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Le VOLEUR, rAVEUGLE et le CHIEN nute. Mais ses jambes n'étaient pas aussi rapides
que les pattes de la bête.
Aboyant avec ardeur, le chien fonça. Le bandit
essaya de se perdre parmi la foule. Mais tout le
Kn Allemagne, tous les aveugles possèdent un monde remarqua promptement ce chienfqui courait
chien spécialement dressé qui les accompagne après un homme, et comme ledit chien portait
dans leurs pérégrinations à travers la ville. Nos sur son harnais les insignes de la Croix-Rouge,
voisins d'outre-Rhin sont habitués à voir circuler indiquant que c'était un, chien d'aveugle, on com-
les « privés de lumière » et leur compagnon^ et prit qu'il poursuivait un agresseur.
leur facilitent les choses dans la plus grande me- Déjà, le chien avait rejoint le voleur et l'avait
sure. C'est ainsi, par exemple, qu'ils les admettent terrassé. Ses dents aiguës étaient plantées dans le
gratuitement avec leur chien dans certaines voi- mollet de l'homme qui hurlait de douleur. On
tures publiques, tramways et autobus. réussit à séparer le voleur et la bête furieuse. Mais
L'autre nuit à Berlin, un aveugle, Frederick celle-ci sautait tout autour des gens et cherchait
Màyer, rentrait chez lui avec son fidèle ami à à reprendre le sac de son maître. Un agent de police
quatre pattes. A quelques pas de sa maison, il fut le lui remit, et aussitôt le chien fila comme une
attaqué par un malandrin qui lui enleva un petit flèche.
sac dans lequel il avait serré les quelques marks On le suivit en auto et on constata qu'il était
composant toute sa fortune. revenu près de l'aveugle, dans la main de qui il
Le malheureux appela au secours. La rue était avait remis son bien. Et il léchait affectueusement
déserte. Personne n'ouvrit les fenêtres aux alen- le visage de l'homme au regard éteint.
tours. Alors, en désespoir de cause, il lâcha son Le voleur aura sa peine doublée pour avoir
chien qui tirait furieusement sur la laisse. attaqué un aveugle.
Le bandit avait fui déjà depuis une bonne mi- Comment ne pas approuver cette sévérité ?
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j'ai pas confiance. Enfin on a bien raison de dire tionnée. Montée sur le marche-pied, elle avait
que l'amour est aveugle. murmuré :
Qu'il pressentît ou non cette hostilité, l'ingénieur — Ne descends pas, il ne faut pas rentrer. La
Diard n'en continuait pas moins à adresser à la police est venue. Je t'ai préparé une petite valise,
bonne femme, chaque fois qu'il passait devant sa que je vais te passer. Prends-la et sauve-toi. Je
loge, un petit bonjour familier. Il s'efforçait d'ail- tremble que la maison ne soit surveillée. Je vou-
leurs de se faire bien voir de tout le monde. Il avait drais te voir déjà loin.
déjà conquis le jeune Cuchet, — qui était doux et Une crispation avait tordu le visage de Landru.
sans malice, — et les deux ouvrières de sa fiancée, Ses mains avaient tremblé nerveusement sur le
qui appréciaient ses gâteaux. volant, puis, se remettant aussitôt, il avaitrépondu :
Lorsqu'il atteignait le cinquième étage, la porte — C'est bon. Donne-moi la valise, je file. Je te
s'ouvrait maintenant sans qu'il eût besoin de sonner. ferai savoir de mes nouvelles
On reconnaissait son pas. Il était attendu, car La valise, toute prête au bord du trottoir, avait
Mme Cuchet ne se lassait pas d'entendre murmurer passé des mains de la femme dans celles du mari,
à ses oreilles de jolis mots d'amour. Il savait si bien l'auto grise avait viré de bord et, fonçant en avant,
varier son répertoire ! avait disparu dans la nuit.
Il savait surtout, comme un comédien consommé, Landru avait accéléré l'allure tant qu'il s'était
jouer du geste et de l'intonation. Mme Cuchet, qui trouvé dans les rues de Malakoff, l'instinct de la
au début avait gardé, malgré tout, la tête assez bête traquée l'incitait à fuir n'importe où, droit
froide, commençait à en devenir folle. Elle tenait devant lui.
toutes prêtes, dans un tiroir, les pièces d'état civil Mais lorsqu'il s'était trouvé devant l'octroi, il
qu'elle devait fournir à la mairie pour la publica- avait hésité à entrer dans Paris, avait rangé sa
tion des bans. Malheureusement, les papiers de son camionnette le long du trottoir, dans une partie de
fiancé n'arrivaient pas. Pourquoi fallait-il qu'il les la chaussée peu éclairée, et s'était pris à réfléchir.
eût perdus, lors de son dernier voyage en Indo- L'alerte avait été chaude. D avait vraiment eu une
Chine, et fût obligé de s'en faire établir de nouveaux. fameuse chance aujourd'hui d'aller passer son
Elle se desséchait dans leur attente, mais, femme de dimanche à la campagne. Il eut un sardonique sou-
principes, n'en résistait pas moins aux instances de rire à songer que l'amour légitime et l'amour illé-
son fiancé et aux cantiques énamourés qu'il lui gitime l'avaient sauvé deux fois dans la même jour-
chantait pour la presser de lui accorder ses faveurs. née. Cet accès d'optimisme ne dura point, n n'y
Elle s'efforçait seulement, par ses moyens per- avait pas à se le dissimuler, la situation était pres-
sonnels, de hâter la solution qu'elle attendait. que désespérée. Il n'avait pour ainsi dire plus un
Sur ses instances, son beau-frère et son patron sou en poche, à peine de quoi acheter encore un
s'occupaient activement des papiers tant désirés. bidon d'essence. L'accès de son domicile légal
En vérité, le beau-frère, auquel Landru avait été lui était interdit, et celui du domicile de Mme Cuchet
présenté, ne semblait pas éprouver pour lui une ne lui était pas encore permis. Devait-il coucher
grande sympathie, mais il ne faisait rien pour à la belle étoile? Il réfléchit que ce ne serait pas
détourner sa parente d'un mariage qu'il jugeait une solution. Le même problème se poserait a
avantageux. l'aube du lendemain, comme il se posait à cette
Un matin, l'ingénieur vint annoncer à sa fiancée heure. Il lui fallait un gîte et des moyens d'exis-
qu'il avait découvert à la Chaussée, par Gouvieux, tence. Mme Cuchet était la seule personne qui pût
dans un site verdoyant, un petit pavillon char- le tirer d'embarras. Malheureusement, la gail-
mant, où ils pourraient aller passer leurs dimanches. larde ne lui avait pas laissé jusqu'alors prendre
Il n'attendait plus que l'agrément de l'intéressée barre sur elle, et son dernier échec était trop récent
pour l'arrêter d'une manière définitive. pour qu'il espérât qu'elle eût changé d'avis dans un
Le lendemain, qui était un dimanche, la camion- temps aussi court.
