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DEDICACE

A tous ceux qui militent pour un environnement meilleur dans le monde.

i
REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail n’aurait pas été possible sans le concours de certaines personnes
auxquelles nous souhaitons exprimer notre profonde gratitude. Il s’agit de :
Pr. Narcisse MOUELLE KOMBI qui, en dépit de ses nombreuses responsabilités, a bien
voulu supervisé le présent travail ;
Docteur Pascal MESSANGA NYAMDING, qui a accepté de suivre nos premiers pas dans
le milieu de la recherche ;
Ma famille, dont les encouragements et le soutien m’incitent chaque jour à être meilleur ;
Monsieur BODO ABANDA, Président du Conseil d’Administration de la Fondation pour
l’Environnement et le Développement au Cameroun ;
Monsieur MBOLLO Jean Marie, Chef du Service d’Inspection des Pipelines ;
Docteur NGUIFFO Samuel, Directeur du Centre pour l’Environnement et le Développement
et tout son personnel ;
Monsieur NODEM Valery, Directeur du Réseau de Lutte contre la Faim au Cameroun ;
Monsieur EBWELE Fils Leroy, Directeur du Développement des Politiques
Environnementales au Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature ;
Monsieur SAVAH Narcisse, représentant du chef du village Mpangou (Kribi) et toutes les
populations du trajet du pipeline, qui ont bien voulu nous fournir des informations portant sur notre
sujet de recherche.
Nous pensons également :
Au personnel enseignant et administratif de l’Institut des Relations Internationales du
Cameroun pour l’encadrement qu’il nous a apporté durant nos années d’études ;
A nos camarades de Contentieux International, dont l’amitié et la sympathie constituent une
source de motivation constante.
Et à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail.
Qu’il soit la preuve que votre gracieux appui n’a pas été vain.

ii
ABREVIATIONS
BEI : Banque Européenne d’Investissement
BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement
CAPECE : Programme de renforcement des capacités de gestion de l’environnement dans le
secteur pétrolier
CCI : Chambre de Commerce International
CED : Centre pour l’Environnement et le Développement
CIJ : Cour internationale de Justice
CIRDI : Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements
CNUDM : Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
COTCO : Cameroon Oil Transportation Company
CPJI : Cour permanente de Justice internationale
CPSP : Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines
Décret ATP : Décret portant autorisation de transport par pipeline d’hydrocarbures
EIE : Etude d’impact environnemental
GESCE : Groupe Externe de Suivi de la Conformité Environnementale
GIC : Groupe International Consultatif
IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun
MINEP : Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature
MINFOF : Ministère des Forêts et de la Faune
MINIMIDT : Ministère de l’Industrie, des Mines et du Développement Technologique
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PGE : Plan de Gestion Environnementale
PNB : Produit National Brut
PO : Politique Opérationnelle (de la Banque Mondiale)
PPAV : Plan pour les Peuples Autochtones Vulnérables
RAP : Rapport d’Achèvement du Projet
RELUFA : Réseau de Lutte contre la Faim au Cameroun
SFI : Société Financière Internationale
SNH : Société Nationale des Hydrocarbures
TFSD : Terminal Flottant de Stockage et de Déchargement
TOTCO : Tchad Oil Transportation Company
UICN : Union Mondiale pour la Nature

iii
SOMMAIRE

DEDICACE .......................................................................................................................................... i
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................... ii
ABREVIATIONS .............................................................................................................................. iii
SOMMAIRE ...................................................................................................................................... iv
RESUME ............................................................................................................................................ vi
ABSTRACT ...................................................................................................................................... vii
INTRODUCTION GENERALE..........................................................................................................1
I- CONTEXTE ET OBJET DE L’ETUDE ......................................................................................2
II- INTERET DE L’ETUDE ............................................................................................................4
III- REVUE DE LA LITTERATURE .........................................................................................5
IV- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE ...................................................................................7
A-PROBLEMATIQUE ................................................................................................................8
B-HYPOTHESE...........................................................................................................................8
V- METHODE ET PLAN ................................................................................................................9
A-METHODE ..............................................................................................................................9
B-PLAN .......................................................................................................................................9
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LE PIPELINE TCHAD-CAMEROUN : UNE MENACE
POUR L’ENVIRONNEMENT .......................................................................................................11
SECTION 1 : LA PRESENTATION DU PIPELINE TCHAD-CAMEROUN……………….11
SECTION 2 : LES PRINCIPAUX RISQUES ENVIRONNENTAUX POSES PAR LE
PIPELINE TCHAD-CAMEROUN SUR LE TERRITOIRE CAMEROUNAIS……………..........16
PREMIERE PARTIE: L’AMENAGEMENT DU CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL
DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DANS LE CADRE DU PROJET.........................25
CHAPITRE 1 : UN CADRE JURIDIQUE RENFORCE.............................................................27
SECTION 1 : LES NORMES INTERNATIONALES APPLICABLES AU PROJET….…...27
SECTION 2 : LES PRINCIPALES NORMES NATIONALES APPLICABLES AU
SYSTEME DE TRANSPORT CAMEROUNAIS………………………………………………….39
CHAPITRE 2 : UN DISPOSITIF INSTITUTIONNEL SPECIFIQUE MIS EN PLACE ........47
SECTION 1 : LES INSTITUTIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ENGAGEMENTS
ENVIRONNEMENTAUX……………………………………………………………………….....47

iv
SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE CONTROLE DU RESPECT DES NORMES
ENVIRONNEMENTALES………………………………………………………………………...56
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ..................................................................................68

DEUXIEME PARTIE : LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF JURIDIQUE ET


INSTITUTIONNEL A CORRIGER ..............................................................................................70

CHAPITRE 1 : LES DYSFONCTIONNEMENTS DU CADRE JURIDIQUE ET


INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET ...............72

SECTION 1 : LES CARENCES NORMATIVES : DIAGNOSTIC D’UN CORPS DE


REGLES LACUNAIRES…………………………………………………………………………...72
SECTION 2 : LES DEFAILLANCES INSTITUTIONNELLES : UN PROBLEME DE
MOYENS ET DE VOLONTE……………………………………………………………………...78

CHAPITRE 2 : LA NECESSITE D’OPTIMISER LE CADRE JURIDIQUE ET


INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET ...............86

SECTION 1 : RELANCER LE CHANTIER NORMATIF…………………………………...86


SECTION 2 : SOUTENIR LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL…………………………...91

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.................................................................................98


CONCLUSION GENERALE ..........................................................................................................100
BIBLIOGRAPHIE ...........................................................................................................................104

v
RESUME

La protection de l’environnement au Cameroun, en matière de transport international des


hydrocarbures, a connu une évolution fulgurante à l’épreuve du projet pipeline Tchad-Cameroun.
Parti d’un stade que l’on pourrait qualifier de vide juridique, le Cameroun, en relation avec les
autres partenaires du projet, s’est doté d’un corps de règles spécifiques dont l’objectif est d’en
garantir la gestion optimale.
A l’observation, le dispositif juridique mis sur pied a permis de réglementer un projet
considéré comme écologiquement dangereux par la Banque Mondiale, au regard des risques
multiples qu’il fait peser sur l’environnement. Au plan institutionnel, des organismes nationaux et
internationaux ont été créés ou aménagés, soit pour assurer la mise en œuvre des engagements
environnementaux, soit pour en garantir le contrôle.
Cependant, au-delà de l’adoption d’un cadre juridique et institutionnel applicable à ce projet,
le problème de son efficacité reste posé, en raison des cas de non conformité environnementale
relevés au fil du temps. C’est que le dispositif normatif, en plus des carences liées à son
ineffectivité, n’a pas surmonté les insuffisances traditionnelles du droit de l’environnement :
complexité dans la formulation des prescriptions à respecter, absence de formulation claire des
objectifs environnementaux à atteindre et des méthodes à suivre. En outre, au plan institutionnel, il
subsiste le problème de la capacité financière et technique, voire de la bonne volonté des
organismes en charge de la gestion des questions environnementales liées au projet. C’est la preuve
que ce cadre juridique et institutionnel de protection environnementale reste à parfaire, tant pour la
gestion future du projet qu’en ce qui concerne les autres projets d’envergure entrepris par la
République du Cameroun et dont les risques environnementaux sont réels.

vi
ABSTRACT

The protection of environment in Cameroon has evolved spectacularly in the contact of the
pipeline Chad-Cameroon project, concerning the international transportation of hydrocarbons. From
a stage considered as a gap in the law, the State of Cameroon, in relation with its other partners in
the project, has endowed itself with specifical rules which objective is to grant an optimal
management of the project.
In this way, the legal system set up has allowed regulating a project considered as
ecologically dangerous by the World Bank, on account of the numerous threats on environment it
generates. From the institutional viewpoint, some national and international agencies have been
created or adjusted in order to ensure the implementation and the monitoring of environmental
commitments.
However, beyond the adoption of a legal and institutional framework, the problem of its
effectiveness remains. The reasons of that are the environmental non conformity cases observed.
This is because of the fact that the legal system, in addition to its deficiencies due to the lack of
some rules of law, didn’t settle the traditional shortcomings of the environmental law: complex
rules of law, obscure objectives and methods. Besides, concerning the institutions, it remains the
problem of their financial and technical capacity, even their good will. This if the proof that the
legal and institutional framework set up in order to ensure the protection of environment should be
improved. It should be improved first to secure the future management of the pipeline Chad-
Cameroon project, then to secure the other great projects undertaken by the Republic of Cameroon.

vii
INTRODUCTION GENERALE

1
I- CONTEXTE ET OBJET DE L’ETUDE

La production et l’exploitation des hydrocarbures ne sont pas des activités récentes au


Cameroun. En effet, ce pays de l’Afrique Centrale est simultanément exportateur et importateur de
pétrole depuis la fin des années 19701. Ces mouvements d’hydrocarbures, dont l’objectif déclaré est
de fournir à l’Etat des devises destinées à promouvoir le développement national et d’assurer la
satisfaction des besoins énergétiques locaux, ne sont pas sans présenter d’autres enjeux, parmi
lesquels l’enjeu écologique, que le contexte international actuel semble d’ailleurs amplifier. De fait,
il ne se passe plus un sommet international d’envergure de nos jours qui n’inscrive dans son agenda,
soit à titre principal, soit à titre accessoire, la problématique environnementale. C’est sans aucun
doute ce qui fait dire à Dominique Vidal que les questions écologiques sont, après ce que fut la
guerre froide durant la seconde moitié du 20e siècle, « un nouveau paradigme qui s’impose, hors
duquel le siècle commençant serait illisible »2.
C’est dans ce sillage du primat écologique que s’inscrit « La protection de l’environnement
dans le cadre du pipeline Tchad-Cameroun », objet de la présente étude. En effet, s’il est admis que
le pipeline Tchad-Cameroun est un projet de développement comme l’ont affirmé ses concepteurs,
l’on est en droit de se poser des questions : comment construire, exploiter et tirer profit de ce
pipeline sans dégrader de façon substantielle l’environnement au Cameroun ? Comment améliorer
les conditions de vie des populations de ce pays aujourd’hui sans compromettre leurs chances de
développement futures ? En somme, et de façon plus globale, comment produire, exploiter et
consommer sans détruire, épuiser et ruiner ? Telle est la contradiction à laquelle la communauté
internationale en général, et le Cameroun en particulier, semblent confrontés dans ce projet.
Depuis la fin des années 1960 et suite aux cris d’alarme lancés par les scientifiques, une
chaîne de solidarité internationale s’est constituée en vue de sauver la planète des menaces qui
pèsent sur son environnement. D’un côté, il y a les maîtres des sciences de la nature (écologie,
biologie, géologie, physique, chimie) dont la contribution a été de mettre en évidence l’état des
connaissances sur l’environnement, la nature et l’étendue des phénomènes qui le menacent, les
remèdes qui peuvent y être apportés. De l’autre côté, il y a les penseurs des sciences sociales
(sociologie, économie, politologie) dont le rôle est indispensable pour implémenter les solutions

1
Rousseau-Joël Fouté situe le point de départ de la production pétrolière au Cameroun en 1977 avec la mise en
exploitation du champ de Kole dans le bassin du Rio del Rey : Rousseau-Joël Fouté, « Exploitation minière : le
Cameroun attire » in Cameroon Tribune, N°9032/5231 du 07 février 2008, p. 15. Lire également : François Bambou,
« Cameroun : le début de la fin du pétrole ? » in www.africatime.com/cameroun.
2
Dominique Vidal, « Quelle grille de lecture ? » in L’Atlas environnement du Monde diplomatique, Hors-série, p. 10.

2
imaginées tant il est vrai que celles-ci ne peuvent être efficaces que pour autant qu’elles s’adaptent à
un contexte social, économique et politique spécifique. Le droit, quant à lui, intervient au bout de ce
processus de solidarité en vue de donner une formulation juridique et contraignante aux solutions
adoptées par les décideurs. C’est de l’identification, la mise en œuvre et l’appréciation de ces
solutions juridiques qu’il sera question dans le cadre de ce travail. Or, il est opportun, avant d’entrer
dans les détails du sujet, de présenter les expressions qui structurent la présente réflexion. Il s’agit
précisément de « la protection de l’environnement » et du « pipeline Tchad-Cameroun ».
La protection de l’environnement s’entend de « l’ensemble des actions visant à prévenir,
limiter ou éliminer les atteintes à l’environnement, voire assurer la restauration de ce dernier, par
des moyens juridiques, économiques, éducatifs, etc. »3. En l’espèce, il s’agira d’insister sur les
aspects juridiques de la protection, qu’ils soient d’origine interne ou internationale, applicables sur
le territoire camerounais. Cela est d’autant plus approprié que Maurice Kamto reconnaît qu’il existe
une consubstantialité et une interpellation mutuelle entre droit et protection de l’environnement.
Pour cet auteur, « le droit est indissociable de la protection de l’environnement, parce qu’il est
étroitement lié à toute forme de protection. En effet, il ne peut y avoir de protection ou de
prévention sans interdiction ou, plus largement, sans prescription de comportement. Or le droit – du
moins dans sa représentation la plus simple – n’est rien d’autre qu’un ensemble de prescriptions
prohibitives ou permissives. C’est dire que toute volonté de protection dans le domaine de
l’environnement comme dans tout autre domaine doit nécessairement s’appuyer sur des normes
juridiques, c’est-à-dire des règles obligatoires donc contraignantes »4.
S’agissant du pipeline Tchad-Cameroun, l’article 1er (2d) de l’Accord entre le
Gouvernement de la République du Tchad et le Gouvernement de la République du Cameroun
relatif à la construction et à l’exploitation d’un système de transport des hydrocarbures par pipeline
du 08 février 1996 le présente comme « la canalisation pour le transport des hydrocarbures en
provenance des bassins sédimentaires de la Zone du permis H, traversant les territoires des Etats
contractants et comprenant des stations de pompage, des systèmes de télécommunications, des
installations à terre et en mer pour le stockage et le chargement des hydrocarbures et toutes les

3
Jean Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, p. 901. S’agissant du concept
même d’environnement, il faut reconnaître qu’il est plutôt flexible car à la définition simplifiée retenue par la Cour
internationale de Justice (CIJ) qui y voit « l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie
et de leur santé, y compris pour des générations à venir » (Voir CIJ, avis du 08 juillet 1996, Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires, § 29 ou encore CIJ, arrêt du 25 septembre 1997, affaire relative au projet Gabcikovo-
Nagymaros entre la Hongrie et la Slovaquie, § 53), la loi N°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion
de l’environnement retient en son article 4 (k) une définition plus complexe qui le perçoit comme « l’ensemble des
éléments naturels ou artificiels et des équilibres bio-géochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs
économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des
organismes vivants et des activités humaines ».
4
Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf, p. 17.

3
installations annexes qui s’y rattachent ». Bref, il s’agit du système de transport des hydrocarbures
depuis les champs pétroliers de Doba au Tchad jusqu’au terminal maritime de Kribi au Cameroun.
Dans sa portion tchadienne, il est appelé système de transport tchadien tandis que dans sa portion
camerounaise, il se nomme système de transport camerounais. Etant donné que ce système de
transport n’achemine que du pétrole (pour le moment en tout cas), il s’agit d’un oléoduc, selon un
critère de classification des pipelines basé sur la nature du produit transporté5. C’est ce qui justifie
qu’à certains moments de nos développements, nous utilisions le concept d’oléoduc à la place de
celui de pipeline.
Voilà ainsi présentés le contexte et l’objet de notre étude, dont il convient désormais de
mettre en lumière l’intérêt.

II- INTERET DE L’ETUDE

L’étude de la protection de l’environnement dans le cadre du pipeline Tchad-Cameroun


présente un intérêt bidimensionnel.
Sur le plan scientifique et académique, il convient d’abord de relever que ce thème de
recherche se situe au confluent de plusieurs disciplines juridiques – aux logiques parfois
contradictoires – confirmant ainsi le caractère fonctionnaliste du droit. Il s’agit principalement du
droit du commerce international et des investissements, du droit de l’environnement et du droit de
la mer. Tout ceci en fait la complexité mais également l’intérêt.
Il est question en outre de confronter la problématique environnementale à la logique
marchande qui, avec la mondialisation, gagne du terrain. L’objectif, en réalité, est de contribuer
aussi modestement soit-il, à l’amélioration de la prise en compte des préoccupations
environnementales dans la mise en œuvre des grands projets d’investissement dont le système de
transport camerounais en est une pertinente illustration. En effet, convient-il de le rappeler, cette
étude place le juriste internationaliste au cœur de l’un des problèmes juridiques contemporains
majeurs, à savoir la protection de l’environnement à l’épreuve de la promotion des investissements
dans les pays en développement.
Enfin, il y a lieu de préciser que des productions scientifiques globales et approfondies sur
ce projet font cruellement défaut dans l’univers académique.

5
Plusieurs critères permettent en effet de distinguer les pipelines. Sur la base de la nature du produit transporté, on parle
d’oléoduc lorsqu’il s’agit du pétrole, de gazoduc lorsqu’il est question de gaz naturel et d’aqueduc lorsque c’est de l’eau
qui est acheminée. Pour une maîtrise plus profonde des types de pipeline, lire Marc Roelandt, La condition juridique
des pipelines dans le droit de la mer, Paris, PUF, pp. 27-28.

4
Sur le plan personnel et professionnel, le choix de ce thème de recherche est l’expression de
deux aspirations longtemps nourries et qui s’inscrivent en droite ligne de la formation reçue à
l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). Il s’agit en premier lieu d’œuvrer à la
protection de l’environnement, dont la dégradation aujourd’hui (changements climatiques,
déforestation, disparition de la biodiversité, catastrophes naturelles, etc.) a atteint des seuils
inquiétants. De ce fait, la protection de l’environnement est un impératif pour chaque citoyen du
monde qui doit apporter sa pierre à l’édification d’une « justice environnementale »6 garante de
l’équité dans la répartition des bénéfices de l’environnement.
En second lieu, en tant qu’étudiant en Contentieux International, il serait utile de pénétrer,
non seulement par les textes, mais aussi dans les faits, le fonctionnement réel de quelques acteurs
institutionnels impliqués dans l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun (ministères, entreprises,
Organisations Non Gouvernementales), véritables lieux d’application du droit international, dans la
mesure où notre ambition est de faire carrière dans le milieu de l’expertise juridique internationale.
Au regard des développements qui précèdent, l’intérêt de cette étude peut également être
perçue à travers la revue de la littérature y relative.

III- REVUE DE LA LITTERATURE

La littérature portant sur le transport des hydrocarbures par le biais du pipeline Tchad-
Cameroun est relativement abondante. Cependant, le constat est qu’elle porte beaucoup moins sur
des ouvrages de type classique que sur des articles de journaux, des revues scientifiques, des
supports numériques et des rapports d’évaluation d’organismes en charge de la gestion et du
contrôle du projet.
S’agissant des ouvrages, deux études essentielles traitent de la question du pipeline Tchad-
Cameroun. Il s’agit d’abord de Projet pétrolier Tchad-Cameroun. Dés pipés sur le pipeline (Agir
ici et Survie, Paris, L’Harmattan, 1999, 65 pages) produit par deux ONG françaises : Agir ici et
Survie. Très critique sur le projet pour qui il est loin d’être satisfaisant sur le plan écologique, cette
réflexion reste insuffisante en l’état actuel de l’évaluation qu’il y a à faire du cadre juridique du
projet. Ceci, d’abord en raison de son volume (il s’agit en réalité d’un opuscule de 65 pages dont 6
seulement – 44 à 49 – sont consacrées aux questions d’environnement dans un sous-titre intitulé

6
Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, Paris, Pedone, 3e édition, p. 13.

5
« menaces sur l’environnement ») ; ensuite, du fait du moment où elle intervient (durant l’année
1999, alors que les travaux de construction du pipeline n’avaient même pas encore été entamés7).
Il y a ensuite l’ouvrage de Michel Kounou, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara (Yaoundé,
CLE, 2006, 137 pages). Si l’on peut se féliciter de son caractère relativement récent et de son
volume un peu plus consistant, il y a tout de même lieu de déplorer, pour notre étude, le fait qu’à
vouloir embrasser toute la problématique de l’exploitation et de la gestion des hydrocarbures au sud
du Sahara, cet ouvrage ne consacre qu’un infime pan de ses développements au pipeline Tchad-
Cameroun. Dans la même lancée, il n’a réservé que 4 pages – 98 à 101 – aux questions
d’environnement dans un sous-titre intitulé « une démolition profonde de l’environnement liée à
l’exploitation pétrolière ». Malgré tout, c’est le moyen pour cet auteur, sur un ton sentencieux, de
formuler une critique virulente de l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun. Il affirme à ce titre :
« le pipeline Tchad-Cameroun a définitivement perturbé l’harmonie de certaines communautés
camerounaises et tchadiennes, à travers des expropriations autoritaires et brutales ; intempestives et
massives ; la destruction véhémente de l’environnement et des écosystèmes des forêts ; des
déversements abusifs dans les champs »8.
En somme, si les auteurs des ouvrages sus-évoqués sont unanimes sur la menace écologique
que constitue le pipeline Tchad-Cameroun, il y a lieu de relever que leurs analyses portent
principalement sur des données empiriques, sans grande référence aux textes juridiques applicables
et au sort qui leur est réservé.
En ce qui concerne les articles de journaux (Bubinga, Cameroon Tribune, La Nouvelle
Expression, Le Messager), et les revues scientifiques (Ecovox, Enjeux), s’ils ont le mérite de fournir
des informations au-delà de la version officielle très souvent produite par les promoteurs du projet,
deux critiques majeures leur sont adressées : en premier lieu, leurs auteurs semblent adopter une
posture de critique systématique et ignorent les réalisations positives du projet ; en second lieu, ils
interviennent de façon intermittente dans l’évolution du projet et ne permettent pas d’en avoir une
vue complète et continue.
Enfin, il y a les rapports d’évaluation des organismes en charge de la gestion et du contrôle
du projet.
S’agissant des organismes de gestion, il faut dire que Esso Exploration & Production Chad
Inc., filiale d’Exxon Mobil et opérateur du consortium, produit un rapport trimestriel du suivi du
projet depuis octobre 2000 ; ce qui permet de disposer de données assez circonstanciées du projet

7
Le lancement officiel des travaux de construction du pipeline Tchad-Cameroun a été effectué le 18 octobre 2000 à
Komé au Tchad.
8
Michel Kounou, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara, Yaoundé, CLE, p. 99.

6
sur le plan des conditions de travail, de santé, de sécurité et de protection de l’environnement.
Cependant, on est en droit de se demander légitimement si Esso peut faire figurer dans ses rapports
des informations qui le compromettent.
En définitive, il ne reste plus que les rapports des organismes indépendants de contrôle, qui
peuvent permettre d’avoir une vue entière et plus ou moins objective de la gestion du projet de
transport pétrolier entre le Tchad et le Cameroun depuis son lancement jusqu’à nos jours. En
septembre 2007, trois ONG impliquées dans le suivi du projet (Environmental Defense, Centre pour
l’Environnement et le Développement et Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense
des Droits de l’Homme) ont publié une synthèse de la gestion du pipeline dont le titre était
suffisamment évocateur : Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun. Un
constat de non achèvement du projet. Sur le volet environnemental de ce rapport, les idées phares
qui ressortent mettent en évidence les problèmes environnementaux qui demeurent non résolus, les
difficultés de la fondation créée afin de mettre en œuvre certains engagements environnementaux
du projet et l’absence du plan national d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures.
Un autre organisme mis en place pour veiller à la bonne exécution de leurs obligations par
les promoteurs du projet est le Groupe International Consultatif (GIC) mis en place sur financement
du Groupe Banque Mondiale. Les rapports détaillés qu’il élabore à la suite des missions
d’inspection périodiques au Tchad et au Cameroun sont sans complaisance. Dans son rapport
disponible en version numérique de juin 2007, bien qu’il reconnaisse que le déversement du 15
janvier 2007 a créé « plus de peur que de mal »9, il relève le déficit de capacités en matière de
réactivité et d’actions de suivi, les insuffisances persistantes du cadre juridique de protection de
l’environnement et réitère ses inquiétudes quant à la gestion courante dans la mise en œuvre des
compensations écologiques et du plan pour les peuples autochtones vulnérables.
Cependant, le grand inconvénient des rapports élaborés par ces organismes de contrôle est
qu’ils ne sont pas toujours accessibles au grand public et bénéficient d’un écho assez faible tant
auprès des médias que des promoteurs du projet. Ce sont ces documents qui nous ont permis
formuler la problématique et l’hypothèse.

IV- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE

La présentation de la problématique (A) précèdera celle de l’hypothèse (B).

9
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 12 au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 » in
www.gic-iag.org, p. 33.

7
A-PROBLEMATIQUE

La prise en compte des préoccupations environnementales au Cameroun est un phénomène


récent. Pour le Docteur Serge Vincent Ntonga-Bomba, « la véritable prise de conscience du
Cameroun sur les problèmes environnementaux date depuis le sommet de la terre qui s’est tenu à
Rio de Janeiro au Brésil au mois de juin 1992 »10. Cependant, malgré la jeunesse du phénomène, on
dénote dans ce pays un corpus juridique à dominante écologique très impressionnant, dont une
partie non moins négligeable a vocation à s’appliquer à la gestion du pipeline Tchad-Cameroun. Or,
quinze ans après le lancement du projet, on est en droit de se poser une question fondamentale :
quelle appréciation peut-on faire aujourd’hui du cadre juridique de protection de l’environnement
dans le système de transport camerounais ? Par conséquent, peut-on affirmer qu’il permet de
protéger efficacement l’environnement attenant à la portion camerounaise du projet ?
Cette double question est importante car elle permet d’évaluer le chemin jusque là parcouru
et d’envisager avec sérénité les perspectives d’avenir. Il s’agit alors, dans un premier temps, de
recenser les normes applicables au projet et d’identifier les institutions impliquées dans sa gestion et
son contrôle. Ensuite, il est question de s’interroger sur leur efficacité à un moment où les critiques
portées sur le projet ne semblent point s’adoucir et que d’autres projets de développement
d’envergure sont en préparation ou en cours de réalisation.

B-HYPOTHESE

L’hypothèse est la réponse provisoire à la question centrale que l’on s’est posé. Et, dans le
cas d’espèce, le constat général qui se dégage à ce moment de l’étude n’est pas du tout rassurant : le
cadre juridique et institutionnel mis en place en vue de protéger l’environnement camerounais suite
à l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun, bien que consistant, semble, a priori, ne point remplir
toutes les attentes placées en lui. A l’origine de ce constat, plusieurs raisons peuvent être évoquées :
- l’adoption de normes juridiques d’interprétation et d’application difficile, en raison de leur
complexité et du manque de précision qui les caractérise;
- les conflits d’intérêts au sein de l’Etat (juge et partie dans la mise en œuvre du projet) qui a
du mal à remplir complètement ses engagements juridiques ;
- l’absence de bonne foi de certaines parties impliquées dans la gestion du projet.

10
Serge Vincent Ntonga-Bomba, « L’état actuel de la mise en œuvre des instruments juridiques en matière
d’environnement au Cameroun » in Juridis Périodique, N°50, avril-mai-juin 2002, p. 121. Lire également dans le même
sens : Jean-Claude Tcheuwa, « La prise en compte des préoccupations environnementales en droit positif camerounais »
in RJE, n°1/2006, mars 2006, pp. 21-42.

8
V- METHODE ET PLAN

La présentation de la méthode (A) et du plan à suivre (B) constituent les deux derniers axes
de notre introduction.

A-METHODE

L’intérêt de la méthode dans la recherche n’est plus à démontrer. Pour Madeleine Grawitz,
« la méthode est un moyen de parvenir à un aspect de la vérité »11. En d’autres termes, il s’agit du
cheminement que nous avons choisi de suivre afin d’aboutir aux conclusions finales de notre étude.
Dans le cadre de cette réflexion, dont l’ambition est de faire l’évaluation du cadre juridique
de protection de l’environnement dans un projet considéré comme écologiquement risqué, nous
procèderons selon une approche duale qui alliera l’analyse théorique et l’observation.
Sur le plan de l’analyse théorique, nous ferons recours à la méthode objectiviste, d’essence
sociologique, selon laquelle le droit devrait être le reflet des conceptions sociales dominantes. Cela
est d’autant plus indiqué que la protection de l’environnement s’apparente aujourd’hui à une
exigence de plus en plus partagée dans le monde12. Cette approche nous incitera alors à nous
interroger sur la pertinence du droit applicable, eu égard aux nécessités écologiques actuelles et aux
évolutions juridiques récentes, à chaque fois que l’opportunité se présentera.
L’observation consistera pour nous à descendre effectivement sur le terrain afin de recueillir
toutes les données nécessaires à une meilleure compréhension du sujet d’étude et de nous permettre
de nous faire une conviction personnelle de la question au-delà des déclarations faites de part et
d’autre. Il sera donc utile pour nous d’accéder à certains sites de passage du pipeline en question, de
rencontrer certains responsables de la société d’exploitation, mais également de l’Etat, de la société
civile impliqués dans le projet, ainsi que les populations locales directement affectées.

B-PLAN

Le plan de ce travail sortira légèrement du schéma classique communément recommandé


pour les exercices juridiques, en raison des nécessités qu’impose le sujet. En effet, il a paru utile

11
Madeleine Grawitz, Méthode des sciences sociales, Paris, Dalloz, 11e édition, p. 419.
12
Pour le Professeur Maurice Kamto, « aujourd’hui, la protection de l’environnement a fini par s’imposer à la
conscience universelle comme une nécessité » : Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., p. 15.

9
d’élaborer un chapitre préliminaire qui, en réalité, constitue le fondement des développements
subséquents. Intitulé « le pipeline Tchad-Cameroun : une menace pour l’environnement », il a un
double objectif.
En premier lieu, il a pour but de permettre une meilleure compréhension des aspects
historiques et techniques du projet en étude, qui ne sont pas toujours évidents à cerner.
En second lieu, il vise à justifier la nécessité impérieuse qu’il y avait pour le Cameroun
d’adopter un cadre juridique et institutionnel efficace en matière de protection de l’environnement
dans l’optique de la construction et de l’exploitation d’un système de transport des hydrocarbures.
C’est à l’issue de cette clarification que nous envisagerons les deux axes qui suivent :
- Première partie : L’aménagement juridique et institutionnel du projet en matière de
protection de l’environnement ;
- Deuxième partie : Les insuffisances du dispositif juridique et institutionnel à corriger.

10
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LE PIPELINE TCHAD-CAMEROUN : UNE
MENACE POUR L’ENVIRONNEMENT

Encore appelé projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, le pipeline


Tchad-Cameroun est un ouvrage techniquement complexe et de dimension exceptionnelle. Il a été
classé « projet de catégorie A » selon les procédures de revue environnementale du Groupe Banque
Mondiale, ce qui veut dire qu’il pourrait avoir des effets négatifs significatifs sur l’environnement
des zones géographiques qu’il traverse13. Qu’est-ce qui a justifié une telle classification ? Il y a lieu
d’opérer un inventaire des principaux risques environnementaux posés par le pipeline Tchad-
Cameroun (Section 2), ceci après avoir procédé à la présentation de l’ouvrage (Section 1).

SECTION 1 : LA PRESENTATION DU PIPELINE TCHAD-CAMEROUN

Deux paramètres nous permettront d’avoir une vue plus claire du pipeline Tchad-
Cameroun : le contexte historique du projet (I) et la description physique de l’ouvrage (II).

I- LE CONTEXTE HISTORIQUE DU PROJET

Sous cet intitulé, nous analyserons successivement l’objet et la justification du projet d’une
part (A), son financement, d’autre part (B).

A- Objet et justification du projet

L’idée d’un pipeline, traversant les territoires tchadien et camerounais, émerge de la


découverte d’importantes ressources pétrolières au sud du Tchad, dans la région de Doba, en 1993.

13
Pour chaque projet envisagé, la Banque procède à un examen environnemental préalable. Elle classe le projet dans
l’une des quatre catégories existantes (A, B, C et FI) en fonction des diverses particularités de ce projet : type,
emplacement, degré de sensibilité, échelle, nature et ampleur de ses incidences environnementales potentielles. Les
projets de catégorie A sont ceux qui risquent d’avoir sur l’environnement des incidences très négatives, névralgiques,
diverses ou sans précédent. Les projets de catégorie B sont ceux dont les effets négatifs qu’ils sont susceptibles d’avoir
sur les populations humaines ou sur des zones importantes du point de vue de l’environnement – zones humides, forêts,
prairies et autres habitats naturels, etc. – sont moins graves que ceux d’un projet de catégorie A. Les projets de catégorie
C sont ceux dont la probabilité des effets négatifs sur l’environnement est jugée minimale ou nulle. Les projets de
catégorie FI sont ceux pour lesquels la Banque y investit des fonds au travers d’un intermédiaire financier, dans des
sous-projets susceptibles d’avoir des effets négatifs sur l’environnement. Voir article 8 de la Politique Opérationnelle
4.01 du Groupe Banque Mondiale sur l’évaluation environnementale.

