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LE BILINGUISME

La première définition du bilinguisme était qu'il consistait en une maîtrise égale de deux
langues.
"C'est la capacité d'un sujet ou d'une population qui se sert couramment de deux langues, sans aptitude marquée
pour l'une plutôt que pour l'autre." (Marouzeau)
Il est le fait "de parler deux langues (…) comme langue maternelle." (Bloomfield)
Hokett dirait que "c'est l'aptitude à produire dans l'autre langue des énoncés bien formés et porteurs de
signification."
Ces définitions posent plus d'un problème pour les sociolinguistes qui n'arrivent pas à
trouver en toute objectivité la définition d'une "langue une et homogène" et à déterminer avec
exactitude à partir de quel moment, en parlant une deuxième langue, l'on devient bilingue. Le fait
de parler deux langues, (en dépit de l'incertitude que provoque le globalisme de cette notion de
langue), avec toutes ses conséquences tant au niveau de la psychologie de la personne bilingue
qu'au niveau de la communication, de l’éducation, de l'écriture artistique…etc., intéresse nombre
de théoriciens.

Les psychologues s'y intéressent comme source d'influence sur les processus mentaux.
Les psycholinguistes en font un objet d'étude parce que, selon W.E. LAMBERT
"nous vivons dans un monde où les langues sont étroitement liées à l'épanouissement de l'identité, qui est à son tour
liée étroitement à l'ethnicité. Nous vivons dans un monde où la négation de cette identité liée à la langue provoque
des sentiments d'indépendantisme et de séparatisme ; nous vivons dans un monde d'immigrants et d'émigrants où la
question du maintien ou de l’abandon de la langue du foyer est primordiale pour la planification éducative dans
tous les pays qui reçoivent des immigrants. Nous vivons enfin dans un monde où les nations avancées se rendent
compte qu'elles ne peuvent plus ignorer les langues et les cultures des autres peuples sur notre petite planète."
J.F.HAMERS & M.BLANC : Bilingualité et bilinguisme, Mardaga, 1983, p. 13 (présentation
de W.E.LAMBERT)
Les sociologues le traitent comme un facteur essentiel dans les conflits de culture
parce qu'il suppose, selon eux, deux communautés linguistiques différentes.
Les linguistes considèrent, depuis que F.de Saussure a décrété que "la linguistique a pour
unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle même", que les phénomènes qui
résultent du contact des langues (bilinguisme, diglossie…) sont en dehors de leurs
préoccupations.
-Tous les facteurs dits extra linguistiques sont évacués de la recherche linguistique "pure" : (les
aspects psychologiques, sociologiques, historiques, géographiques, normatifs…)
-En postulant "un locuteur - auditeur - idéal appartenant à une communauté linguistique complètement
homogène", Chomsky exclut de facto de s'intéresser à l'usage alterné de deux langues par un même
locuteur.
Or, puisqu'il est impossible d'argumenter en faveur de l'homogénéité des communautés
linguistiques, et que, comme moyen de communication, la langue utilisée est toujours celle de
l'autre, bilinguisme, multilinguisme, diglossie… sont du point de vue sociolinguistique des
phénomènes liés à la définition même de la langue, non plus comme système de signes, mais
comme dialectique de l'échange.

Les sociolinguistes considèrent alors que le bilinguisme est un fait sociologique


définissable comme l'usage alterné ou confondu de deux systèmes de signe différents. C'est un
phénomène qui s'atteste tant au niveau personnel (bilinguisme individuel, " bilingualité"( 1 ))
qu'au niveau collectif et officiel (bilinguisme d'état ou bilinguisme "sociétal"(2), diglossie…etc.)

