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Modèles de gestion des flux :

présentation et choix

par Guy BALMANA


Ingénieur Conseil Organisation et Logistique
Certifié Fellows par l’APICS (CFPIM)
et René BALMES
Ancien Senior Consultant Industrie et Distribution. IBM Global Services
Certifié Fellows par l’APICS (CFPIM)

1. Problématique ........................................................................................... AG 5 100 - 2


1.1 Évolution de la gestion des flux.................................................................. — 2
1.2 Problématique de gestion des flux en production .................................... — 3
1.3 Évolution de l’environnement..................................................................... — 4
1.4 Évolution des méthodes de gestion ........................................................... — 5
2. Différents modèles de gestion des flux ............................................. — 6
2.1 Le premier âge.............................................................................................. — 6
2.2 La maturité.................................................................................................... — 6
2.2.1 Le MRP (Material Requirements Planning ) ...................................... — 6
2.2.2 Le MRP 2 (Manufacturing Resource Planning ) ................................ — 7
2.2.3 L’ERP (Enterprise Resource Planning )............................................... — 8
2.2.4 Le DRP (Distribution Resource Planning ) ......................................... — 8
2.3 La remise en cause....................................................................................... — 8
2.3.1 Le juste-à-temps (JAT) ou « Just in Time » (JIT) .............................. — 8
2.3.2 Les flux synchrones ............................................................................ — 9
2.3.3 La théorie des contraintes (OPT - TOC) ............................................. — 10
3. Évolutions récentes ................................................................................. — 10
3.1 Modèles de type « prévisionnel » ............................................................... — 11
3.2 Modèles de type « réactif » ......................................................................... — 11
3.3 Accompagnement technologique............................................................... — 11
4. Choisir un modèle de gestion des flux .............................................. — 12
4.1 Comparer les logiques................................................................................. — 12
4.2 Gérer le changement ................................................................................... — 14
5. Conclusion et perspective ..................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 100

M RP, ERP, JAT, OPT, GPA... autant de sigles ésotériques qui ne manquent
pas d’être entendus dès lors que l’on s’intéresse à la gestion des flux. De
quoi s’agit-il au juste et comment faire son choix au moment d’arrêter l’appro-
che à retenir pour améliorer les performances de l’entreprise ? Voilà quel-
ques-unes des questions qu’il convient d’aborder avant de se lancer dans la
mise en œuvre de tels outils, qui demande souvent plusieurs années d’effort
et s’accompagne d’investissements lourds se chiffrant en millions d’euros.
Face à ce problème, cette introduction à la gestion des flux a pour ambition
d’être un outil d’aide à la décision, un guide d’orientation à utiliser avant de se
lancer dans l’étude approfondie de l’un quelconque des systèmes existants.

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Cet article, dont le but est de faciliter les premiers contacts avec la gestion
des flux, se veut donc général, vulgarisateur et aussi complet que possible
quoique évitant les descriptions techniques détaillées qui ne s’avèrent pas
forcément utiles lors d’une première analyse.
La démarche retenue consiste donc à exposer, dans un premier temps, la
problématique de la gestion des flux, l’incidence de l’environnement écono-
mique sur les objectifs à atteindre ainsi que les évolutions des méthodes de
gestion, analysées au travers de leurs conséquences sur les performances de
l’entreprise et le périmètre optimisé.
Dans un deuxième temps, cet article décrit succinctement les différents
modèles existants, ou tout du moins les plus représentatifs, essayant d’en
extraire les caractéristiques principales quant à la logique qui les anime, les
principes de gestion retenus ainsi que leur incidence sur l’organisation de
l’entreprise.
Ce tour d’horizon effectué, une synthèse rapide permet de classer les
modèles suivant deux grandes tendances qui sont confrontées dans une étude
comparative dont le but est de mettre en évidence les différences essentielles
entre ces approches, permettant ainsi d’orienter le choix en connaissance de
cause.

Faisant suite à cet article, le pilotage des flux est présenté dans l’article AG 5 105.

1. Problématique et ne peuvent faire face à la totalité des besoins. Les industriels


d’une manière générale sont amenés à organiser leurs moyens de
production pour mettre sur le marché le maximum de produits.
Aboutissement d’une longue mutation, le terme « gestion de Améliorer la productivité de la main-d’œuvre directe devient la
flux » est utilisé pour désigner toutes sortes de techniques et de priorité pour les chefs d’entreprise.
moyens indispensables à l’optimisation de l’ensemble des activités ■ L’apparition de l’informatique
qui vont de la fabrication d’un produit à sa mise à disposition pour
un client. La mise sur le marché de gros ordinateurs capables de traiter
rapidement un volume important d’information ouvre de nouveaux
Devant les enjeux représentés par la maîtrise économique des
horizons. Cette nouvelle technologie va induire de profonds chan-
flux, cette préoccupation, bien qu’ayant pris sa source dans le
gements dans la conduite des opérations et permettre l’éclosion de
rationalisme du monde industriel, s’est peu à peu répandue pour
la « gestion de production » basée sur la modélisation de l’appareil
gagner aujourd’hui l’ensemble des acteurs de la filière de distribu-
de production.
tion.
Ainsi, depuis les premiers balbutiements, à l’époque où l’ambi- ■ La gestion de production
tion des industriels se limitait à gérer un stock ou, plus tard, une Produire PLUS et produire MIEUX (moins cher), tels sont les
production, jusqu’à nos jours, les évolutions qui se sont succédé principaux objectifs recherchés au travers de ce nouveau concept.
méritent d’être analysées pour comprendre les mécanismes mis en
Produire PLUS par de nouvelles approches appliquées en fabri-
œuvre et les objectifs visés au travers de ces différentes tech-
cation (organisation des tâches, mesure des temps, séries écono-
niques.
miques...) pour une utilisation maximale des capacités disponibles.
Produire MIEUX avec l’apparition des premiers concepts de
1.1 Évolution de la gestion des flux gestion (quantités économiques d’achat, classification « ABC »,
planification des activités, ordonnancement des tâches...).
On peut considérer que la notion de gestion intervient au début La « gestion de production » est née. Cette première étape de la
des années 1950 sous l’effet de plusieurs éléments, qui, bien gestion des flux, centrée sur la fabrication des produits, est à la
qu’indépendants et de natures différentes, conduisent à s’intéres- base de la définition des modèles de référence.
ser à la meilleure utilisation possible du système de production.
L’arrivée à maturité des modèles de gestion de la production
Nota : nous désignons par le terme « système de production » l’ensemble composé
d’activités, de personnes et de moyens permettant à une entreprise de fabriquer les pro- permet ensuite de s’intéresser à des aspects complémentaires du
duits qu’elle commercialise. Ses caractéristiques sont déterminées par le type de produits flux dont l’élément essentiel est représenté par la distribution des
fabriqués et la façon de le faire. On peut considérer deux grandes classes de processus produits, traitée, dans un premier temps, suivant les mêmes prin-
de fabrication : le traitement continu de la matière première (industries de process) et la
transformation, étape par étape, d’objets physiques (industrie de transformation). C’est à
cipes, en tant que telle et de manière indépendante.
cette dernière que nous nous intéresserons plus particulièrement même si les systèmes La gestion des flux ne cesse dès lors d’évoluer en fonction de
de production présentent tous des similitudes dans leur structure articulée autour de
deux grandes parties : « la planification » et « l’exécution », la première préparant le tra- son contenu et du périmètre à optimiser. Rebaptisée successive-
vail de la seconde. ment « gestion industrielle », puis « gestion d’entreprise », elle finit
par intégrer tous les éléments nécessaires à l’approvisionnement,
■ Le besoin de productivité à la transformation et à la distribution des produits pour couvrir
La période d’après-guerre entraîne une forte demande des aujourd’hui le management de la chaîne logistique globale (Supply
consommateurs alors que les capacités de production sont limitées Chain Management ).