nette grise de l'ingénieur Diard, dans un bruit de Il soupira. A travers ses lectures mal digérées
ferrailles qui faisait à Mme Cuchet l'effet d'une et sa mentalité désaxée, il se faisait l'effet d'un mal-
musique paradisiaque, emportait les deux fiancés heureux poursuivi par un implacable destin.
vers Gouvieux. Décidément, il n'y avait plus d'espoir pour lui. Le
Avril fleurissait. Une herbe tendre verdissait plus simple n'était-il pas de renoncer à la lutte et,
dans les champs et sur les côtés de la route. La neige plutôt que de retourner en prison, de se jeter dans
odorante des aubépines vêtait les haies d'un man- la mort? L'évocation de la camarde le fit frissonner.
teau nuptial et la poésie débordait du cœur de Non, il n'avait pas envie de mourir. Il voulait
Landru. Il avait ralenti l'allure déjà lente de son vivre au contraire, et vivre libre, à n'importe quel
véhicule démodé et, ne tenant plus son volant que prix ! Alors, il n'y avait pas à hésiter. Un seul
de la main droite, enlaçait du bras gauche sa fiancée. moyen de salut s'offrait à lui : il fallait que Mme Cu-
Il laissait en même temps s'épancher les trésors chet fût à lui immédiatement. Ainsi il serait sauvé.
de sentimentalisme que contenait son âme. Cette FI pensa tout haut, tant la tension de sa pensée
poésie frelatée enthousiasmait à tel point l'honnête était grande :
Mme Cuchet, qu'elle en frémissait de la tête aux — Ça ne va pas être commode. Enfin ! à la grâce
pieds. de Dieu ou. du diable !
Elle était arrivée sans s'en apercevoir, tant le Comme s'il avait rêvé tout éveillé, le son de sa
voyagé lui avait paru court, à la Chaussée, devant voix lui fit peur. Mais, presque aussitôt, il se moqua
la petite maison repérée par Landru. Bien que celle- de lui-même et ricana intérieurement :
ci n'eût rien de très remarquable et fût même au — Je fais un bien pauvre Don Juan. Cette femme
contraire extrêmement modeste et peu décorative, est à moi par la tête, elle doit l'être par le reste. Il
elle s'était extasiée. C'était bien là un coin rêvé faut que je passe la nuit chez elle. Toutes les réflexions
pour leur idylle. On ne pouvait pas trouver mieux. sont vaines, en avant !
Le pavillon avait été loué, séance tenante, moyen- Et ayant remis son moteur en marche, Landru
RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉOENTS. — Landru, per-
sonnage louche et sans scrupules, traqué par la police, fait
nant la somme fabuleuse de quinze francs par franchit la barrière de l'octroi.
la connaissance de la veuve Cuchet. Il désire s'approprier mois. Quelques minutes plus tard, il traversait la place
les économies de cette dernière et, pour inspirer confiance à Au retour, Landru avait vainement tenté de pro- du Lion-de-Belfort et descendait vers la Seine. Dix
cette femme naïve, lui fait une cour pressante et la demande fiter de l'émoi sentimental de Mme Cuchet pour heures sonnaient, comme il stoppait devant le 67
en mariage. la décider à devenir sa maîtresse. Bien qu'elle fût de la rue du Faubourg-Saint-Denis. Il sauta en bas
sensible à ce printemps d'amour, elle s'était obsti- de son siège, tira la sonnette, s'engouffra sous la
nément refusée à couronner sa flamme, et, sage voûte, jeta en passant devant la loge de la concierge
CHAPITRE III comme Minerve, lui avait répondu en fredonnant un le nom « Cuchet », gravit l'escalier avec précipita-
LE PIÈGE.
fragment de la romance de la Marguerite de Faust : tion et sonna furieusement à plusieurs reprises.
— N'ouvre ta porte, ma belle, que la bague au De l'intérieur, une voix ensommeillée demanda
L'idylle de l'ingénieur Diard et de Mme Cuchet doigt. enfin :
suivait maintenant son cours paisible. Chaque jour, Landru avait dû se borner à la reconduire sage- — Qui est là?
et souvent deux fois par jour, la maison du fau- ment. Lorsqu'elle était descendue devant sa porte, D'un ton que l'émotion faisait trembler, Landru
bourg Saint-Denis voyait apparaître le délicat elle s'était arrêtée sur le seuil pour lui dire au revoir répondit :
fiancé, qui ne manquait jamais d'apporter des fleurs du geste. Il lui avait répondu en lui envoyant des — C'est moi, Émile.
ou des gâteaux. M. Émile, comme on l'appelait baisers à deux mains, petite scène qui avait fait — Mon Dieu, qu'y a-t-il? gémit la voix de
dans l'entourage de Mrae Cuchet, était devenu une hausser les robustes épaules de la sagace Mme Mme Cuchet.
figure familière de l'immeuble. Pelletier. — Ouvrez-moi, je vous en prie.
Il n'avait pourtant pas conquis la sympathie de A peine sa fiancée avait-elle disparu, que le front — Attendez au moins que je passe un peignoir.
la concierge, Mme Pelletier, qui disait de lui : de l'ingénieur Diard s'était rembruni. Appuyant — J'attends.
— Cet homme a une bobine qui ne me revient nerveusement sur l'accélérateur, il avait poussé son Trois minutes plus tard, le verrou était tiré, et
pas. Je ne comprends pas que Mme Cuchet songe à tacot en avant, pour regagner au plus vite Malakoff. M me Cuchet, les yeux bouffis de sommeil, entr'ou-
se marier avec un pareil macaque. Moi qui suis Il était presque neuf heures du soir lorsqu'il y vrait la porte. Landru pénétrait délibérément à
déjà vieille et qui n'ai jamais été jolie, je n'en aurais ■* était parvenu. Il se préparait à entrer au garage l'intérieur, tandis que la pauvre femme gémissait
pas voulu pour mari. Elle a beau me dire qu'il est quand une ombre agitée avait surgi à sa droite. à nouveau :
bon et délicat et qu'il fera une situation à son fils, Sa « légitime », qui l'attendait, semblait fort émo- — Qu'y a-t-il, mon Dieu, qu'y a-t-il?
