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Revue internationale
du travail
du Travail, vol. 138
et devenir (1999),
du droit dunotravail
1 33
effet à Madrid en juin 1998. Il est l’œuvre d’un groupe interdisciplinaire qui comprenait les
professeurs Maria-Emilia Casas (Université Complutense de Madrid), Jean De Munck (Univer-
sité de Louvain – College Thomas More), Peter Hanau (Université de Cologne), Anders Johansson
(Université de Stockholm), Pamela Meadows (National Institute of Economic and Social Research
de Londres), Enzo Mingione (Université de Padoue), Robert Salais (IDHE, CNRS/ENS de
Cachan), Alain Supiot (CNRS/Université de Nantes) et Paul van der Heijden (Université d’Ams-
terdam). Son rapporteur général était Alain Supiot. Le texte intégral du rapport a été publié en
français (A. Supiot (directeur de publication) sous le titre: Au-delà de l’emploi, Paris, Flamma-
rion, 1999, 321 pp.) et en espagnol. Des é ditions allemande et anglaise sont en préparation. Par
ailleurs, on trouvera à la fin du présent article un choix bibliographique effectué parmi les
ouvrages cités dans le rapport.
Deux principes sont avancés par le rapport de Madrid pour maîtriser ces
évolutions: d’une part le principe fondamental selon lequel les parties à une
relation de travail ne sont pas maîtresses de la qualification juridique de cette
dernière; et d’autre part l’élargissement du champ d’application du droit social
aux contrats de travail indépendant. La perspective ainsi tracée est donc celle
d’un droit commun du travail, dont certaines branches pourraient en revanche
être adaptées à la diversité des situations de travail (travail subordonné au sens
traditionnel; travail «parasubordonné«, c’est-à-dire économiquement dépen-
dant). Il convient en effet d’éviter que ne s’instaure un clivage entre les salariés
bien protégés par un contrat de travail et les personnes travaillant sous des
contrats d’un autre type leur conférant une protection inférieure. L’une des
fonctions historiques fondamentales du droit du travail a été d’assurer les
conditions de la cohésion sociale. Cette fonction ne pourra continuer d’être
remplie que dans la mesure où ce droit épouse l’évolution des formes d’organi-
sation du travail dans la société contemporaine et ne se replie pas sur celles qui
lui ont donné naissance, et qui sont aujourd’hui en déclin.
Cet état professionnel doit être fondé non plus sur la notion restrictive
d’emploi, mais sur la notion élargie de travail. Le droit social ne peut plus
rejeter dans l’ombre les formes non marchandes du travail. La notion d’acti-
vité, avancée par certains auteurs (ainsi en France, le «contrat d’activité« pré-
conisé par le rapport Boissonnat) 2, a été écartée par le rapport de Madrid, en
raison de son indétermination. Le travail se distingue de l’activité en ce qu’il
répond à une obligation, volontairement souscrite ou légalement imposée, sous-
crite à titre onéreux ou gratuit, attachée à un statut ou à un contrat. Le travail
s’inscrit toujours dans un lien de droit. Les droits propres au travail salarié
(l’emploi), les droits communs de l’activité professionnelle (santé, sécurité,
etc.) et les droits fondés sur le travail non professionnel (charge de la personne
d’autrui, travail bénévole, formation de soi-même, etc.) constituent trois cer-
cles de droits inhérents à l’état professionnel des personnes. Un quatrième cer-
cle est celui des droits sociaux universels, garantis indépendamment de tout
travail (soins de santé, aide sociale minimale, etc.), et qui ne relèvent pas spé-
cifiquement du droit du travail. Quant au principe d’égalité de traitement entre
hommes et femmes, il s’applique indistinctement aux quatre cercles.
A l’état professionnel ainsi défini correspondent des droits de tirage
sociaux de divers ordres. On constate aujourd’hui l’apparition de droits sociaux
spécifiques, nouveaux sur deux plans: ils permettent de s’émanciper de l’em-
ploi tout en étant liés à une forme de travail (crédits d’heures des délégués
syndicaux; crédits formation; congés parentaux, etc.); ils s’exercent de façon
optionnelle, et non pas en fonction de la survenance de risques. Ces droits
s’ajoutent aux droits sociaux traditionnels tout en permettant une gestion indi-
viduelle de la flexibilité. Le concept de droits de tirage sociaux permet de
mettre en œuvre la triple exigence de liberté, de sécurité et de responsabilité
propre au nouvel état professionnel des personnes.