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Dans un souci de simplification, c’est au travers de cette évolu-


tion que nous allons :
— répertorier, caractériser les principaux modèles de gestion
disponibles, issus pour la plupart de la problématique de gestion Flux produit
des flux en production ; Produit
fini ou
— analyser les évolutions récentes liées à l’extension du péri- semi-fini
mètre de gestion à la chaîne logistique globale ;
— comparer les logiques proposées et tenter d’indiquer Flux articles
comment, devant cette diversité de modèles, faire le choix le Fournisseur Client
mieux adapté aux objectifs poursuivis. Stock

1.2 Problématique de gestion des flux Figure 1 – Flux articles et flux produits
en production
Si l’on veut caricaturer à l’extrême la problématique de gestion
des flux, telle qu’elle se pose à l’origine en production, on peut
considérer qu’elle se décompose en deux sous-processus : piloter Cycle d'obtention
les opérations de fabrication conduisant à la réalisation d’un pro-
duit, et pour ce faire, approvisionner en temps opportun les postes Réactivité
souhaitée
de travail (donc au passage le stock) de toutes les matières,
composants ou sous-ensembles nécessaires, que l’on désignera
par la suite sous le terme générique d’articles (figure 1). Réactivité
apparente
■ Piloter les opérations de fabrication
Mettre un produit sur le marché suppose que l’on ait accompli Le client
Cycle Réactivité
un processus de transformation (pouvant souvent demander plu- souhaitée
d'obtention t
sieurs mois) allant de l’achat de matière première et de compo-
sants à la réalisation de sous-ensembles plus ou moins complexes,
lesquels, par combinaisons et adjonctions de nouveaux articles
achetés ou fabriqués, se combineront lors des opérations d’assem- La réactivité apparente représentée par est en fait le point
blage final, pour donner lieu à un produit commercialisable. d'équilibre entre les deux points de vue, et peut se situer en
n'importe quel endroit du processus de transformation.
Par ailleurs, une vision plus globale met en évidence d’autres
activités qui, bien que réalisées hors des limites de l’atelier de
fabrication, sont tout aussi nécessaires à la mise à disposition du Figure 2 – La réactivité apparente
produit pour le client (préparation, emballage, facturation, trans-
port...). Le « cycle d’obtention » d’un produit est ainsi obtenu par
l’addition des temps élémentaires de chaque activité... augmentés
d’un facteur non négligeable, le temps d’attente entre celles-ci.
En contrepartie, le consommateur désireux de se procurer un
Offre
produit n’est disposé qu’à attendre un « certain temps », notion
certes floue mais néanmoins dimensionnable car directement liée Années Excédent
1950 Demande
à la loi de l’offre et de la demande. Nous donnerons à cette durée
la dénomination de « réactivité souhaitée ». 2000
Pénurie
Les composantes du problème sont maintenant posées : d’un
côté, l’impatience du client qui veut son produit le plus vite
possible ; de l’autre, la volonté de l’industriel à n’engager les opé-
rations que sur des éléments concrets, les commandes (figure 2).
Figure 3 – Évolution offre/demande
Le point d’équilibre proposé à l’instant t représente, pour le
client, la « réactivité apparente » du système de production, maté-
rialisée par le temps de réponse à une commande émise, et pour
l’industriel, une ligne de démarcation importante dans le choix des Le terme générique « approvisionnement » sera utilisé dans ce
méthodes de gestion de production à appliquer de part et d’autre document pour définir ce processus, qu’il s’agisse de matière pre-
de cette frontière, lancement sur prévision ou sur commande. mière, de composants, de sous-assemblages, achetés à l’extérieur
L’évolution du rapport des forces entre les deux acteurs ou fabriqués dans l’entreprise. Ainsi, même si le vocabulaire utilisé
(figure 3), concrétisée par le déplacement de ce point d’équilibre présente quelques différences (ordre d’achat, ordre de fabrication),
vers le client, explique en grande partie les nombreux change- le problème posé consiste à disposer des différents composants en
ments intervenus, durant la deuxième moitié du XXe siècle, en bonne quantité (ni trop, ni pas assez) et au bon délai (ni trop tôt,
matière de pilotage des opérations de fabrication. ni trop tard).
La résolution de cette équation d’apparence simple associée à la
■ Approvisionner les postes de travail
recherche de la meilleure performance en niveau de service (rup-
Quelle que soit la technique retenue pour fabriquer un produit tures d’approvisionnement) et immobilisations (sur-stocks) se
(flux poussé, flux tiré...), il est toujours indispensable de rendre dis- révèle en fait comme le défi majeur proposé aux systèmes de ges-
ponible au bon endroit et au bon moment les articles nécessaires tion, lesquels, au travers d’approches plus ou moins complexes
à la production, tout en minimisant les immobilisations (stocks et tenteront, jour après jour, d’apporter la meilleure réponse à ce
en-cours). dilemme.

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■ Résumé de la problématique

Offre
Vue sous un certain angle, la problématique de la gestion des
flux en production peut donc se résumer à l’optimisation de Années Excédent
1950 Demande
deux activités : fabriquer et approvisionner, pour lesquelles il est
nécessaire de définir un déclencheur et une information décri- 2000
Pénurie
vant la nature du besoin. Comme nous le verrons dans la suite
de cet article, les options retenues pour la définition de ces
éléments de base, en particulier le déclencheur de l’activité, font
partie des caractéristiques discriminantes des différents modè- CAPACITÉ RÉACTIVITÉ
les de gestion.

Figure 4 – Évolution des objectifs

1.3 Évolution de l’environnement


Passer d’une période de pénurie où l’offre n’arrive pas à satis-
faire la demande à une situation d’excédent où le client choisit
SON produit, au moment où il le veut, met en évidence la nécessité 4 1

Dynamique
d’adaptation des systèmes de gestion de production (figure 4). Artisanat

QUOI (le produit)


D’une problématique de gestion de capacité où l’important est Personnalisation Innovation
de masse Production
de produire le plus possible, où l’industriel dispose de tous les
personnalisée
atouts, il faut évoluer vers des systèmes de production axés sur la
flexibilité, la réactivité, l’adaptabilité au marché. Bien sûr, il serait
restrictif de considérer que la figure 4 résume à elle seule ce chan-

Stable
gement d’objectif. En fait, les raisons de ce changement sont mul- Production Amélioration
de masse permanente
tiples, s’autoalimentent les unes les autres pour entraîner un
déséquilibre de plus en plus marqué vers le besoin de réactivité. 2 3
Ainsi, la pléthore de produits sur le marché engendre une réac-
tion de la part des industriels, lesquels, pour reprendre des parts Stable Dynamique
de marché, diversifient leurs produits, raccourcissent leur durée de COMMENT (le process)
vie, les personnalisent toujours plus, renouvellent sans cesse
l’offre, et contribuent à mettre en place un cercle vicieux les pous- Figure 5 – Modèle de la stabilité dynamique
sant à innover encore davantage et plus fréquemment.
Cette évolution de l’environnement, ce passage de l’artisanat à la
personnalisation de masse sont ainsi très bien décrits par le gains potentiels. C’est l’époque de l’amélioration permanente. Des
modèle de stabilité dynamique développé par Boynton et Pines petits pas, une implication de tout le personnel, des cercles de qua-
(figure 5). lité, des groupes de progrès, tous les moyens sont bons dès lors
Ce modèle fait apparaître deux axes, l’un représentant la qu’il s’agit de simplifier les modes de fonctionnement et donc de
demande externe caractérisée par la vitesse de renouvellement des réduire les coûts de revient. En fait, cette étape s’avère transitoire.
produits, l’autre, l’organisation interne caractérisée par des Le client (roi ou dictateur) est né, et quelle qu’en soit la forme, il a
méthodes de travail plus ou moins figées. pris le pouvoir. Son souhait est d’avoir maintenant un produit peu
coûteux, de bonne qualité, immédiatement disponible, correspon-
Chronologiquement, disons pour fixer les idées que, jusqu’aux
dant à son besoin propre.
années 1920, le comportement d’artisan prime. Les produits sont
fabriqués à la demande, pour un client identifié, suivant des pro- C’est ainsi que les années 1990 voient l’émergence d’une nou-
cédés adaptés à chaque cas de figure. La notion de productivité velle notion : la personnalisation de masse. Il s’agit maintenant de
n’est pas essentielle. faire preuve de souplesse et d’adaptabilité pour proposer la diver-
sité et la personnalisation attendue... à des prix acceptables. Dès
Ensuite, des années 1920 à 1970, l’artisanat laisse peu à peu la lors, l’industrie s’oriente vers le modèle « Lego » où, à partir de
place à l’industrialisation. Les premières notions d’assemblage pièces élémentaires fabriquées en masse, au moyen de processus
apparaissent, les tâches sont découpées, le modèle taylorien mis performants, il est possible de réaliser par une adaptation dyna-
en évidence par Ford s’installe dans l’entreprise où toutes les acti- mique la combinaison souhaitée par le client.
vités sont rationalisées. Le but consiste à mettre en place des pro-
cessus de fabrication stables en vue d’une production efficace. Remarque : même si la chronologie ci-dessus est positionnée
Bientôt complétés par l’apparition de l’informatique, les ingré- dans le temps, il est évident que les phases décrites ne sont pas
dients se mettent en place pour assurer une production de masse exclusives de la période mentionnée et doivent être plutôt
au meilleur coût de revient. considérées comme un enchaînement normal des phases d’indus-
trialisation.
Vers le milieu des années 1970, une nouvelle concurrence
apparaît sur le marché avec l’arrivée de l’industrie japonaise. Les Ainsi, lorsque l’entreprise invente un produit, quelle que soit la
entreprises occidentales, jusqu’alors gérées suivant les mêmes période, elle élabore de nouveaux processus, fabrique les premiè-
principes, sont dans un premier temps déstabilisées par l’appari- res séries, profite de son avantage concurrentiel pour mettre son
tion de nouvelles approches qui rapidement vont s’étendre au produit rapidement sur le marché. Passée cette première étape de
monde industriel. La production de masse, jusqu’alors tournée mise en production, les processus se stabilisent pour entrer dans
vers l’optimisation des coûts internes, va, sous la pression du mar- la phase d’industrialisation. Commencent alors les recherches
ché qui fixe les prix, évoluer vers la recherche de solutions permet- d’améliorations pour simplifier les modes opératoires jusqu’à
tant le maintien d’une marge opérationnelle positive. La chasse au l’arrivée de concurrents poussant à une nouvelle itération.
gaspillage devient le « safari » à la mode, il n’est plus question que De même, si la concurrence est peu ou pas présente et le produit
de valeur ajoutée, tous les coûts sont scrutés pour détecter les attractif par lui-même, le client accepte un produit peu riche en

