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2016
Fonctionnement psychique et étude de cas
Marie-Liesse PERROTIN
Répondez de manière claire et précise à chaque question. Les documents sont
interdits.
Sujet : A partir de cette vignette clinique, faites un relevé sémiologique
concernant le trouble du sujet, relevez ses traits de personnalité puis proposez
vos hypothèses diagnostiques sur son trouble et sa personnalité ainsi que sur son
fonctionnement psychique (diagnostic structural). Vous rédigerez votre réponse
en suivant ce plan de présentation : 1) Sémiologie du trouble (4 points) 2)
Sémiologie de la personnalité (4 points) 3) Hypothèses diagnostiques sur le
trouble et sur la personnalité (4 points) 4) Diagnostic structural : type de conflit,
nature de l’angoisse, type de relation d’objet, mécanismes de défense
préférentiels (8 points).
Vignette clinique :
Amélie, 37 ans, est reçue en entretien par le psychologue d’un service oncologie.
Elle a suivi une chimiothérapie et vient de subir une mammectomie. Durant le
premier entretien, Amélie pleure beaucoup et tient des propos très négatifs : « Je
me sens la moitié de moi-même, je ne suis plus une femme, je me dégoûte. Vous
m’imaginez sur une plage ? » Son visage est sans expression et son débit de
parole assez lent. Elle dit se sentir extrêmement triste, angoissée et avoir peur de
mourir. Elle se demande également si les modifications corporelles qu’elle a
subies (son amaigrissement, le sein droit qu’on lui a ‘’reconstruit’’ sans
mamelon) ne vont pas finir par éloigner son mari. Elle décrit, cependant, ce
dernier comme très prévenant et supportant sans mot dire ses brusques accès de
colère ou ses crises de larmes, mais elle ajoute : « jusqu’à quand ? ».
« Dans les moments où ça va bien, quand je suis moins fatiguée, j’ai envie d’être
comme avant, de me remettre à travailler mais 5 mn après je me dis que tout ça
c’est fini, que je vais rechuter et je pleure car j’en veux à tout le monde. Je suis
trop fatiguée, je ne mange pas et je fais des cauchemars.
D’ailleurs, j’ai du mal à m’endormir et je laisse une veilleuse. J’ai l’impression
d’avoir toujours un trou là (elle désigne son sein droit) et que je vais être aspirée
dedans. »
Durant un entretien ultérieur, Amélie qui reste triste et angoissée, parle de son
métier de journaliste et de sa fille de 5 ans, confiée provisoirement à la garde de
ses parents : « Heureusement que ma mère est là car mon mari travaille. Elle a
toujours été présente quand, j’avais besoin d’elle alors qu’au niveau travail elle
n’est pas en reste. Elle n’est pas près de prendre sa retraite, c’est X, l’écrivain,
vous devez la connaître. Je l’admire beaucoup. Elle est très fiable, mon père,
c’est tout le contraire. Il est égoïste, on ne peut rien lui demander, c’est un
menteur, je ne comprends pas que ma mère puisse le supporter. Ma fille, est un
amour, elle me manque beaucoup. Amélie se remet à pleurer et souligne qu’elle
alterne entre l’envie de retourner le plus rapidement possible à ses occupations
car elle ne supporte pas l’ennui et celle de dormir pendant 6 mois. Elle déclare
« je ne suis plus que l’ombre de moi-même, je me répugne, j’étais active, si vive,
j’étais réputée pour mes scoops et cela aide d’être séduisante pour faire parler les
témoins…Là…Je visais un poste de rédactrice en chef. J’ai changé quatre fois de
journal dans cet objectif. Si je ne l’obtiens jamais, à quoi bon…Et si mon mari
me quitte, il me restera quoi ? J’ai tout le temps peur qu’il parte, je l’appelle
quatre fois par jour. Je lui demande tous les soirs s’il me désire toujours. Il dit
que oui mais bon…Il m’a déjà trompée, il est revenu parce que j’ai menacé de
me tuer et que j’ai tout cassé ! »
par Marie-liesse Perrotin, vendredi 16 septembre 2016, 23:55
Chers étudiants,
Comme rappelé par annonce, sur le forum et sur la page d’accueil du cours, vous ne deviez renseigner que
les rubriques demandées et ne pas perdre du temps à présenter la patiente etc.
Sémiologie du trouble :
Il s’agissait de relever les symptômes de la patiente en vous référant au cours de Plagnol. A savoir:
une douleur morale se spécifiant par une tristesse intense peu sensible au réconfort: « Elle dit se
sentir extrêmement triste. »
des idées noires: Amélie tient des propos très négatifs et a peur de mourir.
un pessimisme: « … je me dis que tout ça c’est fini, que je vais rechuter…»
une perte de l’estime de soi: « Je me sens la moitié de moi-même, je ne suis plus une femme, je me
dégoûte. »
de la honte: « Vous m’imaginez sur une plage? »
une anhédonie: « Si je ne l’obtiens jamais, à quoi bon… »
un sentiment d’incapacité: « Je ne suis plus que l’ombre de moi-même… j’étais si active, si vive…
Là… »
un ralentissement psychomoteur marqué par:
une asthénie: « Je suis trop fatiguée… »
une amimie: son visage est sans expression.
une probable bradypsychie indiquée par son débit de parole assez lent.
Une aboulie: « … j’ai envie d’être comme avant, de me remettre à travailler mais 5mn après je me
dis que tout ça c’est fini… » assortie d’un certain apragmatisme.
un syndrome physique/ des signes non spécifiques illustrés par:
des troubles du sommeil: « … j’ai du mal à m’endormir… »
des troubles de l’alimentation: « … je ne mange pas… »
une forte angoisse: elle se dit angoissée et avoir peur de mourir.
Cette question était sur 4 points. J’ai noté de 1 à 4 points en fonction du nombre de symptômes relevés et
de votre capacité à organiser ce relevé selon les trois groupes de symptômes susmentionnés. J’attendais
également que vous utilisiez au moins quelques termes du lexique que vous avez à connaître, par exemple
asthénie plutôt que fatigue.
Sémiologie de la personnalité :
Il convenait ici de relever les traits de personnalité de la patiente donc de convertir en traits de personnalité,
chaque fois que cela s’y prêtait, les informations qui vous étaient données à ce propos dans la vignette. Il ne
s’agissait donc pas de redire purement et simplement dans les mêmes termes ce qui vous était précisé mais
de vous référer à la formulation des items du cours de A. Plagnol.
J’attendais que vous releviez au moins quatre traits parmi les principaux ( instabilité, impulsivité,
idéalisation/dévalorisation, peur de l’abandon).
J’ai donc compté de 0 à 4 points selon le nombre et la pertinence des traits relevés. J’ai accepté certaines
reformulations dès l’instant que le sens y était.
Certains d’entre vous ont diagnostiqué une personnalité narcissique, donc n’ont pas tenu compte du doute
d’Amélie sur sa valeur ni de sa grande dépendance anaclitique.
Hypothèses diagnostiques :
- sur le trouble : J’ai noté 1 point si vous aviez diagnostiqué une dépression sans la qualifier ou une
dépression primaire, ou une dépression réactionnelle ou encore une dépression psychogène. J’ai noté 3
points si vous aviez, au contraire, diagnostiqué une dépression secondaire soit somatogène soit associée à
une personnalité limite, le cancer et la mammectomie subie par Amélie ayant débordé les défenses (clivage)
habituellement utilisées pour contrer la menace dépressive liée à son angoisse d’abandon.
sur la personnalité : J’ai noté 1 point si vous avez diagnostiqué une personnalité limite ou
borderline.
Diagnostic structural :
Vous deviez pour l’effectuer vous appuyer sur le document de cours et plus précisément sur les critères de
Bergeret. Il vous fallait, bien évidemment, justifier vos propos et non donner, à tort ou à raison, le sentiment
d’un choix arbitraire ou uniquement guidé par le la personnalité identifiée. Je n’ai pu accorder tous les points
aux personnes qui n’avaient pas du tout justifié les critères structuraux même si ils étaient justes. Je vous
rappelle que la nécessité d’argumenter vous avait été signalée. Je n’attendais néanmoins pas
d’argumentation très poussée et ai accordé des points même quand elles n’étaient pas très pertinentes.
Type de conflit : Il oppose le Moi à l’Idéal du Moi et à la réalité. Ici, le Moi d’Amélie se caractérise par son
aspect lacunaire, narcissiquement incomplet (c’est pourquoi elle a besoin de s’appuyer narcissiquement sur
sa mère notamment.) Son Idéal du Moi est archaïque et domine son Moi fragile. Il ne tient pas véritablement
compte de la réalité et reste sous la prédominance du principe de plaisir. Son Surmoi n’est pas suffisamment
internalisé (peu voire pas de culpabilité) et ne peut seconder efficacement le Moi. Ainsi l’Idéal du moi
d’Amélie continue-t-il de lui prescrire obstinément de devenir rédactrice en chef malgré quatre échecs et les
suites de sa maladie dont elle va mettre du temps à se rétablir complètement.
(1 point)
Nature de l’angoisse : d’abandon, de perte d’objet accompagnée d’un besoin de décharge. Amélie est
terrifiée à l’idée que son mari la quitte. Cette angoisse a pu organiser des crises clastiques (a tout cassé). (2
points)
Type de relation d’objet : anaclitique (et non anaclytique ou anaclityque). Amélie est, en effet, à même de
percevoir autrui dans son altérité, mais dénie le droit des autres à posséder un narcissisme et les utilise
comme prothèse narcissique. Ils sont ainsi essentiellement chargés de la rassurer sur sa propre valeur
(registre narcissique) et non de la soutenir, de la consoler etc. (registre affectif. (2 points)
Identification (à sa mère)
projection sur sa mère de ce qu’elle ressent probablement par rapport à son mari: elle s’étonne que cette
dernière puisse rester avec son père.
J’ai compté de 1 à 2 points en fonction des mécanismes identifiés. J’attendais que vous en identifiiez trois.
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
le patient répond: « C’est ma femme qui m’a pressé de venir vous voir.
Enfin, pas vous. Elle m’avait proposé quelqu’un que lui avait indiqué une
amie. Mais, c’est un peu facile, hein! J’ai préféré trouver moi-même, c’est
mon médecin qui m’a dit de venir ici, au CMP (centre médico-
psychologique de son quartier) . Je voulais voir quelqu’un de neutre, pas
un psy qui prendrait le parti de ma femme. D’ailleurs, je suis venu, mais
c’est elle qui a un problème! Il paraitrait que je suis intrusif et que je pose
trop de questions! Où est le problème à répondre à des questions si on a
rien à se reprocher? Je pense que vous devez commencer à vous
douter du problème. »
La psychologue répond par la négative et demande au patient de lui
expliquer ce qu’il se passe. Barnabé reprend: « Oh, alors vous êtes bien
naïve! Elle me trompe, évidemment! Donc, elle ne supporte pas quand je
lui demande où elle va, ce qu’elle fait… Elle me dit même qu’elle ne veut
plus que je l’appelle à son travail ou quand elle sort avec ses copines
soit disant. Je maintiens, si on n’a rien à se reprocher, on dit les choses
sans faire d’histoires. » Interrogé sur ce qui l’amène à penser que sa
femme le trompe, le patient s’exclame: « Je ne le pense pas, je le sais!
J’avais des doutes depuis longtemps, mais c’est devenu très clair. Il y a
trois mois, elle parlait au téléphone dans le salon et comme par hasard
quand je suis arrivé, elle a terminé sa conversation. Je lui ai demandé à
qui elle parlait comme ça, alors qu’on allait diner. J’aime bien qu’on dine
à l’heure. Elle m’a répondu « Oh, à une amie Mélanie, tu ne la connais
pas, elle est à la gym avec moi, elle me prévenait que le cours est
annulé. » Et là, j’ai tout de suite compris et tout est devenu logique: son
air rêveur parfois, son envie de faire les soldes, sa fatigue le soir…
Mélanie, tu parles! Elle prenait rendez-vous avec un amant! Et ce cours
de gym, c’est une manne. Je suis inscrit dans un club moi-même, j’en
vois à chaque fois que j’y vais des belles filles, très belles même, ça ne
tiendrait qu’à moi, je n’aurais qu’à claquer des doigts, sauf que moi, ça
ne me fait pas envie. Alors elle, c’est pareil, elle en voit défiler des
hommes. Mais, elle, elle aime ça. Et elle ne s’arrête pas là, c’est des
sourires aux commerçants, au fils du concierge qui n’a même pas 14
ans, des conciliabules avec le voisin. Il faut en permanence la surveiller.
Elle couche avec tous! Bref, je deviens la risée du quartier et c’est moi
qu’elle traite de malade! Elle me reproche de la suivre et d’ouvrir son
courrier, mais bien obligé, c’est facile pour elle, il y a deux sorties à
l’école de notre fils, elle l’emmène et ni vue ni connue, je t’embrouille.
Pareil, rien de plus simple que de cacher un message dans une carte de
voeux. Mais, moi, je ne suis pas homme à me laisser faire. Je sais ce
que je vaux, et elle me regrettera quand j’en aurai assez de ses petits
jeux. Avant, on faisait tout ensemble, on ne faisait qu’un, maintenant elle
n’a que sa gym en tête, je devrais lui suffire comme elle me suffit. Je lui
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD12019
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
femme qui m’a pressé de venir vous voir. Enfin, pas vous. Elle m’avait proposé
quelqu’un que lui avait indiqué une amie. Mais, c’est un peu facile, hein! J’ai préféré
trouver moi-même, c’est mon médecin qui m’a dit de venir ici, au CMP (centre
médico-psychologique de son quartier) . Je voulais voir quelqu’un de neutre, pas un
psy qui prendrait le parti de ma femme. D’ailleurs, je suis venu, mais c’est elle qui a
un problème! Il paraitrait que je suis intrusif et que je pose trop de questions! Où est
le problème à répondre à des questions si on a rien à se reprocher? Je pense que
vous devez commencer à vous douter du problème. »
La psychologue répond par la négative et demande au patient de lui expliquer ce
qu’il se passe. Barnabé reprend: « Oh, alors vous êtes bien naïve! Elle me trompe,
évidemment! Donc, elle ne supporte pas quand je lui demande où elle va, ce qu’elle
fait… Elle me dit même qu’elle ne veut plus que je l’appelle à son travail ou quand
elle sort avec ses copines soit disant. Je maintiens, si on n’a rien à se reprocher, on
dit les choses sans faire d’histoires. » Interrogé sur ce qui l’amène à penser que sa
femme le trompe, le patient s’exclame: « Je ne le pense pas, je le sais! J’avais des
doutes depuis longtemps, mais c’est devenu très clair. Il y a trois mois, elle parlait au
téléphone dans le salon et comme par hasard quand je suis arrivé, elle a terminé sa
conversation. Je lui ai demandé à qui elle parlait comme ça, alors qu’on allait diner.
J’aime bien qu’on dine à l’heure. Elle m’a répondu « Oh, à une amie Mélanie, tu ne la
connais pas, elle est à la gym avec moi, elle me prévenait que le cours est annulé. »
Et là, j’ai tout de suite compris et tout est devenu logique: son air rêveur parfois, son
envie de faire les soldes, sa fatigue le soir… Mélanie, tu parles! Elle prenait rendez-
vous avec un amant! Et ce cours de gym, c’est une manne. Je suis inscrit dans un
club moi-même, j’en vois à chaque fois que j’y vais des belles filles, très belles
même, ça ne tiendrait qu’à moi, je n’aurais qu’à claquer des doigts, sauf que moi, ça
ne me fait pas envie. Alors elle, c’est pareil, elle en voit défiler des hommes. Mais,
elle, elle aime ça. Et elle ne s’arrête pas là, c’est des sourires aux commerçants, au
fils du concierge qui n’a même pas 14 ans, des conciliabules avec le voisin. Il faut en
permanence la surveiller. Elle couche avec tous! Bref, je deviens la risée du quartier
et c’est moi qu’elle traite de malade! Elle me reproche de la suivre et d’ouvrir son
courrier, mais bien obligé, c’est facile pour elle, il y a deux sorties à l’école de notre
fils, elle l’emmène et ni vue ni connue, je t’embrouille. Pareil, rien de plus simple que
de cacher un message dans une carte de voeux. Mais, moi, je ne suis pas homme à
me laisser faire. Je sais ce que je vaux, et elle me regrettera quand j’en aurai assez
de ses petits jeux. Avant, on faisait tout ensemble, on ne faisait qu’un, maintenant
elle n’a que sa gym en tête, je devrais lui suffire comme elle me suffit. Je lui ai appris
une quantité de choses, j’ai le BAC et j’aurais pu aller beaucoup plus loin si j’avais eu
de l’argent pour faire de bonnes études, elle, elle ne l’a même pas son BAC. Ce ne
sont pas ses amants: des profs de gym ou des commerçants qui vont m’en
remontrer! Je ne les envie pas, je n’ai pas encore grimpé dans la hiérarchie parce
que mon chef me met des bâtons dans les roues par jalousie, mais je vais y arriver
et monter, monter quoi qu’elle en dise. Et celui-là, (son chef) il l’emportera pas au
paradis quand je l’aurai sous mes ordres! »
En fin de séance la psychologue souligne le fait que son épouse semble se soucier
de lui puisqu’elle lui a demandé de consulter, ce qui peut s’entendre comme une
preuve d’affection. Barnabé rétorque alors « Ah, donc vous n’avez pas compris
grand-chose, c’est une ruse, pour me faire passer pour un fou. Maintenant, vous
aussi vous êtes une femme, j’aurais pu me douter… Ce que je voulais c’est qu’en
tant que professionnelle, vous me disiez ce qu’il faut faire pour la soigner. J’ai lu un
article sur l’addiction sexuelle. Mon idée, c’était de vous amener ma femme, pour
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EN35CLICC12019
1) Approche sémiologique :
Présentation du patient :
Motif de la consultation :
Ici, il est important de préciser que le patient vient sur la demande insistante de son
épouse et non initialement de son propre chef et de spécifier la façon dont il s’est saisi
singulièrement de ladite demande car cette dernière fournit un éclairage non seulement
sur sa pathologie et le déni dont elle fait l’objet mais aussi sur l’indication thérapeutique
qui pourrait être faite : on voit bien ici notamment les limites d’un cadre tenu par une
thérapeute, toute femme à l’instar de la psychologue, pouvant davantage qu’un homme
(cf la confiance qu’il semble avoir en sont médecin traitant) être rapidement intégrée au
système délirant de Barnabé comme un élément persécuteur.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12019
Vous pouvez rédiger une petite introduction au relevé sémiologique proprement dit, cela
clarifie le propos, mais ce n’est pas exigible.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, vous devez vous référer explicitement à une
classification nosographique, ici la nosographie classique qui vous est présentée dans le
cours d’Arnaud Plagnol. Il en ira de même pour l’examen. En effet, les sujets ont été
pensés de sorte à ce que vous puissiez identifier trouble et personnalité sur la foi du cours
qui contient, les concernant, tous les éléments dont vous aurez besoin.