11
En effet, à la suite d’un accord conclu le 19 décembre 1988, le Tchad a attribué un permis
d’exploration à un consortium pétrolier international, composé des sociétés Esso Exploration and
Production Chad Inc., Shell Tchadienne de Recherches et d’Exploitation et Elf Hydrocarbures
Tchad14, dont les recherches ont confirmé la présence d’importants gisements d’hydrocarbures à
l’intérieur de la zone d’exploitation désignée « Zone du permis H ».
Or, bien que le projet concernait principalement le développement des champs de pétrole au
Tchad, sa réussite dépendait en grande partie du rôle qu’allait jouer la République du Cameroun. En
effet, le Tchad est un pays enclavé et n’a aucun accès direct à la mer, seul moyen pratique de
transporter de grandes quantités de brut vers les marchés internationaux. Les parties vont donc
s’entendre pour construire un oléoduc souterrain en vue de transporter le brut tchadien à travers le
territoire camerounais jusqu’à un terminal maritime au large de Kribi.
Sur la justification du projet, il faut dire que celui-ci intervient à un moment où les deux
Etats impliqués traversent une situation économique de crise. Au Tchad, le Produit National Brut
(PNB) par personne s’élève à 96.000 FCFA, ce qui en fait le cinquième pays le plus pauvre au
monde15. Aussi, le Tchad a besoin du projet pour réduire la pauvreté dont souffre sa population,
grâce aux revenus générés par le paiement de redevances et d’impôts, aux possibilités d’emplois et
de formations qui seront créées par le projet et aux améliorations d’infrastructures. Exception faite
du développement de ces ressources pétrolières, le Tchad n’a pratiquement aucun autre espoir réel
pour un développement économique à court terme.
La situation économique du Cameroun est sensiblement meilleure que celle de son voisin
tchadien au moment du lancement du projet. Son PNB par personne est de 366.000 FCFA et le pays
est le quarante-septième le plus pauvre au monde16. Par ce projet, le Cameroun entend bénéficier
des revenus générés par les droits de transit et les impôts, de la création d’emplois et de la formation
professionnelle, ainsi que de l’amélioration des infrastructures.
En outre, et « comme toute initiative d’investissement et de développement prise dans le
secteur privé, le projet répond également aux intérêts commerciaux de ses promoteurs privés »17.
C’est ce qui explique certainement l’ardeur du Groupe Exxon Mobil à trouver de nouveaux
partenaires, après le retrait des groupes Shell et Elf en 2000, groupes qui détenaient 60% des parts
du projet, d’autant plus que le Groupe Banque Mondiale suspendait dorénavant sa participation à la

14
A la suite des pressions internationales dont elles vont faire l’objet de la part des mouvements écologiques, les
compagnies Shell et Elf vont se retirer du consortium en 2000, et donc du projet. Elles seront remplacées par Petronas
Carigali et Chevron Petroleum. Lire à ce sujet : Duke Atangana, « Pipeline. Recomposition du puzzle ? » in Bubinga,
N°33, avril 2000, p. 4.
15
Projet d’exportation tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, mai 1999, p. 2-5.
16
Ibid., p. 2-6.
17
Ibid., p. 2-4.

12
présentation de nouveaux partenaires. Bitsé Ekomo relève d’ailleurs qu’ « il serait […] illusoire de
croire que les firmes multinationales et les autres sociétés commerciales qui s’investissent dans
l’implantation et l’exploitation de cette canalisation sont mues par des mobiles de bénévolat.
L’implication des multinationales dans des entreprises d’envergure se justifie avant tout par leur
souci de réaliser des bénéfices »18.
Sur la base des développements qui précèdent, l’on relève la centralité des considérations de
profit et de rentabilité économique et financière dans l’approbation du projet par les différentes
parties prenantes. Ceci aura des incidences, fussent-elles implicites, dans la prise en compte des
préoccupations environnementales au moment de l’adoption de son cadre juridique.
Le contexte du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun ne serait
entièrement compris si l’on n’évoquait pas à présent les circonstances, les acteurs et les modalités
de son financement.

B- Financement du projet

Présenté comme le plus gros investissement en Afrique au sud du Sahara au moment de son
lancement, le pipeline Tchad-Cameroun est un projet dont les contours du financement ne sont pas
aisés à cerner. Conformément au plan de financement préliminaire établi en août 1998 entre le
consortium et les deux Etats contractants, le financement total requis s’élevait à environ 2280
milliards de FCFA, les coûts de construction à eux seuls étant estimés à une somme de 2100
milliards de FCFA. Or, bien que ce plan n’eût concerné que les promoteurs du projet, le consortium
pétrolier a fait de la participation du Groupe Banque Mondiale une condition préalable à la
réalisation du projet19, ceci afin de garantir le risque politique et d’attirer d’autres sources de
financement privées ou publiques. En effet, selon le consortium, le Cameroun et le Tchad étant déjà
des clients du Groupe Banque Mondiale, « la participation de la Banque au projet apporte une
certaine continuité et une influence stabilisatrice non négligeable. Par conséquent, la participation
de la Banque au financement du projet sert de catalyseur pour l’obtention d’autres sources de
financement en atténuant les risques d’investissement qu’encourraient les établissements de crédit
qui accorderaient des prêts au projet »20.
En somme, la charge financière totale du projet a été satisfaite ainsi qu’il suit :

18
Christophe Bertrand Bitsé Ekomo, L’accord entre la République du Tchad et la République du Cameroun relatif au
pipeline, Yaoundé, IRIC, Mémoire de DESS, p. 108.
19
Aux termes de l’accord portant déclaration d’intention de réaliser le système de transport camerounais du 31 janvier
1995 entre le Cameroun, le Tchad et le consortium pétrolier, la participation de la Banque Mondiale était une condition
sine qua non à la réalisation du projet. Voir article 1.2.2 dudit accord.
20
Projet d’Exportation Tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, op. cit., p. 2-9.

13
- les membres du consortium et leurs affiliés ont financé directement environ 60% du coût
total du projet21, soit la totalité du financement des opérations en amont (développement des
champs de pétrole) et leur participation au capital des deux sociétés chargées de
l’exploitation de l’oléoduc, à savoir la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) et
la Tchad Oil Transportation Company (TOTCO)22.
- Les deux sociétés chargées de l’exploitation de l’oléoduc (COTCO et TOTCO) ont financé
37% des coûts du projet à partir de prêts contractés par l’intermédiaire de la Société
Financière Internationale (SFI)23, des agences de crédit à l’exportation et d’autres bailleurs
de fonds privés (Banque américaine d’import-export, COFACE, ABN-Amro, Crédit
Agricole Indosuez).
- Les gouvernements du Cameroun et du Tchad ont participé uniquement au capital de
COTCO et TOTCO pour un montant global de 69 milliards de FCFA, obtenus sous la forme
d’un prêt de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD)24
et la Banque Européenne d’Investissement (BEI)25, soit 42 milliards de FCFA pour la
République du Cameroun et 27 milliards de FCFA pour l’Etat tchadien. Ce qui représente en
valeur relative 3% du coût total du projet.
Ainsi, la participation du Groupe Banque Mondiale au financement du projet a été sollicitée
de deux façons différentes : d’une part, par le biais de la BIRD, au bénéfice des deux Etats
impliqués ; d’autre part, par l’intermédiaire de la SFI au profit de COTCO et TOTCO, propriétaires
du pipeline, dont il convient dès lors de présenter l’architecture physique.

II- LA DESCRIPTION PHYSIQUE DE L’OUVRAGE

Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun est une initiative visant à


produire du pétrole dans des champs au sud du Tchad et à le transporter à travers le Cameroun,
jusqu’à sa côte atlantique, d’où il sera exporté vers les marchés internationaux. Le projet produira

21
Au sein même du consortium, Exxon Mobil a participé à hauteur de 40%, Petronas pour 35% et Chevron a assuré le
résidu de 25%.
22
Bien qu’Esso soit l’opérateur désigné par le consortium pour les champs de pétrole, le système de transport par
oléoduc appartient à deux sociétés qui ont été spécialement créées à cet effet : COTCO et TOTCO. Chacune de ces
sociétés est responsable de la construction, de l’exploitation et de l’entretien de l’oléoduc dans son pays de compétence.
23
La SFI est l’un des cinq organes du Groupe Banque Mondiale, qui a reçu pour mission de promouvoir les
investissements privés dans les pays en voie de développement.
24
La BIRD est l’un des cinq organes du Groupe Banque Mondiale. Principal organe du Groupe, elle avait pour mission
originelle de financer la reconstruction de l’Europe après la seconde guerre mondiale. Son objectif actuel est de réduire
la pauvreté dans le monde en accordant des prêts à des Etats ou des entreprises publiques en difficulté.
25
La BEI est l’institution financière de l’Union Européenne. Elle a pour mission principale d’emprunter sur les marchés
financiers pour financer des projets au sein de l’Union. Cependant, elle peut également intervenir, de son propre chef,
en dehors de l’Union, mais l’argent investi proviendra alors de ses fonds propres.

14
environ un milliard de barils26 de brut sur une période de 25 à 30 ans, le débit de production
journalier étant d’environ 225.000 barils.
Au moment où le Cameroun s’engage à négocier sa construction, au début des années 1990,
le pays ignore presque tout en ce qui concerne ce type d’ouvrages. Or, pour Marc Roelandt, « la
question des pipelines ne peut être analysée et comprise sans connaître les aspects techniques du
sujet »27. L’ambition que se fixent les développements qui vont suivre est donc de lever un pan du
voile qui couvre cette architecture d’un genre nouveau, avec pour étude de cas celle qui relie le
Tchad au Cameroun. Et, de ce fait, une étroite systématisation de ses éléments constitutifs nous
permet de regrouper d’un côté ses principales composantes (A) et de l’autre ses infrastructures
annexes (B).

A- Les principales composantes de l’ouvrage

Les principales composantes d’un pipeline, en l’occurrence le pipeline Tchad-Cameroun,


sont les champs de pétrole et le système de transport.
S’agissant des champs de pétrole, leur développement et leur exploitation s’opèrent à partir
de trois sites (Komé, Miandoum et Bolobo) situés dans le bassin de Doba au sud du Tchad. Ils ont
donné lieu à la construction de 300 puits de pétrole dont les 2/3 sont situés dans le site de Komé, le
plus grand des trois sites exploités. Comme la pression naturelle des réservoirs dans les champs
exploités n’est pas suffisante pour pousser le pétrole visqueux jusqu’à la surface, chaque puits est
équipé d’une pompe électrique immergée, située à une profondeur d’environ 1,6 kilomètres. Le brut
et l’eau produits dans ces puits sont ensuite transportés par l’intermédiaire des conduites
d’écoulement, des collecteurs et des stations de collecte jusqu’aux unités de traitement, où la
collecte et la séparation du pétrole, de l’eau et d’une petite quantité de gaz naturel associé aura lieu.
En outre, la zone des champs de pétrole comportera un centre opérationnel contenant les
installations suivantes : une unité centrale de traitement pour préparer le brut avant de l’envoyer
dans l’oléoduc, la station de pompage N°1 du système de transport, des entrepôts et un centre
d’entretien, un centre de formation pour le personnel et des bureaux et logements pour une partie du
personnel.
Enfin, pour alimenter en électricité le centre opérationnel et les autres installations des
champs de pétrole, il a été construit une centrale électrique d’une puissance d’environ 120
mégawatts.

26
Un baril équivaut à 42 gallons, soit 158,987 litres.
27
Marc Roelandt, La condition juridique des pipelines dans le droit de la mer, op. cit., p. 20.

15
En ce qui concerne le système de transport, il renvoie à un ensemble d’infrastructures
regroupant l’oléoduc, les stations de pompage et de réduction de pression, le terminal maritime.
L’oléoduc, au sens strict, c’est la canalisation destinée à l’acheminement du pétrole depuis le Tchad
jusqu’au Cameroun. D’un diamètre de 760 millimètres et d’une longueur de 1070 kilomètres, dont
904 en territoire camerounais28, soit environ 85% de l’ouvrage, il est fait d’acier au carbone afin de
le protéger contre la corrosion. Pour des besoins de sécurité, il est enterré à une profondeur
d’environ 1 mètre en général et 1,5 mètres sous les lits des cours d’eau.
La conception technique du système de transport prévoit également trois stations de
pompage et une station de réduction de pression. Les stations de pompage ont pour fonction de
chauffer le brut produit depuis les champs de pétrole afin de réduire sa viscosité, sa densité et
faciliter ainsi son écoulement. La première sera située dans la zone des champs de pétrole au Tchad,
la deuxième et la troisième au Cameroun respectivement à Dompta et à Bélabo.
La station de réduction de pression, elle, sert à réguler la pression du brut envoyé vers le
terminal maritime. Elle est située à Kribi, au Cameroun, à environ 1 kilomètre à l’intérieur des
côtes.
Le terminal maritime est constitué de la portion maritime de l’oléoduc, d’une distance de 11
kilomètres, du terminal flottant de stockage et de déchargement (TFSD) et du système d’amarrage
par point unique. Les TFSD sont très répandus à travers le monde et plus d’une vingtaine de
terminaux maritimes sont actuellement opérationnels au large des côtes d’Afrique Occidentale.
Celui utilisé pour le pipeline Tchad-Cameroun est un navire citerne ayant une coque spécialement
convertie à cet effet. Il a une capacité de stockage de deux millions de barils, ce qui correspond à
environ une semaine de débit de l’oléoduc à la capacité maximale.
Toutefois, un pipeline ce n’est pas que ses principales composantes telles qu’énumérées plus
haut ; il y a également des infrastructures annexes qu’il faut connaître.

B- Les infrastructures annexes

Les infrastructures annexes renvoient à l’ensemble des ouvrages dont la réalisation a été
nécessitée pour la construction du pipeline Tchad-Cameroun et qui concourent à son bon
fonctionnement aujourd’hui. En effet, leur réalisation n’aurait point eu lieu sans le projet de
transport des hydrocarbures. C’est ainsi que des parcs de stockage situés près du port de Douala et à

28
Au Cameroun, le pipeline traverse les départements du Mayo Rey, de la Vina, du Mbéré, du Djérem, du Lom et
Djérem, de la Haute-Sanaga, de la Lékié, du Mfoundi, de la Mefou et Afamba, du Nyong et So’o, de la Mefou et Akono
et de l’Océan.

16
onze autres localisations le long de l’oléoduc ont été aménagés afin de faciliter la réception du
matériel de construction provenant par voie maritime, routière et aérienne.
En plus des bureaux du système de transport installés à N’djaména et à Komé au Tchad, à
Douala au Cameroun, les autres infrastructures annexes sont le système de communication par
satellite qui a facilité la phase de construction, et aujourd’hui l’exploitation, ainsi que l’intervention
en cas d’urgence. Il y a également des stations d’émetteur/récepteur radio qui assurent la couverture
continue sur toute la longueur de la zone du projet, une piste d’atterrissage pour le transport des
marchandises, située dans la zone des champs de pétrole, capable de recevoir de grands avions-
cargos, et des pistes d’atterrissage plus petites, construites aux stations de pompage de Dompta et de
Bélabo au Cameroun.
Enfin, pourquoi ne pas citer les travaux d’amélioration sur les réseaux routiers au Cameroun
et au Tchad pour pouvoir transporter les matériels et équipements nécessaires à la construction et à
l’exploitation de l’oléoduc29, de même que les travaux d’amélioration sur le réseau ferroviaire afin
de satisfaire les besoins du projet en matière de transport des marchandises.
Toutes ces constructions, ont sans aucun doute perturbé les écosystèmes locaux, tout comme
l’exploitation qui en est faite aujourd’hui. Ce qui nous permet, dans la logique de l’étude que nous
entendons mener, de recenser les principaux risques environnementaux posés par le pipeline en
territoire camerounais.

SECTION 2 : LES PRINCIPAUX RISQUES ENVIRONNENTAUX POSES PAR LE


PIPELINE TCHAD-CAMEROUN SUR LE TERRITOIRE CAMEROUNAIS

« Le principal défi du projet en ce qui concerne le Cameroun est la maîtrise des risques
environnementaux non négligeables provenant de la construction et de l’exploitation de
l’oléoduc »30, prévenait le GIC, à l’occasion de sa première mission d’inspection au Tchad et au
Cameroun en juillet et août 2001. Ceci mettait déjà en évidence l’intérêt à accorder à la
problématique écologique dans la mise en œuvre de cet important investissement dans le secteur
pétrolier. Or, aborder l’essentielle et délicate thématique des principaux risques environnementaux
posés par le pipeline Tchad-Cameroun suppose, au préalable, d’identifier les différentes zones
écologiques qu’il traverse sur le trajet de 904 kilomètres qu’il comporte en territoire camerounais. A

29
Les travaux de construction du pipeline Tchad-Cameroun ont entraîné des réparations de routes goudronnées sur 135
kilomètres, des réparations de routes en latérite, la construction de 35 kilomètres de routes nouvelles et d’un pont
frontalier sur la rivière de la Mbéré entre le Cameroun, le Tchad et la République Centrafricaine.
30
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 1 au Tchad et au Cameroun du 19 juillet au 03 août 2001 » in
www.gic-iag.org, p. 4.

17
ce sujet, l’étude d’impact environnemental (EIE) réalisée par les promoteurs du projet relève cinq
zones écologiques aux caractéristiques somme toute singulières : la zone de savane boisée31, la zone
de forêt sémi-décidue32, la zone de forêt mixte33, la zone de la forêt du littoral atlantique34 et la zone
maritime35. Il est important de noter que les risques environnementaux engendrés par ce projet ne
sont pas toujours identiques en fonction de la zone écologique envisagée. De même faut-il relever
que ces risques ont évolué et se sont mués au fur et à mesure de la réalisation de l’ouvrage de sorte
que nous distinguerons d’un côté les risques liés à la construction de l’ouvrage (I) et de l’autre, ceux
qui sont inhérents à son exploitation (II).

I- LES RISQUES LIES A LA CONSTRUCTION DE L’OUVRAGE

La construction du pipeline Tchad-Cameroun, indépendamment de son exploitation


aujourd’hui, a engendré un certain nombre de risques spécifiques sur l’environnement. Il y en a qui
ont trait à la conservation des écosystèmes (A) et d’autres qui pèsent sur les établissements humains
(B).

31
La zone de savane boisée va de la zone des champs de pétrole au Tchad jusqu’aux environs de Mararaba au
Cameroun, soit du kilomètre 0 jusqu’au kilomètre 485 de l’oléoduc. Sur le plan humain, deux groupes principaux
peuplent la zone. Ces groupes comprennent, d’une part, une population rurale sédentaire pratiquant une agriculture de
subsistance et, d’autre part, une population nomade qui traverse cette zone en fonction de la disponibilité saisonnière du
fourrage et de l’eau pour leur bétail. En ce qui concerne le milieu biophysique, cette partie du tracé se trouve dans une
vaste zone de savane perturbée, constituée d’arbres et d’arbustes, de parcelles cultivées, de jachères boisées et de petits
îlots de végétation relativement non perturbée.
32
La zone de forêt sémi-décidue va des environs de Mararaba jusqu’aux environs de Batchenga, approximativement du
kilomètre 485 jusqu’au kilomètre 795 de l’oléoduc. D’une part, elle est rurale et peu peuplée et, d’autre part, au fur et à
mesure que le tracé de l’oléoduc avance vers le sud, la savane cède progressivement la place à une mosaïque de forêt et
de savane.
33
La zone de forêt mixte s’étend des environs de Batchenga jusqu’aux environs de Ngoumou, du kilomètre 795
jusqu’au kilomètre 875 de l’oléoduc. Cette section relativement courte du tracé contourne Yaoundé coté sud dans une
zone très peuplée où l’activité économique est très importante. En outre, la zone de forêt mixte contient l’un des
principaux centres urbains du Cameroun et le paysage entre Yaoundé et Ngoumou se caractérise par de larges couloirs
de végétation perturbée constituée d’une vaste mosaïque de parcelles cultivées, de jachères, de villages et des parcelles
forestières isolées.
34
La zone de forêt du littoral atlantique va des environs de Ngoumou jusqu’à la côte atlantique, approximativement du
kilomètre 875 jusqu’au kilomètre 1060 de l’oléoduc. Les principaux groupes ethniques qui vivent à proximité du tracé
de l’oléoduc dans cette zone sont les pygmées Bakola et les villageois Bantous, deux groupes qui partagent des biens
d’interdépendance depuis plusieurs décennies. D’une façon générale, la zone de la forêt du littoral atlantique se
caractérise par une végétation tropicale humide de forêt toujours verte.
35
La zone maritime s’étend des environs de l’oléoduc sous-marin et du TFSD, c’est-à-dire de la traversée de la côte,
jusqu’à environ 11 kilomètres au large. La pêche d’autoconsommation et la pêche commerciale à échelle réduite se
produisent à proximité de Kribi pour approvisionner les restaurants, les marchés et les marchands ambulants locaux.
D’une manière générale, cette zone est peuplée de tortues marines et de poissons.

18
A- Les risques sur la conservation des écosystèmes

La construction d’un ouvrage d’une complexité morphologique et technologique comme le


pipeline Tchad-Cameroun pose nécessairement des problèmes pour la protection de
l’environnement, et en particulier des écosystèmes36. En effet, les travaux qu’implique une telle
construction affectent sans aucun doute les populations animales et végétales qui, comme nous
l’avons vu plus haut, peuplent les différentes zones écologiques traversées.
Il y a, tout d’abord, le phénomène de la déforestation, par défrichement, qui s’est amplifié du
fait de la nécessité de faire passer l’oléoduc à travers des zones de savane et de forêt qui, pour
certaines, étaient jusque là non perturbées. De fait trois habitats naturels sensibles étaient menacés
par le tracé du couloir de l’oléoduc : la vallée faillée de la Mbéré (dans la zone de savane boisée), la
forêt de Deng Deng (dans la zone de forêt sémi-décidue) et la forêt du littoral atlantique.
Le processus d’excavation, pour l’enfouissement de l’oléoduc, a nécessité de son côté
l’enlèvement de la couche arable, réduisant de ce fait la capacité de développement de la végétation
dans l’emprise foncière de l’oléoduc lorsque celle-ci sera retournée à son utilisation antérieure
après la construction, tandis que l’utilisation à long terme de certains espaces autrefois forestiers
pour la construction des installations terrestres du projet (stations de pompage et de réduction de
pression, bureaux, etc.) mettait fin à toute ambition de voir y pousser à nouveau la végétation. Tout
ceci remettait au goût du jour le problème de la conservation des ressources forestières du
Cameroun, parties intégrante du Bassin du Congo, dont l’intérêt n’est plus à démontrer en matière
de régulation du climat mondial.
Ensuite, l’enquête de terrain sur les ressources biologiques a identifié le besoin de protéger
certaines espèces classées par l’Union Mondiale pour la Nature (UICN) dans certaines parties de la
zone de forêt sémi-décidue de l’aire du projet. Ces espèces comprennent les gorilles et les
chimpanzés dans les portions boisées de la région située au sud du Lom et la présence saisonnière
des éléphants dans la mosaïque de forêt/savane le long de l’alignement de l’oléoduc au nord, dans la
zone de confluence de la rivière Lom avec la rivière Sanaga et Mararaba.
Enfin, il y a lieu de signaler que le développement de l’activité humaine dans la zone du
projet, du fait des troubles engendrés (développement de la circulation routière, extension des

36
On entend par écosystème, une « unité fonctionnelle de base en écologie, [une] association dynamique de deux
composantes en constante interaction : un environnement physico-chimique, géologique et climatique (le biotope) et un
ensemble d’êtres vivants caractéristiques (la biocénose) » : Christian Brodhag, Florent Breuil, Natacha Gondran et
François Ossama, Dictionnaire du développement durable, Saint-Denis-La Plaine, AFNOR, p. 78. De façon plus
prosaïque, l’écosystème désigne l’ensemble des espèces animales et végétales vivant en interdépendance avec leur
milieu.

19
activités de braconnage, etc.), a accru l’émigration de nombreuses espèces animales vers des sites
jugés moins dangereux, causant ainsi un déséquilibre de l’écosystème du fait de la perturbation de
la chaîne alimentaire. C’est que, en fait, la construction d’un oléoduc dans des zones peuplées, a
nécessairement des impacts sur la biodiversité et la valeur des habitats naturels. Il n’en va pas
autrement des établissements humains.

B- Les risques de perturbation des établissements humains

Les établissements humains désignent « l’ensemble des agglomérations urbaines et rurales,


quels que soient leur type et leur taille, et l’ensemble des infrastructures dont elles doivent disposer
pour assurer à leurs habitants une existence saine et décente »37. En d’autres termes, et plus
simplement, il s’agit du cadre de vie de la population humaine, dont l’intégrité doit être préservée
afin de lui garantir une existence paisible. Or, il n’était pas possible d’imaginer la construction d’un
pipeline traversant des zones habitées, sans que les populations concernées soient victimes de
perturbations, parfois irréversibles.
S’il faut reconnaître que la perturbation des établissements humains a été beaucoup moins
caractérisée dans la zone septentrionale du projet en raison du faible peuplement des régions
traversées (zone de savane boisée et zone de forêt sémi-décidue), les risques étaient beaucoup plus
élevés dans la partie australe, depuis la zone de forêt mixte (à partir de Batchenga) jusqu’à la zone
côtière de Kribi. En effet, cette section de l’ouvrage, qui contourne habilement la capitale du
Cameroun, traverse une vaste zone périurbaine résidentielle. En plus de la présence du grand centre
d’implantation que constituent les environs de Yaoundé, cette zone se caractérise par une activité
économique importante, liée à la présence de plantations de palmiers et de cacao à l’échelle
industrielle, que menaçaient les activités de construction du pipeline du fait des nuisances sonores et
olfactives, des troubles de la circulation, du transport et des échanges.
En outre, une partie de l’oléoduc d’environ 120 kilomètres traverse une zone occupée par les
pygmées Bakola, reconnues comme populations autochtones38, à proximité de la route de

37
Article 4 (m) de la loi N°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
38
La Politique Opérationnelle 4.10 du Groupe Banque Mondiale, en son article 4, définit les populations autochtones
comme « un groupe socioculturel vulnérable distinct présentant, à divers degrés les caractéristiques suivantes :
a) les membres du groupe s’identifient comme appartenant à un groupe culturel autochtone distinct, et cette identité
est reconnue par d’autres ;
b) les membres du groupe sont collectivement attachés à des habitats ou à des territoires ancestraux
géographiquement délimités et situés dans la zone du projet, ainsi qu’aux ressources naturelles de ces habitats et
territoires ;
c) les institutions culturelles, économiques, sociales ou politiques traditionnelles du groupe sont différentes de
celles de la société et de la culture dominantes ; et
d) les membres du groupe parlent un langage souvent différent de la langue officielle du pays ou de la région ».

20
Kribi/Lolodorf, dans un couloir qui longe la forêt du littoral atlantique. Du fait des activités de
construction du projet dans quelques zones agricoles, en plus des emprises foncières sollicitées
autour de la canalisation, certaines de ces populations couraient le risque de perdre l’utilisation de
leurs terres et cultures qui, pourtant, constituent leur principal moyen de subsistance. Ces risques
vont d’ailleurs s’accroître avec le début de l’exploitation de l’oléoduc.

II- LES RISQUES INHERENTS A L’EXPLOITATION DE L’OUVRAGE

Le début de l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun date effectivement du 03 octobre


200339. Celle-ci a donné lieu à l’émergence de risques nouveaux, dont certains découlent du
fonctionnement normal de l’ouvrage (A), tandis que d’autres tiennent aux potentiels accidents qui
pourraient survenir (B).

A- Les risques découlant du fonctionnement normal du pipeline

En tant qu’ouvrage de type industriel, le fonctionnement du pipeline présente des risques


incompressibles pour l’environnement naturel et humain. Ce qui n’immunise pour autant pas ses
promoteurs de la nécessité de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin de les minimiser au
maximum.
En premier lieu, il y a les risques sur la santé humaine, la préservation de la faune et de la
flore, du fait de la production d’une variété de déchets solides, liquides et gazeux dont il faudra se
débarrasser correctement. Il s’agit, sans être exhaustif, des déchets médicaux, des débris huileux,
des ordures ménagères, des produits chimiques combustibles, des boues huileuses et des eaux usées
dont le déversement menace les zones urbaines, rurales et maritimes que traverse l’ouvrage.
En second lieu, il y a le risque de réchauffement climatique suite à l’émission des gaz à effet
de serre. En tant qu’activité de développement pétrolier, le pétrole produit s’accompagnera des
émissions de deux gaz à effet de serre : l’anhydride carbonique et le méthane. Ceci pose un réel
problème pour la stabilité du climat mondial, au regard de l’intérêt marqué que la communauté
internationale affiche aujourd’hui pour cette cruciale question qui engage l’avenir de l’humanité.
Parlant ainsi du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, le Docteur Samuel
Nguiffo affirmera que « la production de gaz carbonique résultant de l’utilisation des réserves

39
Cependant, l’ouvrage sera effectivement inauguré le 12 juin 2004 à Kribi par les Présidents Paul Biya du Cameroun
et Idriss Déby du Tchad, en présence des Présidents de la République Centrafricaine, de la Guinée Equatoriale et du
Burkina Faso.

21
connues de pétrole suffira à rendre la vie impossible sur la planète, du fait de l’augmentation
sensible de la température »40.
De surcroît, il y a les répercussions des technologies de l’exploitation du pipeline sur la
nappe phréatique qui menacent les ressources hydriques et marines, de même qu’elles affectent
directement les ressources biologiques et l’activité humaine dans la zone maritime du projet. Yves
Martial Madiba Balaha, alors deuxième adjoint au maire de Kribi déclarait dans une interview
accordée au journal Bubinga : « l’existence de la plateforme est source de beaucoup de problèmes
tant techniques que sociaux et environnementaux […] Il y a le réchauffement de la mer : lors du
dégazage des tankers, on utilise de l’eau très chaude qu’on reverse dans la mer […] Conséquence, le
poisson a tendance à aller vers les zones froides, et autre conséquence encore les pêcheurs à la rame
dont on connaît bien la précarité des conditions d’existence, sont obligés d’aller toujours plus loin et
de s’exposer à de nombreux risques, étant donné que ce qu’on avait à 500 mètres, on l’obtient
désormais à 40 kilomètres »41.
Si donc le fonctionnement normal du pipeline constitue une menace pour l’environnement,
qu’en sera-t-il en cas d’accident survenu sur les installations de l’ouvrage ?

B- Les risques en cas d’accident

Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, le pipeline Tchad-Cameroun ne saurait prétendre


faire exception à cette règle. En effet, en dépit de toutes les mesures de précaution et de sécurité que
l’on peut imaginer, cet ouvrage demeure sous l’emprise de quelques risques accidentels qu’il faut
bien connaître afin de préparer des mesures de réaction appropriées. Et, le risque accidentel le plus
souvent évoqué est le déversement accidentel d’hydrocarbures. Celui-ci désigne un écoulement plus
ou moins important d’hydrocarbures, suite à l’érosion, voire la rupture de la canalisation ou du
TFSD, et pouvant aboutir à une pollution42 et, par extension dans les cas extrêmes, à une marée
noire43. On redoute en effet qu’une fuite ou un déversement accidentel se produise sur les
installations du projet et contamine l’un ou l’autre des multiples cours d’eau qu’il traverse44, voire

40
Samuel Nguiffo, « Le projet pétrolier Tchad-Cameroun : entre risques et retombées » in Enjeux, N°12, juillet-
septembre 2002, p. 10.
41
Propos recueillis par Simone Mefoudé, Bubinga, N°112, février 2007, p. 6.
42
La pollution est une « dégradation d’un ou plusieurs éléments ou aspects de l’environnement par des déchets
biologiques, chimiques ou industriels nocifs, par des résidus de produits fabriqués par l’homme et par une mauvaise
gestion des ressources naturelles et environnementales » : Yves Dupont (dir.), Dictionnaire des risques, Paris, Armand-
Colin, 2004, p. 217.
43
On entend par marée noire, des « atteintes écologiques graves portées aux eaux marines et aux littoraux par les
hydrocarbures et autres polluants issus de navires ayant fait naufrage », ibid., p. 254.
44
Dans la zone de savane boisée, l’oléoduc traverse cinq rivières (Nya, Loule, Lim, Mba et Mbéré) ; dans la zone de
forêt sémi-décidue, il traverse six rivières (Pangar, Mouyall, Lom, Sesse, Yong et Tede) ; dans la zone de forêt mixte, il

22
même les zones terrestres. Or, à ce titre, le Docteur Samuel Nguiffo prévient qu’ « en cas d’accident
pétrolier dans certaines des zones considérées, des risques sérieux pèseraient sur l’accès à l’eau
potable et sur la pêche traditionnelle dans ces régions stratégiques. Il s’agit par exemple des
populations dépendant des fleuves Logone et Chari, des fleuves du plateau de l’Adamaoua et des
cours d’eau de la zone atlantique du Cameroun »45.
Il y a également le risque de perturbation de l’activité touristique à Kribi et de l’utilisation
de la plage en tant que lieu de loisir, à la suite d’un déversement de pétrole ayant atteint et pollué la
côte, tout comme les dangers de contamination auxquels seraient exposés les oiseaux de mer au cas
où un tel incident surviendrait. On doit d’ailleurs signaler la fuite qui s’est déclarée sur la coque du
terminal off-shore le 15 janvier 2007, laissant s’échapper l’équivalent de 225 barils de pétrole qui se
sont dispersés au large des côtes, déversement néanmoins aux « conséquences minimes »46 pour la
plupart des observateurs. Qu’en aurait-il été si le déversement avait été de plus grande ampleur ?
Le second danger majeur que fait peser le système de transport des hydrocarbures sur
l’environnement au Cameroun en cas d’accident est le risque d’explosion suite à une défaillance
technique ou même à un acte de sabotage. En réalité, cette crainte est amplifiée par l’expérience
malheureuse du voisin nigérian dont l’explosion d’un oléoduc le 18 octobre 1998 a fait plus de 500
morts, ou encore celle de 1971, dont les flammes entretenues pendant trois semaines, ont dévasté
près de 250 hectares de forêt. Il faut dire que l’inflammation du système de transport ou du TFSD
pourrait avoir des conséquences écologiques inimaginables.
En somme, le pipeline Tchad-Cameroun est un ouvrage éminemment dangereux pour
l’environnement au Cameroun, comme le reconnaissait déjà la Banque Mondiale au moment de son
approbation. Les raisons d’une telle affirmation viennent d’être évoquées. Il appartient donc à ce
pays, avec l’aide de ses partenaires et des autres promoteurs du projet, d’adopter des mesures
propres à minimiser au maximum ces risques environnementaux et de titrer profit des avantages
financiers, commerciaux, technologiques et sociaux qu’il permet légitimement d’espérer. C’est le
souci de prendre en compte cette préoccupation qui suscitera l’aménagement d’un cadre juridique et

traverse une rivière, la rivière Afamba ; dans la zone de la forêt du littoral atlantique, il traverse cinq rivières (Nyong,
Mongue, Kienke et deux fois la Lokundje) et enfin il y a le risque de déversement dans la zone maritime.
45
Samuel Nguiffo, « Le projet pétrolier Tchad-Cameroun : entre risques et retombées » in Enjeux, op. cit. p. 10.
46
Philippe Chibani-Jacquot, « Le plein de critiques pour l’oléoduc Tchad-Cameroun » in La Nouvelle Expression,
N°2126, 11 décembre 2007, p. 6. Le douzième rapport du GIC, suite à la mission effectuée au Tchad et au Cameroun,
affirme que ce déversement a créé « plus de peur que de mal » : Groupe International Consultatif, « Rapport de mission
12 au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 » op. cit., p. 33. Enfin, dans un entretien obtenu auprès du
Directeur des politiques environnementales du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, membre
du Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP), le 19 octobre 2007, celui-ci nous affirma que l’incident du 15
janvier 2007 fait partie des « incidents routiniers […] liés au fonctionnement normal du pipeline ».

