interne
écono ique
Dominiqu e Carreau
Patrick Juillard
Se édition
Droit
international
économique
Droit
international
économique
5e édition
2013
Dominique Carreau
Professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
Patrick Juillard
Professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
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pour l'avenir de l'écrit, particulièrement dans le domaine de
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INTRODUCTION ..........1
1. Périodiques
ACP Investissements CEE-ACP
AEM Accords environnementaux multilatéraux
AFDI Annuaire français de droit international
AGCS (GATS)
AGE Accord général d'emprunt
AITA Association internationale des transporteurs
aériens (ou IATA)
AJIL American Journal of International Law
Am. J. Comp. L. American Journal of Comparative Law
Ann. Can. de droit Int. Annuaire canadien de droit international
Ann. CDI Annuaire de la Commission du droit international
BYIL British Yearbook of International Law
CDE Cahiers de droit européen
CMLR Common Market Law Review
Col. J. of Trans. Law Columbia Journal of Transnational Law
Col. J. of World Bus Columbia Journal of World Business
DPCI Droit et pratique du commerce international
Gaz. Pal. Gazette du Palais
IBDD Instruments de base et documents divers (du GATT
puis de 1'OMC)
ICLQ International and Comparative Law Quaterly
IFLR International Financial Law Review
IFR International Financing Review
IHEI Institut des Hautes études internationales (Paris)
ILA International Law Association
ILM International Legal Materials
JDI Journal du droit international (Clunet)
JILE Journal of International Law and Economics
JIEL Journal of International Economic Law
JOCE Journal officiel des Communautés européennes
JWTL Journal of World Trade Law
JWT Journal of World Trade
LPA Les Petites Affiches
LPIB Law and policy in International Business
Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé
Rec. cours La Haye Recueil des Cours de l'Académie de droit international
de La Haye
X ABRÉVIATIONS ET SIGLES
2. Juridictions
Cass. Cour de cassation
CE Conseil d'État
CIJ Cour internationale de justice
CJCE/UE Cour de justice des Communautés européennes/
de L'Union Européenne
CPJI Cour permanente de justice internationale
CCD Conseil de coopération douanière
CHAPITRE 1
DROIT INTERNATIONAL
GÉNÉRAL ET DROIT
INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
Bibliographie
Tout approfondissement de cette question nécessite la lecture attentive — et critique
— du rapport présenté par R Weil, « Le droit international économique : mythe ou
réalité ? », au Colloque d'Orléans consacré au droit international économique ; on le
trouvera reproduit in «Aspects du droit international économique », Paris, Pédone,
1972, p. 3-34 ; G. Malinverni, « Le règlement des différends dans les organisations
internationales économiques », Leiden, Sijthoff, 1974, 251 p. avec une préface
de M. Virally est à lire avec le plus grand profit sur cette question plus limitée mais de
grande importance ; on trouvera nombre d'idées intéressantes dans le cours déjà ancien
de R Reuter à l'Institut des Hautes Études Internationales en 1952-1953 intitulé : « Le
droit économique international ». Pour une approche d'ensemble récente, voir Charles-
Emmanuel Côté, La participation des personnes privées au règlement des différends écono-
miques : l'élargissement du droit de porter plainte à l'OMC, Bruylant, Bruxelles, 200Z
Deux ouvrages généraux de langue française constituent d'importantes contributions
à l'étude de la matière. Il s'agit du recueil de textes et documents composés par B. Stern
et intitulé « Vers un nouvel ordre économique international », Éd. Economica, 1983, et
de l'ouvrage collectif publié sous la direction de P. Dailler, G. de la Pradelle, et H. Gherari,
« Droit international de l'économie », Paris Éd. Pédone, 2004. Deux cours ont été
professés, en langue anglaise, à l'Académie de Droit international, par le Professeur
I. Seidl-Hohenveldern : « International Economic Soft Law », Rec. cours La Haye 1979 - III,
t. 163 ; et « International Economic Law », Rec. cours La Haye 1986-III, t. 186.
En ce qui concerne le problème plus spécifique de l'élaboration de ce droit, on
renverra aux travaux de la SFDI au Colloque de Nice intitulé « Les Nations unies
et le droit international économique », Paris, Pédone, 1986, avec le rapport intro-
ductif présenté par P. Juillard. Voir aussi D. Carreau, «Le droit international éco-
nomique face aux crises », in Études offertes à Claude-Albert Colliard, Paris, Pédone,
1984, p. 105 s. ; ainsi que les contributions de Ph. Kahn, « Droit international
économique, droit du développement, lex mercatoria, concept unique ou pluralité
des ordres juridiques ? », M. Virally, « Un tiers droit ? Réflexions théoriques », in
Études offertes à Berthold Goldman, Paris, Litec, 1982, p. 97 s. et 387 s. et P. Juillard,
« Existe-t-il des principes généraux du droit international économique ? » in Études
offertes à Alain Plantey, Pédone, 1995, p. 243 s.
En langue anglaise, on peut recommander particulièrement, G. Schwarzenberg,
« The province and standards of international economic law. » ICLQ 1948, 402 et
2 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
« The principles and standards of international economic law », 117, Rec. cours La Haye
(1966, I), 5 ; F. Roessler, « Law, De facto agreements and declarations in international
economic relations », German Year Book of Int. Law. 1978, 27 ; I. Seidl-Hohenveldern,
«International Economic Law », Rec. cours La Haye vol. 198 (1986, III), 13.
En langue espagnole, Luis M. Hinojosa Martinez et Javier Roldan Barbero (éd.),
Derecho internacional economico, Marcial Pons, Madrid, 2010.
En langue italienne, A. Costa, Il governo et le regole dell'economia globale nell'era
deui meta-problemi, Aracine, Roma, 2009 ; G. Venturini (éd.), Le nuovo forme di
sostegno allo sviluppo nelle prospettiva del diritto internazionale, G. Giappichelli,
Torino, 2009.; F. Galgano et F. Marrella, Diritto et prassi del commerzio internazionale,
Cedam, 2010 ; Problemi e tendenze del diritto internazionale dell'economia, Libero
amicorum in onore di Paolo Picone, Editoria scientifica, Napoli, 2011.
1 Les relations économiques « internationales » ont existé de tout temps.
Elles ont précédé le corps de règles de droit qui devait les appréhender par
la suite. Ainsi Pillet, passant sous silence le rôle de l'État, est allé jusqu'à
affirmer à la fin du siècle dernier : « le commerce international est un pur
fait, mais un fait qui a donné naissance au droit international tout entier »
(RGDIP 1898. 72).
2 Le régime juridique des échanges économiques internationaux devait tou-
jours osciller entre le libéralisme et l'interventionnisme (voire le protection-
nisme) en fonction des doctrines dominantes et de la conception que les
États eurent de leur rôle en la matière.
3 Ainsi le xixe siècle fut-il dominé par les idées libérales des Adam Smith,
David Ricardo, John Stuart-Mill ou Jean-Baptiste Say qui plaidèrent avec suc-
cès la cause du libre-échange. De leur côté, les États se contentèrent d'assurer
le respect du contrôle des « règles du jeu » de l'époque en refusant d'intervenir
dans la conduite des relations économiques internationales. Selon la forte
expression de W. Ropke, il y eut alors une «véritable dépolitisation de la sphère
économique » (Economic Order and International Law, 86, Rec. cours La Haye
(1954, II), 204). Toutefois, même durant cet âge d'or du libéralisme écono-
mique, les tentations interventionnistes et protectionnistes demeurèrent : les
États-Unis, l'Allemagne et la France ne surent pas toujours y renoncer.
4 Les bouleversements entraînés par les deux guerres mondiales devaient radi-
calement transformer le cadre des relations économiques internationales.
L'État fit un retour en force sur la scène économique tant nationale qu'inter-
nationale, largement encouragé par la doctrine dominante de Lord Keynes.
5 De nos jours la tendance s'est inversée au profit du libéralisme écono-
mique, mais avec le maintien d'un fort interventionnisme étatique. Le
droit international économique contemporain ne cesse ainsi d'être tra-
vaillé par les forces contraires que sont le libéralisme et le protection-
nisme, qui se manifestent par le rôle plus ou moins étendu dévolu aux
États nations. Toutefois, depuis le milieu des années 1990, le phénomène
de la mondialisation sans cesse croissante de l'économie internationale a
DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET ÉCONOMIQUE 3
DÉFINITION DU DROIT
SECTION 1.
INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
6 Deux conceptions du droit international économique s'affrontent, l'une
de caractère extensif, l'autre de caractère restrictif.
7 Dans sa conception extensive, le droit international économique compren-
drait l'ensemble des règles qui régissent les opérations économiques de
toute nature, dès lors que ces opérations économiques se dérouleraient
dans un cadre plus vaste que celui de l'ordre juridique d'un seul État. En ce
sens, une vente internationale, conclue entre personnes ne possédant pas
leur établissement dans le même État, serait régie par le droit internatio-
nal économique.
8 Cette conception ne sera pas ici adoptée. Elle est en effet entachée d'un
vice fondamental : parce que son extension est illimitée, sa compréhen-
sion devient nulle. Car le droit international économique embrasserait
alors un ensemble de situations juridiques que caractériserait leur hété-
rogénéité les unes par rapport aux autres. Il couvrirait aussi bien les règles
du système international commercial, qui tracent le cadre général au
respect duquel sont tenus États et opérateurs, que les règles du commerce
international, qui régissent telle ou telle transaction particulière (vente
internationale, par exemple). La notion même de droit international
économique se diluerait dans cette pluralité de réglementations dont
chacune poursuivrait son propre objet et que ne relierait entre elles
aucune commune finalité.
9 Dans sa conception restrictive, le droit international économique serait
constitué par l'ensemble des règles qui régissent l'organisation des rela-
tions internationales économiques, c'est-à-dire, pour l'essentiel, des rela-
tions macro-économiques par opposition à des relations micro-écono-
miques. Ainsi, en ce sens, les règles du système international commercial
seraient des règles de droit international économique alors que les règles
de la vente internationale ne le seraient pas.
10 Cet ensemble de règles est couramment dénommé droit international
économique, bien que cette appellation soit trompeuse. Car ses sources ne
sont pas uniquement des sources de droit international. Certes, les sources de
droit international, non conventionnel et conventionnel, jouent un rôle
important dans la formation du droit international économique. Mais il
n'en faut pas pour autant sous-estimer la part qui revient aux droits
4 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
Mais c'est aussi l'adhésion de tous les États à un modèle économique, celui
du libéralisme, qui entraînera un degré croissant d'interpénétration entre
les économies : cette interpénétration ne peut se réaliser que par la réuni-
fication des différentes branches du droit international économique, et
par la soumission des États au droit ainsi réunifié.
L'ORIGINALITÉ DU DROIT
SECTION 2.
INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
18 On s'est souvent demandé si le droit international économique était une
discipline juridique de caractère réductible ou de caractère irréductible.
Plus précisément, c'est tout le problème des rapports entre le droit interna-
tional général et le droit international économique qui se trouve ainsi
posé : celui-là absorbe-t-il celui-ci, ou celui-ci se résorbe-t-il dans celui-là ?
Ainsi formulée, la question n'appelle qu'une seule réponse dénuée de toute
ambiguïté : le droit international général et le droit international écono-
mique sont hétérogènes l'un par rapport à l'autre ; et le droit international
économique ne constitue pas une différence spécifique dans ce genre
proche que serait le droit international général.
exécutif, soit même des décisions du pouvoir judiciaire, dès lors que ces
actes ont une incidence sur les relations macro-économiques entre États.
Ainsi, par exemple, la manipulation, par un État, de son taux de change ou
de ses taux d'intérêts relève, en principe, et sous réserve de ses engage-
ments internationaux, de sa seule compétence : nul ne niera, pourtant,
qu'une telle manipulation a une incidence directe sur les relations éco-
nomiques avec ses partenaires commerciaux. De la même manière, la
publication, par l'État, d'un code d'investissement, plus ou moins incita-
tif, voire plus ou moins dissuasif, reflète un choix souverain ; il n'échap-
pera pourtant à personne qu'une telle publication est destinée à avoir des
effets sur l'orientation des flux financiers. Ces actes unilatéraux des
États, pour être pris dans le cadre de leur ordre interne, sont des sources
de droit international en raison de leurs objectifs et prolongements éco-
nomiques internationaux.
27 Les sources purement internationales du droit international économique
en forment le noyau central. Ces sources sont soit des sources conven-
tionnelles, soit des sources non conventionnelles, et leur énumération
relève de l'étude du droit international général — même si l'on constate
que ces sources s'infléchissent au contact de la matière économique. Le
rôle des sources internationales du droit international économique est et
demeure considérable. Ainsi, les constructions systémiques qui ont été
élaborées, par la voie conventionnelle, après le second conflit mondial
— les accords de Bretton Woods créant le FMI et la Banque Mondiale, ou
plus récemment les accords de Marrakech instituant l'Organisation
Mondiale du Commerce — en portent témoignage. En outre, la forte
présence du phénomène coutumier se doit dès maintenant d'être notée en
raison de l'importance croissante qu'il joue dans le domaine des investis-
sements en particulier.
28 Indépendamment de ces sources nationales et de ces sources internatio-
nales, il existe des sources qui ne se rattachent ni aux ordres juridiques
nationaux, ni à l'ordre juridique international et que, pour cette raison,
faute d'une meilleure dénomination, on désigne génériquement sous l'ap-
pellation de sources de tiers ordre. Ces sources naissent de l'effort concerté
des opérateurs — et, plus précisément, des entreprises multinationales. Car
l'influence de ces sociétés dans les relations internationales économiques
est telle que leur effort concerté serait de nature à produire des effets
macro-économiques. Les exemples de telles situations sont nombreux et
d'importance croissante. Ainsi, l'entente entre les principales sociétés
pétrolières américaines et européennes — les « Seven Sisters » — a donné
naissance à une lex petrolea qui a réglé, durant trois décennies, l'exploita-
tion et la distribution des hydrocarbures à l'échelle planétaire. Ainsi, l'ac
ion des banques internationales a permis la création, puis le prodigieux
développement d'un marché monétaire et financier de caractère privé
(euro-devises et euro-obligations) à base cette fois-ci de véritables coutumes
DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET ÉCONOMIQUE 11
a. La source conventionnelle
33 De son côté, la source conventionnelle, si elle demeure fort importante
en droit international économique, a connu des adaptations significa-
tives : le bilatéralisme le dispute au multilatéralisme, les accords infra-
étatiques prolifèrent de même que les engagements non contraignants,
tandis que le phénomène de la modélisation conventionnelle se déve-
loppe fortement.
34 Certes, les conventions internationales jouent un rôle fondamental en
droit international économique, en ce qu'elles fournissent ses fondations
à l'ordre international économique. Les conventions multilatérales sont
en quelque sorte les piliers constitutionnels de cet ordre : les Accords
de Marrakech structurent le droit international du commerce, tout
comme les statuts du FMI, en leur temps, ont donné sa structure à l'ordre
international monétaire. Il n'y a guère que dans le domaine de l'investis-
sement international que le multilatéralisme, jusqu'à présent, n'a pas
prospéré. Mais là où le multilatéralisme ne prospère pas, le bilatéralisme,
lui, occupe la place : s'il n'y a pas d'accord multilatéral sur l'investisse-
ment, cela ne doit pas faire oublier les quelque 2 833 accords bilatéraux qui
avaient été conclus en la matière à la fin de l'année 2011 ( World Invest-
ment Report, op.cit., 2012).
34-1 On peut remarquer que, jusqu'à une époque récente, les accords bilatéraux
poursuivaient un objet unique : ainsi des accords de commerce, qui
DROIT INTERNATIONAL GÉNÉR L ET ÉCONOMIQUE 13
auraient été créées par des traités ; ils ne sont pas adoptés par le recours à
des procédures qu'aurait définies une Charte constitutive ; et, dès lors, ils
ne présentent pas le caractère d'obligatoriété qui s'attache habituellement
aux résolutions des organisations internationales. Ces actes informels, qui
résultent de la pratique intergouvernementale, ne peuvent donc être
considérés ni comme des actes conventionnels, ni comme des actes insti-
tutionnels. C'est bien là, encore une fois, mettre en lumière leur vraie
nature : celle d'actes sui generis.
42-2 Aujourd'hui, on ne saurait passer sous silence l'importance croissante des
actes unilatéraux de nombre d'organisations non gouvernementales comme
sources du droit international et qui manifestent la transnationalisation
marquée de ce dernier (v. en général, D. Carreau et F. Marrella, Droit inter-
national, Paris, Pedone, 11e ed, 2012, Ch. IX). Ce phénomène est particu-
lièrement perceptible dans l'ordre économique et financier - sans toute-
fois lui être propre. Le plus souvent, les normes posées prennent la forme
de standards (qui sont les « meilleures pratiques » - "best practices" - dis-
ponibles sur le marché) et qui, soit vont s'appliquer directement, soit (le
plus souvent) vont être transcrites expressis verbis par les États dans leurs
ordres juridiques nationaux. Ces « standards transnationaux » réalisent
ainsi une osmose entre ordre interne et international en apparaissant
comme des règles nationales par destination.
1. Le règlement judiciaire
46 La préférence que marque le droit international économique pour l'infor-
malisme par rapport au formalisme se traduirait, prétend-on, par une
certaine réticence vis-à-vis des mécanismes juridictionnels, que caractéri-
serait leur trop grande rigidité. Ainsi s'expliquerait l'un des traits caracté-
ristiques du droit international économique, à savoir son allergie au juge
international. L'expression mérite à tout le moins quelques explications.
S'agirait-il d'une incompatibilité entre juge international et matière éco-
nomique, le juge international n'ayant pas de la matière économique une
connaissance qui lui permettrait de trancher les différends s'y rappor-
tant ? Nombre de tribunaux internationaux, composés de spécialistes de
la matière juridique plus que de la matière économique, tranchent à lon-
gueur d'année et depuis des décennies, des contentieux d'ordre écono-
mique plus que d'ordre juridique. tel est le cas, notamment, de la Cour de
justice de l'Union européenne (ex. Cour de justice des communautés
européennes - CJCE). Et il n'est pas contesté que la Cour de justice ait
rempli son rôle dans l'interprétation et l'application du droit communau-
taire, qui relève pour l'essentiel, de la matière économique.
47 Il est vrai que les mots « Juge international » désignent les titulaires de
fonctions différentes. Stricto sensu, le juge international est le juge des
contentieux entre États souverains, qu'il tranche sur la base du droit inter-
national. En bref, en ce sens, le Juge international est juge des différends
interétatiques. Mais les différends économiques naissent rarement sous
les espèces d'un différend interétatique : à leur origine, ils se présentent
20 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
comme des différends entre opérateurs et États. Ce n'est que par l'exercice
de la protection diplomatique qu'ils se transmuent en différends interéta-
tiques. Mais nul n'ignore les risques qu'encourent les opérateurs lorsque,
par l'exercice de la protection diplomatique, leur réclamation se trouve
élevée au rang de différend interétatique (sur ce point, cf. « Les emprunts
russes. Aspects juridiques », sous la direction de P. Juillard et B. Stem,
Cahiers du Cedin, n° 16, Éditions Pédone, 2002). Allergie du Juge interna-
tional à la matière économique ? Ou, plus simplement, fuite des opéra-
teurs devant la protection diplomatique ? Où se trouve la cause véritable
du degré limité d'implication des Cours mondiales dans le contentieux
économique ?
48 Et, tout bien considéré, le degré d'implication du juge international dans
le contentieux économique est-il aussi limité qu'on ne cesse de l'affirmer ?
L'examen des activités de la seule Cour internationale de justice amène à
des conclusions plus nuancées, voire plus mesurées. Que constate-t-on, en
effet ? En premier lieu, que la Cour a été saisie d'un petit nombre de
contentieux économiques, sur lesquels elle n'a pas statué, parce qu'un
accord est intervenu entre les parties en différend (ex. : affaire de la société
Électricité de Beyrouth, France c. Liban, Ordonnance du 29 juillet 1954 ;
affaire de la Compagnie du Port, des quais et des entrepôts de Beyrouth et de
la Société Radio-Orient, France c. Liban, Ordonnance du 31 août 1960). En
deuxième lieu, qu'un certain nombre d'affaires importantes, qui soule-
vaient des problèmes de droit international, au sens traditionnel, n'en pré-
sentaient pas moins des aspects de droit économique, notamment en ce
qui concerne la protection du droit de propriété (ex.: affaire relative à
certains biens, Liechtenstein c. Allemagne, arrêt du 10 février 2005). Et, en
troisième lieu, la Cour a tranché au fond des affaires célèbres de droit
international économique, parmi lesquelles l'affaire de l'Anglo-Iranian
(Royaume Uni c. Iran, arrêt du 22 juillet 1952) ; ou l'affaire de la Barcelona
Traction (Belgique c. Espagne, arrêts du 24 juillet 1964 et du 5 février 1970).
En bref, la Cour internationale de justice n'est nullement étrangère à la
matière économique, comme le montrent, si besoin était, la récente affaire
Diallo (Guinée c. Congo, 24 mai 2007) et la récente affaire de l'usine de
pâte à papier du Rio de la Plata (20 avril 2010).
49 D'où vient alors cette réputation qui s'attache à la Cour internationale de
justice et qui fait d'elle un forum non conveniens en matière économique ?
Certes, on peut souligner que nombre de requêtes impliquant l'examen de
questions économiques devant la Cour ont été rejetées au stade de l'exa-
men des exceptions préliminaires (v. par ex., l'affaire de l'or monétaire,
Italie c. France, Royaume Uni et États-Unis d'Amérique, arrêt du 15 juin
1954 ; ou l'affaire relative à certains emprunts norvégiens, Suisse c. États-
Unis d'Amérique, arrêt du 6 juillet 1957 ; ou encore l'affaire de l'Hinterhan-
del, Suisse c. États-Unis d'Amérique, arrêt du 31 mars 1959). Mais surtout,
le grief qui est fait à la Cour est qu'elle n'est pas familière des réalités
DROIT INTERNATIONAL GÉNÉR L ET ÉCONOMIQUE 21
2. Le règlement arbitral
50 L'allergie au juge, supposée ou vérifiée, aurait suscité l'engouement des opé-
rateurs en faveur de l'arbitrage et particulièrement de l'arbitrage mixte,
entre opérateurs et États, qui permet d'éliminer les risques inhérents à
l'exercice de la protection diplomatique. Il est vrai que l'arbitrage a connu
un rapide développement dans les matières du droit international écono-
mique. On vante sa célébrité ; on souligne qu'il permet de porter des
affaires complexes devant des juges choisis par les parties à raison de leur
compétence ; on fait valoir que la discrétion dont s'entoure la procédure
sied bien à la confidentialité des affaires internationales. Ce sont ces rai-
sons qui seraient à l'origine du succès de l'arbitrage dans certains domaines
— et notamment dans le domaine du droit des investissements. Mais sont-
ce là de bonnes raisons ? les procédures d'arbitrage en matière d'investis-
sement ne signalent pas par une grande rapidité : l'examen de la compé-
tence est de plus en plus souvent disjoint de l'examen du fond ; l'utilisation
de procédures de type accusatoire peut entraîner un allongement considé-
rable des délais nécessaires à l'examen du fond ; et, surtout, en bien des
cas, la Sentence ne forme pas titre exécutoire, et reste soumise aux aléas
de l'exequatur et de l'annulation. Même l'argument tiré de la compétence
des tribunaux arbitraux est parfois remis en cause, et l'on fait valoir que
les arbitres sont plus souvent des spécialistes de l'arbitrage que des spécia-
listes du fond. Et surtout, la procédure d'arbitrage présente des inconvé-
nients qu'il ne faut pas négliger : l'absence de transparence, qui, dans des
matières qui touchent pourtant à l'intérêt public, ne permet pas d'assurer
l'information des utilisateurs, des consommateurs, ou de façon plus géné-
rale, des citoyens ; ou encore le manque de stabilité et de prévisibilité des
solutions arbitrales, qui nuit gravement à la sécurité juridique dans des
domaines aussi importants que celui de droit des investissements.
