fatalistes ont maintera les Malgaches sous le plus dur joug religieux, nous powvons
comprendre Vexbortation des apétres dW live de Galatie, qui était encore en train de retourner dt des éléments
faibles et pauvres dans ta volonté de s'y asservir de nouveau + “Yous observerez religieuserent les jours, tes
‘saisons et les années” (Gal 4, 10)” (p52).
2° G. Mondain 1904, “Des idées religieuses des Hovas avant Vintroduction du ebristianisme”, Cahors,
Imprimerie Couestant, Le souci de auteur (qui est un missionnaire protestant) est avant tout de “porter
tu peu de fumatére dans ce qui a constitué ame Hova” (p.117). Mais, son but c'est dattirer Vattention sur
influence des anciennes idées (paiennes) sur le comportement des chrétiens (par exemple le culte des
‘morts). Il faut, dit-il, travailler & “la fransformation morale et spirituelle du peuple Malgache”. Cela exige
une approche critique de sa culture et de sa religion. Certes, le christianisme a enregistré un grand
progrés, mais le probléme est que le Malgache a toujours tendance & se référer 4 son ancienne religior
“Comme il (le Hosa) a Vesprit peu précis et qu'il aime le vague, ne ratsormant que par analogies plus ou moins
lointaines, i a vite fait de rapprocber tlle crosance cbrétenne de telle autre pensée familie & son dime paienne
autrefois sil est encln & transformer, suitant le mode arise, les données plus précises de Févangzle (...)”
(119),
3° P. Colin 1959, ‘Aspects de Ve Malgacbe”, Editions de \’Orante, Paris. Ce livre de 142 pages,
écrit par un missionnaire catholique, présente avec optimisme et sympathie les éléments qui forment
Pédifice de la culture Malgache : les puissances invisibles, la mort et au-deld, le Dieu supréme, le
destin, Examinant attentivement et objectivement (sans parti pris) le matériau traditionnel (culte des
ancétres, conception de la vie et de la mort), le Pére Colin affirme qu’on peut “i une situation déterminge d’abord par des modes de procluction traditionnels, fondés sur la riziére inondée ow
Je tavy, toujours accompagnés d'un sous-emploi élew.” J. Fremigacct 1977, “Le colonisé, une eréation du
colonizatear”, in Omaty sy anio, 1
7 Ce qu rejoin ce qu'a dle Lieutenant De Martone en 1906 : "Le peuple Malgach,a-om dt, est un peuple qu sai anende. (x) Mest
poresseus dans ime".
20Culture et Prospective
2. Les différentes formes de travail a Madagascar
2.1. Le travail familial
lest accompli par le ménage qui travaille sur les terres qui lui ont &té réservées ou qui appartiennent
son lignage.
“Lorsque la parenté est unie sur un méme habitat ~ maison, quarter, village — le travail fait appel aussi bie
aut actifs du ménage qu‘a cew du groupe de parenté et s‘apparente alors & Tentraite sans que soient
comptabitsés les jours rendre” J. Ramamonyjisoa 1986, “Riziculteurs des périmetres dirrigation :
Soavina, Bebara, Betanoty, Mabavanona”, in: Recbercbes pour te développement, Série Sciences de
Vhomme et de la société, Ministére de la recherche scientifique et technologique pour le
développement, n°1, premier semestre, p.75).
2.2. Lentraide ou valin-tanana
Selon G. Condominas, il s’agit dune vieille coutume imerinienne qui remonte & I’6poque pré-coloniale,
Durant la colonisation et 1a premiére décennie de lindépendance, Ventraide a survécu malgré
institution du travail salar.
Dans quel secteur est-elle appliquée ? C’est surtout dans la riziculture qu’on a pratiqué Ventraide. En
effet, “le fnavail de la rizitre irriguée demande une importante maiin-d wuvre ;celle-ci doit tre particuliérement
nombreuse dans des épisodes qui demandent un travail d la fois dur et mené rapidement, comme par exemple,
pour le relournement des moltes — travail d'bornme — ow fe repiquage — travail de femmes -, ef la moissont
ourrrage des awe sexes. (...). Lentraide dans te iravail agricole porte le nom de vatin-ténana. On rend la main
(est Ke sens hextuel de cette expression) de maniére absolument exacte en nombre égal de personnes ef de journées
de travail. (...). Celle forme d'entraide constitue la base de Vorganisation du travail dans toute ta campagne
imerinienne : il n'est pas un cultivateur ricbe ou pauvre qui n'exploite de cette maniere ses champs, que ceux-ci
Jui appartiennent en propre ou qu'il n’en soit que le métayer. Sauf dans tes grandes exploitations de hype
européen, on a asiez pet recours au travail salarié,(...). En ce qui concerme le travail agricole kes paysans
priferent recourir au Yalin-lanana plutit qu’a la main-d‘ eure salariée, cela se comprend aisément pour les
aysans paurres disposant de faibles ressources en numéraires..“ (G. Condominas 1961, “Fokonolona et
collectives rurales en Imerina”, Berger-Levrault, Paris, Réédition 1991, Orstom, Paris, p.150-152).
2.5. Le “fanompoana” ou corvée
Le fanompoana est une autre forme de travail que Madagascar a connue au temps des royaumes. Ce
terme comporte deux acceptions
+ La premiéze c’est que le fanompeana désigne “un ensemble de rites accomplis par le peuple
Pour marquer son respect, son obéissance au roi, son adoration & l"égard du zanabary an-tany
ou dieu visible, terme pour désigner le roi considéré comme une divinité en chair et en os. Del&
vient le terme fanompoam-pivavabana”.
+ Ladeuxitme renvoie & “un ensemble de prestations gratuites en nature (parts de récolte, somme
argent) ou en travaux. Ce genre de fanompoana est offert au roi, propriétaire de toutes
choses, de son peuple, de la terre, de son royaume ainsi que de ses produits” (cf. 2. Rakoto, F
Ramiandrasoa, Razobarinore-Randriamboavonjy 1995, “Nouveau Corpus d'Histoire des
institutions”, Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie, Université
Antananarivo, p.57).
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Culture et Prospective
Qui accomplit le fanompoana au temps de 1a monarchie ? “Tou! homme libre, Andriana noble ou vobitra
roturier est asireint au fanommpoana. Celu-ci est Vexpression par excellence des relations entre le rv et ses sujet.
Elre sujet da roi veut dire Ge celui qui accepte W'accomplir effectivement sa part de fanompoana @ égard di
roi, Refuser Caccomplir son fanompoana équivaut & ne pas reconnattre fe pouvoir du roi, tui désobéit:( ..)
Laccomplisement des farompoana se fait individuellement ou collectivement. Ainsi, le service militaire, le
paiement des basina, des vola amidty basy, les dons en récoltes s‘accomplissent individuellement tandis que les
grands travaux, comme Vérection de digues, s‘accomplisent collectivement” (1. Rakoto, FE) Ramiandrasoa,
Razobarinoro-Randriamboavonjy 1995, op. cit, p.57-58).
A propos des grands travaux, il est intéressant de citer ici un passage de “Tantara ny Andriana” qui parle .
de la reconstruction de la digue de Vabilava (Antananarivo)
+ “Lorsqu’Andrianampoinimerina fit reconstruire la digue de Vahilava, Andriamasinavalona avait \
déja faite mais elle n’avait pas été consolidée et Andrianampoinimerina avait déclaré : “C'est comme
quand on plonge dans un bain de nato, celui qui le fait deux fois oblient une teinte foncée. Faisons-les bien
paises, c’est contrariant quand les digues se rompent toujours : je ne veux pas qu’on sacrifie le
Betsimitatatra, car c’est 1a Ie ventre de la population, Tananarive est le lieu ot les gens se
rassemblent, car il n’en est point qui n’y vienne. Je vous donne un délai de quinze jours pour aller
chercher des provisions et construire un camp ; aprés quoi, chacun dressera le sien dans la partie
‘qui lui reviendra lorsque la digue aura été partagée (.)”. Lorsque le délai de quinze jours fut écoulé,
les Ambaniandro campérent dans le Betsimitatatra et y construisirent un camp.
Andrianampoinimerina leur envoya des *dinfany qui dirent : “Partagez les digues et bonne chance
@ celui qui aura fini le premier, car vous étes ici sous mes yeux ; je ne jugerai plus d’aprés des
rapports, vous ayant devant moi, moi qui suis votre maitre ; aussi bonne chance a celui q
Vemportera, ce que je constaterai car je suis un souverain qui récompense les services rendus (..).”
(Callet 1908, “Taniara ny Andriana eto Madagascar”, Tome U1, traduction de G. S. Chapus & E.
Ratsimba 1974, Tome Ill, Tananarive, p.72-74).
Ily a liew de noter que la reconstruction de la digue du Vahilava au temps d”Andrianampoinimerina
n’avait aucun caractére oppressif. Les travaux qui étaient exécutés étaient reconnus d’utilité publique.
Il se trouve que le fanompoana a été utilisé par la suite comme le seul moyen de promouvoir l’économie
du royaume. C’est ce qui a été appliqué au temps de Ranavalona I oi le farompoana a pris 1a forme
une véritable corvée, ainsi que attest ouvrage dA. Martineau : “Vers 1840, la reine Ranavate 1°7€
associa avec un colon francais Mt. De Lastelle, pour la culture de ta canne et de ta fabrication dtu sucre, &
Mananzare. Elle fournit la main-d ceuvre et les terres ; son associé, les capitaux, Voutillage et lexpériens
Lexploitation dura un tris court espace de temps ; les populations, éerasées par le fanampouane, émigrérent,
usine fut abandonnée et brige par le peuple." (cité par 1. Rakoto, Fred Ramiandrasoa, Razobarinoro-
Randriamboavonjy 1995, op. cil., p.68).
24. Du fanompoana au travail force
Le glissement du fartompoana vers ce qu’on a appelé “Te travail forcé” au début de Vere coloniale est
perceptible puisqu’a la fin du 19°M° sigcle, les mains-d’ceuvre ont été recherchées pour assurer des
prestations gratuites pour I'Etat.
“On sait quau début de Vere coloniale, le Gouverneur youlait réquistionner tous les borames valides pour des
travaux collec. I fallat done obliger les Malgacbes d tranaler etd fournir des prestations gratuites @ raison
ade lx jours (folo andro). En fait, e'tail du travail forcé car la mobilisation repesait sur la contrainte. Toutes les
communauiés paysannes, écxit J. Fremigacci, se souviennent de cette forme de travail foreé, consacré aux
cbantiers routiers surtout. De 1926 é 1937, les prestations sont complétées par le SMOTIG (Service de ta
Main-d'Oeuare pour les Travia Untérét Général) qui rassemble en camps de travail les conscrits non retenus
par le service mulitaire”. J. Fremigacet 1978, op. cit, p.224).
2Culture et Prospective
25. Le travail oalarié
Il semble que l'introduction du systme de salariat dans la Grande ile remonte & I'époque de
Ranavalona I (ef. G. Julien 1908, “Institutions politiques ef sociales & Madagascar” - G. Condominas
1961, op. cit. p.151). Mais, c'est au temps de la colonisation qu’il s’est développé avec d’abord la
construction des chemins de fer TCE (Tananarive / Cote-Est) et Tananarive - Antsirabe (1911-1923) (cf.