La physionomie de l'ingénieur Diard, qu'elle Elle eut un sursaut et protesta : ces damnés papiers n'arriveront jamais. Puisque
avait toujours vue souriante, était en vérité fort — Vous ne parlez pas sérieusement? vous ne m'aimez pas assez pour m'appartenir
altérée. Il se laissa tomber sur un fauteuil sans - - Si sérieusement, que si je ne m'étais pas décidé que voulez-vous que je fasse?
mv
répondre. M Cuchet répéta d'un - Mais c'est de l'enfantillage l
ton angoissé. —- Peut-être, mais c'est un
r— Mon ami, qu'y a-t-il ? enfantillage bien douloureux* je
Landru ne répondit pas davan- vous assure. Tout à l'heure, quand
tage. Il avait laissé tomber sa tête vous m'avez quitté, j'ai souffert
sur sa poitrine et semblait en proie à en crier. J'ai essayé de me domp-
à un formidable accablement. ter, je suis parti droit devant moi
L'honnête,M me Cuchet se sentait comme un fou. Comment n'ai-je
envahie par une pitié à la fois écrasé personne, je n'en sais-rien.
amoureuse et douloureuse pour J'allais au hasard. Je me suis trou-
cet homme qui avait tout l'air vé sur les bords de la Seine, du
d'une épave. Elle lui tapota dou- côté de Bercy, à un endroit où
cement la joue et reprit : l'on décharge des bateaux et où il
— Remettez-vous, mon ami, n'y a pas de parapet. Je souffrais
remettez-vous, je vous en prie. tellement d'être privé de vous
L'ingénieur Diard continuait à que... Mais non, ne m'en deman-
Jie pas répondre à ces marques dez pas davantage.
d'intérêt. Il demeurait prostré — Mon Dieu, qualliez-yous
dans son fauteuil, où il semblait, faire ?
s'enfoncer davantage d'instant en "r-r Si votre image ne m'était
instant. Mme Cuchet reprit d'une pas apparue à ce moment pour
voix cette fois nerveuse, parce me défendre de faire le geste que
que le silence persistant de son j'étais en train d'accomplir, j'ap-
partenaire l'agaçait : puyais sur l'accélérateur et je sau-
— Mais enfin, m'expliquerez- tais avec ma voiture dans la Seine.
vous?
— Est-ce possible? Mais vous
— Eh ! gémit-il, en prenant sa êtes tout à fait fou, mon pauvre
tête dans ses mains, que voulez ami !
vous que je vous explique. Je — J'ai été plus fou encore quand
deviens fou.
j'ai pensé que vous me défendiez
— Ce n'est pas une explication. de mourir et que j'ai vu devant
Parlez, je vous en prie. Je sup-
moi votre image qui me tendait
pose qu'il a fallu une raison bien
les bras. Alors je suis revenu ici
puissante pour vous ramener cnez
comme un insensé. Pourquoi
moi à pareille heure, alors que
faire ?
nous venions à peine de nous
quitter. « Je n'en sais rien. Je dois m'en
aller. Il faut que je parte. Laissez-
— Ne me demandez rien. Je ne
moi partir.
me comprends pas moi-même.
Il se dressa, saisit à nouveau
J'aurais certainement mieux fait
son chapeau et, comme en proie
de suivre ma première idée. Tout
à une exaltation prodigieuse, se
aurait été fini et vous ne me fe-
rua vers la porte.
riez pas de reproches.
Mais déjà elle l'avait devancé
—■r Mais quelle idée ?
et de ses bras en croix la lui bar-
L'ingénieur Diard regarda sa
rait. Ils se heurtèrent, lui essayant
fiancée d'un air égaré.
de la déplacer, et elle s'agrip-
— Mais qu'avez-vous, mon Dieu,
■qu'avez-vous? insista-t-elle. pant à lui désespérément. Il y
eut une courte lutte entre eux,
— Rien, tenez, laissez-moi par-
tir. et ils se trouvèrent si mêlés, que,
moins de quelques secondes après,
— Pas avant que vous vous
soyez expliqué. ils roulaient ensemble, comme
Il se dressa en titubant légè- deux lutteurs qui ne peuvent pas
rement et répéta se séparer, sur un canapé qui se
— Laissez-moi partir 1 trouvait là, à point nommé, pour
Reproduction du fameux carnet amortir leur chute.
— Non I je ne peux pas vous
laisser partir dans cet état. Vous de Landru sur lequel te « Barbe Dans la rue, la camionnette,
Bleue » moderne inscrivait des toutes lanternes allumées, veilla
vous en irez tout à l'heure, quand annotations qui lui furent fatales
vous serez calme. jusqu'à l'aube sur leur première
et démontrèrent sa culpabilité. nuit d'amour.
L'ingénieur Diard murmura à
mi-voix : ( A suivre. ) JEAN FABER.
— Tout vaut mieux qu'une pareine vie. Quand on à monter chez vous, je serais certainement mort à
souffre trop et qu'on n'a plus le courage de souf- l'heure qu'il est. J'en ai assez des nuits que je passe DANS NOTRE PROCHAIN NUMÉRO :
frir, il vaut mieux renoncer à la vie. dans une solitude qui me rend fou. Je vois bien que LA MESSE DES GUEUX
PICKPOCKETS
JLES FLÉAUX SOCIAUX
MARCHANDES -
D AMOUR
CEUX DIT « MILIEU ». pourraient le signer sans avoir à y
changer un mot.
Ceux du «milieu». Expression néologique in- Cependant, un projet de loi sur la
ventée ces temps derniers pour désignerces messieurs prostitution se couvre de poussière
de la haute et basse pègre qui protègent de façon dans les cartons du Parlement, d'où
intéressée les marchandes d'illusions. il ne sera sans doute jamais exhumé.