23
institutionnel substantiel applicable au projet, dont l’objet est d’assurer la protection de
l’environnement et des populations qui en sont affectées.

24
PREMIERE PARTIE

L’AMENAGEMENT JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DU PROJET EN MATIERE DE
PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

25
Aménager, c’est transformer, modifier pour rendre plus rationnel, plus agréable. Le
processus d’aménagement suppose donc l’existence d’une situation antérieure inappropriée, que
l’on souhaiterait transformer, modifier, afin de l’adapter à une nouvelle donne, ceci dans un souci
d’efficacité. Et, comme nous l’avons relevé plus haut, lorsque le Cameroun s’engage à soutenir la
construction et l’exploitation d’un pipeline sur son territoire, le pays ignore presque tout de ce type
d’ouvrage. Conséquence, la réglementation sur la question manque de pertinence ; on pourrait
même dire qu’elle est pratiquement inexistante. Il fallait donc l’aménager, de façon, consistante et
soutenue, au besoin en urgence, afin de répondre aux exigences d’un projet d’une telle envergure,
notamment en matière de protection de l’environnement. C’est ce que fera l’Etat du Cameroun, en
accord avec les autres parties au projet, en renforçant son cadre juridique (Chapitre 1) et en mettant
en place un dispositif institutionnel spécifique (Chapitre 2).

26
CHAPITRE 1 : UN CADRE JURIDIQUE RENFORCE

Le cadre juridique applicable aux aspects environnementaux du pipeline Tchad-Cameroun


est, pour l’essentiel, contemporain au projet lui-même. En effet, c’est au fil des négociations et des
enquêtes de terrain que se précisait progressivement le régime juridique qui devait lui être appliqué,
tant en ce qui concerne sa construction que pour ce qui est de son exploitation. D’un côté, le projet
met en place plusieurs partenaires internationaux47, d’où l’adoption de normes internationales aux
origines somme toute diverses (Section 1). De l’autre côté, une partie essentielle de sa mise en
œuvre a lieu sur le territoire camerounais ; il était donc raisonnable que les autorités de ce pays
élaborent des normes nationales pertinentes (Section 2).

SECTION 1 : LES NORMES INTERNATIONALES APPLICABLES AU PROJET

Les normes internationales applicables au système de transport camerounais empruntent


essentiellement deux canaux distincts mais complémentaires. Soit elles découlent d’actes
conventionnels établis entre le différentes parties impliqués dans le projet (I), soit alors elles
procèdent des actes unilatéraux de quelques organisations internationales (gouvernementales et non
gouvernementales) applicables aux aspects environnementaux dudit projet (II).

I- LES ACTES CONVENTIONNELS APPLICABLES AU SYSTEME DE TRANSPORT


CAMEROUNAIS

Avant d’évoquer les actes conventionnels en question, il convient d’indiquer qu’il existe des
traités internationaux, à vocation beaucoup plus générale, dont certains sont applicables à notre
objet d’étude. Il s’agit, sans être exhaustif, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(CNUDM) du 10 décembre 198248, la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer des
déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique du 30janvier 1991,
la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du 09 mai

47
Il s’agit principalement du Cameroun, du Tchad, de la Banque Mondiale et des sociétés multinationales que sont
Exxon/Mobil, Chevron/Texaco et Petronas.
48
En matière de pollution de l’environnement marin par pipeline précisément, la CNUDM, dans sa partie XII sur la
« protection et [la] préservation du milieu marin » attribue et reconnaît aux Etats, notamment côtiers, le droit de prendre
des mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin quelle qu’en soit la source
(article 94), c’est-à-dire que la pollution provienne aussi bien « des fleuves, rivières, estuaires, [que] des pipelines et
installations de décharge » (article 207).

27
1992 et la Convention des Nations Unies sur la biodiversité adoptée le même jour que la dernière
citée. Cependant, par souci de fidélité à la démarche annoncée en début de partie, qui est celle de
nous appesantir sur le cadre juridique aménagé pour le projet, nous ne nous y attarderons pas,
d’autant plus que ces textes ne traitent pas spécifiquement du pipeline Tchad-Cameroun. Ceci dit,
nous analyserons successivement l’accord-cadre du 31 janvier 1995, considéré comme la
déclaration d’intention de réaliser le système de transport camerounais (A) et les accords bilatéraux
subséquents (B).

A- L’accord cadre du 31 janvier 1995 ou la déclaration d’intention de réaliser le


système de transport camerounais

L’accord-cadre du 31 janvier 1995 est la première manifestation de volonté formelle des


promoteurs du projet, suite aux négociations entamées en 1992, de réaliser un pipeline qui traverse
les territoires tchadien et camerounais. Conformément à son article 1.1, il « a pour objet de définir
les conditions dans lesquelles les parties ont l’intention de réaliser le système de transport
camerounais, sous réserve que les conditions énumérées à l’article 1.2.2 soient remplies ». D’un
point de vue organique, cet accord est plutôt particulier, car il met en présence deux Etats (le
Cameroun et le Tchad) et trois sociétés multinationales (Esso Exploration and Production Chad
Inc., Shell Tchadienne de Recherches et d’Exploitation et Elf Hydrocarbures Tchad)49. Au plan
matériel, deux idées forces se dégagent du texte : la programmation d’un cadre juridique à préciser
ultérieurement (1) et l’absence d’une prise de position claire en matière d’environnement (2).

1- La programmation d’un cadre juridique à préciser ultérieurement

L’accord-cadre du 31 janvier 1995, conformément à son objet, exprime l’intention des


promoteurs du projet de construire et d’exploiter le système de transport camerounais. Or, la
construction et l’exploitation d’un pipeline supposent un cadre juridique approprié. Les parties vont
donc schématiser le cadre juridique futur du projet, sans toutefois en fixer les contours et les détails
précis. Elles adoptent ainsi une démarche futuriste qui justifie, au demeurant, l’utilisation constante
du temps futur dans les énoncés. Ainsi, aux termes de l’article 7.1 de cet accord-cadre « un projet
d’une loi nouvelle sera soumis à l’Assemblée Nationale de la République du Cameroun pour
conférer un fondement législatif à la construction et à l’exploitation de systèmes de transport par

49
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, Petronas et Chevron vont succéder à Shell et Elf au projet et, ipso facto, à
leurs engagements découlant de l’accord-cadre du 31 janvier 1995.

28
canalisation destinés à transporter des hydrocarbures en provenance de pays tiers ». Voilà ainsi
annoncée, la loi portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance de pays
tiers, qui sera effectivement adoptée le 05 août 1996.
On relève, dans le même sillage, l’article 7.2.1 du même accord, aux termes duquel « la
convention d’établissement à conclure entre la République du Cameroun et COTCO (‘la convention
d’établissement’) définira le cadre dans lequel COTCO pourra construire et exploiter un système de
transport transnational par canalisation en République du Cameroun, ainsi que ses droits et
obligations »50. Ces dispositions, aux relents programmatoires, traduisent ainsi ce à quoi devrait
plus ou moins ressembler le cadre juridique du projet une fois qu’il aura été mis en œuvre.
Cependant, elles soumettent l’adoption dudit cadre juridique à un ensemble de mesures qui
conditionnent la poursuite du projet. Il s’agit précisément de la certitude, pour le consortium, que le
projet est économiquement viable ; de l’engagement de la République du Tchad à octroyer les
concessions nécessaires au titre de la convention d’exploitation du 19 décembre 1988 ; des garanties
de financement du projet que COTCO aura, dans des conditions acceptables pour les Etats
camerounais et tchadien, de même que pour le consortium ; de l’engagement de la Banque
Mondiale à prendre part au projet. Quid d’une conditionnalité environnementale ? L’on aurait bien
aimé qu’à cette étape du processus, les différents protagonistes expriment l’intérêt que devrait
occuper la question écologique dans le projet.

2- L’absence d’une prise de position claire en matière d’environnement

La lecture intégrale de l’accord-cadre du 31 janvier 1995 permet de constater, avec


amertume, que ce texte ne consacre aucune de ses dispositions à la prise en compte des
préoccupations environnementales dans la gestion du projet en cours de négociation. En effet,
aucune intention n’est manifestée dans un tel sens, lors même que l’on sait que les projets pétroliers
ont toujours constitué une menace importante pour l’environnement et la sécurité des populations.
Cette abstention peut d’ailleurs paraître surprenante lorsque l’on sait que les négociations sur ce
projet ont débuté aux lendemains de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le
Développement (CNUED), dite Conférence de Rio, qui s’est tenue du 03 au 14 juin 1992 et qui a

50
On pourrait également citer l’article 10 de l’accord-cadre qui annonce l’adoption future d’un accord bilatéral entre le
Cameroun et le Tchad, l’accord de financement par actionnaires, les statuts de COTCO, l’accord de prêt par la
République du Cameroun, l’accord de prêt par la République du Tchad, l’accord de coopération entre COTCO et
TOTCO.

29
donné une dimension nouvelle à la protection de l’environnement à travers la planète51. On se serait
alors attendu à ce que les parties signataires de l’accord, à défaut d’annoncer l’adoption future d’une
réglementation spécifique sur l’environnement applicable au projet, intègrent tout au moins dans ses
conditions de réalisation de l’article 1.2.2, la nécessité de protéger l’environnement ou à tout le
moins d’évoquer le principe de précaution environnementale52. Cela aurait pu sembler léger, voire
superflu, mais d’un point de vue symbolique, une telle prise de position dès la mise en place des
textes de base du projet aurait sans doute influencé les développements qui allaient suivre. Or, à
l’évidence, à ce moment de la négociation, la protection de l’environnement semblait ne point
retenir l’attention des protagonistes qui étaient davantage préoccupés par les questions financières.
Il faudra donc attendre les accords qui vont suivre pour observer les premiers signes concrets de
l’intégration des préoccupations environnementales dans la mise en œuvre du projet.

B- Les accords bilatéraux subséquents : une porte sur l’espoir

Comme le prévoyait l’accord-cadre du 31 janvier 1995, les différentes parties au projet


d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun vont renforcer le cadre juridique dudit
projet par l’adoption de deux textes internationaux. Il s’agit de l’accord Tchad-Cameroun du 08
février 1996 (1) et de la convention d’établissement entre le Cameroun et COTCO du 20 mars 1998
(2).

1- L’accord Tchad-Cameroun du 08 février 1996

L’accord Tchad-Cameroun du 08 février 1996 est l’un des textes fondamentaux du système
de transport camerounais. Conformément à son article 2, il a pour objet de « faciliter la construction
et l’exploitation du système de transport destiné à l’évacuation à travers le territoire de la
République du Cameroun jusqu’au large de sa côte atlantique des hydrocarbures en provenance de
la République du Tchad et les activités qui leur sont liées ; de prendre toutes les mesures

51
Pour le Docteur Jean-Claude Tcheuwa, « ce sommet a constitué un tournant décisif dans les relations internationales
actuelles. Il a en même temps porté un témoignage de la volonté collective et solidaire des pays en faveur du
développement durable » : Jean-Claude Tcheuwa, « Les préoccupations environnementales en droit positif
camerounais » in RJE, op. cit., p. 22. Pour un exposé sommaire des conséquences juridiques de la Conférence de Rio,
lire Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., pp. 44-48.
52
Selon le principe de précaution, l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de
dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptables. Pour plus de détails sur le
principe de précaution environnementale, lire : Nicholas de Sadeleer, Les principes pollueur-payeur, de prévention et de
précaution. Essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l’environnement, Bruxelles,
Bruylant/AUF, 1999.

30
susceptibles d’assurer la construction et l’exploitation dudit système ». En d’autres termes, cet
accord marque l’engagement par lequel les deux Etats s’obligent à faciliter la construction et
l’exploitation du pipeline qui les relie. C’est ainsi qu’après s’être entendues sur les définitions
(article 1er), les deux parties fixent les conditions de la construction et de l’exploitation du système
de transport (articles 6 à 8), de son utilisation (articles 9 à 11), du comptage des hydrocarbures
(articles 12 à 14), de la sécurité (articles 15 et 16), des assurances (article 17), de la fiscalité (articles
18 à 20), de la commission chargée de veiller à l’application de l’accord (articles 21 à 23), du
règlement des différends (articles 24 à 26), des amendements et des modifications de l’accord
(article 27), ainsi que de son entrée en vigueur et de sa durée (articles 28 à 30).
Cependant, le point qui nous intéresse dans ce texte est l’unique article 15, aux termes
duquel « les Etats contractants prennent toutes les mesures nécessaires sur leurs territoires respectifs
pour assurer la protection du système de transport. Ils détermineront sur leur territoire notamment
les obligations des transporteurs et de leurs sous-traitants, en matière de sécurité et de protection de
l’environnement.
Les Etats contractants se concertent en vue de mettre en œuvre les prescriptions applicables
au système de transport, conformes aux règles généralement acceptées dans l’industrie pétrolière
internationale en vue de prévenir, réduire et maîtriser la pollution de l’environnement ». Voilà donc
l’article qui marque l’irruption, fort attendue, des considérations environnementales dans le cadre
juridique du projet. Il donne ainsi les pleins pouvoirs aux Etats contractants de déterminer librement
et souverainement, à travers leur législation interne53, les obligations des transporteurs (COTCO
pour le Cameroun et TOTCO pour le Tchad) et de leurs sous-traitants en matière de protection de
l’environnement. Et, selon Samyn, Simonetta et Sogno, « l’existence d’une obligation (légale,
judiciaire ou contractuelle) justifie de la part de celui qui en bénéficie de contraindre l’obligé de
s’exécuter »54. Autrement dit, l’article 15, bien que ne définissant pas le contenu matériel de
l’obligation de protection de l’environnement à imposer aux transporteurs et à leurs sous-traitants55,
autorise les Etats contractants dans leurs territoires respectifs, à contraindre ceux-ci de respecter
lesdites obligations au cas où ils s’en démarqueraient.
En outre, conformément à l’alinéa 2 de l’article 15 de l’accord du 08 février 1996, un cadre
de concertation doit être établi entre les deux Etats contractants, afin de faciliter la mise en œuvre
des normes de prévention, de réduction et de maîtrise de la pollution de l’environnement. De notre

53
La Cour permanente de Justice Internationale ne reconnaît-elle pas que « la législation est une des formes les plus
frappantes de l’exercice du pouvoir souverain » (C.P.J.I., série A/B, n°53, p. 48) ? Cité par Patrick Daillier et Alain
Pellet, Droit international public, op. cit., p. 476.
54
O. Samyn, P. Simonetta et C. Sogno, Dictionnaire des termes juridiques, Paris, édition de Vecchi S.A., p. 226.
55
Ce qui, au demeurant, sera fait tant bien que mal dans des textes ultérieurs, comme nous le verrons.

31
point de vue, c’est une solution de bon sens car, comme le reconnaissent Patrick Daillier et Alain
Pellet, « il existe des pollutions qui peuvent rester circonscrites au territoire d’un seul Etat ;
toutefois, en règle générale, toute atteinte à l’environnement qui se produit dans un Etat a des
répercussions sur le territoire d’autres Etats et dans les espaces internationaux »56. Il est donc
nécessaire de développer des stratégies communes, tant en amont qu’en aval du phénomène de la
pollution, qui associeraient tous les Etats susceptibles d’en être affectés. Et, à ce titre, il serait utile,
non pas de limiter ce cadre de concertation aux seuls Etats camerounais et tchadien, mais également
de l’étendre au moins à la République Centrafricaine dont certaines portions frontalières sont à
moins d’un kilomètre des installations de l’ouvrage57.
Qu’en est-il donc maintenant des obligations de COTCO, le transporteur camerounais, en
matière de protection de l’environnement ? Certaines de ces obligations sont énumérées dans la
convention d’établissement que cette société a conclue avec l’Etat du Cameroun.

2- La convention d’établissement entre le Cameroun et COTCO du 20 mars 1998

La convention d’établissement entre le Cameroun et COTCO du 20 mars 1998 est un texte


de 44 articles et de 7 annexes, dont « l’objet [est] de définir les droits et obligations des parties en ce
qui concerne les opérations relatives à la construction, à l’exploitation et à l’entretien du système de
transport camerounais », selon son article 1er (1). C’est ainsi qu’elle détermine un ensemble
d’obligations en matière de protection de l’environnement qui, pour l’essentiel, incombent à
COTCO, l’Etat du Cameroun assumant, à cet effet, la fonction de contrôle.
Conformément à l’article 13 de ce texte, COTCO prend ainsi l’engagement de mener les
travaux de construction, d’exploitation et d’entretien du système de transport camerounais dans le
respect de la législation camerounaise relative à la gestion et à la protection de l’environnement. A
ce titre, COTCO est tenue de surveiller régulièrement les effets de toutes les activités qu’elle
autorise ou auxquelles elle se livre, afin que celles-ci ne polluent ni l’environnement ni le milieu
marin.

56
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, op. cit., p. 1274.
57
A propos de ce cadre de concertation, personne au cours de nos recherches, n’a pu nous confirmer l’effectivité de son
existence. Or, il est très illustratif de constater que c’est une pollution atmosphérique transfrontière qui est à l’origine de
l’une des premières affaires contentieuses « écologiques » en droit international, celle de la Fonderie de Trail, qui a
opposé les Etats-Unis au Canada durant les années 1930 à propos des fumées nocives produites par cette usine et
rabattues par les vents sur le territoire américain, et qui s’est terminée par une célèbre sentence arbitrale le 11 mars
1941.

32
En outre, COTCO s’engage à appliquer les mesures de prévention, d’atténuation et les
mesures correctives qui lui incombent dans le plan de gestion de l’environnement (PGE)58. Elle fait
parvenir au Ministère de l’Industrie, des Mines et du Développement Technologique (MINIMIDT)
des rapports d’activités indiquant les incidents significatifs en matière de protection de
l’environnement et les travaux à réaliser pour renforcer la sécurité et la protection de
l’environnement (article 14-6).
Enfin, « COTCO est tenue de réparer, conformément au droit commun, les préjudices subis
par toute personne, du fait de la construction, de l’exploitation ou de l’entretien du système de
transport camerounais, à l’exception des indemnisations résultant de la mise à disposition des terres
prévues à l’article 27 » (article 17). Elle prend l’engagement d’éliminer ou de limiter les nuisances
aux populations et à l’environnement pendant la réalisation des travaux d’amélioration et de
construction des infrastructures (Annexe II, article 1.1.4).
En somme, par cette convention, COTCO prend la responsabilité de mener le projet dans le
respect de la législation environnementale.
De son côté, il appartient à l’Etat du Cameroun de veiller au respect d’un tel engagement.
N’est-ce pas d’ailleurs là une manifestation de la souveraineté des Etats, qui se doivent de
« préserver leurs ‘intérêts essentiels’, qui peuvent aussi tenir à des préoccupations liées, par
exemple, à leur environnement naturel »59 ? C’est dans ce sens que l’article 9 de la convention
d’établissement reconnaît à l’Etat du Cameroun, dans le plein exercice de sa souveraineté, le droit
de limiter ou de suspendre le transit des hydrocarbures sur son territoire « pour la sauvegarde de ses
intérêts légitimes en matière de […] protection de l’environnement »60.
Il en va également de l’article 14, qui établit le pouvoir de surveillance et de contrôle de
l’Etat pendant les phases de construction, d’exploitation et d’entretien de l’ouvrage. Tous ces droits
(au bénéfice de l’Etat) et obligations (à la charge de COTCO), vont dans le sens des textes
internationaux, dont ils sont pour l’essentiel inspirés et qui sont également le produit des
organisations internationales sont la forme d’actes unilatéraux.

58
Selon l’article 3 de l’Annexe A de la Politique Opérationnelle 4.01 du Groupe Banque Mondiale relative à
l’évaluation environnementale, le PGE est un « instrument qui décrit en détail a) les mesures à prendre durant
l’exécution et l’exploitation d’un projet pour éliminer ou compenser ses effets négatifs sur l’environnement, ou les
ramener à des niveaux acceptables ; et b) les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ».
59
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, op. cit., p. 437. Ces deux auteurs empruntent l’expression
d’ « intérêts essentiels » à la CIJ qui emploie les termes au § 53 de l’arrêt du 25 septembre 1997 portant sur l’affaire
relative au projet Gabcikovo-Nagymaros opposant la Hongrie à la Slovaquie.
60
On peut tout de même relever que cette disposition semble édulcorer la souveraineté de l’Etat, qui peut limiter ou
suspendre le transit des hydrocarbures sur son territoire, pour des besoins de protection de l’environnement, et non
l’interrompre.

33
II- LES ACTES UNILATERAUX DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
APPLICABLES AUX ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX DU PIPELINE

A côté des actes concertés conventionnels, se développe une catégorie d’actes nouveaux
dont la valeur juridique est de moins en moins contestée et dont l’applicabilité est reconnue au
projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun. Il s’agit des actes unilatéraux de
certaines organisations internationales, c’est-à-dire des actes imputables à un seul sujet du droit
international61, dont certains proviennent de la Banque Mondiale sous l’appellation de politiques
opérationnelles (A) tandis que les autres se rattachent à l’Organisation Internationale de
Normalisation (B).

A- Les politiques opérationnelles de la Banque Mondiale

Les politiques opérationnelles de la Banque Mondiale, contrairement à leur appellation –


politiques – renvoient à un ensemble de normes édictées par cet organisme et qui s’appliquent
impérativement à tout projet affectant l’environnement qu’elle finance. C’est dire que ces politiques
font partie intégrante du cadre juridique du projet, en raison de l’implication du Groupe Banque
Mondiale62. En raison de son caractère impératif, la politique opérationnelle s’apparente davantage
à une décision, plutôt qu’à une recommandation, pour reprendre la classification des actes
unilatéraux des organisations internationales opérée par les Professeurs Daillier et Pellet63. Nous
étudierons successivement le contenu de ces politiques (1), avant de voir l’application qui en a été
faite dans le projet (2).

1- Le contenu des politiques opérationnelles de la Banque Mondiale

La Banque Mondiale compte à son actif une multitude de politiques opérationnelles


applicables aux projets affectant l’environnement auxquels elle participe. Cependant, dans le cadre
du projet qui nous intéresse dans cette étude, seules quatre de ces politiques peuvent être retenues. Il
s’agit de la politique opérationnelle sur l’évaluation environnementale de janvier 1999 (PO 4.01),
de la politique opérationnelle sur les habitats naturels de juin 2001 (PO 4.04), de la politique

61
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, op. cit., p. 359.
62
C’est ce qui justifie d’ailleurs leur étude ici.
63
« La décision est un acte unilatéral ‘autoritaire’, c’est-à-dire un acte émanant d’une manifestation de volonté de
l’organisation, imputable donc à celle-ci, et qui crée des obligations à la charge de son ou de ses destinataires » tandis
que « la recommandation est un acte qui émane en principe d’un organe intergouvernemental et qui propose à ses
destinataires un comportement donné » : Patrick Daillier et Alain Pellet, ibid., p. 367 et s.

34
opérationnelle sur les forêts de novembre 2002 (PO 4.36) et enfin de la politique opérationnelle sur
les populations autochtones de juillet 2005 (PO 4.10)64.
Selon la PO 4.01, la Banque exige que les projets qui lui sont présentés pour financement
fassent l’objet d’une évaluation environnementale qui contribue à garantir qu’ils sont
environnementalement rationnels et viables, et par là améliore le processus de décision (4.01.1). A
ce titre, l’évaluation environnementale prend en compte le milieu naturel, la santé, la sécurité de la
population, les aspects sociaux et les problèmes d’environnement transfrontières et mondiaux. En
outre, durant l’exécution du projet, l’emprunteur rend compte de l’application des mesures
convenues avec la Banque sur la base des conclusions et des résultats de l’évaluation
environnementale, de l’état d’avancement des mesures d’atténuation et des résultats obtenus dans le
cadre des programmes de surveillance ; les services de la Banque y exercent leur contrôle (4.01.20).
En ce qui concerne la PO 4.04, elle part du postulat selon lequel « la conservation des
habitats naturels, comme toute autre mesure de préservation et d’amélioration de l’environnement
est essentielle au développement durable à long terme » (4.04.1). A ce titre, « la Banque encourage
et appuie la conservation des habitats naturels » (4.04.3) tandis qu’elle s’abstient de prendre part
« aux projets qui, aux yeux de l’institution, implique une modification ou une dégradation
significative d’habitats naturels critiques » (4.04.4).
La PO 4.36 reconnaît que « la gestion, la conservation et le développement durables des
écosystèmes forestiers sont essentiels à la réduction pérenne de la pauvreté et au développement
durable » (4.36.1). C’est la raison pour laquelle « la Banque ne finance pas les projets qui, à son
avis, impliqueraient une conversion ou une dégradation importante de sites forestiers ou d’habitats
naturels critiques » (4.36.5).
Enfin, selon la PO 4.10, « chaque fois que la Banque est sollicitée pour financer un projet
affectant directement des populations autochtones, elle exige de l’emprunteur qu’il s’engage à
procéder, au préalable, à une consultation libre et fondée sur une communication des informations
aux populations concernées » (4.10.1). Après avoir défini la notion de population autochtone65, la
PO 4.10 pose qu’un projet proposé au financement de la Banque ayant un impact sur des
populations autochtones nécessite que l’emprunteur prépare un plan en leur faveur (4.10.6.d), après
les avoir consultées librement (4.10.10).

64
Les autres politiques opérationnelles de la Banque Mondiale portent sur la lutte antiparasite (PO 4.09), la
réinstallation involontaire des personnes (PO 4.12), la sécurité des barrages (PO 4.37), les financements de la Banque
Mondiale (PO 6.00), les projets relatifs aux voies d’eau internationales (PO 7.50), les projets dans les zones en litige
(PO 7.60) et les prêts à l’appui des politiques de développement (PO 8.60).
65
Voir supra, p. 20.

35
Il est temps de voir à présent quelle a été l’étendue effective de l’application de ces textes
dans le projet.

2- L’application des politiques opérationnelles au système de transport camerounais

En raison de la participation de la Banque Mondiale au financement du projet pipeline


Tchad-Cameroun, les normes qu’elle élabore, les politiques opérationnelles, constituent un des
cadres de référence privilégiés des parties au projet en matière de protection de l’environnement.
Les promoteurs du projet d’ailleurs le reconnaissent eux-mêmes lorsqu’ils affirment dans le résumé
de l’EIE, que « les directives et notes de politiques opérationnelles de la Banque Mondiale et de la
SFI ont fourni une base importante qui a permis d’adapter la conception du projet pour la rendre
conforme aux normes de protection environnementale et a guidé les efforts de consultation
publique »66. Si l’on peut penser que les normes édictées par la Banque Mondiale ont reçu un écho
très favorable de la part des promoteurs du projet, deux paramètres peuvent en fournir
l’explication : d’une part, les politiques opérationnelles de la Banque Mondiale, pour les aspects
qu’elles abordent, semblent plus complètes, plus détaillées et plus adaptées aux préoccupations
environnementales du projet, que les autres normes, dont le contenu reste parfois superficiel ;
d’autre part, l’implication de la Banque dans le projet était conditionnée par leur respect de la part
des parties au projet. C’est ainsi que la réalisation de l’EIE du projet, accompagnée d’un PGE, de
même que le processus de consultation publique, la protection des habitats naturels, la protection
des populations autochtones affectées par le passage du pipeline s’inspirent davantage des
politiques opérationnelles de la Banque Mondiale que de toute autre norme. Cependant, il ne serait
pas commode d’ignorer le rôle joué par les normes de l’Organisation Internationale de
Normalisation.

B- Les normes de l’Organisation Internationale de Normalisation

L’Organisation Internationale de Normalisation, contrairement à son appellation, est une


organisation non gouvernementale (ONG), un réseau d’instituts nationaux de normalisation de 157
pays, selon le principe d’un membre par pays, dont le secrétariat central, situé à Genève en Suisse,
assure la coordination d’ensemble. Elle « est le plus grand producteur et éditeur mondial de normes
internationales »67 à l’adresse des entreprises, dont certaines ont vocation à s’appliquer au volet

66
Projet d’exportation tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, op. cit., p. 2-9.
67
Lire « Découvrez l’ISO » in www.iso.ch

36
environnemental de leurs activités. Exxon Mobil, actionnaire majoritaire de la société COTCO, a
internalisé les normes de l’Organisation Internationale de Normalisation, ce qui justifie leur
évocation dans ces développements. Après avoir mis en évidence la substance des dites normes (1),
nous nous attarderons sur la réception que leur ont réservée les promoteurs du projet (2).

1- La substance des normes de l’Organisation Internationale de Normalisation

Les normes de l’Organisation Internationale de Normalisation, plus communément connues


sous le nom de normes ISO68, sont le résultat d’un consensus qui tient compte des points de vue de
tous les acteurs du monde de la production et de la consommation : fabricants, vendeurs,
utilisateurs, laboratoires d’essais, gouvernements, professionnels de l’ingénierie et organismes de
recherche. La famille ISO 14000 est la partie la plus visible des travaux de l’Organisation
Internationale de Normalisation pour l’environnement. Elle traite des divers aspects du management
environnemental, dont les normes ISO 14001 et ISO 14004 sont les principales.
La norme ISO 14001 définit les exigences relatives à un système de management
environnemental. Or, un système de management répondant aux exigences d’ISO 14001 permet à
un organisme de toute taille et de tout type d’identifier et de maîtriser l’impact environnemental de
ses activités, produits ou services ; d’améliorer en permanence sa performance environnementale. A
ce titre, ISO 14001 sert à réaliser des objectifs aussi bien internes qu’externes à l’organisme
concerné.
Au plan interne, ISO 14001 donne à la direction de l’organisme qui l’applique l’assurance
qu’elle maîtrise les processus et activités organisationnels ayant un impact sur l’environnement ;
donne aux employés l’assurance qu’ils travaillent pour une organisation responsable vis-à-vis de
l’environnement. Au plan externe, ISO 14001 donne une assurance sur les questions
environnementales aux parties prenantes extérieures (usagers, collectivités locales, organismes de
contrôle) et permet de se conformer à la réglementation en matière d’environnement.
En ce qui concerne la norme ISO 14004, elle a pour objet de donner les lignes directrices
générales pour un système de management environnemental.
Comment les promoteurs du projet ont-ils reçu ces normes ?

68
ISO est le sigle de International Standard Organization qui signifie en français Organisation Internationale de
Normalisation.

37
2- La réception des normes de l’Organisation Internationale de Normalisation par
les promoteurs du projet

Les promoteurs du projet, dès les premiers moments de leur engagement, ont entendu
donner aux normes ISO une place importante. En effet, parmi les normes de gestion
environnementale du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, il y a celles
développées par Exxon de façon indépendante. Ces normes et procédures sont connues sous le nom
de Système de Gestion de l’Intégrité des Opérations ou OIMS. Or, « bien que développé de manière
indépendante par Exxon, l’OIMS est similaire aux normes généralement acceptées concernant les
activités liées à l’environnement – à savoir la norme ISO 14001 »69. Ce sont donc les normes OIMS
d’Exxon, conformes à la norme ISO 14001, qui seront appliquées durant tout le projet et vont
inspirer la construction des infrastructures, la formation du personnel aux techniques d’exploitation
d’un pipeline (dont une partie, d’origine camerounaise, ne disposait pas des compétences
professionnelles requises) et la surveillance de l’ouvrage. L’article 15 (2) de l’accord bilatéral du 08
février 1996 ne recommande-t-il pas d’ailleurs aux deux Etats contractants de se concerter « en vue
de mettre en œuvre les prescriptions applicables au système de transport, conformes aux règles
généralement acceptées dans l’industrie pétrolière internationale70 en vue de prévenir, réduire et
maîtriser la pollution de l’environnement » ? En l’absence, à l’heure actuelle, d’un traité
international réglementant l’activité internationale des industries ayant une incidence sur
l’environnement, ces « règles généralement acceptées dans l’industrie pétrolière internationale »
doivent être recherchées au sein des normes édictées par l’Organisation Internationale de
Normalisation, dont ISO 14001 est la plus pertinente. C’est la raison pour laquelle cette norme a été
intégrée dans le cadre juridique du projet.
Cependant, conscient de ce que le droit international ne serait pas suffisant pour une
protection optimale de l’environnement dans la zone d’influence du projet, l’Etat du Cameroun va
élaborer sa propre législation sur la question.

69
Projet d’exportation tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, op. cit., p. 4-2.
70
C’est nous qui soulignons.

38
SECTION 2 : LES PRINCIPALES NORMES NATIONALES APPLICABLES AU
SYSTEME DE TRANSPORT CAMEROUNAIS

Conformément à l’article 15 (1) de l’accord bilatéral du 08 février 1996 sus-évoqué, il


revient aux deux Etats contractants de déterminer sur leurs territoires respectifs les obligations des
transporteurs et de leurs sous-traitants en matière de sécurité et de protection de l’environnement.
C’est dans le but de mettre en œuvre cette faculté qui lui est reconnue que l’Etat du Cameroun va
adopter une réglementation nationale applicable aux aspects environnementaux du projet. Nous ne
nous en tiendrons qu’aux principaux textes qui répondent à cette aspiration, à savoir les lois (I) et
les règlements (II).

I- LES TEXTES LEGISLATIFS

Le législateur camerounais n’est pas resté indifférent au projet d’envergure que représente le
pipeline Tchad-Cameroun. En effet, par trois lois promulguées le même jour, il a entendu donner au
projet un visage qui prend en compte les préoccupations environnementales de l’heure. Il s’agit
d’abord de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, qui pose le cadre législatif général
de protection de l’environnement du projet, de la loi portant ratification de l’accord bilatéral entre le
Tchad et le Cameroun du 08 février 1996 et, enfin, de la loi portant régime de transport par pipeline
des hydrocarbures en provenance des pays tiers, qui définit le régime législatif spécifique du projet.
Cependant, seuls le premier (A) et le troisième (B) de ces textes retiendront notre attention71.

A- Le cadre législatif général : la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement

Le cadre législatif général du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun,


en matière d’environnement, est articulé autour de la loi N°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre
relative à la gestion de l’environnement. En effet, parce que la construction et l’exploitation de
l’oléoduc Tchad-Cameroun ont inévitablement un impact sur l’environnement camerounais, elles
tombent, ipso facto, sous le coup de ce texte qui « fixe le cadre juridique général de la gestion de
l’environnement au Cameroun » (article 1er).

71
Le second texte, la loi N°96/13 du 05 août 1996, ne nous intéresse que faiblement, car il se contente de ratifier
l’accord du 08 février 1996 entre le Cameroun et le Tchad. Toutefois, il y a lieu de s’interroger sur la régularité de
l’option législative comme voie de ratification d’un accord international lors même que l’on sait, sur la base de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, article 43, que c’est « le Président de la République [qui] négocie et ratifie les
traités et accords internationaux ».