J. Fremigacei 1975, “Mise en valeur coloniale et travail forcé: fa construction du chemin de fer” Tananative
= Anisirabe 1911-1923, in Omaly 9 anio, Université de Tananarive, n°1-2, p.75-137 -J. Fremigaci
1978, ‘Ladministration coloniale: tes aspects oppressfs”, in Omualy sy anio, n° 7-8, p:209-237) puis avec la
mise en place de grandes entreprises d'origine francaise dans le pays (cf. L. Rabearimanana 1987,
“Les travailleurs des grandes plantations du Nord-Ouest de Madagascar (1945-1960), in Omaly s9 anio,
Université de Tananarive, n°25-26, p.383-409). Actuellement, ce systtme est généralisé méme si en
beaucoup d’endroits, l'économie de subsistance reposant sur l’agriculture est encore prédominante (cf.
Projet Madio 1995, ‘Lemploi et lex conditions d'acivité de la population Malgache en 1993", Mars,
Antananarivo).
Il est A noter que depuis 'indépendance de Madagascar, le travail salarié s'est développé dans quatre
secteurs différents :
+ Le premier concemne les grandes exploitations agricoles héritées de la colonisation (ex. les
grands périmétres agricoles de I’Alaotra). C’est dans ce secteur que des travailleurs
‘migrants (et saisonniers) (cf_J. Dez 1967) sont embauchés.
+ Ledeuxitme est celui des entreprises et industries qui ont été eréées ou implantées dans le
pays la suite de la modernisation de I’économie amorcée dans les années 60. D'aprés les
études effectuées jusqu’a présent (par exemple celles de L. Ramilison 1985, “Essai
analyse sur la satisfaction procure par le travail”, Mémoire de maitrise en Sociologie,
Université d’Antananarivo ~ de [INSTAT 2000, “Enquéte privritaire auprés des ménages
1999. Rapport principal’), il semble que ce secteur ~ appelé secteur secondaire — est encore
{rds peu développé.
+ Le troisiéme secteur renvoie a l'administration qui a employé, pour I’année 1993, 164.000
salariés (contre 340.000 pour le secteur secondaire) cf. Profet Mado 1995, “Lemplot et les
conditions d'activité de la population Matgache en 1993”, Mars, Antananativo, p.11-12.
+ Le dernier secteur est celui de l’informel. Selon une enquéte effectuée par le Projet Madio,
63,3% des emplois eréés durant l'année 1996 se trouvent dans le secteur informel : E. NV.
Ramillison 1997, “Sortie du cbimage et durée d'attente d'un emploi formel”, Projet Madio,
Antananarivo, p.10.
3. Travail, productivité, discipline
Depuis 1965, & Madagascar, beaucoup d'études se sont efforcées de cemer la question de la
productivité et de la discipline dans les liewx de travail. A cet effet, deux domaines ont été,
principalement, évoqués et analysés dans ces études : celui du travail en milieu rural et celui du travail
salarié (entreprises, administration).
23Culture et Prospective
3.1. Le travail en milieu rural
Le débat sur la problématique de Ia faible productivité (ow du manque de rendement) dans le monde
rural a été suscité par les réactions des assistants techniques qui ont travaillé a Madagascar dans les
années 60-70. Quelques universitaires, dont/. Dez, enseignant & "Université de Madagascar 41’époque,
ont alors entrepris des recherches sur Ia question. En toile de fond, on retrouve la problématique du
développement envisagé sous I’angle de la modernisation, de la rationalisation (d’od la référence
constante au modéle occidental : Ia notion de temps, I’insistance sur le rendement dans le travail etc..).
La démarche de/. Dez consiste d’abord & faire une étude sociologique du monde rural. Ensuite, elle se
propose d’indiquer des orientations pour l’animation du monde rural et l'accompagnement des projets
de développement.
Qu'est ce qu'une analyse sociologique peut apporter ? Ce qu'il faut dire c'est qu’elle aide & micux
comprendre le systéme de valeurs auquel Ie paysan attache beaucoup d’importance. Dans ce systéme,
il faut signaler la place occupée par le fibavtnana, “lequel comporte un devoir d'assistance réciproque en
Joules circonstances, les Bones comme les mawvaises..* (J. Dez 1965, “Un des problemes du développement
rural : [6volution des comportements”, in Bulletin de Madagascar n°230, p.609).
1 faut reconnaitre que le systéme familial répond encore tres généralement aux besoins du paysan.
Mais, cette situation présente au regard des exigences du développement des inconvénients qu'il ne faut
pas ignorer :
= lasatisfaction aux obligations familiales prend beaucoup du temps qui pourrait étre accordé
isfaction & ces obligations est l’impossibilité de toute discipline de
travail suivi, car, méme si une action précise devait étre réalisée & une date déterminée, son
exécution devrait étre différée pour permettre, le cas échéant, la réalisation d'une
cérémonie familiale (notamment l'assistance & des funérailles, la présence auprés d'un
parent malade (ibid., p.610).
Que faut il penser des interdits ou fadly dont Vobservance a des répercussions dans te travail ? Xl faut
dire que les fady “sont de natures res diverses eon ne peut pas les englober sous une méme réprobation” (ibid.,
p.608). Concernant les jours fad, il faut reconnaitre que : “leur existence empécbe Vadoption d'une
discipline de travail, car si celte diseipline requiert certaines actions justement un jour fady, elle ne sera pas
respectée, Celle question n'est encore que tres insuffisamment étudige, elle mériterait de Tere bier plus, & d'une
“facon systématique. Elle est prévccupante, car nous ne croyons pas & la possibilité d'une abolition d'offce et
“ginéralisée, mats seulement a celle de petites vitoires Irés localisées. Lune dle développement est une longue
patience” (ibid.).
Queltes orientations dégager @ partir de cette analyse ? Selon J. Dez, il faut d’abord combattre
Pethnocentrisme qui est typique de attitude des techniciens du développement (cf. ibid. p.631).
Souvent le blocage (et donc le manque de productivité) vient de l'incompréhension dont les paysans
sont victimes. Il n'est pas dit que la tradition est un frein au développement. Il est vrai qu’il y a des
comportements “radifionalisies” (Jes comportements de ceux qui s'attachent excessivement aux
coutumes), mais il n'en reste pas moins vrai qu’il y a des paysans trés ouverts & l'innovation et au
développement. Comment alors atténuer les effets de certaines coutumes dans le domaine du travail ?
“Paction soubaitable revel deux aspects essentiels : d'une part, un aspect psyebologique direct, comment te
asain peut-il dre rendu plus réceplif, autre part, un aspect plus matériel, comment approprier Faction aux
24SEES
Culture et Prospective
conditions locates” (ibid. p.617). Liimportant, aprés tout, c'est de faire diminuer “la résistance a
innovation”. Tel est, du reste, objectif que la recherche sociologique entend réaliser.
3.2. Le travail dans les industries et les entreprises
Dans les industries et dans les entreprises, on a aussi constaté une baisse de productivité et un manque
de discipline. Quelles en sont les causes ? D’aprés les auteurs qui ont étudié la question @.
Rabearimanana, L. Ramitison), Vrune des causes principales de 1a baisse de 1a productivité est &
cchercher dans le systme de rémunération du travail. En outre, il faut voir aussi les conditions dans
lesquelles les ouvriers Malgaches travaillent. Si ces deux aspects ne sont pas pris en compte, il y a un
risque de ralentissement dans le travail et c’est le rendement qui va en en patir. Par contre, si des efforts
sont consentis pour permettre aux travailleurs de vivre décemment (salaire correct, logement,
avantages), Ia productivité est assurée, et dans ce cas, les risques d’une baisse de rendement sont
minimes puisqu’il faut reconnattre qu’ Madagascar, “la main-d'euvre est de bonne qualité “ (cf.J.
Fremigacci 1975, art. cit, p.83).
Une autre cause qui conditionne Ia productivité est & attribuer & I’éloignement par rapport au fiew du
travail. L’étude réalisée par Z. Ramalison dans le Firaisam-pokontany d’Antananarivo I'a révélée
Ramilison, op. cit, p.137-138) . A ceci il faut ajouter le phénoméne d’absentéisme qui est assez courant
dans certaines entreprises. Les causes en sont connues : “désengagement par rapport aux intéréts et dla
vie de lentreprise, Vabsence de latitude laissée aux subordonnés, le respect prioritaire des rites familia, les
raisons de santé, la nécesité vitale ~ actuellement surtout — de compenser Vinsuffsance des salaires par des
Iravau additonnels, et enfin Vatcootivae” (J. Ramamonjisoa 1988, “Etude sectorelle, Spécifcté sociale et
culturele face au développement”, Direction Générale du Plan, Antananarivo, p. 91).
4. Travail et solidarité sociale
Léétude du travail dans la société Malgache modeme ne doit pas minimiser l'existence de réseaux de
relations dans les lieux de travail. Il ‘agit de groupes informels qui se eréent spontanément et dont la
fonction est d’assurer la cohésion de travailleurs. A la difference des associations ou des syndicats qui
sont eréés pour la défense des intéréts des travailleurs, les groupes informels fonctionnent a la maniére
d'un groupe primaire. Ils offrent non seulement un espace de rencontre facilitant Vintégration de
Pindividu dans le lieu de travail mais jouent également le role de soupape de sOreté au sein de
Pentreprise.
En dehors de ces réseaux et des syndicats, il faut signaler I’importance que les Malgaches — qu’ils
soient cadres ou simples employés — attachent & la notion de solidarité. Cette valeur est invoquée
lorsqu'un employé ou un cadre perd une de ses proches. Selon la coutume en vigueur et selon les
normes qui découlent du fibavanana, il y a dans ce cas précis une obligation & laquelle tout le monde
est astreint (ceux qui travaillent au sein d’une méme entreprise) : I'assistance aux funérailles. Or, une
telle pratique peut, & la longue, provoquer un ralentissement des activités. Mais, est-ce vraiment une
pratique anti-économique ? Du point de vue économique, il est évident que la réponse est positive.
Mais, du point de vue sociologique, la dimension sociale du travail dans le contexte Malgache ne peut
ire ignorée. Il faut se rappeler en effet ce que j. Dez a dit & propos de l'organisation du travail dans la
société Malgache (traditionnelle et moderne) : “Le Malgacbe est sensible @ ume logique fondée sur
Tespression des sentiments et ce qu'il recherchera ce sera plutét une offcacité de caracitre social, Cette notion de
Toficacité est évidemment dificilerent comprebensible & un Européen qui sirrite ce comportements jugés par
ut incomprébensibles et ineficaces suivant ses rites de perception. Le Malgache est sensible @ tout ce qui peut
améliorer les relations bumaines” 9. Dez 1967, “Tradition et développement rural’, in : Annales de
Université, Série Lettres et Sciences humaines, n°7, Université de Madagascar, Tananarive, p.90)*.