Il n'y a pas bien longtemps encore, ces indési- L'article 4 dudit projet atteint direc-
rables étaient dénommés tout bonnement des tement le souteneur. Le voici :
souteneurs. Aujourd'hui, ils sont du « milieu » i Article IV. — Les hommes qui, sans
c'est, paraît-il, plus distingué. Et, pour eux, la moyens d'existence, sont convaincus de
justice a créé un délit nouveau : le vagabondage spé- vivre avec des prostituées soumises ou
cial. Va donc pour le « milieu » et pour le vaga- insoumises seront punis d'un emprisonne-
bondage spécial. Mais si les termes changent — ment d'un an à deux (ms de prison.
avec le temps, — les individus restent les mêmes. Le tribunal pourra, en outre, décider
Les régulières comme les irrégulières de la qu'à l'expiration de leur peine, ils seront
prostitution, qu'elles occupent une chambre sor- envoyés à la relégation. Il est de toute
dide ou qu'elles habitent un coquet appartement évidence qu'une loi sur la prostitution
meublé ; qu'elles « travaillent » sous les arcades devrait protéger les filles contre de tels indivi-
du Métro', à la Chapelle ou dans les salons luxueux dus, d'autant que plus on en diminuera le
d'une proxénète du Trocadéro ; qu'elles soient les nombre, plus on diminuera celui des mar-
pensionnaires d'une maison de sept heures ou chandes d'illusions et des maladies véné-
les habituées d'un music-hall ; qu'elles fréquentent riennes.
un dancing des Champs-Ëlysées ou un bal-musette En effet, la plupart des malheureuses qui
de la rue Lappe, toutes ou presque toutes sont sous descendent sur le trottoir y sont conduites
la domination d'un souteneur... pardon, d'un hom- par ces misérables qui, poùr trafiquer plus
me du « milieu », auquel elles obéissent aveuglé- sûrement de la chair humaine, se sont réunis
ment et à qui revient de droit la plusjorte part en une sorte d'association qui protège ses
de la recette journalière. membres contre les velléités d'indépendance
Ces femmes, ces malheureuses, serait-on tenté de leurs victimes. Voyons rapidement com-
de dire, se défendent généralement d'entretenir ment le souteneur opère. Dès que son « asso-
un amant de cœur. Elles vont même jusqu'à mé- ciée » a trop d'usage ou est morte à l'hôpital,
priser ostensiblement les camarades prises en fla- il cherche à la remplacer: pour cela, ils'adresse
grant délit de concubinage. Et elles disent bien le plus souvent à une petite ouvrière ou à une
haut pour être sincères : domestique, momentanément sans place, et
— Elles en ont une pochetée, les gonzesses qu'il juge pouvoir devenir un bon instrument
qui se crèvent la peau pour nourrir un type dont de travail.
le seul passe-temps est de perdre leur belle galette Il lui fait d'abord une cour assidue, dépense
aux courses ou aux cartes, quand il ne fait pas le avec elle sans compter l'argent prête par
micheton avec les copines. Sans compter les tor- l'association ou les quelques économies laissées
gnioles qu'elles encaissent si le pognon ne rapplique par la défunte. Il lui fait des cadeaux, la
pas à leur satisfaction. conduit au restaurant, au cinéma, au dancing;
Des phrases, rien que des phrasés qui cachent puis, un jour, il cherche à la décider à quitter
toujours la vérité. les siens afin d'avoir plus de temps pour lui
Et, comme il n'y a rien de nouveau sous le soleil, prouver son amour. Si la pauvrette, éblouie
le souteneur de 1930 est calqué de manière impres- par les manières doucereuses de son ami,
sionnante sur lesouteneurd'àutrefois. J'ai découvert accepte, c'en est fait d'elle.
en furetant dans les archives de la Préfecture de Deux ou trois jours après cette union
police, un mémoire du xvme siècle présenté à un libre, notre homme déclare qu'il n'a plus
lieutenant de police, qui fait ce double portrait d'argent et qu'il est en difficultés avec sa
de ces tristes sires et de leurs non moins tristes famille. Il pleure, il se désole et s'évertue
compagnes : à convaincre sa compagne que, si elle
... Elles ne peuvent pas se passer d'un protecteur ; voulait, oh ! pour quelques jours seule-
ordinairement, leur choix tombe sur le plus scélérat, ment, elle gagnerait la vie des deux en
afin d'inspirer plus de terreur aux autres et d'avoir attendant que les parents s'humanisent
un soutien envers et contre tous. Lorsqu'une fille et envoient de nouveaux subsides. Si la
a fait choix d'un souteneur, elle n'est plus maîtresse malheureuse résiste, c'est à coup de pied
de s'en défaire; il faut qu'elle l'entretienne dans sa et à coups de poing qu'il achève son argu-
paresse, dans son vice, dans son feu et dans ses dé- mentation. Et, à la nuit tombante, elle se
bauches avec d'autres filles, car il est de ces hommes hasarde sur le trottoir.
qui, sur leur réputation, en ont plusieurs à la fois; Les premiers jours, elle n'ose aborder
et, si elle ne peut plus résister à la tyrannie de cet le passant : mais l'homme du « milieu »
homme, il faut, pour s'en débarrasser, qu'elle en trouve est là qui la surveille et qui exige, après
un autre plus redoutable encore et, par cela même, chaque opération, le gain obtenu. Les
plus despote et plus tyran... débuts faits, la fille, devenue plus hardie,
Ne croirait-on pas que ce mémoire date d'hier. Les descendra seule dans la rue et, tous les
collaborateurs des services spéciaux de M. Chiappe soirs, apportera fidèlement à son protec-
v \'? /\
les errants, les vagabonds, les loqueteux,
tous les va-nu-pieds de la pègre, font soin, profère des menaces en tordant la
bouche.
partie d'une association mystérieuse et
redoutable et possèdent un langage con-
ventionnel qui s'est transmis, de géné-
s. Les deux traits trois fois barrés du
n° 5 sont expressifs. Attention à la po-
ration en génération, parmi les « pauvres lice ! veulent-ils dire Et le gueux rajuste
bougres », depuis la cour des Miracles. sa besace sur l'épaule et hâte le pas,
Certes, vous ne trouverez aucune trace lorsqu'il aperçoit ces signes à l'entrée d'un
de ce langage si pittoresque, si suggestif village.
dans les manuels officiels. Mais les gen- La belle miche ronde qu'évoque le
darmes, les gardes champêtres qui ont n° 61 En effet, ici, on donne à manger. Il
mission d'assurer tout particulièrement la y a la part du pauvre. Cette circonfé-
sécurité des campagnes, ont pu recons- rence est sympathique au pauvre errant
tituer, à l'aide de patients recoupements, qui n'a rien à se mettre sous la dent. Si les
ce procédé étrange de conversation entre ventres affamés n'ont pas d'oreilles, ils
gueux. ont des yeux pour découvrir.cette indica-
Tous les affiliés des bas-fonds sont tion.
unis par ce lien énigmatique qu'ils se Le n° 7 est un des plus suggestifs. Re-
transmettent fidèlement sans en rien chan- gardez ces trois petits ronds. Mais ce
ger, et qui facilite leur misérable existence,
en marge d'une société qui les pourchasse
ZO. s'ont des sous ! Ils en ont la forme et la
dimension. Et, en effet, dans cette ha-
et qu'ils haïssent. bitation, il y a de l'argent. Le locataire
L'été, en promenade à travers la cam- passe pour posséder un bas de laine bien
pagne où les grands prés chargés de garni : Alors, tous les espoirs sont permis.
moissons s'étendent à perte de vue,
n'avez-vous pas remarque, sur le mur
d'une ferme ou sur la palissade d'une
masure, de petits dessins comme les bam-
bins en tracent sur leurs premiers cahiers
de classe ?