Fonctionnement psychique et études de cas
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- basé sur une intuition initiale délirante « Et là, j’ai tout de suite compris et tout est
devenu logique: son air rêveur parfois, son envie de faire les soldes, sa fatigue le
soir… Mélanie, tu parles! Elle prenait rendez-vous avec un amant! » agissant
comme une révélation et survenue après une longue période de doutes: « J’avais
des doutes depuis longtemps, mais c’est devenu très clair. » Barnabé interprète
ensuite tous les événements potentiellement traumatiques en fonction de ce
postulat de base: « son air rêveur parfois, son envie de faire les soldes, sa fatigue
le soir… »
Les mécanismes de son délire sont donc essentiellement l’intuition et
l’interprétation. Vous pouviez également mentionner l’imagination (il imagine qu’elle
utilise une deuxième sortie à l’école ou qu’elle cache des messages dans ses cartes
de voeux). Il n’y a ni hallucination, ni automatisme mental ni illusion.
- dont l’évolution est persistante puisqu’il dure depuis plusieurs mois (3 mois
précédés d’une longue période de doute).
- et dont l’organisation est systématisée: le délire est cohérent, ordonné autour du
thème central de la jalousie.
Vous pouvez compter trois points si vous aviez mentionné tous ces éléments:
systématisation/persistance (il vous fallait expliciter ces critères) : 1 point, Jalousie: 1
point, intuition/interprétations: 1 point. Il va de soi qu’il fallait évidemment relever la
présence d’un délire.
Il s’agit, là aussi, de transformer les indices en traits de personnalité donc de lister les
items tels qu’ils sont énoncés dans la nosographie puis d’en justifier la présence par
des éléments de la vignette ou d’en signaler l’absence si celle-ci est significative.
On retrouve chez Barnabé les traits de personnalité suivants :
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-La fausseté du jugement , elle, se traduit par de fausses interprétations (cf relevé
sémiologique),
-un autoritarisme : « Ce que je voulais c’est qu’en tant que professionnelle, vous me
disiez ce qu’il faut faire pour la soigner. J’ai lu un article sur l’addiction sexuelle. Mon
idée, c’était de vous amener ma femme, pour que vous lui expliquiez. »
Vous pouvez compter trois points si vous aviez mentionné : l’hypertrophie du moi, la
fausseté du jugement et l’inadaptation sociale et jusqu’à cinq points en fonction des
traits supplémentaires afférents cités. Il était important de mentionner la méfiance.
2) Hypothèses diagnostiques :
Il convient ici uniquement de poser les diagnostics concernant le trouble puis la personnalité.
Vous n’avez pas à reprendre les relevés sémiologiques déjà effectués.
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Vous pouviez compter deux points si vous aviez posé et argumenté brièvement ce
diagnostic. Vous pouviez aussi parler de psychose paranoïaque ou de paranoÏa,
selon ce que vous aviez déjà précisé dans le relevé sémiologique. Il importait de
spécifier qu’il s’agit d’un délire en secteur car quoique Barnabé évoque les voisins et
son chef, cela reste en rapport avec le thème de la jalousie et/ou en lien avec sa
personnalité et parce qu’il conserve une part d’adaptation à la réalité, continue de
travailler. Le délire actuellement centré sur la jalousie pourrait s ‘étendre, mais il n’y
avait pas d’éléments de certitude permettant de le considérer d’ors et déjà comme
étant en réseau. Dans tous les cas, il fallait mentionner « paranoïaque », délire
systématisé ne pouvait suffire car il y en a plusieurs.
Cette analyse est à effectuer en vous appuyant sur l’approche structurelle de Bergeret.
Vous devez déduire (et non postuler) le type de structure ou d’organisation du patient à
partir de l’ensemble des critères et non sur la foi d’un seul d’entre eux ni non plus en
fonction de la nature du trouble ou de celle de la personnalité que vous avez
diagnostiqués préalablement chez le sujet même si ces derniers peuvent vous orienter.
J’attends pour l’examen que vous justifiiez chaque critère et que vous proposiez une
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brève hypothèse argumentative sans que votre analyse soit nécessairement très
fouillée. Elle doit cependant être pertinente et cohérente. L’analyse que je vous propose
ne prétend pas à l’exhaustivité, d’autant que nous ne disposons d’aucun élément
concernant les parents et le vécu familial de Barnabé, elle est destinée à vous éclairer sur
la façon de procéder et sur les liens qu’entretiennent les différents critères examinés entre
eux. Certains points pourraient faire l’objet de discussions et l’analyse globale pourrait,
bien entendu, être enrichie.
Vous pouvez compter deux points si vous aviez identifié la nature de l’angoisse (de
mort, de morcellement ou d’anéantissement) et justifié sa présence par une phrase
du texte.
-Type de relation d’objet : Fusionnelle: (Barnabé n’est pas dans une relation de
dépendance anaclitique car il ne se distingue pas de l’objet, lequel ne lui sert pas de
prothèse narcissique cf sa mégalomanie.)
Fonctionnement psychique et études de cas
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Ainsi, il ne conçoit donc pas Autrui comme ayant ses désirs propres potentiellement
distincts des siens. Il aspire manifestement essentiellement à une fusion avec son
épouse pour vivre une unité narcissique dans le même temps qu’il la redoute parce
qu’il pourrait s'y perdre (d’où son angoisse de mort/morcellement). Son fils semble
peu investi, témoin étant son peu d’existence dans son discours dont toute référence
à ses parents, sa famille ou à des amis est absente.
Vous pouvez compter deux points si vous aviez repéré et argumenté la présence
d’une relation fusionnelle.
Vous devez connaître leur définition pour pouvoir identifier les mécanismes de
défense utilisés par le sujet de la vignette clinique. Mais il sera inutile de fournir
ces définitions à l’examen. En revanche, vous devez justifier la présence de ceux
que vous avez identifiés.
-le clivage du moi : Une part du moi de Barnabé tient compte de la réalité (il reste
en partie socialement adapté, base ses interprétations sur des faits réels) mais
l’autre dénie les pans de réalité qui viennent contrarier ses exigences pulsionnelles
et met en place une néo-réalité (son délire).
Vous pouviez compter deux points si vous avez cité au moins trois mécanismes de
défense intégrant impérativement le déni et la projection en les justifiant
correctement. Vous pouviez aussi citer l’identification projective, moins flagrante,
cependant: « Je pense que vous devez commencer à vous douter du problème. »
Il importait de ne pas confondre mécanismes de défense et mécanismes délirants
(intuition, interprétation etc.)
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique
échec, c’était de ma faute mais j’ai pas tout compris. C’était plus rapport aux enfants, elle en
voulait, j’en voulais pas. Là, je voudrais que ça marche avec Marlène (sa nouvelle compagne),
je veux pas reproduire l’échec, c'est pour cela que je viens vous voir mais, en même temps, je
ne vois pas bien ce que vous pourriez faire... Moi, les psy... Et puis, je ne suis pas si pénible
que ça et, de toute façon, elle peut plus avoir d’enfant. (Silence) C'est vrai que j'aime bien que
tout soit clean, mais c'est pas un défaut. Je suis toute la journée dans le cambouis et l'odeur
d'essence. Alors, chez moi, faut que ça sente bon et que ce soit propre ! Mon amie me reproche
de mettre du désodorisant partout et de passer derrière elle pour ranger. Elle me dit " tu peux
pas t'arrêter 5 mn?" parce que je suis toujours en train de faire quelque chose. Elle, elle
voudrait que je m'asseye à côté d'elle et que je lui parle. Mais, moi je ne peux pas m'asseoir s'il
y a un truc qui dépasse. Je sais pas comment elle fait, elle, en plus elle a un chien et ça, quand
on va vivre ensemble, ça va être un problème... Du temps de ma femme, j'avais interdit les
animaux, mais là... Ce chien, je le supporte pas. Il pue, il perd ses poils et dans une maison un
animal, moi je dis, c'est pas hygiénique, c'est un nid à microbes et puis l'air de rien, ça coûte...
Toutes ses boîtes, le vétérinaire... Elle dit que je suis pingre, moi je dis que je jette pas l'argent
par les fenêtres, c'est pas pareil ! J'économise parce que j'aime voir venir, s'il y a un souci un
jour... Je compte un peu, mais c'est de la prudence... Elle veut qu'on parte en vacances, j'ai
envie mais en même temps... Je ne sais pas... J'arrive pas à me décider... rien faire comme ça
pendant un mois, dans un endroit qu'on connaît pas... Elle voudrait carrément l'étranger ! Mais
y a le prix et puis moi, j'aime bien manger chez moi, je sais ce que je mange et je sais que ma
cuisine est propre. Ailleurs... on entend des trucs quand même sur l'hygiène dans les hôtels...
J'ai promis que j'allais me renseigner sur les voyages mais ça fait deux mois que je remets.
Tous les jours je me le dis et je remets. Bref, c’est toujours moi le coupable… Non, mon
problème, il est pas là, ça c'est des petites manies. Le problème, ça fait 3 ans. Je sais pas
pourquoi... C'est pas normal... C'est dans ma tête... C'est des idées, c'est des peurs... c'est idiot
hein, je le sais bien mais... Bon, j'ai peur que ça me prenne comme ça, sur un coup de tête et
que je mette le feu à une des pompes (rires). C'est ridicule, je sais bien que je ferais jamais
ça... tout exploserait mais... je sais pas. Ca me vient comme ça... Tous les jours. Et puis aussi,
j'ai peur, c'est autre chose, mais j'ai peur d'avoir de l'essence sur les mains ou sur moi et de
prendre feu... parce que je suis fumeur... Alors, et c'est ça qui est fatigant... depuis quelque
temps, je passe mon temps à vérifier, à me laver les mains, à regarder mes habits, ça peut aller
jusqu'à 30 fois par jour. Le soir, je me change, je sens encore l'odeur, je me rechange... C'est
pas la solution et ça fait des frais de lessive. En plus, ça m’empêche de sortir, de voir mes amis
ou j’arrive en retard. Marlène me le reproche, parce qu’elle sait pas… Devant elle, je
m’empêche, mais ça me stresse, j’y pense. Au boulot, je vérifie la pompe au cas où il y aurait
une fuite, je recommence... Je me dis que tout va bien, c'est une peur dans ma tête, mais si je
le fais pas, je suis tendu et il y a toujours un moment où faut que je le fasse quand même de
toute façon... que je vérifie…».
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD2017
1.
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
2.Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique
1) Approche sémiologique :
- Présentation du patient : Il s’agit de faire une présentation très sommaire car nous n’avons
que peu d’éléments. L’âge est essentiel car à lui seul, il permet dans l’absolu d’écarter certains
troubles (ex : la schizophrénie concernant un sujet âgé sans antécédents) ou de s’inquiéter de
l’éventualité de quelques autres (ex : la PHC, pour ce même sujet). Le métier peut fournir des
indications sur certaines capacités (intellectuelles, manuelles, artistiques etc.). Quant au statut
marital, familial, social ces informations, croisées avec d’autres, peuvent enrichir l’approche des
processus psychiques.
Monsieur Gédéon est un pompiste, de 45 ans, divorcé depuis 3 ans, sans enfant (important à
préciser compte-tenu de la problématique) actuellement avec une femme rencontrée il y a un
an et demi et avec laquelle il ne vit pas encore mais compte se remarier. Originaire d’un village
de province, il est le fils d’un père ouvrier à la retraite et d’une mère au foyer. Il a une sœur,
assistante maternelle, mariée, sans enfant.
- Motif de la consultation : Ici, il est important de préciser que le patient vient sur la demande
de sa compagne et non de son propre chef car c’est une donnée dont il faut tenir compte
concernant la proposition thérapeutique que vous avez à faire. Il convient aussi de repérer que
malgré cette injonction et son ambivalence, le patient a une demande latente distincte de la
demande explicite de son amie.
Monsieur Gédéon a sollicité cette consultation à la demande expresse de sa compagne qui a
conditionné leur futur mariage à cette entrevue car elle pense "qu’il y a quelque chose qui ne va
pas" (ses « manies » qu’elle ne supporte pas, selon le patient). Ici, il convient de mettre des
guillemets au mot « manies » car c’est le terme du patient. Le/la psychologue ne l’emploierait
pas car ce terme renvoie à un trouble de l’humeur que M. Gédéon ne présente pas. Monsieur
Gédéon, pour sa part se montre plutôt ambivalent et sceptique : « Là, je voudrais que ça
marche avec Marlène, c'est pour cela que je viens vous voir mais, en même temps, je ne vois
pas bien ce que vous pourriez faire... Moi, les psy... » Toutefois, ceci étant posé, monsieur
s’exprime plutôt volontiers et paraît reprendre la demande de son amie à son compte, mais en
lui donnant un autre objet : selon ses propres termes des idées et des peurs envahissantes qui
l’astreignent à des comportements de vérification et de lavage qui l’épuisent : « Le problème,
ça fait 3 ans. Je sais pas pourquoi... C'est pas normal... C'est dans ma tête... C'est des idées,
c'est des peurs... » « Non, le problème c’est ces peurs idiotes. » La reprise du mot « peurs »
doit se faire également en mettant des guillemets car ce terme renvoie en réalité à des
obsessions. « Alors, et c'est ça qui est fatigant... depuis quelque temps, je passe mon temps à
vérifier, à me laver les mains, à regarder mes habits, ça peut aller jusqu'à 30 fois par jour. »
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12017
- Antécédents familiaux : Dans cette rubrique, dans la mesure où vous ne disposez pas de
renseignements sur des antécédents psychiatriques familiaux officiels, il vous faut mettre en
exergue ce qui peut être de nature à nous informer sur le trouble de M. Gédéon (en l’espèce ici
la dimension obsessionnelle et anxieuse des comportements parentaux) relativement aux
informations dont nous disposons sur sa famille.
Nous n’avons pas connaissance d’antécédents psychiatriques concernant la famille du patient,
mais monsieur Gédéon décrit un père exigeant, soigneux, vraisemblablement anxieux : « (…)
mon père m’a toujours dit que « prudence est mère de sureté » (rires), il n’est jamais sorti de
son village, il voit pas l’intérêt de prendre des risques (…) » et une mère « très à cheval sur la
propreté », ayant de nombreuses « manies »: « ranger tout à droite » mettant probablement en
place des rituels conjuratoires : « A chaque fois qu’on sortait, parce que j’ai une sœur, fallait
qu’on l’appelle toutes les heures et elle astiquait toute la maison pour qu’il nous arrive rien.
C’est des idées de mère, quoi, ça n’avait pas de rapport. » et également anxieuse. C’est donc
vraisemblablement dans un climat familial se spécifiant par une double dimension anxieuse et
obsessionnelle que le patient a été élevé. Hormis une allusion voilée à une forme de sévérité,
rigidité ? chez sa sœur, nous ne disposons pas d’informations sur cette dernière.
-Nature de l’épisode actuel : Vous pouvez rédiger une petite introduction au relevé
sémiologique proprement dit, cela clarifie le propos, mais ce n’est pas exigible.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, vous devez vous référer explicitement à une
classification nosographique, ici la nosographie classique qui vous est présentée dans le cours
d’Arnaud Plagnol. Il en ira de même pour l’examen. En effet, les sujets ont été pensés de sorte
à ce que vous puissiez identifier trouble et personnalité sur la foi du cours qui contient, les
concernant, tous les éléments dont vous aurez besoin.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12017
Il convient donc de transformer les indices : repérables au travers du discours du patient, en
signes. Ex : indice : « Bon, j’ai peur que ça me prenne comme ça, sur un coup de tête et que je
mette le feu à une des pompes. » -> signe : obsession impulsive. Puis vous devez lister (il est
inutile de rédiger) les signes que vous avez identifiés en justifiant leur présence par des
phrases du texte.
Bien que commençant ses propos par le fait qu’il vient à la demande de sa future femme, qu’il
ne voit pas ce qu’un psychologue pourrait faire ainsi que par de nombreuses dénégations « je
ne suis pas si pénible que ça », « c’est pas un défaut », monsieur Gédéon a néanmoins
conscience de ses symptômes (nosognosie) et s’en plaint : « le problème, ça fait trois ans....
C’est pas normal... c’est dans ma tête... », « Alors, c’est ça qui est fatigant... », « En plus, ça
m’empêche de sortir, ou j’arrive en retard. »
- son incapacité à la détente : « ...je suis toujours en train de faire quelque chose. », « ...je
peux pas m’asseoir s’il y a un truc qui dépasse. », « ...rien faire comme ça pendant un
mois...».
- un certain conformisme aux valeurs familiales: « mon père m’a toujours dit que « prudence
est mère de sureté » (rires), il n’est jamais sorti de son village, il voit pas l’intérêt de prendre
des risques et il m’a appris à être soigneux, à tenir à mes affaires. »,
- la pauvreté de ses affects et de sa sensualité bien que moins manifeste que les autres
tendances transparaît dans les propos tenus par rapport à sa compagne dont monsieur Gédéon
ne comprend pas le besoin de parler avec lui, de partir en vacances à deux ni l’affection qu’elle
porte à son chien. Il précise, par ailleurs, que l’entente familiale repose sur des exigences
communes et ne fait aucune référence à la sexualité.
On retrouve également chez monsieur Gédéon une tendance psychasthénique au doute
marquée par :
- de l’indécision : « j’arrive pas à me décider »
- de la procrastination :«...ça fait 2 mois que je remets. Tous les jours je me le dis et je remets. »
Le mieux était d’organiser votre relevé sémiologique en fonction des deux pôles de la
personnalité obsessionnelle.
a) sur le trouble :
Au vu de l’anamnèse (antécédents), des symptômes et du discours de monsieur Gédéon, nous
pouvons être en mesure de diagnostiquer une névrose obsessionnelle puisque le syndrome
obsessionnel compulsif dure depuis au moins 3 ans, est au centre du tableau clinique et est
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12017
extrêmement invalidant. Par ailleurs, ce S.O.C est en lien avec une personnalité typiquement
obsessionnelle classiquement présente en soubassement de la névrose éponyme.
b) sur la personnalité :
En effet, au vu des traits de personnalité relevés monsieur Gédéon paraît présenter, selon la
nosographie classique, une personnalité obsessionnelle avec une nette prédominance du pôle
anankastique.
- Diagnostic différentiel (sur le trouble) : Il convient pour chaque trouble précis (et non
une classe de troubles: ex: les troubles psychotiques) envisagé –lequel ne peut l’être que
sur la foi d’un doute raisonnable (par exemple ne serait-ce qu’en raison de son âge, on ne
pensera pas ici à un début de schizophrénie chez monsieur Gédéon qui, par ailleurs, n’en
manifeste aucun symptôme.) Précisons, toutefois dans le cadre de cet exercice, que l’on
pourrait questionner la présence d’un automatisme mental du fait des obsessions qui
assiègent la conscience du patient, mais que l’on ne le retiendra pas dans la mesure où
monsieur est parfaitement conscient que celles-ci sont le produit de son psychisme)-
d’expliquer clairement pourquoi on pourrait penser à ce trouble mais aussi pourquoi on
ne le retient pas.