51 Et pourtant, le domaine du droit des investissements est l'un des plus for-
tement institués qui soient. Les textes conventionnels qui régissent les
droits des investisseurs et les devoirs des États sont très nombreux : à la fin
22 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
59 Cette dissociation entre les divers aspects d'un seul et même différend
permet une grande flexibilité et une grande adaptabilité des solutions. En
matière commerciale, il s'agit de rétablir les équilibres conventionnels en
faisant cesser le trouble qu'apporte le comportement ou les agissements de
tel ou tel membre à l'ordre juridique de l'OMC ; il faut donc, entre États,
trouver les modalités de rétablissement de ces équilibres. En matière d'in-
vestissement, il s'agit de réparer le préjudice qui a été causé à un investis-
seur ou à son investissement par la violation du dispositif de protection
conventionnelle : il faut donc que l'État qui est à l'origine de ce préjudice
indemnise l'investisseur qui l'a subi. On se situe là dans deux ordres diffé-
rents. Voilà qui explique que le règlement CIRDI ait été plus souvent solli-
cité par les investisseurs que le règlement OMC n'a été sollicité par les
États, lorsque le différend est à la fois un différend en matière d'investis-
sement et un différend en matière de commerce. Mais parce que les deux
modes de règlement n'ont pas le même objet, ils ne s'excluent pas l'un
l'autre, et il arrive qu'ils soient mis en oeuvre simultanément.
60 En bref, le développement du droit international économique exige que
l'on en revienne du bilatéralisme au multilatéralisme, du moins pour ce
qui concerne le règlement des différends. Mais, paradoxalement, ce retour
au multilatéralisme doit s'accompagner d'un respect des particularismes
qui caractérisent chacune des grandes branches du droit international
économique.
CHAPITRE 2
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
ÉCONOMIQUE ET ORDRE
INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
Bibliographie
On pourra utilement se référer aux ouvrages généraux suivants : le colloque
d'Aix-en-Provence de la Société française pour le droit international, « Pays en
voie de développement et transformation du droit international », Paris, Pédone,
1974, 311 p. ; colloque organisé par l'Académie de droit international de La Haye,
en 1968, « Les accords de commerce international », Sijthoff, Leiden, 1969,
374 p. ; W. Friedman, « The changing structure of international law », Stevens,
London, 1964, XVI, 410 p. et surtout les chapitres 6, 11, 13, 14 et 21 ; R. N. Gard-
ner, « Sterling-Dollar Diplomacy », 2 éd., 1969, Mc Graw-Hill, New York, XCV,
e
LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
SECTION 1.
ÉCONOMIQUE
61 À l'époque contemporaine, la société internationale économique présente
de nombreux points communs avec la société internationale. L'une et
l'autre sont fortement décentralisées. L'une et l'autre connaissent un faible
degré d'organisation. L'une et l'autre se développent bien davantage au
niveau régional qu'au niveau universel. L'une et l'autre sont marquées par
une profonde hétérogénéité de leurs composantes. Enfin, l'une et l'autre
connaissent une transnationalisation qui va croissant.
62 Mais les ressemblances s'arrêtent là. La société internationale écono-
mique possède une originalité propre à raison de son objet même. L'État,
dans la société internationale, n'est pas l'État dans la société internationale
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ET ORDRE INTERNATIONAL ÉCONOMIQUES 27
§ 1. Les États
63 Les États jouent un rôle essentiel dans l'agencement et dans le fonctionne-
ment de la société internationale économique. Il en est ainsi parce que les
sources du droit international économique, on l'a vu, sont en large partie
des sources internationales, c'est-à-dire des sources faites par les Etats et
pour les États. Ceux-ci apparaissent alors dans une double capacité — gou-
vernants, en ce qu'ils sont à l'origine de la norme juridique, et gouvernés,
en ce que cette norme juridique doit régir leur comportement. Mais le
droit international économique n'est pas seulement un droit interéta-
tique : les États, dans ce système, ne sont ni les seuls gouvernants, ni les
seuls gouvernés. Souvent, les personnes privées sont indirectement, si ce n'est
directement touchées par les règles posées par les États : il en va ainsi notam-
ment en ce qui concerne les restrictions commerciales et de change, le
statut économique de l'étranger et de ses biens ou le régime des investisse-
ments étrangers.
constater que la conciliation peut se révéler difficile entre les droits des
États, et, en particulier, leur droit à une libre détermination dans l'ordre
économique, d'une part, et les devoirs que leur impose le droit interna-
tional économique, qui suppose de leur part l'adhésion au modèle libéral,
d'autre part. Mais malgré la libéralisation généralisée qu'entraîne la
mondialisation, le droit international réussit à préserver une certaine
différenciation entre États à raison de leur niveau de développement éco-
nomique. Si le principe de l'égalité souveraine des États engendre néces-
sairement l'égalité des droits et des devoirs, et, par conséquent, l'unifor-
mité des règles régissant l'action des États dans l'ordre économique (1),
on constate néanmoins un certain infléchissement de ces règles au béné-
fice des pays en développement, au nom de l'égalité réelle par opposition
à l'égalité formelle (2).
L'égalité souveraine
65 L'égalité souveraine, chacun le sait, constitue le fondement des relations
interétatiques en matière politique. Il en va de même en matière écono-
mique : le droit international s'applique uniformément à tous les États,
quel que soit leur territoire, quelle que soit leur population, quelle que soit
leur forme d'organisation économique. Mais l'égalité souveraine rencontre
bien vite ses limites : la participation aux relations internationales écono-
miques exige l'acceptation des règles communes, qui dessinent les contours
de l'ordre international économique. Les règles communes, qui sont le
plus souvent d'origine conventionnelle, donnent sa transcription juri-
dique au modèle économique qui fonde cet ordre. Or, il n'existe plus
aujourd'hui, et pour la première fois dans l'histoire des relations interna-
tionales économiques, qu'un seul modèle, qui a éliminé tous les autres :
c'est le modèle du capitalisme libéral — autrement dit de l'économie de
marché.
66 Tous les États qui entendent donc participer pleinement aux relations
internationales économiques doivent donc manifester leur adhésion
à ce modèle, notamment en procédant aux adaptations internes et
externes qui assureront avec lui la compatibilité de leur propre sys-
tème économique. Cela suppose que l'ensemble des États s'oriente
vers la libéralisation du commerce international des biens et des ser-
vices, ainsi que des paiements internationaux liés à ce commerce ; et
quoiqu'à un moindre degré, vers la libéralisation de l'établissement et
de l'investissement. Les « gendarmes internationaux » chargés de
veiller à la pérennité du modèle unique — OMC en tête, mais aussi les
bailleurs de fonds que sont le FMI et la BIRD — prévoient les moyens
d'assurer le respect des règles communes par tous leurs membres.
Dans ces conditions, si l'égalité demeure, la souveraineté, elle, s'ef-
face progressivement.
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ET ORDRE INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 29
1. Définition
75 L'organisation internationale se définit comme une institution de caractère
le plus souvent permanent, fondée sur un traité dont la dénomination
particulière varie selon les cas — pacte, charte, statuts. Ce traité, qui est la
charte constitutive de l'organisation internationale, est conclu entre ses
États membres, et définit les missions dont elle est investie. Ces missions,
qui obéissent au principe de spécialité, doivent satisfaire un besoin d'inté-
rêt commun. L'organisation internationale, enfin, est dotée de la person-
nalité juridique, tant de droit interne que de droit international ; elle pos-
sède les organes et les pouvoirs qui sont nécessaires à l'accomplissement
des missions qui lui sont confiées par sa charte constitutive.
76 L'organisation internationale économique ne se distingue de l'organisation
internationale que par la nature des missions dont elle est investie, et qui
visent à la satisfaction des besoins d'intérêt commun dans le seul domaine
économique. À cet égard, le plus grand nombre des organisations interna-
tionales économiques opèrent dans le domaine commercial et dans le
domaine financier. Les organisations à vocation commerciale se ren-
contrent tant sur le plan mondial — l'OMC — que sur le plan régional —
l'ALENA, par exemple. De la même manière, les organisations à vocation
financière se rencontrent tant sur le plan mondial — le FMI ou la BIRD,
par exemple — que sur le plan régional — les banques régionales de déve-
loppement. Il n'y a guère que dans le domaine de l'investissement interna-
tional que les institutions se font plus rares. Les réalisations les plus
importantes se situent ici sur le seul plan universel — CIRDI et AMGI.
32 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
2. Classification
77 On sait qu'il existe plusieurs principes de classification des organisations
internationales. Mais il n'en est guère que deux qui présentent quelqu'in-
térêt dans le domaine économique : celui qui distingue entre organisa-
tions mondiales et organisations régionales (a) ; celui qui distingue entre
organisations non opérationnelles et organisations opérationnelles (b).
Mais quelques États importants n'y avaient pas encore accédé, et parmi
eux, l'Algérie, l'Iran, et surtout, un grand nombre de membres de l'an-
cienne Union Soviétique, tels que l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, le Kazaks-
tan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan (à l'exception toutefois des deux pays
les plus importants - Ukraine et Russie - qui devaient rejoindre l'institu-
tion de Genève, respectivement, en 2008 et 2012). L'OMC est donc bien
sur la voie de l'universalité. Mais il est clair qu'elle n'acquerra pas le statut
d'institution spécialisée des Nations unies. La raison de cet état des choses
est avant tout d'ordre politique. On sait que les États Unis, puissance
dominante sur le plan économique, entretiennent des relations contras-
tées avec l'Organisation des Nations unies. Si l'OMC devait devenir une
institution spécialisée, cela témoignerait donc d'un profond changement
d'attitude des Etats Unis vis-à-vis des Nations unies.
81 Les organisations régionales, tout comme les organisations mondiales, sont
des instruments de coopération économique. Mais il y a coopération et
coopération. Certaines organisations régionales se veulent ménagères de
la souveraineté de leurs États membres ; d'autres, telles que les Commu-
nautés européennes, crées en 1951 et en 1957, oeuvrent en faveur d'un
dépassement de cette souveraineté. Voilà pourquoi il n'est pas inexact
d'opposer, désormais, un régionalisme de coopération à un régionalisme
d'intégration.
82 Le régionalisme de coopération s'assigne une mission de portée limitée. Il
s'agit avant tout de promouvoir les échanges entre États membres par
l'établissement de solidarités économiques. L'établissement de ces solida-
rités économiques suppose, à l'intérieur de la zone considérée, que les
mouvements des divers facteurs de production fassent l'objet d'une cer-
taine libéralisation, dans un but de stimulation des échanges. Mais ce
régionalisme de coopération demeure respectueux des souverainetés :
son développement exige l'unanimité des Etats membres. Parce que, en
définitive, l'organisation de coopération ne leur impose aucune véritable
limitation de souveraineté, de nombreux pays l'ont mise en pratique,
quel qu'ait été leur niveau de développement économique. L'exemple
typique en est l'Organisation de coopération et de développement écono-
miques (OCDE).
34 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
fait, telles que le poids relatif de ses membres dans les relations internatio-
nales économiques, serait encline à donner à ces considérations de fait leur
traduction juridique, en pratiquant la pondération. Certaines organisations
internationales non économiques pratiquent la pondération. À la vérité, le
particularisme de l'organisation internationale économique se reflète davan-
tage dans deux principes d'action que l'on retrouve fréquemment dans leur
mode opératoire : la séparation du politique et de l'économique ; la liaison
entre conditionnalité et concessionnalité.
1. Définition
97 Le droit international permet, à partir d'une pluralité de sources, de forger
une définition de l'organisation internationale non gouvernementale —
0 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE
s'agit ici. Ces recommandations toutefois, ont fait l'objet d'un enrichisse-
ment progressif, par deux voies distinctes : d'une part, le mécanisme du
« réexamen » périodique, qui permet de faire le point sur l'effectivité de la
réglementation, et, le cas échéant, de la compléter sur tel ou tel aspect ;
d'autre part, le mécanisme de la clarification, forme d'interprétation qui
fournit les éclaircissements nécessaires à une bonne application de ces
textes.
124 La définition de l'entreprise multinationale est esquissée plus que précisée. La
forme juridique de l'entreprise est indifférente. Son capital peut être soit
d'origine publique, soit d'origine privée. Ce qui caractérise en réalité l'en-
treprise multinationale, c'est la réunion de trois éléments : l'existence de
plusieurs « établissements » dans des pays différents : l'existence d'un
« lien » entre tous ces établissements ; la capacité, pour un établissement,
d'exercer une « influence » importante sur les autres établissements. Le
terme même d'« entreprise multinationale » traduit donc une volonté de
neutralité : le substantif « entreprise » est utilisé de préférence au substan-
tif « société » pour couvrir à la fois les entités publiques et les entités pri-
vées ; le qualitatif « multinationale » est utilisé de préférence au qualitatif
« transnational » afin de récuser — implicitement plus qu'explicitement, il
est vrai — l'allégation selon laquelle ces entreprises se placeraient au-des-
sus des droits nationaux.
125 Les instruments de l'OCDE (principes directeurs à l'intention des entre-
prises multinationales, traitement national, stimulants et obstacles à
l'investissement international) se présentent comme un ensemble d'instru-
ments interdépendants. C'est dans ce caractère d'interdépendance que la
réglementation puise son équilibre : car il signifie que l'adhésion à un ins-
trument emporte l'adhésion aux autres instruments. Or ce triptyque com-
porte sa logique interne. Le premier instrument (principes directeurs à
l'intention des entreprises multinationales) définit les devoirs des entre-
prises multinationales vis-à-vis de l'État territorial, c'est-à-dire les droits
de l'État territorial vis-à-vis des entreprises multinationales. Le deuxième
instrument (traitement national) définit les droits des entreprises multi-
nationales vis-à-vis de l'État territorial — ou encore les devoirs de l'État
territorial vis-à-vis de l'entreprise multinationale. Les droits et devoirs
tant de l'entreprise multinationale que de l'État territorial s'équilibrant les
uns les autres, le troisième instrument (stimulants et obstacles à l'inves-
tissement international) en tire la conséquence, en préconisant l'élimina-
tion des obstacles et l'introduction de stimulants, de manière à encoura
ger l'investissement international.
126 Certes, la déclaration et les décisions de l'OCDE ne jouent que dans
un cadre limité, qui est essentiellement un cadre Nord-Nord. Mais la
déclaration précise que les États membres « envisageront » d'étendre le
traitement national aux entreprises qui sont contrôlées, directement
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ET ORDRE INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 49
EXISTE-T-IL UN ORDRE
SECTION 2.
INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE ?
137 Inhérente à la notion d'ordre est la notion de cohérence. Mais la notion
d'ordre international économique, envisagée sous l'angle de la cohé-
rence, est une notion ambiguë : signifie-t-elle que la seule cohérence est
la cohérence logique, ou signifie-t-elle que la cohérence est à la fois
logique et éthique ? En d'autres termes, l'ordre international économique
ne reflète-t-il qu'une logique économique, ou est-il, comme toute autre
construction juridique, influencé par des principes moraux qui en for-
ment l'armature ?
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ET ORDRE INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 53
155 Il est vrai que l'actuel système présente de graves déséquilibres. Il est tout
entier orienté vers l'efficacité économique, c'est-à-dire le plein-emploi des
facteurs de production. Or, prétend-on, la recherche de l'efficacité écono-
mique n'aboutit qu'à l'enrichissement des seuls opérateurs économiques
dont l'activité est génératrice de croissance ; mais elle entamerait corréla-
ivement une véritable dévastation de la planète entière. D'où les travaux
du Club de Rome, sur la nécessité de maîtriser le développement écono-
mique, afin d'éviter l'emballement du système. Ces travaux ont mis en
évidence l'exigence d'un développement durable et raisonnable — « sustai-
nable development » —, qui n'a pas encore, il est vrai, trouvé sa juste place
en droit positif. On pourra, toutefois, se référer aux critères élaborés par le
CTC (Center for transnational corporations) des Nations unies, en vue de
parvenir à un développement durable (1990), ainsi qu'à la Charte de la
CCI pour un développement durable (1991). Mais la recherche d'un nou-
vel équilibre a suscité d'utiles réalisations dans des domaines particuliers, tels
que la protection des travailleurs, la protection des consommateurs, et surtout,
la préservation de l'environnement.
156 C'est une contestation d'un autre ordre qu'expriment les « alter mondia-
listes ». Il s'agit de détruire et de reconstruire. Détruire un ordre injuste et
inéquitable, qui ne peut qu'enrichir les plus riches et appauvrir les plus
pauvres. Reconstruire un ordre qui substituera la solidarité à l'efficacité.
La contestation devient radicale, il ne s'agit plus de réforme, mais de révo-
lution : l'opinion publique internationale doit prendre la parole et le pou-
voir pour l'imposer. Ainsi commence à se développer un embryon d'ordre
parallèle, dont les principes sont antinomiques, mais qui ne trouve pas à
s'exprimer sur le terrain juridique. Cet embryon d'ordre parallèle dispose
déjà de ses relais : un certain nombre de pays d'Amérique latine, et un
certain nombre d'organisations internationales non gouvernementales
qui, les uns et les autres, remettent en cause l'ordre libéral. Mais celui-ci,
fort des succès engrangés, ne semble pas menacé par cette contestation.
PREMIÈRE PARTIE
L'ÉCHANGE
INTERNATIONAL
Bibliographie générale
Outre les références spécifiques qui apparaîtront au cours des développements
il convient dès maintenant de signaler des ouvrages et instruments de travail
d'intérêt général et qui seront cités par leur nom d'auteur ou selon des abréviations
convenues :
• Sur le GATT :
En langue française, l'ouvrage fondamental, et unique, est de T. Flory, le GATT,
droit international et commerce mondial, Paris, LGDJ, 1968 ; il conviendra de le
compléter par les chroniques de droit international économique (V° Commerce)
du même auteur, à l'AFDI de 1968 à 1996.
En langue anglaise, on pourra lire avec un égal profit, R. Hudec, The GATT legal
system and world trade diplomacy, Salem, Butterworth, 1990 et Enforcing international
trade law : the evolution of the modem GATT legal system, Salem, Butterworth, 1993 ;
J. H. Jackson, World trade and the law of GATT, Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1969.
• Sur l'OMC :
En langue française, T. Flory, L'organisation mondiale du commerce, Bruylant,
Bruxelles 1999 ; V. Pace, L'organisation mondiale du commerce et le renforcement
de la réglementation juridique des échanges commerciaux internationaux, Paris,
l'Harmattan, 2000 ; La communauté européenne et le GATT : évaluation des
accords du Cycle de l'Uruguay, sous la direction de T. Flory, Éditions Apogée, Rennes,
1995 (cité Colloque de Rennes) ; La réorganisation mondiale des échanges (pro-
blèmes juridiques), Colloque de Nice, SFDI, Paris, Pédone, 1996 (cité colloque
de Nice) ; Répertoire de Droit International, Dalloz, 3 vol., 1998 et, en particulier,
Commerce international multilatéral (droit matériel commun), et Système com-
mercial multilatéral (volet institutionnel) par D. Carreau, Négociations commer-
ciales internationales et Négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uru-
guay (1986-1993) par D. Carreau et P. Juillard ; pour une réflexion générale, voir
64 L'ÉCHANGE INTERNATIONAL
Le cadre institutionnel
commun
Bibliographie
• Sur les aspects institutionnels du GATT les ouvrages précités dans la biblio-
graphie générale de T. Flory en langue française et de Hudec et Jackson en anglais
permettent de s'en faire une bonne idée.
• Sur les aspects institutionnels de l'OMC, voir D. Carreau, Répertoire de Droit
International, op. cit. ; P. Eisemann, Le système mondial de l'OMC, in Colloque
de Nice, op. cit., p. 53 s. ; J. Lebullenger, L'Organisation mondiale du commerce, in
Colloque de Rennes, op. cit. p. 23 s. ; F. Roessler, The agreement establishing the World
Trade Organization, Colloque de Bruges, op. cit. p. 67 s.
• Sur les problèmes particuliers soulevés par l'application des Accords de Mar-
rakech, voir G. Burdeau, Aspects juridiques de la mise en oeuvre de l'Accord de Mar-
rakech, in Colloque de Nice, op. cit. p. 203 s. ; P. Didier, Les principaux accords de
l'OMC et leur transposition dans la Communauté européenne, Bruylant, Bruxelles,
1997 (ouvrage de référence) ; P. Mengozzi, The Marrakech DSU and its implications
on the international and European level, Colloque de Bruges, op. cit. p. 115 s. ;
T. P. Stewart (ed.), The World Trade Organization : the multilateral trade framework
for the 21st century and US implementing legislation, American Bar Association,
Washington DC 1996.
1. Faiblesses constitutives
165 Sept insuffisances congénitales se doivent d'être notées. Le GATT apparaît
comme une version tronquée de la Charte de la Havane. Il ne couvre que
le commerce des marchandises. C'est un accord provisoire qui devint défi-
nitif. Ce n'est pas un traité en bonne et due forme. Sa structure institu-
tionnelle est faible, sa représentativité est insuffisante. Il ne possède pas
effet direct dans l'ordre juridique des membres.