■ t Comment obtenir un peu de cet argent ?
Les moyens sont laissés à l'imagination
du vagabond. Par la ruse, par la pitié ou
par la force ?
Les réactions du chemineau sont varia-
bles devant ces petits ronds. Paysan dont
Il y a là des circonférences, des angles la cassette pleine est enfermée dans l'ar-
droits et obtus, des bâtons, des cônes, en moire, méfie-toi ! Le n° 8 a la même signi-
un mot des graffiti aux hérioglyphes bi- fication, avec cette précision que s'il y a
de l'argent le propriétaire ne s'en dessaisit
jamais au profit des loqueteux. Avis 1
Le V du n° 9 fournit un intéressant
renseignement. Il y a dans cette demeure
4ï. VvV des gens au cœur pitoyable, mais, atten-
tion ! il s'agit de provoquer habilement
leur générosité, car on ne donne qu'aux
malades. Il faut se présenter en geignant,
en toussant, en haletant, en grelottant :
s. ^ if. « Ayez pitié, m'sieux, dames, d'un pauvre
Un vagabond fait signe à son compagnon de misère que la maison est bonne. Les graffiti
sont formels sur ce point.
vous hasardez pas à sauter la ligne de conduite que doit suivre le vagabond.
le mur : vous seriez reçus Il doit témoigner d'une grande piété, implorer la
d'une façon cruelle. charité au nom de Dieu, et même se signer hypocri-
Le n° 16 présente un cro- tement avant de tendre la main. Les locataires de
quis bien bizarre dont on a la maison sont dévôts.
cherché longtemps la défi- Comme on le voit, pas une rouerie n'échappe à
nition. Ce fut un véritable la pègre. Elle emploie toutes les ruses, tous les
rébus durant près d'un siècle. stratagèmes pour gagner malhonnêtement sa sub-
Il intéresse touf»particulière- sistance.
ment les voleurs : il indique Ce cercle que traverse un trait recourbé à son
en effet que les serrures ne extrémité (figure 22) suggère un moyen extrême :
sont pas à secret et qu'on il faut voler. Le fermier ne donne rien, mais avec
peut aisément les forcer. Il un peu d'adresse on parvient à chaparder une
décèle aussi la présence d'une poule, des œufs, des légumes. Il y a des chances
porte démantibulée qu'on pour que l'opération s'effectue sans dommages.
peut ouvrir d'une poussée. Le n° 23 est une combinaison des numéros 4 et 9.
Le n* 17 est bien curieux : Cet amalgame fournit une documentation assez
« Ici, veut-il dire, les femmes précise sur l'état d'esprit des habitants : il y a des
sont jeunes, aimables et femmes sensibles en cet endroit, et il faut savoir
ZZ* ....... sensibles à une galanterie. susciter leur pitié. Que les imaginatifs donnent
Elles se laissent enjôler. En libre cours à leur verve 1 C'est au plus malin qu'ira
Le gueux se trouve à présent édifié sur la mentalité des habitants de ce lieu. les prenant par les senti- la riche aumône. Les gueux ont heureusement plus
ments, on obtient bon souper, d'un mensonge dans leur besace.
bon gîte. Elles aiment les Le n° 24 et dernier est un sujet d'effroi pour les
ici à passer. On risque de laisser aux crocs du histoires. Gueux, faites-les rire, et l'on vous en
chien de garde un pan de pantalon ou de recevoir chemineaux qui fuient la maison portant ce signe,
sera reconnaissant. en crachant de haine, l'imprécation à la bouche.
quelques chevrotines de la part du propriétaire. Len°18 est catégorique : rien à faire ici. Le cercle
Il est prudent de passer son chemin sans essayer Ce cercle qui entoure ces deux petits traits indique
est barré d'une croix qui interdit tout espoir. que le propriétaire n'hésite pas à appeler la police
de « boire l'obstacle ».
Le n° 19 n'est pas moins caractéristique. Avec un dès qu'un individu suspect rôde dans les parages
Le n° 14 a la prétention de dessiner un réceptacle peu d'habileté, il se déchiffre très aisément. Il y a
Ici, il y a un abri pour la nuit. Cette indication n'est de son bien. Déguerpissez d'ici, pauvres hères !
un point dans un rectangle : traduisez : un poing. Voici l'explication des vingt-quatre principaux
pas à dédaigner, car la route est longue, brûlante Le propriétaire est brutal. Il n'entend pas qu'on
l'été, boueuse l'hiver, et pour, reposer ses pieds signes qui constituent le langage conventionnel
franchisse son seuil : le rectangle est bien clos. Si international qu'utilisent les centaines de mille
lamentables, le chemineau est heureux d'avoir un vous le passez, il y a le poing.
peu de paille et un toit au-dessus de sa pauvre de gueux qui, par le monde, vivent au détriment
face. Le n0/ 20 est plus rassurant pour le gueux chapar- d'autrui, en état de vagabondage, honnis des hon-
deur. Ces deux carrés sont de bon augure. Ils assurent nêtes gens et rejetés de toutes les sociétés, lèpre
Le n° 15 précise en les aggravant les indications que les propriétaires sont peureux. En fronçant le
des numéros 1 et 2 : les chiens ici sont très méchants. humaine qu'aucune civilisation n'est encore parve-
sourcil, en serrant son bâton dans la main, d'un air nue à faire disparaître.
Cette rangée de crocs ne laisse aucun doute. Gueux, agressif, on peut escompter une aubaine.
n'approchez pas trop près de laporte, la nuit, et ne La figure 21 est très expressive. La croix donne ANDRÉ CHARPENTIER.