Enfin, l’on pourrait considérer que monsieur Gédéon souffre d’un trouble obsessionnel-
compulsif transitoire lié à son divorce. Mais compte-tenu du fait que les symptômes durent
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EN35CLICC12017
3) Approche des processus psychiques : Cette analyse est à effectuer en vous appuyant sur
l’approche structurelle de Bergeret. Vous devez déduire (et non postuler) le type de structure
ou d’organisation du patient à partir de l’ensemble des critères et non sur la foi d’un seul d’entre
eux ni non plus en fonction de la nature du trouble ou de celle de la personnalité que vous
avez diagnostiqués préalablement chez le sujet même si ces derniers peuvent vous orienter.
J’attends pour l’examen que vous justifiiez chaque critère et que vous proposiez une brève
hypothèse argumentative sans que votre analyse soit nécessairement très fouillée. Elle doit
cependant être pertinente et cohérente. L’analyse que je vous propose ne prétend pas à
l’exhaustivité, elle est destinée à vous éclairer sur la façon de procéder et sur les liens
qu’entretiennent les différents critères examinés entre eux. Certains points pourraient faire
l’objet de discussions et l’analyse globale pourrait, bien entendu, être enrichie.
- Conflit : Il oppose le moi aidé d’un surmoi très exigeant voire sadique au ça. Il s’agit donc
d’un conflit désir/censure; le moi et le surmoi n’ayant de cesse de lutter contre les pulsions
libidinales (le plaisir et le laisser-aller paraissent tout à fait proscrits) et agressives. Ces
dernières recouvrent vraisemblablement les désirs agressifs du patient envers sa mère
castratrice et intrusive. Celle-la même qui inspectait ses ongles, lui intimait adolescent
d’appeler toutes les heures chaque fois qu’il sortait… Les désirs de monsieur Gédéon étant
incompatibles avec les exigences de son Surmoi et de son Idéal du moi (être un fils
soigneux, aux ongles propres qui fait plaisir à sa mère en choisissant une femme qui lui
ressemble: son ex-femme : « elle en avait aussi des manies »), il les a refoulés. Mais par
retour du refoulé, ces désirs interdits sont revenus sous la forme d’obsessions : pousser
cette femme qui ressemble à sa mère dans les escaliers (équivalent symbolique d’un
matricide), mettre le feu à une pompe à essence (Désir de destruction, d’explosion libidinale).
- Relation d’objet : Elle est génitale (ou intersubjective) car Autrui est bien perçu dans son
altérité, comme sujet distinct, avec ses désirs propres (il semble être au fait des envies de sa
compagne: parler, voyager, garder son chien même s’il sait avoir des difficultés à les
satisfaire.) et il s’en tient à bonne distance, mais sur fond de problématique oedipienne non
résolue. Ainsi, M. Gédéon admire-t-il sa mère: « Ma mère, est une vraie mère, elle n’a
jamais travaillé, il y avait trop à faire à la maison. » qu’aucune femme ne peut manifestement
égaler en tant que mère (son refus d’avoir des enfants est sans doute lié à sa crainte
fantasmatique d’accomplir l’inceste) et détourne-t-il la rivalité avec son père, admiré pour ses
qualités de travailleur, en se conformant aux valeurs de ce dernier (soin, prudence). Cette
problématique oedipienne que M. Gédéon tente probablement inconsciemment de résoudre
après l’échec de sa première union en souhaitant maintenant se remarier avec une femme
très différente de sa mère l’empêche néanmoins de nouer une relation amoureuse
harmonieuse avec Marlène, nécessairement disqualifiée « trop fofolle » et ne sachant pas
« tenir son ménage » au regard de « la perfection maternelle » et effrayante en ce qu’elle
incarne la satisfaction des pulsions (plaisir, voyages…).
- Mécanismes de défense : Vous devez connaître leur définition pour pouvoir identifier les
mécanismes de défense utilisés par le sujet de la vignette clinique. Mais il est inutile de fournir
ces définitions à l’examen. En revanche, vous devez justifier la présence de ceux que vous
avez identifiés ‘au moins trois).
Le moi de monsieur Gédéon a recours à un certain nombre de mécanismes de défense afin
contenir ses pulsions et ses angoisses. Ces mécanismes de défense se sont trouvés débordés
suite à son divorce comme en témoigne sa décompensation sur un mode obsessionnel.
Ainsi, nous repérons chez lui l’utilisation du/de:
-refoulement: des impulsions libidinales et agressives qui contreviennent aux exigences de
son surmoi. Ces dernières ressurgissent sous forme de symptômes : les
obsessions impulsives et phobiques.
-l’annulation : Les obsessions massives du patient étant elles-mêmes génératrices de conflit
psychique, il tente de les annuler par des compulsions et des vérifier la pompe, vérifier qu’il n’a
pas d’essence sur lui, sur ses mains, se laver les mains…
-l’identification à ses parents: « On s’entend plutôt bien et on se comprend car on a les mêmes
exigences : mon père m’a toujours dit que « prudence est mère de sureté » (rires), il n’est
jamais sorti de son village, il voit pas l’intérêt de prendre des risques et il m’a appris à être
soigneux, à tenir à mes affaires. (…) Elle est très à cheval sur la propreté (…) Elle aussi, elle a
ses petits trucs (…) »
Fonctionnement psychique et études de cas
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-la formation réactionnelle: la surpropreté de monsieur Gédéon est une formation
réactionnelle de l’agressivité qui s’exprimerait spontanément par des accès de désordre et de
saleté chez le patient.
-la dénégation: « (…) j’avais pas du tout envie de lui faire du mal. »
-la rationalisation: « Elle dit que je suis pingre, moi je dis que je jette pas l'argent par les
fenêtres, c'est pas pareil ! J'économise parce que j'aime voir venir, s'il y a un souci un jour... Je
compte un peu, mais c'est de la prudence… »
-l’isolation : les silences réguliers dans le discours de monsieur Gédéon témoigne de son désir
d’isoler certaines pensées (« elle peut plus avoir d’enfant, silence », « je ne suis pas si pénible
que ça silence», « non, j’en avais pas, des comme ça, j’en avais pas… silence », « non, le
problème, c’est ces peurs idiotes, silence ». des affects qui leur sont liés.
Par ailleurs, on note plusieurs rires défensifs au cours de l’entretien: « Bon, j'ai peur que ça
me prenne comme ça, sur un coup de tête et que je mette le feu à une des pompes .» (Rires)
« Je vous assure, je ne suis pas quelqu’un de violent, ni un fou. Mais ça n’a pas duré plus de
quinze jours, après j’y ai jamais repensé. Et je l’ai jamais fait ! » (Rires)
Pour vous familiariser avec les indications thérapeutiques, vous pouvez consulter l’ouvrage de
Dumet ou un manuel de psychiatrie ou encore un guide des psychothérapies (il en existe
plusieurs).
La psychologue devra s’assurer de l’existence d’une demande propre chez le patient et obtenir
son adhésion pour la poursuite d’un travail thérapeutique. Notons que le manque de mobilité
psychique de M. Gédéon n’est pas de très bon pronostic. Cependant, celui-ci a néanmoins
confié facilement « ses peurs » et semble vouloir se mobiliser pour la réussite de son couple.
Ainsi, si le patient parvenait à formuler une véritable demande, une thérapie verbale de type
psychodynamique pourrait permettre de travailler la problématique oedipienne. S’il s’agissait de
l’aider essentiellement à diminuer l’anxiété liée à ses T.O.Cs voire à agir sur ces derniers nous
pourrions envisager une thérapie comportementale-cognitive qui connaît de bons résultats en la
matière.
Fonctionnement psychique et études de cas
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LICENCE 3 DE PSYCHOLOGIE
JUIN 2018
Marie-Liesse PERROTIN
Année 2017-2018
Répondez de manière claire et précise à chaque question en justifiant et en argumentant vos réponses.
3 pages maximum.
Sujet :
A partir de cette vignette clinique, faites un relevé sémiologique concernant le trouble du sujet,
relevez ses traits de personnalité puis proposez vos hypothèses diagnostiques sur son trouble et sa
personnalité. Enfin, à l’aide des critères de Bergeret, décrivez son fonctionnement psychique
(approche structurale) et posez votre diagnostic structural.
Vignette clinique :
Ghislaine, 72 ans, institutrice à la retraite est conduite par son fils Olivier aux urgences
1
psychiatriques.
Olivier explique à la psychiatre : « Je ne vous cache pas que ma mère ne voulait pas
venir, mais je suis quand même parvenu à la raisonner. J’habite depuis trois ans au
Portugal, je me suis expatrié pour des raisons professionnelles, et ne peux venir voir
maman qu’une ou deux fois par an. Mon père est mort il y a deux ans et ma soeur vit en
province. Elles ne s’entendent pas très bien… Elles ne se sont pas vues depuis deux ans.
La dernière fois que j’ai fait un séjour chez ma mère, il y a trois mois, je l’ai trouvée
bien… Un peu triste, c’est sûr que ce n’est plus pareil depuis que mon père n’est plus là
et maman a changé de ville il y a trois mois. Je pensais que c’était mieux pour elle, mais
elle ne connaît personne, ne voit plus ses amis ni ses anciens collègues. Elle n’a pas
d’activités à part tenir sa maison. Cela a toujours été important pour elle, je l’ai toujours
vue briquer, laver, nettoyer. Comme on dit: on aurait pu manger par terre! Mais pour ce
qui est de se distraire, elle a toujours eu beaucoup de mal à se mettre en train. Même mon
père lui disait de faire des activités, il a regardé avec elle, mais elle ne s’est jamais
décidée, elle faisait des colonnes pour/contre concernant la poterie, la couture, la
céramique sans jamais réussir à faire un choix. Là, elle aurait vraiment besoin de
s’occuper, mais ça fait deux mois qu’elle doit s’inscrire à un groupe d’étude de la
paroisse, elle a tous les papiers, et qu’elle ne le fait pas. Pourtant, elle est très pratiquante
et portée sur la réflexion.
Bref, je ne sais pas pourquoi je vous dis tout cela, je fais une sorte de portrait, mais ce qui
se passe, la raison pour laquelle je l’ai amenée, c’est qu’elle raconte des choses bizarres
et que ça prend des proportions… Je n’y connais rien, mais je m’inquiète de certaines
choses qui touchent les personnes âgées, vous voyez comme Annie Girardot (qui souffrait
de la maladie d’Alzheimer). Elle est obsédée par le boulanger de la rue, elle dit qu’il euh
qu’il la persécute, qu’il l’insulte. Je ne comprends pas vraiment. Elle a commencé à m’en
parler au téléphone il y a trois semaines, en me disant qu’il lui faisait peur. Alors, j’ai
avancé mon retour et je suis même allé le voir, mais il n’a rien compris, il ne voyait
même pas qui était ma mère et franchement, ça avait l’air sincère. Mais maman ne me
croit pas, elle ne veut rien entendre et ce qu’elle dit n’a pas de sens… Ça ne peut pas être
vrai. Maman, il faut que tu expliques, là. »
Ghislaine ne répondant pas aux sollicitations de son fils, la psychiatre demande donc à
Olivier de rejoindre la salle d’attente afin qu’elle s’entretienne seule avec sa mère. Celui-
ci parti, elle questionne alors Ghislaine sur ce qu’elle pense des propos de son fils.
Ghislaine: « Il ne peut pas comprendre, c’est un homme, moi je suis une femme seule. Je
lui ai dit que cela ne servirait à rien de voir ce boulanger, qu’il n’allait rien avouer. Et
puis, je ne peux pas tout dire à mon fils…
Il y a un mois je suis allée dans cette boulangerie, avant j’allais dans une autre, mais le
pain n’était plus très bon depuis le changement de propriétaires. J’ai longtemps hésité
parce que j’avais mes habitudes et puis je me suis décidée à changer. Mal m’en a pris! Je
ne sais pas ce que j’ai fait au Bon Dieu, on doit payer pour ses pêchés, c’est vrai, j’ai dû
2
faire beaucoup de pêchés, je n’ai pas toujours été très douce avec mon mari, j’ai pu lui
faire la tête et je suis trop fière aussi, mais je suis une femme honnête et ce boulanger est
un homme lubrique. La première fois que je suis rentrée dans sa boulangerie, j’ai entendu
« Tiens voilà la garce ». J’ai dit pardon? Il a répondu « Je n’ai rien dit. » Mais cela s’est
reproduit. La deuxième fois, il m’a fait des propositions sexuelles, je les entendues très
distinctement mais aucun client n’a réagi. J’étais morte de honte. Alors, j’ai cessé d’y
aller, bien sûr et je suis retournée à l’ancienne boulangerie. Mais, la sienne est dans ma
rue et je ne sais pas comment il s’y prend, mais je sens son after-shave, le même que celui
de mon défunt mari, dans toute la rue. Et la dernière fois, quand j’ai ouvert la porte de
mon appartement, pardonnez-moi, mais il y avait une odeur de sexe! Je ne comprends pas
comment il est entré, si c’est un spray, mais je suis terrifiée. Il me persécute et je sais que
c’est pour que je cède à ses avances. Cela n’arrête pas. Chez moi, dès que je mange du
pain, alors que je ne l’achète plus chez lui, il me traite de garce, il me dit « Je t’attends,
viens. » et il me force à regarder des films coquins et me fait des choses, je sens son
euh… vous voyez… en moi, quoi. C’est insupportable à mon âge et d’autant que je n’ai
jamais été très portée sur la chose, mon mari pourrait en témoigner. J’ai été bien éduquée,
chez moi, on ne parlait pas de ses saletés. Ma mère était une femme très pieuse qui tenait
impeccablement sa maison, elle n’aurait pas permis que je sois curieuse de cela, la
curiosité est un vilain défaut. Mes amies d’école ne parlaient que de cela, des vilaines
choses; j’écoutais, mais cela ne m’intéressait pas du tout. Ce qu’on m’a transmis, c’est la
valeur du travail. Mon père était un homme admirable, un grand pâtissier dévoué à ses
clients. J’ai reçu une éducation stricte, j’ai essayé d’y faire honneur, de toujours bien
faire, d’être honnête. Je pourrais faire trois kilomètres pour rendre une pièce à quelqu’un
qui l’a perdue. Je ne suis pas paresseuse ni gourmande. Dieu est seul juge, mais je trouve
que je paye vraiment trop cher pour mes fautes. Je prie tous les jours. Mais, docteur,
comment dois-je expier pour que cet homme cesse de me persécuter? »
3
Corrigé juin 2018
Concernant la sémiologie du trouble que vous deviez effectuer à partir de la nosographie classique (cours
d’A. Plagnol) il vous fallait relever impérativement au minimum les éléments suivants (sont notés en gras
les termes qui devaient apparaître) :
un délire aigu (depuis trois semaines) essentiellement centré sur le thème de la persécution sexuelle
(vous pouviez mentionner un délire érotomaniaque)
Vous pouviez relever des éléments supplémentaires, mais ceux cités plus haut devaient être mentionnés
absolument. J’ai noté 4 points si vous aviez listé tous ces éléments : systématisation (il vous fallait expliciter
ce critère en parlant de la cohérence des propos de la patiente) : 0,5 point, persécution sexuelle: 0,5 point,
hallucinations psycho-sensorielles auditives, olfactives, cénesthésiques (en les nommant et en les justifiant
correctement) 2 points, automatisme mental en spécifiant au moins le degré actes imposés (1 point). Il va de
soi qu’il fallait évidemment relever la présence d’un délire et pas seulement parler de sentiment de
persécution.
S’agissant de la sémiologie de la personnalité (cours d’A. Plagnol), vous deviez relever au moins les traits
de personnalité suivants (en les justifiant chaque fois par un élément pertinent du texte):
-goût pour l'ordre et la propreté : « Cela a toujours été important pour elle, je l’ai toujours vue briquer, laver,
nettoyer. Comme on dit: on aurait pu manger par terre! »
-conformisme : « J’ai reçu une éducation stricte, j’ai essayé d’y faire honneur, de toujours bien faire, d’être
honnête. », « la curiosité est un vilain défaut. »
-pauvreté de la sensualité : « je n’ai jamais été très portée sur la chose »
-incapacité à la détente : « Mais pour ce qui est de se distraire, elle a toujours eu beaucoup de mal à se mettre
en train. »
indécision : « elle ne s’est jamais décidée, elle faisait des colonnes pour/contre concernant la poterie, la
couture, la céramique sans jamais réussir à faire un choix. »
-scrupules excessifs : « Je pourrais faire trois kilomètres pour rendre une pièce à quelqu’un qui l’a perdue. »
-procrastination : « ça fait deux mois qu’elle doit s’inscrire à un groupe d’étude de la paroisse, elle a tous les
papiers, et qu’elle ne le fait pas. »
Vous deviez relever au moins un trait parmi ces trois-là : introspection et intellectualisation, refuge dans
l'abstraction, prédominance de la pensée sur l’action.
Là encore, il s’agissait du relevé minimum vous permettant d’obtenir les quatre points (0,5 point par critère),
vous pouviez en lister davantage (ex: entêtement, formalisme). J’ai choisi de noter ceux dont la présence ne
faisait pas de doute.
J’ai noté un point si vous aviez diagnostiqué une PHC et 2 points si vous aviez argumenté les raisons pour
lesquelles on pouvait envisager ici qu’elle soit de l’ordre d’une réaction paranoïaque (durée) j’attendais
qu’apparaissent ces termes précis.
Personnalité obsessionnelle-compulsive.
J’ai noté un point, même si vous n’aviez pas mentionné les pôles anankastique et psychasthénique.
Comme précisé dans les conseils pour les révisions, sur le forum et dans l’énoncé du sujet, vous n’aviez pas
à renseigner d’autres rubriques (ex : motifs de la consultation, diagnostic différentiel etc.) que celles-ci.
Approche structurale:
La difficulté résidait ici dans l’identification d’une structure névrotique alors que la patiente présentait un
trouble psychotique. Il vous était néanmoins bien spécifié dan votre cours qu’une PHC peut survenir sur
toute espèce de structure/organisation. Certains ont pensé résoudre le problème en diagnostiquant une
organisation limite, mais Ghislaine n’en présente aucunement les caractéristiques.
Il vous fallait donc comprendre que bien qu’ayant décompensé sur un mode psychotique, Ghislaine a une
structure névrotique et que ses défenses usuelles (refoulement etc.) ont été débordées probablement du fait
du décès de son mari, de la perte de l’ensemble de ses attachements et repères (enfants, amis, logement) et
donc de sa solitude.
Vous deviez argumenter votre réponse et qualifier chacune des instances en jeu pour obtenir les 2 points.
Il vous fallait faire le lien entre ce conflit désir/censure et le conflit œdipien non résolu et spécifier le débord
actuel des défenses de Ghislaine (donc le délire de persécution sexuelle).
-Angoisse : de castration.
Vous deviez justifier la nature de cette angoisse en faisant le lien avec la répression dont la sexualité de
Ghislaine a fait l’objet de la part de sa mère et avec sa problématique œdipienne imparfaitement résolue
(père idéalisé, mère castratrice). Il vous fallait également expliciter que cette angoisse est vécue sur le mode
de la culpabilité et de la honte par la patiente. Enfin, vous deviez noter la résurgence de cette angoisse du fait
de la rencontre avec le boulanger convoquant le retour des désirs incestueux pour le père pâtissier,
antérieurement endigués dans le cadre de sa vie matrimoniale (sexualité pauvre) pour obtenir les 2 points.
Vous ne deviez pas commettre l’erreur de parler du boulanger pour expliquer que Ghislaine ne se confond
pas avec autrui, car avec lui, justement, si.