2. Faiblesses acquises
176 Au cours des ans, deux défauts majeurs et cumulatifs allaient apparaître
au sein du « système GATT ». D'une part, le régime juridique initial posé
par l'Accord général devait se fragmenter et donner naissance au phéno-
mène dit du « GATT à la carte ». D'autre part, cette « mosaïque » qu'était
progressivement devenu l'Accord général entraîna des effets très déséqui-
librés pour ses parties contractantes faute de réciprocité effective des
engagements souscrits.
a. Le GATT « à la carte »
177 Dérogations et accords latéraux 0 Une désintégration certaine du
« système GATT » apparut dès le milieu des années 50 pour s'accélérer
dans les années 70 en raison, d'une part, de la mise en place de larges
dérogations, puis d'autre part, de la conclusion d'accords latéraux visant des
secteurs particuliers.
178 Le premier démantèlement se produisit en 1955 lorsque le GATT accorda
aux Etats-Unis une dérogation majeure (waiver) leur permettant de res-
treindre leurs importations agricoles. À la suite de l'octroi de cette déroga-
tion, l'agriculture devait virtuellement sortir du « système GATT ».
Durant toute son histoire, le GATT devait exercer assez généreusement
cette compétence prévue pour des « circonstances exceptionnelles » (au
demeurant jamais définies) en accordant 115 dérogations aux parties
contractantes.
179 En outre et plus grave encore, la pratique de la conclusion d'accords laté-
raux négociés sous les auspices — si ce n'est avec la bénédiction — du GATT
allait accentuer sa désintégration. Le mouvement commença avec le sec-
teur des produits textiles dès 1961 pour culminer en 1974 avec l'Accord
Multifibres (AMF) : ainsi, des accords spécifiques successifs furent-ils
régulièrement mis sur pied contenant des mécanismes parfaitement
contraires à la lettre et à l'esprit de l'Accord général comme, par exemple,
la légitimation d'accords bilatéraux de restrictions «volontaires » aux
exportations. La conséquence en fut claire : le commerce des produits tex-
tiles (entendu au sens large et couvrant aussi bien les fibres naturelles que
synthétiques et les produits y afférents) sortit du régime de droit commun
posé par l'Accord général de 1947.
DU GATT À L'OMC 75
L'ORGANISATION MONDIALE
SECTION 2.
DU COMMERCE (OMC)
193 Plan 0 Ce manuel étant comme il se doit orienté vers la présentation du
droit matériel, les aspects institutionnels de la nouvelle OMC ne seront
abordés que de façon cursive et limitée à la présentation des seuls traits
caractéristiques nécessaires pour comprendre le bon fonctionnement du
nouveau système commercial multilatéral mis sur pied par l'Acte final
de Marrakech de 1994 (§ 1). Il conviendra ensuite de préciser les fonctions
qui lui ont été confiées dans le cadre juridique rénové du commerce inter-
national actuel (§ 2).
194 Sur le plan juridique, par rapport au GATT de 1947, 1'OMC comble un
certain nombre de ses faiblesses et lacunes. Elle constitue désormais une
institution économique cohérente bien que non exempte d'incertitudes.
3. Faiblesses de l'OMC
209 Deux faiblesses doivent ici être notées en raison de leur importance théo-
rique et pratique et qui constituent autant de lacunes (volontaires ?) de la
nouvelle institution : aucun droit dérivé n'est prévu, aucun effet direct
n'est envisagé.
était conforme à celle de pays tiers (et tel est le cas des États-Unis auquel
il était ici clairement fait allusion — point n° 43) et qu'elle était nécessaire
au nom de la réciprocité pour éviter « d'aboutir à un déséquilibre dans
l'application des règles de l'OMC » (point n° 45). Elle manifesta enfin une
déférence curieuse de la part d'un organe judiciaire à l'égard de l'interpré-
tation du Conseil qui, dans sa décision n° 94/800 du 22 décembre
1994 portant adhésion de la Communauté à l'Accord de Marrakech, avait
ns le onzième et dernier considérant dénié tout effet direct à « l'accord
instituant l'OMC, y compris ses annexes » en raison de sa « nature »
(point n° 48). (Sur cette affaire voir entre autres F. Berrod. La Cour de Jus-
tice refuse l'invocabilité des accords OMC : essai de régulation de la mon-
dialisation — à propos de l'arrêt de la Cour de Justice du 23 nov. 1999,
Portugal c. Conseil., RTD eur. 2000. 419). La Cour devait malheureusement
persévérer dans cette approche négative fondée sur des considérations
principalement politiques (désir de ne pas embarrasser les représentants
de la Communauté dans les relations commerciales multilatérales avec les
autres pays membres de l'OMC) dans sa décision Parfums Christian Dior
mettant en cause une disposition contenue dans l'Accord ADPIC (ou
TRIMS) (v. ss 1016).
En dépit des fortes conclusions contraires de son avocat général (et tel
était également le cas dans les affaires précédentes), la CJCE devait main-
tenir son analyse au regard cette fois-ci des recommandations et décisions
de l'organe de Règlement des Différends (ORD) de l'OMC (Aff. C.93/02.P ;
arrêt de la Cour en assemblée plénière du 30 sept. 2003, Rec. 2003.1.10565,
Établissements Biret et Cie SA c. Conseil de l'Union européenne) ; ainsi, en
droit communautaire, les décisions de l'ORD ne sauraient entraîner l'ap-
plicabilité directe du droit de l'OMC de sorte que les particuliers ne sau-
raient s'en prévaloir pour obtenir une indemnisation. Dans son arrêt
solennel Léon Van Parys du l mars 2005 (car rendu par la Grande
er
chambre) la Cour entendait mettre fin à la controverse une fois pour toute
en confirmant ses positions passées — et l'on ne peut encore que le regret
ter avec l'avocat général Tizzano qui avait rendu des conclusions contraires
(Aff. C.377/02). Elle s'exprima de la façon péremptoire suivante :
« Il est de jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur
économie, les accords de l'OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au
regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communau-
taires » (Point n° 39).
§ 2. Fonctions de l'OMC
215 L'OMC apparaît, selon les mots même de sa charte constitutive comme un
« cadre institutionnel commun » (1) pour le commerce international. Elle
est également l'enceinte unique pour les négociations commerciales mul-
tilatérales (2) tandis qu'elle est parfois chargée de la gestion directe de
certains mécanismes communs (3).
se trouvent dans une double situation hiérarchique qui devra être respectée
par les organes de l'OMC en cas de conflits de normes juridiques. C'est
ainsi qu'au sommet de l'édifice se trouve l'accord relatif à l'OMC elle-
même (art. XVI (3)). En outre, en cas de conflit entre une disposition du
« GATT 1994 » et une autre contenue dans un accord commercial multilaté-
ral, c'est cette dernière qui l'emportera, la première étant considérée
comme lex generalis et la seconde comme lex specialis (v la note interpréta-
tive générale relative à l'Annexe I A). C'est ici l'application — unique en
droit international — de cette règle bien connue dans l'ordre interne en
matière d'interprétation d'obligation juridiques contradictoires : specialia
generalibus derogant.
Bibliographie
Le règlement des litiges commerciaux - d'abord au sein du GATT puis aujourd'hui
au sein de l'OMC - n'a cessé d'inspirer la doctrine. Parmi une littérature considé-
rable, on recommandera particulièrement :
• pour le GATT : E. Canal-Forgues, L'institution de la conciliation dans le cadre
du GATT, Contribution à l'étude de la structuration d'un mécanisme de règlement
des différends, Bruxelles, Bruylant, 1993. L'ouvrage est fondamental ;
• pour l'OMC : E. Canal-Forgues, Le système de règlement des différends de
l'OMC, RGDIP 1994. 689 ; Le système de règlement des différends de l'Organisation
mondiale du commerce, in Colloque de Nice, op. cit. 281; Le règlement des diffé-
rends (OMC), Encyclopédie Dalloz, Droit International.
Y. Renouf, Les mécanismes d'adoption et de mise en oeuvre du règlement des
différends dans le cadre de l'OMC sont-ils viables ? AFDI 1994. 776. Le règlement
des litiges, in Colloque de Rennes, op. cit. 41. Garantir des « droits de la défense »,
quelques remarques préliminaires sur la nécessité de développer des règles de pro-
cédure dans le règlement des différends de l'OMC, Colloque de Nice, op. cit. 293.
F. Roessler, Évolution du système de règlement des différends du GATT/de l'OMC,
Colloque de Nice, op. cit. 309.
H. Ruiz Fabri, Chronique annuelle du règlement des différends à l'OMC au
Clunet depuis 1997 ; du même auteur, L'appel dans le règlement des différends de
l'OMC, Clunet 1999. 47 ; La juridictionnalisation du règlement des litiges écono-
miques entre États, Rev. de l'arb. 2003. 881 ; Le juge de l'OMC : Ombres et lumières
d'une figure judiciaire singulière, Clunet 2006. 40. E. Canal-Forgues et Th. Flory,
GATT/OMC éd., Recueil des contentieux, Bruylant, Bruxelles, 2001. E. Canal-
Forgues, Le règlement des différends à l'OMC, Bruylant, Bruxelles, 3e éd., 2009,
p. 161.
En langue anglaise, on recommandera l'ouvrage d'E. U. Petersmann (éditeur),
The GATT/WTO Dispute settlement system, Nijhoff Laws specials 23, Kluwer, 1997.
De nombreux articles en ce domaine sont également régulièrement publiés dans
le Journal of International Economic Law (JIEL), et pour une appréciation critique
du nouveau système : Richard H. Steinberg, Judicial law making at the VV.T.O. : dis-
cursive, constitutional and political constraints, AJIL 2004. 247 et C. D. Ehlermann
et N. Lockhart, Standard of review in W.T.O. Law, JIEL 2004. 491.
W.J. D avey, Dispute settlement system : the first yen years, JIEL 2005. 17. M. Bronc-
kers et N. Van Den Brock, Financial compensation in the WTO : Improving the remedies
of VVTO dispute settlement, JIEL 2005. 101).
229 Plan 0 Le mécanisme de règlement des différends semble avoir été l'objet
d'une sollicitude particulière de la part des concepteurs comme des rédac-
teurs des Accords de Marrakech, si l'on en juge par la complexité de cette
92 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
construction élaborée. Tant il est vrai qu'il est et demeure difficile de régler
des problèmes économiques en recourant à la méthode juridique.
Les solutions — souvent peu limpides — retenues par la nouvelle OMC
(Section 2) ne peuvent se comprendre que par rapport à l'expérience passée du
GATT qui, tout en étant novatrice, avait aussi montré ses limites (Section 1).
transmis au Conseil du GATT, à charge pour ce dernier d'en tirer les conclu-
sions de son choix et, éventuellement, d'autoriser des contre-mesures de la
part du pays victime d'un préjudice commercial (une telle situation ne se
produisit qu'une seule et unique fois dans toute l'histoire du GATT).
§ 2. Un blocage progressif
236 Si, initialement, ce mécanisme très informel donna satisfaction, tel ne fut
plus le cas à partir des années 1980. Nombre de rapports de « panels » ne
purent être adoptés par le Conseil du GATT faute de consensus (qui était
alors le mode « coutumier » de prise de décision), la partie « perdante » ne
manquant pas de s'y opposer, chaque partie contractante disposant alors
d'un droit de veto. En outre, même en cas d'adoption, les recommanda-
tions contenues dans les dits rapports étaient rarement suivies d'effet.
Enfin, ces difficultés finirent par mettre en péril la crédibilité du méca-
nisme lui-même dans la mesure où le nombre de différends ne cessait
d'augmenter et surtout d'impliquer les principales puissances écono
miques (CEE, États-Unis et Japon) tout en butant sur les blocages précé-
dents qui en empêchèrent le règlement.
L'ORGANE DE RÈGLEMENT
SECTION 2.
DES DIFFÉRENDS (ORD) DE L'OMC
238 Le dispositif central : le mémorandum d'accord Le « Mémoran-
dum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des diffé-
rends » annexé à l'OMC (cité « Mémorandum d'accord ») n'a cessé d'être
singularisé comme étant l'un — si ce n'est le principal — apport des négo-
ciations du « Cycle de l'Uruguay ». Sans doute, par rapport à la situation
prévalant à l'époque du GATT, les progrès sont-ils certains ; on demeure
toutefois loin de l'établissement d'une véritable juridiction commerciale
internationale.
Pour l'essentiel, il s'agit d'un mécanisme général — ou transversal —
administré par un Organe de règlement des différends (ORD) placé sous
le contrôle du « Conseil Général » de l'OMC, même si l'ORD a son propre
président et peut établir son propre règlement intérieur (art. IV.3 des sta-
tuts de l'OMC). Les décisions qu'il sera amené à prendre se feront par
consensus (art. 2.4 et note I). En outre, nouveauté importante pour éviter
les blocages du passé, les rapports tant des « groupes spéciaux » (panels)
(art. 16.4) que surtout de l'Organe d'appel sont considérés comme adoptés,
sauf si l'ORD décide de ne pas le faire mais seulement par voie de consen-
sus — cette procédure ayant été justement qualifiée de « consensus néga-
tif », ce qui élimine les « vetos » antérieurs (art. 17.14 du Mémorandum
d'accord et v. ss 236).
De surcroît, ce nouveau mécanisme multilatéral présente le gros avan-
tage d'être exclusif des instruments nationaux de défense commerciale du
type de la section 301 et surtout de la « section super-301 » des Trade Acts
américains de 1974 et 1988 (art. 23 du Mémorandum d'accord). C'est là
un nouvel et notable exemple de la primauté du droit international du
commerce multilatéral posé par les Accords de Marrakech qui ont ainsi
LE MÉC NISME DE R GLEMENT DES DIFFÉR ND 95
1. Un mécanisme inter-étatique
241 On observera que le mécanisme de règlement des différends, en tous ses
éléments, se présente comme un mécanisme interétatique. A priori, cette
constatation ne devrait pas surprendre. Les Accords de Marrakech sont
conclus entre États. Ils créent une organisation internationale de type
96 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
3. Un mécanisme global
251 Procédures générales Le Mémorandum d'accord sur les règles et pro-
cédure de règlement des différends se veut un instrument global. En d'autres
termes, les règles et procédures que prévoit le Mémorandum s'applique-
ront à l'ensemble des différends nés des Accords de Marrakech — sous
réserve des exclusions et précisions qui résultent de l'article le r. À cet égard,
les Accords OMC sont classés en trois catégories.
O LE CADRE INSTITUTIONNEL COMMUN
252 La première catégorie est celle des Accords commerciaux multilatéraux visés
par l'appendice 1 et auxquels les règles et procédures définies par le Mémo-
randum s'appliquent dans leur intégralité. Cette première catégorie com-
prend les deux Accords institutionnels, c'est-à-dire l'Accord instituant
l'OMC et le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant
les règlements des différends. Elle comprend également l'ensemble des
accords « matériels », portant sur le commerce des marchandises
(Annexe 1. A), sur le commerce des services (Annexe 1 B) et sur les ADPIC/
TRIPS (Annexe 1 C). Le Mémorandum d'accord s'applique ipso jure aux
différends nés de ces Accords. Mais il faut noter que se trouve exclu de la
première catégorie l'Accord relatif au mécanisme d'examen des politiques
commerciales (Annexe 3), bien qu'aux termes de l'article 11.2 de l'Accord
instituant l'OMC, cet Accord soit intégré à la catégorie des Accords com-
merciaux multilatéraux.
253 La deuxième catégorie comprend quatre Accords commerciaux plurilatéraux
(maintenant réduits à deux). Le Mémorandum d'accord ne s'applique pas
ipso jure à ces accords commerciaux plurilatéraux. L'appendice I, in fine,
subordonne, en effet, cette application à une manifestation de volonté.
Les parties à chaque accord commercial plurilatéral adopteront, en effet,
une décision qui, d'une part, assujettira cet accord au Mémorandum et,
d'autre part, déterminera les modalités particulières de l'application du
Mémorandum à cet Accord. L'OMC n'intervient pas dans cette détermi-
nation. Mais si les modalités particulières de règlement que déterminent
ainsi les parties à l'Accord commercial plurilatéral aboutissent la création
d'une règle ou procédure nouvelle, alors, cette règle ou procédure nouvelle
devra être notifiée à l'ORD, puisque c'est en définitive à lui qu'il revient de
mettre en oeuvre le Mémorandum.
254 Procédures spéciales 0 La troisième catégorie comprend les accords,
autres que multilatéraux ou plurilatéraux, qui contiennent des règles et
procédures spéciales en matière de règlement des différends. Le Mémoran-
dum d'accord s'applique ipso jure à ces Accords, qui sont visés à l'appen-
dice II. Mais la coexistence entre deux mécanismes de règlement — c'est-
à-dire, d'une part, le mécanisme général tel qu'il résulte du Mémorandum
d'accord et, d'autre part, les mécanismes spéciaux tels qu'ils résultent des
accords visés à l'appendice II —, peut être à l'origine de conflits entre règles
et procédures. Le Mémorandum d'accord fournit donc quelques directives
pour résoudre ces conflits. La première directive est de caractère impéra-
tif : en cas de conflit entre procédure générale et procédure spéciale, la
procédure spéciale prévaudra sur la procédure générale. Il se peut, toute-
fois, qu'un seul et même différend exige interprétation et application à la
fois d'un accord visé à l'appendice I et un accord visé à l'appendice II. C'est
ici qu'intervient la deuxième directive : les parties devront alors tenter de
s'entendre sur le choix des règles et procédures applicables. Si elles n'y par-
viennent pas, le Président de l'ORD, dans les conditions fixées par
LE MÉCANISME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS 101
ne sont pas invocables en justice (autrement dit, elles ne possèdent pas d'effet
direct au profit des justiciables) pas plus d'ailleurs - et c'était la question
centrale de l'espèce - qu'elles ne sauraient servir de fondement à l'engage-
ment de la responsabilité extracontractuelle de l'Union européenne en cas de
non-respect. En creux, c'était clairement la question de la nature même du
mécanisme de règlement des différends commerciaux au sein de l'OMC
qui était posée ; et il apparaît on ne peut plus clairement au vu tant des
conclusions de l'Avocat général que de ces deux arrêts de la Cour que l'ORD
ne ressort pas de l'ordre juridictionnel niais relève de la négociation intergouver-
nementale classique. Si, on l'a déjà fortement signalé (v. ss 174-175 et 211 s.),
de sérieuses réserves méritent d'être apportées à l'analyse des juges
de Luxembourg sur la portée du « droit OMC », le refus de reconnaître un
caractère juridictionnel au mécanisme de règlement des différends ne
peut, lui, qu'être pleinement approuvé.
Étapes
Mesures
(jours)
Consultations, bons offices, conciliations
60
ou médiation du directeur général de l'OMC
1
Établissement d'un groupe spécial 30
1
Remise du rapport du groupe spécial 180-270
1
Adoption du rapport du groupe spécial 60
« délai
Mise en oeuvre des recommandations du rapport
raisonnable »
LE MÉC NISME DE R GLEMENT DES DIFFÉR ND 5
.1-
À défaut d'application des recommandations :
- demande de rétorsion 20
- autorisation de la rétorsion 30
- arbitrage final 60
Durée totale minimum d'une procédure 420
Durée totale maximum d'une procédure 670
dans le Système OMC ne sont donc pas éloignés les uns des autres. Ce
commencement de comparaison, toutefois, atteint rapidement sa limite.
Dans la pratique juridictionnelle des pays continentaux, l'effet dévolutif
de l'appel est de remettre en question la chose jugée par la juridiction du
premier degré, afin qu'il soit à nouveau statué, tant en fait qu'en droit (v.
par ex., l'art. 561 du Code français précité). Rien de tel dans le méca-
nisme OMC, où l'effet dévolutif de l'appel se restreint considérablement :
« l'appel sera limité aux questions de droit couvertes par le rapport du
groupe spécial, et aux interprétations de droit données par celui-ci ».
(Mémorandum d'accord — art. 17 § 6). La procédure d'appel, telle que
définie dans le cadre OMC, se rapproche donc plutôt de celle de la cassa-
tion, telle que la connaît le droit français et dans laquelle le pourvoi ne
tend qu'à faire censurer la violation des règles du droit qu'aurait commise
les juridictions inférieures.
L'organe d'appel se refusa ainsi toujours à réexaminer la détermina-
tion des faits effectués par les « groupes spéciaux » : les questions fac-
tuelles relèvent de leur seul domaine. En revanche, la qualification juri-
dique de ces dits faits relève du contrôle et de la compétence de l'organe
d'appel (v. par exemple le Rapport du 16 janv. 1998 dans l'affaire « Mesures
communautaires concernant les viandes et produits carnés » (hormones)
(§ 132) ainsi que celui du 23 septembre 2002 dans l'affaire précitée Chili
— Mesures de sauvegarde appliquées à l'agriculture où il est affirmé que
« l'appréciation de la compatibilité ou de l'incompatibilité d'un fait ou
d'un ensemble de faits donnés avec les prescriptions d'une disposition
conventionnelle donnée est une question de qualification juridique » qui
ressort de l'organe d'appel, § 224).
266 L'organe d'appel ne prononce pas un arrêt. Il présente un rapport, qui
contiendra ses constatations, recommandations — et, le cas échéant, ses
suggestions (art. 19 du Mémorandum d'accord). Quel est le destinataire
de cette présentation ? C'est l'ORD. Et à quelles fins cette présentation est-
elle faite ? Aux fins d'adoption par l'ORD. Ainsi se confirme le rôle de
l'ORD, qui n'est pas seulement de veiller à l'administration du mécanisme
de règlement des différends, mais aussi de superviser la légalité et l'oppor-
tunité des solutions que dégagent les rapports de l'organe d'appel. Cette
seule observation justifie que l'on dénie la qualification d'organe juridic-
tionnel à cette dernière instance, même s'il fonctionne selon des règles qui
rappelleront les règles de la procédure contentieuse.
Dans ce contexte, un intérêt particulier s'attache à l'autorité de l'analyse
contenue dans les rapports de l'organe d'appel au regard des travaux des
Groupes spéciaux. Si cette importante question n'a pas été abordée par le
Memorandum d'accord afin de maintenir un bien utile « clair-obscur »
quant à la nature du nouveau mécanisme de règlement des différends, elle
n'avait pas posé de difficulté particulière jusqu'à un proche passé (juin
2008) : en effet, les Groupes spéciaux avaient traditionnellement situé
leurs analyses dans le cadre de la « jurisprudence » fixée par l'Organe
LE MÉC NISME DE R GLEMENT DES DIFFÉR ND 9
s'agit en l'espèce d'une mesure qui aurait été illégale si elle n'avait pas elle-
même été prise en réponse à un acte original illégal — ce qui est la défini-
tion même de la représaille ou contre-mesure). Inutile de dire qu'une telle
situation est étrangère à une application satisfaisante de la règle de droit
et à l'idée même d'état de droit. Dans les faits, cette procédure a été peu
appliquée, moins de dix affaires ayant donné lieu à la mise en oeuvre de
ces « contre-mesures ».