* Cee anaiyse aut aussi pour le monde urbainCulture et Prospective
La conséquence qui peut étre tirer de cette analyse du comportement du Malgache est qu'il est difficile
pour un chef d’entreprise de faire fi de “la loi de Ia solidarité’» méme s'il est soucieux de la bonne
marche de l’entreprise. Si le patron d’une entreprise estime qu’ une telle pratique est anti-6conomique
et que par conséquent il faut I’interdire, alors il devra s’attendre A une réaction trés forte et & une
résistance latente de la part de ses travailleurs. Ce qui sera catastrophique pour l’entreprise car le
rendement recherché ne sera jamais atteint et la situation sera des plus tendue. En revanche, s'il
s'efforce d’intégrer ce paramétre dans les imprévus ou les contretemps qu’il faudrait gérer, ce qui
suppose de sa part une attention & la dimension culturelle du travail, il aura de fortes chances
augmenter le rendement ou la productivité de I’entreprise. Mais, pour que cet objectif puisse étre
atteint, il faut exiger des travailleurs une certaine rigueur dans la gestion du temps. Une fois que le
patron de l’entreprise a leur confiance (jl ne faut pas oublier le principe élémentaire de la sociologie
énoneé par J. Dez, & savoir que le Malgache recherche l’efficacité dans le cadre de I’amélioration des
relations humaines), il pourra facilement les convaincre et, & ce moment 12, les résultats positifs ne
tarderont pas venir.
5. Travail et vision a long terme
5.1. Une évolution de la tradition est-elle envisageable (ou des coutumes) face aux
exigences du travail ?
Cette question a été abordée d’une maniére implicite par. Dez. Comme le développement suppose une
modification dans les comportements, le probléme soulevé par certaines coutumes (les fady
notamment) doit étre évoqué dans le cadre de la prospective. Quelle orientation pour le futur ? Voici la
réponse de). Dez :
“Il existe des procédures traditionneltes qui permettent d'apporter des modifications @ certains fuits
réglés par les traditions ¢t qui sont da domaine des croyances. I s‘agit notamment dinterdis, dont Vexislence
gine V'entreprise de certaines actions, Is peuvent éire lenés moysennant Vaccomplissement de certains rites. Mais,
il ne faut pas céder Q la tentation facite de conclure quiil suffirait de procéder systématiquement & des levees
Winkerdits pour faire disparaitre les interdits génants pour le développement. (..) Pour qu’un rituel soit
valablement accompli, il faut que le groupe qu'il concerne ait décidé de Vaccomplir.” QJ. Dez 1965, “Les
‘conflts entre ta tradition et la novation”, in : Bulletin de Madagascar, n°227-228, p.386).
5.2. Culture dentreprise, got du travail A inculquer
Concernant le travail et la prospective, des pistes sont indiquées pour la génération actuelle. Selon R.
Andriambetomiadana, le développement ne peut étre réalisé si le travail n’est pas valorisé. Il faut en
outre susciter l’esprit d’initiative chez les Malgaches. Mais, l'esprit d’initiative ne suffit pas pour créer
des richesses, il faut aussi promouvoir esprit d'entreprise et “Tenfrepreneurship”
+ Signification de esprit d’entreprise : “voir esprit d'entreprise, c'est avvir la votonté
dentreprendre, de eréer une entreprise pour produire des biens ou pour fournir des services. Ce qui
suppose Texistence de séritables entreprises, et donc de véritables entrepreneurs — les principaux
acteurs da développement économique et social. (..)Bre, il faut une politique de Ventrepreneurship,
Cest-d-dire Vappropriation et la gestion des ressources bumaines ef matérieles dans le but de créer, dle
déelopper et d'implanter des solutions permettant de répondre aucc besoins de Vindividu” (Re
Andriambelomiadana 1992, “Libcralime ef développement & Madagascar”, Foi et Justice,
Antananarivo, p. 40).
+ Lutter contre esprit rentier : “Lever cerlaines enlraves au développement de entrepreneursbip,
‘est d'abord surmonter les obstacles socologiques, @ commencer par le fort exprit de fonctionnariata
Culture et Prospective
des nationaux, qui se radutt par un comportement de renter, par Yabsence du got de effort et de
Tinnovation’” (ibid.)
+ Btroitesse du marché du travail, esprit initiative et esprit dentreprise : “Bn raison de
aroitesse cu marché du travail, le chimage contribue @ diffuser Vesprit dinitiative et la prise de
risque, (..,). Ce n'est done pas Fesprit dnitiative qui mangue. Ce qui fait faut, c'est te veritable
esprit d'entreprise, a ta base duguel nous trouvons Vesprit eréatié (...) I est illusoire d'espérer
emergence subite ume race d'enteepreneurs d la sortie d'un régime dans lequel I Etat-Providence,
gre fournisseur demplois, était de mise. Par ailleurs, il est rare qu'une majorté des membres de fa
communauté soient prompts & prendre des risques, @ saisir leurs chances. 1 suff! de quelques
personnes dispostes 4 faire cwire de pionniers.” (R. Andriambelomiadana 1994, “Valorser,
Teffort, Vinnovation et Vesprit d'entreprise”, in Collectif, Deux mondes en présence, Aspects
culturels du développement, Ny Fomba amam-panao sy ny fampandrosoana, Antananarivo,
p.16).
Pour sa part, Urfer (dont les écrits parlent souvent du poids de la tradition dans la vie économique)
pense que c’est le gotit du travail qui manque & Madagascar. Ce qu'il faut promouvoir avant tout c'est
une éducation morale qui sache inculquer le sens de l’effort et l'amour du travail :
“II n'y aura jamais de véritable place pour Madagascar dans le concert des nations si la population
continue @ dévaloriser et @ sous-estimer le travail, surtout manuel. Car un pays ne se développe pas avec Vargent
des autres, si massives et répétées sotent les aides ou les remises de dettes dont il bénéfice. II se développe par son
Travail, cesi--dire par V fort de transformer les matiéres premieres en produits finis pour la consommation
locale et pour Vexportation. Ce qui implique un veritable amour dus travail (...) + (S. Urfer 2001, “Mission
réconeciliatrice aujourd'bui @ Madagascar”, in Aspects du Christianisme & Madagascar, Institut Catholique,
Tome 9, n°1, Janvier - Mars, Antananarivo, p.40).
27=. lle
Culture et Prospective
Encadré 2 : Promowvoir Vesprit d'entreprise d Madagascar
“avoir esprit d’entreprise, c’est avoir la volonté d’entreprendre, de créer une entreprise pour
produire des biens ou de fournir des services. Ce qui suppose l'existence de véritables entreprises, et
done de véritables entrepreneurs — les principaux acteurs du développement économique et social
Reste & déterminer les conditions qui favorisent la naissance d’entreprises et l'émergence
entrepreneurs. Bref, il faut une politique de promotion de Venirepreneursbip, c'est & dire
appropriation et 1a gestion des ressources humaines et matérielles dans le but de créer, de développer
et d’implanter des solutions permettant de répondre aux besoins de l'individu.
Lever certaines entraves au développement de l'entreprencursbip, c’est d’abord surmonter les
obstacles sociologiques, & commencer par Ie fort esprit de fonctionnariat des nationaux, qui se traduit
ppar un comportement de rentier, par I'absence du goat de l’effort et de l'innovation. Lorigine en est
simple et commune aux pays africains qui ont été colonisés : pendant cette période de dépendance, les
autochtones étaient aux mains des étrangers. Lors de I’Indépendance, parce qu’il n’y avait pas de
secteur privé national, les autorités politiques ont privilégié la croissance du secteur public. D’od
découle Pautre obstacle sociologique : entrepreneur n’entre pas dans la catégorie sociale la plus
appréciée de la hiérarchie sociale. Etre entrepreneur n’est pas une profession, on le devient parce qu’on
a €t€ rejeté par la fonction publique.
Donner au métier d’entrepreneur ses lettres de noblesse, tel pourrait étre le theme d’une
‘campagne de sensibilisation 4 mener dans la société Malgache. On doit commencer par revoir les
programmes d’enseignement scolaire et universitaire pour qu’ils soient modifiés et orientés non plus
uniquement vers 1a formation d’employés, mais aussi et surtout d’employeurs. On doit également
accepter que Ie phénoméne de V'enfreprencursbip soit posé comme un objectif économique et social,
conforté par des mesures juridiques appropriées”.
(R, Andriambelomiadana 1992, “Libéralisme et développement é Madagascar”, Foi et Justice, p.40),
28Deen nee ee eee
Culture et Prospective
Chapitre 4. Largent
argent occupe aujourd’hui une grande place sinon une place privilégiée dans le systéme des valeurs
des Malgaches ainsi que dans leur vie quotidienne. Quelle conception le Malgache se fait-i de l’argent
a ’heure actuelle ? Comment expliquer les dépenses ostentatoires ? Quelle fonction remplit-il dans la
société Malgache ? Est-ce que le Malgache pense habituellement &’épargne et dans quel but ? L’argent
n’est-il pas finalement une source de clivages dans la société Malgache ? Telles sont quelques-unes des
questions auxquelles des réponses seront données.
1. La conception Malgache de Vargent
I1n’est pas nécessaire de faire I’historique de l’introduction de l’argent et de l'accroissement de la masse
monétaire & Madagascar’. L’importance que lui accorde la société Malgache actuelle n’est plus &
‘démontrer. I faut cependant présenter la vision qu’il y a derrigre la recherche et l'utilisation de I"argent.
argent (my Yold) est, pour le Malgache, un objet, une chose d'une grande valeur servant & acheter ce
dont il a besoin pour assurer sa subsistance. Un objet indispensable sans lequel I"homme ne peut rien
entreprendre. C’est précisément parce qu’il est indispensable (surtout dans un contexte de survie) qu’il
est désiré et convoité (cf. S. Urfer 2000, “Lespoir et le doute”, Foi et Justice, Antananarivo, p.75).
‘Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, ’argent “nest pas peru comme un mayen qui, bien ulilsé, permet
enricbissement mais comme un bien passage, & lépenser de facon pontuellepuisgu'il est exceptionnel, un bien
«di la bénédiction des ancétres. Perdre de Vargent n’est alors pas important, « Vargent se recbercbe” (rey Vola
fitady) 9. Ramamonyjisoa 1988, “Etude sectorielle. Spécificité sociale culturelle face au
“développement”, Direction Générale du Plan, Antananarivo, p.78).
Nul n’ignore que le réve d’un certain nombre de gens est de gagner beaucoup d'argent (cf. S. Urfer
2000, op. cit). Le Malgache est pourtant persuadé que tout le monde ne peut pas devenir riche. Pour
pouvoir gagner beaucoup d’argent, il faut avoir avant tout le fanambinana (= la chance), autrement dit
tre né sous un bon signe. En effet, il ne faut pas oublier que chacun est marqué par le destin (Vintana)
qui 'accompagne depuis sa naissance®. Certains ont peut-ttre désiré la richesse, mais le désir ne suffit
pas: “Ny le-banana ty mabaleo ny ambinina”, ce qui signifi : “celui qui désire la richesse ne peut
battre (surpasser) celui qui a un bon destin (ou est né sous un bon signe)”. D’ailleurs, il est dit que :
“ny faniriana tsy takalry ny vintana” (le désir ne correspond pas au destin) (cf. Calle, op. cit., voir
le chapitre sur le Temps).
Malgré 'influence que le destin peut avoir sur la vie de chacun, "homme doit quand méme travailler
pour se procurer le minimum. Méme le fait d’étre pauvre ou misérable ne doit pas étre une excuse pour
se résigner : “ny fitadiavana, mabazaka-maniraka” (litt. = le fait de chercher de V'argent oblige &
partir loin de chez soi). Et cependant, tous savent que la société ignore tous ceux qui n’ont pas d’argent.