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Efficacité
COÛTS DIRECTS
Élevés Faibles ?
Simplistes

Faibles
1950 2000 Personnalisation
de masse
Décentralisation
MODES DE GESTION

Vision globale

COÛTS INDIRECTS
Simplifier
Réseaux Responsabiliser
Décentraliser
Production
de masse
Pouvoir central
Bases de données
1980 Contrôler Systèmes intégrés
Complexes

Centraliser
Optimiser
Élevés Artisanat
Papier
Pouvoir local
Artisanale Sophistiquée Décentralisation
ORGANISATION DE LA PRODUCTION Complexité

Figure 6 – Incidence des modes de gestion sur les coûts Figure 7 – Incidence des modes de gestion sur l’efficacité

options et variantes. Toutefois dès que l’enthousiasme initial dimi-


nue ou que la concurrence intervient, la personnalisation devient
souvent une évolution obligatoire. Supply Chain

CPFR

1.4 Évolution des méthodes de gestion Stock MRP JAT ISC


replenishment DRP
OPT RSV
Point de MRP 2
Poussées par les évolutions significatives des lois du marché, les commande ERP GPA
méthodes de gestion doivent s’adapter pour mettre l’accent sur la
Le client
flexibilité et la personnalisation de masse au travers de modes
opératoires efficaces et efficients. Cette nécessité de mutation Gestion de stock
marque en fait le point de départ d’une succession de change- Gestion de production
ments plus ou moins profonds, allant de la simple adjonction de
nouvelles fonctionnalités aux méthodologies existantes jusqu’à Entreprise étendue
l’éclosion de nouveaux concepts, de principes de gestion origi-
naux, provenant de cultures industrielles différentes, et souvent
présentés comme mieux adaptés aux nouveaux défis proposés aux
dirigeants d’entreprise. t
MRP Material Requirements Planning
Avant de se lancer dans la description de ces différents modèles MRP2 Manufacturing Resource Planning
de gestion des flux apparus au cours des cinquante dernières JAT Juste à temps
années, il peut s’avérer intéressant d’analyser l’incidence de leur OPT Optimized Production Technology
évolution sur les performances de l’entreprise, tant du point de vue ERP Enterprise Resource Planning
CPFR Collaborative Planning Forecast and Replenishment
coût qu’efficacité.
ISC Integrated Supply Chain
■ Évolution des coûts RSV Réapprovisionnement sur ventes
GPA Gestion partagée des approvisionnements
Développés dans un premier temps pour réduire les coûts
directs, les outils de gestion se complexifient au fur et à mesure
Figure 8 – Principaux modèles de gestion
pour permettre d’atteindre des objectifs toujours plus élevés
(figure 6).
Cette évolution des modes de gestion s’accompagne d’un trans-
fert de coût sur les structures indirectes en charge du contrôle et c’est l’époque de la centralisation. Dès lors, l’entreprise s’organise
du pilotage de la production. autour de grandes fonctions spécialisées pour gérer au mieux la
production de masse. L’efficacité globale augmente au prix d’une
Devant le coût prohibitif des activités de support, la tendance plus grande complexité des modes de fonctionnement.
s’inverse. La recherche d’algorithmes ou de moyens toujours plus
sophistiqués marque une pause pour laisser place à une remise à La structuration de l’entreprise en organisations autonomes, dis-
plat des modes de fonctionnement, qui vont dès lors évoluer vers posant d’objectifs propres, finit par représenter une certaine lour-
une plus grande simplification malgré la recherche d’objectifs tou- deur face à la flexibilité recherchée. Un changement de cap
jours plus ambitieux. intervient, le pouvoir de décision, basé sur des événements sim-
ples, est décentralisé au plus proche des opérations, le partage
■ Évolution de l’efficacité d’information avec les partenaires est facilité par la mise en réseau
À partir d’un mode de fonctionnement artisanal dans lequel le des acteurs. Des techniques du passé refont leur apparition et,
dirigeant a la maîtrise de tous les éléments nécessaires à la prise grâce à de nouveaux moyens, l’entreprise progresse encore et
de décision, les mécanismes se compliquent, il devient difficile tente de se stabiliser dans l’attente de la prochaine évolution
pour une même personne de contrôler l’ensemble de l’information, (e-business ? ) (figure 7).

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■ Historique des modèles


Sans avoir la prétention d’être exhaustif, il est possible de pro- Stock
Cycle de
poser une représentation chronologique de différents modèles uti- réapprovisionnement
lisés en matière de gestion des flux (figure 8). Quantité
De l’artisan qui s’intéresse essentiellement à son travail, on disponible à t0
passe à un comportement industriel qui peu à peu englobe toute Prévisions de
l’entreprise, puis ses partenaires (les fournisseurs) avant de se consommation
tourner complètement vers le client final.
Nous nous efforcerons dans la suite de cet article d’indiquer
pour chacun d’eux, leurs caractéristiques essentielles et leurs Point de commande ✪
conséquences sur l’organisation de l’entreprise.
Remarque : bien que pour la clarté de l’exposé nous ayons opté
pour une présentation chronologique des différents modèles, il 0
serait faux de considérer que les premières solutions décrites sont t0 Temps
pour autant périmées et rendues obsolètes par les suivantes. En
réalité toutes les solutions (y compris celles qui paraissent les plus Le point de commande est une quantité déterminée à priori
archaïques) présentent un intérêt et peuvent encore aujourd’hui et intemporelle. Une action ✪ est nécessaire lorsque la quantité
(avec des moyens plus évolués) satisfaire leurs utilisateurs. en stock passe au-dessous du niveau (pointillé) représenté par le
point de commande.

Figure 9 – Le point de commande


2. Différents modèles
de gestion des flux Ainsi fleurissent toutes sortes de nouveaux concepts de gestion
tels que quantités économiques d’achat, taille de lots, classification
ABC... dans le but de trouver le meilleur compromis entre les coûts
2.1 Le premier âge (émission de commande, préparation des outils) et les économies
■ Le remplacement du consommé (stock replenishment ) potentielles représentées par les ristournes quantitatives ou autres
séries économiques.
Première méthode empirique de tenue de stock, issue de l’obser-
vation de l’épicerie du coin, cette technique consiste à restaurer un En parallèle, sous l’influence des possibilités offertes par l’infor-
niveau de stock préalablement établi. Une revue périodique permet matique, de nouvelles applications, spécifiques à des groupes de
de constater de visu que certains produits ont été consommés et personnes (gestion des stocks, gestion des commandes...), appa-
qu’il y a lieu de les remplacer par l’émission d’une commande ou raissent dans l’entreprise. Chaque application étant dédiée, les
d’un ordre de fabrication. Bien vite, parlant de GESTION de stock, données se multiplient ou même se dupliquent. Il devient rapide-
on va reprocher à cette technique rudimentaire de ne pas prendre ment nécessaire d’organiser ces ensembles hétéroclites et d’assu-
en compte les évolutions prévisibles de consommation et de ne rer la cohérence des informations. L’heure de la maturité a sonné.
pas adapter le niveau du disponible aux variations de la demande. Remarque : complétées par des algorithmes sophistiqués de
S’agissant, dans une entreprise industrielle, d’avoir la bonne projection des prévisions de consommation, les solutions basées
quantité de produit au bon moment, ni trop tôt ni trop tard, cette sur le concept du point de commande restent très efficaces pour
solution est rapidement considérée comme un pis-aller, une façon des entreprises qui font de la distribution sans transformation
comme une autre d’avouer son incapacité à déterminer le besoin comme certains grossistes ou détaillants ou même des entreprises
exact à venir (quantité, date). L’apparition de nouveaux outils, en très importantes qui ne gèrent qu’un stock global comme les
l’occurrence les ordinateurs, sonne le glas de cette technique jugée « vépécistes ». Les solutions, bien qu’issues d’un même modèle
trop lente et coûteuse dans un environnement industriel. de base, diffèrent alors par les logiques d’extrapolation de la
demande future qui peuvent, par exemple, dépendre de collections
Le remplacement du consommé est cependant toujours utilisé
ou d’un niveau de catalogue.
dans certains commerces de détail qui recomplètent les produits
disponibles à la vente soit par des méthodes manuelles (observa-
tion des « trous » ou des manques) soit par des méthodes automa-
tiques basées sur les sorties caisses. 2.2 La maturité
■ Le point de commande (reorder point )
Quelle que soit la forme sous laquelle elle se met en œuvre, 2.2.1 Le MRP (Material Requirements Planning )
cette technique est considérée comme une version améliorée de la
précédente dans la mesure où elle va tirer profit des nouvelles Véritable révolution dans la gestion de production, le MRP doit
capacités de traitement de l’information apportées par les ordina- être considéré comme le premier modèle de référence. Pour la pre-
teurs. mière fois dans l’histoire industrielle, un système d’information va
Connaissant le cycle de réapprovisionnement d’un article donné, pouvoir exploiter toute la puissance de l’informatique et permettre
le principe consiste à projeter l’évolution de la quantité en stock à de réaliser un « calcul des besoins » des articles : matière,
partir des prévisions de consommation sur la période. Dès lors, si composants et autres sous-assemblages.
le stock résiduel montre que l’on passe en dessous du point de Les nouveautés apportées par le MRP et ses évolutions ulté-
commande à l’intérieur du cycle de réapprovisionnement, le sys- rieures sont nombreuses et vont nécessiter de la part des utilisa-
tème propose d’agir (commande externe ou ordre de fabrication) teurs un changement profond dans les méthodes de travail.
(figure 9).
Sur la base de cette nouvelle approche, de nouvelles formes ■ Une logique
d’optimisation apparaissent. Savoir qu’il faut commander ou fabri- Le principe de départ est relativement simple puisqu’il s’agit, à
quer c’est bien, définir la bonne quantité à acheter ou produire, partir d’un plan directeur de production de « calculer » l’approvi-
c’est mieux. sionnement des composants nécessaires en « quantité, date »