On notera de surcroît, complication supplémentaire, que le niveau de
la suspension proposée qui doit « être équivalent au niveau de l'annula-
tion ou de la réduction des avantages » peut être soumis à arbitrage pour
détermination finale (art. 22, al. 6 et 7 du Mémorandum) ce qui ne fait
qu'allonger la procédure (que ce soit dans l'affaire des « Bananes » ou des
«produits carnés» par exemple, les arbitres ont nettement révisé à la
baisse les prétentions des parties demanderesses en les diminuant de plus
de moitié).
Encore faut-il noter que les contre-mesures autorisées, pour être effi-
caces, puissent avoir un certain caractère dissuasif en incitant le pays dont
la législation a été condamnée à la modifier au plus vite. C'est ainsi, par
exemple, que lorsque le fameux Amendement Byrd à la législation anti-
dumping américaine fut déclarée illégale en janvier 2003 (v. ss 597) et que
les États-Unis s'abstinrent d'y mettre fin en temps opportun (le
27 décembre 2003 au plus tard), les contre-mesures autorisées par l'OMC
en septembre 2004 avaient toute chance de ne produire aucun effet (au
moins rapide) compte tenu de leur modicité : en effet, l'Union Européenne
était autorisée à percevoir un «droit d'imposition additionnel» ne repré-
sentant que 72 % des ristournes versées chaque année au titre de cet
« Amendement Byrd » (celui-ci prévoit le reversement des droits anti-
dumping et compensateurs perçus par le U.S. Treasury au profit des entre-
prises américaines victimes de pratiques de dumping ou de subventions
étrangères et... ayant été à l'origine des poursuites !) (v. The Economist,
4 septembre 2004, p. 73). Après bien des atermoiements, cet amendement
Byrd fut abrogé par le Congrès en février 2006 pour prendre effet à comp-
ter du l'octobre 2007 date à partir de laquelle les droits perçus iront au
Trésor des États-Unis.
Dans la même veine mais cette fois-ci dans le domaine des services,
tout l'enjeu ainsi et surtout que les limites de ce mécanisme de rétorsions
croisées apparurent en pleine lumière dans « l'affaire des jeux et paris » qui
opposa Antigua aux États-Unis au milieu des années 2000 (v. en particu-
lier H. Grosse Ruse-Khan, A pirate of the Caribbean ? The attractions of sus-
pending TRIPS obligations, JIEL 2008. 313 et v. ss 937).
Recours alternatif à l'arbitrage. Dans le même ordre d'idées, comment ne
pas noter ici la conception pour la moins curieuse de l'arbitrage telle
qu'elle découle du rôle assigné à cette institution judiciaire classique
comme méthode alternative de règlement pouvant se substituer à la pro-
cédure ORD de droit commun (art. 25 du Mémorandum d'accord) ? Si les
112 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
§ 3. Bilan et perspectives
269 Jusqu'à présent, l'ORD a connu un succès certain du moins si l'on en juge
d'un simple point de vue quantitatif (1). Mais il demeure des interroga-
tions fondamentales qui conditionneront l'avenir de ce mécanisme (2).
270 Au 1" novembre 2012, 452 différends avaient été portés devant l'OMC, le
rythme des nouvelles affaires oscillant entre 20 et 40 par an, avec une
LE MÉC MSME DE R GLEMENT DES DIFFÉR ND 113
Bibliographie
• Sur les méthodes et principes de négociations on renverra aux ouvrages généraux
précités de T. Flory, R. Hudec et J. H. Jackson ainsi qu'au Répertoire de Droit Inter-
national, V° Négociations commerciales internationales par D. Carreau et P. Juillard.
• Sur le « Kennedy Round », voir J. B. Rehm, Development in the law and institu-
tions of international economic relations : the Kennedy round of trade negotiations, AJIL
1968. 403 ; G. Testa, « Le Kennedy Round. Quelques aspects juridiques », AFDI
1968. 605.
• Sur le « Tokyo Round », voir D. Carreau, Les négociations commerciales mul-
tilatérales au sein du GATT : le « Tokyo Round » (1973-1979), CDE 1980. 145.
• Sur « l'Uruguay Round », outre les ouvrages collectifs cités précédemment,
voir J. Kraus, Les négociations du GATT, CCI, Paris, 1994 ; International law asso-
ciation, Committee on international trade, rapport aux conférences de Buenos-Aires
(1994), Helsinki (1996) et Taipei (1998) ; La régulation juridique des espaces
économiques : interactions GATT/OMC, Union européenne, ALENA, sous la
direction d'A. Bideau, Les chemins de la recherche, Programme Rhône-Alpes,
n° 33, Centre Jacques Cartier, 1996 ; Répertoire de droit international, op. cit.,
Négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay, par D. Carreau et
P. Juillard. On consultera aussi avec le plus grand intérêt les rapports parlemen-
taires français de grande qualité à l'Assemblée Nationale par M. Hoguet (nos 679 de
1993, 1066 de 1994, 1713 de 1994 et 2948 de 1996) au Sénat de M. Delaunay
(n° 84 de 1993), de M. de Villepin (n° 157 de 1994) et de M. Pluchet (if 158 de
1994) ainsi que le rapport au Conseil Économique et Social de M. O. Giscard
d'Estaing de février 1996.
• Sur le nouveau « Doha Round », JIEL, Part. II, Quick impressions of the Doha
Results, 2002. 191 s. Et voir le dossier spécial qui lui est consacré in Rapport de
l'OMC sur le commerce mondial 2003.
278 Ancienneté des accords commerciaux 0 Les relations commerciales
sont immémoriales. Pendant longtemps, elles se sont déroulées dans un
contexte purement inter-individuel sans encadrement collectif exté-
rieur. Or, dès le xne siècle, sont apparus les ancêtres de nos traités de
commerce bilatéraux contemporains sous forme d'accords entre
monarques accordant à leurs sujets - en général sur une base réciproque
- des traitements particuliers, en général de faveur, en matière d'établis-
sement et de droits de douane. Ainsi, dès cette époque, le mécanisme de
la clause de la nation la plus favorisée avait déjà été inventé et mis en
pratique.
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 119
devront être libéralisés (voire devenir libres) dans des conditions égales
pour tous les participants et sur la base d'avantages mutuels. Cela est vrai
aussi bien pour les versions régionales (telle l'OECE en 1948 ou les intégra-
tions économiques d'aujourd'hui comme l'ALENA ou le Mercosur) qu'uni-
verselles du multilatéralisme.
LE GATT/OMC
SECTION 1.
COMME CENTRES DE NÉGOCIATIONS
COMMERCIALES MULTILATÉRALES
283 Même si, théoriquement, elles conservent valeur de droit positif au titre
du « GATT 1994 », nombre de dispositions concernant le fondement, l'ob-
jet — voire les méthodes de négociations — apparaissent comme dépassées
avec l'entrée en vigueur de l'OMC le t janvier 1995. En revanche, l'essen-
er
287 On notera que, comme à l'époque du GATT, ces négociations n'ont impli-
qué qu'un nombre limité de membres de l'OMC (aux environs de la moitié
ou parfois moins encore). Or, encore comme à l'époque du GATT, ce qui a
été négocié par une minorité d'États membres de l'OMC (en réalité les
États principalement intéressés comme exportateurs ou importateurs de
ces services) bénéficiera à la totalité d'entre eux sans qu'il leur soit demandé
la moindre concession en échange. C'est ici une nouvelle manifestation
du phénomène si souvent noté du « free ride » (de la course gratuite) qui
est inhérent au jeu de la clause de la nation la plus favorisée de type
inconditionnel.
§ 3. Méthodes de négociation
291 L'Accord général de 1947 était très imprécis en la matière tandis qu'il ne
portait que sur les droits de douanes (v. les art. XXVIII et XXVIII bis 2a). La
pratique se chargea des ajustements nécessaires : en matière douanière, la
méthode de réduction devint linéaire tandis que, dans le domaine non-
tarifaire, les obstacles singularisés pour être réduits ou éliminés étaient
choisis par les parties contractantes intéressées qui, seules bien entendu,
allaient participer aux négociations ; mais, comme auparavant, le bénéfice
des mesures de libéralisation était étendu à toutes les parties contrac-
tantes, d'où la situation bien connue du « GATT à la carte » qui ne cessa
de se développer (v. ss 177 s.).
Afin de faciliter la tenue des négociations, une convention sur le « sys-
tème harmonisé de désignation et de codification des marchandises » fut
négociée dans le début des années 1980 pour entrer en vigueur en 1988.
C'est cette nomenclature unifiée qui sert à l'établissement des listes de
concessions négociées tout d'abord au sein du GATT puis maintenant de
l'OMC. Ce système harmonisé qui inclut la grande majorité (mais non la
totalité) des membres de l'OMC ne fait pas formellement partie des
accords de Marrakech de 1994. Néanmoins, l'organe d'appel de l'OMC
devait estimer que cette convention présentait un « lien étroit» avec
lesdits accords de Marrakech et que, à ce titre, elle constituait une réfé-
rence pertinente aux fins de leur interprétation (v. par exemple le rapport
du 12 sept. 2005, Communautés européennes — Classification douanière des
morceaux de poulet désossés et congelés, WT/DTS269/AB/R et VVT/DS286/
AB/R, § 194-199).
292 En bref, cet empirisme qui régna en maître du temps du GATT régira égale-
ment le choix par l'OMC des méthodes de négociation. Rien de nouveau
par rapport au « GATT 1947 » n'existe ici dans le « GATT 1994 ». Ce sera
encore aux conseils de gestion décentralisés de l'OMC d'adopter les
méthodes appropriées sous le contrôle des organes de tête de l'OMC (en
réalité, le Conseil Général, art. IV (5)).
Pour prendre l'exemple concret des services, le « GATS » prévoit que le
processus de libéralisation progressive reprendra à partir de l'an 2000 pour
continuer «périodiquement par la suite » (art. XIX (1)). Ce sera au Conseil
du GATS de fixer les « lignes directrices et les procédures de négociations »
(art. XIX (3)), lesquelles pourront revêtir la forme bilatérale, plurilatérale ou
multilatérale (art. XIX (4)). On trouve des dispositions analogues dans les
divers «Accords commerciaux plurilatéraux» annexés à l'OMC. Toutefois,
cette souplesse et le pragmatisme qui caractérisent ce système de gestion
décentralisée des négociations commerciales multilatérales ont leur limite :
124 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
quel que soit leur cadre, ces négociations doivent se dérouler dans le respect
de principes fondamentaux communs.
1. Réciprocité et non-réciprocité
294 Le concept de réciprocité se trouve à la base du droit des obligations, qu'il
soit interne ou international. Il s'agit là d'un legs bien connu du droit
romain : do ut des. Le droit international économique d'une façon générale
et le droit international du commerce en particulier en constituent des
terres d'élection. Toutefois, un consensus devait se dégager au cours des ans
pour en limiter la portée en fonction des niveaux de développement des
États. Aujourd'hui, la réciprocité ne joue plus que dans les négociations
entre égaux et c'est le principe inverse de non-réciprocité qui régit mainte-
nant les négociations avec les pays en développement.
• La réciprocité comme principe régissant les négociations entre pays
d'égal développement
295 Le GATT hier et l'OMC aujourd'hui font de la réciprocité le principe cen-
tral de toutes les négociations commerciales en déroulant en leur sein et
sous leurs auspices. Cela est vrai, qu'il s'agisse des « cycles » (rounds) de
négociations multilatérales ou des négociations plurilatérales ou encore
des renégociations ponctuelles à la suite de modifications de concessions
initiales (v. le préambule ainsi que les art. XXVIII (2) et XXVIII bis (1) de
l'Accord général de 1947 qui ont été repris à l'identique dans le « GATT
1994 » et voir aussi le préambule de l'Accord constitutif de l'OMC).
296 En dépit du rôle central joué par ce concept, l'Accord général se garde bien de
le définir ou d'en préciser les éléments constitutifs que ce soit dans sa version
de 1947 ou de 1994. À l'époque du GATT, les rares tentatives qui furent faites
pour mesurer ou apprécier cette réciprocité in concreto connurent toutes
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 25
2. Avantages mutuels
300 Réciprocité Les dispositions précitées de l'Accord général associent
toujours « réciprocité » et « avantages mutuels » alors qu'il s'agit là de
deux concepts séparés, le second venant simplement préciser et qualifier le
premier. L'OMC devait suivre la même approche (v. le préambule ainsi par
exemple que l'art. XIX (1) du GATS concernant les négociations visant à la
libéralisation des services).
En effet, il est loisible d'envisager des situations où le principe de réci-
procité joue sans que celui-ci entraîne une égalité ou une mutualité des
concessions accordées. La réciprocité peut se satisfaire de l'inégalité des
concessions mutuelles que les parties contractantes ont décidé de s'accor
der. Les anciennes conventions de Yaoundé entre la CEE et les pays afri-
cains et malgaches associés (EAMA) en constituèrent un exemple
éclatant.
301 Équilibre des concessions 0 Or, l'économie générale du GATT en
matière de négociations commerciales multilatérales dans sa version
1947 comme de celle de 1994 va incontestablement dans le sens d'un équi-
libre des concessions que les parties contractantes vont s'accorder mutuelle-
ment. Il en va de même en cas de retraits de concessions par une partie
contractante qui pourra, au nom d'une réciprocité égalitaire négative,
entraîner d'autres retraits « de concessions substantiellement équiva-
lentes » (art. XXVIII (3) b)). L'Accord général sur le commerce des services
- GATS - de 1994 suit la même approche et donne comme objectifs aux
négociations « d'assurer un équilibre global des droits et des obligations »
(art. XIX (1)).
302 Absence de critères o Si donc l'Accord général officialise une conception
égalitaire de la réciprocité en l'associant à la notion d'avantages mutuels (v.
le préambule), ici encore, il s'abstient de préciser en quoi cet équilibre des
concessions doit consister ; il n'en fournit ni définition ni critères. Sans
doute les raisons essentielles de ces lacunes sont-elles à trouver dans l'in-
suffisance des instruments de mesure existant et dans l'imprécision rela-
tive des statistiques douanières et sans doute comme précédemment dans
le désir des États de conserver une compétence discrétionnaire d'apprécia-
tion. Il n'y a qu'un seul domaine où le GATT se montre directif en affir-
mant l'équivalence entre une réduction de droits de douanes élevés et la
consolidation de droits peu élevés, voire un régime d'admission en fran-
chise (art. XXVIII bis al. 2 a in fine). Sur tous ces points, il y a une continuité
parfaite avec l'OMC.
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 27
LES NÉGOCIATIONS
SECTION 2.
COMMERCIALES MULTILATÉRALES
PARRAINÉES PAR LE GATT DE 1947 À 1993
315 Deux phénomènes généraux frappants se doivent d'être initialement
signalés. Ratione personae, le nombre d'États participant aux NCM — et
celui-ci fut constamment plus élevé que celui des parties contractantes du
GATT — alla en augmentant. Si les premiers cycles de négociations se
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 133
produit local identique ou comparable (ce qui assurait une protection évi-
dente du marché américain concerné, le prix des produits importés se
trouvant être ainsi automatiquement toujours supérieur à celui des pro-
duits locaux). La méthode était ouvertement protectionniste. Les négocia-
teurs américains acceptèrent lors du « Kennedy Round » de négocier le
démantèlement de l'ASP moyennant des concessions équivalentes de leurs
partenaires commerciaux et notamment européens. Le Congrès refusa
d'obtempérer et ce volet du « Cycle Kennedy » ne connut aucune
matérialisation.
La leçon de cette affaire ne devait pas être perdue de vue pour les futurs
cycles de négociation : sans accord préalable du Congrès pour déléguer au
président le pouvoir de négocier l'élimination des barrières non-tarifaires,
il était vain de vouloir les éliminer alors même qu'elles constituent les
obstacles les plus sérieux aux échanges et les plus insidieux car invisibles.
dont le succès fut le plus marquant si l'on en juge par l'importance des
textes signés à Marrakech le 15 avril 1994 par les participants (près de
600 pages imprimées alors que les résultats du Cycle précédent de Tokyo
n'avaient nécessité que 120 pages...). Paradoxalement, cette réussite du
GATT constitua également son « chant du cygne » : en tant qu'institution
il devait en effet disparaître à compter du 1" janvier 1995 avec l'entrée en
vigueur de l'Organisation Mondiale du Commerce. Les négociations, sou-
vent difficiles, s'établirent sur plus de sept années (1) pour finalement
connaître le succès avec des résultats impressionnants (2).
TRIPS selon le sigle anglais pour « Trade Related Intellectual Property Rights »)
et « les mesures concernant les investissements et liées au commerce » (MIC
selon le sigle français ou TRIMS selon le sigle anglais pour « Trade Related
Investment Measures »).
• Les phases du Cycle de l'Uruguay
342 Munis de ce viatique, les négociateurs s'attelèrent à la tâche qui, normale-
ment, devait s'étendre sur une durée de quatre années d'après le préam-
bule de la « Déclaration Ministérielle » de Punta del Este, cette période qua-
driennale correspondant à la validité dans le temys de la délégation de
pouvoir accordée par le Congrès au Président des Etats-Unis. Complexité
et nouveauté des domaines couverts par les NCM, changements politiques
dans certains pays (États-Unis, France), allaient expliquer le retard pris
par les négociateurs qui ne furent en mesure de procéder au paraphe de
l'accord sur le Cycle de l'Uruguay que le 15 décembre 1993, à Genève,
avant la procédure formelle et solennelle de signature de l'Acte final le
15 avril 1994 à Marrakech.
a. Prolégomènes
343 Une conférence devait se tenir à Montréal en décembre 1988 pour procé-
der à l'examen de l'état des négociations à mi-parcours. Lors de ce passage
en revue, un certain nombre d'accords de principe furent atteints dans le
domaine de l'agriculture, des textiles et des vêtements, des sauvegardes et
des aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce
(ADPIC ou TRIMS). Il ne s'agissait pas ici d'accords définitifs, mais simple-
ment d'accords-cadres fixant les grands principes directeurs que devaient
suivre les participants dans les négociations ultérieures. Plus précisément,
un consensus se dégagea en matière d'accès aux marchés pour aboutir à
une baisse moyenne des droits de douane de 33 %.
Plus formellement, deux autres points d'accord devaient être atteints, le
premier en ce qui concerne l'amélioration de la procédure de règlement des
différends au sein du GATT (avec, notamment, la possibilité de recourir à
l'arbitrage — ce qui était ici un retour à l'adoption d'une procédure prévue
par la Charte de La Havane de 1948 dans son article 93), le deuxième por-
tant également amélioration du fonctionnement du GATT lui-même avec
d'une part l'institution d'un mécanisme d'examen des politiques commerciales
(MEPC) et d'autre part la participation accrue des ministres aux affaires
du GATT.
344 Ces améliorations du système GATT devaient entrer peu de temps après en
vigueur à la suite de décisions appropriées du Conseil du GATT dans sa
réunion de Genève le 12 avril 1989. Elles furent pour l'essentiel reprises
dans l'Acte final de Marrakech du 15 avril 1994 et font maintenant partie
du Système OMC.
144 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
345 Mais, pour arriver au succès final, les négociateurs durent surmonter
échecs et crises. Normalement, les NCM auraient dû s'achever dans les
quatre ans suivant le lancement du Cycle de l'Uruguay. La Conférence du
Heysel en Belgique qui aurait dû en marquer la fin en décembre 1990 se
termina dans une atmosphère d'échec et de crise et buta, en particulier,
sur la question agricole. Toutefois, les négociations continuèrent, le Congrès
des États-Unis ayant accepté de prolonger la délégation de pouvoir accor-
dée au Président pour conclure un accord commercial global.
346 Près de deux ans plus tard, en novembre 1992, et toujours sur le dossier
agricole, était conclu un « pré-accord » à Washington entre les négocia-
teurs américains et communautaires. Ce pré-accord dit de « Blair House »
(nom du bâtiment public où il fut négocié) suscita immédiatement de
nombreuses controverses. La France, en particulier, refusa de s'y associer
estimant qu'il signifiait, à terme, le démantèlement de la politique agricole
commune, tandis que la Commission de Bruxelles elle-même apparut
partagée.
Congrès avait habilité la présidence à conclure les NCM selon une pro-
cédure simplifiée ou accélérée (dite du « fast track ») d'approbation ulté-
rieure (c'est-à-dire dans un délai de 90 jours et sans possibilité d'amen-
dement) pour peu qu'elles soient terminés le 15 décembre 1993 — date
d'expiration du mandat donné au chef de l'exécutif américain. Or, si
l'on se rappelle les avatars passés devant le Congrès des accords com-
merciaux négociés par l'exécutif américain, cette date butoir devait tou-
jours être présente à l'esprit des négociateurs, même si elle ne présentait
pas de valeur juridique impérative. En outre, sur un plan plus technique,
si les résultats des négociations étaient désormais connus, ils ne se pré-
sentaient pas dans la forme juridique qui rendait leur signature possible.
Au demeurant, dans nombre de domaines, les négociations n'étaient
pas terminées quant aux offres que les participants acceptaient d'insérer
dans leur liste de concessions.
349 Autrement dit et en bref, le paraphe du projet d'Acte final en date du
15 décembre 1993 marque le consensus des participants sur le résultat des
négociations entreprises à l'occasion du Cycle de l'Uruguay, sans figer pour
autant les offres de concessions en leur état. Il s'agissait là d'une phase
provisoire en attendant la procédure de signature qui, elle, rendrait les
textes négociés définitifs et donc insusceptibles de modification sauf — ce
qui était impensable — à rouvrir des négociations. Tel fut l'objet de la
conférence ministérielle de Marrakech d'avril 1994.
351 Ratification nécessaire Sur le plan juridique, il est bien clair que les
parties signataires ne s'engageaient simplement qu'à soumettre à ratifica-
tion, acceptation ou approbation l'Acte final de Marrakech en vertu de leur
procédure constitutionnelle respective.
Compte tenu du déroulement des négociations, cette phase ultime ne
devait soulever aucune difficulté — ce qui permit à la nouvelle Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) d'entrer en vigueur comme prévu à
compter du 1" janvier 1995.
Deux points méritent ici d'être soulignés pour les pays membres de
l'Union Européenne (UE) et pour la France en particulier.
352 D'une part, en raison du caractère très étendu de l'Acte final de Mar-
rakech (notamment dans le domaine des services et de la propriété intel-
lectuelle) qui dépassait les compétences commerciales extérieures de la
seule UE, ainsi que devait le reconnaître l'avis consultatif 1/94 de la Cour
de Justice de Luxembourg, la ratification individuelle des quinze États
membres fut nécessaire (Avis 1/94 du 15 nov. 1994, Rec. 1.5276).