En effet, argent est un facteur déterminant pour I’ascension sociale. Non seulement il permet au riche
d’occuper une position privilégiée dans la hiérarchie sociale, mais encore il lui confére un prestige dans
la société. “Ny vola no maba-Rangaky” (= Vargent permet d’acquérir le statut d’homme
respectable)", affirme un dicton bien connu dans le pays. Les réalités aujourd hui vécues dans la société
* Sur Ptstion de Vargent temps dela monarch, Varscle de J Des 1970 peut seri de référence, “Elément pour une éude sur les
pris et les écangesdebiens dans USconomie merinaancienne” in Bulletin de Académie Malgache, ome 48/1-2n pp. 41-60.
Voir ce sujet le chapire sur le Temps. Cette ereyunce au destin (vntana) a une influence sur le comportement économique des Malgaches
Issus a milew populaire et dela classe moyenne. Ce n'est pas onnant sly @actuellement un engouement pour le PMU surtout lorsque
les organisateurs proposent une cagnote speciale dont le montant eat gal ou supérieur 2500 millions de Pg,
nga, selon ABinal et Malze, signif: Villard, Monsieur; terme respetucux dont on se srt gard des vieillards, et par extension,
4 Légard dex personnes honorables” (Abinal et Malzac 1888, Dictionnaire Malgacherancais, Imprimerie de Ia Mission catholique,
Tananeriv, p 466) Dans cedicton, le mot Rangahy veut dire eusi “personnage important, influent”
29I SS TTT
Culture et Prospective
société Malgache le confirment : un personage devient important et influent quand il a beaucoup
argent. Comme tel, il est reconnu comme distinct et différent des autres. Et de ce fait, il est
impensable qu’une fois devenu riche, il aurait le méme niveau que celui du petit peuple ou
valalabernandiry, Etre Rangaby c'est appartenir & un autre monde, Méme si tous les Malgaches parlent
de fibavanana , ce monde dont les frontidres ne sont pas délimitées c'est celui du pouvoir. Pour avoir
le pouvoir (Sconomique, politique), il faut avoir évidemment de Vargent. Car avec Vargent, & ’heure
actuelle permet de tout faire (cf. E. R. Mangalaza 1998, “Vie et mort chez les Betsimisaraka de
Madagascar: Exsai d'anthropologie philesopbique", LHarmattan, Paris, p.4l —. G. Tsarasaina
1995, “Usage de la monnaie, circulation monétaire @ ta campagne ef leurs offets sur ta
transformation de la socitté vus @ travers le cas du fokontany d-Ambolomadire-Marovontaza’,
Mémoire de maitrise en Sociologie, Université d” Antananarivo, p.85).
2, Argent, dépenses somptuaires et pratiques ostentatoires
Le fait de parler de l’argent améne tout naturellement a se poser des questions sur certaines pratiques
ostentatoires. Quelle signification peut étre attribuer & ces pratiques ?
2.1. De utilisation de targent dans les cérémonies rituelles
Lutilisation de l'argent dans les cérémonies rituelles a été souvent critiquée par les “techniciens du
développement” (cf. J.Dez). Les cas les plus connus et les plus cités sont les cérémonies de
famadibana et de funcrailles.
En ce qui concemne d’abord les famadibana (ou retournement des morts), il faut dire qu’ils ont lieu tous
les quaire ou cing ans. Selon la coutume pratiquée sur les Hautes terres, il s’agit de remplacer le linceul
dun défunt (qui est décédé cing ans auparavant) et de demander en méme temps aux ancétres
(Razana) des bénédictions (tyo-drano). La cérémonie donne lieu & des festivités dune durée de deux
jours et 2 occasion desquelles toute la grande famille (fianakaviam-be) se rassemble, assistée des
habitants du village oi se trouve le tombeau familial ainsi que des invités de la famille. Evidemment,
tun tel rassemblement occasionne beaucoup de dépenses en argent, surtout qu’il faut donner & manger
une centaine de personnes pour au moins deux repas. I! faut ajouter & cela les frais de transport, les
indemnités des chanteurs de Hira gasy (chants folkloriques Malgaches) et bien sir les charges relatives
A Pachat du linceul et & tout ce qui a trait au tombeau.
AA titre indicatif, des chiffres ont 616 donnés par les chercheurs 3 propos de la dimension économique
du famadibana. Ainsi, selon 4. Bloch, qui a assisté a des famadibana dans la région
4’ Ambatomanoina entre 1964 - 1966, la moyenne de dépense se situe 169.000 Fmg (Mf. Bloch 1971,
“Placing the dead. Tombs, ancestral villages and kinship organization in Madagascar”, London,
New York). D’aprés Rajaoson, un famadibana-type sans “chanteurs-danseurs” cotitait en 1969 :
50.000 Fmg. Si la famille fait appel, comme il se doit, & deux troupes de Mpibira gasy (chanteurs
Malgaches), cette somme peut monter jusqu’a 100.000 Fmg. Nul doute que les sommes dépensées sont
exorbitantes puisqu’au dire de l’auteur, le revenu monétaire moyen en milieu rural s’élevait en 1963 &
13.000 Fmg par personne. La conclusion qui se dégage de cette analyse c’est que “le famadibana
constitue objectivement un frein @ évolution économique de ta société car it timite 'épargne monétaire et
Vépargne travail qui peacent étreaffectées& des activités productives” (FE Rajaoson 1969, “Contribution &
étude du Famadibana sur les Hauts-Plateaux de Madagascar”, These de 32me cycle, Paris).
A propos du deuxitme cas, celui des funérailles Antandroy ou Mahafaly de la région de Tuléar est
souvent cité, Selon une étude faite par M. Lupo-Raveloarimanana pour le compte de la Banque
Mondiale et du Pnud en 1995, les cérémonies de funérailles, pour une famille Mahafaly ou Antandroy,
sont trés onéreuses. En général, elles coiitent entre 4.000.000 Fmg et 10.000.000 Fmg. “Dans fous fe cas,
30Culture et Prospective
Je moins que peuvent coiter de telles funérailles @ une famille est le prix de deux taureaux (200.000 Fing
500.000 Fig), plus une dizaine de chévres (entre 25.000 Fing et 50.000 Fig par cbevre) (ces prix sont de
1992-1993)" (Mt. Lupo-Raveloarimanana 1995, “Pauvreté et culture dans le Faritany de Tuléar”,
in Talily, Revue d'Histoire, Université de Tuléar, Faculté des Lettres et des Sciences humaines, n°1,
p- 95-96).
Compte tenu des chiffres qui viennent d’étre évoqués, il n’est pas exagéré de dire quill y a
un “gaspillage de réserves” (cf..B. Razafimpabanina 1964, “Attitude des Merina vis--vis de leur tradition
ancestrale”, Thise 3eme cycle, Paris). Beaucoup de techniciens étrangers ont dit la méme chose, ainsi
que I’a fait remarquer J. Dez. Quelles sont donc les principales raisons qui justfient le recours & des
coutumes “jugdes dépassées” par Ia société moderne ? Sans vouloir entrer dans les détails, il convient de
rappeler qu’il est ici question d’une vision du monde dans laquelle les ancétres ou Razania occupent la
premitre place. A partir de cette idée centrale, trois points principaux peuvent étre dégagés :
* Le premier est que les rites ici présentes ont pour fonction d’assurer le passage des défunts
vers le monde des Razana. Qu’il s'agisse de fannadibana ou de funérailles (dans le cas de la
région de Tuléar), l'accent est mis sur l'acquisition de nouveaux statuts pour les défunts. Une
fois que les rites sont accomplis, ces demniers recoivent donc le titre de Razana auxquels
incombe la responsabilité de veiller sur les vivants et leur descendance.
* Le second point conceme le caractére ostentatoire de ces cérémonies qui sont célébrées en
Vhonneur des morts et des Razana. C’est vrai qu’elles sont dispendieuses mais elles sont
effectuées dans le but dassurer la communion des vivants avec leurs morts. Or, cette
communion est le fondement méme de la cohésion du lignage. Ainsi, quand les devoirs envers
les morts sont négligés, ily a un risque d’exclusion et c’est la solidarité familiale qui va en patir.
* Le demnier point qui est souvent souligné dans les études sur la culture Malgache, c’est la
dimension symbolique que comportent les rites mortuaires célébrés par les Malgaches. Cet
aspect est attesté par la consommation de la viande de zébu. Il est 4 noter que le zébu remplit
tune fonction symbolique dans la culture Malgache. Dans la plupart des rites observées par les,
Malgaches jusqu’a présent, le zébu est encore sacrifié pour signifier la communion des
vivants avec les morts. Assez souvent, son sang est utilisé pour la purification de ceux qui
transgressent les interdits. Mais, dans le cas des Anfandruy et des Mabafaty, c'est Videntité
sociale méme du groupe qui veut étre affirmer & travers l’abattage des zébus. C’est pourquoi,
“ enterrer un membre de la famille sans sacrifier un beeuf est une bonte insupportable dans le Sud,
au point que certains groupes, surtout dans Andro, préferent garder pendant plusieurs mois ta
dépouille morkelle, avant de Venterrer, pour avoir le lemps de réunir Vargent nécessaire pour acheter
un baruf et construire le tombeau” (24. Lupo-Raveloarimanana 1995, art. cité p.95).
elle est Vinterprétation que certains chercheurs ont donnée aux coutumes cérémonielles. A cette
interprétation, il faudrait ajouter, selon Z. Dole, un autre élément qui pourrait étre pris en
considération. En effet, les sommes dépensées dans un farmadibana “constituent une incitation au
commerce, et Beaucoup sont redistribuées auc musiciens pour qui elles sont des salaires ‘appoint non
négligeables, ou aux fabricants (surtout tisserands de linceuls) qui ne sont pas moins ce 10.000 faites dans la
seule province de Tananarive”, Das lors, “or peut dire que ces cérémonies prestgicuses, sans élre réellement
ruineuses, car elles sont Vaffaire de tout un lignage, exigent de sériewe sacrifices individuels et provoquent une
redistribution monétaire considérable” (L. Motet 1979, “La conception Malgache du monde, du surnaturel et
de Ubomme en Imerina”, Tome 2, L’Harmattan, p. 283). C'est aussi l'avis de J. Dez pour qui les
incidences des “coufumes cérémonielles” sont relativement faibles par rapport aux “siruciures proprement
dites” qui exercent une action de frein (cf. J. Dez 1967, art. cité, p.115).