.
MJË POISON BLANC (Suite de la page 9) drogue et, lentement, vint s'asseoir à notre table. même de façon à frôler le copain qui a pris le paquet et à
— Tu offres le Champagne? palper ce paquet. Pas d» doute, c'est de la drogue ! Au
— Un repaire d' « indics » peut-être? Sur notre réponse affirmative, elle commanda urte bou-
—: On ne sait pas... toucher, pas d'erreur.
Jacquot ne tenait pas à nous en dire trop. teille de bonne marque et brusquement demanda : « Alors on annonce à ces messieurs qu'ils sont «faits»,
— Vous êtes venus en chercher? et lés deux copains marquent le coup, demandant si on
L'établissement, de la rue Tholozé était un café comme... — Oui.
tous les autres cafés que fréquentent les citoyens à la ne pourrait pas s'arranger, que c'est la première fois,
— Pas pour ce soir, les amis. Demain, si vous voulez. qu'ils sont de bonne famille, et patati et patata.
bourse plate et quelques dames flanquées de leur messieiu-s. On doit m'en apporter une bonne provision. Ce qu'il y a
Jacquot s'était-il moqué de nous et nous avait-il donné « Naturellement, rien à faire. Tout le monde va au poste
de bon ici, c'est qu'on, ne se gêne pas. Seulement, hein, pas et là, le paquet ouvert, on constate qu'il contient un beau
cette adresse au hasard pour se débarrasser de deux jour- de bagarre ? Au premier chahut, le patron vous déporte...
nalistes vraiment trop curieux? morceau de filet de bœuf.
et c'est un costaud. « Et voilà, le tour est joué. Pendant toute cette comédie,
Nous le pensâmes tout d'abord.
En face de nous, pourtant, une assez belle fille, dont les Un éclat de rire retentit. Nous nous retournâmes. les vrais trafiquants ont eu le temps de se barrer avec leur
lèvres s'ornaient d'un sourire mi-aimable, mi-amer, nous — C'est la Niçoise qui fait encore des siennes, expliqua provision.
regardait avec des yeux de chien en porcelaine. notre invitée. OuL la blonde là-bâs au fond. Elle est Tandis qu'elle prononce ces derniers mots, la voix de la
piquée. Elle finira à Charenton. Quand elle se drogue trop belle brune est devenue pâteuse. La drogue commence son
Elle tenait de la dextre une eigarette éteinte et paraissait fort, elle pousse des hurlements et dit que des souris et
poser pour un peintre invisible. effet.
Après avoir contemplé cette étrange consommatrice, des rats lui courent après. Quelquefois, avec un coup de Nous restons silencieux pendant un bon moment ; puis,
nos regards fouillèrent les autres coins de l'établissement. siphon en plein blair, on arrive à la calmer. C'est la seule n'ayant plus rien à voir dans l'établissement, nous payons
Soudain, mon collaborateur me poussa du coude. qui soit à chahut dans la boîte. Seulement, allez donc de- notre Champagne et nous nous levons.
mander au patron delà vider. Rien à frire, c'est sa poule ! — Au revoir, ma belle.
Oui, le doute n'était pas possible : Jacquot ne nous avait
pas trompés, et nous étions bien entourés d'intoxiqués de La brune n'a pas répondu.
la basse classe. £.e coup au filet <fe bœuf — Au revoir, la belle.
Pour s'en persuader, il n'y avait qu'à examiner tous les La tête s'est relevée lentement, très lentement. Le regard
visages blêmes, gris-plomb ou jaunes qui nous entouraient, D'autres rires venaient maintenant d'éclater à notre nous a fixés, mais les yeux ne nous ont pas vus.
gauche.
ces physionomies hébétées dans lesquelles deux yeux de Quand nous arrivons à la porte, ce regard, sans quitter
fou ou d'endormi indiquaient que leurs propriétaires étaient — C'est le gros Jules. Il raconte le coup qu'a fait «■ La sa ligne, s'est radouci et l'intoxiquée sourit maintenant
sous l'effet de la drogue ou attendaient le pourvoyeur Poisse » à deux de la Mondaine. Ah! comment qu'il les a aux anges comme un nouveau-né.
habituel. eus !. Oui, deux inspecteurs qui se sont laissés faire au covp Demain cette femme sera folle.
Nous avons écrit tout à l'heure que, suivant l'indication de du biftec. Ils étaient jeunes dans le métier. Ecoutez biei- .. Comme on vient de le voir dans cette étude rapide, la
Jacquot, on ne se gênait pas rue Tholozé pour assouvir son « Quand vous vous sentez filé, s'pas, et que Vous atf°'* cocaïne est le poison qui ne pardonne pas.
vice. A ce propos, encore, nous comprîmes soudain que le gros à passer, vous vous entendez avec des copains qui on* Malgré la surveillance exercée à nos frontières, c'est
chasseur du Clodoche nous avait dit la vérité. pour travail d'attirer sur eux l'attention des flics. Les gars encore par centaines de kilogrammes que ce stupéfiant
discutent et l'un d'eux passe un gros paquet à l'autre qui pénètre chez nous.
Derrière le comptoir du café, à peine cachée par la porte met ce paquet dans sa poche en regardant si on a vu le
entr'ouverte donnant sur le lavabo, une belle fille brune, A l'heure où l'on veut une race forte, il faut, par tous les
mouvement. moyens, enrayer les ravages de ce fléau.
sachet ouvert, prisait de la cocaïne.
« Bon, pensent les inspecteurs débutants, voilà un type Les tribunaux ne seront jamais assez sévères dans la
L'opération terminée, elle vit notre regard et sourit. qui vient de passer un colis de « neige » à un copain ! Et nos
Elle nous regarda encore une fois après avoir déchiré répression du trafic de la coco. Ils devraient aussi dure-
en menus morceaux la feuille de papier ayant contenu la gars de la Mondaine viennent s'installer à coté jues deux ment frapper les intoxiqués que les trafiquants.
amis. Sans en avoir l'air, un des deux inspecteurs s'arrange JEAN KOLB et RAYMOND ROBERT.
LES EDMDAMNES A MORT La lecture du verdict
(Voir page
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et HALLUCINANT
OU UA U-DEEA SE
L'horrible spectacle du
condamné à mort qui, aux MÊLE A JLA VIE
Etats-Unis, entre dans ta
salle où doit avoir lieu Un volume à 12 francs.
l'exécution.