353 D'autre part, d'un point de vue purement français, ce fut la première fois
que le Parlement eut à débattre et connaître du système GATT en étant
invité à se prononcer sur l'autorisation de ratification de l'Acte final
de Marrakech (ce qu il fit par la Loi n° 94-1137 du 27 déc. 1994, JO 28 déc.
1994, p. 18536). Il est frappant de noter que, dans le passé, le Parlement
français fut constamment tenu à l'écart du « Système GATT » : ni l'Accord
général lui-même de 1947, ni les résultats des cycles de négociation passés
à commencer par le Tokyo Round précité de 1979 ne lui furent déférés
pour autorisation ou approbation.
356 GATT et OMC 0 La tentation est grande, par-dessus les années GATT,
de relier l'OMC à la grande devancière qui, du fait des vicissitudes de la
politique interne et internationale, n'a jamais vu le jour : l'OIC. Ainsi,
un demi-siècle s'étant écoulé, et le bloc soviétique s'étant effondré, il
serait possible de lancer un pont au-dessus de la période de la guerre
froide, et de relier entre elles les deux organisations multilatérales char-
gées de la régulation du commerce international — et cela, quand bien
même l'une ne vit jamais le jour, et l'autre vient à peine de le voir. Ainsi
s'estomperait le souvenir des années GATT, années du provisoire, et,
donc, années d'improvisation, devant les majestueuses constructions
systémiques auxquelles leur longue gestation devait ou devrait assurer la
pérennité.
357 Charte de La Havane et OMC 0 Cette mise en perspective, malheu-
reusement, présente un caractère artificiel, et même artificieux. On ne
saurait, en effet, soutenir que les sources d'inspiration de la Charte
de La Havane sont identiques à celle des Accords de Marrakech. La
Charte de La Havane réalise un compromis entre les deux écoles qui
dominaient la pensée économique dans les grandes puissances occiden-
tales sorties victorieuses du second conflit : le libéralisme aux États-
Unis, le keynésianisme au Royaume-Uni. Or, il existe entre les deux
écoles une différence essentielle, et qui tient à la croyance en les méca-
nismes du marché comme moyens de rétablir spontanément les grands
équilibres économiques : le libéralisme y croit, le keynésianisme n'y
croit pas. La Charte de La Havane compromet entre les deux tendances,
en ce que, si elle admet qu'il ne faut pas entraver le libre jeu des forces
du marché en période d'équilibre, elle admet aussi que l'Organisation
doit intervenir, quitte à momentanément entraver ce libre jeu, lorsque
l'on se trouve en période de déséquilibre. N'est-il pas illustratif de cette
dernière tendance qui le premier Chapitre de la Charte de La Havane
soit consacré à l'emploi et aux questions économiques, et que les ques-
tions commerciales ne soient abordées qu'au Chapitre IV ? On voit donc
bien que la fonction de régulation qui est attribuée à l'OIC ne consiste
pas seulement à éliminer les entraves à la libre circulation ; il est patent
que cette fonction doit aussi s'exercer pour empêcher que cette libre
circulation détruise au lieu de construire.
148 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
réside dans la pensée libérale. Mais la pensée libérale, n'est certes pas uni-
forme, en ce sens que la maison de Dieu comprend plusieurs demeures. De
la sorte, bien que la négociation ait été placée sous le signe de la libération,
elle n'en a pas moins revêtu un caractère d'âpreté qui surprend parfois.
361 Influence de la doctrine américaine du « Law and Econo-
mics » 0 À cet égard, une attention particulière doit être réservée à l'in-
fluence qu'aurait eue, du côté américain, l'école de pensée connue sous la
dénomination « Law and Economics ». Il s'agit, en effet, d'une école de
pensée qui tente de donner leur traduction juridique aux principes de
l'économie libérale, et qui, de ce fait, s'est manifestée, avec un succès iné-
gal, tout au cours de la négociation internationale. La combinaison qu'elle
réalise entre l'économique et le juridique — celui-ci se trouvant néanmoins
ns une position de subordination vis-à-vis de celle-là — est source
d'aperçus originaux, qui peuvent fournir une grille nouvelle d'interpréta-
tion des Accords de Marrakech. L'école « Law and Economics », certes,
appartient à la mouvance libérale, dont elle accepte les postulats fonda-
mentaux. Premier postulat : l'explication des phénomènes économiques
doit être recherchée dans l'action des agents économiques, et, s'agissant
des échanges internationaux, dans l'action des entreprises multinatio-
nales. Deuxième postulat : le comportement des agents économiques est
toujours empreint de rationalité, en ce que les objectifs qu'il s'assigne
doivent être rationnels, et que les moyens qu'il utilise pour parvenir à ces
fins doivent l'être également. Troisième postulat : en matière économique,
l'objectif que se fixe chaque agent consiste en la satisfaction d'un intérêt
individuel, ce qui se traduit, lorsqu'il est question d'entreprises multina
tionales, en termes de recherche du profit.
362 Il n'y a rien là qui ne soit conforme à la théorie classique — ou, mieux,
néoclassique. Mais la traduction juridique de ces postulats n'est ni clas-
sique, ni néo-classique. Pour les tenants de la doctrine « Law and Econo-
mics », la source de tout rapport juridique se trouve dans le contrat, parce
que c'est le contrat qui permet de formaliser les relations entre les divers
agents économiques. Mais l'exigence de rationalité veut que le contrat per-
mette aux agents économiques de réaliser le plus grand profit : elle interdit
donc que le droit sanctionne l'immutabilité du contrat, parce que cette
immutabilité pourrait exposer les agents économiques à des pertes que
condamne la rationalité économique. D'où la théorie de l'« efficient
breach » : le contractant a le droit, voire le devoir de rompre unilatérale-
ment le contrat, dès lors que l'exécution de ce contrat se révélerait pour lui
trop onéreuse. Cela ne signifie pas que l'on doive contracter de mauvaise
foi : cela signifie que le contrat n'est pas une institution destinée à favori-
ser les déperditions économiques. Le rôle du législateur se trouve ainsi
racé : à lui de faire en sorte que le contractant ne soit pas enserré dans le
carcan d'une immutabilité qui, en définitive, se révélerait préjudiciable à
tout le système économique.
150 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
Acte final
Accord de Marrakech instituant l'Organisation Mondiale
du Commerce
Annexe 1
Annexe 1 A : Accords multilatéraux sur le commerce des marchandises
Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article II : 1 b) de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XVII de l'Accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Mémorandum d'accord sur les dispositions de l'Accord général sur les tarifs doua-
niers et le commerce de 1994 relatives à la balance des paiements
Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXIV de l'Accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Mémorandum d'accord concernant les dérogations aux obligations découlant de
l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXVIII de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Protocole de Marrakech annexé à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le com-
merce de 1994
Accord sur l'agriculture
Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires
Accord sur les textiles et les vêtements
Accord sur les obstacles techniques au commerce
Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 55
Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs doua-
niers et le commerce de 1994
Accord sur la mise en oeuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs doua-
niers et le commerce de 1994
Accord sur l'inspection avant expédition
Accord sur les règles d'origine
Accord sur les procédures de licences d'importation
Accord sur les subventions et les mesures compensatoires
Accord sur les sauvegardes
Décisions et déclarations
Décisions et déclarations ministérielles adoptées
par le Comité des négociations commerciales
le 15 décembre 1993
Décision sur les mesures en faveur des pays les moins avancés
Déclaration sur la contribution de l'OMC à une plus grande cohérence dans l'élabo-
ration des politiques économiques au niveau mondial
Décision sur les procédures de notification
Déclaration sur la relation de l'Organisation mondiale du commerce avec le Fonds
monétaire international
Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de
réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs
nets de produits alimentaires
Décision sur la notification de la première intégration en vertu de l'article 2.6 de
l'Accord sur les textiles et les vêtements
Décisions relatives à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce
Décision sur le mémorandum d'accord proposé concernant un système d'informa-
tion sur les normes OMC-ISO
Décision sur l'examen de la publication du Centre d'information ISO-CEI
Décisions et Déclaration relatives à l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de
l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Décision sur l'anti-contournement
156 LE C DRE INST TIONN L COMMUN
Décision sur l'examen de l'article 17.6 de l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI
de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Déclaration sur le règlement des différends conformément à l'Accord sur la mise en
oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
de 1994 ou à la Partie V de l'Accord sur les subventions et les mesures
compensatoires
Décisions relatives à l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VII de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994
Décision sur les cas où l'administration des douanes a des raisons de douter de la
véracité ou de l'exactitude de la valeur déclarée
Décision sur les textes se rapportant aux valeurs minimales et aux importations
effectuées par des agents distributeurs et concessionnaires exclusifs
Décisions relatives à l'Accord général sur le commerce des services
Décision sur les arrangements institutionnels relatifs à l'Accord général sur le com-
merce des services
Décision sur certaines procédures de règlement des différends établies aux fins de
l'Accord général sur le commerce des services
Décision sur le commerce des services et l'environnement
Décision sur les négociations sur le mouvement des personnes physiques
Décision sur les services financiers
Décision sur les négociations sur les services de transport maritime
Décision sur les négociations sur les télécommunications de base
Décision sur les services professionnels
Décision sur l'accession à l'Accord sur les marchés publics
Décision sur l'application et le réexamen du Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends
378 Il ressort clairement de cette table des matières que les résultats des négocia-
tions ont été à la fois horizontaux et verticaux. L'approche horizontale repré-
sente les éléments communs à l'ensemble du nouveau système commercial
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES 57
a. L'approche horizontale
379 L'OMC 0 Au niveau institutionnel, celle-ci se manifeste par la création
de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), véritable institution
internationale se substituant à l'Accord général de 1947 et désormais
dotée d'un nouveau mécanisme renforcé de règlement des différends.
380 Le GATT 94 0 Au niveau matériel, le « GATT 1994 » — version améliorée
et renforcée du « GATT 1947 » — constitue désormais la lex generalis de la loi
commerciale internationale commune. Celle-ci s'applique, on le rappelle,
sous réserve des accords sectoriels ou spécifiques en tant que lex specialis.
SECTION 3.
LE CYCLE DE DOHA (2001— ).
LES PREMIÈRES NÉGOCIATIONS
COMMERCIALES MULTILATÉRALES
DE L'HISTOIRE DE L'OMC
1. Le programme de travail
387 Vu l'ampleur et l'importance des questions soulevées et compte tenu de
l'inachèvement de ce « Cycle de Doha », on se bornera à en signaler les
grands thèmes. L'agriculture est mentionnée en premier avec une insis-
tance forte sur l'amélioration de l'accès aux marchés et surtout la réduc-
tion (voire l'élimination) des subventions. Pour les produits non agricoles
l'effort était mis sur la baisse (voire encore l'élimination) des droits de
douanes et surtout le démantèlement des barrières non-tarifaires. Quant
aux droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC ou TRIPS), à
part des améliorations ponctuelles, l'accent était mis sur leur ajustement
aux besoins de la santé publique, ce qui en particulier pose tout le pro-
blème des rapports entre la protection des droits de propriété industrielle
grâce au régime des brevets et l'accès à des médicaments nécessaires et
souvent indisponibles dans les pays pauvres qui en ont le plus besoin et qui
ne peuvent se les procurer en raison de leurs coûts. Le programme de tra-
vail envisage également des améliorations du processus de fonctionne-
ment de ces moyens de défense commerciale classiques que sont les droits
compensateurs et anti-dumping. La libéralisation des services, jusqu'ici rela-
tivement faible au niveau mondial, doit être encouragée grâce à des offres
plus généreuses se matérialisant dans des listes d'engagements spécifiques.
Des clarifications et améliorations devront être apportées au Mémoran-
dum d'accord sur le règlement des différends. Enfin, une attention spéciale
devra être apportée à deux secteurs peu ou mal intégrés à l'OMC, l'inves-
tissement et l'environnement. Dans le premier cas, l'accord sur les MICS (ou
TRIMS) devra être précisé et clarifié pour tenir compte de « manière équi-
librée des intérêts des pays d'origine et des pays d'accueil » et notamment
de leur « droit de réglementer dans l'intérêt général ». Dans le second cas,
et afin de « renforcer le soutien mutuel du commerce et de l'environne-
ment », il convient principalement d'étudier les relations entre « les règles
de l'OMC existantes et les obligations commerciales spécifiques énoncées
dans les accords environnementaux multilatéraux» (AEM) ainsi que
l'impact des mesures environnementales sur l'accès au marché des biens,
services et droits de propriété intellectuelle, ce qui relèvera ici de la mis
sion du Comité du commerce et de l'environnement créé au tout dernier
moment à la fin du « Cycle de l'Uruguay ».
O LE C DRE INST TIONN L COMMUN
e commerce international
des marchandises
L'approche sectorielle
(verticale)
extension et spécificité
du « droit OMC »
393 Plan 0 À l'époque du GATT, deux secteurs économiques importants —
l'agriculture et les textiles — étaient sortis du régime de droit commun : ils
sont désormais réintégrés dans le « Système OMC » mais continuent à
bénéficier, au moins provisoirement, d'un traitement spécifique lequel a
cependant définitivement expiré pour les produits textiles à compter du
1er janvier 2005 (Chapitre 1). Les négociations du Cycle de l'Uruguay par-
vinrent à élargir, ratione materiae le droit international du commerce en
étendant à un secteur qui, pour être périphérique, est néanmoins suscep-
ible d'avoir un impact sur les échanges commerciaux, à savoir les investis-
sements (Chapitre 2).
LES SECTEURS
ÉCONOMIQUES RÉINTÉGRÉS
DANS LE SYSTÈME OMC
Bibliographie
• Sur la question agricole, outre les rapports parlementaires français précités
qui y font une large place, voir : D. Gadbin, L'agriculture et le GATT, in Colloque
de Rennes, op. cit. p. 95 s. ; B. Henry de Frahan, Les enjeux de la libéralisation mon-
diale de l'agriculture, Pol. Etr. 1993. 309 ; G. Legras, L'Uruguay Round et la réforme
de la PAC, Pol. Etr. 1993. 325 ; P. C. Rosenthal and L. E. Duffy, Reforming global
trade in agriculture, in The World Trade Organization : the multilateral trade framework
for the 21st century and US implementation legislation, American Bar Association,
Washington DC, 1996, p. 145 s. Voir aussi les deux études d'impact effectuées par
l'OCDE, Le cycle d'Uruguay : évaluation préliminaire de l'accord sur l'agriculture dans
les pays de l'OCDE, Paris, 1995 et L'accord d'Uruguay sur l'agriculture et les produits
agricoles transformés, Paris, 1997.
• Sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, J. J. Barcelo, III, Product stan-
dards to protect the local environment : the GATT and the Uruguay Round Sanitary and
Phytosanitary Agreement, Cornell Int'L.J., 1994, 755 ; M. A. Echols, Sanitary and
phytosanitary measures, in The World Trade Organization : the multilateral framework
for the 21st century and US implementing legislation American Bar Association,
Washington, DC, 1996, p. 191 s. ; A. Tankondo, Organisation mondiale du com-
merce, mesures sanitaires et phytosanitaires, RIDE 1999. 389.
• Sur les textiles et vêtements, Pour les accords multifibres du passé : B. L. Das,
The GATT Multi-Fibre Arrangement, JWTL 1983. 95 ; H. H. Taake and D. Weiss, The
World Textile Arrangement : the exporter's view-point, JWTL 1974. 624.
• Pour leur réintégration au sein de l'OMC : S. Bagchi, The integration of the
textile trade into GATT, JWTL 1994. 31 ; L. S. Hurewitz, Textiles, in The GATT Uruguay
Round : a negotiating history (1986-1992), F. Marrella, L'Organisation mondiale du
commerce et des textiles, RGDIP 2000. 659, T. P. Stewart ed., Deventer Kluwer,
1993, 3 vol. et ici vol. I p. 255-380 (de loin l'étude la plus complète en la matière).
394 L'Accord général de 1947 avait vocation à régir la totalité du commerce inter-
national visible, c'est-à-dire celui portant sur les biens et marchandises. Les
exceptions à ce principe demeuraient dans l'ensemble mineures — du moins
quant à leur portée économique (v. infra sur les exclusions visées par les
art. XX et XXI du GATT). Au cours des ans, deux secteurs économiques
importants — l'ag iculture tout d'abord, puis les textiles — devaient faire
l'objet de traitements particuliers, dérogatoires par rapport au régime géné-
ral posé par le GATT. Or, tant l'agriculture (Section 1) que les textiles (Sec-
ion 2) ont été réintégrés, à terme, si ce n'est immédiatement dans le
Système OMC.
8 L'APPROCHE SECTORIELLE VERTICALE
SECTION 1. L'AGRICULTURE
395 Généralités Les produits de l'agriculture sont une composante impor-
tante du commerce international des marchandises. Sans doute leurs
poids relatif est-il en constante diminution — ce qui s'explique aisément
en raison du phénomène de transformation industrielle qui ne cesse de les
affecter et de la valeur ajoutée humaine qui compte maintenant pour
l'essentiel du prix des produits les plus sophistiqués et les plus complexes
— à commencer par ceux relevant de la haute technologie. Quoiqu'il en
soit, en 1995, les produits agricoles représentaient 10 % du commerce
mondial, soit 500 milliards de dollars.
Il est clair qu'un système commercial international digne de ce nom ne
saurait exclure le secteur agricole en raison de ses spécificités, celui-ci
étant cependant moins apte à être soumis à un régime de libre-échange et
de concurrence que le monde industriel et commercial — par définition
plus mobile et adaptable.
396 L'Accord général de 1947 appréhenda initialement l'agriculture, sans doute
avec quelques spécificités, pour s'en désintéresser progressivement au
cours des ans (§ 1). L'OMC devait revenir sur cet abandon et réintégrer
l'agriculture en son sein tout en lui accordant un régime transitoire (§ 2).
Mieux encore, « l'honnêteté » des échanges agricoles devait être préservée
grâce à la conclusion d'un accord portant sur les mesures sanitaires et
phytosanitaires permettant d'éviter que les barrières non tarifaires en ces
domaines ne viennent arbitrairement entraver le commerce des produits
de l'agriculture (§ 3).
1. La spécificité agricole
398 Cette spécificité agricole qui se trouvait dans le « GATT 1947 » sera peut-
être celle de droit commun lorsque le régime transitoire institué par l'OMC
aura pris fin. Elle se caractérise par des règles adaptées dans deux domaines
et seulement dans ces deux là : les restrictions quantitatives et les subven-
ions, si, toutefois, l'on exclut les produits de l'agriculture rentrant dans la
catégorie « hors GATT » des matières premières (v. ss 769). Mais le GATT
allait aussi y ajouter les intégrations économiques régionales.
LES SECTEURS ÉCONOMIQUES RÉINTÉGRÉS DANS LE SYSTÈME OMC 169
b. En matière de subventions
404 Différence avec les produits industriels Les subventions (tant à la
production que surtout à l'exportation) font traditionnellement partie
d'une politique, protectionniste dont elles constituent le volet extérieur.
En effet, après avoir débarrassé les producteurs nationaux de la concur-
rence étrangère grâce à des restrictions quantitatives et les avoir encoura-
gés à produire, les États doivent, en complément, favoriser l'écoulement de
ces produits sur les marchés étrangers. Autant l'Accord général de 1947
était relativement sévère en matière de produits industriels, autant il ouvre
une large possibilité pour les produits agricoles (art. XVI (3)).
En effet, les États peuvent subventionner les exportations agricoles de
leurs producteurs nationaux pour autant que ceux-ci n'en viennent pas à
détenir « plus qu'une part équitable » du marché d'exportation concerné
pour ledit produit.
405 Licéité conditionnelle 0 Or, comment définir ce qu'est une part plus
qu'équitable du marché considéré ? Ce concept ne cessa de poser des diffi-
cultés d'interprétation et d'application dans toute l'histoire du GATT. Aucun
critère concret ne put jamais être établi. Nombre de contentieux agricoles
portèrent sur les subventions et leur légalité ou illégalité en fonction de leur
impact, et il n'y eut que de rares instances où les « panels » furent en
mesure d'aboutir à une conclusion précise : ainsi, dans l'affaire qui opposa
l'Australie à la France en 1958, le « panel » fut-il en mesure de conclure que
le mécanisme français de subvention de certaines céréales avait permis de
conquérir une « part plus qu'équitable du marché » en Asie du Sud-Est en
évinçant les exportateurs traditionnels australiens (v. Guide des Règles et
LES SECTE RS ÉCONOMIQUES RÉI ÉGRÉS DANS LE SYST ME OMC 171
Pratiques du GATT, op. cit., p. 490-491). Mais, dans la totalité des diffé-
rends agricoles qui opposèrent les États-Unis à la CEE à propos de la poli-
tique agricole commune (PAC), il fut impossible d'apporter la preuve que
les subventions communautaires via la technique des restitutions à l'ex-
portation étaient illégales pour avoir franchi cette limite calculée en part
« équitable » de marché.
406 Critères controversés 0 H est à noter que le « code sur les subventions »
adopté en 1979 à l'occasion du Tokyo Round n'apporta guère de lumière en
la matière, faute de précision suffisante des « critères » posés : détourne-
ment des courants d'exportation mais à la lumière de l'évolution des mar-
chés mondiaux et de «tous facteurs spéciaux» concernant le produit en
cause. De fait, les contentieux agricoles (notamment entre les Etats-Unis
et la CEE ou les États-Unis et le Japon), loin de s'atténuer, ne firent que
s'exacerber et sans jamais pouvoir atteindre un règlement satisfaisant.
2. L'exclusion agricole
408 La dérogation américaine de 1955 0 Peu de temps après l'entrée en
vigueur de l'Accord général, les États-Unis adoptèrent des lois qui allèrent
bien au-delà de cette spécificité agricole et qui ne pouvaient pas être justi-
fiées par le régime d'exception de l'article XI. Il en alla ainsi en particulier
de l'article 22 (f) de « l'Agricultural Adjustement Act », interdisant — et ne
se contentant pas de restreindre — l'essentiel des importations agricoles.
Devant cette situation, ils demandèrent — et obtinrent en 1955, une déro-
gation au titre de l'article XXV (5) du GATT les dispensant du respect des
dispositions de l'article XI (et aussi de l'art. II sur le traitement national).
Cette dérogation accordée sans limitation de durée était encore en vigueur
172 PP OCHE SECTORIELLE VERTICALE
1. Le calendrier de libéralisation
413 D'une manière générale, la mise en oeuvre de cet accord devra s'étaler sur
une période de six (6) ans commençant en 1995 (art. 1) (f)). Toutefois, il
en va différemment en ce qui concerne l'engagement de modération (par-
fois qualifiée de « clause de paix ») visé à l'article 13 et qui couvrira une
période de neuf (9) ans.
414 Toutefois, cet accord ne constitue qu'une phase, certes fondamentale,
mais qui n'est que la première dans la poursuite du processus de réforme.