3Culture et Prospective
22, Lee pratiques ostentatoires dane les villes
n'est pas superflu de signaler que dans les villes, l'utilisation de l’argent n’a pas dincidences directes
sur l'économie. Ainsi, certains analystes comme S. Urfer notent que les gens (la classe politique et la
bourgeoisie) sont plutot préoccupés par des dépenses de prestige (fétes, mariage, réception) que des
dépenses d’investissement. Il ajoute méme que “Tinsufisance des investisements & Madagascar provient
des dipenses sompluaires et des preferences données aux placements rentabilté rapide”. (S. Urfer 2000, op.
it, p. 583). La notion de rationalité économique n'est pas encore entrée dns les mocuts. Or, tant que
argent n’est pas apprécié & sa juste valeur, aucune richesse ne sera jamais erée et le bien commun ne
peut étre gardé,
3. Quelles fonctions Vargent remplit-il dans la Vie quotidienne ?
Certaines fonctions remplies par l'argent, & propos des dépenses occasionnées par l'accomplissement
des cérémonies funéraires, ont été déja appréhendées (cf. supra). Mais, il existe aussi d'autres fonctions
auxquelles les Malgaches attachent beaucoup importance. Parmi elles, trois seront retenues
* Une fonction sociale + V argent est utilisé pour renforcer la cohésion dans le groupe. De ce fait,
il “ve dilue d Fintérieur du groupe par un simple recours aux: processus de redistribution interes
adestnis &assurer la solidarité entre les membres du groupe” (J. Dez 1967, p.105). D’autre part,
i ne faut pas oublier ce que le Malgache appelle ad), qui veut dire devoir envers la famille
et la société, satisfaction aux obligations familiales. Si argent est considéré comme
indispensable, c’est que précisément, il permet d’accomplir ces adidy’ + adidy d'abord envers
les parents (salim-babena, ou marque de reconnaissance envers eux, aide ou assistance
accordée aux parents), add) ensuite envers les fréres et sceurs cadets (prise on charge) si les
parents maquent de moyens pour assurer leur subsistance, addy enfin envers des proches
parents qui ont besoin d’étre soutenus financitrement dans leurs activités. Tout ceci confirme
ce que J.Dez a déja dit & propos des “processus de redistribulion interes destin’s& assurer la
solidarité entre les membres du groupe”.
+ Une fonetion symbotique : V argent est aussi utilisé comme symbole dans certains rites. A titre
exemple, le rite de la présentation des condoléances au cours de laquelle de l'argent est
donnée a la famille endeuillée pour mani avec elle. D’autres exemples
peuvent étre aussi invoqués, comme les cérémonies accomplies envers les ancétres et
auxquelles quelques mots ont été déja consacrés. De nouveau, 1’ développée
‘auparavant se retrouve ici : “argent sert satisfaire aux obligations familiales (of. acbat de zébus
‘pour réaliser les obséques d'un membre de la famille), et @ assurer Ia communion entre les vivants et
‘es ancétres. C'est pourquei, dans les campagnes, les activites de production sont réalisées en fonction
des besoins du groupe ef des cérémonies ancestrales et non en fonction de ta productivité” (cf. Mt.
Litpo-Raveloarimanana, art. cite).
+ Une fonction de prestige : Vacquisition du prestige est considérée comme un « capital »
(capital social) dans la société Malgache moderne. Le Malgache (le citadin Malgache) a bien
appris comment faire fructfier son capital. Tout comme européen, il gére, fait des calculs et
établit des prévisions. Mais, au-dela de cette activité purement rationnelle, il cherche & étre
recon socialement. II ne faut pas oubliet que les relations sociales comptent beaucoup pour
lui : avoir des relations mais également avoir de l’ascendant sur les autres quand il a
beaucoup d'argent. II se trouve que le prestige acquis par la tichesse est utilisé comme un
instrument et une stratégie de domination sur les autres. Lianalyse des pratiques ostentatoires
32Culture et Prospective
en ville aide & comprendre cet aspect qui est aujourd*hui prédominant dans les pratiques
économiques des citadins Malgaches. Du reste, le souci de certains n’est-il pas de capitaliser
leur prestige afin de sauvegarder leur identité (ou leurs intéréts) ? (cf. R. Andriambelomiadana
1992, “Libéralisme et développement & Madagascar”, Pi et Justice, Antananarivo).
4, Est-ce que le Malgache pense & Vépargne et dans quel but ?
La notion d”épargne n’est pas étrangére a la culture Malgache. Deux proverbes l"attestent : “Mfanan-
‘antenaina toa an-dRefotsibe mandevina eranambalry” : avoir quelque chose en réserve comme la vieille
qui enterre un sou ; “7Ziy mety raba lany falotra amam-pondrana” : il ne faut pas tout dépenser, jusqu’a
ses demnitres réserves (Sconomies)®. Les Malgaches ont done une certaine idée de I'épargne. Mais dans
quel but font-ils des économies ?
I est admis maintenant que dans la société traditionnelle, I’argent est économisé dans le seul but
d’accomplir les devoirs (adlty) envers la famille et envers les morts. Il faut noter toutefois que depuis
quelques années, un certain nombre de paysans ont pu construire des maisons. Seulement, dans la
plupart des cas (par exemple sur les Hautes terres et dans le Sud), les économies ont été utilisées pour
Ta construction de tombeaux.
Qu’en est-il des citadins Malgaches ? Ont-ils une vision rationnelle de I’épargne ? A cette question, la
réponse est négative. “En fail, la seule loi commune ef reconmue est celle de fa débrouillardise, de la survie, de
individualisme (samy mandeba samy mitady), » compris en matiere religieuse... “ (S. Urfer 2000, op. cit,
p.217). Peut-étre les gens font-ils des économies, mais souvent ces économies servent & des dépenses,
de prestige.
Sur le plan national, i y a une faiblesse des investissements attribuée & une manque de politique
cohérente en matidre d’épargne. Or, sur ce point, le constat est qu’il y a un frein, & cause de l'affairisme
qui gagne du terrain depuis vingt ans. En effet, écrit R. Andriambelomiadana, “le coat social de Vaffairisme
cat Irés élevé. (..) En somme, affairisme va de pair avec gaspillage, au moment olt nas ressources dja
insuffisantes dotvent dire utilises avee efcience. II enfraine une mawaise allocation des ressources. En tant
(quiactivite, i! est classé dans le secteur des services, mats nor directement raitaché a fa production de biens
matériels ou au transport de ceuxci. Celte activité parasitaire, qui n’apporte aucune création de ricbesse, peut
cerfes provoquer un accroissement du bien-étre économique par I eft de la repartition des reverus, mais au seul
profit d'une petite minorité improductive”. (Re Andriambelomiadana 1992, “Libéralisme et développernent
@ Madagascar”, 9.38).
5. Argent, clivages sociaux, corruption et offritement des valeurs
Nul n'ignore que, depuis un certain temps, la monétarisation de la vie quotidienne a pris de l'ampleur
4 Madagascar. L’argent est devenu aujourd’hui source de clivages dans la société. Il y a d’un c6té une
minorité de nantis (dont la plupart, les nouveaux riches qui se sont enrichis grice a “I'affairisme”) (cf,
R. Andriambelomiadana) qui utilise leur argent pour servir uniquement leurs intéréts et de Pautre la
grande masse acculée au probleme de survie. Le décalage entre ces deux catégories est tel qu'il y a lieu
de penser a une fracture sociale.
AVheure actuelle, le phénoméne de la corruption prend également de l'ampleur :
« Les manifestations de ce phénomene semblent atteindre toutes les spheres de ta vie, n’épargner aucune
calégorie sociale, aucun milieu, Le bakebich, dit-on, est de régle partout : Yon paie pour se faire embaucher,
JA. Houlder 1960, “Oana on provers Melgaces", Imprimerie Luthérienne, Tananarve. Ces deus proverbs me sont plas usités
a heure actele Par conde, deus autos proverbs. ben conn des eras de discours Malgaches(Kabury) prtent de 'éparghe @parir
‘une situation de fale *Miredired tos waiandahy ley hare! radoter comme un noble ques une; “Raha any harenay lay
Iago” “quand ifn plas argent, ne pl sre la mae fon nenuveer sa garde-robe ;Uiralement, haingo veu dire ormemetis).
33eee
Culture et Prospective
our se faire déliorer des papiers au plus vite, pour avoir une facture plus Igére, une bourse d'études, un
diplime, pour dire assuré de iriompber dans une mauvaise cause, pour avoir une pigdre & Ubépital. » VJ.
Ramamonyisoa 1988, “Etude sectoriele”, op. cit., p55).
Ce qui est vraiment grave, c'est qu’il y a une démobilisa
Presque générale face & ce phénoméne :
“La corruption pervertit les réghes économiques éémentaires. Elle décourage les initiatives, elle
Provoque la frustration dans tout acte de production. On se demande @ quoi bon iravailler, chercber une
Promotion par le mérite, avoir des idées, quand on sait que la richesse créée sera détournée, Et combien sont-ils
dex investsseurs (lant Tocaucx qu’dtrangers) qui ont abanddonné leurs projets pour avoir é8 plumés a chaque
éebelon de la bicrarcbie administrative ?” (R. Andriambelomiadana 1992, op. cit, p. 33).
Largent a transformé les habitudes des citoyens. La quéte de argent est aujourd’hui devenu le souci
primordial et lancinant de tous. Les relations sociales s’en trouvent affectées. Méme les valeurs
traditionnelles, en particulier celle du fibavanana, ne sont plus reconnues comme étant les normes de
la vie sociale. “Liargent ses installé au coeur dune société qui ne se reconnait plus : sa recbercbe semble élre
dovenue désormnais la principale motivation @ Vaction, ta premicre finalté de Vextstence, au-deld du bien ef la
‘al, des valeurs anciennes” (J. Ramamonyjisoa 1988, op., cit., p55).
6. La vision Malgache de Vargent et la vision du long terme
Le rapport entre la vision Malgache (traditionnelle et moderne) de I’argent et la vision du long terme,
constitue un probléme crucial qui mérite d’étre pris en considération. Les points d’achoppement relevés
a ce sujet sont les suivants =
* Le lien entre l'argent et le travail qui est la base de tout processus économique est rompu, Le
rapport avec cet argent convoité pose probleme. “Faule de traditions industrielles et salaries, fe
Malgache ne voit pas dans Vargent ta contrepartie d'un travail effectué ~ et comment Ie pourrait,
quand le salaire minimum mensuel équivaut & 130 FF ? Largent serait plutit une manne, espérée
‘mais incertaine, qu'il faut sais des qu'elle lambe & proximité” (S. Urfer 2000, p.75).
* Le sens relationnel, dont la vigueur s’ oppose aux critéres de l’efficacité économique. Ici “ ke
sens relationnel (fibavanana) n’a pas les mémes critres ef objectifs que dans le monde de Ubomo
economicus : les investssements ne seront done pas orientés vers Vaccraissement de la production ef de
{a consommation, mais en faveur de ce qui consolide les relations sociales avec les autres (fetes, ries
divers), avec les ancéires ef avec le Créateur (funérailes, exhumation, tombeau famitial)” (ibid,
p-83).
+ La pratique actuelle de "économie fait penser & “une économie de cucillette” (i
Face & ces pietres d’achoppement, des solutions sont proposées. II s’agit de :
+ Restauror les valeurs en essayant d’adapter le fthavanana aux exigences du monde moderne.
Il ne faut pas perdre de vue la notion d'efficacité et celle de rentabilité dans I’économie
moderne, Par conséquent, il faudrait faire en sorte que les exigences du fibavanana puissent
tre conciliges avec celles de l'économie.
+ Inculquer le sens de l’argent.
*Promouvoir la compétition. Ainsi, le travail — source de richesses — cesse d’étre une
obligation pénible lorsqu’il est socialement valori
* Créer un nouvel environnement favorisant |’émergence de nouvelles entreprises.
+ Penser & I’épargne et & l'investissement.