-Mécanismes de défense:
Il vous fallait citer au moins huit mécanismes de défense et les justifier correctement pour obtenir les 2
points. J’attendais que vous mentionniez impérativement le refoulement.
Structure névrotique
Malgré ce qui vous était spécifié dans le sujet, certains d’entre vous ont omis de poser le diagnostic
structural. Il était noté sur 1 point.
Fonctionnement psychique et études de cas EN35CLICEXREV2016
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique :
Jean A., 40 ans, vient consulter en cabinet privé car il s’est « senti très mal après une
dispute la semaine dernière avec sa femme et a eu très peur. » «Le lendemain de la
dispute, je me suis réveillé stressé, je suis sorti pour boire un café et dans la rue, j’ai
commencé à avoir des suées, à trembler, une passante s’est arrêtée, elle m’a dit que
j’étais tout blanc. Mon cœur a commencé à s’emballer, elle a appelé les pompiers
parce que je me suis dit que j’allais faire une crise cardiaque. Finalement, ils m’ont dit
que ce n’était que du stress mais depuis, j’ai peur que cela recommence. C’état
vraiment impressionnant ! » et plus largement pour « des difficultés conjugales ».
Marié depuis douze ans et père d’un garçon de 5 ans, il explique qu’il ne supporte
plus sa femme depuis 6 ans et que les récriminations incessantes de cette dernière
Fonctionnement psychique et études de cas EN35CLICEXREV2016
l’épuisent complètement. Bien que leurs disputes soient de plus en plus fréquentes
et violentes : « Parfois, j’ai envie de la tuer », Jean A. n’arrive pas à concevoir une
séparation avec cette femme qu’il trouve tout à la fois « brillante, cultivée, cruelle et
ennuyeuse » et vit dans la peur permanente qu’elle demande le divorce. Deux ans
auparavant, les démarches entamées dans ce sens par son épouse puis
abandonnées, ont d’ailleurs conduit Jean A. à faire une tentative de suicide.
Pourtant, Jean A. ne doute pas de pouvoir facilement refaire sa vie : « Je plais
beaucoup, surtout aux hommes. On me dit souvent que je pourrais être mannequin
et je vois bien que tout le monde me regarde dans la rue. Ma femme, ça n’est pas
pareil, elle fait dix ans de plus que moi, c’est pour cela qu’elle est jalouse et me traite
comme un esclave. »
Sur le plan professionnel, Jean A. alterne depuis 5 ans de longues périodes de
chômage (entre 8 et 10 mois) et des périodes d’activité dans le secteur commercial
marquées par de fréquents arrêts maladie. Interrogé à ce propos, il explique que son
métier ne l’intéresse pas et qu’il ressent parfois un tel sentiment de vide qu’il préfère
démissionner ou s’arrêter : « et cela, ma femme ne le comprend pas, elle ne pense
qu’à l’argent, elle ne voit pas que je ne suis pas fait pour cela, qu’avec mon physique
je devrais faire autre chose, de la télévision par exemple. » Lors de ses périodes
d’inactivité, Jean A. occupe son temps en allant au cinéma, au sauna ou dans les
magasins : « mais j’essaie d’éviter parce que j’ai tendance à acheter tout le magasin
et c’est vrai que même avec le salaire de ma femme on ne peut plus se le
permettre. » En effet, du fait des dépenses de Jean A. et des nombreuses amendes
qu’il récolte pour excès de vitesse, la situation financière du couple est devenue
problématique. Jean A. conclura l’entretien en demandant à être soulagé
rapidement, au besoin par des médicaments.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICEXREVC2016
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique :
Jean A., 40 ans, vient consulter en cabinet privé car il s’est « senti très mal après une
dispute la semaine dernière avec sa femme et a eu très peur. » «Le lendemain de la
dispute, je me suis réveillé stressé, je suis sorti pour boire un café et dans la rue, j’ai
commencé à avoir des suées, à trembler, une passante s’est arrêtée, elle m’a dit que
j’étais tout blanc. Mon cœur a commencé à s’emballer, elle a appelé les pompiers
parce que je me suis dit que j’allais faire une crise cardiaque. Finalement, ils m’ont dit
que ce n’était que du stress mais depuis, j’ai peur que cela recommence. C’état
vraiment impressionnant ! » et plus largement pour « des difficultés conjugales ».
Marié depuis douze ans et père d’un garçon de 5 ans, il explique qu’il ne supporte
plus sa femme depuis 6 ans et que les récriminations incessantes de cette dernière
Fonctionnement psychique et études de cas
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l’épuisent complètement. Bien que leurs disputes soient de plus en plus fréquentes
et violentes : « Parfois, j’ai envie de la tuer », Jean A. n’arrive pas à concevoir une
séparation avec cette femme qu’il trouve tout à la fois « brillante, cultivée, cruelle et
ennuyeuse » et vit dans la peur permanente qu’elle demande le divorce. Deux ans
auparavant, les démarches entamées dans ce sens par son épouse puis
abandonnées, ont d’ailleurs conduit Jean A. à faire une tentative de suicide.
Pourtant, Jean A. ne doute pas de pouvoir facilement refaire sa vie : « Je plais
beaucoup, surtout aux hommes. On me dit souvent que je pourrais être mannequin
et je vois bien que tout le monde me regarde dans la rue. Ma femme, ça n’est pas
pareil, elle fait dix ans de plus que moi, c’est pour cela qu’elle est jalouse et me traite
comme un esclave. »
Sur le plan professionnel, Jean A. alterne depuis 5 ans de longues périodes de
chômage (entre 8 et 10 mois) et des périodes d’activité dans le secteur commercial
marquées par de fréquents arrêts maladie. Interrogé à ce propos, il explique que son
métier ne l’intéresse pas et qu’il ressent parfois un tel sentiment de vide qu’il préfère
démissionner ou s’arrêter : « et cela, ma femme ne le comprend pas, elle ne pense
qu’à l’argent, elle ne voit pas que je ne suis pas fait pour cela, qu’avec mon physique
je devrais faire autre chose, de la télévision par exemple. » Lors de ses périodes
d’inactivité, Jean A. occupe son temps en allant au cinéma, au sauna ou dans les
magasins : « mais j’essaie d’éviter parce que j’ai tendance à acheter tout le magasin
et c’est vrai que même avec le salaire de ma femme on ne peut plus se le
permettre. » En effet, du fait des dépenses de Jean A. et des nombreuses amendes
qu’il récolte pour excès de vitesse, la situation financière du couple est devenue
problématique. Jean A. conclura l’entretien en demandant à être soulagé
rapidement, au besoin par des médicaments.
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Sémiologie du trouble
On relève chez Jean A. selon la nosographie classique (Plagnol) un épisode marqué par :
- du stress
- des suées
- des tremblements
- des palpitations
- une pâleur
- des palpitations
- une crainte de faire une crise cardiaque (et probablement d’en mourir)
2) Sémiologie de la personnalité
En nous basant sur le DSM IV, l’observation de Monsieur A. nous permet de relever
les éléments suivants :
· Des efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés (Monsieur A. vit dans la
peur permanente que sa femme demande le divorce et ne peut concevoir une séparation).
· Un mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par
l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de
dévalorisation (Monsieur A. décrit son épouse comme tout à la fois “ brillante,
cultivée, cruelle et ennuyeuse ” et avare, et déclare “ parfois, j’ai envie de la
tuer ”).
· Une impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables
pour le sujet (Monsieur A. réalise des achats compulsifs “ j’ai tendance à acheter
tout le magasin ”, fait preuve d’une grande instabilité professionnelle et d’une
conduite automobile dangereuse de par ses constants excès de vitesse). L’on
peut se demander également si sa fréquentation des salles de cinéma ne
procède pas d’une “ sorte d’addiction ” et si celle des saunas ne participe pas
d’une quête sexuelle. Ces deux points restent à explorer.
· Une répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires (outre sa
conduite automobile dangereuse, Monsieur A. a fait une tentative de suicide et a
probablement menacé sa femme de rééditer son geste à plusieurs reprises
lorsqu’elle parlait de divorce ; c’est en tout cas ce que laisse croire l’abandon des
démarches de séparation entamées par son épouse).
· Une instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (Monsieur A.
connaît des périodes d’irritabilité entraînant des disputes avec son épouse et des
périodes de dysphorie concomitantes de ses périodes d’activité).
Fonctionnement psychique et études de cas
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1) Hypothèses diagnostiques
2) Diagnostic structural
“ parfois j’ai envie de la tuer ”, elle est “ cruelle et ennuyeuse et ne pense qu’à
l’argent ”. Pourtant, il ne peut se résoudre à quitter cette dernière, malgré leurs
violentes disputes ni tolérer qu’elle veuille divorcer, témoin étant sa tentative de
suicide en réponse aux démarches de divorce entamées par sa femme. A cet
égard, les allégations de Monsieur A. concernant ses facilités potentielles à
refaire sa vie paraissent équivaloir ici à une tentative de maîtrise fantasmatique
d’un possible abandon. Et ce d’autant que son épouse semble avoir la fonction
d’un objet-béquille servant, grâce à sa réussite professionnelle et à ses qualités
propres, de prothèse narcissique à Monsieur A. De même que sur un plan
pragmatique, elle pourvoit probablement aux besoins de la famille lorsque son
mari démissionne – et ne perçoit donc aucune indemnité – ou lorsqu’il fait des
dépenses inconsidérées. Cette irresponsabilité financière découlant de la
nécessité de combler un vide pourrait d’ailleurs être une des manifestations de
l’agressivité de Monsieur A. à l’égard de son épouse.
· La relation au clinicien, quant à elle, semble construite sur le mode passif avec
une importante demande d’étayage. Celui-ci attend sur un mode magique un
soulagement immédiat d’où qu’il vienne : de la thérapie ou des médicaments,
mais sans grande participation de sa personne. S’agissant des relations
professionnelles, amicales ou familiales, nous n’avons, en revanche, aucun
élément. Monsieur A. nous laisse ainsi l’impression d’être relativement isolé et ce,
notamment, parce que ses relations à son épouse et à lui-même occupent tout
l’espace. Cette impression se trouve d’ailleurs corroborée par le fait qu’il n’est
jamais question de son fils durant l’entretien, la question restant alors de savoir si
cela signe un défaut d’investissement s’originant peut-être dans ce que le garçon
renvoie à Monsieur A. en termes d’identité sexuelle.
· L’angoisse de Monsieur A. est de nature abandonnique comme le signale sa peur
permanente que son épouse divorce et sa tentative de suicide. Cette angoisse
s’est possiblement accrue au moment de la grossesse de sa femme, Monsieur A.
craignant alors et depuis d’être supplanté par son fils. De même, l’on peut
supposer que la quête d’objets substitutifs à laquelle se livre Monsieur A. dans les
saunas vise à lutter contre cette angoisse, ainsi que ses conduites d’achats
compulsifs, lesquelles laissent à penser à un défaut de mentalisation et à une
intolérance à la frustration.
· Les mécanismes de défense prévalents de Monsieur A. sont :
⁃ L’idéalisation et son corollaire, la déception immanquablement suivies de la
dévalorisation de l’objet : son épouse.
⁃ Le clivage de l’objet : “ brillant/cruel ” qui vient menacer le narcissisme tout
en assurant la fonction d’objet-béquille. Monsieur A. ne critique aucunement
ses basculements amour-haine.
⁃ La projection (sa femme est jalouse de lui et le traite comme un esclave alors
que Monsieur A. vit précisément des ressources de son épouse lors de ses
nombreuses périodes d’inactivité).
⁃ Le déni du narcissisme de son épouse et probablement le déni maniaque de
ses sentiments dépressifs s’actualisant dans le temps passé à aller au
cinéma, au sauna ou dans les magasins.
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
(20 points)
Vignette clinique :
Juliette, 27 ans, professeure de mathématiques, mariée depuis 3 ans, sans enfant,
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD12018
vient consulter une psychologue car « elle n’en peut plus ». Interrogée sur ce qui
ne va pas, Juliette, d’abord silencieuse, prend la parole d’une voix presque
inaudible: « C’était très difficile de venir pour moi… Cela fait des années que je
repousse et au moins deux ans que mon mari m’y engage, mais je n’y arrivais
pas. Sauf que là, ce n’est plus tenable, je n’en peux plus. » (Juliette baisse la
tête. Elle évitera d’ailleurs durant tout l’entretien le regard de la psychologue).
« Je viens parce que je suis enseignante depuis quatre ans et que jusque là,
j’enseignais les mathématiques à des sixièmes, mais là, pour la première fois je
vais également avoir une classe de troisième. Et je ne m’imagine pas du tout…
Avec les sixièmes, c’était déjà difficile, mais je tenais. Là… En fait, c’est
stupide, compte tenu de ma profession, je l’ai choisie un peu comme un défi, en
me disant que cela m’aiderait à dépasser mes craintes, mais je n’y arrive pas du
tout, en fait, cela empire… C’est un véritable échec. (long silence) Et c’est
difficile d’en parler à qui que ce soit, c’est tellement ridicule… (silence) J’ai
peur des gens.. Pas vraiment des gens, à deux ça va ou même à trois si je suis en
confiance. C’est plutôt les groupes. Je ne supporte pas que l’on me regarde, je
déteste parler en public, qu’on me pose des questions… J’ai tout le temps peur
de rougir, d’être ridicule, par exemple d’être en nage et d’avoir des auréoles sous
les bras l’été; ou de me couvrir de craie. Avec les sixièmes, j’arrivais à gérer, ils
sont plus jeunes. Je me débrouillais pour envoyer les bons au tableau, les faire
travailler en groupe, pour rester le plus possible à mon bureau afin de ne pas
avoir à parler debout devant toute la classe… Je sais, ce n’est pas terrible…
Mais, c’est mieux que de ne pas aller travailler du tout… J’ai pris 27 jours
d’arrêt-maladie cette année! Bien sûr, je n’étais pas réellement malade. Alors,
l’année prochaine avec des adolescents… Moi qui n’ai pas d’autorité en plus, ils
vont vite voir que je ne suis pas à la hauteur! (silence) Et mes peurs s’étendent…
Je ne peux plus manger devant des gens, au restaurant ou à la cantine… Cela
m’angoisse que l’on me voie mâcher… Voilà. »
Questionnée sur le début de ses troubles, Juliette répond: « Cela fait très
longtemps. J’ai toujours été timide, je n’ai jamais eu beaucoup d’amis, je
préférais rester chez moi… Pourtant, l’amitié c’est très important pour moi.
Mais, je ne fréquente que des personnes bienveillantes qui me valorisent. J’ai
peur des gens cyniques qui jugent, toujours prompts à critiquer ou à ridiculiser.
D’autant que je ne sais pas me défendre, je n’arrive pas à être agressive, je suis
incapable de me mettre en colère, par exemple… Mais bon, c’est vraiment à
l’adolescence que cela a commencé, vers 15 ans. C’est vraiment un âge terrible.
Si on n’est pas un leader… J’ai commencé à avoir peur qu’on me regarde au
point que je croyais que j’étais folle ou que j’allais le devenir! J’évitais les
transports en commun pour ne pas croiser de regards, je n’allais pas aux fêtes ni
dans les cafés. Autant vous dire que je n’ai jamais pu aborder un garçon et que
si mon mari n’avait pas pris les choses en main -on s’est rencontrés par des amis
communs, il y a cinq ans- je crois qu’on serait encore à se regarder en chiens de
faïence! »
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD12018
1.
Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique :
Juliette, 27 ans, professeure de mathématiques, mariée depuis 3 ans, sans enfant, vient
consulter une psychologue car « elle n’en peut plus ». Interrogée sur ce qui ne va pas, Juliette,
d’abord silencieuse, prend la parole d’une voix presque inaudible : « C’était très difficile de
venir pour moi… Cela fait des années que je repousse et au moins deux ans que mon mari
m’y engage, mais je n’y arrivais pas. Sauf que là, ce n’est plus tenable, je n’en peux
plus. » (Juliette baisse la tête. Elle évitera d’ailleurs durant tout l’entretien le regard de la
psychologue).
« Je viens parce que je suis enseignante depuis quatre ans et que jusque-là, j’enseignais les
mathématiques à des sixièmes, mais là, pour la première fois je vais également avoir une
classe de troisième. Et je ne m’imagine pas du tout… Avec les sixièmes, c’était déjà difficile,
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mais je tenais. Là… En fait, c’est stupide, compte tenu de ma profession, je l’ai choisie un
peu comme un défi, en me disant que cela m’aiderait à dépasser mes craintes, mais je n’y
arrive pas du tout, en fait, cela empire… C’est un véritable échec. (long silence) Et c’est
difficile d’en parler à qui que ce soit, c’est tellement ridicule… (silence) J’ai peur des gens..