1- Le bilinguisme d’Etat
Par bilinguisme d'état, on désigne la situation dans laquelle un Etat (qui gouverne une
société où cohabitent plusieurs communautés linguistiques différentes) s'engage à servir tous les
citoyens selon leurs langues. Celles-ci sont considérées comme ayant toutes et sans distinction le
statut de langue officielle. (EXP. Français et flamand en Belgique).
Il y a une différence à faire entre :

1- Le bilinguisme fédérateur : il correspond à une situation dans laquelle les langues


en présence sont considérées officiellement comme égales quoique cette égalité puisse ne
pas exister sur le plan culturel ou économique. Chaque communauté est servie dans sa
langue (dans l'administration, l'enseignement, les médias…).EXP. L'ex URSS (16 Soviets
servis en russe + la langue de l'état), la Suisse (ALL. IT. FR.)

2- Le bilinguisme nationaliste : c'est le type de situation ayant caractérisé les pays


anciennement colonisés qui, après leurs indépendances, avaient crée un Etat bilingue
provisoire et qui ont travaillé, dans leur majorité, à établir la langue nationale.

3- Le bilinguisme traditionaliste : désigne les communautés dans lesquelles deux


langues (ou plus) sont utilisées, mais sans avoir le même statut socio - culturel. L'une,
utilisée par la minorité, se voit reconnaître par l'état certains droits seulement,
généralement limités aux domaines de la culture et de l'enseignement . EXP. Le breton, le
berbère, le kurde…

4- La diglossie : (du grec ancien diglottos = "bilingue") est un concept sociolinguistique


développé par Ferguson ((1959) in « Diglossia », Word ,15, pp. 325-340) pour décrire "une
situation sociétale dans laquelle deux variétés d'une même langue sont employées dans des domaines et
fonctions complémentaires, l'une de ces variétés étant généralement de statut socialement supérieur à
l'autre." (J.HAMERS, Bilinguisme et bilingualité, op. cit. p.238).
Il s'agit d'une situation linguistique caractérisée par la coexistence de deux variétés d'une
même langue, dont l'une (dite "High", "haute" ou "prestigieuse") jouit d'une codification et

1
- "Par bilingualité, il faut comprendre un état psychologique de l'individu qui a accès à plus d'un
code linguistique ; le degrés d'accès varie sur un certain nombre de dimensions d'ordre psychologique,
cognitif, psycholinguistique, sociopsychologique, sociologique, sociolinguistique, socioculturel et
linguistique."
2
- "Le terme de bilinguisme inclut celui de bilingualité qui réfère à l'état de l'individu (aussi appelé
bilinguisme individuel) mais s'applique également à un état d'une communauté dans laquelle deux
langues sont en contact avec pour conséquence que deux codes peuvent être utilisés dans une même
interaction et q'un nombre d'individus sont bilingues (bilinguisme sociétal)." (J.F.HAMERS & M.BLANC
: Bilingualité et bilinguisme, Mardaga, 1983, p.21)
d'une grammaticalisation assez complexe lui permettant d'être dépositaire du savoir et de la
culture qu'elle exprime (science, littérature ancienne, religion…). Cette variété est apprise par
le biais d'une éducation formelle et rigoureuse, mais elle n'est pas utilisée par les groupes
sociaux dans la communication ordinaire.
L'autre variété (dite "low", "basse", ou "vulgaire") est réservée à la conversation courante et
aux discussions informelles.
Les deux variétés reçoivent des appellations différentes dans beaucoup de communautés :
- arabe classique/ arabe dialectal (monde arabe)
- grec pur (katharevousa) / grec populaire (dhimotiki) (Grèce)
- Allemand littéraire (Hochdeutsch) / Dialecte alémanique (schwyzertüütsch) (Suisse
alémanique)

Une situation diglossique peut évoluer en bilinguisme lorsqu'on reconnaît à la variété L le


statut de langue. EXP. Le Paraguay connaissait une situation diglossique : l'espagnol était la
langue H et le guarani était la langue L. Depuis 1967, le guarani accédait au statut de langue
nationale au même titre que l'espagnol, ce qui a rendu le Paraguay un état bilingue.