Collection L'ÉPERVIER
On sait qu'avant l'em- Éditions de
ploi de* la guillotine, la
peine de mort ' était ap- LA NOUVELLE REVUE CRITIQUE
pliquée de multiples fa-
çons : pendaison, supplice
de la roue, écartèlement, luiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
décapitation à la hache
ou au glaive, etc.
Le seul mérite de Guil-
lotin fut de demander DEMANDEZ
qu'on procédât aux exéeu-
tions capitales par un
moyen à la fois unique et
mécanique.
Au reste, même chez
nous, il est des exceptions,
ou plutôt une exception,
à la loi sur cette matière
En Allemagne, le bourreau se sert encore d'une hache.
13
les plus riches, la maison. Il appuya sur un bouton électrique dissimulé dans
s'opposaient net- la marqueterie d'un guéridon accoté au mur de l'antichambre.
tement à sem- Une nuée — je ne puis qualifier autrement le nombre
blable aventure. d'hommes que je vis — de collaborateurs apparurent sans
Ils en avaient as- faire de bruit. La majorité était composée d'Arméniens,
sez de la guerre... qui sont, on le sait, les ennemis mortels des Turcs. Mon
Ils venaient d'en chef distribua son rôle à chacun, et je fus stupéfaite par la
éprouver les hor- simplicité de son plan. Il s'agissait tout bonnement de
reurs et ne se guetter Léna, d'attendre qu'elle eût disparu dans le palais,
sentaient nulle de s'emparer de son chauffeur et son valet, que l'on rem-
envie de recom- placerait par deux de nos hommes. Quand l'espionne
mencer, du moins reprendrait place dans l'auto, elle serait conduite mon
pour quelque chef seul savait où !...
temps à venir. Il était deux heures du matin quand nous arrivâmes
Mais les Jeunes aux abords du palais du Sultan. Un Arménien se détacha
Turcs, comman- pendant que nous nous dissimulions dans une rue avoisi-
dés par En ver Pa- nante. Il revint bientôt :
cha, aspiraient à — Elle est déjà à l'intérieur, souffla-t-il.
rendre à leur pays Les deux hommes dorment sur le siège...
son prestige bien Je me trouvais avec le chef dans sa propre voiture. II
tombé depuis ses avait conservé son masque.
cuisantes défaites — Parfait, fit-il. A l'œuvre !
dans les Balkans, Nous avions encore deux hommes avec nous, en plus
et se persuadaient de l'Arménien. C'étaient ceux qui devaient remplacer les
qu'aux côtés de domestiques de Léna.
l'Allemagne « in- Ils se glissèrent comme des panthères et brusquement
vincible », ils re- sautèrent sur les deux formes endormies qui n'opposèrent
deviendraient aucune résistance. En dix secondes, c'était fait. Ils trans-
plus puissants que portèrent leur capture dans notre auto. L'Arménien se mit
jamais, en cas de au volant et fila se mettre à l'abri avec sa cargaison
conflagration eu- humaine. Pendant ce temps, nos deux autres collaborateurs
ropéenne... Telle revêtus des livrées s'installaient à leur poste. Mon chef
était la situation. m'expliqua :
Léna m'avait —■ Je vais me cacher dans son auto. Vous allez m'at-
montré, à deux tendre ici. Nous vous reprendrons en passant.
reprises, de gros- Frémissante, j'attendis, dissimulée dans l'encoignure
ses sommes d'ar- d'une porte. En allongeant le cou, je pouvais observer ce
Vue panoramique de Constantinople ; à droite, le Bosphore. gent qu'elle avait qui se passait là-bas.
ensuite enfermées Je vis une femme affublée de vêtements volumineux,
devant moi dans la tête et le visage dissimulés par des voiles épais, sortir
— Tu dis? II est parti en même temps que moi?... ; un coffret d'acier. par une petite porte et monter dans l'auto. Mon cœur
Son nez se pinça... Ses lèvres se serrèrent. Une inquiétude Elle prétendit tout d'abord qu'il s'agissait de subsides sauta dans ma poitrine. C'était fait !...
passa dans son regard... Puis elle me sourit à nouveau et me fournis par son amant. Mais à force de questions, en appa- Quand la voiture s'arrêta pour me prendre, je sautai à
caressa le bras : rence quasi stupides, elle haussait les épaules de commisé- l'intérieur avec prestesse et poussai un cri étouffé. Léna
— Je te demande pardon d'avoir réveillé si sottement ration, en me répondant. Je ne tardai pas à me convaincre Darbay était affalée, immobile. Je regardai mon chef avec
de tels souvenirs. Mais, au moins, tu sais maintenant que je que c'était un paiement effectué par le Doktor Rode, en angoisse :
ne suis pour rien dans sa*brusque disparition... Je comprends récompense de services rendus. —- Elle n'est pas morte, au moins?.».
pourquoi tu es ici... Je te jure que je ne l'ai jamais revu Ce Doktor Bode était un personnage fort dangereux. Il haussa les épaules et dit sèchement :
depuis que je t'ai dit adieu à toi-même dans les coulisses Le colonel Bridges m'en avait parlé. C'était lui le grand et — Je ne suis pas un assassin... Elle est tout simplement
de ce théâtre à New-York I endormie pour quelques heures.
Était-elle sincère? Je l'aurais cru, si je n'avais eu gravé Nous roulâmes pendant assez longtemps. Je crois que
à tout jamais dans la mémoire le souvenir de cette scène nous couvrîmes plus de vingt kilomètres dans la campagne
atroce... Brett, le visage décomposé en apprenant le brusque endormie. Nous arrivâmes enfin à une maisonnette dont
départ de Léna et m'abandonnant, moi sa fiancée, pour les vitres étaient éclairées, et à la porte de laquelle nous
se jeter à la poursuite de cette femme ! attendait un homme. Le chef descendit le premier. Je
Je fondis en larmes. Je sanglotai amèrement. Léna remarquai qu'il n'avait plus son masque, mais qu'en
m'avait prise dans ses bras et me murmurait des mots revanche une fausse barbe lui mangeait les trois quarts
consolateurs. Je ne la croyais pas... Je la haïssais davantage du visage. Avec l'aide des deux collaborateurs descendus
pour cette duplicité... Ah ! comme j'allais me venger avec du siège, il transporta le corps de Léna à l'intérieur de la
délices. maison.
Je décidai de la combattre avec ses proprés armes... Elle fut déposée sur un divan.