Pas vraiment des gens, à deux ça va ou même à trois si je suis en confiance. C’est plutôt les
groupes. Je ne supporte pas que l’on me regarde, je déteste parler en public, qu’on me pose
des questions… J’ai tout le temps peur de rougir, d’être ridicule, par exemple d’être en nage
et d’avoir des auréoles sous les bras l’été ; ou de me couvrir de craie. Avec les sixièmes,
j’arrivais à gérer, ils sont plus jeunes. Je me débrouillais pour envoyer les bons au tableau, les
faire travailler en groupe, pour rester le plus possible à mon bureau afin de ne pas avoir à
parler debout devant toute la classe… Je sais, ce n’est pas terrible… Mais, c’est mieux que de
ne pas aller travailler du tout… J’ai pris 27 jours d’arrêt-maladie cette année ! Bien sûr, je
n’étais pas réellement malade. Alors, l’année prochaine avec des adolescents… Moi qui n’ai
pas d’autorité en plus, ils vont vite voir que je ne suis pas à la hauteur ! (silence) Et mes peurs
s’étendent… Je ne peux plus manger devant des gens, au restaurant ou à la cantine… Cela
m’angoisse que l’on me voie mâcher… Voilà. »
Questionnée sur le début de ses troubles, Juliette répond : « Cela fait très longtemps. J’ai
toujours été timide, je n’ai jamais eu beaucoup d’amis, je préférais rester chez moi…
Pourtant, l’amitié c’est très important pour moi. Mais, je ne fréquente que des personnes
bienveillantes qui me valorisent. J’ai peur des gens cyniques qui jugent, toujours prompts à
critiquer ou à ridiculiser. D’autant que je ne sais pas me défendre, je n’arrive pas à être
agressive, je suis incapable de me mettre en colère, par exemple… Mais bon, c’est vraiment à
l’adolescence que cela a commencé, vers 15 ans. C’est vraiment un âge terrible. Si on n’est
pas un leader… J’ai commencé à avoir peur qu’on me regarde au point que je croyais que
j’étais folle ou que j’allais le devenir ! J’évitais les transports en commun pour ne pas croiser
de regards, je n’allais pas aux fêtes ni dans les cafés. Autant vous dire que je n’ai jamais pu
aborder un garçon et que si mon mari n’avait pas pris les choses en main -on s’est rencontrés
par des amis communs, il y a cinq ans- je crois qu’on serait encore à se regarder en chiens de
faïence ! »
A propos de sa famille, Juliette précisera : « On s’entend bien. Je suis fille unique. J’ai des
parents aimants mais assez exigeants, surtout ma mère, pour qui la réussite scolaire était très
importante et qui ne cessait de me dire que je pouvais faire mieux. Je ne lui en veux pas, mais
c’était une pression constante… Je crois qu’elle aurait aimé que j’aille plus loin… Ils sont
profs de fac tous les deux. Mon père est très séduisant, assuré, charismatique, comme mon
mari d’ailleurs, qui est juriste. Ma mère est plus réservée, moins liante, plus qu’anxieuse mais
très cultivée, intelligente. Elle a fait une grosse dépression qui a duré plus d’un an, à cause
d’une situation de harcèlement professionnel. J’avais 13 ou 14 ans, cela m’a beaucoup
marquée. Mais, depuis elle va bien. Et elle s’est adoucie. Mon père me soutient, il me trouve
beaucoup trop timide. Et ma mère dit que je suis toujours dans la retenue et que je ne sais pas
me faire plaisir. C’est vrai que j’ai du mal. C’est aussi ce que dit mon mari. Je sais qu’il me
trouve trop empruntée sexuellement, pas assez libérée. (silence) Mais pour que cela aille
mieux, il faudrait que j’aie davantage confiance en moi… »
Interrogée sur d’éventuels autres troubles, Juliette répond : « C’est encore des peurs. De
l’orage, par exemple, cela me terrifie. Si mon mari est là, ça va. Mais, je ne peux pas du tout
rester seule, s’il y a un orage et si je le suis, il faut que j’appelle mon mari pour qu’il me parle
tout le temps que ça dure. C’est très contraignant pour lui, ça me culpabilise. Et aussi… C’est
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plus exotique, mais mon mari m’a dit de tout vous dire, sinon ce n’est pas la peine… (Juliette
masque un sourire derrière sa main.) J’ai peur des marteaux. Alors ça, je ne sais vraiment pas
d’où ça vient ! C’est arrivé à l’adolescence, à 14 ans. Je ne peux pas en toucher un et si
quelqu’un plante un clou, il faut que je sorte de la pièce ! »
1) Approche sémiologique :
- Présentation de la patiente : Il s’agit de faire une présentation très sommaire car nous
n’avons que peu d’éléments. L’âge est essentiel car à lui seul, il permet dans l’absolu
d’écarter certains troubles ou de s’inquiéter de l’éventualité de quelques autres. Le métier
peut fournir des indications sur certaines capacités (intellectuelles, manuelles, artistiques
etc.). Par ailleurs, ici la symptomatologie de Juliette est en lien avec son activité
professionnelle. Quant au statut marital, familial et social, ces informations, croisées avec
d’autres, peuvent enrichir l’approche des processus psychiques. Le fait que Juliette n’ait pas
d’enfant pourrait être en lien avec sa problématique oedipienne, celui du choix d’un mari
juriste aussi (figure surmoïque), de même que son statut de fille unique pourrait expliquer la
massivité des attentes de ses parents la concernant et la culpabilité qu’elle conçoit de ne pas
en être à la hauteur. Enfin, la profession de ses parents est à signaler également puisque
Juliette a aussi « choisi » d’enseigner (identification).
Juliette est une professeure de mathématiques de 27 ans, mariée à un juriste (rencontré il y a 5 ans) depuis 3 ans,
sans enfant. Elle est la fille unique d’un couple d’enseignants à l’université.
- Motif de la consultation : Ici, il est important de préciser que la patiente vient d’elle-même, mais qu’elle y a
été engagée depuis au moins deux ans par son mari car c’est une donnée dont vous pouvez avoir à tenir compte
concernant la proposition thérapeutique que vous avez à faire mais aussi parce que sa « résistance » à se faire
aider malgré une conscience ancienne de sa souffrance est congruente avec le trouble dont elle souffre, c’est
donc un élément qui participe de l’identification dudit trouble.
Juliette, engagée à consulter depuis au moins deux ans par son mari, a sollicité cette entrevue car « elle n’en peut
plus ». Elle souffre, en effet, depuis l’adolescence de différentes « peurs »: (Ici, il convient de mettre des
guillemets au mot « peurs » car c’est le terme employé par la patiente. Le/la psychologue utiliserait le terme
phobies.) une peur de l’orage et des marteaux, mais surtout de « peurs » liées au regard/jugement d’autrui « J’ai
peur des gens. Pas vraiment des gens, à deux ça va ou même à trois si je suis en confiance. C’est plutôt les
groupes. Je ne supporte pas que l’on me regarde, je déteste parler en public, qu’on me pose des questions… J’ai
tout le temps peur de rougir, d’être ridicule, par exemple d’être en nage et d’avoir des auréoles sous les bras
l’été; ou de me couvrir de craie. » qui l’handicapent notamment dans son travail au point de la contraindre à se
mettre en arrêt-maladie: « J’ai pris 27 jours d’arrêt-maladie cette année ! » et qui ont tendance à s’étendre: « Je
ne peux plus manger devant des gens, au restaurant ou à la cantine… Cela m’angoisse que l’on me voie
mâcher… ». Juliette qui enseignait jusque-là à des sixièmes, appréhende la rentrée car elle va désormais être
confrontée à des adolescents dont le regard semble susciter chez elle encore plus de craintes : « Alors, l’année
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12018
prochaine avec des adolescents… Moi qui n’ai pas d’autorité en plus, ils vont vite voir que je ne suis pas à la
hauteur ! » C’est cette perspective paraissant avoir débordé totalement les défenses de la patiente qui a poussé
Juliette à consulter.
- Antécédents personnels : Concernant cette rubrique, il ne convient pas d’inclure des éléments qui relèveraient
du trouble de la personnalité puisque ce dernier est nécessairement ancien et persistant. Il s’agit de fournir les
informations dont vous disposez sur tout autre espèce d’antécédents psychiatriques et somatiques quand ces
derniers peuvent avoir une incidence psychologique soit intrinsèquement (ex : dépression induite par une
maladie neurodégénérative) ou en lien avec leur traitement (ex : dépression induite par une prise de corticoïdes)
soit à cause de leurs conséquences (ex: dépression due à une annonce diagnostique).
Juliette fait état de « peurs » ayant, pour la plupart, débuté quand elle avait 15 ans, manifestement de même
nature que certaines de ses « peurs » actuelles concernant le regard d’autrui, ainsi que de conduites d’évitement :
« Mais bon, c’est vraiment à l’adolescence que cela a commencé, vers 15 ans. », « J’ai commencé à avoir peur
qu’on me regarde au point que je croyais que j’étais folle ou que j’allais le devenir ! J’évitais les transports en
commun pour ne pas croiser de regards, je n’allais pas aux fêtes ni dans les cafés. » On ignore quand sa « peur »
de l’orage est apparue, mais celle des marteaux paraît avoir précédé toutes les autres puisqu’elle a surgi quand
elle avait 14 ans : « J’ai peur des marteaux. Alors ça, je ne sais vraiment pas d’où ça vient ! C’est arrivé à
l’adolescence, à 14 ans. »
Nous n’avons pas connaissance d’autres antécédents.
- Antécédents familiaux : Dans cette rubrique, il vous faut mettre en exergue ce qui peut être de nature à nous
informer sur le trouble de Juliette relativement aux informations dont nous disposons sur sa famille (en l’espèce
ici, la propension de sa mère à l’anxiété et son épisode dépressif).
Nous n’avons pas connaissance d’antécédent psychiatrique concernant le père de Juliette, présenté comme
« assuré » et « charismatique ». En revanche, il semblerait que sa mère décrite comme « plus qu’anxieuse » et
particulièrement exigeante, ait souffert d’une dépression liée à une situation de harcèlement professionnel durant
l’adolescence de Juliette un an ou deux avant l’apparition de ses propres troubles. Aux dires de la patiente, cette
dépression l’a « beaucoup marquée ».
- Nature de l’épisode actuel : Vous pouvez rédiger une petite introduction au relevé sémiologique proprement
dit, cela clarifie le propos, mais ce n’est pas exigible.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, vous devez vous référer explicitement à une classification nosographique,
ici la nosographie classique qui vous est présentée dans le cours d’Arnaud Plagnol. Il en ira de même pour
l’examen. En effet, les sujets ont été pensés de sorte à ce que vous puissiez identifier trouble et personnalité sur
la foi du cours qui contient, les concernant, tous les éléments dont vous aurez besoin.
Il convient donc de transformer les indices : repérables au travers du discours de la patiente, en signes. Ex :
indice : « J’ai tout le temps peur de rougir.» -> signe: éreutophobie. Puis vous devez lister (il est inutile de
rédiger) les signes que vous avez identifiés en justifiant leur présence par des phrases du texte. Vous ne pouvez
vous contenter de restituer les symptômes tels qu’énoncés par la patiente, en l’occurrence parler de « peurs » et
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12018
non de phobies ou ne pas qualifier ces dernières. J’attendais donc que vous mentionniez l’éreutophobie et la
diapnophobie puisqu’elles le sont dans votre cours, mais pas nécessairement la glossophobie, la dépnophobie ni
la brontophobie dont je vous donne ici les noms pour enrichir vos connaissances. Il vous fallait, en revanche, les
citer si vous n’en connaissiez pas les noms savants, dans les termes de la patiente puisqu’elles font partie du
trouble actuel.
Bien qu’ayant hésité durant plusieurs années à venir consulter, Juliette a néanmoins conscience de ses
symptômes (nosognosie) et s’en plaint : « Cela fait des années que je repousse et au moins deux ans que mon
mari m’y engage, mais je n’y arrivais pas. Sauf que là, ce n’est plus tenable, je n’en peux plus. »
Juliette souffre, en effet, de différentes phobies :
*une phobie sociale car elle redoute d’être exposée à l'observation d’Autrui : « Je ne supporte pas que l’on me
regarde. » et de se comporter de façon embarrassante voire humiliante en public : « J’ai tout le temps peur (…)
d’être ridicule, (…) ou de me couvrir de craie. »
-parler en public (glossophobie) : « je déteste parler en public ». Elle craint en particulier :
-qu’on lui pose des questions : « (peur) qu’on me pose des questions… »
-de manger en public (dépnophobie) : « Je ne peux plus manger devant des gens, au restaurant ou à la cantine…
Cela m’angoisse que l’on me voie mâcher… »
-de rougir (éreutophobie) : « J’ai tout le temps peur de rougir »
-de transpirer (diapnophobie) : « (peur) d’être en nage et d’avoir des auréoles sous les bras l’été »
Cette phobie sociale entraine des conduites d’évitement : elle utilise des stratégies pour ne pas avoir à parler
devant l’ensemble de ses élèves voire pour ne pas venir travailler : « Je me débrouillais pour envoyer les bons au
tableau, les faire travailler en groupe, pour rester le plus possible à mon bureau afin de ne pas avoir à parler
debout devant toute la classe. »; « J’ai pris 27 jours d’arrêt-maladie cette année! Bien sûr, je n’étais pas
réellement malade. »
- Sémiologie de la personnalité : Il s’agit, là aussi, de transformer les indices en traits de personnalité donc de
lister les items tels qu’ils sont énoncés dans la nosographie puis d’en justifier la présence par des éléments de
la vignette ou d’en signaler l’absence si celle-ci est significative.
En deçà des phobies sociales et des phobies simples dont souffre Juliette, nous relevons chez cette dernière, un
certain nombre de traits de personnalité pathologique selon la nosographie classique (cf Plagnol) :
Ainsi, l’on constate chez Juliette :
Fonctionnement psychique et études de cas
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- La coexistence d’une inhibition : « Et ma mère dit que je suis toujours dans la retenue et que je ne sais pas me
faire plaisir. C’est vrai que j’ai du mal. », « je n’arrive pas à être agressive, je suis incapable de me mettre en
colère » et d’un retrait social : « je n’ai jamais eu beaucoup d’amis, je préférais rester chez moi… » malgré une
volonté de relations: « Pourtant, l’amitié c’est très important pour moi. » et un désir d’être aimée et reconnue
d’autrui : « je ne fréquente que des personnes bienveillantes qui me valorisent. »
- une peur d’être mal jugée, critiquée : « Je déteste les gens cyniques qui jugent, toujours prompts à critiquer ou
à ridiculiser. »
- une peur de ne pas être à la hauteur : « ils vont vite voir que je ne suis pas à la hauteur ! », « Je sais, ce n’est
pas terrible… », « Je crois qu’elle aurait aimé que j’aille plus loin… »
- une peur d’être ridicule : « J’ai tout le temps peur (…) d’être ridicule. »
(4 points)
2) Hypothèses diagnostiques : Il convient ici uniquement de poser les diagnostics concernant le trouble puis la
personnalité. Vous n’avez pas à reprendre les relevés sémiologiques déjà effectués.
a) sur le trouble : Il vous fallait justifier ici la pose d’un diagnostic de névrose phobique plutôt que de celui de
syndrome anxio-phobique.
Au vu de l’anamnèse (antécédents : apparition entre 15 et 21 ans des symptômes) et du discours de Juliette, nous
pouvons être en mesure de diagnostiquer un syndrome anxio-phobique (une phobie sociale et deux phobies
simples) et plus précisément une névrose phobique puisque sa phobie sociale est apparue il y a 12 ans, est au
centre du tableau clinique et est extrêmement invalidante (elle a notamment un impact professionnel : 27 jours
d’arrêt-maladie). De plus, elle est, comme souvent, liée à l’activité professionnelle et a organisé une demande
d’aide tardive. Nous ignorons depuis combien de temps Juliette souffre de sa phobie de l’orage, mais nous
pouvons noter que celle-ci pourrait potentiellement avoir un certain impact sur le couple, son mari lui tenant lieu
d’objet contraphobique. Il se pourrait, nonobstant, que Juliette trouve en cela un bénéfice secondaire à sa
brontophobie : la sollicitude de son mari, le bénéfice primaire de l’ensemble de ses phobies étant la réduction de
son angoisse de castration liée à un conflit désirs/interdits comme nous le verrons plus bas. Par ailleurs, ces
phobies sont en lien avec une personnalité évitante classiquement présente en soubassement de la névrose
phobique. (2 points)
b) sur la personnalité :
En effet, au vu des traits de personnalité relevés Juliette paraît présenter, selon la nosographie classique, une
personnalité évitante qui s’est constituée à l’adolescence.
(1 point)
- Diagnostic différentiel (sur le trouble) : Il convient pour chaque trouble précis (et non une classe de
troubles: ex: les troubles psychotiques) envisagé –lequel ne peut l’être que sur la foi d’un doute raisonnable-
d’expliquer clairement pourquoi l’on pourrait penser à ce trouble mais aussi pourquoi on ne le retient pas.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12018
Compte tenu de l’inhibition massive de Juliette ainsi que de sa propension à la dévalorisation et à la culpabilité
nous pourrions penser à une dépression de forme névrotique. Cependant, nous n’observons pas de ralentissement
psychomoteur (Juliette continue d’ailleurs à travailler) et bien que la patiente dise souffrir, pas d’intense douleur
morale ni d’idées noires. Aussi ne retiendrons-nous pas ce diagnostic tout en gardant néanmoins à l’esprit que la
dépression reste une échéance possible voire probable si Juliette ne parvient pas à se délivrer de ses phobies
« rapidement ».
L’on pourrait également envisager un trouble d’anxiété généralisée (TAG) du fait de la massivité de l’anxiété de
Juliette. Toutefois, son anxiété n’est pas « flottante » mais fixée sur des objets phobogènes précis. De plus, la
patiente ne fait pas état de difficultés de concentration, d’irritabilité ni d’insomnie…
(1 point)
3) Approche des processus psychiques : Cette analyse est à effectuer en vous appuyant sur l’approche
structurelle de Bergeret. Vous devez déduire (et non postuler) le type de structure ou d’organisation de la
patiente à partir de l’ensemble des critères et non sur la foi d’un seul d’entre eux ni non plus en fonction de la
nature du trouble ou de celle de la personnalité que vous avez diagnostiqués préalablement chez le sujet même
si ces derniers peuvent vous orienter. J’attends pour l’examen que vous justifiiez chaque critère et que vous
proposiez une brève hypothèse argumentative sans que votre analyse soit nécessairement très fouillée. Elle
doit cependant être pertinente et cohérente. L’analyse que je vous propose ne prétend pas à l’exhaustivité, elle est
destinée à vous éclairer sur la façon de procéder et sur les liens qu’entretiennent les différents critères examinés
entre eux. Certains points pourraient faire l’objet de discussions et l’analyse globale pourrait, bien entendu, être
enrichie.
- Conflit : Il oppose un moi intègre (ni clivé ni déformé) aidé d’un surmoi assez exigeant, critique et
culpabilisant («Je sais, ce n’est pas terrible… ») et d’un idéal du moi relativement prescriptif (il ne lui impose
pas des objectifs irréalistes, mais l’enjoint à dépasser ses peurs, à contenter les aspirations parentales, peut-être
tout de même au mépris des siennes) au ça. Il s’agit donc d’un conflit désir/censure, le moi et le surmoi assisté
de l’idéal du moi semblant n’avoir de cesse d’étouffer les désirs libidinaux et agressifs de Juliette comme en
témoigne son inhibition massive : la patiente dit être toujours dans la retenue et ne pas savoir se faire plaisir,
n’être jamais à la hauteur et déclare être incapable de se mettre en colère. En toute logique, le moi idéal n’est
pas exprimé.
Il semblerait que les désirs qui font l’objet d’un tel interdit chez Juliette recouvrent un désir incestueux envers un
père soutenant, toujours idéalisé et un désir matricide à l’encontre d’une mère vécue sur un mode ambivalent à
la fois rivale, admirable, aimante et castratrice engageant tant chez la patiente un désir de la satisfaire que le
sentiment de pas être à la hauteur de ses attentes. Les représentations des désirs de Juliette étant incompatibles
avec les exigences de son Surmoi et de son Idéal du moi n’ont ainsi pu qu’être refoulées. Puis, elles ont ensuite
été déplacées, symbolisées et projetées sur des objets phobogènes à forte valeur symbolique.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12018
- Angoisse : Il s’agit manifestement d’une angoisse de castration en lien avec la fixation oedipienne de Juliette
sur son père et l’interdit de l’inceste qu’elle a néanmoins intériorisé. Cette angoisse de castration se vit sur le
mode de la culpabilité: « Je sais, ce n’est pas terrible… », « ça me culpabilise. », de l’échec: « C’est un
véritable échec. », de la crainte de ne pas être à la hauteur : « ils vont vite voir que je ne suis pas à la
hauteur ! », et anciennement de celle d’être folle ou de le devenir : « au point que je croyais que j’étais folle
ou que j’allais le devenir ! ». Notons que cette angoisse particulière est survenue lors de l’apparition de sa
phobie sociale, laquelle a surgi à l’adolescence, période de réactivation de l’Oedipe et époque où la mère de
Juliette s’est trouvée fragilisée par une dépression. L’on pourrait donc penser que la décompensation de la
patiente sur un mode phobique traduisait ses craintes liées à la possibilité (maturité génitale) de réaliser
l’inceste d’autant plus que sa rivale jusqu’alors impossible à égaler, se trouvait affaiblie par sa dépression.