39
Dans les développements qui vont suivre, plutôt que de faire une présentation générale de la
loi-cadre de 1996, nous nous contenterons de revenir successivement sur ses principales
dispositions applicables à notre objet d’étude. A ce titre, il est intéressant de marquer un temps
d’arrêt sur les principes fondamentaux de la gestion rationnelle de l’environnement et des
ressources naturelles au Cameroun (article 9). Il s’agit des principes de précaution, d’action
préventive et de correction, pollueur-payeur, de responsabilité, de participation et de subsidiarité.
Ces principes, qui « se caractérisent par leur vertu à la fois anticipative, participative et curative »72,
s’inscrivent en droite ligne de l’idée même de protection de l’environnement, qui suppose la
prévention, l’élimination, la limitation et la réaction face aux atteintes à l’environnement. Leur mise
en œuvre effective garantirait, sans doute, un environnement meilleur à la zone d’influence du
pipeline Tchad-Cameroun.
En second lieu, on doit également s’attarder sur le titre III, chapitre II, articles 17 à 20 de la
loi-cadre de 1996 et qui porte sur les « études d’impact environnemental ». La lecture de ces
dispositions nous rappelle que tout projet « qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature ou
des incidences des activités qui y sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à
l’environnement », doit faire l’objet d’une étude d’impact environnemental réalisée par son
promoteur ou alors le maître de l’ouvrage (article 17 (1)). Cette étude d’impact doit comporter
obligatoirement un certain nombre d’indications (article 19(2)) et s’opérer selon une procédure
précise (article 20(1)) dont le non respect donne droit à l’administration compétente ou, en cas de
besoin, l’administration chargée de l’environnement, de mettre en œuvre les procédures d’urgence
appropriées permettant de suspendre l’exécution des travaux envisagés ou déjà entamés (article 20
(2)).
Sur la protection des milieux récepteurs (articles 21 à 41), la loi-cadre de 1996 adopte une
démarche englobante qui ne minimise aucun des domaines de l’environnement susceptibles d’être
affectés par une pollution. C’est ainsi qu’elle réglemente successivement la protection de
l’atmosphère, la protection des eaux continentales et des plaines d’inondation, la protection du
littoral et des eaux maritimes, la protection des sols et du sous-sol, la protection des établissements
humains. Et, à l’observation, l’on se rend bien compte que la construction et l’exploitation du
pipeline Tchad-Cameroun ont des conséquences dans tous ces domaines, sans exception. A ce titre,
la loi-cadre de 1996 ne se démarque pas du triptyque prévention-suivi-réaction.
C’est la même attitude qu’elle adopte à propos des installations classées dangereuses,
insalubres ou incommodes et des activités polluantes (articles 42 à 61). Les déchets, quelque soit

72
Jean-Claude Tcheuwa, « Les préoccupations environnementales en droit positif camerounais » in RJE, op. cit., p. 30.

40
leur mode d’émission, « doivent être traités de manière écologiquement rationnelle afin d’éliminer
ou de réduire leurs effets nocifs sur la santé de l’homme, les ressources naturelles, la faune et la
flore, et sur la qualité de l’environnement en général » (article 42).
En outre, en tant qu’établissement classé73, le pipeline Tchad-Cameroun doit donner lieu à
l’établissement d’un « plan d’urgence propre à assurer l’alerte des autorités compétentes et des
populations avoisinantes en cas de sinistre ou de menace de sinistre, l’évacuation du personnel et
les moyens pour circonscrire les causes du sinistre » (article 51 (1)). Le non respect d’une telle
réglementation, soumet le responsable, outre à des sanctions civiles et administratives, à des
sanctions pénales (articles 79 à 87). A titre illustratif, « est punie d’une amende de un million
(1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de FCFA et d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois
à un (1) an ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui pollue, dégrade les sols et
sous-sols, altère la qualité de l’air ou des eaux, en infraction aux dispositions de la présente loi.
« En cas de récidive, le montant maximal des peines est doublé » (article 82 (1 et 2)). Ce
régime répressif concerne également le déversement d’hydrocarbures dans les eaux maritimes
(article 83) ou l’introduction de déchets toxiques et/ou dangereux sur le territoire camerounais
(article 81).
Voilà ainsi présenté, le cadre juridique général de la protection de l’environnement au
Cameroun, auquel n’échappe pas l’exploitation du pipeline qu’abrite ce pays, bien que soumis à une
loi spécifique74.

B- Le cadre législatif spécifique : la loi portant régime de transport par pipeline des
hydrocarbures en provenance des pays tiers

La loi N°96/14 du 05 août 1996 portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures
en provenance des pays tiers représente le principal texte juridique de référence au Cameroun en
matière de réglementation du transport par pipeline des hydrocarbures provenant des Etats
étrangers. Et, de fait, ce texte aborde pratiquement tous les aspects que peut impliquer une telle
activité : régime de l’autorisation de transport par pipeline, relations avec les propriétaires du sol,
fiscalité du transport des hydrocarbures par pipeline, surveillance administrative et contrôle
technique de l’ouvrage. Or, si l’on relève ça et là quelques dispositions ayant trait à la gestion de

73
Un établissement classé est un établissement qui présente des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la
sécurité, la salubrité ou la commodité du voisinage, soit pour la santé publique, ou pour l’agriculture, ainsi que pour la
pêche. Voir loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, article 4 (m).
74
La loi-cadre reconnaît elle-même qu’elle « s’applique sans préjudice des dispositions non contraires des lois
particulières en vigueur en matière de gestion de l’environnement ».

41
l’environnement dans le texte, on doit déplorer l’absence d’un titre ou d’un chapitre spécifiques
exclusivement consacrés à la protection de l’environnement, comme on peut le constater par
exemple dans la loi N°99/013 du 22 décembre 1999 portant code pétrolier75. Une telle approche, en
effet, simplifie l’appréhension du problème et permet d’éviter des répétitions, voire des risques de
contradiction dans un même texte. En l’espèce, il faut parcourir tout le texte afin d’extirper, à
chaque fois, les dispositions qui se réfèrent aux préoccupations environnementales.
C’est ainsi qu’à la suite de cet exercice plus ou moins périlleux, on peut noter que la loi de
1996 sur le transport des hydrocarbures par pipeline rappelle le droit pour l’Etat de limiter ou de
suspendre sur son territoire, pour des raisons liées à la protection de l’environnement, et non de
l’interrompre. Ce qui nous fait penser immédiatement à l’article 9 de la convention d’établissement
entre la République du Cameroun et COTCO sus-évoquée qui reconnaît un droit identique à l’Etat
du Cameroun.
En ce qui concerne les conditions de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance
des Etats tiers, la loi intègre bien la préoccupation écologique, puisqu’en son article 21 (a), elle
dispose que « les sociétés de transport par pipeline doivent, pour la construction, l’exploitation et
l’entretien des pipelines et leurs installations annexes, se conformer aux règles de l’art et à la
législation camerounaise en vigueur, notamment aux normes techniques et de sécurité relatives à la
protection de l’environnement et de la population ». En outre, l’article 22 va dans le même sens
lorsqu’il fait de la délivrance d’un certificat de conformité par le ministère des mines, une condition
préalable à la mise en exploitation du pipeline76. Aussi est-il légitime de penser que ledit certificat
n’a été délivré qu’après constat effectif de la conformité de l’ouvrage construit aux prescriptions
légales, notamment en matière de protection de l’environnement.
Enfin, on ne saurait ignorer l’article 71 qui oblige le transporteur à se soumettre aux mesures
qui peuvent lui être ordonnées en vue de prévenir ou de faire disparaître les causes de danger que
ses travaux feraient courir à l’environnement.
En somme, il faut le reconnaître, des dispositions liées à la protection de l’environnement
ont bien été insérées dans la loi portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en
provenance des pays tiers. Seulement, la démarche a répondu à une approche spécifique : plutôt que
de multiplier les textes généraux de protection de l’environnement, le législateur a trouvé mieux
d’intégrer les préoccupations environnementales directement dans le texte en étude. C’est ce que les
Professeurs Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier qualifient de « méthode intégrée de

75
Il s’agit du chapitre II du titre II de la loi portant code pétrolier, intitulé « de la protection de l’environnement ».
76
Le certificat de conformité de l’ouvrage a été délivré à COTCO par l’arrêté N°00033/MINMEE/DMG du 17 juillet
2003 du Ministre des Mines, de l’Eau et de l’Energie.

42
protection, fondée essentiellement sur la réglementation des activités humaines qui peuvent
détériorer l’environnement »77. En effet, parce qu’en fin de compte la protection de l’environnement
est un besoin transversal, qui s’exprime dans tous les domaines de l’activité humaine (transport,
construction, agriculture, industrie, télécommunications, etc.), l’approche de protection intégrée
invite à insérer directement les mécanismes de protection de l’environnement dans les textes qui
réglementent ces différentes activités, au lieu d’adopter, à chaque fois, des textes spécifiques sur
l’environnement78. C’est une approche identique qui sera d’ailleurs reprise dans les textes
réglementaires applicables au système de transport camerounais.

II- LES INSTRUMENTS REGLEMENTAIRES

Les textes réglementaires applicables au pipeline Tchad-Cameroun, en matière


d’environnement, ne sont pas très nombreux. On cite, dans ce registre, le décret d’application de la
loi portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance des pays tiers (A) et le
décret portant autorisation de transport par pipeline à COTCO, encore appelé décret ATP (B). On
aurait également pu mentionner d’autres textes infra-décrétaux. Cependant, en raison de l’apport
minime qu’auraient ces textes dans notre étude, nous ne nous y attarderons pas.

A- Le décret d’application de la loi portant régime de transport par pipeline des


hydrocarbures

Le décret N°97/116 fixant les conditions et modalités d’application de la loi N°96/14 du 05


août 1996 portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance des pays tiers a
été promulgué le 07 juillet 1997 par le Président de la République. Bien que ce texte ne consacre ni
titre ni chapitre à la protection de l’environnement, comme la loi qu’il vient préciser d’ailleurs, le
constat général qui se dégage, à sa lecture, révèle une plus grande prise en compte des
préoccupations environnementales, tant les dispositions y ayant trait sont importantes, que l’on se
place en amont ou en aval du souci de protection de l’environnement.
Ainsi, en matière de prévention environnementale, la politique des projets de transport
pétrolier au Cameroun est définitivement assise sur l’accomplissement d’une EIE. En effet, l’article
11 (1.3.e) nous rappelle, s’il en était besoin, que la société qui sollicite une autorisation de transport

77
Alexandre Kiss et Jean-Paul Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 47.
78
La méthode de protection intégrée ressort de l’article 14 (1) de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement,
aux termes duquel « l’administration chargée de l’environnement veille à l’intégration des considérations
environnementales dans tous les plans et programmes économiques, énergétiques, fonciers et autres ».

43
par pipeline doit présenter un dossier comprenant une EIE conforme à la législation en vigueur,
prenant en compte les dispositions de l’article 43 du présent décret79. L’EIE réalisée est transmise
au Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP), par le biais du Comité
de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP)80 qui, après examen, le renvoie au CPSP avec son avis
motivé. Ce n’est qu’après validation de cette étude d’impact, qui s’accompagne d’un ensemble de
pièces administratives, que le promoteur du projet peut bénéficier d’une autorisation de transport
par pipeline, sous la forme d’un décret.
En outre, des périmètres de protection peuvent être institués pour la protection de
l’environnement et des populations ; il appartient au postulant à l’autorisation de transport par
pipeline de préciser dans le dossier de sa demande, les zones concernées par ces périmètres dont il a
connaissance, et qui seront traversées par le pipeline.
En ce qui concerne le suivi des activités du pipeline, l’article 49 du décret de 1997 confie au
titulaire de l’autorisation de transport, autrement dit la société propriétaire de l’ouvrage ou
transporteur, la responsabilité d’assurer la surveillance régulière du système de transport. Toutefois,
l’article 3 (2) du décret crée, pour le compte de l’administration publique, un Service d’Inspection
des Pipelines (SIP) chargé d’assurer la surveillance administrative et le contrôle technique de
l’ouvrage81. Ainsi, le décret de 1997 ne se contente pas de confier le suivi des activités du projet au
promoteur ; il crée également une institution publique chargée de veiller à ce que ledit promoteur se
conforme aux obligations qui sont les siennes, notamment en matière de protection de
l’environnement.
S’agissant enfin des mesures de réaction en cas d’atteinte à l’environnement, le propriétaire
de l’ouvrage « définit l’organisation, les moyens et les méthodes à mettre en œuvre en cas
d’incident, d’accident ou d’incendie ayant entraîné, ou pouvant entraîner à court terme, des
dommages aux populations, aux biens ou à l’environnement […] » (article 53). Il consigne toutes
ces données dans un plan particulier d’intervention établi en liaison avec le SIP et les pouvoirs
publics, plan qui doit être transmis à toute autorité désignée par le SIP. Lorsqu’un incident survient
et que le transporteur en a connaissance, il met en application les consignes internes appropriées,
alerte le SIP et les autres autorités et organismes concernés (article 54). Si le MINIMIDT se rend
compte que les travaux entrepris dans le cadre de la construction, de l’exploitation et de l’entretien

79
Conformément à l’article 43 du décret de 1997, « le choix du tracé et la détermination des caractéristiques du pipeline
par le postulant à l’autorisation de transport par pipeline doivent tenir compte de l’environnement naturel, industriel et
humain, ainsi que des contraintes particulières affectant les zones traversées qui peuvent être d’ordre administratif ou
propres à la structure des sols… ».
80
Le CPSP est créé par l’article 3 (1) du décret de 1997. Sur son organisation et son fonctionnement, voir infra, p. 57-
59.
81
Sur l’organisation et le fonctionnement du SIP, voir infra, p. 59-61.

44
du système de transport par pipeline ont violé les normes techniques et de sécurité relatives à la
protection de l’environnement ou des populations, il peut ordonner leur arrêt. Les travaux sont
repris dès réception, par le MINIMIDT, du procès verbal dressé par le SIP attestant que le titulaire
de l’autorisation de transport a mis fin à la situation en cause. Par contre, si dans un délai de trois
mois après l’intervention du MINIMIDT relative à la mise hors service temporaire de l’ouvrage, le
titulaire n’a pas toujours réagi à l’injonction du Ministre par un début d’exécution, l’autorisation de
transport doit être suspendue ou retirée (article 62). Que dire à présent du décret ATP délivré à
COTCO ?

B- Le décret portant autorisation de transport par pipeline à COTCO

Le décret N°2000/305 du 17 octobre 2000 portant autorisation de transport par pipeline à


COTCO (communément appelé décret ATP) a été adopté conformément à la loi de 1996 sur le
transport des hydrocarbures par pipeline (article 6.a) et son décret d’application de 1997 (article
10)82. Dans le sillage de son intitulé, l’article 1er (1) indique clairement que « le présent décret
autorise la Société Cameroon Oil Transportation Company S.A. (COTCO) à construire, à exploiter
et à entretenir sur le territoire camerounais le système de transport camerounais ». En réalité, il faut
voir dans ce texte, contrairement à l’énoncé de son article 1er (1), l’acte par lequel l’Etat du
Cameroun approuve uniquement le projet de construction d’un pipeline au Cameroun par la société
COTCO, et non véritablement son exploitation, cette dernière étant conditionnée par la délivrance
d’un certificat de conformité de l’ouvrage par le MINIMIDT, une fois que la construction est
achevée (article 11). Ce certificat de conformité a été délivré par arrêté N°000033/MINMEE/DMG
du 17 juillet 2003 du Ministre des Mines, de l’Eau et de l’Energie, ouvrant ainsi droit à
l’exploitation du système de transport par son propriétaire.
Dans son contenu, le décret ATP a pour objet de présenter, de façon précise, les détails
physiques et techniques de l’ouvrage en construction, de même que les droits et obligations de
COTCO durant la construction et l’exploitation dudit ouvrage. A ce propos, seuls ces droits et
obligations en matière de protection de l’environnement nous intéressent, ayant déjà procédé à la
présentation physique de l’ouvrage83.

82
Il faut noter qu’alors que les travaux de construction du pipeline ont été entamés à Kribi le 18 octobre 2000, en
présence des Présidents camerounais et tchadien, le décret ATP a été promulgué juste la veille, soit le 17 octobre 2000.
83
Voir Chapitre préliminaire.

45
En termes de prérogatives environnementales au profit de COTCO, il faut dire qu’elles sont
bien circonscrites84. En effet, on ne trouve dans ce sens que deux alinéas à l’article 8, qui affectent
directement l’environnement. Il y a d’abord l’alinéa d qui donne à COTCO « le droit de couper les
arbres et d’essarter les terrains pour réaliser les travaux de construction, d’exploitation et d’entretien
du système de transport camerounais ». Ensuite, l’alinéa e qui confère à cette société « le droit
d’utiliser les eaux souterraines et les eaux de surface, y compris les chutes d’eau et les sources non
exploitées ni réservées, et de les aménager pour les besoins de ses travaux ».
En ce qui concerne les obligations liées à la protection de l’environnement, le décret ATP
reprend pratiquement celles énoncées par le décret d’application de la loi de 1996 sur le transport
des hydrocarbures par pipeline. Il s’agit du devoir de COTCO de mettre en œuvre toutes les
mesures nécessaires pour prévenir et réduire les dangers potentiels et les pollutions majeures, de
mettre en œuvre les mesures nécessaires pour minimiser les risques de déversement
d’hydrocarbures dans l’écosystème marin (article 10). En outre, COTCO procède à une auto-
surveillance de ses installations (article 15) et établit un plan d’urgence propre à assurer l’alerte des
autorités compétentes et des populations avoisinantes en cas de sinistre ou de menace de sinistre
(article 16).
Toutes ces mesures font l’objet d’un suivi interne et externe, qui justifie la mise en place
d’une pléthore d’institutions dont les préoccupations sont diverses.

84
Ce qui est tout à fait normal, l’autorisation de construction du pipeline ne devant point s’apparenter à un quitus pour
la destruction de l’environnement.

46
CHAPITRE 2 : UN DISPOSITIF INSTITUTIONNEL SPECIFIQUE MIS EN
PLACE

Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, à n’en point douter, a


opéré une mutation profonde de l’architecture institutionnelle de gestion des activités
d’hydrocarbures et d’environnement au Cameroun. En effet, des institutions nouvelles ont été
créées ; des organismes existants ont été aménagés, afin de les adapter aux contraintes écologiques
de l’heure. Toutefois, il demeure que ces institutions ne poursuivent pas des objectifs identiques en
matière d’environnement. Tandis que certaines ont en charge la mise œuvre des engagements
environnementaux liés au projet (Section1), d’autres, la grande majorité d’ailleurs, ont reçu pour
mission de veiller au respect desdits engagements (Section 2).

SECTION 1 : LES INSTITUTIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ENGAGEMENTS


ENVIRONNEMENTAUX

La mise en œuvre des engagements environnementaux liés au projet est de la responsabilité


première de COTCO, l’institution faîtière en charge de la construction et de l’exploitation du
pipeline Tchad-Cameroun (I). Cependant, en raison de l’important volume de contraintes liées à la
protection de l’environnement dans le projet, COTCO a dû s’associer les services d’un organisme
d’assistance : la Fondation pour l’Environnement et le Développement au Cameroun (FEDEC),
dont les missions sont beaucoup plus spécifiées en matière environnementale (II).

I- LES RESPONSABILITES DE COTCO EN MATIERE DE PROTECTION DE


L’ENVIRONNEMENT

L’étude de la prise en compte des préoccupations environnementales dans le pipeline Tchad-


Cameroun ne saurait être pertinente sans qu’il ne soit marqué un temps d’arrêt sur les
responsabilités de la société COTCO, propriétaire de l’ouvrage et, à ce titre, sujet principal des
obligations liées à la protection de l’environnement dans la mise en œuvre du projet. En effet, au
regard des multiples problèmes environnementaux que pose le projet, COTCO a souscrit une
multitude d’engagements qui découlent tant des textes internationaux que nationaux. Dans les

47
développements qui vont suivre, nous nous attarderons sur lesdits engagements, qui ont trait aussi
bien aux mesures de prévention (A) que de réaction en cas d’atteinte à l’environnement (B).

A- Les fonctions de COTCO en matière de prévention environnementale

Aux termes de l’article 10 du décret ATP, « la société COTCO met en œuvre toutes les
mesures nécessaires pour prévenir et réduire les dangers potentiels et les pollutions majeures,
inhérents à ses activités conformément aux termes et conditions de sa convention d’établissement et
de la législation applicable ». Dans la pratique, cette obligation suppose deux opérations :
l’évaluation des risques des activités envisagées (1) et la surveillance continue de l’environnement
(2).

1- Le devoir d’évaluer les risques des activités envisagées

L’évaluation des incidences sur l’environnement des activités d’envergure qu’il entend
mener est l’un des devoirs fondamentaux de tout promoteur de projet. C’est une obligation légale à
laquelle COTCO ne pouvait se soustraire, au moment de prendre en charge la construction,
l’exploitation et l’entretien du système de transport camerounais. En effet, aux termes de l’article 11
(1.3.e) du décret d’application de la loi de 1996 sur le transport des hydrocarbures par pipeline, la
société qui sollicite l’autorisation de transport par pipeline doit présenter un dossier comprenant une
EIE, conforme à la législation en vigueur. C’est que l’EIE est la technique juridique la plus connue
pour la mise en œuvre de la prévention environnementale. C’est le moyen le plus approprié, pour la
société de transport, d’anticiper sur les dangers que fait peser son activité sur l’environnement, afin
de mieux les éviter.
La réalisation de l’EIE, dans le projet pipeline Tchad-Cameroun, a obéi à deux principes
fondamentaux : l’approche de conception adaptative85 et la sélection des alternatives86. Elle a été
confiée à un cabinet de renommée internationale, Dames and Moore, dont les résultats ont été
consignés dans un document en 18 volumes dont 6 portaient sur la portion camerounaise du projet,
et accompagné d’un résumé intitulé Projet d’Exportation Tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur
85
L’approche de conception adaptative a permis d’assurer la plus large participation possible du public aux différentes
étapes d’évaluation du projet. Grâce à cette approche, des centaines de modifications ont été apportées au projet, en
réponse aux commentaires reçus pendant les consultations publiques. Voir : Projet d’Exportation Tchadien. Résumé de
l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, op. cit., p. 9-1.
86
Le principe de sélection des alternatives avait pour objet d’aider le projet à atteindre un équilibre entre les besoins
environnementaux auxquels il était astreint et les exigences économiques et techniques de ses promoteurs. Pour plus de
détails sur toutes les alternatives envisagées durant la construction du pipeline Tchad-Cameroun, lire : Projet
d’Exportation Tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version actualisée, ibid., pp. 5-1 à 5-47.

48
l’environnement-Version actualisée. Ainsi, c’est à la suite du dépôt de l’étude d’impact auprès des
pouvoirs publics, étude d’impact d’ailleurs approuvée par la Banque Mondiale par une décision de
son Conseil d’Administration en date du 06 juin 2000, que COTCO a bénéficié du décret
N°2000/305 du 17 octobre 2000, qui lui attribuait l’autorisation de transport par pipeline.
Cependant, prévenir les atteintes à l’environnement ne se limite pas uniquement à
l’accomplissement d’une EIE, encore faut-il se doter d’un dispositif apte à opérer une surveillance
continue de l’état de l’environnement durant la vie du projet.

2- Le devoir de surveiller continuellement l’état de l’environnement

Autrement appelé « monitoring »87, le devoir de surveiller continuellement l’état de


l’environnement est l’autre versant de la prévention environnementale auquel COTCO doit
s’acquitter au quotidien. Et, contrairement à l’EIE qui est circonscrite dans le temps et précède la
mise en œuvre du projet, la surveillance environnementale est permanente et accompagne le projet
durant toute son existence. Ainsi par exemple, « la société COTCO est tenue de procéder à l’auto-
surveillance de ses rejets solides, liquides ou gazeux. A ce titre, elle fait parvenir au ministre chargé
des mines les données relatives à la gestion des déchets, tel que prévu dans le PGE de l’étude
d’impact sur l’environnement » (article 15 du décret ATP). En outre, elle fait parvenir à ce
ministère, avant le 31 mars de chaque année, la liste des accidents et des incidents significatifs en
matière de protection de l’environnement, en précisant leurs caractéristiques ainsi que les mesures
prises pour en empêcher le renouvellement ou en limiter la portée (article 14.6 de la convention
d’établissement entre la République du Cameroun et COTCO).
Ces différentes exigences, et bien d’autres encore, supposent de COTCO la mise sur pied
d’un dispositif technologique et humain vigoureux, qui lui permette d’assurer la surveillance
permanente et efficace de l’ouvrage. Et, pour avoir une idée du dispositif technologique à mettre en
place, il faut se tourner vers l’article 10 du décret ATP qui en précise les principaux détails, qu’il
s’agisse de la sécurisation de l’environnement attenant à l’oléoduc et aux stations de pompage et de
réduction de pression, que de celui plus proche du terminal maritime.
Sur le plan humain, et comme le reconnaît le GIC, « les équipes PGE de COTCO et les
inspecteurs du CPSP assurent une surveillance régulière du corridor du pipeline et des autres sites
d’opération de COTCO pour vérifier la conformité avec les prescriptions du PGE d’une part, et

87
Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 134.

49
s’assurer du maintien de l’intégrité des installations d’autre part »88. Elles ont été formées, pour ce
qui est du personnel local, aux techniques de surveillance et de gestion des pipelines au cours de
séminaires conduits aux Etats-Unis et au Canada89.
Or, malgré toutes ces mesures de précaution, il n’est pas possible d’atteindre le stade du
risque zéro, d’où la nécessité de prévoir des mesures de réaction en cas d’atteinte à
l’environnement.

B- La fonction de réaction de COTCO en cas d’atteinte à l’environnement

Outre la fonction de prévention environnementale, le devoir de protéger l’environnement


dans la zone d’influence du projet auquel est soumise la société COTCO la contraint à définir un
ensemble de mesures propres à garantir une prompte et efficiente réaction en cas d’atteinte à
l’environnement. Ces mesures sont d’ordres divers et nous ne nous en tiendrons ici qu’au devoir de
communication (1) et au devoir d’intervention (2).

1- Le devoir de communication

Le devoir de communication de COTCO est un devoir fondamental en matière de protection


de l’environnement, surtout en cas d’atteinte grave à l’environnement, le cas d’une pollution par
exemple. Il signifie, pour cette société, l’obligation d’informer les personnes susceptibles d’être
affectées par la dégradation de l’environnement, afin de leur permettre d’anticiper sur les dangers,
en adoptant les mesures les plus appropriées, de nature à réduire au maximum les incidences
négatives du phénomène. Ce devoir s’exerce aussi bien vis-à-vis des pouvoirs publics que des
populations locales.
A l’égard des pouvoirs publics, l’article 71 (a) de la loi de 1996 sur le transport par pipeline
des hydrocarbures dispose que « tout accident grave survenu dans toute installation faisant partie du
système de transport par pipeline doit être porté dans les plus brefs délais possibles par le titulaire
de l’autorisation de transport par pipeline à la connaissance des services compétents notamment

88
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 8 au Cameroun du 03 au 12 janvier 2005 » in www.gic-
iag.org, p. 8.
89
Conformément à l’article 19 (4) de la convention d’établissement entre l’Etat du Cameroun et COTCO, « dans
l’année suivant sa création, COTCO devra soumettre un programme de formation à l’approbation de la République du
Cameroun, à l’effet d’assurer la formation professionnelle et technique de son personnel camerounais afin de permettre
aux ingénieurs, cadres, techniciens, ouvriers et employés administratifs l’accès à tous les emplois en rapport avec leur
qualification ».

50
ceux du ministère chargés des mines et ceux chargés du maintien de l’ordre public »90. Autrement
dit, lorsque survient un incident susceptible d’affecter substantiellement l’environnement, COTCO
est tenue de saisir aussi bien les responsables du MINIMIDT que les autorités de l’administration
territoriale, ceci avec promptitude, dès lors que l’on sait qu’en matière environnementale, certains
préjudices, une fois réalisés, sont irréparables. COTCO doit donc informer ces autorités sur le lieu
de l’incident, son étendue et les mesures qu’il prend afin de le maîtriser.
Vis-à-vis des populations locales, le devoir de communication de COTCO n’est pas moins
important tant il est vrai que ces personnes sont les plus vulnérables lorsque survient une pollution.
Il est donc indispensable qu’elles soient informées de la manière la plus précise possible,
notamment sur l’attitude à adopter afin d’atténuer les impacts de la pollution. Ainsi, reprenant le
devoir d’informer les autorités publiques en cas d’incident significatif affectant l’ouvrage, l’article
16 du décret ATP l’étend aux populations locales dans des termes sans équivoque : « la société
COTCO est tenue d’établir un plan d’urgence propre à assurer l’alerte des autorités compétentes et
des populations avoisinantes en cas de sinistre ou de menace de sinistre, l’évacuation du personnel
ainsi que les moyens pour circonscrire le sinistre ou les causes du sinistre […] ». Ce texte reprend
ainsi, dans leur esprit, les dispositions de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement,
article 7 (1), qui affirme le droit de toute personne d’être informée sur les effets préjudiciables pour
la santé, l’homme et l’environnement des activités nocives, ainsi que sur les mesures prises pour
prévenir ou compenser ces effets. La nocivité du pipeline Tchad-Cameroun ayant déjà été
démontrée, il appartient donc à son promoteur de mettre en œuvre son devoir de communication
lorsque survient une pollution, tout comme il doit intervenir immédiatement afin d’en atténuer les
effets.

2- Le devoir d’intervention

Le devoir d’intervention de COTCO, en cas d’atteinte à l’environnement, est la résultante du


principe de responsabilité posé par le droit positif camerounais de l’environnement, « selon lequel
toute personne qui, par son action, crée des conditions de nature à porter atteinte à la santé de
l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination dans des
conditions propres à éviter lesdits effets »91. On peut bien s’en rendre compte, le devoir
d’intervention vise à minimiser au maximum les impacts préjudiciables de tout incident affectant

90
Cette obligation de communication envers les pouvoirs publics est reprise à l’article 54 du décret d’application de la
loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures, qui oblige le titulaire de l’autorisation de transport par
pipeline à alerter le SIP dès qu’il a connaissance d’un incident, d’un accident ou d’un incendie.
91
Voir article 9 (d) de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement du 05 août 1996.

51
l’environnement et les populations, par l’action directe ou indirecte du promoteur du projet. Il s’agit
donc pour COTCO, le transporteur, de développer des stratégies internes, à côté des prescriptions
légales, afin de répondre efficacement aux cas de non conformité environnementale qui, d’une
façon ou d’une autre, se produisent à un moment de l’existence d’un projet de grande envergure
comme la construction et l’exploitation d’un pipeline de 1070 kilomètres. C’est pour veiller à ce
que le promoteur du projet dispose véritablement de moyens efficaces d’intervention que l’Etat
exige de lui la préparation d’un plan particulier d’intervention (le plan spécifique d’intervention en
cas de déversement accidentel d’hydrocarbures de COTCO) qui « définit l’organisation, les moyens
et les méthodes à mettre en œuvre en cas d’incident, d’accident ou d’incendie ayant entraîné, ou
pouvant entraîner à court terme, des dommages aux populations, aux biens ou à l’environnement et
notamment un épandage des hydrocarbures ou en cas de circonstances pouvant faire craindre à
brève échéance un tel incident, accident ou incendie »92. Ceci suppose, sur le plan humain, que la
société COTCO dispose, d’un personnel formé, aguerri aux techniques d’intervention en cas de
déversement d’hydrocarbures et, sur le plan matériel, qu’elle possède des outils technologiques de
pointe qui permettent de détecter rapidement, de façon automatique, de tels incidents et d’atténuer
leurs effets sur les écosystèmes affectés.
En outre, le devoir d’intervention suppose pour COTCO, l’obligation de réparer tout
préjudice qui découlerait de son activité de transport des hydrocarbures. C’est le mécanisme
classique de la responsabilité civile, formulé en droit de l’environnement par l’article 77 de la loi-
cadre relative à la gestion de l’environnement, et repris spécifiquement dans le contexte du projet
d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun par l’article 17 de la convention
d’établissement entre la République du Cameroun et COTCO. Aux termes de ce dernier article,
« COTCO est tenue de réparer, conformément au droit commun, les préjudices subis par toute
personne, du fait de la construction, de l’exploitation ou de l’entretien du système de transport
camerounais, à l’exception des indemnisations résultant de la mise à disposition des terres prévue à
l’article 27 »93. Sur la base de cette disposition, il apparaît clairement que COTCO ne bénéficie ni
d’une immunité de juridiction ni d’un privilège de juridiction en territoire camerounais, car reste
soumis au « droit commun » en cas de préjudice causé aux personnes du fait de ses activités de
transport des hydrocarbures.

92
Voir article 53 du décret d’application de la loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures.
93
Le droit à réparation ainsi reconnu peut prendre deux formes : la restitutio in integrum ou remise des choses en l’état
et la réparation par équivalence ou indemnisation.

52
En raison de la complexité et de l’ampleur des obligations qui pèsent sur elle, la société
COTCO va s’associer les services d’un organisme d’assistance, dont les missions
environnementales sont bien spécifiées : la FEDEC.

II- LES MISSIONS DE LA FEDEC DANS LE PROJET PIPELINE TCHAD-


CAMEROUN

La FEDEC est un organisme de droit néerlandais, régi par la loi N°90/053 du 19 décembre
1990 portant liberté d’association au Cameroun94. Elle est le fruit d’un accord conclu sous l’égide
de la Banque Mondiale, entre le gouvernement camerounais et COTCO, afin de contribuer à
l’atténuation de certains impacts environnementaux spécifiques découlant de la construction et de
l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun. La FEDEC est donc un mécanisme de compensation
environnementale qui a été mis en place dans le cadre de l’EIE du projet, avec pour mission de
soutenir financièrement, pendant 28 ans95, le plan pour les peuples autochtones vulnérables (A) et
les programmes d’améliorations environnementales (B).

A- Le soutien au plan pour les peuples autochtones vulnérables (PPAV)

La nécessité d’un PPAV découle de la politique opérationnelle 4.10 de la Banque Mondiale


sur les populations autochtones. Conformément à ce texte, un projet proposé au financement de la
Banque ayant un impact sur les populations autochtones nécessite que l’emprunteur prépare un plan
en faveur de ces populations (PO 4.10.6.d), plan qui décrit les mesures à mettre en place pour faire
en sorte qu’elles tirent du projet des avantages sociaux et économiques et que les répercussions
négatives ponctuelles du projet soient évitées, minimisées, atténuées ou compensées lorsque ces
répercussions sont identifiées (PO 4.10.12). Or, la population rurale composée des pygmées
Bakola/Bagyeli habitant la zone traversée par le pipeline entre Kribi et Lolodorf, possède plusieurs
des caractéristiques définies par la politique opérationnelle 4.10 à propos d’une population
autochtone : attachement profond aux territoires ancestraux et aux ressources naturelles de ces
zones ; présence d’une langue autochtone distincte des autres langues nationales ; production
principalement orientée vers la subsistance, etc. Elle a donc été identifiée comme population

94
A propos de sa structure et de son fonctionnement, la FEDEC est organisée autour d’un conseil d’administration et
d’un personnel administratif. Le conseil d’administration est responsable de l’atteinte des buts et objectifs de la FEDEC
et se compose de cinq à sept membres volontaires. Le personnel administratif est composé de l’administrateur de la
fondation d’une part, chargé de la gestion quotidienne de la Fondation et de la coordination de ses activités, du
personnel d’appui d’autre part, constitué de l’assistante de direction, du comptable et du chauffeur.
95
Durée estimée du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun.