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La planification

Plan directeur

Besoins Structure
externes produit
MRP

Production Achats

Stock

L'exécution

Figure 11 – Pilotage de l’exécution

l’information et rend compte (entrées en stock) au moment du


Figure 10 – La logique MRP solde des ordres d’achat ou de fabrication.
■ Des conséquences sur l’organisation de l’entreprise
Si l’on se réfère aux caractéristiques énoncées, il apparaît évi-
(figure 10). Ce calcul (MRP) repose sur les données de base dent que le MRP a pour effet immédiat un renforcement de l’orga-
suivantes. nisation taylorienne du travail. Que ce soit l’intégration des
● Le plan directeur, représentation du plan de production prévi- données, l’unicité de l’information, la centralisation du calcul des
sionnel exprimé généralement en termes de produits finis et déduit besoins, la définition de structures des produits, tout conduit à
des prévisions commerciales. créer dans l’entreprise, des activités spécialisées regroupées en
● Les besoins externes « indépendants », c’est-à-dire ne décou- puissantes organisations fonctionnelles.
lant pas de la décomposition du plan de production. Les évolutions à venir et les optimisations qu’elles entraînent
● La structure produit, description des produits à fabriquer au vont amplifier le mouvement au travers d’une complexification des
travers de l’arborescence des relations entre produit - assem- tâches et d’une spécialisation de plus en plus poussée qui, pro-
blages - composants élémentaires. gressivement, conduira à créer deux mondes dans l’entreprise, les
● La modélisation du système de production décrit au travers de cols blancs (qui décident) et les cols bleus (qui exécutent).
paramètres (stocks disponibles, cycles de fabrication, d’approvi-
■ Les évolutions du MRP
sionnement, sécurités, tailles de lots, rendements, temps de trans-
port...). Ces données sont traitées pour déterminer les « besoins Développé au début des années 1960, le modèle MRP s’impose
nets » (besoins bruts - stocks disponibles - commandes en cours) rapidement comme le modèle de référence en gestion de produc-
et en déduire les recommandations d’approvisionnement à effec- tion. Les plus grandes entreprises, américaines pour la plupart,
tuer pour les satisfaire. Les recommandations, après analyse, sont adoptent petit à petit ce modèle qui sous-tend aujourd’hui encore
transformées en commande achat ou ordre de fabrication qui, à la philosophie des GPAO (gestion de production assistée par ordi-
réception, seront soldés et alimenteront le stock disponible. nateur) les plus modernes.

■ Un pilotage des opérations par l’information Ainsi, sur cette base, deux évolutions majeures vont voir le jour,
le MRP 2 et l’ERP.
Parmi les caractéristiques majeures du modèle MRP figure la
relation entre « la planification » et « l’exécution ».
● La planification concrétisée par les résultats du calcul des 2.2.2 Le MRP 2
besoins a pour objectif de positionner dans le temps, pour chaque (Manufacturing Resource Planning )
article de la structure produit, les besoins découlant d’une prévi-
sion de consommation (cf. figure 11). Première évolution du modèle de référence, cette version, qui
Cet exercice, effectué périodiquement, régénère les besoins en apparaît au début des années 1970, est la résultante de nouveaux
fonction des dernières prévisions établies et de la situation du besoins exprimés par les utilisateurs combinés aux capacités nou-
moment (stocks, commandes). velles en matière de traitement de l’information.
● L’exécution, quant à elle, a pour objectif, jour après jour, de Décrire cette évolution, c’est en premier lieu décoder MRP 2.
scruter sur son horizon de travail les besoins potentiels positionnés Au-delà du chiffre « 2 » indiquant une suite logique au MRP, la défi-
par la « planification » pour les convertir en ordres d’achat ou de nition du sigle évolue pour concerner maintenant la « planification
fabrication. des ressources de fabrication ». Ainsi, le calcul des besoins ne se
limite plus au seul traitement des « articles » mais s’intéresse aussi
Ainsi, le déclencheur d’une activité physique (« exécution ») aux « capacités » de l’entreprise au travers du calcul des charges
résulte du traitement d’une information (article, quantité, date) associées au plan de production prévisionnel. Alors que la pre-
générée par le calcul des besoins. mière version du MRP supposait travailler à capacité infinie, cette
C’est la raison pour laquelle la logique MRP est souvent associée nouvelle approche introduit une boucle de retour sur le pro-
à la notion de « flux poussé » où le « physique » est piloté par gramme de production par l’analyse des besoins matière et charge

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Dernière évolution et non des moindres, l’ERP se recentre sur la


planification au détriment de l’exécution. Pour aussi sibylline que
Plan soit cette dernière remarque, il est important de noter qu’elle
directeur représente un changement fondamental par rapport aux concepts
Commandes Structure d’origine où l’exécution est étroitement liée à la planification et
clients produits entièrement dépendante de celle-ci.
En résumé, l’ERP peut être considéré comme un modèle global,
qui maintient la cohérence d’ensemble au travers d’une planifica-
Lancements Calcul des tion renforcée, tout en proposant des solutions d’exécution diver-
fabrication besoins
sifiées (JAT, cadencement, flux synchrones...) ou allant même
Partage des jusqu’à accepter des applicatifs externes d’exécution.
données
Commandes
Servis approvisionnements 2.2.4 Le DRP (Distribution Resource Planning )
C’est la transposition directe du MRP appliqué au domaine de la
Prix de
distribution des produits. En fait, le DRP, considéré comme un MRP
Stock à un seul niveau de nomenclature, est utilisé pour déterminer les
revient
commandes d’approvisionnement des différents dépôts jalonnant
Comptabilité le flux d’écoulement des produits entre l’usine de fabrication et les
clients.
Ainsi, considérant à titre d’exemple une filière de distribution
constituée d’une usine de fabrication, d’un entrepôt national et de
Figure 12 – Le système intégré dépôts régionaux, le DRP a pour rôle de traiter les besoins de cha-
cun des maillons, de manière dépendante. À partir des prévisions
de livraison aux différents clients, les dépôts régionaux font
connaître leurs besoins à l’entrepôt national qui, après consoli-
qu’il induit. De système ouvert, le MRP évolue ainsi vers un sys- dation, transmet ses propres prévisions à l’usine de production qui
tème régulé. considérera cette information comme l’entrée principale (prévision
Par ailleurs, profitant de la puissance de calcul maintenant de la demande) à son propre calcul des besoins.
offerte par les ordinateurs et des nouvelles techniques disponibles Nota : on trouvera une description de ces techniques dans l’article [5] des Techniques
de l’Ingénieur.
dans le domaine des bases de données, le MRP étend ses frontiè-
res vers les organisations limitrophes de la production (commer-
cial, achats, finances) et développe parallèlement de nouvelles
fonctions logiques. 2.3 La remise en cause
C’est l’apparition du système de gestion dit « intégré »
(figure 12) qui présente pour la première fois diverses fonctions Depuis l’apparition des premiers concepts de gestion de pro-
logiques traitées dans un ensemble cohérent, avec des données duction jusqu’au début des années 1980, l’environnement écono-
uniques, attribuées à un propriétaire et partagées entre les diffé- mique a beaucoup évolué, le marché est devenu mondial, les
rents modules du système de gestion. industriels cherchent à capter la demande en proposant des pro-
duits sans cesse plus personnalisés, la concurrence s’intensifie, il
De la gestion de production (MRP), le modèle s’étend à la ges- devient de plus en plus difficile de prévoir ce que sera le futur.
tion industrielle (MRP 2).
Face à cette montée de l’incertitude, la gestion de production
doit se transformer pour devenir réactive et la gestion des stocks
2.2.3 L’ERP (Enterprise Resource Planning ) devient toujours plus délicate car tout produit présente le risque de
devenir obsolète du jour au lendemain.
Bien que figurant à cette place comme une évolution de la Aussi, chaque industriel essaye-t-il d’utiliser au mieux son MRP,
logique MRP, cette nouvelle version apparaît en fait bien plus tard qu’il a eu par ailleurs tant de mal à installer et à maîtriser, pour
(au début des années 1990), c’est-à-dire après l’introduction des répondre le plus efficacement possible au nouveau défi proposé.
modèles plus réactifs que sont le JAT et l’OPT (cf. § 2.3). À dire vrai, les différentes solutions mises en œuvre ont pour
En conséquence, au-delà de la logique MRP 2 qu’il perpétue, ce conséquence de complexifier les procédures existantes sans amé-
nouveau modèle se propose de répondre également aux pré- liorer fondamentalement les résultats obtenus. Heureusement, tout
occupations de la fin du XXe siècle qui ont grandement évolué le monde se bat avec les mêmes moyens, ... jusqu’au bouleverse-
depuis l’apparition des premiers concepts de gestion de produc- ment représenté par l’apparition de l’approche « juste-à-temps »,
tion. deuxième modèle de référence en gestion de production.