(cf. R. Andriambelomiadana 1992 | R. Andriambelomiadana 1994),
34Culture et Prospective
Chapitre 5. La hiérarchie
Tine peut étre question de hiérarchie & Madagascar sans évoquer l’organisation sociale traditionnelle &
laquelle beaucoup de Malgaches se référent. Une bréve synthése des études consacrées & la question
révéle le poids social du systéme de parenté ainsi que le fonctionnement dune organisation politique
fondée sur Pautorité des ancétres. D’autre part, elle aide & comprendre l’articulation et la signification
des rapports sociaux dans la société Malgache moderne. Ce qu’il faut retenir c’est que organisation
sociale est le pendant du systtme de parenté.
I. Hiérarchie et organisation sociale
Il a 16 dit que ta grande majorité des Malgaches attache beaucoup d’importance & la société
traditionnelle. En effet, force est de constater que cette société est encore présente avec ses structures
et son systme de valeurs. Bien que la société Malgache ait connu des mutations sociales depuis la
colonisation, la vision traditionnelle de la higrarchie n'a pas beaucoup changé. Aussi, pour bien
comprendre cet aspect des réalités Malgaches, il convient daborder I'organisation sociale de la société
traditionnelle.
1, La parenté et la higrarchie familiale
La higrarchie instituée au niveau de la parenté et de la famille est le point de départ et la base de
organisation sociale dans la société Malgache traditionnelle. Il n’est pas nécessaire de reprendre dans
les détails l’analyse du fonctionnement du systtme Malgache de parenté. Ce qu’il faut souligner, c’est
la place occupée par les personnes agées (zokiofona) dans le lignage car ce sont elles qui représentent
les ancétres au niveau de la grande famille. Il est & noter que la prééminence est accordée aux personnes
Agées de la lignée paternelle. Selon cette logique, l’autorité revient de droit aux parents (ray aman-
dreny) de ladite lignée, et de surcroit aux hommes puisque dés le départ une différence est établie entre
homme (le chef de famille) et la femme. Ainsi, les rapports higrarchiques qui sont institués & travers
deux niveaux se dessinent comme suit :
+ Au niveau de la famille étendue ou du lignage : l’aieul qui est censé représenter l’ancétre
fondateur aupr’s du lignage est placé au sommet de la hiérarchie familiale, les autres
membres de la famille lui doivent done respect et obéissance.
+ Au niveau de la famille restreinte (nucléaire) : l'autorité est dévolue au pére de famille, Et
puisque le systtme Malgache est patrilinéaire (et non indifférencié), ce sont les hommes qui
ont la prééminence dans la famille restreinte. Parmi eux, il faut mentionner surtout I’ainé
(abimatoa, lalanélo) parce qu’il est considésé comme le pilier de la famille. Ainsi, lorsque le
pére de famille avance en ge, c’est I’ainé qui le remplace ou le représente, comme le dit
Vadage : “ny zokibe toa ray”, littér. : 'ainé de la famille ressemnble & son pare, ce qui veut dire
que l’ainé est toujours appelé & un moment donné & assumer le rdle et les responsabilités du
pére de famille dans la vie de tous les jours. Ses fréres et sceurs cadets lui doivent done respect
et obéissance. Comme il est investi d’une autorité quasi naturelle en vertu de lage (ce qui
justfic le droit d’ainesse), il est la seule personne habilitée & parler au nom du groupe, comme
Ie dit le proverbe : “ny manan-joky afak’olan-teny, my manan-jandry afak’olan’entana”, littét.:
quand on a un frére ainé dans la famille, c’est lui qui fait le discours ; quand on a un frére
cadet, c’est lui qui est chargé de porter les bagages.
35$e
Culture et Prospective
1.2. De la hiérarchie familiale 3 la hiérarchie eociale
Ila été vu, done, que la parenté est un facteur de différenciation sociale, Cette différenciation réside
cessentiellement dans le fait que la position de chaque membre de la famille (lignage) est située par
rapport & l'ancétre du groupe ; de plus cette position est attribuée en fonction de lage. C’est dire que
Ia higrarchisation des relations sociales a l'intérieur du lignage obéit & une loi : celle de la continuité
centre le monde des ancétres et celui des vivants et c'est cette continuité qui est assurée par les personnes
les plus agées dans le groupe (aieul, le pare de famille, l’ainé).
Le méme principe vaut aussi pour la société en général puisque celle-ci est considérée comme le
prolongement de la famille, Comme les relations sociales & 'intérieur de la société sont définies et
‘vécues selon le modéle de la parenté (fibervanand), le passage de la hiérarchie familiale & la hiérarchie
sociale est trés simple : c’est en effet le systtme de parenté qui est transposé dans la vie sociale et ce
nest pas un hasard si les notables sont respectés au méme titre que les personnes Aigées de la famille,
Diailleurs, ils sont appellés ray aman-cireny, c’est-a-dire parents (ou pére et mére), ce qui signific qu’ils
sont censés incarner les qualités des pres de famille et par conséquent, ils doivent se comporter comme
tels vis-a-vis des autres.
1.3. Higrarchie politique et hiérarchie sociale
Dans la société traditionnelle, la hiérarchie sociale s
oi deux personnages clés peuvent étre rencontrés :
incarne également dans des structures de pouvoir
+ Le fangalantena (officiant qui utilise un baton au cours d'une eérémonie religieuse), c’est-&
dire le chef de clan qui fait aussi office de prétre dans la célébration des cérémonies rituelles
tels que le jore (sacrifice), le évikafara (fete familiale) (S. Rabatoka 1984, “Pensée religieuse
Batsimisaraka", Collectif, Ny Razana lxy mba may, Editions de la Librairie de Madagascar,
Antananarivo, p.48-49). Le fangalamena est le représentant visible des ancétres : sa tache
consiste surtout 2 faire appliquer et observer la loi ancestrale. A ce titre, il assume le role de
gardien de a tradition. Quant au pouvoir politique qu’il exerce en tant que chef de clan, il est
inséparable du pouvoir religieux dont la source est le basing, le sacté. Du reste, c’est ce basina
qui fonde lautorité du fangalamena et lui confére ainsi la dignité et te prestige d'un chef de
communauté auquel Ie peuple doit obsir. Il est & noter que dans le Sud-Est, le détenteur de
Pautorité politique est appelé Ampanjaka (le roi) (cf. B. Chandon Moét 1972, “Vobinasina”,
Nouvelles éditions latines, Pari, p.63-66).
+Lombiasa ou le devin (cf. F Raison-Jourde 1983 (sous a direction), “Les souverains de
Madagascar”, Karthala, Paris) : c'est "homme du pouvoir qui agit toujours dans Vombre. 11
est le conseiller des chefs politiques et & ce titre, il joue un grand r6le dans la société,
Spécialiste des oracles et de l’astrologie, il lui revient de donner des orientations et des
directives & certaines décisions touchant & la vie de la communauté et & la tradition, C'est lui
qui indique quelles solutions adopter, en cas de probléme, dans telle ou telle situation. Tout
dépend de lui : la vie, la mort, le présent, l'avenir, le maintien d’une coutume ou le
changement. Sans lui, rien ne peut donc se faire et c’est pour cette raison qu’il est craint et
respecté (voir aussi J. Lombard 1988, “Le reyaume Sakalana du Menabe. Essai d’anabyse d'un
time politique é Madagascar I7eme - 20¢me”, Editions de V’Orstom, Patis).
Ces deux personnages qui viennent d’étre évoqués font partie des groupes hiérarchiques que connait la
Grande ile, Bien que la société Malgache ait modernisé ses structures sociales et mis en place, au
Iendemain de la décolonisation, des institutions politiques modernes dans lesquelles de nouveaux
groupes higrarchiques se sont constitués, l'ancienne structure qui repose sur les fangalamena (ou leut
36eV
Culture et Prospective
Equivalent dans d’autres régions) et les ombiasa existe toujours et fonctionne a cété des institutions
officielles. Ce qui est frappant c'est que les autorités officielles du pays reconnaissent I’existence et
Vautorité des fangalamena. La preuve : lors de la crise de 1991 qui a secoué le pays (et qui I’a fait
basculer vers la démocratie libérale), le pouvoir a da faire appel & eux dans le but de sauver un régime
a bout de souffle. Quand il n'y a pas de crise, ils sont vite relayés par les élus de la République et les
hhauts fonctionnaires auxquels sont attribuées des positions et des rdles relevant des groupes
higrarchiques. Mais, cela ne les empéche pas de continuer leurs activités en tant que détenteurs d’une
certaine forme de pouvoir dans les campagnes. Car 13 ob la communication entre les autorités officielles
et le peuple fait défaut, les fangalamena interviennent, sans doute d’une maniére discréte mais c'est
ainsi que ‘les anciennes structures se maintiennent dans le temps et souvent au détriment des structures
politiques modernes.
2. Hitrarchie et stratification sociale dans la société Malgache moderne
Le rappel des fondements de organisation sociale traditionnelle a permis de repérer une
ifférenciation sociale fondée sur deux éléments : (i) la continuité entre le monde des ancétres et celui
des vivants, continuité assurée par les personnes gées, d’ot I’importance accordée & I’age qui conforte
1a position des ainés dans la famille et (ii) la prépondérance de la lignée paternelle qui accentue la
différence entre l'homme et la femme (8 cette différenciation correspond ¢’alleurs une certaine forme
organisation du travail appelée aujourd'hui division sociale du travail)
Un autre aspect de la higrarchie, retrouvé dans la société Malgache contemporaine, mérite aussi d’étre
signalé, car c’est une des formes de survivance des structures anciennes réactivées aujourd'hui en vue
de les pérenniser dans la société moderne. Il s’agit de la répartition de la société en trois ordires (A.
Razafintsalama 1981, “Les Tsimabafetsy d’Ambobimanga. Organisation familiale et sociale em Imerina.
Madagascar”, p.60), ou pour employer un terme fort discuté, en “aasées”. Selon les traditions orales de
Ja plupart des “etbnies” existant & Madagascar (voir par exemple Calle?), V'organisation de la société en
castes remonte au temps de la formation et du développement des royaumes (188me - 19¢me siécle.).
Mest & noter que le phénoméne de caste n’est pas typique des Hautes terres (cf. l'étude de J. F Bare sur
les Antemoro ct le Sud-Est : J. E Baré 1974, “Hitrarcbies politiques et organisation sociale a
Madagascar”, in : Collectif, Malgache, qui es-tu ?). Par exemple, dans le Nord, les Sakulava ont congu
depuis longtemps leur organisation sociale en fonction d’une hiérarchisation de la société imposée par
uune aristocratie formée par de lignages princiers. Ainsi, une distinction est établie entre les descendants
des Ampanjaka (lignages princiers) et les esclaves (andevo), appelés Makoa (des descendants de
prisonniers de guerre, originaires du Mozambique et du Zanzibar), le reste de la population étant
constitué d’hommes libres, désignés par Je nom de leur clan (P Ottina 1964, “Systime famitial et
‘matrimonial des Sakalava de Nesy Be”, in Civilisation Malgacbe, Faculté des Lettres et Sciences humaines,
n°L, Tananarive, p.224-247). Ailleurs, dans le Sud, le méme systme est pratiqué par les Sakalava du
Menabe chez qui il y a trois classes distinctes : les descendants des Mareserana et les nobles, puis les
tompon-tany (groupes claniques) et enfin les vobifse (des gens pauvres vivant de l'économie de
Prédation) J. Lombard 1988, “Le royaume Sakuleva du Menabe”, op. cit.). Chez les Betsileo, le méme
systme est enregistté, avec les Hova (chefs de groupements, nobles, princes) au sommet de la
hiérarchie, puis les ofom-potsy (hommes libres) au deuxime rang, enfin les andevo (esclaves ou
descendants d'esclaves) en troisitme position (cf. H. D4. Dubois 1938, “Monographie des Betsileo”,
Institut d’ethnologie, Paris, p.553-577).