Juliette a donc pu concevoir une grande culpabilité en rapport avec ses désirs incestueux et avec le fait de
« voir » ses voeux matricides réalisés (la dépression représenterait ici un équivalent symbolique de la mort)
d’où l’inhibition de son agressivité envers sa mère. Dans cette configuration, la perspective d’enseigner à des
adolescents a alors pu ranimer l’angoisse de castration de Juliette qui s’en défend maintenant par de nouvelles
phobies (dépnophobie). Cette angoisse structurelle de castration liée au conflit désirs/interdits n’a donc cessé
de se déplacer sur différents objets phobogènes moins effrayants ce qui signe l’échec partiel du refoulement.
- Relation d’objet : Elle est génitale car Autrui est bien perçu dans son altérité, comme sujet distinct, avec ses
désirs propres : Juliette reconnaît pleinement les désirs, notamment sexuels de son mari tout comme
antérieurement, ceux de ses parents concernant son avenir professionnel et se culpabilise de ne pas parvenir à
les satisfaire. Cette culpabilité est l’une des marques de sa bonne reconnaissance de l’altérité.
Nous pouvons noter, de même, qu’elle se tient à bonne distance d’Autrui (nonobstant sa personnalité évitante et
sa phobie sociale qui organisent respectivement un retrait social et des conduites d’évitement) au sens où elle
n’est ni dans la fusion ni dans l’anaclitisme (l’utilisation de son mari comme un objet contraphobique ne fait pas
de ce dernier une prothèse narcissique, ce dont Juliette ne se culpabiliserait pas si elle était dans une
problématique limite.)
Toutefois, sa relation d’objet intervient sur fond de problématique oedipienne non résolue.
En effet, Juliette qui paraît n’avoir pu s’identifier suffisamment à sa mère vécue lorsqu’elle était enfant comme
exigeante et dévalorisante et qui n’y est pas parvenue non plus à l’adolescence, probablement du fait de la
menace que représentait la dépression maternelle (a-t-elle eu peur de devenir « marteau »?) a sans doute tenté
de détourner ses sentiments de rivalité la concernant en se conformant partiellement aux attendus maternels
(études puis profession) et n’a pu renoncer à ses désirs incestueux pour son père. Peu libre de son choix d’objet,
elle a donc élu un compagnon soutenant et doté des mêmes qualités que son père : « très séduisant, assuré,
charismatique » et semble avoir ainsi tenté inconsciemment de respecter l’interdit surmoïque sans se départir
véritablement de ses désirs incestueux d’où l’inhibition sexuelle qu’elle vit avec son époux (peut-être le seul
homme qu’elle ait connu) d’autant que celui-ci est juriste et donc garant de la loi. Juliette a ainsi mis en place à
tous les niveaux un véritable arsenal de protection contre ses désirs.
-Mécanismes de défense : Vous devez connaître leur définition pour pouvoir identifier les
mécanismes de défense utilisés par le sujet de la vignette clinique. Mais il est inutile de fournir ces
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC12018
définitions à l’examen. En revanche, vous devez justifier la présence de ceux que vous avez
identifiés).
Le moi de Juliette a recours à un certain nombre de mécanismes de défense afin contenir ses pulsions et ses
angoisses. Lesquels mécanismes de défense se sont trouvés récemment davantage débordés d’où l’extension de
ses phobies. Ainsi, nous repérons chez la patiente l’utilisation du/de:
-refoulement : de ses désirs libidinaux et agressifs qui contreviennent aux exigences de son surmoi. Ces derniers
ressurgissent sous forme de symptômes phobiques.
-déplacement : de son angoisse de castration sur de multiples objets phobogènes dont on peut inférer la valeur
symbolique conformément à la problématique oedipienne de Juliette. Ainsi, du côté des désirs libidinaux
préalablement refoulés en lien avec l’interdit de l’inceste les marteaux pourraient-ils représenter un symbole
phallique et l’acte d’enfoncer un clou : la pénétration sexuelle, l’orage : l’explosion orgasmique, l’éreutophobie :
la honte de ses désirs, la glossophobie : la crainte de les formuler, la diapnophobie : la sueur peut-être comprise
comme un équivalent symbolique des sécrétions vaginales, la dépnophobie : plaisir oral ; ou du côté de ses désirs
agressifs en lien avec l’interdit du matricide : les marteaux : « devenir marteau » (en mesure de rétorsion),
enfoncer un clou : être violente, orage: exploser de colère ou subir les foudres maternelles, peur d’être vue en
train de mâcher : de détruire etc.
Nous pouvons noter que la phobie sociale de Juliette engage particulièrement le corps et notamment la sphère
orale, ce que nous ne pouvons manquer de mettre en lien avec son inhibition pulsionnelle.
Ces éléments sont destinés à vous donner des exemples d’ interprétations des phobies pensées comme étant
en lien avec une problématique oedipienne non résolue telles qu’elles peuvent être construites dans le
cadre d’une thérapie analytique. Ces dernières ne sont pas à considérer comme des vérités, mais comme
des constructions possibles issues d’un référentiel théorique précis. Selon d’autres référentiels, elles
n’auraient pas de pertinence.
-l’identification à ses parents: choix du métier.
-l’idéalisation de son père : « Mon père est très séduisant, assuré, charismatique »
-la dénégation : « Je ne lui en veux pas, mais c’était une pression constante… »
-l’isolation : les silences réguliers dans le discours de Juliette témoignent de son désir d’isoler certaines pensées
(en lien avec ses sentiments d’échec et de pas être à la hauteur notamment) des affects qui leur sont liés.
-la rationalisation : Notamment pour expliquer le début de sa phobie sociale et ce qui permettrait son
épanouissement sexuel : « C’est vraiment un âge terrible. Si on n’est pas un leader… », « Mais pour que cela
aille mieux, il faudrait que j’aie davantage confiance en moi… »
-la projection : Juliette projette sur ses futurs élèves de troisième ses propres jugements négatifs sur elle-même :
« ils vont vite voir que je ne suis pas à la hauteur ! » (7 points)
Pour vous familiariser avec les indications thérapeutiques, vous pouvez consulter l’ouvrage de Dumet ou un
manuel de psychiatrie ou encore un guide des psychothérapies (il en existe plusieurs).
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Sujet : A partir de cette vignette clinique, faites un relevé sémiologique concernant le trouble, puis
proposez vos hypothèses concernant les diagnostics du trouble, de la personnalité et le fonctionnement
psychique de Mélissa (diagnostic structural).
Vous rédigerez votre réponse en suivant ce plan de présentation :
1) Sémiologie du trouble (4 points)
2) Sémiologie de la personnalité (5 points)
3) Hypothèses diagnostiques (3 points)
4) Diagnostic structural : type de conflit, nature de l’angoisse, type de relation d’objet, mécanismes de
défense préférentiels. (8 points)
(20 points)
Vignette clinique :
Mélissa, 25 ans, est adressée à un psychologue par son médecin traitant, qui ne
s’explique pas les maux de ventre récurrents, accompagnés de palpitations, dont
souffre sa patiente. Ces symptômes apparus il y a un an, mais présents par
intermittence seulement, ne cèdent, en effet, à aucun traitement et contraignent
Mélissa à s’aliter quelques heures dès que “ la crise ” survient.
Elle précise : « Cela me rappelle ma grand-mère, je l’ai souvent vue couchée et
se tenir le ventre quand elle avait ses crises de colite. »
Mélissa a ainsi dû se faire raccompagner chez elle en moto par un collègue à
plusieurs reprises avant la fin de son service.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICCEXREV2018
En effet, la patiente est depuis trois ans serveuse dans un restaurant, emploi
qu’elle qualifie d’alimentaire, car il lui permet de payer ses cours de théâtre et
de subvenir à ses besoins “ le temps de décrocher un rôle ”.
Lors du premier entretien, Mélissa est habillée avec recherche, tout en rouge, et
porte un chapeau à voilette qu’elle ne cessera de manipuler. Très volubile, elle
se décrit comme une personne active, imaginative et sensible mais peu assurée
et trop paresseuse : “ mon point fort, c’est mon charme ”.
Cependant, Mélissa vit seule depuis un an, époque où son ami l’a quittée. Elle
déclare avoir beaucoup souffert de cette séparation : “ C’était affreux, je l’aimais
éperdument, j’ai cru que je ne m’en relèverais jamais, cela m’a tuée ! Il trouvait
que je n’en avais que pour le théâtre et que je n’investissais pas assez notre
couple… On vivait ensemble depuis trois ans. J’aurais dû être plus présente. »
Invitée à parler de sa famille, Mélissa précise être fille unique, être très proche
de son père, mais moins de sa mère qui l’aurait toujours jalousée et ne
l’encouragerait pas à poursuivre dans le théâtre.
Elle pleure puis en souriant ajoute qu’heureusement, son professeur l’estimerait
douée : “ Je l’adore ! A la fin des cours, je vais toujours lui demander ce qu’il
pense de ma scène. Mais ce qui m’ennuie, c’est que devant lui, je perds toujours
tous mes moyens. C’est un homme extraordinaire, d’ailleurs il a le même
prénom que mon père, mais il n’est pas marié. Je trouve qu’on se ressemble. Il
est super sensible. D’ailleurs, quand j’ai fait ma première crise, c’était à son au
cours. »
La première “ crise ” de Mélissa est en effet survenue lorsqu’elle jouait une
scène de la pièce“ Un tramway nommé désir ”. Depuis, ces crises se
reproduisent régulièrement lors de ses cours ou sur son lieu de travail. « Dans
ces cas-là, c’est Guy, le barman avec qui je travaille qui me raccompagne en
moto. Il est très à l’écoute mais trop euh très viril. Ce n’est pas qu’il me plaise, il
est gentil et vraiment beau mais trop dragueur. Il a un peu vos yeux, je trouve. »
(rires).
Mélissa souligne que ses crises lui rappellent l’époque où elle souffrait de
spasmophilie, vers 13-14 ans.
Son père avait d’ailleurs dû venir la chercher à l’école plusieurs fois. A propos
de ses maux de ventre, elle conclura : “ Ce n’est pas important ces crises, mais
quand même, le médecin aurait pu trouver quelque chose. De toute façon, il ne
prend rien au sérieux. Il y a deux ans, j’ai eu des vertiges pendant six mois et
pareil, il n’avait rien trouvé. ”
- une quête d’attention : Mélissa cherche à attirer l’attention par sa tenue, par ses
« crises » qui se déroulent toujours en public… « Depuis, ces crises se
reproduisent régulièrement lors de ses cours ou sur son lieu de travail. »
- un théâtralisme (sa tenue tout en rouge, son attitude…) avec hyperexpressivité
des affects : “ C’était affreux, je l’aimais éperdument, j’ai cru que je ne m’en
relèverais jamais, cela m’a tuée ! », elle rit, pleure…
- une suggestibilité : les conversions intermittentes et modelées sur le vécu
somatique de sa grand-mère en témoignent.
- une immaturité : la patiente s’exprime comme une adolescente et réagit en tant
que telle sur le plan affectif.
- une séduction inappropriée et érotisation de la relation : Mélissa est dans un
rapport de séduction avec tous les hommes qu’elle évoque y compris avec le
psychologue : « Il a un peu vos yeux, je trouve. » (rires).
- un modelage sur des stéréotypes sexuels (la vamp) en contraste avec la crainte
de la sexualité réelle : témoin étant, par exemple, son lapsus concernant son
collègue « Il est très à l’écoute mais trop euh très viril. »
4) Diagnostic structural :
Vous deviez pour l’effectuer vous appuyer sur le document de cours et plus
précisément sur les critères de Bergeret. Il vous fallait, bien évidemment,
justifier vos propos pour ne pas donner, à tort ou à raison, le sentiment d’un
choix arbitraire ou uniquement guidé par le trouble et la personnalité identifiés.
Mécanismes de défense :
Identification (à sa grand-mère)
Idéalisation (de son professeur) : « Je l’adore ! A la fin des cours, je vais
toujours lui demander ce qu’il pense de ma scène. Mais ce qui m’ennuie, c’est
que devant lui, je perds toujours tous mes moyens. C’est un homme
extraordinaire, d’ailleurs il a le même prénom que mon père, mais il n’est pas
marié. Je trouve qu’on se ressemble. Il est super sensible. »
Dénégation (de son désir pour son collègue : « Ce n’est pas qu’il me plaise… »
Sublimation (de ses pulsions libidinales dans le théâtre)
Refoulement de ses désirs oedipiens (cf les conversions)
Déplacement/projection (cf les conversions) et projection de sa jalousie sur
sa mère : « sa mère qui l’aurait toujours jalousée et ne l’encouragerait pas à
poursuivre dans le théâtre. » (3 points)
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Vignette clinique
Monsieur H., 46 ans, est adressé par son gastro-entérologue pour un suivi psychologique destiné à « réduire
l’anxiété du patient et à faciliter la prise en charge médicale. »
En effet, un mois auparavant, Monsieur H., alerté par de brusques saignements accompagnant des troubles
digestifs et des douleurs intestinales, appelle d’abord SOS Médecin, pour se rendre ensuite aux urgences, de son
propre chef, à deux heures du matin. Là, l’annonce que les examens exploratoires ne seraient pratiqués que le
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD12016
lendemain déclenche chez monsieur H une vive angoisse accompagnée de revendications à l’adresse de toute
l’équipe médicale. La coloscopie effectuée, malgré tout, le lendemain matin révèle alors la présence de polypes
dans le gros intestin, sclérosés immédiatement pendant l’examen. De retour à son domicile, après une
surveillance de vingt-quatre heures, Monsieur H. entreprend donc de téléphoner à son médecin pour connaître
les résultats de la biopsie, et cela, bien que ce dernier lui ait notifié un délai d’attente d’une semaine. Recevant
enfin les résultats - négatifs- le médecin croit alors rassurer définitivement monsieur H. en les lui faxant. A sa
grande surprise, ce dernier est cependant de retour à l’hôpital le lendemain, inquiet d’une possible erreur
d’examen du laboratoire, tourmenté par l’éventualité de séquelles, se plaignant de constipation et souhaitant
même prendre rendez-vous pour « une coloscopie de contrôle dans quinze jours. »
En reprenant ces éléments à la demande de la psychologue, Monsieur H. se montre très critique à l’égard des
soignants : « Ils n’y connaissent rien, si on les harcèle pas, ils ne vous disent rien. Je ne suis pas du tout rassuré,
le gastro est jeune, il n’a pas l’air très compétent… Je lui ai demandé de me faire un bilan et une ponction
lombaire pour voir si je n’ai pas une maladie auto-immune associée aux polypes, il n’a rien voulu savoir !
Pourtant, cela pourrait être la maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique… De toute façon, je vais faire
transférer mon dossier dans une clinique dont on m’a parlé où il y a de vrais spécialistes et où on peut se faire
entendre… parce que des polypes seulement je n’y crois pas… Et si j’ai un cancer du côlon, il faudrait s’en
occuper tout de suite. Ils n’ont même pas d’IRM ! Dans le doute, je vais faire prolonger mon arrêt maladie, de tout
façon, je suis trop stressé pour travailler. »
Monsieur H. poursuit de la sorte pendant vingt minutes et se montre particulièrement prolixe dans la description
de ses symptômes : « Cela irradie dans tout le ventre comme un feu qui s’embrase ou un lever de soleil, des fois,
j’ai l’impression que l’on me brûle le côté droit avec un chalumeau… »
La psychologue recueillera cependant un certain nombre de renseignements complémentaires : Monsieur H. est
l’aîné d’une fratrie de trois garçons tous bien portants, il est célibataire : « Je ne supporterais pas de vivre avec
quelqu’un, j’ai trop de manies et je n’aime pas que l’on touche à mes affaires ou alors il me faudrait une femme
comme ma mère, très soigneuse et ordonnée mais je n’ai pas encore trouvé la perle rare (rires) » ; et partage son
temps entre son métier d’architecte : « Cela se passe bien, surtout si c’est moi qui gère … sauf pour rendre à
temps… On me reproche souvent le temps que je prends, ça c’est un échec… mais je ne peux pas faire vite et
bien, il faut choisir ! » et un loisir qu’il partage avec son père : les reproductions des monuments de France en
allumettes, disposées sur une gigantesque carte de France qui couvre toute la surface du grenier de ses parents.
Cette activité débutée il y a quatre ans est l’occasion pour Monsieur H. de se rendre dans sa famille tous les
dimanches : « J’adore cela, les maquettes, c’est tout à la fois une activité, un art et une discipline. Bon, il est
certain que c’est contraignant aussi, cela me prend pratiquement tout mon temps de repos. Mais je n’ai pas le
choix, il faut que je termine ce projet et je tiens à ce que ce soit bien fait, sinon, ce n’est pas la peine. Ah, j’en ai
détruit des maquettes ratées ! (rires) même mon père voulait les garder, il est moins méticuleux que moi
finalement. Mais l’échec, ç’ aurait été de les garder justement… »
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD22019
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
Nausicaa, 26 ans, infirmière, pacsée, sans enfant, se rend chez une
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD22019
gère les choses, qui décide parce qu’il sait mieux y faire. Et là, j’ai pris
cette voiture, j’étais toute seule et voilà ce qu’il s’est passé! (Nausicaa
pleure à chaudes larmes). Mais je ne l’accuse pas, je sais qu’il n’y est
pour rien, il me soutient beaucoup. C’est très dur pour lui de me voir
comme cela. Et, je ne pourrais pas vivre sans lui. »
Au fil des consultations suivantes, la psychologue apprendra que
Nausicaa:
- est la dernière d’une fratrie de quatre enfants et qu’elle s’entend bien
avec ses frères et soeurs: « Je suis la petite dernière, j’ai toujours été
gâtée d’autant que j’ai 7 ans d’écart avec mon plus jeune frère et 12
ans avec ma soeur aînée. C’est elle qui m’a conseillé de faire
infirmière. Ils m’ont toujours soutenue, guidée, mes parents aussi. Ils
étaient âgés quand ils m’ont eue et ma mère m’a beaucoup couvée. Je
ne le lui reproche pas, mais cela ne m’a pas aidée à devenir autonome
et encore moins à me défendre. Sans parler de mon père qui a toujours
tout fait pour moi. J’ai toujours été sa petite princesse, sa chouchoute.
Avant de rencontrer mon compagnon, aucun des garçons que j’avais
fréquentés n’avaient trouvé grâce à ses yeux. Et je me fie beaucoup à
son avis, il est très clairvoyant. Il n’y a que Pierre (son compagnon) qui
lui a plu. Peut-être aussi parce qu’ils sont de la même région. »
- n’avait pas de « problèmes » avant son agression: « Non, cela allait.
J’ai juste eu du mal à trouver la bonne personne, c’est tout. Je ne
voulais pas décevoir mon père. Je me sentais toujours un peu
coupable de fréquenter des hommes qui ne lui plaisaient pas, alors
cela ne durait pas longtemps. Et j’ai un peu enchaîné les relations
parce que j’ai du mal à me débrouiller seule, ça me rassure d’être avec
quelqu’un. Mais tout s’est arrangé quand j’ai rencontré Pierre, c’est le
premier homme avec qui j’ai pu envisager de vivre. Les autres, je n’ai
jamais vécu avec. Pierre m’a même encouragée à faire du dessin,
j’avais voulu petite, mais mon père n’aimait pas le prof. Je n’ai pas
insisté, ce n’était pas important, d’ailleurs je ne me suis toujours pas
inscrite.»