53
autochtone vulnérable devant bénéficier d’une protection spécifique96. Il faut alors se référer au
volume 4 des PGE élaborés par COTCO, pour la portion camerounaise du projet, pour avoir une
idée plus ou moins précise des responsabilités de la FEDEC à propos du PPAV et de ses enjeux.
S’agissant des responsabilités de la FEDEC, il faut savoir d’entrée de jeu que celle-ci
n’intervient pas directement sur le terrain du projet. Elle « est un organisme financier qui agit par
l’intermédiaire des structures de mise en œuvre »97. Ses compétences ont trait à l’examen,
l’évaluation, le contrôle et le suivi des rapports des projets du PPAV. A ce titre, le conseil
d’administration de la FEDEC prépare un rapport annuel résumant les activités de la Fondation,
comprenant une section spécifique relativement à la composante de développement des peuples
autochtones (article 7.2.r des statuts de la FEDEC), par lequel elle détermine si les buts du PPAV
ont été atteints. Selon le volume pertinent des PGE, « l’examen concernera tous les rapports de fin
de projet, évaluera si les buts définis ont été atteints »98. En outre, il est prévu que le conseil
d’administration suivra au quotidien la mise en œuvre d’ensemble du Plan, en obtenant les
informations sur :
- le nombre de communautés pygmées et non pygmées qui participent et profitent des
programmes ;
- les améliorations induites par les programmes en matière d’agriculture, de santé et
d’éducation ;
- l’évolution de quelques indicateurs clés, tels que le régime alimentaire, l’usage du gibier, la
part des produits agricoles dans ce régime99.
En ce qui concerne les enjeux du PPAV au regard du rôle que doit jouer la FEDEC dans sa
mise en œuvre, il y a lieu d’attendre que les populations autochtones affectées bénéficient d’une
meilleure insertion sociale, une éducation leur permettant de mieux comprendre l’environnement
naturel et humain dans lequel ils vivent, une formation à l’hygiène et à la santé, car ces derniers sont
plus déficients pour les pygmées que pour les autres populations, une augmentation de la production
agricole, améliorant leur autosuffisance alimentaire.
En bref, le PPAV vise à améliorer les conditions d’existence des populations pygmées
affectées par le passage du système de transport camerounais, dans le respect de leur mode de vie et
des écosystèmes ambiants. C’est un projet que la FEDEC doit pouvoir suivre simultanément avec la
96
Cette protection va dans le sens du préambule de la loi constitutionnelle camerounaise du 18 janvier 1996, aux termes
duquel « l’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la
loi ».
97
Célestin Mbarga Elega, Plan pour les Peuples Autochtones Vulnérables, Rapport de fin de la phase 1, mai 2005, p.
12. Le PPAV est mis en œuvre par le Groupe d’Intérêt Commun-Réseau d’Actions Participatives aux Initiatives de
Développement (GIC-RAPID), ONG camerounaise basée sur le site.
98
PGE, partie camerounaise, volume 4, partie III, mai 1999, p. 3-6.
99
PGE, partie camerounaise, ibid., p. 3-7.

54
seconde mission qui lui a été assignée, à savoir l’appui aux programmes d’améliorations
environnementales.

B- L’appui aux programmes d’améliorations environnementales

Les programmes d’améliorations environnementales développés dans le projet pipeline


Tchad-Cameroun s’inscrivent dans la logique de la politique opérationnelle 4.04 de la Banque
Mondiale sur les habitats naturels, aux termes de laquelle « si les résultats de l’étude d’impact
indiquent que le projet entraînerait une conversion ou une dégradation importante des habitats
naturels – ce qui fut le cas – le projet devrait prévoir des mesures d’atténuation acceptables pour la
Banque. De telles mesures pourraient inclure […] l’établissement et le maintien d’une aire protégée
ayant les caractéristiques écologiques similaires à celle des sites perturbés » (PO 4.04.5). Dans ce
sens, et comme le relève le promoteur du projet dans le PGE, « les programmes d’améliorations
environnementales ont pour objectif la mise en place d’un mécanisme permettant la mise en valeur
et la protection de la diversité biologique et de la qualité des habitats naturels dans certains
écosystèmes sensibles et vulnérables de la République du Cameroun »100. En d’autres termes, les
programmes d’améliorations environnementales expriment les mesures de compensation
environnementale développées par COTCO afin de limiter les pertes de faune et de flore affectées
par la construction et l’exploitation du système de transport camerounais. Ils sont la preuve que le
risque environnemental zéro n’existe pas en matière de transport des hydrocarbures par pipeline et
que, de ce fait, l’auteur d’atteintes aux écosystèmes doit prendre toutes les mesures qui s’imposent
afin de minimiser au maximum leurs impacts. C’est à ce titre que la FEDEC est interpellée, afin
d’apporter son soutien financier à des activités d’amélioration de l’environnement dans deux sites
sensibles situés respectivement dans la zone de forêt sémi-décidue et la zone de forêt du littoral
atlantique. Ceci a donné lieu à l’établissement de deux aires protégées : le Parc National de Campo
Ma’an101 et le Parc National de Mbam-Djerem102.
Comme pour le PPAV, les programmes d’améliorations environnementales sont mis en
œuvre par l’intermédiaire d’organisations de mise en œuvre103, tandis que le conseil

100
PGE, partie camerounaise, op. cit., partie II, p. 1-1.
101
Le Parc National de Campo Ma’an a été créé par décret N°2000/004/PM du 06 janvier 2000 portant création du Parc
National de Campo Ma’an. Selon son article 1er, le Parc National de Campo Ma’an a une superficie de 264.064
hectares.
102
Le Parc National de Mbam-Djerem a été créé par décret N°2000/005/PM du 06 janvier 2000 portant création du Parc
National de Mbam-Djerem. Selon son article 1er, le Parc National de Mbam-Djerem a une superficie de 416.512
hectares.
103
La composante environnementale Campo Ma’an est mise en œuvre par World Wide Fund for Nature (WWF) tandis
que la composante environnementale Mbam-Djerem est mise en œuvre par Wildlife Conservation Society (WCS).

55
d’administration de la FEDEC se contente d’évaluer et d’apprécier les rapports de terrain que lui
présente le coordinateur du programme, le but étant de préserver dans ces sites les espèces animales
et végétales menacées par le passage du pipeline en territoire camerounais.
Toutefois, en dépit du contrôle interne qu’effectue la FEDEC sur la mise en œuvre de
certains engagements environnementaux du projet, il se superpose le contrôle des institutions
spécialement établies à cet effet.

SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE CONTROLE DU RESPECT DES NORMES


ENVIRONNEMENTALES

Les institutions de contrôle du respect des normes protectrices de l’environnement dans le


projet pipeline Tchad-Cameroun désignent l’ensemble des organismes mis sur pied, avec pour
mission de veiller à ce que le promoteur du projet, de même que ses sous-traitants, conduisent leurs
activités conformément à la législation en vigueur au Cameroun. Plus précisément, elles sont
chargées de garantir le respect des engagements souscrits par le promoteur du projet ou prescrits par
la législation nationale et internationale en matière d’environnement. Ces institutions sont
nombreuses, d’origines variées et par systématisation, on distingue les institutions nationales
gouvernementales d’une part (I), les institutions internationales et non gouvernementales d’autre
part (II).

I- LES INSTITUTIONS NATIONALES GOUVERNEMENTALES

Les institutions nationales gouvernementales ont la charge de veiller, sous l’autorité de


l’Etat, à l’effectivité du droit de l’environnement dans la gestion de la portion camerounaise du
projet. En effet, en vertu du principe de la souveraineté territoriale, « chaque Etat exerce, par
l’unique intermédiaire de ses propres organes, les pouvoirs de législation, d’administration, de
juridiction et de contrainte sur son territoire »104. Autrement dit, l’Etat crée et organise librement les
services chargés de mettre en œuvre les engagements nationaux et internationaux auxquels il
souscrit. Et, à l’épreuve des faits, on se rend compte que dans le cadre du projet d’exploitation
pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, l’Etat du Cameroun a pratiquement dépouillé de leurs
attributions originelles les départements ministériels dont on aurait pu présumer la compétence105,

104
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, op. cit., p. 479.
105
Il s’agit précisément du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature et du Ministère des Forêts et
de la Faune d’une part, du Ministère de l’Industrie, des Mines et du Développement Technologique d’autre part. Ces

56
au profit de deux organismes créés spécifiquement pour assurer le suivi des activités des pipelines
au Cameroun. Il s’agit respectivement du Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (A) et du
Service d’Inspection des Pipelines (B).

A- Le Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP)

Le CPSP est créé par l’article 3 (1) du décret N°97/116 du 07 juillet 1997 fixant les
conditions et modalités d’application de la loi N°96/14 du 05 août 1996 portant régime de transport
par pipeline des hydrocarbures en provenance des pays tiers, tandis que son organisation et son
fonctionnement relèvent d’un texte particulier, l’arrêté N°433 du 24 août 1999, pris par le Président
de la République.
Conformément à son texte de création, le CPSP assure « la coordination des interventions
des administrations dans le cadre des travaux de construction, d’exploitation et d’entretien du
système de transport par pipeline. A ce titre, [il] est le facilitateur des relations entre le postulant
puis le titulaire de l’autorisation de transport par pipeline et lesdites administrations ». Cette
disposition impose une double mise au point préliminaire. En premier lieu, parce que la
construction et l’exploitation d’un pipeline supposent l’intervention d’une multitude d’acteurs
publics, l’Etat du Cameroun a jugé nécessaire, et à juste titre, de mettre en place un organisme
chargé de veiller à la cohérence de la politique gouvernementale dans la gestion du projet. En
second lieu, le CPSP est un organe de médiation et de régulation des relations parfois tumultueuses
entre le promoteur du projet et les différentes administrations impliquées.
De façon plus circonstanciée, et pour ne s’en tenir qu’aux aspects environnementaux, le
CPSP a pour mission de :
- assurer le suivi de la mise en œuvre des plans d’environnement tels que définis dans les
engagements du promoteur vis-à-vis du Cameroun et des prêteurs, en liaison avec le
MINEP ;
- assurer l’examen des requêtes et commentaires formulés par le public sur le volet
environnemental et autres du ou des projets ;
- rédiger des rapports sur le volet environnemental des projets pipelines ;
- suivre, en liaison avec les administrations et organismes publics concernés, tout contentieux
entre la République du Cameroun et le ou les titulaires de l’ATP106.

départements ministériels, comme tout autre département a priori susceptible d’être concerné, ne possèdent plus que
des compétences résiduelles sur la gestion du pipeline Tchad-Cameroun.
106
Article 2 de l’arrêté portant organisation et fonctionnement du CPSP.

57
Ainsi, en matière d’environnement, le CPSP a une mission de contrôle qui se déploie à deux
moments : d’abord avant la naissance d’un contentieux, lorsqu’il s’agit de veiller à ce que le
promoteur du projet respecte ses engagements environnementaux, et qui s’exerce à travers la
rédaction de rapports de suivi ; ensuite, après la naissance d’un contentieux, par l’examen des
requêtes et commentaires du public sur le volet environnemental du projet, de même que le suivi
des contentieux entre la République du Cameroun et le titulaire de l’ATP107.
En somme, les pouvoirs de contrainte du CPSP vis-à-vis du titulaire de l’ATP, en l’espèce
COTCO, d’un point de vue juridique, ne sont pas très consistants. Cependant, les rapports
périodiques qu’il rédige sur le volet environnemental du projet sont un important moyen de pression
à l’égard de la société de transport qui, à n’en point douter, souhaiterait garder une bonne image de
marque auprès des citoyens, des ONG et du groupe des prêteurs. En outre, il n’est pas exclu que les
autorités du MINIMIDT s’en inspirent aux fins de prononcer des sanctions contre le transporteur.
Pour l’accomplissement de ses missions, le CPSP est doté de deux organes : le comité de
suivi et le secrétariat permanent. Le comité de suivi est l’organe de supervision et de délibération
(article 3 de l’arrêté portant organisation et fonctionnement du CPSP). Il a pour président
l’Administrateur-Directeur Général de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et compte dix
sept membres dont un représentant du MINEP108 (article 4 de l’arrêté sus-évoqué).
Le secrétariat permanent, organe d’exécution du comité de suivi, est placé sous l’autorité
d’un secrétaire permanent et comprend six sections : une section environnement, tracé et sécurité ;
une section économie et finance ; une section administration et comptabilité ; une section ingénierie
et mobilisation des ressources locales ; une section conseil juridique et une section communication
et éducation. La section environnement, tracé et sécurité, puisque c’est elle qui nous intéresse,
conformément à l’article 5 (4) de l’arrêté pertinent, est placée sous l’autorité d’un chef de section et
est chargée de :
- veiller au respect des engagements du gouvernement et du promoteur contenus dans la
convention d’établissement ;
- suivre la mise en œuvre des plans d’environnement tels que définis dans les engagements du
promoteur vis-à-vis du Cameroun et des prêteurs ;

107
Pour l’accomplissement de ces missions, les membres du CPSP bénéficient d’un programme de formation en matière
environnementale, connu sous le nom de programme pour le renforcement des capacités de gestion de l’environnement
dans le secteur pétrolier (programme CAPECE). Le programme CAPECE vise à aider le gouvernement du Cameroun à
développer et établir des capacités nationales de gestion environnementale et de suivi du projet d’oléoduc ; et à moyen-
long terme, d’aider à assurer la viabilité environnementale des futurs projets, programmes et politiques dans le secteur
pétrolier camerounais.
108
Il s’agit, en l’occurrence, du Directeur du développement des politiques environnementales du MINEP.

58
- participer aux études environnementales (étude d’impact, plan de gestion et plan
d’indemnisation) ;
- développer et veiller à l’application des mesures susceptibles d’atténuer les effets négatifs
des travaux de construction, d’exploitation et d’entretien des pipelines sur l’environnement
et les populations ;
- élaborer des rapports périodiques sur le volet environnement des projets de pipeline.
Malheureusement, pendant nos recherches, nous n’avons pu avoir accès ni au secrétaire
permanent ni au chef de la section environnement, tracé et sécurité du CPSP qui nous auraient
permis d’avoir une vision plus claire des missions du CPSP et surtout de la façon dont celui s’en
acquitte au quotidien. Cela nous aurait permis également d’apprécier le contenu et la rigueur des
rapports qu’élabore le CPSP sur le volet environnemental du projet, la fréquence des requêtes
adressées par le public et le sort qui leur est dévolu. Tout cela n’a pas été possible en raison de
l’indisponibilité fréquente des membres du CPSP, indisponibilité qui, au demeurant, affecte la
seconde institution mise en place pour assurer le contrôle des activités du pipeline au Cameroun, à
savoir le SIP.

B- Le Service d’Inspection des Pipelines (SIP)

Le SIP a été créé par le même texte que celui qui établit le CPSP. Il s’agit du décret
d’application de la loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures, en son article 3 (2).
Aux termes de ce texte, le SIP est « placé sous la responsabilité du ministre chargé des mines et
[…] assure, comme indiqué à l’article 56 du présent décret, la surveillance administrative et le
contrôle technique de l’administration se rapportant aux travaux de construction, d’exploitation et
d’entretien du système de transport par pipeline ».
Or, bien que jouissant d’une existence effective, le SIP n’a pas encore fait l’objet d’une
réglementation spécifique qui préciserait son organisation et son fonctionnement, comme c’est le
cas du CPSP. Il faudrait donc, afin de mieux comprendre son déploiement actuel, s’en tenir à son
décret de création et au décret organisant le MINIMIDT, mais également se référer à la pratique de
son fonctionnement.
En ce qui concerne le décret de création du SIP (le décret d’application de la loi de 1996 sur
le transport par pipeline des hydrocarbures), l’article 56 (1b) énumère les missions assignées à cet
organisme. Ainsi, sur la base de ce texte, on note que le SIP :

59
- assure la surveillance administrative et le contrôle technique pour le compte de
l’administration, et peut faire appel, en fonction des tâches spécifiques, à des experts
désignés ou agréés ;
- émet des avis techniques sur les études préliminaires ;
- coordonne l’action des autres administrations pour ce qui concerne les opérations
d’inspection et de contrôle techniques qu’elles mènent ou les mesures qu’elles prennent se
rapportant directement au système de transport par pipeline ;
- mène toutes enquêtes utiles et expertises en cas d’incident significatif ou d’accident dans un
système de transport par pipeline ;
- centralise et exploite les informations techniques et stratégiques sur le système de transport
par pipeline109.
En somme, s’agissant des missions assignées au SIP, celles-ci se concentrent essentiellement
sur les aspects techniques de l’ouvrage qui, comme nous l’avons vu plus haut, est d’une grande
complexité technologique. Cela ne réduit pas pour autant l’intérêt qu’il porte pour les questions
d’environnement, tant il est vrai que la configuration technique du pipeline tient compte de
l’exigence constante de protection de l’environnement. C’est ce que traduit par exemple la présence
des vannes de sectionnement, des systèmes de détection automatique de fuites, destinés à limiter les
risques d’impact sur l’environnement en cas de déversement d’hydrocarbures. Ainsi, l’article 56 (2)
du décret d’application de la loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures précise que
« la surveillance administrative et le contrôle technique de l’administration relatifs à la construction,
à l’exploitation et à l’entretien d’un système de transport par pipeline et aux activités liées au
transport des hydrocarbures visent […] à la sécurité et à la protection de l’environnement et des
populations ». Il ressort ainsi de ces dispositions que la mission principale du SIP, qui consiste en la
surveillance administrative et au contrôle technique de l’ouvrage, a pour but ultime la sécurité et la
protection de l’environnement et des populations.
Toutefois, l’on est en droit de s’interroger sur l’aptitude de cet organisme à mener à bien les
missions qui lui sont dévolues, au regard du retard qu’accuse l’adoption de son texte organique et
de l’intervention croissante du CPSP sur le terrain. En effet, pour les membres du SIP, en l’état
actuel des choses, leurs missions « ne consistent pas à grand-chose »110. Pour ceux-ci, le service
qu’ils gèrent se contente en fait d’organiser des campagnes semestrielles d’inspection des
installations du pipeline (stations de pompage et de réduction de pression, TFSD, etc.) et d’envoyer

109
Cette énumération est reprise, de façon presque identique, à l’article 27 du décret N°2005/260 du 15 juillet 2005
portant organisation du MINIMIDT, qui fait du SIP un des services de la Direction de l’industrie de ce ministère. Il
comprend, outre le chef de service, deux ingénieurs d’études.
110
Entretien réalisé au SIP, au sein du MINIMIDT, le 12 décembre 2007.

60
des inspecteurs en mer pour le suivi du transit pétrolier. Ils déplorent le fait que les rapports que
COTCO envoie au CPSP ne leur parviennent pas du tout, au mépris des textes réglementaires. C’est
pour combler ces déficits de cohésion des organismes publics nationaux de contrôle du pipeline
qu’interviennent les institutions internationales et non gouvernementales.
II- LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET NON GOUVERNEMENTALES

Le pipeline Tchad-Cameroun est un projet international, aussi bien aux plans organique et
spatial que réglementaire. L’implication de la Banque Mondiale dans ce projet lui donne une
dimension particulière à travers les multiples contraintes imposées par cette organisation
internationale aux différents partenaires du projet. En effet, le rôle de la Banque Mondiale ne s’est
pas limité à sa participation au financement du projet, mais s’est également étendu à une fonction
d’assistance dans le domaine de la gestion des revenus, de même qu’en matière de surveillance
sociale et environnementale. C’est pour remplir cette dernière mission que la Banque Mondiale, en
collaboration avec les Etats impliqués dans le projet, a mis sur pied des missions d’inspection
chargées du contrôle de la conformité du projet à la législation environnementale (A). En outre,
parce que l’ouvrage affecte directement l’environnement et les populations locales du Cameroun,
des organisations non gouvernementales nationales se sont mobilisées pour défendre ces intérêts
(B).

A- Les missions d’inspection de la Banque Mondiale

Deux institutions internationales, mises sur pied à l’instigation de la Banque Mondiale,


interviennent dans le projet pipeline Tchad-Cameroun pour veiller à ce que chaque partie impliquée
dans le projet respecte ses engagements, notamment en matière d’environnement. Il s’agit du
Groupe International Consultatif (1) et du Groupe Externe de Suivi de la Conformité
Environnementale (2).

1- Le Groupe International Consultatif (GIC)

Le GIC a été constitué le 21 février 2001, avec pour mission de « conseiller le président du
Groupe Banque Mondiale et les gouvernements du Tchad et du Cameroun en leur faisant part de ses
observations sur l’exécution de l’ensemble des projets reliés à l’exploitation pétrolière et la
construction de l’oléoduc au Tchad et au Cameroun pour le consortium ExxonMobil-Chevron-

61
Petronas »111. Le GIC est un groupe indépendant de supervision, mis sur pied par le Groupe Banque
Mondiale et les gouvernements tchadien et camerounais, pour assurer la réussite environnementale
et sociale du projet, de même que le respect des engagements de chacune des parties impliquées. A
ce titre, il a pour mission de formuler des recommandations, d’une part à l’intention de la Banque
Mondiale, dont l’une des conditions de son engagement au projet était le respect des politiques
opérationnelles qu’elle formule ; d’autre part, à l’égard des Etats tchadien et camerounais, dont les
compétences en matière d’environnement et de gestion des pipelines souffraient d’insuffisances
notoires.
Ainsi, sur cette base, on doit comprendre que le mandat du GIC porte davantage sur la
prévention et l’anticipation des dommages environnementaux, à travers des propositions de mesures
de gestion optimales de l’ouvrage, que sur la surveillance de l’ouvrage proprement dite, cette
responsabilité étant assumée par le SIP. Il est composé de cinq membres112, et a effectué treize
missions d’inspection au Cameroun et au Tchad, depuis le début de la construction de l’ouvrage
jusqu’à nos jours113, avec une moyenne de deux missions par an, dont les rapports sont rendus
publics à travers son site Internet. Ceux-ci procèdent d’une démarche au contenu double : d’une
part, ils expriment les constats opérés à la suite d’entretiens avec les institutions gouvernementales
(CPSP, SIP), la COTCO, la FEDEC et les ONG impliquées dans le projet ; d’autre part, ils
formulent des recommandations à l’intention du Gouvernement du Cameroun et de la Banque
Mondiale114. Cette approche « constats-recommandations », adoptée par le GIC, ne diffère pas
beaucoup de celle qu’applique le Groupe Externe de Suivi de la Conformité Environnementale,
autre organisme mis sur pied par la Banque Mondiale pour assurer le contrôle du projet.

111
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 1 au Tchad et au Cameroun du 19 juillet au 03 août 2001 » in
www.gic-iag.org, p. 1.
112
Les cinq membres du GIC sont : Mamadou Lamine Loum (président), Jacques Gérin (secrétaire exécutif), Jane I.
Guyer (membre), Abdou El Mazide Ndiaye (membre) et Dick de Zeeuw (membre).
113
La première mission a été effectuée au Cameroun et au Tchad du 19 juillet au 03 août 2001 ; la deuxième mission a
été effectuée au Cameroun et au Tchad du 14 au 25 novembre 2001 ; la troisième mission a été effectuée au Cameroun
du 07 au 18 avril 2002 ; la quatrième mission a été effectuée au Cameroun et au Tchad du 15 octobre au 04 novembre
2002 ; la cinquième mission a été effectuée au Tchad et au Cameroun du 21 avril au 10 mai 2003 ; la sixième mission a
été effectuée au Cameroun du 1er au 05 décembre 2003 ; la septième mission a été effectuée au Tchad et au Cameroun
du 17 mai au 05 juin 2004 ; la huitième mission a été effectuée au Cameroun du 03 au 12 janvier 2005 ; la neuvième
mission a été effectuée au Tchad et au Cameroun du 15 mai au 06 juin 2005 ; la dixième mission a été effectuée au
Tchad et au Cameroun du 25 septembre au 18 octobre 2005 ; la onzième mission a été effectuée au Cameroun du 15 au
23 mars 2006 ; la douzième mission a été effectuée au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 ; la treizième
mission a été effectuée au Tchad et au Cameroun du 11 novembre au 1er décembre 2007 ; la quatorzième mission, qui
aurait dû se dérouler au mois d’avril 2008, a été reportée sine die pour cause d’insécurité au Tchad.
114
A titre d’exemple, le rapport de mission 12 du GIC recommande au Cameroun et à la Banque Mondiale de tirer
toutes les leçons du programme CAPECE, qui n’a pas atteint ses objectifs, avant de lancer un CAPECE II. Le rapport
de mission 13 demande à la Banque Mondiale de faire preuve d’une vigilance particulière et de prendre toute mesure
nécessaire, afin que ses recommandations soient respectées dans la mise en œuvre du PPAV, mis en oeuvre sous la
supervision de la FEDEC.

62
2- Le Groupe Externe de Suivi de la Conformité Environnementale (GESCE)

Le GESCE (représenté par un cabinet d’étude italien nommé D’Appolonia), est un organisme
extérieur au projet pipeline Tchad-Cameroun, créé par la Banque Mondiale en vue de superviser et
d’évaluer la façon dont COTCO, le propriétaire du système de transport camerounais, et les deux
gouvernements s’acquittent de la mise en œuvre de leurs obligations environnementales. Plus
précisément, le GESCE a une double mission :
- en premier lieu, dans le cadre d’un contrat passé avec la SFI, le GESCE est chargé de
produire une évaluation indépendante de la conformité des activités de COTCO avec ses
obligations contractuelles au titre du PGE et des engagements en matière environnementale
inclus dans les documents financiers du projet et les documents de la Banque Mondiale qui
s’y réfèrent ;
- en second lieu, dans le cadre d’un contrat passé avec la BIRD, le GESCE assure, au
Cameroun, le suivi de la mise en œuvre du projet de renforcement des capacités de gestion
de l’environnement dans le secteur pétrolier (projet CAPECE).
Ainsi, contrairement au GIC qui a une mission beaucoup plus globale, incluant les aspects
environnementaux et sociaux, ainsi que ceux liés à la gouvernance du projet, le GESCE se déploie
exclusivement sur le champ environnemental. Ce qui devrait pouvoir lui permettre de rédiger des
rapports circonstanciés et beaucoup plus adaptés aux besoins environnementaux du projet.
En outre, si le GESCE formule des recommandations aux deux Etats impliqués dans le
projet comme c’est le cas du GIC, il s’adresse également à COTCO, propriétaire de l’ouvrage et
transporteur des hydrocarbures, contrairement au GIC qui n’a pas cette autorité. Cette dernière
attribution du GESCE est fondamentale et lui donne une importance toute particulière dans le suivi
environnemental du projet. Elle devrait pouvoir lui permettre de ramener à l’ordre les responsables
de COTCO, chaque fois que leurs activités s’échapperaient du cadre réglementaire prévu, ce qui
n’est pas du pouvoir du GIC, qui n’a le droit de s’adresser qu’aux deux Etats et à la Banque
Mondiale.
Toutefois, le GESCE ne formule que des recommandations et ne dispose d’aucun moyen de
pression vis-à-vis de COTCO en cas de non respect de ses engagements environnementaux. De ce
fait, il ne peut se référer en dernier ressort qu’à la Banque Mondiale, en cas de non respect par cette
société des recommandations qu’il formule.

63
Le GESCE, depuis sa création, a produit sept rapports de suivi, dont le contenu est
disponible sur le site Internet de la Banque Mondiale115. Il bénéficie, dans sa collecte
d’informations, de l’appui des ONG, dont le rôle aujourd’hui est reconnu en matière de protection
de l’environnement.

B- Le rôle des Organisations Non Gouvernementales

Le rôle des ONG, en matière de protection de l’environnement, est aujourd’hui reconnu en


droit interne116 comme en droit international117. A ce titre, celles-ci se sont profondément investies
dans le projet pipeline Tchad-Cameroun, depuis les premiers débats sur l’opportunité ou non d’un
tel projet au Cameroun, jusqu’à son exploitation aujourd’hui. Les ONG les plus connues et les plus
impliquées dans le projet sont : le World Wide Fund for Nature (WWF), le Wildlife Conservation
Society (WCS), le Groupe d’Intérêt Commun-Réseau d’Actions Participatives aux Initiatives de
Développement (GIC-RAPID), le Réseau de lutte contre la faim au Cameroun (RELUFA), le
Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), le Centre Africain de Recherches
Forestières Appliquées et de Développement (CARFAD) et la Fondation Camerounaise d’Actions
Rationalisées et de Formation sur l’Environnement (FOCARFE).
Cependant, dans cette partie de notre étude, nous éluderons les ONG sollicitées par les
acteurs du projet pour la mise en œuvre des engagements environnementaux (c’est le cas de WWF,
WCS et GIC-RAPID, qui travaillent en collaboration avec la FEDEC dans ses différentes
composantes environnementales, sous l’appellation d’organisations de mise en oeuvre) et ne nous
appesantirons que sur celles qui assurent effectivement le contrôle du respect des normes
environnementales. Cette mission de contrôle se décline, d’une part, sous la forme d’une fonction
d’assistance et de suivi du projet sur les questions d’environnement (1) et, d’autre part, sous la
forme d’une fonction de dénonciation en cas de violation des normes environnementales (2).

115
Il est important de relever que dans son rapport publié à l’issue de sa première visite postérieure à l’achèvement du
projet, le GESCE « a certifié qu’à sa connaissance, le système d’exportation Tchad-Cameroun et la zone des champs
pétroliers ont été construits, et sont développés, exploités et entretenus en conformité sur tous points avec le PGE et les
engagements environnementaux ». Voir GESCE, « Première visite postérieure à l’achèvement du projet du 07 au 16
décembre 2004 » in www.worldbank.org/cc/proj, p. 3.
116
Voir article 3 de la loi N°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les Organisations Non Gouvernementales, de même
que l’article 3 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
117
Voir article 7 (6) de la convention des Nations Unies sur les changements climatiques, ou encore l’article 3 (c) de la
convention internationale sur la lutte contre la désertification.

64
1- La fonction d’assistance et de suivi du projet en matière environnementale

La fonction d’assistance et de suivi des ONG se situe en droite ligne de la mission qui leur
est reconnue en matière de protection de l’environnement. Elle est d’autant plus amplifiée dans le
projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, reconnu par la Banque Mondiale
comme projet de catégorie A, c’est-à-dire qui présente un risque environnemental majeur. C’est
certainement ce qui justifie la mobilisation forte et spontanée des ONG nationales, et mêmes
internationales, dès les premiers moments du projet, afin de veiller à la prise en compte des
considérations environnementales tout au long de son évolution. Ainsi, les ONG constituent la
courroie de transmission entre l’Etat, le promoteur du projet et les communautés locales affectées
par la dégradation de l’environnement. Elles attirent l’attention de l’Etat et du promoteur du projet
sur la nécessité impérieuse de garantir la protection de l’environnement, au regard de la législation
en vigueur sur la question. Cette mission de conciliation s’effectue, sur le plan formel, à travers une
plateforme de concertation Etat-promoteur du projet-ONG qui a été mise sur pied, et dont les
sessions se sont tenues les 02 et 03 novembre 2006 d’une part, et les 29 et 30 novembre 2007
d’autre part.
En outre, les ONG d’environnement descendent sur le terrain afin de constater, de facto et
de visu, le traitement environnemental du projet, recueillent les points de vue des populations
locales, prennent part aux missions d’enquêtes à l’issue desquelles elles expriment librement leurs
positions, qui doivent être prises en compte à leur juste mesure.
Enfin, les ONG d’environnement élaborent des rapports indépendants sur la gestion
environnementale du projet, dont elles assurent la transmission auprès des pouvoirs publics et du
promoteur du projet, de même que l’accès au public en général. L’objectif de tels rapports est
d’apprécier l’étendue de l’effectivité des normes environnementales et d’indiquer les voies à suivre
pour une gestion optimale future du projet118. Sur un autre plan, ces rapports peuvent exprimer une
forme de dénonciation de la gestion du projet, lorsque les atteintes à l’environnement se multiplient.

118
Ainsi, à la suite du déversement d’hydrocarbures du 15 janvier 2007, le CED et le RELUFA, dans un communiqué
conjoint, ont demandé :
- A COTCO : de faire toute la lumière sur les causes de l’incident, sa nature et son ampleur, et de les rendre
publics ; d’organiser sans délai une réunion publique à Kribi pour diffuser le plus largement possible
l’information aux populations et autorités riveraines du lieu de l’incident.
- Au gouvernement du Cameroun : une adoption rapide du plan national d’urgence en cas de déversement
pétrolier ; d’indiquer, conjointement avec COTCO, des numéros de téléphone fonctionnels 24h/24 en cas
d’incidents futurs, pour l’information des citoyens.
- A la Banque Mondiale : de procéder à une évaluation rapide et indépendante de la gestion de cet incident, afin
d’en tirer les leçons pour l’avenir. Cette évaluation devra donner lieu à un débat public sur la capacité des
mesures existantes à faire face à d’éventuelles catastrophes pétrolières dans l’avenir.
Pour une lecture intégrale du communiqué, consulter le site du RELUFA : www.relufa.org.

65
2- La fonction de dénonciation en cas d’atteintes à l’environnement.

La fonction de dénonciation est très déterminante dans la vie des ONG, car elle leur permet
de passer du simple statut d’observateur à celui d’acteur véritable dans la protection de
l’environnement. En effet, par la fonction de dénonciation qui leur est reconnue, les ONG
d’environnement ont acquis le locus standi119 qui leur permet de saisir les instances juridictionnelles
en cas de non respect des normes environnementales par le promoteur du projet, afin de le
contraindre à se conformer à ses obligations.
En droit national, cette faculté leur est reconnue par l’article 8 (2) de la loi-cadre relative à la
gestion de l’environnement, selon lequel les associations ayant pour objet la protection de
l’environnement peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits
constituant une infraction aux dispositions de la présente loi et de ses textes d’application, et
causant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre.
Ainsi, sur le plan national, les ONG agréées ont le droit de saisir la justice à chaque fois qu’elles
estiment que le promoteur du projet pipeline Tchad-Cameroun ne se conforme pas aux obligations
environnementales définies par la loi, et que les recommandations formulées à son intention pour y
remédier ne sont pas prises en compte.
Sur le plan international également, un mécanisme a été mis sur pied, qui permet aux ONG
de poursuivre la mise en œuvre par leurs débiteurs, des obligations environnementales dans le cadre
de ce projet. Il s’agit de la faculté pour elles de saisir le panel d’inspection du Groupe Banque
Mondiale. En effet, le panel d’inspection du Groupe Banque Mondiale est un mécanisme
indépendant créé par le conseil d’administration de la Banque, en vue de s’assurer que la mise en
œuvre des projets financés par celui-ci est conforme aux politiques et procédures de cette institution
financière120.
Cependant, contrairement aux juridictions nationales qui peuvent s’adresser directement à
COTCO, le promoteur du projet, au moyen d’injonctions ou de sanctions, le panel d’inspection ne
s’adresse qu’à la Banque Mondiale, sous la forme d’un avis qu’il rend à la suite d’enquêtes menées

119
Le locus standi est la « qualité pour saisir une cour ou un tribunal. [La] qualité pour agir dans une instance
concrète » : Jean Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 673.
120
Le CED a déposé une plainte auprès du panel d’inspection de la Banque Mondiale, pour le compte des communautés
affectées par le passage du pipeline. A l’issue des enquêtes de terrain, « le panel pense qu’il aurait fallu effectuer une
évaluation des impacts cumulatifs du projet d’oléoduc au Cameroun, prenant en compte le futur développement
pétrolier au nord du pays […] Le panel note que des projets complémentaires dans le voisinage du projet d’oléoduc […]
auraient dû être intégrés à l’évaluation des effets cumulés » : BIRD et AID, Rapport et recommandations de la direction
en réponse au rapport d’enquête du panel d’inspection, INSP/R2003-0003, 28 mai 2003.