Concernant les Merina, il a été noté que la hiérarchie traditionnelle fondée sur les castes demeure &
Mheure actuelle un cadre de référence pour beaucoup de familles. II faut rappeler que I'institution du
régime des castes en Imerina a été Vceuvre du roi Ralambo. Par la suite, le roi Andriamasinavalona a
révisé le systéme en apportant une modification a la higrarchie noble. Selon Ta subdivision qui a été
établie depuis I’époque de la royauté, la société merina est donc composée : 1- des Andriana ou nobles$e
Culture et Prospective
2- des Horta ou roturiers 3-des Mainty et des Andevo (des noirs et des esclaves) (ct. H. Berthier 1933,
“Noles et impressions sur les mecurs eb coutumes dit peuple Malgache”, Tananarive, p.166-170 - 2. Molet
1979, “La conception Malgache du monde, du surnaturel et de 'bomme en Imerina’”, Tome It, L!armattan,
p-131-143 - G, Condominas 1991 (réédition), “Fokon’olona eb collectvités rurales en Imerina”, Orstom,
Paris, p.126-133). A ’intérieur de chaque caste ou ordre, le principe de hiGrarchisation est maintenu.
C'est ainsi, par exemple, que chez les Andriana, il y a: (I) les Havan’Andriana (membres de la famille
royale comprenant les Zazamarolaby ef tes Andriamasinavalona (ji) les Andrianteloray, formés des
lignages des Andriantompokoindrindra, des Andriamboninolona et des Andriandranande (iii) les
descendants de Ralambo ou Zana-dRalambo (ct. 1 Molet 1979, op. cil, p:39).
Tlest & noter que cette subdivision est restée intacte jusqu’a présent. Si apparemment la distinction entre
castes est aujourd’hui considérée comme dépassée, surtout dans une société moderne ot les valeurs
républicaines comme la liberté et I’égalité sont prénées, la référence a la caste ‘encore partie du
systéme de valeurs des familles Andriana. En témoigne la mention Andriana sur les avis de décés
publiés dans les pages nécrologiques des quotidiens de la capitale (cf. F Roubaud 1997, “Etbnies et
castes dans Tagelomération d’Antananarivo : facteur de division ou ricbesse culturlle ?”, in Projet Madlio, n°
9733/B, Septembre, p.1-28).
3. Hiérarchie, rang social et mobilité sociale
Les études récentes sur le systéme des castes dans la province d” Antananarivo ont mis en lumire I’état
(ou P’évolution) des rapports sociaux dans une société en pleine mutation.
Dans son article sur les “Blanes et les Noirs”, J. Ramamonjisoa analyse les rapports conflictuels liant
les Hova (merina de la caste roturiére) aux Mainty (noirs, descendants d’esclaves, appelés. aussi
andevo), Partant dune analyse sociolinguistique (surtout des expressions utilisées par chaque groupe),
auteur met & nu les préjugés sociaux que la caste How nourrit & l'endroit des Mainly et vice-versa. A
travers ees préjugés qui s’inspirent de 'idéologie de la société merina pré-coloniale (c'est le cas des
Hora), le décalage et les inégalités existant entre les deux catégories sociales sont percus. Ce décalage
est flagrant & partir du moment ot les Hovis affirment leur supériorité en instituant interdiction
alliance avec les Mainty. La conclusion qui se dégage de l’analyse fait ressortir deux syst#mes de
valeur sinon deux idéologies différentes :
+ Le systéme de valeurs Dainty a un contenu démocratique. Il se réfere a des valeurs de type
communautaire primitif, de type républicain et de type chrétien (Egalité devant Dieu).
+ Le systéme de valeurs (ou plus exactement les préjugés) Hove se rapporte aussi & trois
idéologies différentes : “Iidéologie de la parenté, tout en se proclamant égalitariste, (...)
contient en méme temps une hiérarchisation des groupes (...). Le préjugé est ici premier,
Pingériorité des Mainfy un absolu... ; des perceptions, des jugements appartenant aux Ages
capitalistes et chrétiens, les deux étant intimement liés au sein d’une philosophie
évolutionniste du progrés, paganisme, ténébres, sorcellerie, saleté, licence sexuelle, mendicité,
Gtant opposés A christianisme, lumigre, rationalisme, propreté, honorabilité et réussite
Economique; dernier trait, et non des moindres, le racisme intervient pour Iégitimer par
Vapparence physique une différence posée comme premitre..." (J. Ramamonjisoa 1984,
“Blanes et notes: les dimensions de Vinégalié sociale”, in Cabiers des sciences sociales, n°1, Université
de Madagascar, p.71).
Une autre étude, publiée en 1997 par F Roubaud dans le cadre des enquétes menées par le Projet
Madio, présente le probléme des castes dans tout son acuité. S'appuyant sur des enquétes statistiques
réalisées dans I’agglomération d’Antananarivo, V'auteur affirme que : “Vappartenance de caste reste
38Culture et Prospective
fortement anerée dans Videntté sociale des Tananariviens” (F Roubaud 1997, act. cité, p.21). Alors que
“Yelbnicié” nest plus considérée comme une réalité négative, le systéme des castes, au contraire,
apparait comme un “fcteur foujours vivace de classement social, mais jugé infamant pour les descendants
dlesclars” (ibid. p.22). A ceci, il faut ajouter le fait que “non seulernent Vapparienance de caste est restée
grave dans Videntité sociale des Tananariviens mais elle est irésclairement corréiée avec leur position sociale”
(p-24). La preuve c'est que tous “les indicateurs comvergent pour mortirer que les descendants des Andriana
ont réusid se maintenir en baut de la pyramide sociale” (ibid.). I. a, done, ici un phénoméne d’exclusion,
phénomne dont les conséquences se ressentent au niveau de I'alliance et dans le domaine de
Véducation. De ce fait, la possibilité d’une mobilité sociale pour la caste Mainly est problématique. La
conclusion qui peut étre tirer de I’étude c"est que “les risques de crstallisation des antagonismes sont réels”
“Sil ‘existe plus de mowverents politiques exprinant ouvertement les revendications des Mainy, camume ce fab
1 cas au début des années 70, les sources de contestation mont pas disparu et pourraient resurgi & Tavenic”
(ibid. p. 28).
4, Hiérarchie traditionnelle et biérarchie administrative
Quelques ouvrages ont abordé dans les années 60/70 la relation entre la hiérarchie traditionnelle et la
hiérarchic administrative, Selon B. Chandon-Mfoét qui a étudié la société Antemoro (Vohimasina), les
deux pouvoirs sont parvenus a coexister et usent méme I’un de autre. Leurs rapports ne cessent
toutefois d’étre ambigus. En effet, “Za biérarcbie traditionnelle répond au laba-drazana, cet ordre établi par
des ances, Tandis que le fanjakiina, dit-on, na rien a voir avec la bitrarcbie traditionnele, pour lui, tout fe
‘monde paie Vimpat, c'est tout” (B. Chandon-Moét 1972, “Vobimasina”, Nouvelles éditions latines, Paris,
p.l71).
Bz Chandon-Moé? ajoute aussi que la soumission de 12 population au Rinjakana vient du fait que la
force de ce dernier est partout présente et agissante ({bid. p.175). Il est d’ailleurs connu que depuis
Vindépendance, le Nanjakana a &é considéré comme une force oppressive. L’étude de G. Althabe sur
la communauté villageoise betsimisaraka de Fetraomby a précisément montré que I’administration
Malgache moderne, hériti¢re de l'administration francaise, était mal vue par la population locale. La
négation du Fayiakana ne signifie pas pour autant Iégitimation de la hirarchie traditionnelle. Dans une
situation conflictuelle (situation issue dun rapport de domination liant I’administration & ta
population), la population s’efforce de trouver une solution permettant de réaliser le dépassement de la
condition d'asservis. Le “culle” et le symbolisme auquel ce dernier fait appel lui offre alors l'occasion
de faire ce dépassement “dans l’imaginaire” (cf. G. Altbabe 1969 (Réédition : 1982), “Oppression et
‘ibération dans Vimaginaire”, Maspero, p.45-46, p.116-118, p.262-265).
5. Hiérarchie sociale et vision du futur
Au terme de cette présentation du théme “Biérarcbie”, 1a question se pose sur la maniére dont la société
Malgache actuelle va faire face & l'avenir. Les thmes ou les problémes qui ont été évoqués & ce sujet
par les auteurs tournent autour du conflit (conflits au sein du lignage, contradiction ainé/eadet, pouvoir
politique/communauté des asservis), de 'identité ou de la reconstitution de identité du groupe. Le
mode de résolution des conflits ne devrait plus se faire au niveau de Pimaginaire (Fromba chez les
Betsimisaraka, fitampoba chez les Sakalava) (cf. S. Chazan-Gillig 1991, “La société sakalave”,
Karthala - Orstom, Paris - S. Urfer 2000, op. cit). Il faudra inventer des solutions pour l’avenir sans
pour autant renier le passé.
En ce qui concemne le probléme des castes (que certains appellent par expression “groupes
statutaires”), tout le monde s’accorde & dire qu’ Madagascar, les castes n’ont pas de connotation
teligieuse. Comme le dit G. Condominas au sujet du systéme merina : “a différence principale entre le
spsidme merina ef le sysitme inden porte moins, & notre avis, sur la spécalisation professionnelle que sur la
30Se
Culture et Prospective
notion 'impureté” (G. Condominas 1991, op. cit., p.128). Mais, cela ne devrait pas empécher les
décideurs ou les catégories sociales concernées de “débatire de la question” (J. Ramamonjisoa 1988).
Ce qui est & craindre c'est la “cristallisation des confls”, laquelle peut déboucher vers un mouvement de
‘contestation dont I'issue serait incertaine (F Rowbaud). Face & ces situations, la solution proposée est
ordre économique : “déploiement des capacités productives sur des terres assez vastes pour faire vivre, donc
politiques de migrations et industrilisation, constituent des préalables di foute transformation des mentalités J.
Ramamonjisoa 1988, p.71).
40Culture et Prospective
Chapitre 6. La parole
Le théme de la parole renvoie @ Ia relation de homme avec le sacré, au rapport de individu avec la
société, la communication d’une décision politique ou d’un savoir technique. Mais, la parole est aussi
lige 4 Ja langue, aux discours, aux Aabary. Elle renforce la tradition et lui donne un poids : c'est
pourquoi la parole et la tradition sont indissociables.
