Le temple semble avoir acquis très tôt une certaine renommée à l'échelle du Latium. En 495 av. J.-C., selon Tite-
Live, les Latins offrent une couronne d'or au temple en remerciement de la libération des 6000 prisonniers latins
12
faits par Rome .
La construction
Les soubassements du temple, réalisés en capellaccio, témoignent d'une entreprise résolument colossale, sur
plusieurs décennies. Sa décoration primitive est confiée à un artisan étrusque, le semi-légendaire Vulca.
Le plan du podium est de forme quasiment quadrangulaire, de 60 x 60m environ - bien que ces dimensions
13, 14
soient l'objets de débats entre spécialistes . Il présentait une architecture et un plan aérostyle (des colonnades
largement espacées, donnant l'impression d'une forêt aérée) de type "étrusco-italique" (présentant ainsi un
podium à escalier frontal, un plan non pas périptère mais périptère sine-postico, une cella triple), témoignage de
la mainmise culturelle et de l'influence de ce peuple sur Rome à l'époque royale et archaïque. Sa décoration, sa
toiture, ses reliefs et sculptures en terre cuite dont de nombreux fragments ont été découverts, sont réputés être
aussi l'oeuvre du sculpteur de Véiès, Vulca, à l'instar du groupe statuaire de l'Apollon de Véiès.
De fait de ses dimensions et de l'ampleur de l'édifice, le temple de Jupiter Capitolin était assurément l'édifice
cultuel le plus important de la jeune cité romaine. Chaque divinité avait sa salle cultuelle, Junon Reine sur la
gauche, Minerve sur la droite, et Jupiter au centre. Le décor de terres cuites comprenait, en guise d'acrotère
faîtier, un quadrige mené par Jupiter. Les statues de culte originelles, faites de la même main, étaient aussi en
15
terre cuite . Parmi les sculptures du fronton, les sources antiques évoquent une statue de Summanus, autre dieu
16
des orages et du tonnerre .
La décoration primitive du temple fut découverte en 2014 lors de fouilles permettant par ailleurs de documenter
17
l'aspect et l'architecture de la première phase de l'édifice . La plupart des éléments de boiserie du temple et sa
toiture (corniche rampante, larmiers, antéfixes, chapiteaux des colonnes) étaient recouverts d'une riche
décoration de terre cuite géométrique polychrome, d'après le système de décoration appelé "Rome-Veii-Velletri".
L'édifice par son ampleur et son décor fut probablement assez tôt un modèle pour l'architecture religieuse de
l'Italie centrale. Les fouilles récentes ont permis de documenter une phase importante de réfection du décor vers
le IVe siècle, avec le remplacement de certains éléments endommagés. Les décors endommagés furent enterrés
18
devant le podium .
Le temple de Jupiter Capitolin, en ce qu'il est le sanctuaire du dieu souverain du panthéon romain, est
intimement lié aux rituels de victoires à la guerre, les triomphes. La tradition de commémorer les victoires
militaires sur le Capitole remonte selon la tradition littéraire à Romulus, qui y aurait fondé le temple de Jupiter
Férétréen afin d'abriter les dépouilles opimes (spolia opima) prises sur Acron, roi de Caenina, et dédiées à
Jupiter. Selon la tradition, le site avait été choisi parce qu'il était occupé par un chêne considéré comme sacré.
D'après Plutarque, Romulus avait en effet fait abattre un chêne, mais dans le but d'en faire un présentoir digne
a 1, 19
des spolia opima qu'il souhaite déposer dessus .
Selon Tite-Live, à l'origine, il s'agissait non pas d'un édifice à proprement parler mais d'un templum, un espace
délimité et inauguré, que Romulus dédie afin de pouvoir y déposer les dépouilles opimes. Cette cérémonie
instaurée par Romulus ne se serait répétée que deux fois dans toute l'histoire romaine. Une première fois, en 437
av. J.-C., quand Aulus Cornelius Cossus réussit à faire tomber de son cheval, lors d'un combat singulier, le roi de
Véiès Lars Tolumnius, et à le frapper au sol. Prenant possession de sa cuirasse de lin en guise de trophée, il
décapita le souverain adverse et parada avec sa tête au sommet d'une pique, causant la retraite des ennemis.