Je levai un visage attendri et lui dis : — Il faut la fouiller, ordonna le chef. C'est vous qui
— Je suis heureuse de voir que c'était un malentendu. allez vous en charger, continua-t-il en se tournant vers
Nous sommes amies à nouveau. moi. N'oubliez rien. Ni les talons, ni la doublure des vête-
J'ajoutai machiavéliquement, sachant que son seul ments, ainsi qu'on vous l'a enseigné 1...
point faible était l'amour de la flatterie : Après qu'il se fut retiré dans la pièce voisine, je com-
Je suis persuadée que, si tu l'avais voulu, tu n'aurais mençai ma besogne en tremblant. Je n'eus pas à chercher
eu qu'à lever le petit doigt pour le conquérir. Tu es irrésis- longtemps. N'ayant aucune raison de se méfier, Léna avait
tible... tout simplement enfoui son message entre sa blousette de
Au sourire reconnaissant et d'une incommensurable soie et son sein. Je l'apportai vivement au chef. Il était
vanité tout à la fois que m'adressa Léna, je compris qu'elle rédigé en caractères turcs, langue que ce dernier parlait
était tombée dans le piège. et lisait couramment.
Désormais, elle était perdue. Malheur à elle 1 «... Nous pouvons mobiliser trois cent mille hommes en
Elle m'avait pris l'homme que j'aimais !... Le moment juillet, complètement équipés et prêts à entrer en campagne.
était venu de payer sa dette. Je me charge de l'opposition. »
C'est dans cette cour sinistre que furent exécutés, à Constan- Pas de signature. Mais elle n'était pas nécessaire.
CHAPITRE VI tinople, la plupart des espions capturés. Le chef lut et relut plusieurs fois ce document alarmant
entre tous. Il réfléchit, puis.relevant la tête d'un air décidé,
il s'installa à une petite table, tira un bloc-notes de sa
PREMIÈRE MISSION. PREMIER SUCCÈS. l'unique organisateur du service d'espionnage allemand poche, en déchira une feuille et commença à s'exercer;
dans les Balkans. Il avait des centaines de collaborateurs pendant plusieurs minutes, à imiter l'écriture qu'il avait
Je revis Léna dès le lendemain. A partir de ce jour, nos sous ses ordres. sous les yeux.
relations devinrent quotidiennes. Elle paraissait contente Il se trouvait actuellement à Constantinople. Quand il fut certain de sa sûreté de-poignet, il écrivit
d'avoir retrouvé une ancienne camarade avec qui parler Lorsque je fus convaincue que Léna était l'instrument lentement :
de New-York et de ses succès passés. De mon côté, adoptant du Doktor Bode, je me rendis à l'hôtel de l'Europe pour « ... La Turquie ne peut entrer en guerre cette année. Elle
la ligne de conduite qui m'avait si bien réussi dès le début, m'y faire inscrire comme convenu avec mon chef. est totalement épuisée. Emprunt de un milliard obligatoire.
je m étais instituée le chantre, en quelque sorte, de la vani- Une demi-heure ne s'était pas écoulée — j'attendais Cessez tous messages jusqu'à nouvel ordre. On me surveille... »
teuse créature. Elle m'écoutait avec délices. * dans le salon de réception en feuilletant nonchalamment — Voici, me dit-il. Placez ce papier à l'endroit exact
— Tu dois en avoir des succès, ici !... Je suis persuadée des magazines — qu'un télégramme m'était remis. Il où vous avez trouvé l'autre... ( Voir la suite page 15. )
que les hommes se disputent pour toi... disait ceci :
— Tu ne crois pas si bien dire... Je n'ai qu'à jeter le « MM* Jardin
mouchoir. Ils se précipitent pêle-mêle au sens figuré comme est très souffrante.
au sens propre pour obtenir l'insigne honneur de le ramas- Pouvez-vous pas-
ser... Mais je n'ai que faire du menu fretin. Je vise beau- ser vers douze
coup plus haut... Ma fortune sera bientôt faite. Je suis heures pour la soi-
en relations avec l'homme le plus puissant du pays...Non... gner? »
pas le sultan... Un homme qui, s'il ne possède pas encore le C'était clair
pouvoir officiel, régnera bientôt en maître... comme de l'eau
— Ah? Vraiment?... Tu veux dire... déroche. Rendez-
— Enver Pacha, ma petite 1... Lui-même.. vous dans le jar-
Je jouai l'admiration la plus éperdue. Léna se rengor- din à minuit.
geait. Et moi je frétillais de joie. Car je savais maintenant Dès qu'il me
que je tenais cette femme à ma merci. Il ne me restait plus vit, le chef vint
qu'à préparer le piège auquel elle viendrait se prendre... à moi avec ani-
A vrai dire, Lena., Darbay ne se vantait pas. Tout le mation. Il sou-
pays, que dis-jc, toute l'Europe était au courant de son riait d'un air sa-
intrigue galante avec Enver Pacha. On n'ignorait pas non tisfait :
plus que ce dernier était le chef de l'opposition et comman- — Pas une mi-
dait aux Jeunes Tures, lesquels étaient tout dévoués à nute à perdre...
F Allemagne. Vous connaissez
Mais ce que l'on ne savait pas, c'est que Léna Darbay la date et l'heure
et Enver Pacha faisaient deux coups de la même pierre. de son prochain
Ils lilaient ensemble le parfait amour, mais n'en oubliaient rendez-vous avec
pas leurs intérêts. Enver Pacha ?
Léna Darbay était le messager d'Enver auprès des — Oui. Cette
Allemands, et, entre deux baisers, ils échangeaient d'im- nuit, à une heure
portants secrets. et demie du ma-
C'est grâce à Léna que les émissaires du Kaiser pouvaient tin. Elle entre par
donner leurs ordres. C'est grâce à elle qu'ils étaient au la porte de ser-
courant des moindres faits et gestes du gouvernement vice du Palais.
turc. — -Bien. Il faut
L'Allemagne comptait sur Enver Pacha pour inciter la capturer et cou-
le Sultan à se ranger de son côté en cas de guerre. Elle ne rt aître exacte-
négligeait rien dans ce but. ment la nature de
On pourrait se demander pourquoi l'Allemagne intri- ses négociations.
guait de cette manière, alors que, selon toute apparence, Je n'ai aucune
la Turquie était sa fidèle amie. idée du point où
C'est qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, précisé- elles peuvent en
ment. En réalité, le pays était divisé par deux factions. être.
La majorité, composée de Vieux Turcs rassis, prudents, et Il rentra dans Une des rues principales de Constantinople.
14
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