Comme son nom l’indique, l’ERP se présente avant tout comme


étant LE système de gestion de l’entreprise dans sa globalité. Ainsi, 2.3.1 Le juste-à-temps (JAT)
après l’intégration des organisations touchant au premier cercle de ou « Just in Time » (JIT)
la production (MRP 2), l’ERP étend sa couverture à toutes les
fonctions de l’entreprise, de la recherche à la conduite stratégique Présenter une telle approche n’est pas chose aisée, tant il existe
des opérations en passant par la gestion des ressources humaines de dénominations pour la décrire. Ainsi entend-on parler de « flux
et la logistique de distribution. tirés », « flux tendu », « Kanban », « zéro stock », « zéro délai »,
Par ailleurs, pour ne pas rester à l’écart des nouvelles tendances, « zéro défaut », « zéro papier »... en fait chacun donne son interpré-
l’ERP introduit quelques variations et quelques compléments aux tation du phénomène en fonction de la sensibilité qui est la sienne.
logiques primitives. Ainsi, de nouvelles fonctions logiques sont Sans remonter au pourquoi du comment et à la genèse de
développées pour supporter les opérations de fabrication l’histoire, on peut tout de même rappeler que le JAT, tel qu’il appa-
conduites en juste-à-temps (JAT) ou même aborder le domaine de raît au monde occidental, est la résultante d’une série d’innova-
l’entreprise étendue avec la notion de « Supply Chain ». tions réalisées par les firmes japonaises dans les domaines de

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La gestion de l'incertitude Autorisation


à fabriquer

Améliorer la Objectif Améliorer la


prévision réactivité Consommation

Alimentation
en composants

Stock ou fournisseur

Système A vue
d'information Pilotage Figure 14 – Principe du Kanban

Figure 13 – Alternative des logiques MRP et JAT


tion et résulte d’une observation visuelle (disponibilité du Kanban).
L’exécution est devenue autonome et s’effectue dans un cadre et
suivant des règles, définis par la planification (nombre de Kanban
l’organisation du travail et de la gestion de production. Comme il en circulation, nombre de composants dans chaque container)
apparaît rapidement que cette nouvelle approche est particulière- (figure 14).
ment adaptée aux contraintes de compétitions entre firmes, le
Suivant ce principe, la mise en œuvre de ces règles peut se faire
modèle dont S. Ohno se fait le porte-parole devient rapidement la
de façon plus ou moins compliquée (Kanban à 1 ou 2 étiquettes),
nouvelle façon de penser de toutes les entreprises qui s’efforcent,
à l’aide de cartes, de tout autre élément physique (bacs) ou virtuels
souvent de façon maladroite, de mettre en place les techniques,
(Kanban électroniques).
apparemment simplistes, de l’approche sans prendre la précaution
d’en mesurer toutes les conséquences. Remarque : on peut noter au passage que cette logique a pour
conséquence de désynchroniser les flux pièces et produits dans la
■ Une logique mesure où chaque étiquette est dimensionnée en fonction des
Contrairement à l’approche MRP qui gère l’incertitude par une caractéristiques et des contraintes propres au composant consi-
amélioration des prévisions, le modèle JAT aborde le même déré, entraînant de ce fait, pour un produit et ses composants, des
problème par la recherche de réactivité. Ainsi, ne sachant pas pré- déclenchements d’activité indépendants les uns des autres.
cisément ce que sera la demande à satisfaire, l’entreprise doit ■ Des conséquences sur l’organisation de l’entreprise
s’organiser et réagir pour répondre à cette demande le plus rapi-
dement possible (figure 13). Outre le fait de décentraliser certaines prises de décision
(cf. pilotage par le physique), de rendre l’opérateur responsable de
● S’organiser : le principe fondamental repose sur le fait que la qualité de ses produits, la notion d’amélioration continue impli-
contrairement aux méthodes tayloriennes privilégiant les notions que une forte participation des différents acteurs liés de près ou de
de lot pour réduire les coûts de production, l’accent est porté main- loin à la fabrication. Ainsi, au travers des cercles de qualité ou des
tenant sur la recherche du temps minimal pour fabriquer UNE pièce. groupes de progrès, chacun a la capacité de proposer des amélio-
En découlent une série d’axes d’amélioration portant sur la circula- rations tendant à réduire les cycles de fabrication et accroître la
tion des flux dans l’entreprise, la mise en ligne de la production, la réactivité de l’entreprise. L’approche JAT par tout ce qu’elle
chasse aux activités sans valeur ajoutée, la suppression des transits sous-entend induit une décentralisation des responsabilités, une
interopérations, la réduction des temps de changement d’outils, délocalisation de la prise de décision au plus près des opérations
sans oublier toutes les actions liées à la qualité (analyse des défauts, et érige en vertu le travail de groupe. Enfin, le management
prévention à la source, etc.). Il apparaît ainsi que la réussite d’une s’appuie sur des indicateurs physiques, rendus visibles de tous et
telle démarche doit être considérée comme la résultante d’un plan utilisés comme source d’animation et de motivation.
global d’améliorations continues et non pas seulement comme la Nota : le juste-à-temps et la qualité totale sont traités dans l’article [1] des Techniques
mise en œuvre d’un système de cartes Kanban. de l’Ingénieur.
● Réagir : suivant le principe du remplacement du « consommé »,
la consommation d’un article sur un poste de travail génère une
demande de remplacement sur le poste amont. Chaque poste étant à 2.3.2 Les flux synchrones
la fois fournisseur du poste aval et client du poste amont, la
Modèle de gestion répandu en particulier chez les constructeurs
consommation de produit fini se propage ainsi de poste en poste
automobiles, les flux synchrones peuvent être, au premier abord,
pour remonter au début de la fabrication. C’est la raison pour laquelle
considérés comme une application particulière du juste-à-temps.
cette démarche est souvent décrite comme la « gestion en flux tiré »
En effet, le JAT repose sur le principe de mise à disposition et
par la consommation, par opposition à la logique MRP considérée
l’immobilisation de composants au point d’utilisation ce que certai-
comme une « gestion en flux poussé » par l’information.
nes industries ne peuvent se permettre du fait de contraintes par-
■ Un pilotage des opérations par le physique ticulières (grande diversité de produits finis, encombrement des
pièces élémentaires, rythme élevé de production...).
Contrairement à l’approche MRP où le déclencheur d’une activité
physique (lancement en fabrication, demande d’approvisionne- Devant l’impossibilité de stocker sur la ligne de fabrication
ment) résulte du traitement d’une information, l’originalité du JAT l’ensemble des composants potentiellement utilisables, il devient
est le fameux système « Kanban » mis à la disposition des opéra- nécessaire de faire coïncider, de « synchroniser » le flux d’approvi-
teurs de production. Dans cette approche, des étiquettes sont sionnement avec la consommation du composant livré sur la ligne
accrochées aux pièces ou aux containers les véhiculant. La de fabrication.
consommation des pièces sur un poste de travail a pour effet de Par transposition des cartes Kanban, le mécanisme repose sur
libérer l’étiquette (Kanban) qui devient le déclencheur de l’activité un ordre d’approvisionnement ou de réquisition anticipé d’une
amont (fabrication ou approvisionnement). Ainsi, la décision période égale au délai d’obtention du composant. Pour limiter les
« d’exécuter » une tâche est déléguée aux opérateurs de fabrica- effets aléatoires de cette anticipation du besoin et se rapprocher le