Cossus dédia par la suite la panoplie de son ennemi défait au temple de Jupiter Férétréen, accolé au temple de
Jupiter Capitolin. Cette dépouille était toujours visible à l'époque d'Auguste. La deuxième fois se produisit en
222 av. J.-C. lorsque Marcus Claudius Marcellus rapporta les dépouilles opimes prises sur Viridomaros, roi des
19
Insubres . Toutefois, l'historicité de l'épisode de 437 av. J.-C. est sujette à caution, le statut juridique de Cossus
lors de la dédicace, simple tribun militaire, n'étant a priori pas compatible avec le déroulement de la
20
cérémonie . C'est dans ce temple de Jupiter Férétréen, accolé au temple de Jupiter Capitolin, que les Fétiaux,
prêtres chargés de déclarer la guerre aux ennemis de Rome, déposent leurs instruments rituels dont un sceptre et
21
un couteau qui est utilisé lors des sacrifices .
De fait le temple de Jupiter Capitolin fut tout au long de son histoire, le lieu d'aboutissement de toutes les
cérémonies triomphales militaires de l'armée romaine. Tous les généraux victorieux qui se voyaient accorder un
triomphe terminaient le parcours de la procession sacrée par un grand sacrifice à Jupiter sur le Capitole, après
avoir remonté la Via Sacra et traverse le pomérium, le Forum, et monté le clivus capitolinus avec leurs armées et
les prises de guerre réalisées au cours de la campagne couronnée de succès.
22
En 179 av. J.-C., ses murs et ses colonnes furent à nouveau couverts de stuc et une copie de l'inscription
23
dédicatoire du temple des Lares Permarini, de Lucius Aemilius Regillus, fut placée sur sa porte . Peu de temps
24 25
après, sa cella fut carrelée de mosaïque . En 142 av. J.-C., son plafond fut doré .
Plan intemporel du Capitole antique
Temple de
Junon Forums
Moneta impériaux
Auguraculum
Champ
de Mars Clivus
Iseum Argentarius
Temple de Temple de
Jupiter Conservator Jupiter Custos (?)
Temple de la
Arx Concorde (?)
Tabularium
Tullianum
T. de Fausta
Asylum Felicitas (?)
Inter duos lucos
Temple de T. de Vénus Temple de la
Véiovis Victrix (?)
Concorde
T. du
Temple de
Genius publicus
populi Romani (?) Vespasien Forum
Romanum
Temple de Portique
Jupiter des Dieux
Temple de capitolin Temple de Conseillers
Bellone Jupiter Férétrien
Arc
Temple de Temple de
de
Jupiter Saturne
Scipion
Tonnant
Casa Romuli Tensarum
Autel Basilique
Temple de Julia
Mens (?)
Temple de
Vénus Clivus
Centus Érycine Capitolinus
Gradus
Aire
Théâtre de Porta Pandana
Capitoline
Marcellus Temple de Vicus Temple
Fides (?) Temple Iugarius d'Auguste
d'Ops (?)
Temple de
Janus Forum
Holitorium
Temple de
Junon Sospita Vélabre
Temple de
Spes
36 6
36, 6
Sylla entreprend la reconstruction du temple . D'après Pline l'Ancien,
il aurait fait apporter à Rome les colonnes corinthiennes de marbre blanc
37
de l'Olympiéion d'Athènes . Mais ces colonnes ne semblent pas avoir
été utilisées car des pièces de monnaie, datées de 43 av. J.-C.,
représentant le temple avec des colonnes doriques. La majeure partie de
la reconstruction incombe à Q. Lutatius Catulus, assigné à cet effet par
38, 39, 40, 41
le Sénat . Les travaux trainèrent en longueur, à cause des
difficultés économiques et de certaines oppositions politiques, Jules
César tenta de faire enlever à Lutatius Catulus la responsabilité des
1
travaux . Catulus dédicace le nouveau temple en
42, 43, 44, 45
69 av. J.-C. . Mais la nouvelle statue de Jupiter ne sera
46
achevée que vers 65 av. J.-C. . Le nom de Catulus, qui était inscrit au- Denier romain de 78 av. J.-C.