1. La parole et le sacré
Pour comprencre la portée de la parole dans la culture Malgache, il convient avant tout de la relier & la
notion de sacré. Le sacré, ou basina en Malgache, est une notion centrale dans la vision Malgache du
monde. Le terme basina, écrit A. Délivré, présente une telle diversité de sens qu’il semble au premier
abord rebelle & toute analyse. Le sens le plus fréquemment rencontré dans les textes ethnographiques
est celui de I"homme rituel au souverain (...). En fait, le basina est une notion qui s’applique a plusieurs
sortes d’étres, matériels ou non. L’un des meilleurs dictionnaires du XIX® siécle (dictionnaire du Pére
Webber) le définit comme “la vertu infrinséque ou surmaturelle qui rend une chase bonne eb officace dans son
genre" (A, Détivré 1974, “Lhistoire des Rots d'Imerina. Interprétation d'une tradition orale”, Klincksieck,
Paris, p.177-178 - L. Molet 1979, “La conception Malgache du monde, du surnaturel et de Uomme en
Imerina”, Tome 1, p.199-208).
La définition du hasina qui vient d’étre donnée suppose “qu'un dre, quel qu'il soit, paside son basina”
(ibid., p.181). Ainsi, “la parole a son basina, cest-d-dire sa force de pénétration ou sa vertu persuasive”
(ibid.). Si la parole a cette vertu persuasive, c'est parce que celui qui parle (I’orateur) est investi de
basing. Il y a, en effet, des “personnes qui sont dottes de basina dans la mesure ait elles sont ot méme de
modifier ta situation des autres..”. Dans ce cas, le mode, selon lequel ces personnages sont efficaces ou
puissants peut étre déterminé : ils le sont par leur bouche puisqu’ils connaissent les invocations rituelles
(masim-bava = mabay miantso) » (A. Délivré 1974, p.181). Ce qui signifie tout simplement que leur
“parole” est sacrée (masina).
2. La parole ef la société
21. Uindlvidu doit penser 2 la société
Pour un Malgache, il n’est jamais facile de prendre la parole devant un auditoire. Méme en causant avec
quelqu’un, il doit toujours faire attention lorsqu’il parle. Le fxiny peut en effet le frapper sil commet
une maladresse. Qu’est-ce que le fsingy ? C'est “Ie Bldme que l'on encourt loutes les fois que Yon fait ou que
Ton dit, Yolontairement ou non, quelque cbose que Von ne doit pas faire ou dire”, (A, Rajaona 1971, “Aspects
de la paychologie Malgache Yus & travers certains raits des Rabary et quelques fits de langue”, in Bulletin de
(Académie Malgache, T:49/2, p. 23). Ainsi, “Tout acte, pour peu qu'il se situe dans un domaine social
quekcongue, attire par le fat méme qu il se réalise, Vapprobation ou la désapprobation. Celle dernitre comporte
«essentiellement le tsing (...) cested-ire que dans vos actes, ous avez 4 len comple avant lout de la socité clans
Jaguelte Yous vivez. Vous devez vous préoccuper non pas d'abordl de votre bien propre mais de celui ou de ceux
que vous céteyez fous les jours, ef en premier lew les membres ce la famille. Elle send auc ancétres, aucuels
on se doit de donner un minimum de confort(.), elle englobe les enfants, les descendants” (R. Andriamanjato
1957, “Le Ising ef le tody dans la pensée Malgache”, p.44-45),
Puisque le Malgache vit en société, il faut donc qu’il pense & la société chaque fois qu’il prend la parole.
Pour éviter le Airy, il faut s’excuser au début du discours : “le fait de s‘excuser avant. ‘dagir vous laissera
sume marge d'action plus grande. On vous pardonmera plus derreurs, ef Yous agirez avec um degré de bore
4Neen nnn nn ee
Culture et Prospective
conscience plus éevé” (ibid., p.51) . Ainsi quand quelqu’un parle devant un public auquel il a un message
4 communiquer, il “rappelte les diffrentes bigrarcbies qu’ ya dans la société e ‘excuse devant tous en méme
temps, Son rang et sa classe ne Vautorisent en principe pas dt parler; mais la nécessité veut qu'il parle et it
Sexéeule sans oublier son indignité et son égalité avec tes autres. S'il agit aulrement, te tsiny s'abatira
smmmangquablement sur lui" (ibid, p. 53).
2.2. Le “teiny” peut tre conjuré par la parole
Apparemment, le ésiny se manifeste comme une force redoutable contre laquelle l'homme ne peut rien
faire. Dans les discours, le Malgache le dépeint avec des images tres significatives :
“Le Ising est un fardeau pesant, les anciens n'ont pu le porter, et moi je suis comme eux. Le bsiny est
comme le vent, on ne le voit pas, maison le sent. I! ne s‘amoncéle pas comme les nuages. Ine s’éend pas & perte
de vue comme les contreforts montagneux. I! ne gronde pas comme Vorage pour qu’on lui demande pardon, It
‘ne menace pas pour qu'on puisse lever, (....). Le lsiny est semblable @ un fossé profend, si on y regartle, on a
le vertige, sion y tombe, on meurt(..). ll est comme le feu, celui qui le counve se brite. (...)” (Re
Andriamanjato 1957, p.61-62).
Malgré cette puissance presque illimitée du dxinys, “homme essaie de sem débarrasser efi! fe fait par ta
conjuration et par ta parvle, Dans les discours, fa parole sufi @ le conjarer: La force de la parole est tellement
ffcace qu elle annie aun seul coup Faction du tiny” (cf. R. Andriamanjato 1957, p.65).
3. Parole et communication
34. Communication politique
Dans I’histoire des institutions politiques Malgaches, la parole a pris une grande place en tant que
vecteur de communication, Comme l’usage de la parole (en public) est trés délicat, il fallu trouver un
genre littéraire particulier pour transmettre une décision politique : c’est le kabary. Selon le P Callet,
Ie Aabary (allocutions royales) remonte aux anciens rois : & Andriandranolava qui régna a Ampandrana.
‘Avec le régne de Ralambo, lorsqu’il amena son fils ainé, Andriantompokoindrindra, qui habitait
Ambohimalaza, a se soumetire, le kabary s’établit déja comme une coutume chez les Merina, car le
roi avait déclaré : “Lorsque tu prononceras un kabary (il s’adressait & Andrianjaka, son cadet, qu’il
avait ramené sur le tréne), c’est Andriantompokoindrindra qui te répondra’”
Sous le régne de Razakatsitakatrandriana, ici & Tananarive apparatt une autre coutume qui s’établit &
Poceasion des kabary royaux : le roi sollicite le consentement du peuple. C’est & Andriamampandry
qu'elle remonte. Ceite coutume contribue effectivement a faire régner la paix (mampandry) dans le
pays et dans I’Btat (Callet 1974, Traduction francaise, Histoire des rois, Tome I, p. 540).
Le Pare Callet ajoute une précision sur les motifs qui justifient la convocation d'un kabary : “Le rot
coroquait un kabary pour faire ecéeuter des travaux, pour ersoyer cbercber des bois dla forét, pour anmoncer
ses ordonnances, pour organiser des corvées, pour recruter des troupes, pout juger des révoltés fugitf8” (ibid.).
i, “ce qu’on appelle une allocution royale a lew quaand le souverain désire metre des projets @ exécution, I
assemble le peuple ef c'est a ce qu'on appelle un kabary royal. Voici quelle est Ia coutume en cette occasion : le
‘peuple y répond ef donne sa promesse” (ibid.),
Le roi Andrianampoinimerina a institutionnalisé le kabary comme un moyen officiel de
communication. Depuis Ia colonisation, “les kabary continuent & étre pratiqués par les responsables: de
Vadministration coloniale, puis les responsables qui se sont succédés depuis Vindépenddance. C'étaient et ce sont
dlésormais des “assemblées” au cours desquelles certaines déetsions importantes sont anmoncées ef ont valeur de
2———————————————————————————eOOeeeeeeeeee era aa...
Culture et Prospective
toi” (1. Rakoto, FE Ramiandrasoa, Razobarinoro-Randriamboavonjy 1995, Nouveau Corpus
a Histoire des institutions, Université d Antananarivo, p.115).
3.2. Farole et communication d'un savoir technique
Le Kabary est aussi utilisé par les techniciens du développement comme un moyen de communication
our transmettre aux gens (et surtout aux paysans) un certain savoir, un savoir technique et rationnel.
Or, il se trouve que ce genre de discours manque souvent d’efficacité. Les recherches menées sur la
vulgarisation rurale et l'encadrement des paysans ont montré que le discours du technicien (ou du
technocrate) n’est pas toujours en phase avec les réalités vécues par les paysans (cf. les recherches
r€alisées par). Dez, G. Althabe). Le langage du technicien est difficile @ comprendre : un langage trop
technique, recourant souvent & l'emploi de vocables francais etc... (le vary amin’anana). Pourtant,
comme I’'a dit S. Rabarinjanabary & ce propos : “le suecés de la comneunication avec le monde parsan exige
un minimum dintercomprébension, minimum qui n'est pas toujours atteint en pratique...Lusage di franeais,
ou d'une interlangue métissée du type frangacke, Inabit souvent la maniére dont la formation des cadres les a
coupés de la masse” (S, Rabarinjanabary 1994, “Le langage et es beswins du déseloppement”, in Deux
‘mondes en présence, Antananarivo, p54). Le constat qui peut étre fait aujourd’hui c’est qu'il n'y a pas,
tune véritable communication entre les cadres et les masses. Le méme constat peut se faire & propos de
Ja communication des dirigeants qui recourent eux aussi au feny baiko (se dit du francais utilisé comme
langue officielle de communication) dans leurs discours. Tl existe une coupure entre les cadres et le
peuple :
“Dans beaucoup de régions du pays, on appelle les dirigeants politiques et les cadres des grandes
entreprises des Blanes (ces Vazaba), Les intellectuels qui préterident apporter des ides de progrés aux gens de
4a brousse sont aussi des Vaezaba. Pea importe qu'ils soient nats méme du terroir oils exercent leurs fonctions,
Naturellement, cela est Yrai plus forte raison de cexex qui sont originaires des régions éloignées. Celte expression
«st peut-dtre flateuse, il s‘agirait de reconnatre la supériorité des bétes, une interprétation qui nest pas fausse,
‘mais qui dissimule Vessentie, Vaffirmation du caractére étranger de ces bites, qui sont des Vazaba, «esbicdire
des gens obsissant & d'autres coulumes, parlant d'autres langage, ef dont ne voit pas bien comment les intégrer
dans notre logique sociale” (ibid., p54)
4. Parole, Kabary, littérature orale, tradition
IL a été vu que V’efficacité de la parole réside dans le basing. Cette efficacité réside aussi dans le
maniement des Kabary. Il n'y a pas que les kabary politiques ; “A I’heure actuelle, le Kabary est connu
dans tout Madagascar comme désignant un discours et un genre littéraire, allocutions dans toute sorte
de cérémonie. Comme genre lttéraire, il conceme essentiellement deux moments de la vie sociale des
Malgaches : le kabary am-panamabadiana (réunion de familles pour une demande en mariage) et le
‘kabary am-pandevenana (allocution de remerciement d’un représentant de la famille du défunt & "issue
dun enterrement),
Dans ces deniers cas, le Aabary comporte une structure traditionnelie & laquelle les intervenants se
conforment invariablement (cf. 1, Rakote, F Ramiandrasoa, Razoharinoro-Randriamboavonjy
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