Compte tenu de l'ampleur de la tâche, l'objectif de libéralisation ne pourra
être atteint qu'à long terme ce qui nécessite un processus continu de négo-
ciations. Il est précisé que de nouvelles négociations s'ouvriront un an
avant la fin de chaque période de mise en oeuvre soit en l'an 1999 et
2003 respectivement (art. 20).
432 Cet aspect central de l'Accord MSP entraîne deux remarques générales
d'importance. La première tient aux rapports pour le moins curieux éta
buis entre le Droit et la Science : en attachant un tel poids aux « justifica-
tions scientifiques », il est fait échec aux règles juridiques normales en
matière de preuve ; le pays qui prétendra s'écarter des « normes internatio-
nales » devra, pour se justifier, apporter la preuve « scientifique » de leur
inadéquation : la charge de la preuve ne devrait pas être renversée au nom
de la science dont on connaît le caractère approximatif et changeant (v.,
par exemple, les nombreux arguments échangés par les États-Unis et le
Japon sur le « feu bactérien » éventuellement contenu dans certaines
pommes exportées du premier pays dans le second — Japon — Mesures
visant l'importation des pommes, Rapport du groupe spécial du 15 juillet
2003 et Rapport de l'Organe d'appel du 26 nov. 2003, VVT/DS245/AB/R)
La seconde, déjà présentée mais qui prend ici tout son relief, a trait à
l'aspect « mosaïque » que revêt encore le « Système OMC » (v. ss 374). En
effet, en matière de MSP, il est expressément fait référence aux « normes »
établies par les autres institutions internationales compétentes : dès lors,
comment se concilieront ces normes établies dans une pluralité d'ins-
tances internationales et soumises, qui plus est, à des mécanismes spéci-
fiques de règlement des différends ? Nul ne le sait. Sur ce dernier point,
l'accord prévoit que les recours de droit commun à l'ORD ne sauraient
porter atteinte aux droits des pays membres de recourir à d'autres méca-
nismes spécifiques de règlement des différends conventionnellement ins
titués (art. 11 (3)). C'est ainsi créer un situation parfaite de « forum shop-
ping» pour les pays membres, ceux-ci étant amenés à « arbitrer» entre les
instances compétentes et à choisir celle qui, à leurs yeux, serait la plus
favorable à leur cause (sur ce type de conflit entre normes sanitaires inter-
nationales et règles de l'OMC, voir N. Covelli et V. Hohot, The health
regulation of biotech foods under the WTO Agreements, JIEL 2003-773).
Bibliographie
• Sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) :
W. A. Fennell and J. W. Tyler, Trade-related investment measures, in The Uruguay Round :
a negotiating history (1986-1993), Deventer, Kluwer, vol. Il, 1993, p. 1997 s. ; R Juillard,
L'accord sur les mesures concernant l'investissement et liées au commerce, in Colloque
de Nice, op. cit. p. 113 s. ; Chronique de droit international économique, AFDI
1993. 784 s. ; P. M. Price and P. B. Christy, III, Agreement on trade-related investment
measures (TRIMS) : limitations and prospects for the future, in The World Trade
Organization : the multilateral trade framework for the 21st century, Washington DC,
1996, American Bar Association, p. 439 s. ; P. Sauve, A first look at investment in the
Final Act of the Uruguay Round, JWT 1994. 5 s. ; R. Scheibach, Foreign direct investment,
in Colloque de Bruges, op. cit. p. 445 s. ; A. Tankoano, Le projet d'accord relatif aux
mesures concernant les investissements et liées au commerce (TRIM), DPCI 1993. 264 s.
. LE PRÉCÉDENT : LE DIFFÉREND
ÉTATS-UNIS/CANADA DEVANT LE GATT
456 Plan Ce litige qui trouva sa source dans la manière dont le Canada
entendait appliquer sa loi relative aux investissements étrangers (§ 1) sou-
levait au préalable le problème de la compétence du GATT pour en
connaître (§ 2). La question ayant été dans l'affirmative, le Groupe Spécial
(panel) saisi apporta une solution nuancée aux problèmes de fond soule-
vés (§ 3).
§ Naissance du différend
457 Le différend entre les États-Unis et le Canada est né de la pratique admi
nistrative que le Gouvernement d'Ottawa avait greffée sur la loi cana-
dienne de 1973 relative aux investissements internationaux. En effet, les
autorités compétentes avaient pris l'habitude d'exiger des investisseurs
internationaux que ceux-ci souscrivent, avant que l'autorisation d'effec-
tuer l'opération envisagée leur soit accordée, des engagements de trois
ordres : engagements de fabrication au Canada ; engagements d'approvi-
sionnement au Canada ; et enfin, engagements d'exportation hors du
Canada. Le Gouve nement des États-Unis, estimant que ces pratiques
administratives étaient attentatoires à un certain nombre de règles de
l'Accord général, demanda au Canada l'ouverture de consultations sur la
base de l'article XXII § 1. Ces consultations n'ayant pas abouti, les États-
Unis engagèrent la procédure que prévoit l'article XXIII § 2.
§ 2. Compétence du GATT
458 Le mandat donné au Groupe Spécial avait été soigneusement pesé. Il ne
pouvait s'agir d'examiner, dans leur ensemble, les dispositions de la loi
canadienne. Le GATT, en effet, ne possède pas de compétences en matière
investissement international. Le mandat se bornait donc à changer le
Groupe Spécial constitué à cet effet...
D'« examiner, à la lumière des dispositions de l'Accord général en l'espèce, la
question portée devant les parties contractantes par les États-Unis, au sujet de
l'administration de la loi canadienne sur l'investissement étranger, pour ce qui
concerne les achats de marchandises au Canada par certaines entreprises soumises
à ladite Loi ».
466 Les conclusions qui se dégagent du Rapport du Groupe Spécial sont donc
claires : les engagements de fabrication sont hors la compétence de l'Ac-
cord général ; les engagements d'approvisionnement sont incompatibles
LES INV TISSEM NTS LIÉS AU COMMERCE DES M RCHA DIS 187
L'ACCORD DE L'OMC
SECTION 2.
RELATIF AUX MESURES CONCERNANT
LES INVESTISSEMENTS ET LIÉES
AU COMMERCE (MIC)
467 La déclaration de Punta del Este prévoyait que les négociations multilaté-
rales devraient permettre l'élaboration des « dispositions complémen-
taires » qui s'avéreraient nécessaires afin d'éliminer les distorsions et res-
trictions affectant les échanges, et résultant des législations ou
réglementations internes qui, apparemment, n'intéressent que l'investis-
sement international.
C'est sur la base de ce mandat que fut élaboré l'accord « MIC » : celui-ci
définit les mesures concernant les investissements liées au commerce
(§ 1) en même temps qu'il en pose le régime juridique (§ 2).
MIC qui ne serait pas conforme à l'accord. L'accord prévoit, d'ailleurs, que
chaque Membre examinera avec compréhension les demandes de rensei-
nements que pourraient lui adresser un autre Membre, « au sujet de
toute question découlant » de l'accord» «et qu'il se prêtera aux «consul-
tations » que pourrait rendre nécessaire toute question de cette nature
étant toutefois précisé qu'aucun Membre n'est tenu de divulguer les ren-
seignements qui apparaissent trop « sensibles ».
487 Comité des MIC 0 L'accord MIC prévoit l'institution d'un Comité des
MIC qui est ouvert à tous les membres de l'OMC. Ce comité est un
organe d'assistance et de surveillance. Il exerce les attributions qui lui
sont confiées par le Conseil du commerce des marchandises ; il ménage
les possibilités de consultation qui sont nécessaires entre Membres ; il
surveille le fonctionnement de l'accord et, à ce sujet, fait rapport annuel
au Conseil du commerce des marchandises (art. 7). Mais le Comité des
MIC n'exerce aucune attribution en matière de règlement des différends
nés de l'interprétation et de l'application de l'accord : « les dispositions
des articles XXII et XXI du GATT de 1994, telles qu'elles sont précisées et
mises en application par le Mémorandum d'accord concernant les règles
et procédures régissant le règlement des différends » sont seules perti-
nentes (art. 8).
488 Un mécanisme de suivi est mis en place. Avant expiration du délai des
cinq années qui suivront l'entrée de l'accord OMC, le Conseil du com-
merce des marchandises examinera le fonctionnement de l'accord MIC et
pourra proposer des « amendements au texte dudit accord », s'il le juge
opportun. Au cours de cet examen, le Conseil décidera s'il y a lieu de com-
pléter le texte de l'accord MIC « par des dispositions relatives à la politique
en matière d'investissement et la politique en matière de concurrence ».
Aucun amendement n'a été à ce jour proposé, ce qui peut s'expliquer dans
la mesure où l'OMC pourrait - bien que l'hypothèse demeure fort impro-
bable - recevoir une compétence plus générale en matière d'investisse-
ment étranger direct (v. infra).
489 Jusqu'à présent - i novembre 2012 - cet accord sur les MICs/TRIPs a été
invoqué dans 33 des 452 affaires soumises à l'Organe de règlement des
di férends de l'OMC sans toutefois faire apparaître d'éléments nouveaux
dans l'analyse de ce phénomène.
- ITRE 2
'approche horizontale
principes généraux
communs
490 Généralités L'Acte final de Marrakech du 15 avril 1994 tout en recon-
naissant, ainsi que nous l'avons vu précédemment, la diversité de certains
secteurs (et c'est son approche verticale), s'est efforcé de maintenir une
certaine unité du droit international du commerce à la fois sur le plan
institutionnel et matériel (et telle est son approche horizontale des
échanges mondiaux).
Le droit matériel commun du commerce multilatéral issu des accords
de Marrakech est constitué par le « GATT 1994 » qui apparaît comme une
sorte de « GATT plus » par rapport au texte initial de 1947. Le « GATT 1994 »
comprend le « GATT 1947 » et son acquis tels que complétés ou interprétés
par les six (6) mémorandums d'accords conclus à l'occasion du Cycle de
l'Uruguay. Le « GATT 1994 » constitue la lex generalis du Système OMC ;
celle-ci, on le rappelle, doit céder en cas de conflit avec les autres accords
figurant à l'Annexe I.A qui sont ici considérés comme autant de lex specialis
(v. la note interprétative générale relative à l'Annexe 1.A).
491 Plan 0 Les éléments constitutifs de ce noyau dur du droit du commerce
multilatéral résident dans l'organisation de l'accès aux marchés afin d'en
assurer une large ouverture (Chapitre 1), l'instauration de mécanismes de
défense commerciale multilatérale en cas de difficultés dues à la libérali-
sation des échanges (Chapitre 2), la reconnaissance d'exceptions et de
dérogations nécessaires à une gestion souple du système (Chapitre 3).
'ACCÈS AUX MARCHÉS
Bibliographie
Sur ces clauses classiques de la nation la plus favorisée et du traitement national
communes au GATT et à l'OMC, on renverra aux ouvrages cités dans la bibliographie
générale et notamment aux livres de Flory, Jackson et Hudec qui doivent être lus à
la lumière de l'irremplaçable. « Guide des Règles et Pratiques du GATT » et main-
tenant de l'OMC. Il en va de même pour le régime juridique des droits de douanes.
En ce qui concerne les barrières non-tarifaires, on consultera avec profit les
études suivantes :
• Sur l'ensemble de la matière telle qu'elle fut abordée lors du Cycle de l'Uru-
guay : M. E. Edozien, Non-tariff measures, in The Uruguay Round : a negotiating
history (1986-1992), Deventer, Kluwer, vol. I, p. 699 et s : et in idem, S. G. Markel,
MTN agreements, p. 1009-1347.
• Sur la valeur en douane : S. L. Sherman and H. Glashof, Customs valuation
commentary on the GATT customs valuation code, Deventer, Kluwer, 1998.
• Sur l'inspection avant expédition : H. S. Kibola, Pre-shipment inspection and
the GATT, JWT 1989.2, p. 48 s. ; W. Von Raab, Pre-shipment inspections : improved
administration of an international trade régime, JWT 1991. 5, p. 87 s.
• Sur les règles d'origine : F. Dehousse et P. Vincent, Les règles d'origine, les négo-
ciations de l'Uruguay Round et la Communauté européenne, RBDI 1993. 470 s. ;
W. Keijzer, GATT agreement on rules of origin : its purpose and implications from an
European community perspective, in Colloque de Bruges, op. cit. p. 331 s. ; E. Vermulst,
Rules of origin in the future : selected issues, in Colloque de Bruges, op. cit. p. 353 s. ;
E. Vermulst, P. Waer & J. H. J. Bourgeois (eds), Rules of origin in international trade :
a comparative study, Ann Arbor, Universiry of Michigan Press, 1994.
• Sur les obstacles techniques au commerce : R. W. Middleton, The GATT standards
code, JWTL 1980. 201 s. J. Nussbauer, The GATT standards code in operation, JWTL
1984. 542 s. ; R. Quick, The agreement on the technical barriers to trade in the context
of the trade and environment discussion, in Colloque de Bruges, op. cit. p. 353 s. ; E.
L. M Vôlker, The agreement on technical barriers to trade, in Colloque de Bruges, op.
cit. p. 353 s. ; D. A. Wirth, The role of science in the Uruguay Round and NAFTA trade
disciplines, Cornell int'l, L. J., 1994, p. 817 s. Voir le dossier spécial consacré aux
normes commerciales dans le rapport annuel de l'OMC 2005.
LE PRINCIPE DE LA PROTECTION
SECTION 1.
DOUANIÈRE EXCLUSIVE
494 Généralités 0 L'origine des droits de douane se perd dans la nuit des
temps : ils ont toujours existé à la fois comme source de revenus pour le
souverain et comme technique de protection des intérêts des producteurs
nationaux (mais certes non des consommateurs). Pour se limiter à leur
impact protectionniste, les droits de douane apparaissent comme transpa-
rents et non-discriminatoires en ce sens que leur portée globale ne se mani-
feste que par un phénomène de différenciation de prix — ceux des produits
importés étant par définition plus chers que les produits locaux concurrents
car incluant la taxation douanière. Autrement dit, ils ne portent pas atteinte
au libre jeu des forces du marché et ne faussent pas les conditions de concur-
rence per se en raison de leur impact financier uniforme. Telle est la raison
générale pour laquelle les droits de douanes sont vus avec faveur parmi les
divers types de restrictions aux échanges commerciaux internationaux. Le
GATT reflète pleinement cette approche : les droits de douane sont légalisés
L'ACCÈS AUX MARCHÉS 9
500 Mais cette règle peut aussi apparaître comme inutilement rigide en cas de
nécessité de recourir à des restrictions commerciales justifiées par la sur-
venance d'une crise économique et financière grave dans un pays donné.
527 L'enjeu des règles d'origine des produits va bien au-delà de leur simple
marquage. La détermination de l'origine des produits commande en effet
le régime juridique qui leur sera appliqué à l'occasion de leur franchisse-
ment de la frontière. Ainsi un produit originaire d'un pays membre de
l'OMC bénéficiera du régime conventionnel posé que ce soit en matière
d'accès aux marchés, de recours aux mesures de défense commerciale multilaté-
rale ou de mise en oeuvre des exceptions. C est dire toute l'importance de
cette question de la détermination de l'origine des produits rentrant dans
le commerce international. Le « GATT 1947 » était curieusement muet
sur cette question centrale.
528 Les négociateurs du «Cycle de l'Uruguay » s'efforcèrent de remédier à
te lacune et un « accord sur les règles d'origine » put être conclu : il est
inséré dans l'Annexe I A de l'OMC au titre des « accords multilatéraux sur
le commerce des marchandises ». Il fait ainsi partie du « GATT 1994 » —
du moins lato sensu.
529 L'objectif de cet Accord est de parvenir à une «harmonisation des règles
d'origine » à la suite d'un programme de travail s'étalant sur trois ans ; le
but n'est donc pas de poser un régime juridique international unique en
matière de règles d'origine, mais de faire en sorte que les lois nationales de
détermination du pays d'origine des marchandises soient « objectives »,
compréhensibles et prévisibles » (art. 9 (1.) c ), « cohérentes » (art. 9 (1.) f )
et qu'elles puissent être administrées « d'une manière cohérente, uni-
forme, impartiale et raisonnable » (art. 9 (1) e)). En aucun cas elles ne
devraient conduire à des distorsions, restrictions ou désorganisation du
commerce international (art. 9 (1) d)). Ce programme de travail sera exé-
cuté conjointement par la conférence ministérielle de l'OMC et le Conseil de
la Coopération Douanière (CCD) ; le pays d'origine sera celui où la « mar-
chandise aura été entièrement obtenue» (ce qui est simple à déterminer)
ou en cas de production dans plusieurs pays, (et c'est le plus fréquent et le
plus complexe) celui de la « dernière transformation substantielle » (art. 9
(1) b)). Durant la période de transition, les membres devront respecter des
disciplines communes (publicité, transparence, application non-discrimi-
natoire ou protectionniste, administration cohérente, uniforme, impar-
iale et raisonnable de leur législation sur les règles d'origine sous le
contrôle de juges indépendants). Ces réglementations seront notifiées au
Secrétariat de l'OMC. Un Comité des règles d'origine est chargé d'examiner
et de suivre le fonctionnement de l'Accord assisté d'un Comité technique
qui aura pour mission de suivre les résultats du programme de travail
d'harmonisation et de suggérer les modifications qui lui sembleraient
opportunes.
Ce régime posé en matière de règles d'origine a donné satisfaction dans
la mesure où il est exempt de tout contentieux et n'a fait l'objet que d'un
petit nombre de demandes de consultation de la part des membres de
l'OMC.
210 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
SECTION 2.
ENTRE LES PRODUITS ÉTRANGERS
À L'IMPORTATION : LE JEU DE LA CLAUSE
INCONDITIONNELLE DE LA NATION
LA PLUS FAVORISÉE
541 Fort ancienne, la clause de la nation la plus favorisée est susceptible de
revêtir des formes différentes (§ 1). Clef de voûte tant de l'Accord général
de 1947 que de l'OMC de 1995 (§ 2), elle connaît cependant de nom-
breuses exceptions qui en réduisent grandement la portée pratique (§ 3).
§ Historique et modalités
542 Présente depuis fort longtemps dans les traités de commerce bilatéraux
(1), elle peut revêtir deux formes profondément différentes selon qu'elle
est de nature conditionnelle — ce qu'elle fut initialement — ou incondi-
tionnelle — ce qu'elle est devenue aujourd'hui (2)
1. Ancienneté de la clause
543 La clause de la nation la plus favorisée, disposition ô combien classique des
raités de commerce, a une longue histoire qui remonte au... XIIIe siècle.
CCÈS AUX MARCHÉS 15
mondiale avec l'Allemagne en 1923, ils se firent les plus ardents défenseurs
de la version inconditionnelle de la clause accordant une considération
prioritaire à l'objectif de non-discrimination (ou d'égalité de traitement).
§ 3. Exceptions
560 De larges exceptions systémiques En dépit de son caractère de clef
de voûte tant à l'époque du GATT que maintenant dans le Système OMC,
la clause de la nation la plus favorisée connaît des exceptions étendues qui
ont pour point commun de reposer sur son exact opposé, la notion de pré-
férences commerciales. Seule leur existence sera ici signalée dans la mesure
où elles feront ailleurs l'objet d'un examen spécifique ultérieur (v. ss 706 s.).
L'Accord général de 1947 légitimait l'existence et la constitution d'ar-
rangements commerciaux préférentiels à des fins d'intégration économique
CCÈS AUX MARCHÉS 21
SECTION 3.
L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
ENTRE LES PRODUITS ÉTRANGERS
À L'IMPORTATION
ET LES PRODUITS NATIONAUX :
LA CLAUSE DU TRAITEMENT NATIONAL
562 Généralités 0 Le traitement national constitue le complément naturel du
raitement de la nation la plus favorisée pour donner effet au principe
cardinal de non-discrimination qui doit présider aux échanges commer-
ciaux internationaux. Ne pas discriminer entre les produits importés est
une chose, les traiter également avec les produits nationaux en est une
autre. La première est à l'évidence moins contraignante puisqu'elle ne vise
que la situation des produits importés de l'étranger. Ainsi, prise isolément,
222 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
elle n'interdit pas les mesures nationales de protection au profit des pro-
ducteurs locaux. La seconde va au-delà en posant le principe d'une égalité
de traitement entre les produits, quelle que soit leur origine — étrangère
(et donc importés) — ou nationale (et donc confectionnés localement).
Dans une optique d'organisation internationale des échanges fondée sur
la liberté et la non-discrimination (ce qui est l'essence même du multila-
téralisme), clause de la nation la plus favorisée et clause de traitement
national ne vont pas l'une sans l'autre, la seconde renforçant considéra-
blement la première. Elles n'ont d'ailleurs jamais manqué d'être associées
dans les traités bilatéraux de commerce (voire dans les conventions d'éta-
blissement) négociés entre les États. La clause de traitement national
constitue ainsi tout naturellement la deuxième clef de voûte tant du
« GATT 1947 » que du nouveau « Système OMC ».
563 Plan o Si la définition de cette clause de traitement national est simple
(§ 1), sa portée (§ 2) — particulièrement large — n'a jamais manqué d'être
au centre de nombreux différends commerciaux dans la mesure où la
tentation protectionniste a pu s'y donner libre cours. On notera enfin que,
contrairement à la clause de la nation la plus favorisée, elle ne connaît que
de rares exceptions (§ 3).
maintenir) sur son marché national une mesure qui viendrait à « modi-
fier les conditions de concurrence au détriment des produits importés »
pour reprendre ici une expression de l'organe d'appel dans son Rapport du
25 avril 2005 — WT/DE302/AB/R — République dominicaine — mesures
affectant l'importation et la vente de cigarettes sur le marché intérieur, § 93.
Toutefois, la tentation protectionniste — toujours forte et permanente —
s'est donnée ici libre cours. Nombre d'États n'ont en effet eu de cesse d'adop-
ter des réglementations qui, pour fondées qu'elle soient sur des motifs de
protection parfaitement légitimes tels que l'ordre public entendu au sens
large et qui tout en s'appliquant apparemment de façon non discriminatoire
à tous les produits nationaux comme importés, revêtaient une portée pro-
tectionniste certaine en ne s'appliquant de facto qu'aux seconds : tel est
l'essentiel du phénomène des obstacles non tarifaires qui apparaît avant tout
comme un détournement plus ou moins habile de la clause du traitement
national.
(v. sur tous ces points la très claire analyse contenue dans le Rapport du
4 octobre 1996 de l'organe d'appel dans l'affaire «Japon — Boissons alcoo-
liques », aux pp. 31-37). Ces produits « directement concurrents ou substi-
uables » ne doivent pas être soumis à une réglementation (fiscale ou non)
différente et à effet protectionniste (cette dernière conséquence posée par
l'article III.1 constituant la différence centrale entre cette catégorie de pro-
duits et la précédente).