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plus possible d’un pilotage par le flux physique, le délai d’obten-


tion est matérialisé par un point de passage sur la ligne de fabri-
cation en amont du point d’utilisation. L’écoulement du produit en Ordonnancement
des tâches
ce point devient dès lors le déclencheur physique de l’ordre
d’approvisionnement.
Séduisante par certains aspects (réduction des stocks, gains de
place...), cette technique demande une grande rigueur et un niveau
de performance élevé de la part des deux partenaires. En effet, les Flux tirés Flux poussés
Goulet
ordres d’approvisionnement émis, aucun aléa ne doit survenir
dans l’un quelconque des flux sous peine de créer un dysfonction-
Figure 15 – Pilotage en mode OPT
nement important au point d’utilisation.
Enfin, assimilée en première analyse à du « juste-à-temps »,
cette technique s’en éloigne par la rigidité et l’asservissement
qu’elle crée entre les partenaires. Là où la logique du modèle JAT gestion, bien que considéré par ses auteurs comme LE système de
conduit à désynchroniser les flux pièces et produits, laissant à cha- gestion qui convient à tous les types d’entreprise ne connaîtra pas
que acteur le soin d’optimiser ses opérations en fonction de ses un niveau de mise en œuvre à la hauteur de son succès littéraire.
propres contraintes, les flux synchrones ont pour conséquence de
■ Un pilotage des opérations « mixte »
réduire les degrés de liberté et de piloter les opérations au travers
d’un ordonnancement, physique certes, mais extrêmement fort et L’exemple de la conduite des opérations de fabrication est l’illus-
précis. tration parfaite de la synthèse recherchée par la méthode OPT dans
la mesure où celle-ci résulte d’une combinaison de flux tirés et
poussés. Ainsi, les activités de planification des tâches sont
2.3.3 La théorie des contraintes (OPT - TOC) concentrées sur le « goulet », le flux amont étant tiré par la
consommation de celui-ci alors que les postes aval sont gérés en
La théorie des contraintes, apparue sous le sigle de TOC (Theory flux poussés.
Of Constraints ) ou OPT (Optimized Production Technology ), doit
une grande partie de sa publicité au talent de son rapporteur, le En fait, tout se passe comme si l’on était en présence de deux
Dr Eliyahu Goldratt, qui dévoile cette nouvelle approche dans « The lignes de fabrication distinctes, chacune pilotée par ses règles pro-
Goal » [9], livre au succès incontestable. pres, avec pour point commun le « goulet d’étranglement »
(figure 15).
■ Une logique
Au travers d’une histoire romancée, « The Goal » présente une ■ Des conséquences sur l’organisation de l’entreprise
entreprise qui possède des machines modernes, emploie des opé-
rateurs qualifiés, fabrique des produits qui se vendent bien et se Si, contrairement aux approches MRP et JAT, l’OPT, qui se rap-
trouve malgré tout au bord du dépôt de bilan. À partir de ce proche plus du JAT que du MRP de par l’analyse préalable qu’il
constat, suivi d’une analyse des dysfonctionnements rencontrés, le induit sur l’outil de production, n’induit pas d’évolution significa-
Dr Goldratt développe la théorie des contraintes dont l’objectif tive ou une redistribution de responsabilités dans l’entreprise, on
majeur est de faire gagner de l’argent à l’entreprise. peut néanmoins considérer qu’elle a pour mérite de concentrer son
attention sur la rentabilité de l’entreprise et de mettre l’accent sur
Considérant que toute ligne de fabrication présente comme la vision financière de la performance industrielle.
point faible son poste de travail à plus faible capacité de produc-
tion (« goulet »), la théorie développée suggère de concentrer toute
son attention à la gestion de ce poste qui détermine la perfor-
mance de l’entreprise.
Ainsi, la gestion par les goulets est résumée par quelques prin- 3. Évolutions récentes
cipes de base, qui tels les dix commandements, indiquent la voie
à suivre pour améliorer la performance financière :
— les « goulets » déterminent le débit de sortie et les niveaux de Poussée par la nécessité de mettre en cohérence et d’optimiser
stock ; la totalité des flux, depuis les fournisseurs de matière première
— tout gain de productivité sur une ressource non contrainte est jusqu’au client final, la gestion des approvisionnements prend une
du gaspillage ; nouvelle dimension, dépasse le cadre de l’entreprise et s’intéresse
— toute heure gagnée sur un « goulet » est une heure gagnée à la chaîne logistique globale communément désignée par les ter-
pour l’ensemble du système ; mes de « Supply Chain » (figure 16).
— etc. Définie comme une succession d’activités de natures différentes
Conséquence directe, un « goulet » ne doit jamais s’arrêter de (transformation, transport, manutention, stockage, distribution)
produire et les flux doivent être organisés de manière à toujours effectuées une ou plusieurs fois, regroupant des acteurs aux inté-
disposer d’une réserve de pièces à traiter en amont de celui-ci. Pro- rêts parfois divergents et présentant des frontières mouvantes, les
longement logique du MRP dans la mesure où cette approche est techniques d’optimisation utilisées sont multiples et concernent
orientée vers l’amélioration des performances de l’entreprise, plus particulièrement telle ou telle partie de la filière suivant la pré-
reprenant à son compte certaines avancées du JAT, ce modèle de occupation essentielle de son initiateur.

Industriels ?

? Distributeurs
Figure 16 – La filière globale
d’approvisionnement

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Fournisseur Consommations Client

Produits

Figure 17 – La gestion partagée


des approvisionnements

Enfin, si cette vision, partagée à la fois par les industriels et les liorée par une concertation étroite entre le(s) fournisseur(s) et le(s)
distributeurs, n’entraîne pas de grand bouleversement au niveau client(s) dans le domaine de la planification des besoins. Sur la
des principes utilisés, elle engendre par contre une remise en base d’une prévision globale élaborée le plus en aval possible de
question des modes de fonctionnement, en ce qui concerne la filière d’approvisionnement (chez le distributeur), les besoins
notamment la répartition des responsabilités entre fournisseur et sont « cascadés » vers l’amont avec consolidation à chaque étape
client. de la Supply Chain.
Disposant ainsi d’une base cohérente de travail, d’une synchro-
nisation des activités, d’une coordination globale, chaque acteur
3.1 Modèles de type « prévisionnel » peut déduire ses approvisionnements de l’exploitation de ces pré-
visions. Ce n’est, ni plus ni moins que l’extension de la logique
C’est le terme utilisé pour qualifier les techniques de gestion MRP à un fonctionnement multientreprise.
découlant d’une certaine façon de l’approche MRP, dénomination Dès lors, si l’on fait l’hypothèse « d’exécutions » fonctionnant de
générique retenue pour identifier tout système reposant sur une façon efficace et rigoureuse, le fait de coordonner la planification
logique de planification des activités. Outre l’ERP, décrit dans le doit assurer la cohérence des approvisionnements.
paragraphe 2.2.3, deux familles d’outils se détachent, suivant leur
Relativement simple sur le plan technique, le CPFR trouve toute
domaine privilégié d’intervention à savoir : la « planification » ou
sa complexité dans l’organisation et le partenariat à mettre en
l’« exécution »).
place. Comme la gestion partagée des approvisionnements (GPA),
■ Integrated Supply Chain (ISC) il suppose un partage d’information et l’utilisation de données
Sont regroupés sous ce vocable l’ensemble des progiciels pro- ayant leur source dans une autre entreprise. Au-delà du système
posant un ordonnancement multientreprise. Ces mécanismes, de management et des contrats à mettre en place, cette approche
basés sur l’hypothèse que plusieurs segments de la Supply Chain repose essentiellement sur une confiance totale entre les parte-
peuvent être représentés par un seul système modélisable, propo- naires.
sent une centralisation de l’ordonnancement des tâches (macro et
éventuellement micro) et s’intègrent avec les systèmes ERP exis-
tants. 3.2 Modèles de type « réactif »
De par leur nature, ces systèmes sont plutôt dédiés aux maillons
« manufacturiers » de la filière globale d’approvisionnement. C’est le terme utilisé pour qualifier les techniques de gestion
découlant d’une certaine façon de l’approche JAT, dénomination
■ Gestion partagée des approvisionnements (GPA) générique retenue pour identifier tout système reposant sur une
Proposée initialement par Procter & Gamble à ses clients, cette logique de régulation directe des opérations (approvisionnement,
technique repose sur un transfert de responsabilité du client vers production) par la consommation réelle. Dans ce cadre, un modèle
le fournisseur. ressort aujourd’hui, le réapprovisionnement sur ventes.
C’est ainsi que la GPA, applicable en principe à tous les maillons
de la filière globale d’approvisionnement, consiste à déléguer à ■ Le réapprovisionnement sur ventes (RSV)
son fournisseur la responsabilité de gérer la disponibilité des pro- Cette technique découle directement de la transposition des car-
duits qu’il fournit (figure 17) dans un cadre prédéterminé : tes Kanban à tout un ensemble d’acteurs pilotés par la consom-
— contrat de partenariat avec objectifs de niveau de service ; mation du client final (figure 18).
— procédure d’approbation des propositions de livraison ;
À partir d’une définition préalable des stocks intermédiaires
— partage d’informations autrefois réputées sensibles (les
dépendant de la structure du flux et des contraintes locales, les
stocks) ;
quantités vendues (consommées) sont communiquées à tous les
— flux de données adéquat et transmis avec des moyens et un
acteurs et sont remplacées dans chaque maillon compte tenu des
rythme adapté.
optimisations qui lui sont propres. L’extension à l’ensemble de la
La technique utilisée est, certes, une gestion de stock de type Supply Chain est possible, apportant la simultanéité et la cohé-
DRP, mais le fait que les stocks fournisseur et client soient gérés, rence de fonctionnement recherchée.
en approvisionnement, par la même personne entraîne un certain
nombre d’améliorations. Ainsi, la GPA permet d’optimiser la répar-
tition des quantités, d’éliminer les « à-coups » entre stocks, et pro-
fite du fait que le fournisseur, ayant en général moins d’articles à 3.3 Accompagnement technologique
contrôler, puisse exercer une gestion plus rigoureuse.
Si la technologie n’apporte pas en soi de changements aux
■ Collaborative Planning Forecast & Replenishment (CPFR) méthodes qui viennent d’être décrites, on peut néanmoins
Développé sous l’impulsion des distributeurs américains (Wal- considérer que ces modèles de gestion, surtout les plus récents,
mart en particulier), cette logique repose sur l’hypothèse que la reposent sur des échanges rapides et un partage d’information qui
performance globale de la Supply Chain peut être fortement amé- ne sont devenus possibles que par les apports technologiques.