II- le bilinguisme individuel :


correspond à l'aptitude d'une personne à maîtriser et à utiliser, pour des fins de
communication diverses, une seconde langue apprise spécialement. C'est une aptitude spécifique
à chaque individu. Mais elle est variable en fonction d'un ensemble de paramètres psycho -
sociaux comme la capacité mnésique, l'apprentissage, l'appartenance culturelle, l'âge…etc.
Ainsi :
1- sur le plan cognitif (ou sur le plan de la relation Langage / Pensée), il y a une différence
entre :
a- le bilinguisme "composé" ou "mixte" : il désigne les personnes bilingues qui
possèdent deux étiquettes linguistiques pour une seule représentation cognitive. Exp.
"famille" en L1 ; "family" en L2 sont conçus comme un concept unique : (famille = family)
b- le bilinguisme "coordonné" : il spécifie le bilingue "chez qui des équivalents de traduction
correspondent à des unités cognitives différentes." Exp. Les étiquettes "Famille" et "family" désignent
deux concepts différents.

2- selon la maîtrise ou la compétence atteinte dans les deux langues, il est possible
de distinguer entre :
a- le bilinguisme équilibré (ou le bilinguisme symétrique) qui désigne une compétence
égale dans L1 et L2.
b- le bilinguisme dominant ( ou le bilinguisme asymétrique) dans lequel la compétence
dans L1 (généralement la langue maternelle) est supérieure à celle dans L2. La variation des
degrés de dominance oppose :
- le bilinguisme d'intellection : L2 est seulement comprise, mais non parlée
- le bilinguisme d'expression : L2 est parlée sans être parfaitement comprise.

3- Suivant l'âge d'acquisition de L2, il y a à différencier entre :


a- le bilinguisme précoce : L2 est acquise avant 10/11ans
b- le bilinguisme simultané : L1 et L2 sont acquises ensemble comme langue maternelle
c- le bilinguisme consécutif : L2 est acquise juste après L1
d- le bilinguisme d'adolescent : L2 est acquise à l'âge de l'adolescence entre 10 et 17 ans.
e- le bilinguisme d'adulte : L2 acquise après l'âge de 16/17 ans.
4- suivant le rapport des statuts culturels des deux langues, l'on oppose :
a- le bilinguisme additif : L1 et L2 sont valorisées de manière égale ; elles ont un rôle
complémentaire. C'est le bilinguisme le plus harmonieux et le plus riche culturellement.
b- Le bilinguisme soustractif : L2 est valorisé aux dépens de L1. Les deux langues se trouvent
dans une situation de compétition.

5- suivant l'appartenance et l'identité culturelle , il y a :


a- le bilinguisme biculturel : double appartenance culturelle ou identité biculturelle (immigrés
de la 2ème génération)
b- le bilinguisme monoculturel : identité culturelle en L1 seulement (immigrés de la 1ère
génération)
c- le bilinguisme acculturé à L2 : identité culturelle alignée sur L2 (immigrés de la 3ème
génération)
d- le bilinguisme acculturé anomique : hésitation sur l'allégeance culturelle et identité culturelle
mal définie.

Le bilinguisme individuel n'est donc pas unidimensionnel . La multiplicité de ses variations


s'accroît encore plus si l'on tient compte de l'interaction possible des paramètres relevés. En effet,
l'état du bilinguisme d'un individu peut changer radicalement s'il appartient à une communauté
unilingue, bilingue ou multilingue. Dans une société unilingue, par exemple, l'individu bilingue
échappe aux contrôles normatifs. Ce qui n'est pas le cas lorsqu'il appartient à une communauté
qui codifie les règles et les normes de deux ou plusieurs langues.
De même, par ailleurs, qu’il existe des bilingues dans des sociétés monolingues, il existe des
individus monolingues dans des communautés officiellement bilingues : le choix de la deuxième
langue est fonction des rapports de force entre les communautés.