66
sur le terrain. Il reviendra alors à la Banque Mondiale, à son tour, de répercuter les conclusions du
panel d’inspection auprès du promoteur du projet, voire même de l’Etat, s’il l’estime nécessaire.
A défaut de pouvoir saisir les instances juridictionnelles (généralement en raison des
moyens financiers qu’exigent de telles procédures), les ONG peuvent mettre en œuvre la tactique de
politic of shame121 qui a pour effet de dégrader l’image de la personne fautive. Dans cette
hypothèse, elles peuvent s’adresser directement aux dirigeants de COTCO par voie de message, soit
indirectement par l’information de l’opinion nationale et internationale qui peut alors s’adjoindre à
elles afin de contraindre le transporteur camerounais à se conformer à ses obligations en matière de
protection de l’environnement.

121
C’est une politique pratiquée par l’Organisation Internationale du Travail depuis des années, qui consiste à afficher
publiquement la liste des Etats qui ne se sont pas conformés aux conventions de l’Organisation. Les ONG peuvent
emprunter ce modèle, en publiant périodiquement la liste des entreprises qui ne se conforment pas à la législation
environnementale.

67
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au terme de cette première partie de notre étude, il est loisible de constater que le cadre
juridique et institutionnel de protection de l’environnement applicable à la portion camerounaise du
pipeline Tchad-Cameroun est fort étoffé. C’est le résultat d’un long effort de production normative,
qu’il faut mettre au crédit de l’Etat du Cameroun qui, très tôt, a compris que le succès du projet
dépendait de la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel approprié.
Sur le plan juridique, des normes de provenances diverses (internationale et nationale) se
répartissent le traitement environnemental du projet. Après un départ timide, caractérisé par
l’absence de prise de position claire en matière d’environnement dans l’accord-cadre du 31 janvier
1995, les choses vont se préciser progressivement avec l’accord bilatéral Tchad-Cameroun du 08
février 1996, la Convention d’établissement entre la République du Cameroun et COTCO, et se
renforcer par l’implication du Groupe Banque Mondiale dans le projet et la prise en compte des
politiques opérationnelles qu’il élabore en matière d’environnement. Sur le plan national, l’Etat va
poursuivre l’œuvre de réglementation du projet par l’adoption de textes spécifiques. Il s’agit de la
loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, la loi portant régime de transport par pipeline des
hydrocarbures en provenance des pays tiers et d’autres textes subséquents établis sous la forme de
décrets.
Malheureusement, le constat qui se dégage est le suivant : en dehors de la loi-cadre relative à
la gestion de l’environnement, qui naturellement se consacre aux principes généraux de protection
de l’environnement au Cameroun, et les politiques opérationnelles de la Banque Mondiale qui,
finalement, ont inspiré l’essentiel du cadre normatif du projet, les autres textes n’ont véritablement
qu’un apport mineur sur le traitement environnemental du projet, si ce n’est de reprendre, de façon
désarticulée, les grands principes posés par la loi-cadre et les politiques opérationnelles de la
Banque Mondiale.
Par contre, sur le plan organique, on assisté à une véritable profusion institutionnelle dont on
était en droit d’attendre beaucoup en matière de gestion et de contrôle du projet sur le plan de la
protection de l’environnement. Sur recommandation de la Banque Mondiale, la société COTCO a
facilité la création de la FEDEC en vue de lui apporter son soutien dans la mise en œuvre de ses
obligations environnementales. De son côté, l’Etat du Cameroun a innové par la création de deux
organismes gouvernementaux spécifiques : le CPSP et le SIP, dont les missions de contrôle sont
complétées par celles du GIC, du GESCE et des ONG d’environnement.
Au regard de la gestion actuelle du projet pipeline Tchad-Cameroun, du point de vue
environnemental, peut-on conclure que le dispositif juridique et institutionnel ainsi présenté a atteint

68
l’objectif d’efficacité que lui ont assigné ses concepteurs ? Certes, des succès notables sont à mettre
au crédit du cadre juridique et institutionnel mis en place, comme nous l’avons relevé tout au long
de nos développements précédents. Cependant, il demeure un certain nombre d’insuffisances qu’il
faudrait corriger.

69
DEUXIEME PARTIE

LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF JURIDIQUE ET


INSTITUTIONNEL A CORRIGER

70
Le cadre juridique et institutionnel du système de transport camerounais a été élaboré et mis
sur pied en vue d’assurer une gestion optimale du projet. Cela ne pouvait en être autrement, tant il
est vrai qu’au moment où le projet est entamé, c’est pratiquement le vide juridique en matière de
gestion de l’environnement dans le secteur des hydrocarbures au Cameroun. Or, si on a pu relever
un certain nombre de cas de non-conformité environnementale dans la gestion du pipeline Tchad-
Cameroun, dont notamment le déversement accidentel d’hydrocarbures du 15 janvier 2007, c’est
que le système de protection mis sur pied n’a pas toujours fonctionné comme on se serait attendu. Il
est donc utile de mettre en relief, de façon successive, les dysfonctionnements du cadre juridique et
institutionnel de protection de l’environnement dans le cadre de ce projet (Chapitre 1) et la nécessité
qu’il y a de le rendre plus efficace (Chapitre2).

71
CHAPITRE 1: LES DYSFONCTIONNEMENTS DU CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET

Parler des dysfonctionnements du cadre juridique et institutionnel de protection de


l’environnement du système de transport camerounais revient à mettre en évidence les insuffisances
et les manquements qui le caractérisent et, de ce point de vue, ne lui permettent pas d’atteindre
amplement les objectifs qui lui ont été assignés. A ce titre, il est remarquable de constater, avec du
recul, que l’essentiel du cadre juridique de ce projet a été mis en place entre 1995 et 2000, soit cinq
années d’intense production normative, marquées d’un coup d’arrêt brutal dont on peut aujourd’hui
relever les carences (Section 1).
Cependant, les cas de non-conformité environnementale relevés dans la gestion du système
de transport camerounais ne sont pas uniquement dus aux carences avérées du cadre normatif mis
en place. Ils sont également la résultante d’un ensemble de défaillances institutionnelles dont les
causes sont identifiables (Section 2).

SECTION 1 : LES CARENCES NORMATIVES : DIAGNOSTIC D’UN CORPS DE


REGLES LACUNAIRES

Procéder à un diagnostic du corps de règles applicables à la protection de l’environnement


dans le cadre du projet pipeline Tchad-Cameroun ne saurait faire l’économie de l’urgence
caractéristique qui a marqué son avènement. Et, tous comptes faits, même si une telle célérité était
commandée par la nécessité122, force est de relever aujourd’hui les insuffisances qui en ont découlé.
Il s’agit, en l’occurrence, de l’ineffectivité de certaines normes annoncées, symbole d’un chantier
normatif inachevé (I) dont les zones d’ombre persistantes relativisent l’efficacité (II).

I- UN CHANTIER NORMATIF INACHEVE …

La construction et l’exploitation du système de transport camerounais supposaient un cadre


juridique approprié, destiné à assurer la mise en œuvre efficiente du projet, notamment en matière
de protection de l’environnement. Or, il est notable de relever aujourd’hui que tous les textes

122
Nécessité de garantir une réelle protection de l’environnement dans un projet imminent ou tout simplement de faire
approuver le projet par la Banque Mondiale, à travers l’illusion de la prise en compte des préoccupations
environnementales ?

72
destinés à constituer l’architecture normative du projet en matière d’environnement n’ont pas été
adoptés. Il existe encore quelques vides juridiques significatifs qui, comme le reconnaît le GIC,
« augmentent les risques d’impact sur l’environnement, et a fortiori sur la population, non
seulement pour le projet pipeline mais également pour d’autres grands projets à venir, tel que le
projet de barrage sur le Lom-Pangar si le gouvernement vient à le réaliser »123. Il s’agit précisément
des décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement (A) et du plan
national de lutte contre les déversements accidentels d’hydrocarbures (B).

A- Des retards dans l’adoption des décrets d’application de la loi-cadre relative à la


gestion de l’environnement

La loi-cadre relative à la gestion de l’environnement est le texte de référence en matière de


protection de l’environnement au Cameroun. Adoptée le 05 août 1996, soit il y a de cela douze
années, elle a annoncé, dans son dispositif, une vingtaine de décrets, dont pas moins de neuf
seraient directement applicables au système de transport camerounais124. Or, de tous ces décrets
ainsi annoncés, un seul a été adopté aujourd’hui125, de sorte que l’on est en droit de s’interroger sur
l’opérationnalité de cette loi, au regard de l’incertitude qui persiste dans les différentes matières
qu’elle est appelée à régir : information des populations en matière d’environnement, traitement des
risques de pollution de la mer, gestion des déchets, dégradation des sols ou nuisances sonores et
olfactives, etc. ; toutes inquiétudes que peut susciter le projet pipeline Tchad-Cameroun sur le
territoire camerounais, pour ne citer que ces quelques exemples. Or, les retards accusés dans
l’adoption des décrets d’application de la loi-cadre ont pour conséquence majeure de priver le texte
d’effectivité, dans la mesure où seuls ceux-ci sont censés lui donner une existence réelle et une
entière applicabilité. Parlant de cette loi-cadre, le Docteur Hyppolite Mouaffo rappelle par
conséquent que « l’essentiel ne consiste pas à adopter les normes mais encore faut-il songer à les
rendre opérationnelles. D’où l’importance des mécanismes de programmation juridique, qui

123
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 7 au Tchad et au Cameroun du 17 mai au 05 juin 2004 » in
www.gic-iag.org, p. 26.
124
Il s’agit du décret fixant le droit à l’information des personnes en matière d’environnement (article 7.2) ; du décret
relatif à l’EIE (article 17.4) ; du décret sur la gestion des substances nocives ou dangereuses produites au Cameroun
(article 30.1) ; du décret fixant les dispositions nécessaires pour combattre toute pollution marine (article 33.2) ; du
décret relatif à la protection des sols (article 36.2) ; décret relatif à la gestion des déchets (article 43.2) ; du décret fixant
les conditions d’autorisation de rejet des polluants (article 53) ; du décret relatif à la gestion des substances chimiques,
nocives et/ou dangereuses (article 58) et du décret réglementant les nuisances sonores et olfactives (article 61).
125
Il s’agit du décret N°2005/0577/PM du 23 février 2005 fixant les modalités de réalisation des études d’impact
environnemental.

73
devraient permettre d’imposer et de surveiller les textes élaborés et de parvenir ainsi à une gestion
rationnelle des politiques mises en œuvre »126.
En effet, en l’état actuel, la loi-cadre ne représente qu’une coquille vide, une simple illusion
de prise en compte des préoccupations environnementales au Cameroun et, malheureusement, un
motif à l’inaction. En fait, il faut reconnaître que la technique de protection de l’environnement par
l’adoption des lois-cadres, qui consiste à consigner, dans un premier texte, les grands principes
devant régir la matière environnementale, quitte à les expliciter et en préciser la portée dans des
textes additionnels (décrets d’application en général) n’est pas très recommandable, dans la mesure
où elle a pour effet de prolonger encore des délais dont on se passerait bien, à moins que ladite loi-
cadre soit suivie d’une mise en œuvre immédiate ; ce qui, généralement, n’est pas le cas.
De même, est-il convenable de fustiger le défaut de plan national d’urgence en cas de
déversement accidentel d’hydrocarbures.

B- Des tergiversations quant à la promulgation du plan national de lutte contre les


déversements accidentels d’hydrocarbures

Le plan national de lutte contre les déversements accidentels d’hydrocarbures désigne la


réglementation nationale destinée à définir des mesures de réaction en cas d’atteinte à
l’environnement découlant d’un déversement accidentel d’hydrocarbures provenant des installations
du pipeline Tchad-Cameroun. Son importance aujourd’hui n’est plus à démontrer, le déversement
accidentel d’hydrocarbures étant identifié comme le risque environnemental majeur du pipeline
depuis sa mise en exploitation127.
La production et la mise en œuvre du plan national de lutte contre les déversements
accidentels d’hydrocarbures sont de la responsabilité de l’Etat. Or, alors que celui-ci aurait dû être
élaboré avant l’écoulement du premier baril de pétrole, on déplore le fait que, jusqu’à ce jour, le
gouvernement du Cameroun ne l’ait pas encore adopté, contrairement à son engagement vis-à-vis
de la Banque Mondiale au moment de l’approbation du projet. Il est d’ailleurs regrettable de
constater qu’alors que le plan de réaction spécifique de COTCO en cas de déversement accidentel
d’hydrocarbures aurait dû s’inscrire dans l’orientation définie par le plan national, la préparation du
plan national profitera plutôt de l’expérience acquise du plan spécifique de COTCO. Pour Korinna

126
Hyppolite Mouaffo, « Les problèmes du droit de l’environnement » in Les Cahiers de Mutations, volume 029, mai
2005, p.11.
127
Pour le GIC en effet, « même si le projet est entré dans une phase opérationnelle qui ne présente pas de problème
majeur, le plus grand risque reste un déversement pétrolier et appelle une vigilance permanente de la part des autorités
camerounaises ». Voir Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 13 au Tchad et au Cameroun du 11
novembre au 1er décembre 2007 » in www.gic-iag.org, p. 35.

74
Horta, Samuel Nguiffo et Delphine Djiraibé, le risque, « en l’absence d’un plan national d’urgence
en cas de déversement accidentel de pétrole, [est que] les responsabilités du consortium et de l’Etat
ne sont pas clairement définies. On ne sait par exemple ni qui paiera la note en cas d’accident
pétrolier, ni l’étendue et les conditions de mise en œuvre des assurances contractées par le
consortium »128. On ne sait non plus comment doit s’organiser la riposte à l’échelle régionale ni
comment se répartissent les responsabilités en matière de communication sur le sinistre129.
Cependant, la critique des normes environnementales applicables au projet ne se limite pas à
l’inexistence aux effets dommageables de certains textes ; elle s’étend également au contenu de
ceux existants, pour lesquels des clarifications supplémentaires s’imposent, ceci dans un souci
d’efficacité.

II- … DONT LES ZONES D’OMBRE PERSISTANTES RELATIVISENT


L’EFFICACITE

Si le problème de l’effectivité des normes environnementales a été relevé dans le cadre du


projet pipeline Tchad-Cameroun, en raison du défaut persistant de certains textes pourtant
annoncés, il doit être dissocié de celui de leur efficacité qui, lui, se pose lors même que la norme a
déjà été adoptée130. Il s’agit alors de s’interroger sur le fait de savoir si son contenu correspond à la
finalité qui lui a été assignée et, ipso facto, si elle produit l’effet escompté. Or, dans le cadre de
notre étude, on doit déplorer les difficultés d’interprétation et d’application des textes (A),
particulièrement en ce qui concerne la réparation en cas d’atteinte à l’environnement (B), toutes
choses qui minent la protection de l’environnement.

A- Les difficultés d’interprétation et d’application des textes

Bien que procédant de sources différentes (nationales et internationales), les normes du droit
de l’environnement applicables au système de transport camerounais semblent avoir développé des
similitudes qui tiennent, pour une grande part, aux difficultés qu’il y a à les interpréter et à les

128
Korinna Horta, Samuel Nguiffo, Delphine Djiraibé, Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-
Cameroun. Un constat de non achèvement du projet, septembre 2007, p. 22.
129
On se souvient en effet qu’en ce qui concerne le déversement du 15 janvier 2007, les dirigeants de COTCO ont
spontanément informé le préfet et le CPSP, tandis que le maire et les populations locales n’ont été saisis que très
tardivement.
130
Pour le Professeur Charles de Visscher, on peut tenir « pour efficaces les dispositions d’un acte international […]
quand considérées en elles-mêmes, elles sont en adéquation aux fins proposées ». Cité par Sandrine Maljean-Dubois et
Vanessa Richard, « Mécanismes internationaux de suivi et mise en œuvre des conventions internationales de protection
de l’environnement » in IDDRI, Paris, novembre 2004, p. 13.

75
appliquer dans le cadre de la mise en œuvre du projet. Ces difficultés découlent, soit de la
complexité dans la formulation des prescriptions à respecter, soit de l’absence de formulation claire
des objectifs environnementaux à atteindre ou des méthodes à suivre.
S’agissant de la première source de difficulté (complexité dans la formulation des
prescriptions), il s’agit en fait d’un reproche classique formulé à l’égard du droit de
l’environnement qui, semble-t-il, aurait « cédé à la tentation de juridisme et à un excès de
réglementations techniques qui obscurcissent le droit fondamental que les juristes aiment à
servir »131. Et, cette difficulté est d’autant plus amplifiée dans cette étude, qu’il s’agit de concilier
des règles habituellement complexes du droit de l’environnement à la technologie des pipelines qui
n’est point des plus accessibles. En effet, comment déterminer le sens, la portée et les implications
exactes de prescriptions dont la compréhension exige une très grande maîtrise de la terminologie
industrielle, précisément en matière de pipeline132 ? Or, dans le cadre du projet faisant l’objet de
notre étude, la doctrine est timide et la jurisprudence totalement absente ; toutes choses qui auraient
pu permettre de lever un pan du voile qui couvre cette branche du droit en général et ce projet en
particulier.
Sur la seconde source de difficulté (problème de la clarté des objectifs et méthodes), il faut
reconnaître que cette critique est tout aussi récurrente en droit de l’environnement. En effet, on
reproche très souvent à cette branche du droit son manque de rigueur et de précision dans les
actions prescrites133, ce qui a pour conséquence de fragiliser son efficacité. Or, l’efficacité d’une
norme dépend en grande partie de sa précision, autrement dit, de la capacité de ses destinataires à
pouvoir l’invoquer et la mettre en œuvre sans grande difficulté, de sorte qu’elle puisse produire
l’effet escompté. Et, dans le cadre du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun,
on a l’impression que la protection de l’environnement est devenue une incantation, une simple
invocation sans une consistance véritablement précise. En effet, comment se fixer des objectifs de
protection de l’environnement sans la moindre référence à des indicateurs matériels ou chiffrés qui
permettraient d’en apprécier concrètement les avancées, sans une démarche qui permettrait de
répondre de façon spécifique aux problèmes – variés – que posent les cinq zones écologiques de
passage du pipeline sur le territoire camerounais134 ?

131
Jacqueline Morand-Deviller, Le droit de l’environnement, Paris, PUF, Que sais-je ?, p. 123.
132
Voir par exemple l’article 10 (1.7) du décret ATP aux termes duquel pour prévenir et réduire les dangers potentiels
et les pollutions majeures, « les stations de pompage et de réduction de pression [doivent disposer] d’un système de
drainage interconnecté des eaux huileuses provenant des rejets opérationnels tels que raclages, vidanges des pompes,
purges des conduites et/ou déversements accidentels, aboutissant à un décanteur ».
133
Hyppolite Mouaffo, « Les problèmes du droit de l’environnement » in Les Cahiers de Mutations, volume 029, op.
cit., p. 11.
134
Une tentative de solution est apportée à cette seconde difficulté par les politiques opérationnelles de la Banque
Mondiale, qui abordent les problèmes environnementaux de façon spécifique (évaluation environnementale, protection

76
Toutes ces difficultés se cristallisent lorsqu’il s’agit de se pencher sur la réparation des
dommages en cas d’atteinte à l’environnement.

B- Les incertitudes quant à la réparation des dommages en cas d’atteinte à


l’environnement

En dépit de ce que le mécanisme classique de la responsabilité civile demeure applicable


dans le droit de l’environnement camerounais (article 77 de la loi-cadre relative à la gestion de
l’environnement, repris spécifiquement dans le cadre du projet pipeline Tchad-Cameroun, par
l’article 17 de la convention d’établissement entre la République du Cameroun et COTCO), sa mise
en œuvre à elle seule demeure insuffisante pour assurer la protection de l’environnement. En effet,
au-delà du schéma rigide auquel elle donne lieu135, la responsabilité civile oblige à réparer le
dommage causé à autrui, personne physique ou morale clairement identifiable et unique titulaire (à
quelques exceptions près) du droit d’action en justice. Or, en présence du dommage écologique,
« c’est-à-dire du dommage causé à l’environnement lui-même, abstraction faite de tout préjudice
que subissent ceux qui en exploitent les ressources »136, l’obligation de réparation est paralysée car,
dans cette hypothèse là, aucune personne (physique ou morale) ne peut se prévaloir du dommage
subi137 et le système juridique camerounais ne prévoit pas le mécanisme de la responsabilité
environnementale. Problème initialement posé à l’échelle internationale, la responsabilité
environnementale demeure non résolue en droit camerounais. Et, tirant les leçons de ce vide
juridique, Jacqueline Morand-Deviller affirme que « la responsabilité environnementale reste un
défi lancé à l’imagination des juristes »138.
Toutefois, qu’il s’agisse de la responsabilité civile ou de la responsabilité environnementale
(qui éventuellement serait consacrée), un certain nombre d’obstacles doivent être surmontés pour
que la réparation soit possible. Parmi ces obstacles, on cite la difficulté à identifier l’auteur de la
pollution139 ou à établir le lien de causalité140, la difficulté à délimiter le dommage subi (sur le plan

des forêts, habitats naturels, populations autochtones), mais reste insuffisante car n’aborde pas tous les problèmes
environnementaux posés par la construction et l’exploitation du pipeline. Ce qui remet à l’ordre du jour l’appel à
l’adoption des décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
135
La responsabilité civile ne peut être retenue qu’après établissement du lien de causalité entre le fait générateur et le
dommage, conformément à l’article 1382 du code civil.
136
Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 434.
137
En fait, c’est la nature qui subit le dommage.
138
Jacqueline Morand-Deviller, Le droit de l’environnement, op. cit., p. 124.
139
Par exemple en cas de pollution à longue distance ou de pluralité des sources.
140
L’établissement du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage n’est pas toujours aisé. Dans certains cas,
il n’y aura de dommage que si la pollution se poursuit dans le temps ; dans d’autres cas, la même émission polluante ne
produit pas toujours les mêmes effets, les circonstances physiques pouvant jouer un rôle important à cet égard.

77
matériel et financier) ou même à se substituer aux pouvoirs publics lorsque ceux-ci ont failli à leur
mission de contrôle et de protection.
En somme, en cas d’atteinte à l’environnement dans le cadre du projet pipeline Tchad-
Cameroun, il n’est pas du tout évident d’établir la responsabilité de COTCO, quand bien même le
préjudice se serait produit dans la zone d’influence du projet, dans la mesure où le mécanisme de la
responsabilité civile exige la preuve d’un fait générateur, d’un préjudice subi et d’un lien de
causalité entre ceux-ci, qu’il n’est pas toujours évident d’établir en matière d’environnement ; toutes
choses qui amenuisent les chances de réparation si une atteinte était portée à l’environnement.
Malheureusement, ces insuffisances juridiques sont amplifiées par les défaillances des
institutions mises en place.

SECTION 2 : LES DEFAILLANCES INSTITUTIONNELLES : UN PROBLEME DE


MOYENS ET DE VOLONTE

Au-delà du dispositif normatif qui a été mis sur pied afin d’encadrer la gestion du pipeline
Tchad-Cameroun et dont quelques insuffisances ont pu être mises en évidence, il faut bien
reconnaître que les acteurs institutionnels ont également une part de responsabilité non négligeable
à propos des cas de non conformité environnementale relevés. En effet, c’est également de leur
capacité propre à se mobiliser et à agir avec diligence ou de leur apathie que dépend le succès ou
l’échec du projet pour lequel ils ont été créés ou sollicités. Ainsi, sur la base de ce postulat, il ressort
qu’une étude plus approfondie de la question de la protection de l’environnement dans le cadre de
ce projet invite à se démarquer légèrement des textes, afin d’apprécier le contexte dans lequel les
institutions mises en place sont appelées à se mouvoir. Or, de ce point de vue, on constate qu’un
manque de volonté des acteurs impliqués (II) vient se greffer à un réel déficit de moyens financiers
et techniques (I).

I- UN REEL DEFICIT DE MOYENS FINANCIERS ET TECHNIQUES

La majorité des auteurs qui se sont penchés sur la question sont unanimes sur ce point : une
protection efficiente de l’environnement ne saurait faire l’économie des capacités financières et/ou
scientifiques (ou techniques) des acteurs impliqués. C’est ce qu’exprime le Professeur Maurice
Kamto, pour qui « dans la société internationale, le village économique a précédé le village

78
écologique, en sorte qu’il est difficile d’envisager le second en ignorant le premier »141 tandis que
pour le Docteur Laurence Boisson de Chazournes, « l’action juridique […] doit nécessairement être
accompagnée d’autres actions relevant des domaines économique, social, politique ou
scientifique »142.
Malheureusement, dans le cadre du système de transport camerounais, on pourrait aisément
penser que ces préoccupations n’ont pas été prises en compte à leur juste mesure, au regard des
difficultés financières que traverse la FEDEC aujourd’hui (A) et de l’insuffisance des capacités
financières et techniques de l’Etat dans le suivi du projet (B).

A- Les difficultés financières de la FEDEC

Comme nous l’avons déjà précisé plus haut, la FEDEC est un mécanisme de compensation
environnementale mis en place dans le cadre de l’EIE du projet, avec pour mission de soutenir
financièrement, pendant 28 ans, le plan d’aide et d’appui aux populations affectées par le passage
du pipeline sur le territoire camerounais (il s’agit des pygmées Bakola/Bagyeli habitant la zone
Kribi-Lolodorf) et les programmes d’améliorations environnementales que sont la création de deux
aires protégées : les réserves de Campo Ma’an et de Mbam-Djerem. La FEDEC occupe donc une
place fondamentale dans la réussite du projet, précisément du point de vue de la protection de
l’environnement, et l’efficacité de la mission qui lui a été assignée supposait donc pour elle de
disposer de ressources financières conséquentes et viables pour toute la durée de vie dudit projet.
Or, très vite, des tensions de trésorerie ont été relevées au sein de la FEDEC et le GIC, dans ses
multiples rapports de mission, n’a pas cessé de tirer la sonnette d’alarme sur ce point. Dans son
rapport de mission 13 soulignant la « non viabilité [de la FEDEC] qui se confirme »143, cet
organisme précise qu’ « au rythme actuel, le capital initial de la Fondation sera épuisé dans les
prochaines années et ne lui permettra pas de poursuivre ses activités pendant 22 ans encore tel que
prévu dans les accords qui ont présidé à sa création. Les projections les plus radicales anticip[ant]
un épuisement total du capital dès 2009 »144.
A l’observation, l’érosion progressive du capital de la Fondation, entre 2002 et 2007, résulte
de plusieurs facteurs : un rythme de dépenses plus important que prévu pour financer les activités

141
Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., p. 52.
142
Laurence Boisson de Chazournes, « Les mécanismes conventionnels d’assistance économique et financière et le
fonds pour l’environnement mondial » in L’effectivité du droit international de l’environnement. Contrôle de la mise en
œuvre des conventions internationales, Paris, Economica, p. 187.
143
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 13 au Tchad et au Cameroun du 11 novembre au 1er
décembre 2007 » in www.gic-iag.org, p. 29.
144
Ibid., p. 29.

79
des organisations de mise en œuvre dans les parcs145, la non contribution du gouvernement au
paiement des salaires des écogardes qui oblige la Fondation à assumer des dépenses qui relèvent du
Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) depuis quelques années, une dépréciation du dollar
US par rapport au Franc CFA et l’échec jusqu’à présent des différentes démarches entreprises pour
rechercher des financements supplémentaires. Pourtant, si des mesures urgentes ne sont pas prises
afin de remédier à cette situation, la FEDEC risque tout simplement de se retrouver dans
l’impossibilité de remplir ses missions fondatrices, ce qui constituerait un échec majeur pour les
promoteurs du projet, pour lesquels la Fondation intervenait au titre des mesures d’atténuation des
impacts environnementaux définis par le PGE de l’étude d’impact. Elle ne pourra plus apporter son
indispensable appui financier au PPAV qui a été défini au profit des pygmées affectés par le
passage du pipeline ; de même sera-t-elle obligée de renoncer au suivi des programmes
d’améliorations environnementales dont l’objectif était d’assurer la protection de la diversité
biologique et la qualité des habitats naturels dans les écosystèmes sensibles et vulnérables de la
zone d’influence du projet.
Toutefois, le problème de la disponibilité des ressources financières ne se pose pas qu’au
sein de la FEDEC dans la mesure où les institutions gouvernementales, parties prenantes au projet,
s’en trouvent aussi affectées.

B- L’insuffisance des capacités financières et techniques des institutions étatiques

Bien que la fonction de l’Etat du Cameroun, en matière d’environnement, dans le cadre du


projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun se limite essentiellement à une
fonction de contrôle, celle-ci exige de lui de disposer des moyens financiers et techniques
conséquents afin de la mettre en œuvre de façon efficiente. Malheureusement, l’inaptitude de l’Etat
à assumer ce rôle a été relevée, ceci à deux niveaux.
Tout d’abord sur le plan financier. Dans un projet aussi complexe que le présent objet
d’étude, alliant les questions d’environnement, d’hydrocarbures et de technologie des pipelines,
l’Etat ne peut s’acquitter complètement de ses obligations que s’il a la capacité aussi bien d’édicter
une législation pertinente que d’en garantir la mise en œuvre. Or, si la première obligation pose
beaucoup moins de difficultés, la seconde implique un important potentiel financier justifié par le
recours fréquent à des expertises techniques, à des opérations de contrôle sur le terrain, à des
programmes de formation et de renforcement des capacités des personnels étatiques, voire même

145
Les organisations de mise en œuvre sont WWF pour le parc de Campo Ma’an et WCS pour celui de Mbam-Djerem.

80
des subventions pour le soutien des acteurs défaillants. Pourtant, à l’épreuve des faits, Korinna
Horta, Samuel Nguiffo et Delphine Djiraibé relèvent que « les Etats [Cameroun et Tchad] n’ont pas
été en mesure de contrôler la conformité de toutes les opérations du consortium pétrolier avec le
PGE pour la simple raison qu’ils dépendent de cette entreprise pour le transport lors des missions de
suivi. Le RAP [Rapport d’Achèvement du Projet] reconnaît que les fonctionnaires chargés du
contrôle du projet rédigent leurs rapports uniquement sur la base des informations qui leur sont
fournies par les entreprises»146. Cette inaptitude des autorités nationales avait déjà été relevée par
les ONG Agir ici et Survie, selon lesquelles « le Cameroun n’a pas les moyens techniques et
financiers d’effectuer de tels contrôles »147. Dans un tel contexte, quel crédit peut-on accorder au
contrôle gouvernemental (CPSP et SIP) dans la mise en œuvre de ce projet148 ?
En outre, d’un point de vue purement technique, le programme de renforcement des
capacités de gestion environnementale dans le secteur pétrolier (CAPECE) dont a bénéficié l’Etat
du Cameroun n’a pas permis de combler les déficits techniques qu’accusait ce pays en cette matière.
En effet, contrairement à Adolphe Moudiki qui affirme que « le projet de renforcement des
capacités de gestion environnementale dans le secteur pétrolier au Cameroun a permis de prendre
des dispositions utiles à la prévention efficace des risques environnementaux dans l’exploitation du
pipeline »149, le CAPECE a été un échec que n’a cessé de rappeler le GIC. Dans son rapport de
mission 12 au Tchad et au Cameroun, la mission d’inspection de la Banque Mondiale prévient
clairement qu’ « au moment où les discussions autour d’un éventuel CAPECE II sont déjà
entamées, le Cameroun et la Banque doivent veiller au préalable à tirer toutes les leçons du
CAPECE qui n’a pas atteint ses objectifs »150. Cette critique est relayée par les ONG
d’environnement, d’après lesquelles « il est également regrettable de constater que les projets de
renforcement des capacités ont été essentiellement entrepris pour répondre à la pression extérieure,

146
Korinna Horta, Samuel Nguiffo et Delphine Djiraibé, Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-
Cameroun. Un constat de non achèvement du projet, op. cit., pp. 11-12.
147
Agir ici et Survie, Projet pétrolier Tchad-Cameroun. Dés pipés sur le pipeline, op. cit., p. 49.
148
Pour Patrice Bigombe Logo, « l’insuffisance des capacités institutionnelles publiques en matière de gestion de
l’environnement est due aux conditions économiques défavorables, notamment, l’insuffisance et la limitation des
ressources budgétaires allouées par l’Etat à la protection de l’environnement ». Lire Patrice Bigombe Logo, « Impasses
des politiques environnementales » in Les Cahiers de Mutations, vol. 029, mai 2005, p. 12. A ce titre, on peut se rendre
compte, au regard de la loi n°2007/005 du 26 décembre 2007 portant loi de finances de la République du Cameroun
pour l’exercice 2008 (article 16), que le MINIMIDT (qui abrite le SIP) et le MINEP, avec des enveloppes budgétaires
respectives de 4.086.000.000 FCFA et 3.583.000.000 FCFA, font partie des cinq départements ministériels les moins
dotés du pays.
149
François Bambou, « Les gains du pipeline Tchad-Cameroun » in La Nouvelle Expression, N°2126, 11 décembre
2007, p. 6.
150
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 12 au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 » in
www.gic-iag.org, p. vi.

81
et non pas pour pallier les limites bien connues des gouvernements tchadien et camerounais »151.
Elles posaient déjà ainsi le problème même de la bonne volonté des parties impliquées dans ce
projet, dont l’attitude, très souvent, a suscité des doutes.

II- UN MANQUE DE VOLONTE

Le droit de l’environnement existe au Cameroun, cela ne fait l’objet d’aucun doute ; mais il
n’est pas certain que l’environnement s’en porte mieux. C’est que, très souvent, une bonne partie de
la législation environnementale reste lettre morte, par manque de moyens, comme nous venons de le
voir, mais aussi parfois par manque de volonté de ses destinataires. Et cela se vérifie dans le cadre
du projet pipeline Tchad-Cameroun, à la lumière du non respect de ses engagements par COTCO
(A) et l’attentisme du CPSP (B).