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Flux de marchandise continu, piloté par les ventes

Figure 18 – Le réapprovisionnement sur ventes

Ainsi, l’entreprise, au début isolée, est devenue dans un premier ■ La gestion du stock
temps communicante grâce à l’EDI. Aujourd’hui, une intégration Si une gestion de stock peut être assimilée à un réservoir possé-
plus poussée peut être attendue de la généralisation de l’Internet dant une entrée et une sortie, on peut considérer que l’optimisa-
dans sa version « B to B » (Business to Business ). tion d’un tel système peut s’effectuer en jouant sur l’un des deux
leviers : les entrées ou les sorties.
● Optimisation des entrées (figure 19) : c’est la logique du
modèle « prévisionnel » pour lequel l’objectif consiste à rendre dis-
ponibles les composants achetés ou fabriqués juste avant leur date
4. Choisir un modèle de besoin prévue.
de gestion des flux Le pilotage du ∆t (intervalle de temps entre la disponibilité des
articles et leur date d’utilisation prévue), paramètre mis à la dispo-
sition du gestionnaire, permet de viser le stock le plus proche de
Les paragraphes précédents ont permis de présenter de manière zéro. Dans ce cas, l’optimisation découle d’une modélisation tou-
très succincte et parfois caricaturale quelques-uns des principaux jours plus fine de l’appareil de production (paramètres).
modèles de gestion de production apparus dans la deuxième moi- ● Optimisation des sorties (figure 20) : c’est la logique du
tié du XXe siècle. Faire un choix pour son entreprise, décider modèle « réactif » pour lequel l’objectif consiste à maximiser les
d’investir des sommes importantes dans tel ou tel progiciel est une sorties pour des consommations ne pouvant être positionnées
décision difficile à prendre surtout si l’on n’est pas un grand spé- avec exactitude dans le temps. Le pilotage du niveau de stock
cialiste de la gestion de production. découle de la réduction des cycles amont (approvisionnement,
fabrication).
En fait, choisir un modèle relève à la fois :
Nota : le lecteur pourra se reporter aux articles [4] [5] [6] des Techniques de l’Ingénieur.
— d’un choix technique, c’est-à-dire comprendre les logiques
qui animent ces modèles, et s’orienter vers celle qui permet
d’atteindre efficacement les objectifs de l’entreprise ;
— de la gestion du changement, qui demeure sans nul doute
l’aspect le plus important quant à la réussite de la démarche.
+

4.1 Comparer les logiques ∆t 0 stock

Pour la plupart, les progiciels actuels exploitent les notions de


base de données, d’information unique et partagée, d’intégration
des flux physiques et financiers, et proposent, à travers une archi-
tecture modulaire, une grande liberté quant au choix des organi- --
sations à intégrer. Il faut donc chercher ailleurs les éléments
discriminants, qui, pour la plupart sont concentrés d’une part dans
la logique de conduite des opérations (déclencheur, informations) Figure 19 – Gestion des stocks en mode MRP
et d’autre part dans la relation liant « planification » et
« exécution ».
En fait, à y regarder de plus près, si l’on considère que l’appro-
che OPT peut être considérée comme la combinaison du MRP et
du JAT de part et d’autre du « goulet », les solutions qui se présen-
+
tent au gestionnaire peuvent se classer en deux grandes écoles,
l’une, de type « prévisionnel » basée sur l’exploitation des prévi- 0 rupture
sions de consommation, l’autre, de type « réactif », caractérisée
par une régulation directe des opérations par la consommation
réelle.
Le problème ainsi simplifié, un peu trop pour les puristes mais
efficacement pour les plus pragmatiques, il est possible d’analyser
plus en détail, sous différents points de vue, les caractéristiques --
propres à chacun de ces modèles pour tenter d’établir un essai
comparatif entre les deux approches souvent dénommées « flux
poussé » et « flux tiré ». Figure 20 – Gestion des stocks en mode JAT

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(0)

Tableau 1 – Analyse comparative des deux modèles de gestion de flux


Modèle « prévisionnel » Modèle « réactif »

• CHARGE/PRODUCTIVITÉ • FLUX/FLEXIBILITÉ
• Production de série • Production pilotée par le marché
• Lots économiques • Temps de changement d’outil
• Continuité d’utilisation des capacités • Continuité de transformation des produits
• Réduction des temps opératoires • Réduction des temps d’attente
• Postes de travail spécialisés • Postes de travail multiproduits
• Trajet des produits fixes • Diversité des trajets
• Séquence de travail paramétrable (urgences, utilisation des capa- • Ordre de passage immuable
cités...) (FIFO – First In First Out )
• Saturation de la capacité • Tension du flux et surcapacité de régulation
• Déclencheur de l’activité = information • Déclencheur de l’activité = physique ou virtuel
(sorties du calcul des besoins) (carte Kanban disponible)
• Stocks • Cycles
• Qualité = signe de performance • Qualité = prérequis

■ La production particulièrement à la mesure de la productivité de la fabrication