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD22019
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
Nausicaa, 26 ans, infirmière, pacsée, sans enfant, se rend chez une psychologue sur
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
mon compagnon, aucun des garçons que j’avais fréquentés n’avaient trouvé grâce
à ses yeux. Et je me fie beaucoup à son avis, il est très clairvoyant. Il n’y a que
Pierre (son compagnon) qui lui a plu. Peut-être aussi parce qu’ils sont de la même
région. »
- n’avait pas de « problèmes » avant son agression: « Non, cela allait. J’ai juste eu
du mal à trouver la bonne personne, c’est tout. Je ne voulais pas décevoir mon
père. Je me sentais toujours un peu coupable de fréquenter des hommes qui ne lui
plaisaient pas, alors cela ne durait pas longtemps. Et j’ai un peu enchaîné les
relations parce que j’ai du mal à me débrouiller seule, ça me rassure d’être avec
quelqu’un. Mais tout s’est arrangé quand j’ai rencontré Pierre, c’est le premier
homme avec qui j’ai pu envisager de vivre. Les autres, je n’ai jamais vécu
avec. Pierre m’a même encouragée à faire du dessin, j’avais voulu petite, mais
mon père n’aimait pas le prof. Je n’ai pas insisté, ce n’était pas important, d’ailleurs
je ne me suis toujours pas inscrite.»
- 1) Approche sémiologique :
- Présentation du patient :
Nausicaa, 26 ans, infirmière, pacsée, sans enfant, est la dernière d’une fratrie de
quatre enfants.
- Motif de la consultation :
La patiente vient sur les conseils d’une amie qui « a vécu la même chose » en raison
de symptômes invalidants survenus après une agression dont elle a fait l’objet et qui
persistent depuis six mois.
Vous pouvez rédiger une petite introduction au relevé sémiologique proprement dit, cela
clarifie le propos, mais ce n’est pas exigible.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, vous devez vous référer explicitement à une
classification nosographique, ici la nosographie classique qui vous est présentée dans le
cours d’Arnaud Plagnol. Il en ira de même pour l’examen. En effet, les sujets ont été
pensés de sorte à ce que vous puissiez identifier trouble et personnalité sur la foi du cours
qui contient, les concernant, tous les éléments dont vous aurez besoin.
Il convient donc de transformer les indices repérables au travers du discours du
patient, en signes : Ex : « je ne fais plus rien, je reste sur mon canapé »-> apathie . Puis
vous devez lister (il est inutile de rédiger) les signes que vous avez identifiés en
justifiant leur présence par des phrases du texte.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
Nausicaa rapporte avoir été victime d’une agression qui l’a confrontée à la mort. Il
« J’ai été agressée il y a six mois, par un homme dans un parking, il était 21 heures,
c’était après le travail, je ne l’avais jamais vu, je pensais à autre chose, je ne l’ai pas
entendu s’approcher. Il avait un couteau, j’ai cru qu’il allait me tuer. Il m’a frappée et
rêves : « j’ai peur de dormir parce que j’en rêve systématiquement et je me réveille
en hurlant. »
fait. »
me réveille en hurlant. »
« Je n'ai plus repris ma voiture parce que je ne veux pas avoir à me garer dans un
parking. »
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
nocturnes.
apathie (on ne pouvait statuer sur une asthénie), restriction des activités et des
affects :
« La journée, quand je ne travaille pas, je ne fais plus rien, je reste sur mon canapé,
fiche de tout. »
détachement vis-à-vis d'autrui : « Même les patients, ça m’est égal, c’est affreux! »
culpabilité : « Je sais que c’est injuste ce que je dis, que tout le monde fait son
On note également :
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
parents c’est pareil. Tout le monde. » et une hostilité particulièrement envers son
mari, perceptible dans sa dénégation: « Et là, j’ai pris cette voiture, j’étais toute seule
et voilà ce qu’il s’est passé! (Nausicaa pleure à chaudes larmes). Mais je ne l’accuse
Vous pouvez compter six points si vous aviez mentionné et justifié la présence d’au
moins douze des éléments écrits en gras en déclinant les différents symptômes
exprimant le noyau clinique du syndrome traumatique persistant (éléments en gras
soulignés). Il importait ici que vous contextualisiez la survenue des symptômes en
rapportant l’événement traumatique vécu par Nausicaa.
Il s’agit, là aussi, de transformer les indices en traits de personnalité donc de lister les
items tels qu’ils sont énoncés dans la nosographie, en l’occurrence celle du DSM (cf
ajout au cours de Plagnol) puis d’en justifier la présence par des éléments de la vignette
ou d’en signaler l’absence si celle-ci est significative.
-Le sujet a du mal à prendre des décisions dans la vie courante sans être
choisir la voiture parce que moi je n’étais pas sûre de savoir. », « Et je me fie
« Il a été très gentil, il s’est occupé de tout, du crédit… De tout. Je préfère que ce soit
lui qui gère les choses, qui décide parce qu’il sait mieux y faire. » Elle déléguait
pratiquement le choix de ses compagnons à son père, c’est sa soeur qui lui a
sanctions.)
« Il m’a même encouragée à faire du dessin, j’avais voulu petite, mais mon père
n’aimait pas le prof. Je n’ai pas insisté, ce n’était pas important, d’ailleurs je ne me
suis toujours pas inscrite.», « je n’ai pas osé lui dire non. »
-A du mal à initier des projets ou à faire des choses seul (par manque de
confiance en son propre jugement ou en ses propres capacités plutôt que par
« Je lui ai demandé de choisir la voiture parce que moi je n’étais pas sûre de
savoir. », « Je préfère que ce soit lui qui gère les choses, qui décide parce qu’il sait
mieux y faire. »
« Le permis, c’était son idée, je n’ai pas osé lui dire non. J’ai passé le permis pour
qu’il soit content et fier de moi alors que j’avais toujours eu peur de conduire. »
-Se sent mal à l’aise ou impuissant quand il est seul par crainte exagérée d’être
incapable de se débrouiller :
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
« cela fait longtemps que mon compagnon me dit qu’il faut que je m’assume plus,
que je peux me débrouiller toute seule, sans son aide, que j’en suis capable. » D’où
« Et j’ai un peu enchaîné les relations parce que j’ai du mal à me débrouiller seule,
seul :
Vous pouvez compter quatre points si vous aviez mentionné les huit traits présents.
2) Hypothèses diagnostiques :
Vous pouviez compter un point si vous aviez posé et argumenté brièvement ce diagnostic.
Vous pouviez aussi utiliser ces terminologies : névrose traumatique, Trouble stress post-
traumatique ou État de stress post-traumatique. Dans tous les cas, il vous fallait préciser
la notion de persistance car un syndrome traumatique peut être aigu. Les symptômes de
la lignée dépressive sont insuffisamment marqués pour nous permettre de certifier la
présence d’une dépression secondaire effective, mais vous pouviez en évoquer la
suspicion.
.
b) sur la personnalité de Nausicaa (1 point) :
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
Cette analyse est à effectuer en vous appuyant sur l’approche structurelle de Bergeret.
Vous devez déduire (et non postuler) le type de structure ou d’organisation du patient à
partir de l’ensemble des critères et non sur la foi d’un seul d’entre eux ni non plus en
fonction de la nature du trouble ou de celle de la personnalité que vous avez
diagnostiqués préalablement chez le sujet même si ces derniers peuvent vous orienter.
J’attends pour l’examen que vous justifiiez chaque critère et que vous proposiez une
brève hypothèse argumentative sans que votre analyse soit nécessairement très
fouillée. Elle doit cependant être pertinente et cohérente. L’analyse que je vous propose
ne prétend pas à l’exhaustivité, elle est destinée à vous éclairer sur la façon de procéder
et sur les liens qu’entretiennent les différents critères examinés entre eux. Certains points
pourraient faire l’objet de discussions et l’analyse globale pourrait, bien entendu, être
enrichie.
-Type de conflit : Nausicaa est régie par un conflit entre le ça et le surmoi et l’idéal du
moi via le moi. En effet, son Moi est intègre, son surmoi plutôt proscriptif car ses désirs
libidinaux paraissent avoir été particulièrement refoulés, Nausicaa donnant peu cours à
ses envies, semblant même les ignorer (des choix aussi importants que ceux de son
compagnon, de son métier, de passer le permis lui ont été dictés par autrui et elle n’a pu
jusqu’à ce jour actualiser l’unique envie qu’elle endosse celle de prendre des cours de
dessin). Quant à son agressivité, longtemps refoulée également (il n’y en a notamment
nulle trace concernant son père dont la férule est pourtant assez pesante) l’agression
semble avoir néanmoins permis une autorisation partielle de son expression, surtout à
l’égard de son compagnon, mais il est notable que cette expression lève toutefois
systématiquement de la culpabilité. Enfin, l’idéal du moi en toute logique se signale par sa
nature très peu prescriptive, et son moi idéal est non exprimé. Il s’agit donc d’un conflit
entre désirs et interdits en lien avec un Oedipe manifestement ici non encore résolu
comme en témoigne la difficulté encore actuelle de Nausicaa à s’affranchir de son père.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC22019
Vous pouvez compter deux points si vous aviez argumenté votre réponse et qualifié
chacune des instances en jeu.
compagnon apparemment sur la foi d’une identification: « Il n’y a que Pierre (son
compagnon) qui lui a plu. Peut-être aussi parce qu’ils sont de la même région. » Notons
toutefois, que si Pierre est investi par Nausicaa d’un savoir qui n’a rien à envier à celui
dont elle crédite son père « très clairvoyant » et paraît effectivement prendre le relais de
ce dernier, il semble cependant avoir à coeur d’engager Nausicaa a plus d’autonomie et à
faire ce dont elle a envie (dessin) et pourrait s’avérer ainsi être un soutien dans sa timide
quête d’affranchissement.
Vous pouvez compter deux points si vous aviez repéré et argumenté la présence
d’une relation d’objet génitale en parlant des différentes relations évoquées par
Nausicaa. Il convenait d’identifier que le besoin d’étayage de la patiente est ici relatif
à sa personnalité dépendante et se joue sur un plan affectif et non essentiellement
narcissique, même si elle n’a pas confiance en elle et qu’Autrui est appréhendé
comme un soutien et non comme une prothèse narcissique; donc ne pas confondre
l’expression de sa relation d’objet génitale avec celle d’une relation anaclitique.
Vous devez connaître leur définition pour pouvoir identifier les mécanismes de
défense utilisés par le sujet de la vignette clinique.
Mais il sera inutile de fournir ces définitions à l’examen. En revanche, vous devez
justifier la présence de ceux que vous avez identifiés.
-Dénégations: « Je ne le lui reproche pas, mais cela ne m’a pas aidée à devenir
s’est passé! (Nausicaa pleure à chaudes larmes). Mais je ne l’accuse pas », « Je n’ai
pas insisté, ce n’était pas important, d’ailleurs je ne me suis toujours pas inscrite.»
-Isolation : Long silence après l’évocation de son agression pour bannir le ressenti
Vous pouviez compter deux points si vous aviez cité au moins ces quatre
mécanismes de défense en les justifiant correctement. Vous pouviez aussi citer : le
Déni de ses difficultés antérieures : « Non, cela allait. J’ai eu du mal à trouver la
bonne personne, c’est tout. », la projection de son sentiment de faute sur son mari,
la rationalisation de son abandon du dessin et de ses comportements amoureux
antérieurs.
Il importait de ne pas confondre mécanismes de défense et mécanismes délirants
(intuition, interprétation etc.)
1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
Nicolas (22 ans), étudiant en histoire de l’art, est adressé à un psychiatre par le
médecin généraliste qu’il a consulté à plusieurs reprises ces derniers mois pour des
douleurs dorsales et des troubles du sommeil.
A la première consultation, le patient se présente avec 30 mn de retard, sans
s’excuser (quand le psychiatre le lui fait remarquer Nicolas se contente de répondre
froidement : « Ah oui, c’est exact ») et vêtu seulement d’un bermuda, et d’ une
chemise sous un long manteau en daim alors que la température -nous sommes au
mois de février- est d’environ 5°. Questionné sur le fait qu’il puisse avoir froid,
Nicolas répond: « Non, pas du tout. C’est ma tenue habituelle et, de toute façon, je
suis immunisé contre le froid. D’ailleurs, il fait trop chaud chez vous, ce n’est pas
bon. Le chauffage ça nui à la planète et ça ramollit le cerveau. Je n’aime pas ça. On
peut faire n’importe quoi aux gens quand on leur ramollit le cerveau. Dans l’amphi, il
fait très chaud, je ne serais pas étonné que cela serve aussi à nous sélectionner. Si
on est ramolli, on rate l’examen, si on rate l’examen, on ne passe pas en Master,
CQFD. J’avais des partiels hier. Mais pour rester alerte, moi je m’entraîne à
supporter le froid. Le froid conserve les aptitudes. Depuis quelque temps d’ailleurs, il
me semple que ma peau a épaissi… Je me renforce. Je suis un peu chaman (rires),
l’esprit du feu m’accompagne. Interrogé sur ses liens avec ses coreligionnaires,
Nicolas précise: « Je ne les fréquente pas, ils ne m’intéressent pas trop.
Globalement, on pourrait dire que ce sont un peu des agneaux sous une peau de
tigre alors que moi, je serais plutôt un tigre sous une peau d’agneau. Ils n’ont qu’à
bien se tenir! Mais, on n’a pas les mêmes intérêts. Ils n’en ont pas, apparemment
ces abrutis. » Questionné sur la nature de ses intérêts, le patient répond: « Bof, l’art,
bien sûr, mais qu’est-ce que l’art? Et le chamanisme un peu. (bref silence) Les
énergies, tout ça… Je lis un peu là-dessus. J’aime mieux lire, je ne vois pas trop de
monde, le bruit me stresse, il y a toujours trop de bruit dans la rue, partout. Je ne
vais jamais au café, il y a trop de bruit et trop de lumière, je ne suis pas vraiment
papillon, plutôt libellule. Tout ça me stresse, les gens aussi. »
Au sujet de sa vie amoureuse et amicale Nicolas précise: « Je viens de vous le dire,
ça ne m’intéresse pas plus que ça les gens, les filles non plus. On ne se comprend
pas spécialement, je me sens mal avec elles, elles ont tendance à tout scruter… Ça
me stresse. C’est ça le problème, depuis l’année dernière, je suis tout le temps
stressé, encore plus qu’avant. Du coup je pense trop, j’ai du mal dormir : je me
réveille tout le temps, je suis énervé, je ne retiens pas ce que je lis. Cela m’angoisse,
j’ai l’impression que mon cerveau ramollit, ce n’est pas le moment si je veux passer
en Master… Ça me stresse. L’argent aussi. J’y pense tous les jours et je ne peux pas
me calmer. Je surveille mon compte tous les soirs. J’ai une bourse d’étudiant et je
promène des chiens pour me faire des sous, mais bon… D’ailleurs, j’espère que
vous êtes remboursé. »
Questionné sur la possibilité que ses parents puissent l’aider Nicolas répond: « Pas
vraiment, ils n’ont pas beaucoup d’argent et je les vois peu. Je les apprécie, mais ils
deviennent vieux, ça me fatigue. Et puis, ce n’est pas simple. Mon père n’est pas
gênant, il a toujours été plutôt du genre transparent, mais ma mère est collante. Elle
s’intéresse à tout ce que je fais, lit tout ce que je lis. Bon, c’est sûr que c’est à elle
que je demande de me faire réviser mes cours et puis j’ai un peu pompé ses centres
d’intérêt, mais moi je n’ai pas besoin d’elle pour vivre! A la base, c’est elle qui m’a
transmis son goût pour le chamanisme, l’ésotérisme. Elle s’est fait initier en Ardèche
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICD32019
quand j’étais petit, elle m’a emmené, on a aussi fait du cri primal ensemble et ado,
elle me trainait à son cours de tango. C’était pour que je rencontre des filles, mais il
n’y avait que des gens de son âge et j’étais surtout son cavalier. J’avais horreur d’y
aller. Heureusement, elle m’a emmené voir un énergéticien parce que j’ai eu une
période d’angoisse, j’avais tout le temps peur de mourir d’asphyxie dans mon
sommeil et j’avais des phobies : les araignées et la piscine, la mer aussi. Je ne
pouvais même plus m’en approcher, j’étais sûr que si je mettais un pied dedans,
j’allais me noyer alors que je sais parfaitement nager. Bref, l’énergéticien a dit à ma
mère qu’il ne fallait plus m’emmener au tango, que ce n’était pas bon pour moi. Et
comme c’était lui qui le disait, elle a accepté. Je ne sais plus quand elles se sont
arrêtées, mais je n’ai plus ces phobies. En revanche, j’ai toujours stressé, pour les
notes, ma santé, mon avenir, l’argent, bref pour tout alors qu’il n’y avait pas vraiment
de raisons d’autant que je suis doué, j’ai le profil HPI (Haut Potentiel Intellectuel),
vous avez remarqué je suis sûr, ça doit être intéressant pour vous des patients
comme ça. »
En fin de consultation, lorsque le psychiatre répond à un appel de son assistante qui
lui annonce l’arrivée du patient suivant, Nicolas dira « Ah, on vous parle de moi? » Et
face à la réponse négative du médecin, se contentera de dire « Ah bon, je croyais. »
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1.!
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIÈME ANNEE
Marie-Liesse Perrotin
Vignette clinique :
Nicolas (22 ans), étudiant en histoire de l’art, est adressé à un psychiatre par le
médecin généraliste qu’il a consulté à plusieurs reprises ces derniers mois pour
des douleurs dorsales et des troubles du sommeil.
A la première consultation, le patient se présente avec 30 mn de retard, sans
s’excuser (quand le psychiatre le lui fait remarquer Nicolas se contente de
répondre froidement : « Ah oui, c’est exact ») et vêtu seulement d’un bermuda,
et d’ une chemise sous un long manteau en daim alors que la température -nous
sommes au mois de février- est d’environ 5°. Questionné sur le fait qu’il puisse
avoir froid, Nicolas répond: « Non, pas du tout. C’est ma tenue habituelle et, de
toute façon, je suis immunisé contre le froid. D’ailleurs, il fait trop chaud chez
vous, ce n’est pas bon. Le chauffage ça nuit à la planète et ça ramollit le
cerveau. Je n’aime pas ça. On peut faire n’importe quoi aux gens quand on leur
ramollit le cerveau. Dans l’amphi, il fait très chaud, je ne serais pas étonné que
cela serve aussi à nous sélectionner. Si on est ramolli, on rate l’examen, si on
rate l’examen, on ne passe pas en Master, CQFD. J’avais des partiels hier. Mais
pour rester alerte, moi je m’entraîne à supporter le froid. Le froid conserve les
aptitudes. Depuis quelque temps d’ailleurs, il me semple que ma peau a
épaissi… Je me renforce. Je suis un peu chaman (rires), l’esprit du feu
m’accompagne. Interrogé sur ses liens avec ses coreligionnaires, Nicolas
précise: « Je ne les fréquente pas, ils ne m’intéressent pas trop. Globalement, on
pourrait dire que ce sont un peu des agneaux sous une peau de tigre alors que
moi, je serais plutôt un tigre sous une peau d’agneau. Ils n’ont qu’à bien se tenir!