A- Le non respect de ses engagements par COTCO

En s’engageant à construire et à exploiter la portion camerounaise du pipeline Tchad-


Cameroun, la société COTCO a souscrit à de multiples obligations dont les plus importantes ont été
consignées dans la convention d’établissement du 20 mars 1998 qu’elle a signée avec la République
du Cameroun. En matière d’environnement, on se réfère à l’article 13 (1) de ce texte, aux termes
duquel « COTCO s’engage à mener les travaux de construction, d’exploitation et d’entretien du
système de transport camerounais conformément à la législation camerounaise visée à l’article 30 et
aux normes techniques et de sécurité internationales de l’industrie du pétrole relatives d’une part à
la gestion et la protection de l’environnement et d’autre part à la protection des populations »152. Or,
aujourd’hui, les griefs à formuler à l’égard de COTCO ne manquent pas. C’est que, en fait, de
nombreuses obligations légales auxquelles cette société est soumise, en matière de protection de
l’environnement, restent insatisfaites. Et ce n’est pas faute de moyens financiers car, comme nous
avons pu le constater, on a l’impression d’assister à un projet à double vitesse où les délais de
construction des infrastructures de transport des hydrocarbures ont toujours été respectés, avec
toutes les implications financières qui s’en suivaient, tandis que les mesures et instruments de suivi
environnemental ont souvent été relégués au second plan.

151
Korinna Horta, Samuel Nguiffo et Delphine Djiraibé, Le projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-
Cameroun. Un constat de non achèvement du projet, op. cit., p. 8.
152
Voir également l’article 10 du décret ATP.

82
A titre d’exemple, alors que le promoteur s’engageait à ce que « pendant la phase
d’exploitation du projet, le système de transport [soit] surveillé 24 heures sur 24 par des instruments
électroniques et des systèmes de détection des fuites »153, l’opinion a été surprise d’apprendre qu’il
a fallu attendre la lumière diurne pour se rendre compte que du pétrole s’échappait du terminal
maritime, lors du déversement du 15 janvier 2007. Le système de détection automatique des fuites
de COTCO n’existerait-il pas ? Tous comptes faits, cela démontre le décalage qu’il y a entre les
promesses et engagements de COTCO au titre de l’EIE, de la convention d’établissement (article
13) et du décret ATP (article 10), d’une part, et la réalité du terrain, d’autre part.
En outre, et à la suite de l’incident sus-évoqué, on a pu se rendre compte des insuffisances
du plan d’urgence spécifique de COTCO en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures, dans la
mesure où il n’a pas permis une gestion efficace de celui-ci, principalement du point de vue de la
communication. En effet, « la communication du consortium a été particulièrement défaillante »154,
lors même que l’on sait que l’article 16 du décret ATP prescrit à COTCO d’informer les autorités et
les populations avoisinantes, en cas de sinistre survenu sur ses installations. Par conséquent, « s’il
s’était agi d’un accident affectant la côte, les impacts auraient été catastrophiques, en raison du
désarroi des autorités et des communautés qui semblaient ne pas connaître la conduite à tenir en cas
d’accident pétrolier »155. C’est que « le plan d’urgence de COTCO est vague »156 et n’explicite pas
comment les populations riveraines du site seront impliquées en cas de déversement
d’hydrocarbures. On aurait alors pu penser que ces failles seraient corrigées par un contrôle
rigoureux des autorités gouvernementales à qui cette tâche a été confiée ; ce qui n’est pas le cas, au
regard de l’attentisme du CPSP.

B-L’attentisme du CPSP

La création, au sein du secrétariat permanent du CPSP, d’une section spéciale en charge des
questions d’environnement, de tracé et de sécurité était le signe de la bonne volonté du
gouvernement camerounais de prendre suffisamment en compte les préoccupations

153
Projet d’Exportation Tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnent-Version actualisée, op. cit., p. 3-6.
154
Communiqué conjoint CED/RELUFA, à la suite du déversement pétrolier du 15 janvier 2007 in www.relufa.org.
Pour un incident qui s’est produit le 15 janvier 2007, il faudra attendre le 18 janvier, soit 3 jours plus tard, pour suivre la
première communication officielle de COTCO qui, au demeurant, ne s’étendra pas sur l’ampleur de la catastrophe, se
contentant de dire, dans un communiqué laconique de son Directeur Général, que les quantités déversées dans la mer
seraient négligeables. Les autorités traditionnelles des villages proches du terminal à Kribi n’ont été formellement
contactées par COTCO que le 20 janvier.
155
Propos du Docteur Samuel Nguiffo, Directeur du CED, extraits du communiqué conjoint CED/RELUFA, à la suite
du déversement pétrolier du 15 janvier 2007, ibid.
156
Bertrand B. Ndongo, « Le plan d’urgence de COTCO est vague » in Bubinga, N°112, février 2007, p. 8.

83
d’environnement dans la mise en œuvre du projet. En effet, entre autres missions, cette section
devait « veiller au respect des engagements du gouvernement et du promoteur, contenus dans la
convention d’établissement, les documents relatifs à la sécurité, ceux publiés sur l’environnement et
tout autre accord » et « élaborer des rapports périodiques sur le volet environnement des projets de
pipeline » (article 5 de l’arrêté portant organisation et fonctionnement du CPSP).
Cependant, on se rend malheureusement compte aujourd’hui que le secrétariat du CPSP
fonctionne dans une telle atmosphère d’opacité (y compris donc la section en charge des questions
d’environnement) qu’il n’est pas du tout évident d’avoir accès aux informations qui, pourtant,
devraient être disponibles pour le public et permettre de porter un jugement critique sur ses
activités. En effet, le CPSP ne publie pas les rapports périodiques sur l’environnement comme le lui
exige la loi, centralise et retient les informations que lui transmet COTCO sur le projet (au
détriment du SIP qui, très souvent, n’y a pas accès), ignore les recommandations récurrentes du
GIC, diffère sans arrêt les demandes d’entretien qui lui sont adressées et torpille la plateforme de
concertation CPSP/COTCO/ONG qui, pourtant, « est un acquis considérable du projet »157, comme
le reconnaît le GIC. C’est d’ailleurs pour ces raisons que deux ONG, le CED et le RELUFA, par
une lettre adressée au Secrétaire Permanent du CPSP le 26 novembre 2007, ont décidé de se retirer
de ladite plateforme, en signe de protestation, et de ne pas participer au forum d’information sur le
pipeline Tchad-Cameroun prévu les 29 et 30 novembre 2007 auquel elles étaient invitées. Pour
celles-ci, leur « décision s’explique par les difficultés de communication avec le CPSP, qui
constituent des entraves à la collaboration et à l’efficacité souhaitées dans la prévention et la
résolution des problèmes liés à la construction et à la gestion de l’oléoduc au Cameroun […] De
plus, l’accès à des documents essentiels pour la participation effective de la société civile à la
discussion sur le suivi des impacts du projet reste limité. Il s’agit par exemple des rapports
périodiques de suivi du CPSP, et des études réalisées dans le cadre du CAPECE »158.
On est alors tenté de se demander ce qui justifie une telle attitude de la part du CPSP qui, à
l’épreuve des faits, apparaît comme l’institution centrale en charge du contrôle gouvernemental
dans la mise en œuvre de ce projet159. Est-ce parce ce que la non application du droit de
l’environnement évite les heurts avec d’autres intérêts, principalement économiques, serions-nous
tentés de nous demander ? En effet, à l’observation, l’Etat du Cameroun semble se trouver dans un
véritable conflit d’intérêts, car il est en même temps opérateur (en tant que actionnaire de la société

157
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 12 au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 » in
www.gic-iag.org, p. 44.
158
Pour une lecture intégrale de la correspondance adressée par le CED et le RELUFA au Secrétaire Permanent du
CPSP le 26 novembre 2007, consulter le site Internet du RELUFA : www.relufa.org.
159
Même le SIP, originellement investi de la mission de surveillance administrative et du contrôle technique de
l’ouvrage par son texte créateur, est aujourd’hui relégué au second plan.

84
COTCO dont il perçoit des dividendes)160 et inspecteur (ce qui relève de sa fonction régalienne), de
sorte qu’une condamnation des agissements de COTCO serait aussi, implicitement, une auto-
condamnation. Or, dans ce contexte, c’est la protection de l’environnement qui en sort affaiblie, au
profit des intérêts financiers ; d’où la nécessité de revoir la mécanique juridique et institutionnelle
qui anime le système de transport camerounais.

160
L’Etat du Cameroun possède 12,5% du capital de COTCO.

85
CHAPITRE 2: LA NECESSITE D’OPTIMISER LE CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET

La protection de l’environnement, comme l’a relevé le Professeur Maurice Kamto, est


devenue une nécessité incontournable aujourd’hui161. Cependant, il faut éviter d’en faire une
vulgaire rengaine, et passer du stade de l’incantation à celui de la protection effective et efficace.
Certes, on le rappellera toujours, le cadre juridique du projet pipeline Tchad-Cameroun a connu une
avancée appréciable avec l’adoption de nombreux textes juridiques et la mise en place d’institutions
destinées à rendre effectif le souci de la protection de l’environnement. Cependant, et au regard des
problèmes environnementaux persistants constatés sur le terrain et des risques potentiels qui
continuent de peser sur le territoire camerounais en raison de ce projet, des mesures
supplémentaires doivent être prises. C’est dans ce sens que nous pensons qu’il est souhaitable de
relancer le chantier normatif du projet (Section 1) et de soutenir le dispositif institutionnel (Section
2).

SECTION 1 : RELANCER LE CHANTIER NORMATIF

Au regard de l’évolution qu’a connu le pipeline Tchad-Cameroun depuis sa construction


jusqu’à sa mise en exploitation, de nombreux problèmes environnementaux restent non résolus, de
même que de nouveaux risques sont apparus, pour lesquels des réponses adéquates tardent à voir le
jour. C’est que le cadre juridique y afférent, en fait, doit s’adapter à la nouvelle donne « car, si le
droit est un instrument de gestion du présent, il est également une image créatrice de l’avenir et est,
de ce fait, perfectible. Il sera donc constamment évalué et modelé afin de rester un outil pratique et
conforme aux aspirations du peuple et aux exigences du moment »162. A ce titre, relancer le chantier
normatif applicable au projet afin de l’adapter aux exigences actuelles s’avère être l’un des défi les
plus urgents qui interpellent les autorités camerounaises. Plus concrètement, il s’agit pour elles
d’affermir le cadre juridique de protection de l’environnement annoncé, d’une part, (I) et de
procéder au toilettage du dispositif juridique existant, d’autre part (II).

161
Voir supra, p. 10.
162
Paul Biya, Pour le libéralisme communautaire, Paris, Pierre-Marcel Favre, p. 41.

86
I- AFFERMIR LE CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
ANNONCE

Les problèmes environnementaux que continue de poser le pipeline Tchad-Cameroun sur le


territoire camerounais sont dus, en partie, à une regrettable absence des textes qui auraient dû
contribuer à la réglementation du projet. Comme nous l’avons vu plus haut, il s’agit principalement
des décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, qu’il faudrait déjà
adopter (A) et du plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures, dont la
promulgation s’impose aujourd’hui (B).

A- Adopter les décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de


l’environnement

La faculté d’adopter des décrets est un attribut du pouvoir exécutif (Président de la


République ou Premier Ministre), soit de façon autonome, soit en application d’une loi. Or, en
raison du pouvoir discrétionnaire qui est reconnu à ces autorités pour la mise en œuvre de cette
prérogative, la possibilité reste ouverte qu’elles s’abstiennent de le faire, dans la mesure où elles
sont seules juges de l’opportunité. On le constate d’ailleurs, dans le cas d’espèce. Alors que la loi-
cadre relative à la gestion de l’environnement a été promulguée le 05 août 1996, un seul décret
d’application a été adopté aujourd’hui, sur une vingtaine annoncée.
Nous pensons donc qu’il aurait été souhaitable que le législateur camerounais, à l’issue du
texte qu’il a adopté (par exemple dans les dispositions diverses et finales), prescrive un calendrier
précis d’élaboration desdits décrets. Ceci aurait certainement contraint (moralement, en raison de la
séparation des pouvoirs) la branche exécutive à les rendre effectifs dans un échéancier plus ou
moins acceptable163.
Cependant, en l’absence d’une telle précaution, il reste possible pour le législateur de
corriger cette carence par l’adoption d’une nouvelle loi dont l’objet précis serait ainsi de fixer un
échéancier pour l’adoption des décrets qui semblent être prioritaires par rapport aux risques que
présente le projet pour l’environnement et les populations (il s’agit par exemple du décret portant
sur le droit à l’information des personnes en matière d’environnement, du décret relatif à la gestion
des déchets et du décret relatif à la gestion des substances chimiques, nocives et/ou dangereuses),
échéancier auquel l’administration serait invitée à se conformer. A défaut d’une telle initiative

163
Dans tous les cas, nous pensons que l’expérience tirée de cette espèce incite, à l’avenir, à la prudence avant de
recourir à la technique des lois-cadres lorsque l’on voudrait réglementer rapidement la protection de l’environnement.

87
législative, celle-ci pourrait émaner du gouvernement lui-même qui, pour attester de sa bonne foi
dans la mise en œuvre du projet, s’engagerait ainsi à adopter lesdits décrets selon un calendrier qu’il
se fixerait à lui-même164.
Toutefois, et quelle qu’en soit l’approche, la nécessité de ces décrets se fait ressentir
aujourd’hui, afin de garantir l’effectivité de la loi-cadre et, par ce fait, d’assurer une meilleure
protection de l’environnement dans le cadre du projet. C’est d’ailleurs l’une des recommandations
du GIC au gouvernement camerounais, dans son rapport de mission 13 au Tchad et au Cameroun,
reconnaissant de ce fait que « certains de ces décrets donneraient force à la loi-cadre sur
l’environnement de 1996 »165. C’est dans le même sillage que se situe la nécessité de promulguer le
plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures.

B- Promulguer le plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures

En ce qui concerne le plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures, il


semblerait bien que le texte (proposé sous la forme d’un décret) se trouve actuellement dans les
services de la Primature, d’après l’Administrateur-Directeur Général de la SNH, à qui la confection
du document avait été confiée. Et, au regard de la situation d’incertitude juridique qui continue de
planer sur le projet en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures, il est temps pour les services
de la Primature de procéder, sans délai supplémentaire, à l’adoption et à la publication de ce plan et
d’organiser sa vulgarisation et sa mise en oeuvre166. Ce document devra détailler les mesures
d’urgence à prendre en cas de déversement d’hydrocarbures, procéder à la répartition des
responsabilités de l’Etat et du transporteur en matière de réparation des dommages découlant d’un
tel déversement et préciser les obligations des uns et des autres en matière de communication.
Toutefois, en attendant l’adoption du plan national d’urgence, « le gouvernement doit
émettre les directives formelles nécessaires pour encadrer les plans spécifiques préparés par
COTCO pour la protection et l’éventuelle réhabilitation de l’environnement naturel et social »167, ce
que le Cameroun n’a toujours pas fait et qui justifie, sans aucun doute, la gestion approximative du
déversement du 15 janvier 2007. A partir de ce moment, l’on est en droit de s’interroger sur le fait
de savoir comment le Cameroun se prémunit-il du risque environnemental majeur que suscite le
164
Par exemple une instruction du Président de la République lors d’un conseil des ministres ou du Premier Ministre à
l’occasion d’un conseil de cabinet.
165
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 13 au Tchad et au Cameroun du 11 novembre au 1er
décembre 2007 » in www.gic-iag.org, p. 34.
166
En fait, il faut reconnaître que cette recommandation ressort pratiquement dans tous les rapports du GIC, depuis la
mise en exploitation du pipeline Tchad-Cameroun. Malheureusement, elle demeure insatisfaite jusqu’à ce jour.
167
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 5 au Tchad et au Cameroun du 21 avril au 10 mai 2003 » in
www.gic-iag.org, p. 29.

88
pipeline Tchad-Cameroun sur son territoire, lors même qu’il n’existe à l’échelle nationale aucune
stratégie plus ou moins concertée de réaction en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures ?
Voilà donc une autre préoccupation qui interpelle instamment les autorités camerounaises, à
côté de la nécessité qu’il y a de revisiter les textes juridiques existants.

II- REVISITER LE DISPOSITIF JURIDIQUE EXISTANT

Le toilettage des textes juridiques applicables aux aspects environnementaux du pipeline


Tchad-Cameroun est une entreprise nécessaire si l’on veut en faciliter l’accès aux destinataires,
l’enjeu à terme étant l’amélioration de la protection de l’environnement. A ce titre, deux axes
peuvent guider ce projet : la clarification des concepts et des objectifs (A) et la simplification de la
réparation pour atteinte à l’environnement (B).

A- Clarifier les concepts et les objectifs

La complexité du droit de l’environnement, de même que son absence de rigueur


caractéristique, aujourd’hui reconnues168, ne doivent pas être perçues comme une fatalité. Certes, il
est vrai, les problématiques abordées imposent une terminologie particulière169 et un comportement
spécifique, dont la compréhension n’est pas toujours aisée. Cependant, des techniques restent
ouvertes, qui permettent de faciliter l’accès des textes à leurs destinataires et d’atteindre les
objectifs fixés.
Tout d’abord, l’approche qui consiste à introduire un article portant sur « les définitions »
doit être constamment reprise170. Elle permet, d’entrée de jeu, de maîtriser le sens des notions
complexes qui seront abordées dans les développements ultérieurs du texte et de permettre une
appréhension juridique, et par la majorité, de concepts dont la compréhension et l’explication
n’étaient autrefois réservées qu’aux experts desdites disciplines, autrement dit les initiés.

168
Voir supra, pp. 75-77.
169
Le Professeur Maurice Kamto en conclut que « le droit de l’environnement est donc largement tributaire des sciences
et de la technologie ». Lire : Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit. p. 20. Sa compréhension
exige de solides connaissances dans les sciences physiques, la chimie, la biologie, la géologie, l’écologie, les
technologies, etc.
170
Prévues dans l’accord bilatéral entre la République du Cameroun et la République du Tchad relatif à la construction
du pipeline (article 1er), dans la convention d’établissement entre la République du Cameroun et COTCO (article 2), les
politiques opérationnelles de la Banque Mondiale et dans la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement (article
4), les définitions font défaut dans la loi portant régime de transport par pipeline, son décret d’application, de même que
dans le décret ATP.

89
En outre, le droit de l’environnement reste une discipline peu explorée au Cameroun et, de
ce fait, offre de larges opportunités de déploiement à la doctrine. A ce titre, le cadre juridique de
protection de l’environnement du pipeline Tchad-Cameroun ferait un excellent cas pratique pour les
chercheurs, dont les résultats éclaireraient sans aucun doute les praticiens qui s’investissent sur le
terrain au quotidien. En effet, eu égard à l’absence d’une coutume reconnue et de la jurisprudence,
la doctrine a une occasion historique de fixer les contours et les perspectives d’un droit qui demeure
encore lacunaire et d’un projet dont les zones d’ombre sont multiples.
Enfin, s’agissant des objectifs à atteindre, les organismes en charge du contrôle du respect
des normes environnementales dans le projet sont particulièrement interpellés ici. Il s’agit
précisément des pouvoirs publics (représentés sur le terrain par le CPSP et le SIP) et de la Banque
Mondiale (dont les missions d’inspections sillonnent régulièrement les territoires camerounais et
tchadien), dont les pouvoirs sont plus importants que ceux des acteurs non gouvernementaux. Ils
peuvent ainsi en user afin de faire pression sur le transporteur, notamment en lui fixant des
obligations de résultat quantifiées à atteindre (par exemple en termes d’émissions de gaz à effet de
serre, de rejet de déchets ou de construction d’un nombre de puits d’eau précis au titre de mesure de
compensation environnementale), cela dans des délais bien définis171. Ils peuvent également, soit
encourager, soit adopter des mesures visant à simplifier la réparation pour atteinte à
l’environnement.

B- Simplifier la réparation pour atteinte à l’environnement

Le schéma classique de la réparation pour atteinte à l’environnement, fondé sur mécanisme


de la responsabilité civile, n’est pas du tout approprié et doit être revu. En effet, en raison de la
difficulté qu’il y a très souvent à établir le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage
subi en matière d’environnement, il serait opportun d’élaborer un régime particulier qui facilite la
réparation lorsqu’une atteinte est portée, soit à l’écosystème lui-même, soit aux établissements
humains. Il serait par exemple intéressant de définir un régime novateur prévoyant l’emploi de
méthodes facilitant l’administration de la preuve requise pour fonder une demande en réparation. A
ce titre, en cas de préjudice grave dû à une cause manifestement rattachable au pipeline Tchad-
Cameroun et en vue de l’action en justice, la législation pourrait opérer un renversement de la
charge de la preuve de la victime au transporteur, à qui il reviendrait alors de démontrer que les faits

171
Car, comme nous l’avons relevé plus haut, il était surprenant de constater qu’alors que les travaux de construction du
pipeline avançaient à leur rythme normal, la masse des problèmes environnementaux non résolus n’a pas cessé de
s’accroître.

90
allégués ne lui sont pas rattachables. Il s’agirait en fait d’établir un régime de présomption de
causalité relative à des activités dangereuses (le pipeline Tchad-Cameroun en est une), dont la
charge de la preuve incomberait au défendeur172.
Dans le même sens, l’Etat doit contraindre le transporteur à contracter un régime
d’assurance qui lui permette, soit d’indemniser systématiquement les populations victimes en cas
d’atteinte grave à l’environnement, soit de remettre en l’état le site affecté ou, à défaut (voire même
concomitamment), créer un fonds d’indemnisation qui lui permettrait de réparer rapidement le
préjudice subi par les populations ou l’environnement (mécanisme de responsabilité subsidiaire de
l’Etat), quitte à se retourner ultérieurement contre le transporteur, à l’image d’une action récursoire.
La responsabilité subsidiaire de l’Etat trouverait alors sa source dans le reproche que l’on pourrait
lui formuler pour négligence dans le contrôle de la mise en œuvre de ses obligations par le
transporteur173. Toutes ces mesures se feraient ainsi sans préjudice de la nécessité qu’il y a à
soutenir le dispositif institutionnel mis en place pour assurer la gestion du projet.

SECTION 2 : SOUTENIR LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL

Les acteurs institutionnels impliqués dans le cadre du projet d’exploitation pétrolière et


d’oléoduc Tchad-Cameroun ne seront susceptibles de remplir effectivement et efficacement leurs
missions de protection environnementale que pour autant qu’ils seront dotés de moyens adéquats à
cet effet. Or, en l’état actuel des choses, tel n’est pas le cas. Aussi, afin d’atteindre les objectifs que
se sont assignés les différents partenaires au projet et au regard des disparités de tous ordres que
nous offre l’observation du projet, nous pensons qu’il est nécessaire de renforcer les pouvoirs des
institutions de contrôle (I), de même qu’il est important d’améliorer la coopération qui existe entre
elles (II).

I- RENFORCER LES POUVOIRS DES INSTITUTIONS DE CONTROLE

Les institutions de contrôle impliquées dans le projet pipeline Tchad-Cameroun sont


d’origines variées et, de ce point de vue, dotées de pouvoirs d’étendue et de nature différentes. Il
ressort ainsi de ce postulat que les difficultés rencontrées par les unes ne sont pas forcément
partagées par les autres. C’est pour cette raison que nous étudierons les besoins spécifiques des

172
La maxime bien connue des cénacles juridiques selon laquelle actori incumbit probatio serait alors tout simplement
inopérante.
173
En effet, conformément au préambule de la constitution camerounaise, « l’Etat veille à la défense et à la promotion
de l’environnement ».

91
acteurs, qu’il s’agisse de la société civile, dont il faudrait accroître la marge de manœuvre dans le
projet (A), ou des institutions gouvernementales, qu’on pourrait doter de moyens financiers plus
conséquents (B).

A- Accroître la marge de manœuvre de la société civile

La fonction de contrôle de la mise en œuvre des obligations environnementales assignées


aux institutions internationales et non gouvernementales, dans le cadre du projet pipeline Tchad-
Cameroun, est une mission essentielle dans la mesure où ces organismes sont les seuls à pouvoir
porter un regard apparemment neutre sur le projet, l’Etat et le promoteur du projet ayant des intérêts
plus ou moins incompatibles à préserver dans ce projet.
Cependant, à l’observation, le rôle de la Banque Mondiale dans le projet semble de plus en
plus controversé, reproche lui étant fait de délaisser les préoccupations environnementales du projet
au profit des grands enjeux politiques et financiers qu’il implique174. La société civile (entendons ici
les communautés de base affectées par le passage du pipeline et les associations de défense de
l’environnement) apparaît ainsi comme l’acteur le mieux à même de s’investir dans le projet, avec
pour motivation majeure la protection de l’environnement local. Toutefois, pour que son action soit
efficace, elle doit jouir de moyens appropriés, tant financiers qu’autres.
En effet, aussi bien les communautés de base que les ONG doivent pouvoir avoir un accès
sans restriction aux informations concernant les activités du transporteur qui peuvent avoir un
impact sur l’environnement, ceci afin de faire valoir leurs points de vue sur la question. Car, comme
le reconnaît Patrick Lagadec, « dès lors que l’activité des usines peut menacer l’extérieur – et que
cela est reconnu – les populations exigeront d’avoir leur mot à dire sur ce qui se passe à l’intérieur.
On réclamera des informations, un pouvoir, y compris de veto, sur les choix de filières, de produits,
de localisation, de transport, ainsi que sur la qualité des organisations, des outils, des hommes,
etc. »175. Cet accès à l’information peut être garanti essentiellement par deux moyens :
premièrement, par l’admission d’un représentant des communautés de base au sein du comité de

174
Lire à ce titre les articles de Vivien Jabœuf, « L’oléoduc Tchad-Cameroun ou le cynisme de la Banque Mondiale » in
www.congopage.com et Susanne Breitkopf, « Banque Mondiale : les exercices de relations publiques remplacent
l’analyse » in Exploitation pétrolière et oléoduc Tchad-Cameroun : Appel à la responsabilité, pp. 21-23. On peut
d’ailleurs constater que très peu de recommandations formulées par le GIC à l’égard de la Banque Mondiale ont été
suivies d’effets.
175
Patrick Lagadec, « La prise en compte tardive du risque technologique majeur » in L’état de l’environnement dans le
monde, Paris, Editions La Découverte, p. 113. Le Professeur Maurice Kamto évoque d’ailleurs dans ce domaine la
notion de « démocratie participative…forme de participation qui s’apparente à la démocratie directe où les
communautés de base sont appelées à se prononcer sur les choix de politique environnementale portant sur leurs aires
de résidence ». Voir, Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., p. 27.

92
suivi du CPSP (avec ou sans voix délibérative), dont le rôle serait ainsi d’exprimer la position des
communautés de base au sein de cette instance de coordination; deuxièmement, par l’organisation
de consultations périodiques entre COTCO et les communautés de base, consultations qui ne seront
plus uniquement consécutives à la survenance de sinistres et qui permettront à ces dernières d’avoir
accès à toutes les informations portant sur les activités du projet ayant une incidence sur
l’environnement.
En outre, et à titre correctif, l’accès à la justice des communautés de base et des ONG doit
être simplifié, du moment où l’enjeu de la contestation a trait à la protection de l’environnement de
la zone d’influence du projet. Et, si le problème de l’intérêt et de la qualité ne se pose plus176, il
reste bien celui de la capacité financière, précisément dans un pays en développement comme le
Cameroun. En effet, il ne fait l’objet d’aucun doute que « la possibilité de recours des citoyens et
des associations face à un préjudice environnemental demeure complexe et coûteuse, car il leur
appartient d’établir à leurs frais la réalité d’un dommage »177. Il est donc important pour elles de
pouvoir mobiliser le maximum de financements possibles afin d’établir les faits qu’elles allèguent
et de poursuivre une procédure judiciaire. A ce titre, le Fonds National de l’Environnement et du
Développement Durable, créé par l’article 11 de la loi-cadre relative à la gestion de
l’environnement, compte spécial d’affectation du Trésor, pourrait être une opportunité à la
disposition des communautés de base et des ONG, en raison notamment de l’appui financier qu’elle
a pour objet d’apporter. Malheureusement, son ineffectivité actuelle prive ses potentiels
bénéficiaires des ressources qu’elle est appelée à percevoir. Aussi, afin de pallier ce déficit,
pourquoi ne pas consacrer certaines ressources budgétaires du MINEP au profit des ONG et des
communautés de base qui s’investissent dans le domaine de la protection de l’environnement ?
En fait, il s’agit là du problème plus global de la capacité financière des organismes en
charge du contrôle gouvernemental qu’il faudrait appuyer.

B- Doter les organismes en charge du contrôle gouvernemental de moyens financiers


conséquents

La capacité financière des institutions de contrôle, fussent-elles gouvernementales, est un


facteur d’appréciation primordial, si l’on veut espérer des résultats probants. Or, il est dommage de

176
Lire article 8 (2) de la loi-cadre relative à la protection de l’environnement.
177
Agnès Sinaï, « Imposer mondialement le principe pollueur payeur » in L’Atlas Environnement du Monde
Diplomatique, op. cit., p. 14.

93
constater, on l’a déjà vu, que les ressources financières de l’Etat consacrées au contrôle du projet
sont insuffisantes.
La première mesure qui s’impose, à notre sens, est donc l’augmentation de l’allocation
budgétaire, pour les années à venir, à la protection de l’environnement. Il s’agit précisément du
budget du MINFOF (qui pourrait ainsi verser aisément ses contributions financières au budget de la
FEDEC tel que convenu lors de la création de cet organisme), du MINIMIDT (qui abrite le SIP, et
dont les missions de surveillance administrative et de contrôle technique sont actuellement liées au
décaissement des fonds par COTCO) et du MINEP (dont les ressources additionnelles pourraient
être investies dans la recherche, afin de doter l’Etat des technologies adéquates pour l’évaluation de
l’impact des activités industrielles sur l’environnement, notamment l’activité des pipelines).
En outre, il serait utile pour l’Etat camerounais de capitaliser le Fonds National de
l’Environnement et du Développement Durable, autre source de financement potentielle des
activités d’environnement au Cameroun, et dont l’une des missions fondatrices est « d’appuyer les
actions des départements ministériels dans le domaine de la gestion de l’environnement »178 ; ce qui
permettrait ainsi auxdits départements ministériels de bénéficier de ressources supplémentaires
destinées à la protection de l’environnement, en sus de celles qui leur sont directement consacrées
au titre du budget de l’Etat179.
Enfin, un autre aspect sur lequel une insistance toute particulière doit être accordée est
l’amélioration de la coopération entre les institutions impliquées dans le projet.

II- AMELIORER LA COOPERATION INSTITUTIONNELLE DANS LE SUIVI DU


PROJET

La protection de l’environnement, dans le système de transport camerounais, ne sera un


véritable succès que pour autant que les différentes parties impliquées, au-delà de leurs potentialités
particulières et de leurs missions spécifiques, auront pu surmonter les divergences qui les opposent
afin de coopérer effectivement dans la mise en œuvre des engagements liés au projet. En effet, au
sein des organismes gouvernementaux, des désaccords persistent, sous la forme de conflits de
compétence qu’il faudra dissiper (A) tandis que la plateforme tripartite (CPSP/COTOC/ONG) doit
être redynamisée (B).

178
Article 11 (1.7) de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
179
Les ressources du Fonds National de l’Environnement et du Développement Durable proviennent des dotations de
l’Etat, des contributions des donateurs internationaux, des contributions volontaires, du produit des amendes de
transaction, des dons et legs, des sommes recouvrées aux fins de remise en l’état des sites et de toute autre recette
affectée ou autorisée par la loi. Article 12 (1) de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.

94
A- CPSP et SIP : des conflits de compétence à dissiper

L’observation attentive du contrôle qu’exercent les organismes gouvernementaux, dans


l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun sur le territoire camerounais, montre que la coordination
des interventions du CPSP et du SIP demeure un défi à relever dans l’optique de la mise en place
d’un système de protection environnemental efficace. En effet, en dépit des précisions fournies par
le texte qui crée ces deux organismes180, des conflits de compétence regrettables persistent. Et, de
fait, d’organe de coordination et de liaison, le CPSP s’est mué en véritable organe de contrôle, au
détriment du SIP, dont l’activité aujourd’hui est réduite à sa plus simple expression.
L’origine d’une telle confusion doit être recherchée dans le texte qui fixe l’organisation et le
fonctionnement du CPSP (l’arrêté N°433 du 24 août 1999) qui, entre autres responsabilités, charge
la section environnement, tracé et sécurité du CPSP de « veiller au respect des engagements du
gouvernement et du promoteur, contenus dans la convention d’établissement, les documents relatifs
à la sécurité, ceux publiés sur l’environnement et tout autre accord »181. C’est à titre qu’il est chargé
d’ « élaborer des rapports périodiques sur le volet environnement des projets de pipeline »182.
Comment donc différencier une telle responsabilité de la fonction de surveillance administrative et
de contrôle technique de l’ouvrage confiée au SIP qui, au demeurant, vise « à la sécurité et à la
protection de l’environnement et des populations »183 et donne lieu à la rédaction des rapports
d’inspection. Dans tous les cas, l’observation des faits offre une image qu’il y a lieu de revoir, le
contrôle environnemental du projet se caractérisant par l’omniprésence du CPSP, interlocuteur
privilégié de COTCO et des inspecteurs internationaux, et la marginalisation du SIP.
Nous pensons donc, dans un souci de cohérence et d’efficacité gouvernementales, qu’il
serait plus judicieux d’harmoniser les activités du CPSP et du SIP en matière de contrôle
environnemental. Cela pourrait se faire, d’abord, par la mise sur pied d’équipes de contrôle mixtes
CPSP/SIP lors des descentes sur le terrain, sanctionnées par la rédaction de rapports conjoints qui
reflèteraient ainsi mieux la position gouvernementale sur la question.
En outre, la solidarité qui doit animer les organismes gouvernementaux implique pour le
CPSP de transmettre les informations qu’il reçoit de COTCO ou de tout autre acteur du projet, au
SIP. Cela, en principe, ne devrait pas poser de grands problèmes, notamment en termes de risque de
180
Il s’agit de l’article 3 du décret d’application de la loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures en
provenance des pays tiers. Conformément à ce texte, le CPSP est l’organe de coordination des interventions des
administrations dans le cadre du projet, tandis que le SIP assure la surveillance administrative et le contrôle technique
de l’ouvrage. Voir supra, pp. 56-61.
181
Article 5 (4) de l’arrêté N°433 du 24 août 1999 portant organisation et fonctionnement du CPSP.
182
Article précité.
183
Article 56 (2.1) du décret d’application de la loi de 1996 sur le transport par pipeline des hydrocarbures en
provenance des pays tiers.