dessus de l'entrée du temple, et y resta jusqu'en 69 apr. J.-C., date à montrant au revers le second temple.
laquelle une décision du Sénat fait effacer son nom pour y placer celui
47
de César, après la mort du dictateur . Ce dernier nom ne sera
finalement pas placé, l'enseigne restant sans nom.
En 69 apr. J.-C., le deuxième temple brûla lorsque le Capitole, sur lequel Titus Flavius Sabinus, préfet de la Ville
55, 56, 57, 58, 59
et frère aîné de Vespasien, s'était réfugié, fut pris d'assaut par les partisans de Vitellius .
La destruction
En 380, Théodose Ier fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain ; il interdit le culte des idoles
et ferme les temples païens.
La destruction du temple débute au début du Ve siècle, lorsque Stilicon ordonna d'arracher les lames d’or qui en
64
ornaient les portes .
65
Lors du sac de Rome en 455, Genséric enlève la moitié des tuiles dorées .
67
En 571, Narsès aurait dérobé les statues (ou la majorité d'entre elles) .
Au XVIe siècle, les Caffarelli construisent leur palais sur ses ruines. Des recherches archéologiques récentes ont
permis de remettre au jour les imposantes fondations de ce temple, qui ont été englobées dans le construction du
68
palais, et sont parfaitement conservées .
Architecture
Le temple était construit selon une architecture étrusque, avec trois cellæ
parce que consacré à la triade capitoline, la cella centrale était dédiée à
1
Jupiter, celle de gauche à Junon, celle de droite à Minerve .
Dans les cellæ latérales étaient placées les statues de Junon et de Angle oriental de la façade,
Minerve. fondations en cappellaccio visibles
via del Tempio di Giove
Sur le toit du temple se trouvait un groupe initialement en terre cuite,
représentant Jupiter victorieux sur son quadrige. Ce groupe pourrait être
aussi l'œuvre de Vulca de Véies (selon Pline l'Ancien). Au-dessus du fronton étaient incorporés des acrotères
qui soutenaient au centre le quadrige de Jupiter en bronze. Sur les côtés étaient placés ceux de Minerve et de
Mars.
Diagramme montrant la
position des vestiges du
temple dans les Musées
Capitolins
Notes et références
1. Coarelli 1994, p. 30-31
2. Cicéron, République, II, 36.
3. Tite-Live, I, 38, 7 ; I, 38, 55 ; et I, 38, 56.
4. Pline l'Ancien, III, 70.
5. Denys d'Halicarnasse, III, 69 ; et IV, 61.
6. Tacite, Histoires, III, 72.
7. Plutarque, Vies, Publicola, 13‑14.
8. Tite-Live, II, 8 ; et VII, 3, 8.
9. Polybe, III, 22.
10. Plutarque, Vies, Publicola, 14.
11. Pline l'Ancien, XXXIII, 19.
12. Tite-Live, Ab urbe condita, 2.22
13. Ridley 2005
14. Mura Sommella 2000, p. 25 fig. 26;Stamper 2005, p. 28 fig. 16;Albertoni et Damiani 2008, p. 11
fig. 2c;Cifani 2008, p. 104 fig. 85;Mura Sommella 2009, p. 367–8 figs. 17–19.