2
Voir le rapport de la Commission du Commissariat gé néral du Plan: Le travail dans vingt
ans, Paris, Editions Odile Jacob, La Documentation française, 1995).
40 Revue internationale du Travail
3
L’article 8, paragraphe 1, de cette convention dispose que: «Toute personne a droit au
respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance« . Voir Conseil de
l’Europe: «Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales« ,
Traités européens, Strasbourg, Edition du Conseil de l’Europe, 1998, volume 1.
4 Directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de
tion syndicale. Ces comités ou conseils d’entreprise se sont consolidés dans les
systèmes dualistes de représentation (combinant représentation syndicale et élus
du personnel), majoritaires dans les pays européens, avec une tendance dans
certains d’entre eux au renforcement de leurs pouvoirs de participation et de
contrôle (information et consultation) et à l’attribution d’un pouvoir de négo-
ciation.
D’autre part, la base humaine et sociale homogène des syndicats – les
travailleurs salariés industriels, masculins, ayant un contrat de travail typique, à
durée indéterminée et à plein temps – s’est fragmentée et diversifiée, tandis que
se délitait la communauté des intérêts représentés. La diversification croissante
des salariés et de leurs intérêts, l’instabilité des expériences de travail, la dis-
continuité des parcours professionnels, et la propagation des phénomènes de
sous-traitance, de décentralisation ou de délocalisation de la production, sont
autant de facteurs d’affaiblissement de la représentation syndicale tradition-
nelle. La fonction de représentation s’en est trouvée considérablement compli-
quée, ce qui a rendu nécessaire le recours à des techniques de représentativité.
Le chômage de masse a contribué lui aussi à la détérioration de la capacité de
représentation du syndicat et à sa perte d’influence. La peur du chômage est un
puissant facteur de démobilisation syndicale des salariés. L’armée de réserve
des chômeurs permet de dissuader ceux qui ont un emploi de participer active-
ment à des mouvements de revendication. Le chômage se traduit aussi par
l’apparition de nouvelles organisations qui font concurrence aux syndicats et
mettent en question leur monopole de représentation (organisations non gou-
vernementales, associations ayant pour objet la défense des démunis et des chô-
meurs, fondations, etc.).
D’une manière générale, il serait dangereux d’occulter la détérioration
que le temps, les changements de l’organisation du travail ainsi que la routine
et l’inadaptation ont provoquée dans le syndicalisme. Les syndicats doivent
adapter leur organisation, c’est-à-dire leurs structures, et leur action à l’hétéro-
généité du monde du travail. Toutefois, cette nécessaire adaptation ne doit pas
conduire à négliger les forces de conservation du système de représentation
collective. La stabilité du droit syndical, le besoin de représentation syndicale
et l’absence d’alternative à cette représentation sont autant de facteurs qui
conduisent à pronostiquer beaucoup plus sûrement une adaptation plutôt qu’une
révolution des formes de la représentation collective des travailleurs.
Au terme de cette analyse, il faut écarter l’idée qu’une véritable révolu-
tion des modes de représentation collective soit possible ou souhaitable. En
revanche deux modèles d’adaptation des systèmes de représentation collective
émergent face aux nouvelles formes d’organisation du travail. L’une des fonc-
tions historiques des syndicats européens a été d’éviter que la concurrence des
entreprises d’une même branche ne joue à la baisse des salaires (c’est la justifi-
cation première de la négociation de branche). Là où cette fonction a été le
mieux remplie (par exemple en Allemagne), elle a eu pour effet bénéfique
d’orienter la compétition entre entreprises sur des enjeux de qualité et de com-
pétitivité, et non sur la paupérisation des travailleurs. Mais le cadre de la bran-
che dans lequel s’est affirmée cette fonction unificatrice des syndicats est
44 Revue internationale du Travail
Conclusion
Plus que celui de protection sociale, le concept de citoyenneté sociale
apparaît apte à synthétiser aujourd’hui ces objectifs d’un redéploiement du droit
du travail, et du droit social en général. Malgré la diversité de conceptions
nationales de la citoyenneté, ce concept pourrait devenir l’une des pierres angu-
laires du droit social à l’échelon européen. Il présente l’intérêt d’être englobant
(il couvre de nombreux droits, pas seulement l’affiliation à l’assurance so-
ciale); il relie les droits sociaux à la notion d’intégration sociale, et pas seule-
ment à celle de travail; et surtout il connote l’idée de participation. La citoyen-
neté suppose en effet la participation des personnes concernées à la définition et
à la mise en œuvre de leurs droits.
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