95
divulgation, dans la mesure où « les fonctionnaires et agents de l’Etat, les experts désignés ou les
organismes de contrôle agréés, mandatés pour la surveillance administrative et le contrôle technique
de l’administration sont soumis aux obligations du secret professionnel »184.
Enfin, l’harmonisation des responsabilités entre le CPSP et le SIP pourrait également être
facilitée par l’élaboration du texte organique du SIP qui, annoncé depuis 1997 par le décret
d’application de la loi portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance des
pays tiers, n’a toujours pas été adopté jusqu’à ce jour. Ce texte permettrait ainsi de déterminer le
contenu précis des missions de surveillance et de contrôle assignées au SIP, les conditions de leur
mise en œuvre et les ressources humaines affectées à cet effet. Il pourrait également doter le SIP
d’un budget autonome qui lui garantirait l’indépendance nécessaire vis-à-vis de la tutelle
ministérielle et du promoteur du projet185.
La nécessaire coopération qu’exige le succès de ce projet ne se limite pas aux organismes
gouvernementaux ; elle s’étend également au promoteur du projet et autres intervenants privés,
réunis sous la forme d’une plateforme de concertation.

B- CPSP/COTCO/ONG : une plateforme à redynamiser

La plateforme de concertation CPSP/COTCO/ONG aurait pu être considérée comme l’un


des grands succès du projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun, en raison des
objectifs qu’elle s’était assignée186 et des points inscrits à l’agenda des discussions187, qui
suscitaient un réel intérêt. Malheureusement, les difficultés auxquelles elle a dû faire face dès les
premiers moments de sa constitution ont incliné au doute et, plus tard, à la protestation et au rejet.
En effet, après la tenue du premier forum d’information sur le pipeline qui s’est déroulé les
02 et 03 novembre 2006, deux ONG camerounaises, le CED et le RELUFA, ont critiqué l’attitude
du CPSP et de COTCO, caractérisée par le refus de communiquer les informations concernant le

184
Article 56 (2.2) du décret précité. Les fonctionnaires du SIP sont donc liés par cette obligation du secret
professionnel.
185
En effet, faut-il le rappeler, c’est COTCO qui prend en charge les frais de transport et de séjour du personnel du SIP
lors des missions sur le terrain.
186
La plateforme de concertation se veut être un cadre d’échanges sur les différentes activités menées par chacun des
acteurs concernés, de concertation sur les principaux sujets qui concernent l’exploitation du pipeline et d’orientation des
axes futurs de collaboration entre les parties pour une meilleure gestion environnementale et sociale du secteur des
hydrocarbures.
187
Lors du premier « forum d’information du pipeline Tchad-Cameroun » (dénomination donnée aux rencontres
périodiques de la plateforme) qui s’est tenu les 02 et 03 novembre 2006, cinq points étaient à l’ordre du jour : la
conception, la construction et l’exploitation du pipeline Tchad-Cameroun ; la mise en œuvre du PGE du pipeline par
COTCO ; le suivi indépendant des activités de construction et d’exploitation du pipeline par les ONG ; la mise en
œuvre du CAPECE et les perspectives de la plateforme de coopération entre les trois parties. Le compte rendu des
travaux de cette rencontre peut être consulté sur le site Internet de la Banque Mondiale : www.worldbank.org/cc/proj.

96
projet et la non prise en compte de leurs revendications. En outre, elles se sont plaint de ce qu’elles
n’aient pas été associées à la rédaction du communiqué final de la rencontre, communiqué rédigé
par les seuls soins du CPSP. C’est la somme de ces griefs qui les incitera à décliner l’invitation qui
leur a été adressée à l’occasion du second forum d’information programmé pour les 29 et 30
novembre 2007. Or, entre temps, le GIC, lors de son passage au Cameroun en mai 2007, avait
interpellé les différentes parties en des termes clairs : « les ONG, le Comité de Pilotage et de Suivi
des Pipelines (CPSP) et COTCO doivent réfléchir au moyen de relancer et redynamiser la
plateforme de coopération et d’instaurer un dialogue permanent, transparent et de qualité sur le
projet »188. Cette recommandation du GIC, doit rapidement pouvoir recevoir un écho favorable et
ainsi justifier un certain nombre de réformes.
Tout d’abord, il paraît aujourd’hui raisonnable de revoir la périodicité des rencontres de la
plateforme de concertation qui, de rencontres annuelles, pourrait désormais se réunir par trimestre.
Ceci permettrait de rapprocher davantage les différentes parties impliquées au projet, de multiplier
les occasions de formuler des craintes et des revendications suscitées par le projet, et enfin d’assurer
un meilleur suivi-évaluation des engagements consentis par les uns et les autres.
En outre, en dehors des données dont la confidentialité est justifiée, COTCO et le CPSP
doivent transmettre aux ONG toutes les informations dont elles ont besoin à propos du projet. C’est
aussi cette transparence dans la diffusion de l’information relative au pipeline qui contribuera à
améliorer l’image de marque de l’opérateur et de l’inspecteur auprès du public.
Enfin, malgré les carences relevées du CAPECE (projet qui visait à renforcer les capacités
des personnels d’administration dans la gestion de l’environnement dans le secteur pétrolier) qu’il y
a lieu de corriger, il serait intéressant pour le CPSP d’associer les ONG à un éventuel CAPECE II,
afin de renforcer également les capacités de ces dernières sur la question. Il faut bien reconnaître en
effet qu’en tant que ressortissantes de pays en développement, les ONG camerounaises n’ont pas
toujours les compétences requises pour remplir efficacement les missions qui sont les leur ; un tel
appui contribuerait ainsi à renforcer la crédibilité des rapports produits par ces acteurs non
gouvernementaux et à ramener la confiance qui tend à se dissiper entre les différentes parties
prenantes au projet, confiance pourtant nécessaire pour un projet appelé à durer encore un quart de
siècle.

188
Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 12 au Tchad et au Cameroun du 30 avril au 24 mai 2007 » in
www.gic-iag.org, p. vi.

97
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Au terme de la deuxième partie de notre étude, il ressort de la confrontation du cadre


juridique et institutionnel du projet pipeline Tchad-Cameroun à la réalité du terrain que de
nombreuses carences et insuffisances persistent. Les cas de non conformité environnementale
relevés l’attestent. On l’a vu en effet, le cadre juridique demeure inachevé et se caractérise par une
multitude de zones d’ombre qui en fragilisent l’efficacité. Certes, il est vrai, cette critique est
caractéristique au droit de l’environnement en général, mais aurait pu être atténuée de façon notable
si les normes aujourd’hui applicables au projet avaient été adoptées dans un climat de sérénité qui
aurait pris en compte les insuffisances et les évolutions relevées ailleurs. Les Professeurs Alexandre
Kiss et Jean-Pierre Beurier ne disent-ils pas que « le droit, pour être efficace, ne peut négliger des
solutions déjà expérimentées soit par le passé, soit ailleurs, dans certains pays pionniers »189 ?
Dans le même sens, les institutions mises en place n’ont pas toujours rempli leurs missions
comme on se serait attendu. L’absence de moyens financiers et techniques a été prioritairement mis
en avant, qu’il s’agisse du mécanisme de compensation environnementale que constitue la FEDEC,
dont les ressources s’épuisent de façon inexorable, ou des institutions de contrôle gouvernemental
dont l’allocation budgétaire n’est pas conséquente, tandis que le potentiel technique demeure en
deçà des attentes.
Cependant, il faut aussi relever le problème même de la bonne foi de certains acteurs à
privilégier la protection de l’environnement sur les divers intérêts qu’est appelé à procurer le projet
car, on a pu le relever également, l’attitude de COTCO a conduit à un projet à double vitesse où les
contraintes financières liées à la construction de l’ouvrage étaient scrupuleusement respectées tandis
que les questions d’environnement ne bénéficiaient pas de la même attention. De son côté, le CPSP,
par son attitude attentiste, n’est pas apparu comme un organe de contrôle résolu à faire de la
protection de l’environnement son leitmotiv.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons pensé qu’il était utile, voire urgent, de marquer
un nouveau temps d’arrêt sur le cadre juridique et institutionnel du pipeline Tchad-Cameroun, au
regard des risques persistants qu’il continue de faire peser sur l’environnement camerounais, afin de
le rendre plus efficace.
Et, à ce titre, la relance du chantier normatif applicable au projet est un premier pallier à
franchir. Il s’agit d’abord d’achever le cadre juridique initialement annoncé pour le projet, à travers
l’adoption des décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement et le

189
Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 14.

98
plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures. Il s’agit ensuite de revisiter les
textes aujourd’hui en vigueur afin de clarifier les zones d’ombre qui les caractérisent et n’en
facilitent ni la compréhension ni la mise en oeuvre.
Le second pallier à franchir consiste à apporter un appui substantiel aux organismes de
contrôle, afin de leur permettre de remplir efficacement les missions pour lesquelles elles ont été
mises sur pied. Cela passera, d’une part, par le renforcement de leurs pouvoirs, tant matériels que
financiers et, d’autre part, par l’amélioration de l’esprit de coopération qui doit les caractériser tout
au long de l’existence du projet.
En somme, ce n’est qu’au prix d’une remise en cause permanente du cadre juridique du
projet au regard des nécessités environnementales sans cesse évolutives, par l’exploitation de
l’expérience tirée des incidents enregistrés par le passé, par la volonté d’accorder du prix à
l’environnement et de faire les sacrifices que cela implique (apports financiers notamment), par une
saine coopération des différents acteurs impliqués dans le projet que le transport des hydrocarbures
par pipeline passera du stade de risque majeur à celui de risque mineur pour l’environnement au
Cameroun.

99
CONCLUSION GENERALE

100
En dépit de la prolifération des projets de développement en Afrique au sud du Sahara, le
projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun demeure un projet de référence en
raison des enjeux multiples auxquels il donne lieu190 et, de ce fait, reste digne d’un intérêt
scientifique. L’objet de l’étude que nous y avons mené a consisté, dans une certaine mesure, à lever
un pan du voile qui continue de le couvrir près de quinze ans après son lancement (du point de vue
de son évolution historique, de sa présentation physique et des risques qu’il fait courir à
l’environnement au Cameroun) ; mais, surtout, à mettre en lumière les normes et institutions qui ont
été mises en place afin d’en atténuer les effets sur le plan écologique. Il était alors question de faire
une appréciation du cadre juridique et institutionnel de protection de l’environnement de ce projet ;
autrement dit, d’en faire un bilan quinze ans après le lancement, afin d’en évaluer l’efficacité.
Notre hypothèse a consisté à partir du postulat selon lequel le cadre juridique et
institutionnel mis en place en vue de protéger l’environnement au Cameroun dans le cadre de ce
projet semble ne pas remplir toutes les attentes qui ont été placées en lui (n’est pas efficace) dans la
mesure où, dès les prémices de cette étude, on pouvait relever un ensemble de paramètres qui
incitaient au doute :
- l’adoption de normes juridiques d’interprétation et d’application difficile en raison de leur
complexité et du manque de précision qui les caractérise;
- les conflits d’intérêts au sein de l’Etat (juge et partie dans la mise en œuvre du projet) qui a
du mal à remplir complètement ses engagements juridiques ;
- l’absence de bonne foi de certaines parties impliquées dans la gestion du projet.
Et, au sortir de cette étude, il est loisible d’affirmer que cette hypothèse a été confirmée.
Toutefois, il demeure important d’en maîtriser la teneur exacte. Et, à ce titre, il y a lieu de
reconnaître d’emblée l’intérêt du dispositif juridique et institutionnel qui a été mis sur pied, dont
l’apport aujourd’hui est loin d’être négligeable en matière de protection de l’environnement au
Cameroun. Déjà, il faut partir de l’idée selon laquelle la technique de protection de l’environnement
adoptée, fondée sur une approche juridique, répond bien au contexte de l’heure car, comme
l’affirment les Professeurs Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier « la tendance générale montre que
l’environnement doit être sauvegardé avant tout par la réglementation »191. C’est ce cadre juridique
qui sert aujourd’hui de fondement et de référent à l’action tant du promoteur du projet que des
acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux qui y sont impliqués. L’accent y a été mis aussi
bien sur les mesures de prévention (étude d’impact, surveillance continue), comme le suggèrent de
plus en plus les conventions internationales contemporaines, que sur la responsabilité et la

190
Enjeu politique, enjeu économique, enjeu écologique, etc.
191
Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 459.

101
réparation (remise en état du site, indemnisation des victimes), à laquelle il n’y a certainement pas
lieu de renoncer, de sorte que l’on aurait pu penser être en présence d’un dispositif complet. Or, tel
n’est pas le cas. La méthode d’analyse que nous avons adoptée, articulée autour de la démarche
objectiviste et de l’observation, nous a permis de relever un ensemble de défaillances qui expliquent
sans aucun doute les cas de non conformité environnementale que continue de drainer ce projet.
Tout d’abord, la réglementation destinée à régir le projet demeure imparfaite car inachevée
et parsemée de multiples zones d’ombre qui en ternissent l’efficacité. Les décrets d’application de
la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement tardent à être adoptés, le plan national
d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures n’a toujours pas été promulgué tandis
que les dispositifs aujourd’hui applicables brillent par leur complexité et, surtout, par l’absence de
précision qui les caractérise quant aux objectifs environnementaux à atteindre ou aux méthodes à
suivre. La réparation du préjudice pour atteinte à l’environnement n’est pas entièrement assurée car
le mécanisme de la responsabilité civile, qui a été consacré, n’est pas aisé à mettre en œuvre en
matière d’environnement. Ceci a pour conséquence de générer une insécurité juridique dont certains
méfaits ont pu être observés à l’occasion du déversement accidentel d’hydrocarbures du 15 janvier
2007.
En outre, il faut reconnaître que le droit applicable au projet n’a pas suffisamment pris en
compte le contexte sociologique de sa mise en œuvre, à savoir la nécessité d’intégrer fortement les
considérations économiques et scientifiques qui, pour une grande part, créent un rapport de
déséquilibre entre les différentes parties impliquées au projet192. C’est la raison pour laquelle il est
important de dire, à ce niveau de l’étude, que le cadre juridique applicable au système de transport
camerounais reste à parfaire et les axes d’un tel perfectionnement ont été proposés dans les
développements précédents. Il reste à parfaire tant pour le projet d’exploitation et d’oléoduc Tchad-
Cameroun qui est appelé à durer encore environ un quart de siècle, afin de minimiser au maximum
les risques qu’il génèrera encore sur l’environnement et les populations avoisinantes ; mais il reste
également à parfaire afin d’inspirer et de sécuriser les autres projets de développement de grande
envergure que l’Etat du Cameroun a lancé et qui constituent également une menace majeure pour
l’environnement193.

192
Le GIC lui-même reconnaît qu’ « il y a un déséquilibre flagrant entre la capacité d’action du consortium exploitant
(ExxonMobil-Chevron-Petronas), tant par ses moyens financiers que par sa technologie, sa coordination rigoureuse et
son échéancier précis d’une part, et, d’autre part, les moyens dont disposent les Etats et leurs populations pour gérer,
réglementer, voire même influencer le cours du projet et en tirer tous les bénéfices possibles ». Groupe International
Consultatif, « Rapport de mission 1 au Cameroun et au Tchad du 19 juillet au 3 août 2001 » in www.gic-iag.org, p. 3.
193
Il s’agit du barrage du Lom Pangar, de la centrale à gaz de Limbé, du port en eau profonde de Kribi, etc. Pour le GIC
en effet, « la grande leçon à retenir [est] que les précautions qui ont entouré ce projet ne soient pas une exception mais
deviennent la norme, affirmée par le gouvernement, et lorsqu’il y a lieu, par ses partenaires, pour tout grand projet que

102
Malgré tout, il convient de préciser clairement, au moment de clore cette réflexion, que « la
sécurité n’est jamais définitivement acquise. Elle exigera toujours une tension difficile entre les
générateurs du risque et les acteurs responsables du contrôle (même au sein des entreprises), entre
les industriels et les populations »194. Cela suppose que dans un projet comme celui ayant fait
l’objet de notre étude, les risques générés ne seront jamais éradiqués. Cependant, ils ne seront
véritablement minimisés que pour autant que chaque acteur impliqué restera en constant éveil et
jouera pleinement son rôle : que le promoteur du projet mettra tous les moyens en œuvre pour
respecter les engagements qu’il a contractés, que les organismes gouvernementaux et
intergouvernementaux en charge du contrôle s’investiront effectivement dans la surveillance du
projet tel qu’il leur est exigé par les textes et que les populations (communautés de base des aires de
passage du projet et autres populations) s’intéresseront davantage à ce projet qui est censé améliorer
leurs conditions de vie, mais qui, également, peut contribuer à leur dégradation.
Cela voudrait dire, en fin de compte, que le succès du système de transport des
hydrocarbures par pipeline ne dépendra pas que du cadre juridique qui a été mis en place afin d’en
atténuer les effets sur l’environnement, il dépendra également, et en grande partie d’ailleurs, de
l’implication de chacun ; autrement dit, de la volonté des humains de le rendre effectif, bref, de faire
de la protection de l’environnement dans ce projet une préoccupation quotidienne.

connaîtra le Cameroun » : Groupe International Consultatif, « Rapport de mission 11 au Cameroun du 15 au 23 mars


2006 » in www.gic-iag.org, p. 20.
194
Patrick Lagadec, « La prise en compte tardive du risque technologique majeur » in L’état de l’environnement dans le
monde, op. cit., p. 113.

103
BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES

1- BIYA, Paul, Pour le libéralisme communautaire, Paris, Pierre-Marcel Favre, 1986, 158 pages.
2- DAILLIER, Patrick et PELLET, Alain, Droit international public, Paris, LGDJ, 7e édition,
2002, 1510 pages.
3- DE SADELEER, Nicholas, Les principes pollueur-payeur, de prévention et de précaution.
Essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l’environnement,
Bruxelles, Bruylant/AUF, 1999, 437 pages.
4- GRAWITZ, Madeleine, Méthode des sciences sociales, Paris, Dalloz, 11e édition, 2001, 1019
pages.
5- KAMTO, Maurice, Droit de l’environnement en Afrique, Paris, Edicef/Aupelf, 1996, 416
pages.
6- KISS, Alexandre et BEURIER, Jean-Pierre, Droit international de l’environnement, Paris,
Pedone, 3e édition, 2004, 503 pages.
7- KOUNOU, Michel, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara, Yaoundé, CLE, 2006, 137 pages.
8- MORRAND-DEVILLER, Jacqueline, Le droit de l’environnement, Paris, PUF, Que sais-je ?,
e
7 édition, 2006, 128 pages.
9- ROELANDT, Marc, La condition juridique des pipelines dans le droit de la mer, Paris, PUF,
1990, 241 pages.

II- DOCUMENTS SPECIALISES

1- AGIR ICI ET SURVIE, Projet pétrolier Tchad-Cameroun. Dés pipés sur le pipeline, Paris,
L’Harmattan, 1999, 65 pages.
2- BIRD et AID, Rapport et recommandations de la direction en réponse au rapport d’enquête
du panel d’inspection, INSP/R2003-0003, 28 mai 2003.
3- BREITKOPFT, Susanne, « Banque Mondiale : les exercices de relations publiques remplacent
l’analyse » in Exploitation pétrolière et oléoduc Tchad-Cameroun : Appel à la responsabilité, pp.
21-23.

104
4- HORTA, Korinna, NGUIFFO, Samuel et DJIRAIBE Delphine, Le projet d’exploitation
pétrolière et d’oléoduc Tchad-Cameroun. Un constat de non achèvement du projet, septembre
2007, 26 pages.
5- MBARGA ELEGA, Célestin, Plan pour les Peuples Autochtones Vulnérables, Rapport de fin
de la phase 1, mai 2005, 43 pages.
6- PGE, partie camerounaise, volume 4, partie III, mai 1999.
7- Projet d’exportation tchadien. Résumé de l’étude d’impact sur l’environnement-Version
actualisée, mai 1999.

III- TRAVAUX ACADEMIQUES

1- BITSE EKOMO, Christophe Bertrand, L’accord entre la République du Tchad et la


République du Cameroun relatif au pipeline, Yaoundé, IRIC, Mémoire de DESS, 2003, 173 pages.

IV- ARTICLES

1- ATANGANA, Duke, « Pipeline. Recomposition du puzzle ? » in Bubinga, N°33, avril 2000,


p. 4.
2- BAMBOU, François, « Les gains du pipeline Tchad-Cameroun » in La Nouvelle Expression,
N°2126, 11 décembre 2007, p. 6.
3- BIGOMBE LOGO, Patrice, « Impasses des politiques environnementales » in Les Cahiers de
Mutations, vol. 029, mai 2005, p. 12.
4- BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, « Les mécanismes conventionnels d’assistance
économique et financière et le fonds pour l’environnement mondial » in L’effectivité du droit
international de l’environnement. Contrôle de la mise en œuvre des conventions internationales,
Paris, Economica, 1998, pp. 187-199.
5- CHIBANI-JACQUOT, Philippe, « Le plein de critiques pour l’oléoduc Tchad-Cameroun » in
La Nouvelle Expression, N°2126, 11 décembre 2007, p. 6.
6- FOUTE, Rousseau-Joël, « Exploitation minière : le Cameroun attire » in Cameroon Tribune,
N°9032/5231, 07 février 2008, p. 15.
7- LAGADEC, Patrick, « La prise en compte tardive du risque technologique majeur » in L’état
de l’environnement dans le monde, Paris, Editions La Découverte, 1993, 438 pages.

105
8- MALJEAN-DUBOIS, Sandrine et RICHARD, Vanessa, « Mécanismes internationaux de suivi
et mise en œuvre des conventions internationales de protection de l’environnement » in IDDRI,
Paris, novembre 2004, 55 pages.
9- MOUAFFO, Hyppolite, « Les problèmes du droit de l’environnement » in Les Cahiers de
Mutations, volume 029, mai 2005, p.11.
10- NDONGO, Bertrand, « Le plan d’urgence de COTCO est vague » in Bubinga, N°112, février
2007, p. 8.
11- NGUIFFO, Samuel, « Le projet pétrolier Tchad-Cameroun : entre risques et retombées » in
Enjeux, N°12, juillet-septembre 2002, pp. 8-10.
12- NTONGA-BOMBA, Serge Vincent, « L’état actuel de la mise en œuvre des instruments
juridiques en matière d’environnement au Cameroun » in Juridis Périodique, N°50, avril-mai-juin
2002, pp. 121-128.
13- SINAI, Agnès, « Imposer mondialement le principe pollueur payeur » in L’Atlas
Environnement du Monde Diplomatique, Hors-série, 2007, pp. 14-15.
14- TCHEUWA, Jean-Claude, « La prise en compte des préoccupations environnementales en
droit positif camerounais » in RJE, n°1/2006, mars 2006, pp. 21-42
15- VIDAL, Dominique, « Quelle grille de lecture ? » in L’Atlas environnement du Monde
diplomatique, Hors-série, 2007, p. 10.

V- TEXTES JURIDIQUES

A- TEXTES INTERNATIONAUX

1- Accord cadre entre la République du Cameroun, la République du Tchad, Esso


Exploration and Production Chad Inc., Société Shell Tchadienne de Recherche et d’Exploitation et
Elf Hydrocarbures Tchad du 31 janvier 1995.
2- Accord entre le gouvernement de la République du Cameroun et le gouvernement de la
République du Tchad relatif à la construction et à l’exploitation d’un système de transport des
hydrocarbures par pipeline du 08 février 1996.
3- Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer du 10 décembre 1982.
4- Convention d’établissement entre la République du Cameroun et Cameroon Oil
Transportation Company S.A. du 20 mars 1998.
5- Politique Opérationnelle 4.01 de la Banque Mondiale sur l’évaluation environnementale
de janvier 1999.

106
6- Politique opérationnelle 4.04 de la Banque Mondiale sur les habitats naturels de juin
2001.
7- Politique opérationnelle 4.36 de la Banque Mondiale sur les forêts de novembre 2002.
8- Politique opérationnelle 4.10 de la Banque Mondiale sur les populations autochtones de
juillet 2005.

B- TEXTES NATIONAUX

1- Loi N°96-6 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 telle que révisée par la loi
N°2008/001 du 14 avril 2008.
2- Loi N°96/12 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement du 05 août 1996.
3- Loi N°96/13 portant ratification de l’accord du 08 février 1996 entre la République du
Cameroun et la République du Tchad relatif à la construction et à l’exploitation d’un système de
transport des hydrocarbures par pipeline du 05 août 1996.
4- Loi N°96/14 portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en provenance
des pays tiers du 05 août 1996.
5- Décret N°97/116 du 07 juillet 1997 fixant les conditions et modalités d’application de la
loi N°96/14 du 05 août 1996 portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures en
provenance des pays tiers.
6- Décret N°2000/305 portant autorisation de transport par pipeline d’hydrocarbures à la
société Cameroon Oil Transportation Company S.A. (COTCO) du 17 octobre 2000.
7- Décret N°2005/260 portant organisation du Ministère de l’Industrie, des Mines et du
Développement Technologique du 15 juillet 2005.
8- Arrêté N°433 portant organisation et fonctionnement du Comité de Pilotage et de Suivi
des Pipelines du 24 août 1999.

VI- DICTIONNAIRES

1- BRODHAG, Christian, BREUIL, Florent, GONDRAN, Natacha et OSSAMA, François,


Dictionnaire du développement durable, Saint-Denis-La Plaine, AFNOR, 2004, 283 pages.
2- DUPONT, Yves (dir.), Dictionnaire des risques, Paris, Armand-Colin, 2004, 422 pages.
3- SALMON, Jean (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF,
2001, 1198 pages.

107
4- SAMYN, O., SIMONETTA, P. et SOGNO, C., Dictionnaire des termes juridiques, Paris,
édition de Vecchi S.A, 1986, 328 pages.

VII- SITES INTERNET

1- www.africatime.com/cameroun.
2- www.gic-iag.org.
3- www.iso.ch.
4- www.relufa.org.
5- www.worldbank.org/cc/proj.

108
TABLE DES MATIERES

DEDICACE .......................................................................................................................................... i
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................... ii
ABREVIATIONS .............................................................................................................................. iii
SOMMAIRE ...................................................................................................................................... iv
RESUME ............................................................................................................................................ vi
ABSTRACT ...................................................................................................................................... vii
INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................................1
I- CONTEXTE ET OBJET DE L’ETUDE ......................................................................................2
II- INTERET DE L’ETUDE ............................................................................................................4
III- REVUE DE LA LITTERATURE .........................................................................................5
IV- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE ...................................................................................7
A-PROBLEMATIQUE ................................................................................................................8
B-HYPOTHESE...........................................................................................................................8
V- METHODE ET PLAN ................................................................................................................9
A-METHODE ..............................................................................................................................9
B-PLAN .......................................................................................................................................9
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LE PIPELINE TCHAD-CAMEROUN : UNE MENACE
POUR L’ENVIRONNEMENT .......................................................................................................11
SECTION 1 : LA PRESENTATION DU PIPELINE TCHAD-CAMEROUN………………...11
I- LE CONTEXTE HISTORIQUE DU PROJET ..........................................................................11
A- Objet et justification du projet ..............................................................................................11
B- Financement du projet ...........................................................................................................13
II- LA DESCRIPTION PHYSIQUE DE L’OUVRAGE ...............................................................14
A- Les principales composantes de l’ouvrage............................................................................15
B- Les infrastructures annexes ...................................................................................................16
SECTION 2 : LES PRINCIPAUX RISQUES ENVIRONNENTAUX POSES PAR LE
PIPELINE TCHAD-CAMEROUN SUR LE TERRITOIRE CAMEROUNAIS……………...16

I- LES RISQUES LIES A LA CONSTRUCTION DE L’OUVRAGE .........................................18


A- Les risques sur la conservation des écosystèmes ..................................................................19
B- Les risques de perturbation des établissements humains ......................................................20

109
II- LES RISQUES INHERENTS A L’EXPLOITATION DE L’OUVRAGE ..............................21
A- Les risques découlant du fonctionnement normal du pipeline ..............................................21
B- Les risques en cas d’accident ................................................................................................22
PREMIERE PARTIE: L’AMENAGEMENT DU CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DANS LE CADRE DU
PROJET ............................................................................................................................................25
CHAPITRE 1 : UN CADRE JURIDIQUE RENFORCE.............................................................27
SECTION 1 : LES NORMES INTERNATIONALES APPLICABLES AU
PROJET……………………………………………………………………………………………27
I- LES ACTES CONVENTIONNELS APPLICABLES AU SYSTEME DE TRANSPORT
CAMEROUNAIS...........................................................................................................................27
A- L’accord cadre du 31 janvier 1995 ou la déclaration d’intention de réaliser le système de
transport camerounais ................................................................................................................28
1- La programmation d’un cadre juridique à préciser ultérieurement……………………28
2- L’absence d’une prise de position claire en matière d’environnement………………..29
B- Les accords bilatéraux subséquents : une porte sur l’espoir .................................................30
1- L’accord Tchad-Cameroun du 08 février 1996………………………………………..30
II- LES ACTES UNILATERAUX DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
APPLICABLES AUX ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX DU PIPELINE ............................34
A- Les politiques opérationnelles de la Banque Mondiale ........................................................34
1- Le contenu des politiques opérationnelles de la Banque Mondiale…………………...34
2- L’application des politiques opérationnelles au système de transport
camerounais…………………………………………………………………………………………36
B- Les normes de l’Organisation Internationale de Normalisation............................................36
1- La substance des normes de l’Organisation Internationale de Normalisation……………...37
2- La réception des normes de l’Organisation Internationale de Normalisation par les
promoteurs du projet………………………………………………………………………………...38
SECTION 2 : LES PRINCIPALES NORMES NATIONALES APPLICABLES AU
SYSTEME DE TRANSPORT CAMEROUNAIS……………………………………………….39
I- LES TEXTES LEGISLATIFS ...............................................................................................39
A- Le cadre législatif général : la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement ...............39
B- Le cadre législatif spécifique : la loi portant régime de transport par pipeline des
hydrocarbures en provenance des pays tiers ..............................................................................41
II- LES INSTRUMENTS REGLEMENTAIRES ..........................................................................43

110
A- Le décret d’application de la loi portant régime de transport par pipeline des hydrocarbures
....................................................................................................................................................43
B- Le décret portant autorisation de transport par pipeline à COTCO………………………...45

CHAPITRE 2 : UN DISPOSITIF INSTITUTIONNEL SPECIFIQUE MIS EN PLACE ........47


SECTION 1 : LES INSTITUTIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ENGAGEMENTS
ENVIRONNEMENTAUX………………………………………………………………………...47
I- LES RESPONSABILITES DE COTCO EN MATIERE DE PROTECTION DE
L’ENVIRONNEMENT .................................................................................................................47
A- Les fonctions de COTCO en matière de prévention environnementale ...............................48
1- Le devoir d’évaluer les risques des activités envisagées……………………………...48
2- Le devoir de surveiller continuellement l’état de l’environnement…………………..49
B- La fonction de réaction de COTCO en cas d’atteinte à l’environnement .............................50
1- Le devoir de communication…………………………………………………………..50
2- Le devoir d’intervention……………………………………………………………….51
II- LES MISSIONS DE LA FEDEC DANS LE PROJET PIPELINE TCHAD-CAMEROUN ...53
A- Le soutien au plan pour les peuples autochtones vulnérables (PPAV)…………………….53
B- L’appui aux programmes d’améliorations environnementales .............................................55
SECTION 2 : LES INSTITUTIONS DE CONTROLE DU RESPECT DES NORMES
ENVIRONNEMENTALES……………………………………………………………………….56
I- LES INSTITUTIONS NATIONALES GOUVERNEMENTALES ..........................................56
A- Le Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP) ......................................................57
B- Le Service d’Inspection des Pipelines (SIP)……………………………………………….59
II- LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET NON GOUVERNEMENTALES .............61
A- Les missions d’inspection de la Banque Mondiale ...............................................................61
1- Le Groupe International Consultatif (GIC)…………………………………………………61
2- Le Groupe Externe de Suivi de la Conformité Environnementale (GESCE)………………63
B- Le rôle des Organisations Non Gouvernementales ...............................................................64
1- La fonction d’assistance et de suivi du projet en matière environnementale……………….65
2- La fonction de dénonciation en cas d’atteintes à l’environnement…………………………66
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ..................................................................................68
DEUXIEME PARTIE : LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL A CORRIGER ..............................................................................................70

111
CHAPITRE 1 : LES DYSFONCTIONNEMENTS DU CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET ...............72
SECTION 1 : LES CARENCES NORMATIVES : DIAGNOSTIC D’UN CORPS DE
REGLES LACUNAIRES…………………………………………………………………………72
I- UN CHANTIER NORMATIF INACHEVE … .........................................................................72
A- Des retards dans l’adoption des décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de
l’environnement .........................................................................................................................73
B- Des tergiversations quant à la promulgation du plan national de lutte contre les
déversements accidentels d’hydrocarbures ................................................................................74
II- … DONT LES ZONES D’OMBRE PERSISTANTES RELATIVISENT L’EFFICACITE ...75
A- Les difficultés d’interprétation et d’application des textes ...................................................75
B- Les incertitudes quant à la réparation des dommages en cas d’atteinte à l’environnement ..77
SECTION 2 : LES DEFAILLANCES INSTITUTIONNELLES : UN PROBLEME DE
MOYENS ET DE VOLONTE…………………………………………………………………….78
I- UN REEL DEFICIT DE MOYENS FINANCIERS ET TECHNIQUES ..................................78
A- Les difficultés financières de la FEDEC ...............................................................................79
B- L’insuffisance des capacités financières et techniques des institutions étatiques………….80

II- UN MANQUE DE VOLONTE ............................................................................................82


A- Le non respect de ses engagements par COTCO ..................................................................82
B-L’attentisme du CPSP ............................................................................................................83
CHAPITRE 2 : LA NECESSITE D’OPTIMISER LE CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DU PROJET ...............86
SECTION 1 : RELANCER LE CHANTIER NORMATIF………………………………….86
I- AFFERMIR LE CADRE JURIDIQUE DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
ANNONCE ....................................................................................................................................87
A- Adopter les décrets d’application de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement .87
B- Promulguer le plan d’urgence en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures ..............88
II- REVISITER LE DISPOSITIF JURIDIQUE EXISTANT ........................................................89
A- Clarifier les concepts et les objectifs.....................................................................................89
B- Simplifier la réparation pour atteinte à l’environnement ......................................................90
SECTION 2 : SOUTENIR LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL……………………….91
I- RENFORCER LES POUVOIRS DES INSTITUTIONS DE CONTROLE ..............................91
A- Accroître la marge de manœuvre de la société civile ...........................................................92

112
B- Doter les organismes en charge du contrôle gouvernemental de moyens financiers
conséquents ................................................................................................................................93
II- AMELIORER LA COOPERATION INSTITUTIONNELLE DANS LE SUIVI DU PROJET
........................................................................................................................................................94
A- CPSP et SIP : des conflits de compétence à dissiper ............................................................95
B- CPSP/COTCO/ONG : une plateforme à redynamiser ..........................................................96
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.................................................................................98
CONCLUSION GENERALE ...................................................................................................100
BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................104

113

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