Du point de vue de la conduite des opérations de fabrication, les exprimée au travers de la formule :
modèles en présence induisent des comportements ou des princi- Q ( nombre de pièces produites )
pes de gestion de natures différentes, proposés sous forme d’ana- Productivité = --------------------------------------------------------------------------------------------
t ( le temps )
lyse comparative dans le tableau 1.
● Dans le modèle prévisionnel, on peut considérer que Q est la
■ Le facteur « temps »
variable et t la constante. L’amélioration de l’indicateur passe donc
Les deux modèles en présence ne considèrent pas le facteur par la recherche du Q maximum. Il faut fabriquer un maximum de
« temps » de la même manière. Ainsi peut-on parler pour l’un de pièces par unité de temps et utiliser les capacités disponibles à leur
« temps repère » et pour l’autre de « temps de réponse ». maximum.
● Le temps repère : la notion de date est omniprésente dans la La réduction de cycle est subordonnée à l’accroissement de la
gestion prévisionnelle. Que ce soit au niveau de la planification quantité à produire et le temps écoulé sert de référence.
(besoins datés), de l’ordonnancement, du délai des commandes, le
● Dans le modèle réactif, on peut considérer que Q est fixe et t
temps représente la notion de base. À tout instant, les recom-
la variable. L’amélioration de l’indicateur passe donc par la recher-
mandations préconisées ont pour but de traduire le ∆t entre
che du t minimal. Il faut donc fabriquer une pièce dans le minimum
l’entrée et la sortie d’un produit. Nous sommes en présence d’un
de temps et réduire ainsi le temps d’utilisation des capacités.
système qui travaille suivant un échantillonnage temporel et déter-
mine la quantité exacte à approvisionner période par période (fré- La réduction de cycles devient primordiale pour dégager des
quence fixe, quantité variable). surcapacités de régulation.
Enfin, le système prévisionnel se comporte comme un modèle ■ Le management
statique : à une entrée (prévisions, paramètres) correspond une
Les modèles analysés, de par leur origine ou du fait d’évolutions
sortie et une seule représentant la meilleure réponse à la situation
successives, se différencient enfin par leur empreinte sur l’organi-
décrite. Telle une photographie, à chaque situation correspond une
sation et le management de l’entreprise.
réponse figée et indissociable, la dynamique étant obtenue par la
répétitivité de la démarche. ● « Organisation » est le maître mot du modèle prévisionnel qui
s’accompagne d’un découpage fonctionnel et de responsabilités
● Le temps de réponse : élaboré pour répondre à l’incertitude, le
hiérarchiques ventilées sur plusieurs niveaux. La spécialisation est
modèle réactif ne repose pas sur des notions de date. Le vocabu-
induite et encouragée.
laire (cadence, synchronisation, période, cycle) en est la plus par-
faite illustration. Le principe de management repose sur le « Check and Balance »
fondé sur la séparation des pouvoirs entre ceux qui font et ceux
À partir de règles générales (cartes Kanban) établies sur la base
qui contrôlent (exemple : la qualité).
d’une plage de variation des consommations probables sur une
période, le système module la fréquence des approvisionnements Les objectifs de chaque fonction sont dissociés, parfois anti-
(ordres d’achat ou de fabrication) en fonction des consommations nomiques, leur résultante, constatée seulement au plus haut
réelles (quantité fixe, fréquence variable). niveau, est supposée aller dans le sens des stratégies de l’entre-
prise.
Enfin, le système réactif se comporte comme un modèle dyna-
mique qui, à partir d’un cadre général de fonctionnement, s’auto- Enfin le pilotage de la production se fait de l’extérieur, au travers
adapte en fonction des consommations réelles constatées. d’organisations localisées plus ou moins loin, chargées d’interpré-
ter la demande du marché pour en déduire ce qu’il convient de
■ Les indicateurs de performance faire au niveau des opérations.
Parmi les indicateurs de performance de l’entreprise qui tradui- ● « Processus » est le maître mot du modèle réactif qui induit les
sent le mieux les différences d’approche, on peut s’intéresser plus notions de partenariat et de coopération. L’entreprise est organisée

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MODÈLES DE GESTION DES FLUX : PRÉSENTATION ET CHOIX ___________________________________________________________________________________

au travers de processus clés, transversaux, cross-organisation. La


polyvalence est induite et encouragée. 5. Conclusion et perspective
Le principe de management repose sur la responsabilité parta-
gée où chacun est responsable du produit ou service qu’il délivre Au travers des caractéristiques présentées dans les paragraphes
dans le cadre de son implication à la performance du processus. précédents, on peut supposer que chaque gestionnaire, au
moment du choix, va trouver sur le marché le système qui
Tous les acteurs de l’entreprise ont un seul et même objectif,
convient à son entreprise pour apporter des améliorations notables
visible et connu de tous, la satisfaction du client.
et lui permettre d’atteindre les objectifs fixés.
Enfin, le pilotage de la production se fait de l’intérieur au travers
Le choix effectué, la mise en œuvre terminée, une étape, certes
de règles dont l’application est déléguée à ceux qui sont le mieux
importante, est franchie mais le voyage ne fait que commencer. En
placés pour les appliquer.
effet, l’entreprise vit, l’environnement évolue, ce qui, vrai à un ins-
tant, a pu prévaloir aux options de départ, peut à tout moment
nécessiter une remise en cause plus ou moins profonde. Dans ce
cadre là, surveiller la performance par rapport aux objectifs visés
4.2 Gérer le changement devient une tâche primordiale de manière à vérifier si les principes
de gestion en vigueur sont toujours les bons ou nécessitent une
Quelle que soit finalement la solution technique vers laquelle on remise en cause.
s’oriente, chacune d’entre elles présentant ses avantages et ses À titre d’exemple, on peut considérer que l’entreprise n’étant pas
inconvénients, il faut être conscient qu’il existe des obstacles monolithique, elle connaît simultanément tous les stades de la
communs à la mise en œuvre de gestions de production assistées « stabilité dynamique », le poids relatif des produits à gérer peut
par ordinateur. Parmi ceux-ci, il convient particulièrement d’en donc nécessiter à tout moment une réorientation des concepts mis
détacher deux, l’adhésion du personnel d’une part, la rigueur en œuvre pour la conduite des opérations.
d’autre part.
De même, l’évolution de l’environnement, bien que particuliè-
rement importante durant les dernières décennies, n’est certaine-
■ L’adhésion du personnel
ment pas terminée. Aujourd’hui, le e-business arrive et apporte
Premier obstacle, il est nécessaire de gérer correctement le chan- certains changements qu’il sera nécessaire de prendre en compte,
gement induit dans les procédures, les méthodes de travail, les d’une manière ou d’une autre, dans la définition des modes
responsabilités et éventuellement l’organisation de l’entreprise opératoires :
pour que chacun s’approprie la nouvelle démarche. — des commandes plus fréquentes, des délais plus courts, des
Le fait que la méthode Kanban s’attaque indirectement à ces quantités plus faibles ;
problèmes est peut-être la cause de son succès. Il s’agit en effet — des conditions logistiques à optimiser malgré tout ;
d’un modèle simple, visuel, compréhensible, dans lequel les — des entreprises ouvertes aux consommateurs qui « voient »
employés se voient déléguer des responsabilités, prennent des les produits et ne comprennent pas de ne pouvoir en disposer
décisions concernant leur travail, changements généralement immédiatement ;
acceptés d’après les résultats obtenus. — une concurrence encore plus ouverte avec l’émergence de
moteurs de comparaison qui recherchent à la demande le meilleur
Par opposition, la méthode MRP n’offre pas de pareil défi aux produit au meilleur prix...
employés à qui l’on demande malgré tout de faire preuve d’une
extrême discipline pour suivre les ordres donnés par le Face à ces bouleversements, certainement aussi importants que
« système », même si parfois ils n’en comprennent pas toutes les ceux déjà rencontrés, et se profilant à courte échéance, l’entreprise
raisons. devra s’adapter et développer de nouveaux comportements, de
nouvelles règles de gestion peu ou pas connues aujourd’hui.
■ La rigueur
Quoique de nature différente, chaque modèle, pour fonctionner À titre de conclusion, deux recommandations semblent se
correctement, demande de la part des utilisateurs une rigueur dégager dès lors que l’on s’interroge sur le modèle opportun à
certaine. choisir pour gérer les flux :
— il est primordial que le choix effectué prenne en compte
Ainsi, le MRP ne peut fonctionner sans une qualité irréprochable
ces possibles mutations pour ne pas s’enfermer dans un
des entrées, des paramètres et des bases de données (« garbage
modèle de gestion incapable d’évoluer, devenant ainsi une
in, garbage out » a-t-on coutume de dire). Chaque employé, quel
contrainte majeure pour les adaptations futures ;
que soit son rôle, doit refléter toutes les mises à jour, tous les
— il convient de rester attentif, de mettre en place les indi-
mouvements physiques, rapporter les problèmes de qualité, pour
cateurs de performance adaptés et de juger au travers des
maintenir une représentation correcte du modèle de production.
résultats obtenus si les modes de fonctionnement retenus res-
Sans cette extrême discipline, le système accumule les erreurs, et
tent efficaces par rapport aux objectifs de l’entreprise.
bâtit rapidement une mauvaise image qui reste malgré tout source
de toutes les décisions.
Si cette même rigueur « administrative » n’est pas apparente Aux premiers symptômes d’inefficacité, il sera nécessaire
dans la méthode Kanban où les décisions sont prises à partir d’ouvrir un nouveau chantier pour remettre en cause les choix ini-
d’événements physiques, il n’en demeure pas moins vrai que la tiaux, adapter l’utilisation du modèle choisi quitte à utiliser diffé-
conduite des opérations demande une application stricte des remment voire plus du tout certaines fonctionnalités considérées
règles de gestion déléguées ainsi que la mise en évidence des dys- essentielles au départ.
fonctionnements qui ne doivent plus être escamotés ou traités à la C’est pourquoi, le mérite d’une telle remise en cause, vitale par
sauvette mais au contraire mis au grand jour pour analyse et trai- ailleurs, sera d’autant plus grand que le coût de la démarche origi-
tement préventif. nale aura été élevé.

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