Dans son Rapport précité de 1996, dans l'affaire «Japon — Boissons
Alcooliques », l'organe d'appel devait confirmer que le Whisky, le Brandy, le
Rhum, le Gin, le Genièvre et les liqueurs étaient « des produits concur-
rents ou directement substituables » par rapport au Shochu japonais et, de
ce fait, ne pouvaient pas faire l'objet d'une fiscalité différente à effet pro-
tectionniste. Cette analyse devait être reprise par l'organe d'appel dans
son Rapport du 30 juin 1997 dans l'affaire « Canada — certaines mesures
concernant les périodiques » de sorte qu'elle peut être considérée aujourd'hui
comme acquise et établie. Un rapport plus récent précité du 21 décembre
2011 de l'Organe d'appel dans l'affaire Philippines-Taxes sur les produits
distillés se situe bien dans cette ligne directrice : ce pays fut sanctionné
pour avoir institué, contrairement aux exigences posées par l'article 111.2
du « GATT 1994 », une taxation intérieure dissemblable - et partant, dis-
criminatoire - portant sur les spiritueux importés distillés (gin, brandy,
rhum, vodka, whisky et tequila) par rapport aux spiritueux distillés loca-
lement à partir de certaines matières premières (nipa, cocotier, manioc,
camote ou corypha) alors que les uns et les autres auraient dû être consi-
dérés comme « similaires » à raison de leur « concurrence directe » sur le
marché pertinent, de leur « substituabilité » et de leur utilisation finale
commune, à savoir « l'étanchement de la soif, la socialisation, la détente,
l'ivresse agréable (sic) » (§ 171).
selon que les produits sont locaux ou importés — ce qui serait un « tour de
passe-passe » particulièrement déloyal et porterait directement atteinte aux
avantages tarifaires figurant dans les listes de concessions (v. Guide des
Règles et Pratiques du GATT, op. cit., pp. 133-136).
573 La fiscalité ici visée est celle «de quelque nature qu'elle soit» frappant
« directement ou indirectement » les produits importés et qui ne doit pas
être supérieure à celle applicable aux produits nationaux similaires (art. III
(2)). Sont ici principalement concernés les contributions indirectes d'une
façon générale (droits d'accise, taxes indirectes et taxes à là consomma-
tion) non seulement dans leur assiette mais en tenant également compte
de la manière dont elles sont mises concrètement en oeuvre et, en particu-
lier, des possibilités d'exonération ou de remise de taxe (v. Guide des Règles
et Pratiques du GATT, op. cit., pp. 151-154 et 160-166).
Dans l'affaire précitée « Japon-Boissons alcooliques », l'organe d'appel
devait fort clairement préciser la démarche en trois étapes qui devait être
suivie pour déterminer si une mesure fiscale intérieure était compatible
(ou non) avec les dispositions de l'article 111.2 du GATT 1994: (i) les pro-
duits importés et nationaux sont-ils directement concurrents ou substi-
uables ? (ii) Sont-ils ou non frappés d'une taxe semblable ? et (iii) en cas
de différence d'imposition, celle-ci est-elle appliquée de manière à protéger
la production nationale ? (p. 33). Cette approche devait rester constante
tant pour les Groupes Spéciaux que pour l'organe d'appel (v. pour des
confirmations plus récentes et de grande importance pratique les rapports
de l'organe d'appel du 14 janvier 2002 dans l'affaire « États-Unis —
Traitement fiscal des sociétés de ventes à l'étranger » AB/2001.8 — WT/
DS/108/AB/RW) et dans celle précitée du 21 décembre 2011, Philippines-
Taxes sur les produits distillés).
LA LUTTE CONTRE
SECTION 1.
UNE PRATIQUE DÉLOYALE
DES ENTREPRISES : LE DUMPING
596 Phénomène ancien et complexe 0 Le dumping est un phénomène
ancien et complexe (v. par exemple l'ouvrage classique en la matière
de J. Viner, Dumping : a problem in international trade, University of Chicago
Press, 1923 et réimprimé en 1966 à New York par A. M. Kelly). D'une
façon générale, il s'agit d'une pratique de discrimination de prix, le même
produit étant vendu à des prix différents sur divers marchés nationaux et
sans justification économique ou commerciale fondée. Le plus souvent le
dumping prend la forme de la vente par une entreprise du même produit
sur un marché étranger à un prix inférieur à celui prévalant sur son mar-
ché national. Si en termes généraux, le dumping est condamnable en ce
qu'il entraîne une mauvaise allocation de ressources entre pays exporta-
urs et pays importateurs, il se révèle cependant favorable pour les
236 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
consommateurs des pays à prix « cassés » alors qu'il porte atteinte aux
intérêts des producteurs locaux. C'est dire que le dumping suppose tou
jours une analyse économique très délicate à mener.
Ceci étant, le dumping a toujours été combattu par les pays importa-
teurs. C'est ainsi que les premières lois anti-dumping ont été adoptées par
le Canada et les États-Unis en 1903 et 1916 respectivement.
597 Du GATT à l'OMC 0 L'Accord général de 1947 reflète une approche
particulièrement prudente du « dumping » (art. VI (1)). De surcroît, les
concepts employés, insuffisamment précis, ont dû être affinés au cours
des ans par des accords latéraux spécifiques. Ainsi, le premier « accord
relatif à la mise en oeuvre de l'article VI du GATT (communément appelé
« Code anti-dumping ») date de 1967 et du Kennedy Round. Il fut renégo-
cié et renforcé en 1979 à l'occasion du Tokyo Round pour être aujourd'hui
remplacé par l'« Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord
général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce de 1994 », celui-ci étant
inséré dans l'Annexe I A de l'OMC au titre des Accords de commerce
multilatéraux. Alors que le « Code anti-dumping de 1979 » n'avait jamais
lié plus de 26 parties contractantes, le nouvel accord de par son insertion
dans le Système OMC est désormais obligatoire pour tous les membres de
cette institution.
Il faut ici rappeler que ce « code anti-dumping 1994 » — comme d'ail-
leurs son prédécesseur — contient une disposition générale selon laquelle
« chaque membre prendra toutes les mesures nécessaires... pour assurer la
conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec
les dispositions du présent accord »... (art. 18.4). Ceci confirme, et ici
encore dans un langage plus directif, la supériorité générale du « droit
OMC » sur le droit interne et l'obligation qui en découle pour les membres
de ne pas maintenir de législation, réglementation ou pratique incompa
tible ou contradictoire (v. ss 195).
Enfin, le régime international du dumping et des mesures pour y
faire face tel qu'il est posé par le nouveau droit de l'OMC est exclusif
de tout autre : ainsi, un État ne serait pas fondé à prendre une mesure
particulière en la matière si celle-ci se révélait incompatible avec l'Ac-
cord anit-dumping (et tel fut le cas des États-Unis au titre de la « loi de
2000 sur la compensation pour continuation du dumping et maintien de la
subvention » (Amendement Byrd) — Voir le Rapport de l'Organe d'ap-
pel du 16 janvier 2003 (WT/DS217/AB/R et WT/DS234/AB/R). (V.
ss 268 et 609, 627).
598 Plan 0 Ceci étant, il convient de déterminer les conditions dans lesquelles
le dumping est condamnable faute d'être prohibé per se (§ 1), les mesures
de rétorsion auxquelles il peut donner lieu (§ 2) et enfin les procédures qui
doivent être suivies pour éviter que les mesures anti-dumping ne soient pas
utilisées comme des barrières non-tarifaires (§ 3).
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 37
Le dumping condamnable
599 Plan 0 L'approche de l'Accord général de 1947 — et rien n'a changé depuis
sur ce point — est particulièrement prudente : le dumping n'est pas interdit
en soi (1). Il ne devient répréhensible que si les pratiques qui le constituent
(2) sont de nature dommageable (3).
tablie (1). Toutefois, il ne s'agit aucunement d'un blanc-seing qui lui serait
accordé : il existe en effet toute une réglementation précise à laquelle l'imposi-
tion d'un droit anti-dumping doit répondre et se conformer (2).
3. La normalisation internationale
des procédures nationales
613 Plan o L'Accord général de 1947 était entièrement muet en la matière et
laissait les parties contractantes libres d'organiser leurs procédures
internes de détermination du dumping comme elles l'entendaient. Les dif-
férends soumis au GATT en la matière montrèrent clairement que ces
procédures nationales pouvaient constituer des barrières non-tarifaires à
portée protectionniste marquée. Les Codes anti-dumping successifs s'ef-
forcèrent ainsi de poser (et parfois dans le menu) les règles que les pays
devraient suivre dans leurs procédures internes.
Désormais, tant en matière d'ouverture (1) que de déroulement (2) ou
de contrôle (3) des enquêtes de dumping, les pays membres de l'OMC sont
tenus de suivre une procédure commune. Il demeure enfin une lacune
importante dans le nouveau système qui n'appréhende pas les législations
dites « anti-contournement » (4).
1. L'ouverture de l'enquête
614 Il est impossible d'imposer un droit anti-dumping, du moins définitif, si ce
n'est au terme d'une enquête menée par les autorités nationales com-
pétentes qui aura pour but de « déterminer l'existence, le degré et l'effet de
tout dumping allégué » (art. 5.1). L'enquête ne pourra être diligentée qu'à
la suite d'une demande « écrite » présentée par la « branche de production
nationale » affectée. La demande en question devra être précise et argu-
mentée (art. 5.2). Au vu de ces éléments préliminaires, une décision d'ou-
vrir une enquête sera alors prise (ou non) par les autorités compétentes.
La décision d'ouvrir une enquête sera rendue publique (mais non la simple
demande) (art. 5.5) et sera accompagnée d'une explication des détermina-
tions faites (art. 12)
615 De ceci, il résulte que l'ouverture d'une enquête de dumping par les autori-
tés nationales n'est ni automatique ni discrétionnaire. La requête doit
apparaître comme fondée et sérieuse. En outre, « sauf circonstances spé-
ciales », elle ne dispose d'aucun pouvoir d'auto-saisine (art. 5.6). Aucune
mesure protectrice autre que de nature provisoire ne pourra être adoptée
avant la clôture de l'enquête (art. 7).
Au cours de ces dernières années, les ouvertures d'enquête au sein des
pays membres de l'OMC ont été en légère décroissance pour osciller
entre 150 et un peu moins de 200. Les plus actifs ont été - et cela est
traditionnel - les États-Unis talonnés voire parfois dépassés, et cela est
nouveau, par l'Inde, la Turquie, la Chine ou l'Argentine. Elles ont le plus
souvent porté sur les secteurs de la chimie, de la métallurgie ou des
plastiques.
242 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
Déroulement de l'enquête
616 Une grande précision 0 Là encore, le déroulement de la procédure
est précisée dans le menu. Tout d'abord, sa durée est limitée (en géné-
ral à un an) et ne devra jamais aller au-delà de 18 mois après son
ouverture (art. 5.10). Ensuite, la procédure suivie devant les autorités
compétentes sera contradictoire (art. 6.2) et les parties pourront utili-
ser tous les éléments de preuve pertinents (art. 6.1). Les renseigne-
ments confidentiels seront protégés (art. 6.5). Ce sera aux autorités
nationales compétentes de s'assurer de « l'exactitude des renseigne-
ments fournis par les parties » (art. 6.6), au besoin par des enquêtes
in situ sur le territoire d'autres membres à condition que ceux-ci ne s'y
opposent pas et que l'entreprise concernée l'accepte (art. 6.7 et
annexe I).
L'ouverture de la procédure d'enquête est particulièrement large ainsi
qu'en témoigne le concept retenu de « parties intéressées » (art. 6.11). En
outre, les utilisateurs industriels du produit concerné ainsi que les associa-
tions de consommateurs pourront intervenir pour fournir des renseigne-
ments (art. 6.12).
En particulier, les exportateurs étrangers concernés devront être à
même de pouvoir défendre leurs intérêts en recevant en temps utile les
demandes de renseignements qu'ils devront fournir à l'autorité nationale
en charge de la conduite de la procédure anti-dumping ou en ne se voyant
pas abusivement opposé le caractère « confidentiel » de certaines informa-
ions émanant de leurs concurrents locaux : ainsi, dans l'affaire
Communautés européennes - Mesures anti-dumping défensives visant certains
éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine, l'Organe d'ap-
pel devait censurer l'UE pour y avoir failli (Rapport du 15 juillet 2011,
WT/DS/397/AB/R, § 527 et 543 s.).
617 La procédure d'enquête pourra être suspendue ou close si l'exportateur
souscrit des engagements appropriés de prix (art. 8). De tels engagements
devront mettre fin à l'effet dommageable du dumping en cause. En réalité,
elles se traduiront par des augmentations de prix de la part de l'exporta-
teur. Ces engagements devront être acceptés par les autorités compétentes
du pays importateur qui devront être persuadées de leur caractère adé-
quat. Celles-ci pourront demander à l'exportateur la fourniture pério-
dique de renseignements sur l'exécution de ces engagements ainsi que la
possibilité de les vérifier.
618 En bref et en un mot, cette procédure (de même d'ailleurs que toutes celles
mettant en oeuvre des mesures de défense commerciale multilatérale) doit
se dérouler d'une manière aussi proche que possible de celle exigée en
matière contentieuse avec le respect du droit à un procès équitable (right to
a fair trial).
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 43
LA LUTTE CONTRE
SECTION 2.
UNE PRATIQUE DÉLOYALE ÉTATIQUE :
LES SUBVENTIONS
625 Une longue histoire Les aides publiques ont une très longue histoire.
Elles n'ont cessé d être un élément central des politiques fondées sur une
approche mercantiliste du commerce international. De nos jours, elles
constituent le moyen privilégié de l'intervention de l'État dans la vie éco-
nomique. Si certaines subventions apparaissent fort légitimes comme
moyens de lutter contre le chômage ou à des fins d'aménagement du ter-
ritoire par exemple, d'autres sont plus naturellement agressives ou
déloyales lorsqu'elles ont pour finalité le développement des exportations.
Or, si les unes et les autres aboutissent à des degrés divers à des distorsions
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 45
1. La notion de subvention
a. Les subventions en général
629 Une subvention sera réputée exister si deux éléments sont présents : que
l'État ou ses démembrements accordent une « contribution financière » à
des entreprises et que celles-ci en tirent un « avantage » (art. premier).
L'aspect financier peut revêtir des formes multiples spécifiques (tels que les
aides publiques directes ou indirectes, des incitations ou des exonérations
fiscales notamment) ou générales (ainsi des politiques de soutien des reve-
nus ou des prix) (ou encore d'allègements des conditions de rembourse
ment de prêts tels que des reports d'échéance, des réductions de taux d'in-
térêt ou des conversions de créance en participations de capital — Rapport
de l'Organe d'appel du 28 novembre 2007, Japon-DRAM (Corée), W.T./
DS 336/ AB/R)
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 47
Ainsi que devait le préciser l'Organe d'appel dans son Rapport du 19 jan-
vier 2004 (États-Unis — Détermination finale en matière de droits compensa-
teurs concernant certains bois d'oeuvre résineux en provenance du Canada,
WT/DTS 257/AB/R), le « concept de subvention... recouvre les situations
dans lesquelles quelques chose ayant une valeur économique est transféré
par les pouvoirs publics au profit d'un bénéficiaire» (§ 51). En bref, deux
éléments distincts doivent être présents : une contribution financière
publique (celle-ci pouvant revêtir la forme d'un soutien des prix ou des
revenus) et un avantage conféré par celle-ci à un agent économique donné.
Pour que l'Accord de 1994 appréhende les subventions, il faut que celles-ci
soient spécifiques.
même produit ne peut faire à la fois l'objet d'un droit anti-dumping et d'un
droit compensateur afin de remédier à une même situation due à une
pratique de dumping ou de subvention (art. 19.3).
En outre, comme en matière de dumping (v. ss 609), l'État qui perçoit des
droits compensateurs ne saurait les restituer aux entreprises qui ont été à
l'origine des plaintes — ce qui ne ferait qu'inciter à des contentieux et au
demeurant constituerait une... subvention illicite (et tel était l'une des
caractéristiques de « l'amendement Byrd » précité vivement critiqué dès
son adoption par les partenaires des États-Unis qui devaient en obtenir la
condamnation par l'OMC en janvier 2003).
645 En cas de nécessité, un droit compensateur provisoire pourra être imposé et
ne devra en aucun cas excéder une durée de quatre mois (art. 17).
Que ce soit un droit compensatoire « définitif » ou « provisoire », il ne
saurait, en principe, être appliqué de manière rétroactive (art. 20).
Au 1" juillet 2010, 66 droits compensateurs avaient été notifiés à l'OMC
et se trouvaient ainsi en vigueur ; l'essentiel d'entre eux provenait des
États-Unis (43), le reste émanant principalement de l'Union européenne
(9) et du Canada (8) (V. OMC, Rapport annuel, 2011, p. 39).
646 Les droits compensateurs (ainsi que les engagements) doivent rester limi-
tés dans le temps et ne pas être permanents. Ils ne sauraient avoir une
durée de vie supérieure à cinq (5) ans (art. 21). Comme en matière de droit
anti-dumping, cette disposition a été couramment qualifiée de « sunset
clause ».
b. Les engagements
647 Il ne sera pas fait usage des droits compensatoires provisoires ou définitifs,
si des engagements « satisfaisants » ont été souscrits (art. 18). Ceux-ci
peuvent l'être soit par les pouvoirs publics du pays exportateur qui aura
accepté d'éliminer ou de restreindre la subvention en cause, soit par l'ex-
portateur lui-même qui aura accepté des augmentations de prix (mais
sans toutefois qu'il puisse y être contraint). Les engagements offerts ne
seront acceptés par les autorités compétentes du pays importateur que si
ils leur apparaissent « réalistes » (art. 18.3). C'est dire que ces engage-
ments, que ce soit en matière de dumping ou de subvention, ne revêtent
aucun caractère « automatique » ; il ne s'agit que d'une technique alterna-
ive dont les termes doivent être négociés à la satisfaction mutuelle tant du
pays exportateur que du pays importateur.
2. La procédure d'enquête
648 Plan o Ici encore, les analogies sont étroites avec la situation prévalant
en matière de dumping. Tant les conditions d'ouverture (a) que le dérou-
lement (b) de l'enquête mené par les autorités compétentes du pays
252 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
b. Déroulement de l'enquête
651 L'enquête menée par les autorités compétentes dû pays importateur devra
s'appuyer sur des éléments de preuve incontestables et respecter la confi-
dentialité des renseignements obtenus (art. 12). En particulier, elle devra
respecter le principe du contradictoire en offrant la possibilité à toutes les
« parties intéressées » (elles sont définies à l'art. 12.9 de façon extensive)
de prendre connaissance du dossier et de présenter leurs observations. Il
pourra être procédé à des enquêtes in situ sur le territoire d'autres pays
membres et dans les locaux d'entreprises concernées à condition que les
uns et les autres y donnent leur accord (art. 12.6 et annexe VI).
652 En outre, les diverses déterminations que les autorités compétentes du pays
d'accueil seront amenées à faire au terme de la procédure d'enquête sont
loin d'être laissées à leur discrétion. Des règles précises sont posées pour la
détermination tant du «préjudice grave » (art. 6.1 a) et annexes IV et V),
que de l'existence d'un « dommage » (art. VI du GATT et art. 15 de l'Accord
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 53
de 1994) tandis que des « principes directeurs » sont posés pour le calcul
de l'avantage conféré au bénéficiaire par la subvention en cause (art. 14 de
l'Accord).
653 Enfin pour couronner l'édifice, comme en matière de dumping, les exi-
gences d'un régime d'État de droit doivent être remplies avec la présence
d'un contrôle juridictionnel adéquat (art. 23). Ainsi, toutes déterminations
faites au titre de la procédure d'enquête par les autorités nationales com
pétentes du pays importateur devront pouvoir être contestées et révisées,
par des tribunaux indépendants (administratifs, arbitraux ou judiciaires,
peu importe).
654 Le nombre d'enquêtes ouvertes à ce titre chaque année n'a cessé de varier
considérablement allant de moins de 5 à plus de 30. Si les États-Unis et
l'Union européenne en sont restés les principaux initiateurs, la Chine les
a rejoint depuis 2009 avec la mise en oeuvre de 4 procédures de ce type.
Elles ont en général en commun de se terminer la plupart du temps par
l'absence d'imposition de mesures compensatoires finales.
Au 1er octobre 2012, 93 affaires portant sur les subventions avaient été
portées devant l'ORD - soit exactement le même nombre que celles
concernant le dumping - de sorte que ces deux principales mesures
déloyales commerciales ont été à l'origine de l'essentiel du « contentieux »
dont a eu à connaître le mécanisme de règlement des différends de l'OMC.
LA DÉFENSE LIÉE
SECTION 3.
À LA DÉSORGANISATION DES MARCHÉS :
LE RECOURS À DES MESURES
DE SAUVEGARDE
657 Intérêts des producteurs et des consommateurs La libéralisation
des échanges ne va jamais sans heurts. L'ouverture des frontières, si elle
avantage toujours les consommateurs qui peuvent ainsi bénéficier des effets
positifs dus à la concurrence des produits étrangers, en revanche, elle se
heurte souvent aux réticences des producteurs qui se voient menacés de
perdre des parts de leur marché national. En bref, si les consommateurs
penchent tout naturellement en faveur du libre-échangisme, les produc-
teurs eux sont plutôt enclins au protectionnisme — du moins sur leur
propre marché. C'est dire que les États doivent en permanence arbitrer
entre ces intérêts opposés dans la formulation de leur politique commer-
ciale extérieure. L'idée directrice contemporaine est ainsi d'associer la libé-
ralisation du commerce international à l'ajustement structurel interne en
aidant les industries touchées par une concurrence accrue à se reconvertir
vers d'autres créneaux plus porteurs et où elles pourraient bénéficier d'un
avantage compétitif — sans parler, bien sûr, des préoccupations liées à la
situation de l'emploi. Or, cette phase d'adaptation aux nouvelles condi-
tions de concurrence liées à la libéralisation des échanges prend du temps
et peut nécessiter des retours provisoires en arrière avec l'adoption de
mesures protectionnistes.
La législation des États-Unis en matière de commerce international
illustre bien ces préoccupations et contraintes contradictoires. Elle a tou-
jours insisté pour que les accords de commerce réciproques (Reciprocal
Trade Agreements) conclus par les États-Unis contiennent une « clause
échappatoire » (escape clause) aux termes de laquelle il serait possible de
revenir sur des concessions tarifaires en cas de situation d'urgence liées à
une « désorganisation » du marché (v. J. H. Jackson, World Trade and the
Law of GATT, op. cit., pp. 553-555).