Mais, on n’a pas les mêmes intérêts. Ils n’en ont pas, apparemment ces abrutis. »
Questionné sur la nature de ses intérêts, le patient répond: « Bof, l’art, bien sûr,
mais qu’est-ce que l’art? Et le chamanisme un peu. (bref silence) Les énergies,
tout ça… Je lis un peu là-dessus. J’aime mieux lire, je ne vois pas trop de
monde, le bruit me stresse, il y a toujours trop de bruit dans la rue, partout. Je ne
vais jamais au café, il y a trop de bruit et trop de lumière, je ne suis pas vraiment
papillon, plutôt libellule. Tout ça me stresse, les gens aussi. »
Au sujet de sa vie amoureuse et amicale Nicolas précise: « Je viens de vous le
dire, ça ne m’intéresse pas plus que ça les gens, les filles non plus. On ne se
comprend pas spécialement, je me sens mal avec elles, elles ont tendance à tout
scruter… Ça me stresse. C’est ça le problème, depuis l’année dernière, je suis
tout le temps stressé, encore plus qu’avant. Du coup je pense trop, j’ai du mal
dormir : je me réveille tout le temps, je suis énervé, je ne retiens pas ce que je
lis. Cela m’angoisse, j’ai l’impression que mon cerveau ramollit, ce n’est pas le
moment si je veux passer en Master… Ça me stresse. L’argent aussi. J’y pense
tous les jours et je ne peux pas me calmer. Je surveille mon compte tous les
soirs. J’ai une bourse d’étudiant et je promène des chiens pour me faire des
sous, mais bon… D’ailleurs, j’espère que vous êtes remboursé. »
Questionné sur la possibilité que ses parents puissent l’aider Nicolas répond:
« Pas vraiment, ils n’ont pas beaucoup d’argent et je les vois peu. Je les
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
apprécie, mais ils deviennent vieux, ça me fatigue. Et puis, ce n’est pas simple.
Mon père n’est pas gênant, il a toujours été plutôt du genre transparent, mais ma
mère est collante. Elle s’intéresse à tout ce que je fais, lit tout ce que je lis. Bon,
c’est sûr que c’est à elle que je demande de me faire réviser mes cours et puis
j’ai un peu pompé ses centres d’intérêt, mais moi je n’ai pas besoin d’elle pour
vivre! A la base, c’est elle qui m’a transmis son goût pour le chamanisme,
l’ésotérisme. Elle s’est fait initier en Ardèche quand j’étais petit, elle m’a
emmené, on a aussi fait du cri primal ensemble et ado, elle me trainait à son
cours de tango. C’était pour que je rencontre des filles, mais il n’y avait que des
gens de son âge et j’étais surtout son cavalier. J’avais horreur d’y aller.
Heureusement, elle m’a emmené voir un énergéticien parce que j’ai eu une
période d’angoisse, j’avais tout le temps peur de mourir d’asphyxie dans mon
sommeil et j’avais des phobies : les araignées et la piscine, la mer aussi. Je ne
pouvais même plus m’en approcher, j’étais sûr que si je mettais un pied dedans,
j’allais me noyer alors que je sais parfaitement nager. Bref, l’énergéticien a dit à
ma mère qu’il ne fallait plus m’emmener au tango, que ce n’était pas bon pour
moi. Et comme c’était lui qui le disait, elle a accepté. Je ne sais plus quand elles
se sont arrêtées, mais je n’ai plus ces phobies. En revanche, j’ai toujours stressé,
pour les notes, ma santé, mon avenir, l’argent, bref pour tout alors qu’il n’y avait
pas vraiment de raisons d’autant que je suis doué, j’ai le profil HPI (Haut
Potentiel Intellectuel), vous avez remarqué je suis sûr, ça doit être intéressant
pour vous des patients comme ça. »
En fin de consultation, lorsque le psychiatre répond à un appel de son assistante
qui lui annonce l’arrivée du patient suivant, Nicolas dira « Ah, on vous parle de
moi? » Et face à la réponse négative du médecin, se contentera de dire « Ah bon,
je croyais. »
1) Approche sémiologique :
-présentation du patient :
-motif de la consultation :
-éléments médicaux :
-antécédents personnels :
-antécédents familiaux :
Ardèche (au chamanisme) quand j’étais petit, elle m’a emmené, on a aussi fait
du cri primal ensemble (…) elle m’a emmené voir un énergéticien » lequel
contraste d’ailleurs avec les offres de soins auxquelles la plupart des personnes
en France ont plus habituellement recours.
Même si vous ne disposiez d’aucune information sur d’éventuels antécédents
familiaux à proprement parler, il était pertinent de dire quelques mots pouvant
éclairer la suite de vos propos.
Nicolas présente :
-un fond d'anxiété permanent depuis plusieurs années : « j’ai toujours stressé »
qui s’est accru depuis l’année dernière : « C’est ça le problème, depuis l’année
dernière, je suis tout le temps stressé, encore plus qu’avant. »
Certains d’entre vous ont listé ici des symptômes tels que : idées délirantes,
dissociation, autisme… Mais c’est de l’ordre de la majoration des traits de
personnalité de Nicolas. On ne note, en effet, ni dissociation ni autisme francs ni
délire constitué. Il est certes essentiel d’être vigilant mais tout autant de
conserver une grande prudence et de se défier de poser un diagnostic (surtout
aussi péjoratif) de façon trop péremptoire. Il en va de l’avenir des patients. Si ce
questionnement avait tout à fait sa place ici, il n’en reste pas moins que
précisément, il devait se cantonner au questionnement.
Enoncer les items au plus près de leur formulation initiale vous permet de ne pas
faire de confusion ou d’amalgame ni de perdre des informations.
qu’à cette idée qui le traverse, n’est pas associée une conviction délirante. Il était
particulièrement important de préciser ce point.
A noter que la phrase : « j’ai l’impression que mon cerveau ramollit » est
probablement à entendre comme une image : on est moins réactif quand il fait
chaud et non comme l’expression d’une illusion corporelle, mais pour en avoir
la certitude, il faudrait s’en assurer.
Au-delà de la pensée que nous avons évoquée dans l’item concernant ses
croyances bizarres, Nicolas possède un langage marqué par une certaine
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
Ses propos sont aussi parfois assez vagues : « Bof, l’art, bien sûr, mais qu’est-
ce que l’art? », « Les énergies, tout ça… »
Nicolas manifeste une idéation persécutoire : « On peut faire n’importe quoi aux
gens quand on leur ramollit le cerveau. Dans l’amphi, il fait très chaud, je ne
serais pas étonné que cela serve aussi à nous sélectionner. Si on est ramolli, on
rate l’examen, si on rate l’examen, on ne passe pas en Master. » ; sur fond de
méfiance (à propos des filles) : « On ne se comprend pas spécialement, je me
sens mal avec elles, elles ont tendance à tout scruter… » et concernant ses
coreligionnaires : « Ils n’ont qu’à bien se tenir! »
De même, sa réponse : « Ah oui, c’est exact » à propos de son retard, qui outre
sa froideur témoigne d’une absence de gêne et traduit son peu de maîtrise des
codes sociaux voire des usages favorisant habituellement les relations
interpersonnelles.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
Quant à ses parents, avec qui il semble rester en lien, ledit lien semble à tout le
moins peu affectueux :
« Je les apprécie, mais ils deviennent vieux, ça me fatigue. », « Mon père n’est
pas gênant, il a toujours été plutôt du genre transparent, mais ma mère est
collante. »
Il était important que vous précisiez à quoi vous semble due son anxiété sociale
à ne pas confondre avec un repli effectif (il va à la fac, à des employeurs).
2) Hypothèses diagnostiques :
Le fait est que c’est le cas. Nous ne présageons pas de la suite, mais
actuellement Nicolas ne présente aucun de ces troubles, il souffre au-delà de son
trouble de la personnalité, d’une anxiété généralisée.
Je vous rappelle que dans ces deux rubriques portant sur les diagnostics, il ne
convient pas que vous rééditiez ou complétiez vos relevés sémiologiques.
Par ailleurs, le différentiel s’effectue sur la foi d’un doute raisonnable (il ne
convient pas de mentionner un trouble auquel il n’y a pas lieu de penser), mais
ici, puisqu’il s’agit d’un exercice et à dessein que vous appreniez les diagnostics
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
- une personnalité évitante en raison de son anxiété et de son retrait social, mais
ce dernier tient à sa méfiance et non à une timidité ou une peur d'être critiqué,
jugé ou rejeté et, par ailleurs, Nicolas ne cherche nullement l’approbation, la
reconnaissance ni même l’amour d’autrui.
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
N.B : votre cours ne vous fournit pas ces éléments, mais sachez que l’on
pourrait également discuter :
- Dénégation : sur le plan formel : « Bon, c’est sûr que c’est à elle que je
demande de me faire réviser mes cours et puis j’ai un peu pompé ses centres
d’intérêt, mais moi je n’ai pas besoin d’elle pour vivre! » renvoyant à un déni
sur le fond.
- Projection : (cf ses anciennes phobies) et de ses propres intérêts réduits : « Ils
n’en ont pas, apparemment ces abrutis. »
J’attendais que vous justifiiez chaque critère et que vous proposiez une brève
hypothèse argumentative sans que votre analyse soit nécessairement très fouillée. Elle
devait cependant être pertinente et cohérente en elle-même ainsi qu’au regard des
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICC32019
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Sujet : A partir de cette vignette clinique, faites un relevé sémiologique concernant le trouble du sujet, relevez ses traits
de personnalité, puis proposez vos hypothèses diagnostiques sur son trouble et sa personnalité ainsi que sur son
fonctionnement psychique (diagnostic structural).
Vous rédigerez votre réponse en suivant ce plan de présentation : 1) Sémiologie du trouble (3 points) 2) Sémiologie de la
personnalité (5 points) 3) Hypothèses diagnostiques sur le trouble (2 points) et sur la personnalité (2 points) 4) Diagnostic
structural : type de conflit, nature de l’angoisse, type de relation d’objet, mécanismes de défense préférentiels. (8 points)
(20 points)
Vignette clinique :
Virginia, 31 ans, célibataire, sans enfant, bibliothécaire est reçue par une psychologue du CMP (centre
médico-psychologique). Elle a été adressée par son médecin traitant qui stipule dans sa lettre
d’accompagnement que « (…) malgré l’originalité dont Virginia a toujours fait preuve et nonobstant le fait
qu’elle ne rencontre pas de souci dans sa vie professionnelle, la patiente, qui vient de perdre sa mère,
semble assez exaltée et tient des propos étranges. (…) »
De fait, interrogée sur la façon dont elle a compris le conseil que lui a donné son généraliste de venir
consulter, Virginia, passablement agitée répond :
« Oh, il s’inquiète parce que je l’ai vu dernièrement pour une grippe, il suivait ma mère donc il savait
qu’elle venait de mourir et il a trouvé que je réagissais mal. Pourtant, ce n’est pas du tout le cas. Je sais
qu’elle est devenue un ange et qu’elle vit désormais dans la tribu d’Azraël. Elle est heureuse (sourire
vague) et va pouvoir voyager dans le cosmos. J’allume des bougies chaque soir pour qu’elle retrouve la
maison. J’aimerais tant y aller. »
La psychologue : « Où cela ? »
Virginia : « Dans le cosmos. J’ai toujours cru aux anges. Je sais qu’ils nous protègent. On en a plusieurs
chacun, vous savez. Personnellement, j’en ai 18, et il y en a toujours un sur chacune de mes épaules. Ils
veillent. Je les aime. »
La psychologue : « Vous êtes en relation avec eux ? »
Virginia : « Bien sûr, je leur parle tous les jours, ils me répondent, me donnent des conseils. Pour mon
anniversaire, j’ai eu le droit à un concert, ils jouaient tous de la cithare. C’était une très belle musique,
destinée à moi seule. En tout cas, j’ai fermé la fenêtre pour qu’elle ne dérange pas les voisins, parce qu’il
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICCEX2REV2018
était tard. La musique que l’on entend dans la voie lactée… J’aimerais bien m’y baigner, mais mon chat
n’aime pas l’eau. Remarquez, si c’est du lait… »
La psychologue : « Et, vous parlez de ces anges à vos amis ? »
Virginia : « Non, pas du tout. Je n’ai jamais vraiment eu d’amis, cela ne m’intéresse pas trop, je préfère la
compagnie des anges et celle des livres, c’est bien plus passionnant. C’est l’intérêt de mon métier, je
travaille dans une petite bibliothèque du quartier, il y a peu de monde. Je conseille des livres en fonction de
ce que l’on me demande, je le fais bien, mais cela ne va plus loin. Les gens ne s’intéressent pas à grand-
chose, mais cela m’est égal. J’ai une collègue remplaçante qui se moque si elle m’entend répondre à
Astaroth, mon ange gauche, mais ce n’est pas grave. C’est juste le signe qu’elle n’est pas élue, elle ne
l’entend pas, alors qu’il a une voix très aiguë. Pourtant, elle aussi vient de perdre sa mère, elle est venue me
le dire en pleurant. »
La psychologue : « Et que lui avez-vous dit ? »
Virginia : « Rien. Qu’est-ce que vous voulez que je lui dise ? C’est la vie, c’est la mort, c’est les anges. Et
je devais aller chercher des livres dans la réserve. »
La suite de la séance apprendra à la psychologue que virginia, n’a jamais eu de relation amoureuse et qu’
orpheline de père a deux ans, elle était très proche de sa mère: « Ce sont exactement les mêmes anges qui
nous gouvernaient, les 18. D’ailleurs, elle est morte le jour de ma naissance (le jour de son anniversaire en
réalité), elle revit en moi et je suis morte en elle, pourrait-on dire. C’est peut- être mon heure. Vous croyez
?» Virginia, qui n’attend pas la réponse, conclura l’entretien en précisant qu’elle ne voit pas l’utilité d’un
suivi, sauf si la psychologue souhaite des conseils pour entrer en communication avec ses propres anges
« surtout Astavid qui veut sûrement vous rappeler à lui ! »
Fonctionnement psychique et études de cas
EN35CLICCEXREV2018
LICENCE DE PSYCHOLOGIE
TROISIEME ANNEE
Marie-Liesse PERROTIN
Sujet : A partir de cette vignette clinique, faites un relevé sémiologique concernant le trouble du sujet,
relevez ses traits de personnalité, puis proposez vos hypothèses diagnostiques sur son trouble et
sa personnalité ainsi que sur son fonctionnement psychique (diagnostic structural).
Vous rédigerez votre réponse en suivant ce plan de présentation : 1) Sémiologie du trouble (3 points) 2)
Sémiologie de la personnalité (5 points) 3) Hypothèses diagnostiques sur le trouble (2 points) et sur la
personnalité (2 points) 4) Diagnostic structural : type de conflit, nature de l’angoisse, type de relation
d’objet, mécanismes de défense préférentiels. (8 points)
(20 points)
1) Sémiologie du trouble :
voie lactée… J’aimerais bien m’y baigner, mais mon chat n’aime pas l’eau. Remarquez, si c’est du
lait… », « D’ailleurs, elle est morte le jour de ma naissance (le jour de son anniversaire en réalité), elle
revit en moi et je suis morte en elle, pourrait-on dire » marquent une faiblesse de la systématisation.
2) Sémiologie de la personnalité :
-Virginia fait montre d’un retrait dans tous les champs de sa vie y compris professionnelle : « Je conseille des
livres en fonction de ce que l’on me demande, je le fais bien, mais cela ne va plus loin. » contrastant avec une
richesse de sa vie imaginaire.
-Elle semble assez distante, froide, incapable d’exprimer des sentiments affectueux ou de l’empathie envers
autrui : (à propos de ce qu’elle aurait pu dire à sa collègue qui venait de lui apprendre le décès de sa mère):
« Rien. Qu’est-ce que vous voulez que je lui dise ? C’est la vie, c’est la mort, c’est les anges. Et je devais aller
chercher des livres dans la réserve. »
-Elle montre une indifférence à la critique ou aux moqueries : « J’ai une collègue remplaçante qui se moque si
elle m’entend répondre à Astaroth, mon ange gauche, mais ce n’est pas grave. »
-Elle a un intérêt réduit pour les relations sexuelles, ce que l’on peut inférer du fait que Virginia n’évoque pas du
tout la sexualité et n’a jamais eu de relation amoureuse (par ailleurs, il est connu que les anges n’ont pas de
sexe).
-Virginia semble solitaire, repliée sur elle-même, désintéressé des relations amicales : « Je n’ai jamais vraiment
eu d’amis, cela ne m’intéresse pas trop, je préfère la compagnie des anges et celle des livres, c’est bien plus
passionnant. » mais connaître en revanche une vive production imaginative, faite de croyances mystiques
bizarres.
-Elle est vraisemblablement considérée comme une originale aux idées inhabituelles (cf la lettre du médecin).
Mais elle conserve son adaptation socio-professionnelle sans doute aidée en cela par le type de métier qu’elle a
choisi et le fait qu’il vienne peu de monde dans sa petite bibliothèque de quartier.
Vous pouviez aussi préciser que Virginia a 31 ans et que ce type de délire débute entre 30 et 45 ans, que la
paraphrénie relève d’une fragmentation psychique partielle entre un secteur délirant qui conserve une unité
interne et un secteur qui reste adapté à la réalité (la réalité professionnelle).
Personnalité schizoïde.
4) Approche structurale :
Conflit : Entre le ça et la réalité via un moi poreux. Le surmoi n’a manifestement pas pu se former (sans doute en
lien avec le décès de son père quand elle avait deux ans. Celui-ci est d’ailleurs totalement absent de son
discours). Aucun barrage n’est donc fait ni celui de la réalité ni celui du surmoi aux pulsions libidinales et
agressives de Virginia qui inondent littéralement son moi et qui la contraignent à produire une néo-réalité : sa
mère est morte, mais ne l’est pas, elle vit avec les anges dans une tribu etc. Sa vie psychique est régie par le
principe de plaisir. Son Idéal du Moi est absent, effacé par un Moi Idéal à l’expression bruyante, manifeste dans
ses idées d’élection.
Mécanismes de défense :
Déni : de pans entiers de la réalité (cf délire), de sa pathologie : Virginia ne voit pas l’utilité d’un suivi.
Projection : (cf délire) et par exemple de son manque d’intérêt : « Les gens ne s’intéressent pas à grand-chose"
Clivage du moi : Une part du moi de Virginia tient compte de la réalité (elle reste en partie socialement adaptée)
mais l’autre dénie les pans de réalité qui viennent contrarier ses exigences pulsionnelles et met en place une
néo-réalité (son délire).
Identification projective : « Virginia, qui n’attend pas la réponse, conclura l’entretien en précisant qu’elle ne voit
pas l’utilité d’un suivi, sauf si la psychologue souhaite des conseils pour entrer en communication avec ses
propres anges « surtout Astavid qui veut sûrement vous rappeler à lui! » Ceci manifeste le désir de nuire de
Virginia à la psychologue en s’