15. Pliny the Elder, Encyclopedia 35.157
16. Cicero, On Divination 1.16
17. Galluccio 2016, 237–250, fig. 9
18. Galluccio 2016, 250 – 256, figs. 10–13
19. Richardson 1992, p. 219.1.
20. Magdelain 1984, p. 206.
21. Richardson 1992, p. 219.2.
22. Tite-Live, XL, 51, 3.
23. Tite-Live, XL, 52.
24. Pline l'Ancien, XXXVI, 185.
25. Pline l'Ancien, XXXIII, 57.
26. Cicéron, Catilinaires, III, 9.
27. Salluste, 47, 2.
28. Appien, I, 83, 86.
29. Julius Obsequens, 57.
30. Plutarque, Vies, Sylla, 27.
31. Cassiodore, 671.
32. Plutarque, Isis et Osiris, 71.
33. Ovide, I, 201.
34. Denys d'Halicarnasse, IV, 62.
35. Pline l'Ancien, XXXIII, 16.
36. Valère Maxime, IX, 3, 8.
37. Pline l'Ancien, XXXVI, 45.
38. Cicéron, Verrines, IV, 69.
39. Aulu-Gelle, II, 10.
40. Lactance, 22, 6.
41. Suétone, César, 15.
42. Tite-Live, ep. 98.
43. Plutarque, Vies, Publicola, 15.
44. Pline l'Ancien, VII, 138 ; et XIX, 23.
45. Suétone, Auguste, 94.
46. Cicéron, Divination, II, 46.
47. Dion Cassius, XLIII, 14 ; XXXVII, 44.
48. Cicéron, Catilinaires, III, 19.
49. Cicéron, Divination, I, 20 ; et II, 45.
50. Dion Cassius, XLI, 14 ; XLII, 26 ; XLV, 17 ; et XLVII, 10.
51. Monument d'Ancyre, IV, 9.
52. Corpus inscriptionum Latinarum (CIL), VI, 32323-9, -29 et -70.
53. Dion Cassius, LV, 1.
54. Tacite, Annales, XIII, 24.
55. Tacite, Histoires, III, 71.
56. Suétone, Vitellius, 15.
57. Dion Cassius, LXIV, 17.
58. Stace, V, 3, 195-200.
59. Hier., a. Abr., 2089.)
60. Dion Cassius, LXVI, 24.
61. Suétone, Domitien, 5.
62. Eutrope, VII 23.
63. Chron., 146.
64. Zosime, V, 38.
65. Procope de Césarée, I, 5.
66. Servius, Géorgiques, III, 29.
67. Chron. Min., I, 336 (571), p. c. Iustini Aug. IIII anno : De Neapolim egressus Narsis ingressus
Romam et deposuit palatii eius statuam et Capitolium.
68. Commune di Roma, Les musées capitolins, guide, Le Capitole, p. 4
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Sources littéraires antiques
Temple de Jupiter capitolin (https://comm
[Appien] Appien, Histoire romaine (notice BnF ons.wikimedia.org/wiki/Category:Temple_
of_Jupiter_(Capitoline_Hill)?uselang=fr),
sur Wikimedia Commons
Sources épigraphiques
[Monument d'Ancyre] Monument d'Ancyre, Hauts faits et gestes du divin Auguste (notice BnF
no FRBNF12103834 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12103834v.public)).
Bibliographie
Raymond Bloch, « Le départ des Étrusques de Rome et la dédicace du Temple de Jupiter
capitolin », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
105e année, N. 1, 1961. pp. 62-71, lire en ligne (http://www.persee.fr/web/revues/home/prescrip
t/article/crai_0065-0536_1961_num_105_1_11266).
Filippo Coarelli (trad. de l'italien par Roger Hanoune), Guide archéologique de Rome, Paris,
Hachette, 1994 (1re éd. 1980), 350 p. (ISBN 2-01-235428-9)
Commune di Roma, Les musées capitolins, guide, Milan, Mondadori Electa S.p.A., 2013,
221 p. (ISBN 978-88-370-6260-6).
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