658 Une restriction a priori loyale De telles mesures de sauvegarde pre-
nant la forme de restrictions aux importations affectent à l'évidence la
liberté du commerce mondial. Constituant un retour en arrière, elles ne
peuvent être adoptées que dans l'urgence pour faire face à une situation
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 55
de son commerce ainsi que de circonstances imprévues (et tel ne serait pas le
cas par exemple d'un changement de mode ainsi que cela fut précisé par un
« groupe de travail » dans un rapport de 1951 opposant la Tchécoslovaquie aux
Etats-Unis à propos de l'importation de chapeaux de feutre) et elle doit causer
(ou menacer de causer) un dommage grave c'est-à-dire un préjudice sérieux aux
producteurs locaux de produits similaires ou concurrents.
664 Or, tous les éléments clefs que sont l'augmentation massive des importa-
tions, le lien de causalité avec la libéralisation des échanges négociés au
sein du GATT et le dommage grave (ou pire sa simple menace) aux pro-
ducteurs nationaux relèvent de l'appréciation discrétionnaire du pays
importateur.
l'Accord général de 1947. Il était donc fait renvoi à une appréciation pure-
ment discrétionnaire du pays importateur.
En outre, aucune limite de temps ne lui est assignée, de sorte que la ten-
tation naturelle sera de pousser à leur application permanente.
a. Un large usage
673 Devant un tel contexte dominé par l'imprécision, les parties contractantes
furent souvent tentées de faire un large (et abusif) recours aux possibilités
258 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
restrictives offertes par l'article XIX. Il y a en effet été recouru 150 fois
dans toute l'histoire de l'Accord général (v. in Guide et Pratiques du GATT,
le tableau reproduit pp. 583-605). En outre, la durée d'application des res-
trictions a été particulièrement longue, alors qu'il y avait tout lieu de pen-
ser qu'elle serait brève compte tenu de la situation d'urgence : des périodes
de mise en oeuvre s'étalant sur cinq à dix ans — voire plus — ont en effet
été d'usage courant.
676 Si les groupes de travail qui eurent à connaître de ces « accords de res-
riction volontaire aux exportations » n'arrivèrent pas à des conclusions
définitives quant à leur régime juridique au sein du « système GATT », il
demeure cependant clair que leur négociation visait à la fois à passer
outre à l'interdiction des restrictions quantitatives de l'article XI et au
recours à la clause de sauvegarde de l'article XIX. Cette « zone grise » du
GATT, de plus en plus importante, ne pouvait plus continuer à être
ignorée.
LES RÈGLES MULTILATÉR ES DE DÉFENSE COMM RCI LE 59
L'apurement du passé
678 À ce titre, il devra être mis fin tant aux recours passés (souvent abusifs) à
l'article XIX du GATT 1947 (a) qu'à son détournement via les accords
d'autolimitation ou de commerce ordonné ; souvent qualifié de « zone
grise » du GATT (b).
Bibliographie
Tous les ouvrages cités dans la bibliographie générale examinent en détail les
questions abordées dans ce chapitre. De même et comme à l'accoutumée, il convien-
dra de les compléter par le recours à l'indispensable « Guide des règles et pratiques
du GATT » et maintenant de l'OMC.
Pour des études plus spécifiques, voir :
• Sur les pays en développement : T. Ademola Ayejide, The participation of developing
countries in the Uruguay Round : an African perspective, The World Economy, 1990, p. 427 s. ;
B. Balassa and C. Michalopoulos, Liberalizing trade between developed and developing
countries, JWTL 1986. 3 s. ; G. Feuer, L'Uruguay Round, les pays en développement et le
droit international du développement, AFDI 1994. 758 s. ; I. Franck, The « graduation »
issue for LDCS, JWTL 1979. 289 s. ; H. Gros Espiell, GATT : accomodating generalized
preferences, JWTL 1974. 341 s. ; R. E. Hudec, Developing countries in the GATT legal system,
Aldershot, Thames essay n° 50, 1987 ; GATT and the developing countries, Columbia Bus.
Law Rev., 1992, p. 67 s. ; J. Lebullenger, La portée des nouvelles règles du GATT en faveur
des parties contractantes en voie de développement, RGDIP 1992. 254 s. ; V. Rege,
Economies in transition and developing countries : prospects for greater cooperation in trade
and economic fields, JWT 1993. I. 83 s. ; A. A. Yusuf, « Differential and more favourable
treatment » : the GATT enabling clause, JWTL 1980. 488 s.
• Sur les intégrations économiques régionales : L. Huber, The practice of GATT
in examining regional arrangements under article XXIV, Journal of Common Market
Studies, 1981, p. 281 s. ; R. S. Imhoof, le GATT et les zones de libre-échange, Genève,
Études Suisses de droit international, vol. 18, 1979 ; Regional trade blocs, multilate-
ralism, and the GATT : complementary paths to free trade ? ed. by T. Geiger and
D. Kennedy, London, 1996 ; Régionalisme et le système commercial mondial,
Genève, 1995 ; Relations entre économies industrialisées et économies en transition
ou en développement : aspects institutionnels et juridiques, Éd. E. Schaeffer,
Bruxelles, Bruylant, 1995. F. Schoneveld, The EEC and free trade agreements : stretching
the limits of GATT exceptions to non-discriminatory trade ?, JWT 1992. 2, p. 17 s.
Sur les produits de base (ou matières premières) : E Canuto, Natural resource-
based products, in the GATT Uruguay Round : a negotiating history (1986-1992),
Deventer, Kluwer, 1993, vol. I, p. 459 s. ; D. Dormoy, Le commerce des produits de
base et l'action internationale, Paris, Pédone, 1986 ; R M. Eisemann, L'organisation
internationale du commerce des produits de base, Bruxelles, Bruylant, 1982 et
V° Les produits de base, in Répertoire de Droit International, Dalloz, 1998.
• Sur l'exception de sécurité : J. M. Hahn, Vital interests and the law of GATT : an
analysis of GATT's security exception, Mich. J. Int'l L., 1990/1991, p. 558 s. ; au regard
des lois américaines Helms-Burton et d'Amato de 1996 : M. Cosnard, Les lois Helms-
Burton et d'Amato-Kennedy, interdiction de commercer avec, et d'investir dans
certains pays, AFDI 1996. 33 s. ; R. Dattu and J. Boscariol, GATT article XXI, Helms-
Burton and the continuing abuse of the national security exception, Canadian Bus. Law
Journal, 1997, p. 198 s. ; B. Stem, Vers la mondialisation juridique ? Les lois Helms-
Burton et d'Amato-Kennedy, RGDIP 1996. 979 s.
EXCEPTIONS ET DÉROGATIONS 65
695 Plan On a souvent dit du GATT qu'il ne vivait que par ses exceptions et
qu'en cela il n'était pas sans ressembler à un fromage de gruyère. Même si
les exceptions au régime général posé par l'OMC demeurent nombreuses
et significatives, la progression de la règle de droit est réelle depuis l'époque
de l'Accord général. A travers leur caractère hétéroclite, elles poursuivent
une finalité commune qui est de ménager une certaine souplesse au fonc-
tionnement du système commercial multilatéral. C'est ainsi que les divers
pays membres de l'OMC, loin d'être homogènes sur le plan du développe-
ment économique, ont été au cours des ans classés par catégories bénéfi-
ciant de régimes de faveur (Section 1). De même, il a fallu faire une place
à cette grande réalité du monde contemporain que sont les groupements
d'États sur le plan économique : c'est ainsi que les intégrations écono-
miques régionales ont reçu un véritable statut commercial international
reconnaissant, sous condition, leur licéité (Section 2). D'autres exceptions
dites générales ont été officialisées pour permettre aux pays membres de
faire face à dés situations de nature extra-commerciale et le plus souvent
liées à la défense de leur ordre public (Section 3). D'autres enfin visent des
situations ponctuelles fort disparates allant des difficultés financières, à la
protection de la sécurité nationale — sans parler de l'octroi toujours pos-
sible de dérogations (Section 4).
COMMERCE MULTILATÉRAL
SECTION 1.
ET NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE
696 Généralités 0 Le système commercial multilatéral — que ce soit celui
posé par le « GATT 1947 » ou celui, plus intégré, établi par l'OMC — repose
sur l'égalité des participants : la non-discrimination dans ses divers aspects
en constitue le noyau dur incompressible (v. supra). Or traiter de manière
identique des pays inégaux n'est-il pas générateur d'inéquité en faisant
riompher la forme sur le fond ? Ce débat, les démocraties industrielles le
connaissent bien depuis plus d'un siècle. C'est en effet au nom de l'égalité
réelle — et partant de l'équité — que le droit contemporain n'a cessé de
jouer un rôle compensateur en protégeant les plus faibles grâce à des avan-
ges particuliers et en les faisant financer par les plus aisés. Comment, ici
ne pas se rappeler ce mot célèbre de Lacordaire prononcé dès le milieu du
siècle dernier et selon lequel « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui
opprime et la loi qui libère » ?
697 Droit compensateur Or, cette révolution culturelle quant au rôle
protecteur et compensateur de la règle de droit n'a encore que faiblement
franchi les frontières de l'ordre international. Toutefois, c'est dans le
domaine du droit international économique, et plus particulièrement
266 PPROCHE HORIZONTALE : PRINCIPES GÉNÉRAUX COMMUNS
704 Il existe toutefois une exception majeure bien connue et déjà signalée avec
la reconnaissance du principe de non-réciprocité dans les négociations com-
merciales entre pays développés et pays en développement (art. XXXVI (8)
et v. ss 297 s.). On rappellera en effet que les principes généraux de récipro-
cité et d'avantages mutuels gouvernent la conduite des négociations com-
merciales multilatérales de façon à déboucher sur un équilibre global des
concessions. On ne reviendra pas sur ce qui a été dit précédemment si ce
n'est pour signaler une nouvelle fois que l'élimination de la réciprocité
dans les relations Nord/Sud a confiné les pays en voie de développement
au rôle de simples spectateurs dans les grandes négociations internatio-
nales : n'ayant rien à offrir, ils n'ont guère pu faire entendre leurs voix et
obtenir les concessions qu'ils souhaitaient.
711 Sont également validés, les accords préférentiels de commerce entre pays
en voie de développement visant à réduire entre eux sur « une base
mutuelle » tant les droits de douanes que les obstacles non tarifaires. À cet
effet, nombre d'arrangements préférentiels furent notifiés au GATT (v. la
Liste in Guide des Règles et Pratiques du GATT, op. cit., pp. 62-64). Furent
également validés, les traitements spéciaux accordés aux « pays en voie de
développement les moins avancés » (PMA).
712 Enfin, cette décision contient une « clause évolutive » (§ 7) selon laquelle
les pays en voie de développement eux-mêmes doivent « prendre plus plei-
nement leur part dans l'ensemble des droits et obligations découlant de
l'Accord général ». Sous cette formulation cryptique et en l'absence du
moindre critère de mise en oeuvre, était visée la situation des pays en déve-
loppement plus avancés (ceux que l'on a parfois qualifiés de « nouveaux
pays industrialisés » ou NPI) qui pourraient se voir privés du bénéfice d'un
traitement préférentiel par les pays développés tandis qu'ils devraient en
accorder un aux pays moins favorisés qu'eux-mêmes.
a. L'approche générale
714 Là comme ailleurs, il convient de rappeler que l'OMC reprend l'acquis du
GATT à la fois d'une manière générale (art. XVI (1), et spécifique en ce qui
concerne les décisions adoptées par les parties contractantes du GATT (art. 1 b)
iv du « GATT 1994 »), ce qui couvre à l'évidence la clause d'habilitation de 1979.
En outre, il convient de rappeler que l'OMC, tout comme le GATT, ne
considère pas que le régime juridique de faveur dont bénéficient les pays en
développement est permanent ; il n'est que de nature provisoire, étant des-
tiné à remédier aux difficultés de ces pays posées en principe comme non
définitives. C'est dire que le Système OMC n avalise pas un système de
pluralité des normes commerciales, du moins à titre permanent ; le respect
des règles de droit commun constitutives du système commercial multila-
téral demeure l'objectif à atteindre.
716 Il est en effet couramment admis par ces Accords que les pays en développe-
ment (et, on le rappelle, les bénéficiaires ne sont aucunement définis) dis-
posent de périodes d'adaptation plus longues. Il en va ainsi par exemple au titre
de l'Accord sur l'Agriculture (art. 15), de l'accord sur « l'application des
mesures sanitaires et phytosanitaires » (art 10), de l'accord sur les « obs-
tacles techniques au commerce » (art. 12 et art. 11 prévoyant une assistance
technique à leur profit), de l'accord sur les mesures concernant les investis-
sements et liés au commerce (MICS) (art. 41), de l'accord sur la mise en
oeuvre de l'article VI du GATT de 1994 (« Code anti-dumping » (art. 15), de
l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VII du GATT de 1994 (« Code de
l'évaluation en douanes ») (art. 20), de l'accord sur l'inspection avant expé-
dition (préambule), de « l'accord sur les subventions et les mesures compen-
satoires » (Code sur les subventions) (Partie VIII et art. 27), de « l'accord sur
les sauvegardes » (art. 9), de « l'accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce » (ou ADPICS) (art. 65 (2))
produits alimentaires (art. 16). De plus, leurs besoins spéciaux devront être
pris en considération au titre de « l'Accord sur l'application des mesures
sanitaires et phytosanitaires » (art. 10), de « l'Accord sur les subventions
et les mesures compensatoires » (Par ie VIII et art. 27), de l'Accord sur les
ADPICS (art. 66 et art. 67 leur offrant une coopération technique) ainsi
qu'au titre des « Règles et procédures régissant le règlement des diffé-
rends » (art. 24 du « Mémorandum d'accord » prévoyant des procédures
spéciales et fondées sur la modération des parties développées).
722 En outre, d'une manière générale, une décision spécifique — « les mesures
en faveur des pays les moins avancés » adoptée le 15 avril 1994 à l'occasion
de la signature de l'Acte final de Marrakech —, pose en principe que les
PMA « ne seront tenus de contracter des engagements et de faire des
concessions que dans la mesure compatible avec les besoins du développe-
ment, des finances et du commerce de chacun d'eux ou avec leurs capaci-
tés administratives et institutionnelles » (§ ). De plus, dans la « mesure
du possible », ils bénéficieront immédiatement des concessions tarifaires et
non-tarifaires négociées à l'occasion du Cycle de l'Uruguay. D'une manière
générale, le « droit OMC » leur sera appliqué « de manière flexible et favo-
rable » (§ 2 iii). Enfin, ils bénéficieront d'une « aide technique considéra-
blement accrue » (§ 2 iv) afin de « tirer parti au maximum de l'accès libé-
ralisé aux marchés » (Ibid.). Tout ceci relève certes d'intentions louables
mais demande à être précisé.
723 Au 1er novembre 2012, la très grande majorité de ces « PMA » (34) fai
saient partie de l'OMC tandis que dix autres étaient en train de négocier
leur accession - ce qui tend à prouver que, en dépit de ses insuffisances en
la matière, l'appartenance à cette institution était loin de manquer d'at-
rait et d'intérêt pour cette catégorie de pays défavorisés.
SECTION 2.
COMMERCE MULTILATÉRAL
ET INTÉGRATIONS ÉCONOMIQUES
RÉGIONALES
726 Le GATT hier, l'OMC aujourd'hui s'appliquent tout naturellement aux terri-
toires des parties contractantes tel que le droit international les reconnaît et les
délimite spatialement par des frontières d'État. La plupart du temps frontières
politiques et frontières économiques coïncident, mais ce n'est pas toujours le
cas comme le démontre l'existence d'une zone franche entre la France et la
Suisse en Savoie et dans le Pays de Gex datant de l'Acte final de Vienne de 1815.
727 La frontière, manifestation concrète de l'exclusivité territoriale de l'État,
constitue un obstacle naturel à franchir et apparaît ainsi comme un élé-
ment de rupture freinant (et parfois empêchant) la continuité des
échanges économiques internationaux. Si elle présente une réalité cer-
taine tant du point de vue historique, juridique et politique, en revanche,
sur le plan économique elle apparaît souvent artificielle, et aujourd'hui de
plus en plus. Ce phénomène est bien connu et traditionnel pour les zones
frontalières : l'unité économique d'une région entraîne souvent le « dépas-
sement» de la frontière au sens politique et juridique du terme avec l'ins-
itution d'un régime d'échange particulier. L'Accord général reconnaît
l'existence de ce « trafic frontalier » auquel ses dispositions ne sauraient
faire obstacle (art. XXIV (3) a)).
Mais il y a plus que ce phénomène local.
728 Depuis longtemps déjà les États ont reconnu le caractère artificiel de leurs
frontières au regard des échanges économiques. Ainsi, souvent dans le
passé, ont-ils décidé de supprimer leur frontière au sens économique du
terme tout en les maintenant dans leurs fonctions juridiques et politiques.
L'exemple du zollverein constitué par nombre de principautés et royaumes
allemands au xix e siècle est demeuré célèbre. De nos jours, tentations et
réalisations ont continué de plus belle à la fois pour des raisons écono-
miques et politiques. Sur le plan économique, la plupart des États sont trop
EXCEPTIONS ET DÉROGATIONS 275
1. Conditions procédurales
738 Les pays désireux de constituer ce type d'intégration régionale doivent en
avertir l'OMC (a) qui procédera alors à l'examen de leur projet (b) pour,
par la suite, en contrôler la mise en oeuvre (c).
tant par le « GATT 1947 » que par le « GATT 1994 », il risque néanmoins
de porter atteinte à l'unité du régime juridique établi par le système com
mercial « intégré » né des Accords de Marrakech. En outre, comment ne
pas rappeler ici que de tels accords préférentiels « régionaux » n'ont pas
manqué de contribuer à l'enlisement sans doute définitif du « cycle
de Doha » en apparaissant comme des substituts acceptables - voire pré-
férables ? (v. ss 391).
744 Pour terminer sur ce point, cette prolifération d'accords de commerce de
nature préférentielle pose à l'évidence de délicats problèmes de chevauche-
ment (et de compatibilité) des régimes juridiques posés (phénomène sou-
vent qualifié de « bol de spaghettis ») - sans parler de leur compréhension.
En outre et plus grave sur le plan systémique, porteurs par essence de dis-
criminations à l'encontre des pays tiers et de leurs agents économiques (et
n'est-ce pas d'ailleurs leur raison d'être ?), ils vont à l'encontre de l'idéal
multilatéral de l'après-guerre et de ce principe de base sur lequel est fondé
l'OMC qu'est l'égalité commerciale des nations.
745 Quoi qu'il en soit de cette évolution et de ces interrogations, il a toujours
été clair depuis l'époque du GATT et cela a perduré avec l'OMC aujourd'hui,
que les intégrations économiques régionales méritaient d'être soutenues
ne serait-ce que pour leurs effets « politiques » bénéfiques (ne sont-elles
pas en effet un facteur de « paix » entre les participants ?). Dans ces
conditions, elles ne sauraient être bloquées à défaut d'être formellement
approuvées. Autrement dit, il existe au profit de tels accords une très nette
présomption de validité.
746 Le GATT impose, au titre des conditions de procédure, que le plan ou le
programme de réalisation contenu dans l'accord constitutif permette l'éta-
blissement de l'Union douanière ou de la Zone de libre-échange dans un
« délai raisonnable » (art. XXIV (5) c)). C'est également l'un des aspects
singularisés de la procédure d'examen précitée, une objection pouvant
être soulevée si les « délais ne sont pas raisonnables » (art. XXIV (7) b)) ou
faute d'existence d'un tel plan ou programme de réalisation (Mémoran-
dum d'accord sur l'Interprétation § 10).
Or, ces deux critères touchant à l'existence d'un plan ou programme
ainsi qu'à un délai raisonnable de réalisation ne cessèrent de donner lieu
à controverse à l'époque du GATT. Le « Mémorandum d'accord sur l'inter-
prétation» précité contient aujourd'hui une précision importante quant
au « délai raisonnable » de réalisation qu'il fixe normalement à dix (10)
ans (§ 3). Un tel délai est relativement bref : on se rappelle en effet que la
« période transitoire » prévue par le Traité de Rome pour réaliser l'Union
douanière était plus longue et avait été fixée à douze (12) ans. Il est vrai
que cette période peut être allongée « dans des cas exceptionnels » et cer-
tainement en faveur des pays en développement au titre de la « clause d'habi-
litation » de 1979 (§ 2 c. et v. ss 709 s.).
EXCEPTIONS ET DÉROGATIONS 81
2. Conditions de fond
748 Deux conditions de fond sont posées par l'article XXIV pour s'assurer que
les intégrations économiques régionales en cause contribuent effective-
ment à l'expansion du commerce mondial et n'aboutissent pas à de simples
détournements de courants d'échanges traditionnels. L'une est commune
aux unions douanières et aux zones de libre-échange et apparaît comme
l'élément central de leur définition : elles doivent porter libération de l'es-
sentiel des échanges commerciaux » (a). L'autre, spécifique aux unions
douanières, a trait à l'impact du tarif douanier commun : celui-ci ne doit
pas être plus restrictif que les tarifs douaniers nationaux auxquels il se
substitue (b).
des conséquences précises aient pu en être tirées. Sans doute des intégra-
ions économiques trop partielles car limitées à certains produits (comme
le furent jadis la CECA ou l'Accord de libre-échange États-Unis/Canada
sur des pièces automobiles) ne sont pas ici couverts et ont dû faire l'objet
de dérogations en bonne et due forme.
751 Le « Mémorandum d'accord sur l'interprétation » de 1994 devait s'en
tenir à une remarque de bon sens en notant dans son préambule que la
contribution des intégrations économiques à l'expansion des échanges
mondiaux était « plus grande » si elle s'étendait « à tout commerce » et
qu'elle serait « plus petite » « si un secteur majeur du commerce est
exclu », ce dernier membre de phrase laissant ainsi entendre qu'une telle
possibilité existe sans pour autant frapper d'illicéité les unions douanières
ou les Zones de libre-échange qui s'en prévaudraient.
Dans son Rapport du 22 octobre 1999 dans l'affaire « Turquie —
Restrictions à l'importation de produits textiles et de vêtements » (AB 1999-5),
l'organe d'appel de l'OMC devait se contenter de noter que la « totalité des
échanges commerciaux n'était à l'évidence pas visée, ce qui laissait une
« certaine souplesse » aux participants... (§ 48).
752 Enfin, on rappellera que cette règle de « l'essentiel des échanges commer-
ciaux » connaît une application particulièrement souple au profit des pays
en développement au titre de la clause d'habilitation de 1979 qui a permis à
ces derniers de conclure valablement de simples arrangements préférentiels
(v. la liste des arrangements ainsi notifiés à l'époque du GATT in Guide des
Règles et Pratiques du GATT, op. cit. p. 62-64).