LES MESURES DU BILINGUISME

La variété des types de bilinguisme, qui se ramène au total à deux grands types: le
bilinguisme individuel et le bilinguisme sociétal, montre son caractère multidimensionnel. En
rendre compte dans la pratique scientifique (par une description adéquate et par une
expérimentation exacte) reste un objectif à atteindre. C'est dire que le spécialiste se heurte ici à la
relativité du concept même de bilinguisme. En effet, mesurer le bilinguisme chez une personne
ou dans une communauté suppose l'introduction d'une procédure d'évaluation de certaines
grandeurs qui n'ont de définition exacte que d'être relatives et variables d'une personne ou d'une
communauté à une autre.
Ainsi propose-t-on (W.MACKEY, W.LABOV, J.A.FISHMAN…) de le mesurer à partir d'un
ensemble de paramètres qui demeurent approximatifs comme :

Le degré :

Le degré de bilinguisme peut être testé, sur la base de "mesures comparatives", en


examinant notamment les compétences langagières dans chacune des langues. Il est toutefois
important de préciser que le concept de compétence, qui est lui même multidimensionnel, ne
peut définir la langue que comme système de signe et non comme moyen de communication.
L'examen des degrés de compétence a révélé qu'il est très rare de trouver une compétence égale
dans les deux langues. Généralement la compétence en L2 est moins forte qu'en L1. Il y a
fréquemment des carences dans la maîtrise de L2 tant au niveau du parler (prononciation,
grammaire, lexique, orthographe…) qu'au niveau de la doxa (culture, vision au monde,
expérience…)

Les fonctions :
Il s'agit de l'étude des facteurs psychosociologiques qui favorisent ou obligent au
bilinguisme. Les fonctions du bilinguisme peuvent être ou "internes" ou "externes" :
Les fonctions externes sont déterminées par le nombre des zones de contact des deux
langues. Elles sont relatives à l'entourage tel que
la famille : dans un foyer unilingue par exemple, la langue du foyer est différente de celle de
la communauté
la communauté : les relations de voisinage, les groupes de travail, le commerce, le tourisme,
les loisirs…obligent parfois à l'usage d'une deuxième langue.
Le milieu scolaire produit une situation de bilinguisme même si l'école est unilingue : la
langue de l'enseignement est différente de celle du foyer
Les médias : la TV. , la presse écrite et radiodiffusée, le cinéma, la vidéo, le web…sont
sources de bilinguisme

Les fonctions internes : sont relatives à l'individu. L'aptitude au bilinguisme dépend, en


effet, de :
l'âge : on estime que les enfants de moins de neuf ans ont une disponibilité plus grande à
apprendre une 2ème langue.
Le sexe : les femmes semblent plus que les hommes disposées à apprendre une langue
seconde considérée comme prestigieuse
L'intelligence et la mémoire ne sont pas proportionnellement équivalentes chez tous les
individus
La motivation est variable en fonction de l'intérêt que l'on tire de L2. La motivation est plus
grande si la raison de L2 est plutôt professionnelle, économique ou artistique…Elle est
moins forte si elle est liée au plaisir…

L'alternance "codique" :
Le passage de L1 à L2 peut être aisée ou malaisée en fonction du degré de
maîtrise des deux langues. L'alternance dépend aussi :
du sujet de discussion ou de conversation,
de l'interlocuteur et de son rang social,
du degré d'attention…
L'alternance peut être aussi consciente ou maîtrisée (traduction, interprétariat…) comme
elle peut être inconsciente et systématiquement délibérée (arabe/français chez les locuteurs
algériens par exemple)

Les interférences :
Il s'agit du "transfert le plus souvent inconscient des éléments et des traits d'une
langue source dans une langue cible" (J.HAMERS, op. cit. p.452)
Les interférences ne sont pas des fautes de langue ou des coquilles que les utilisateurs de la langue
maternelle peuvent commettre.

La configuration et le nombre des interférences varient en fonction des personnes, du


moment et du sujet de discussion, du registre de la langue utilisée…L'étude des interférences
nécessite l'identification de la langue dominante (L. Source) et celle dans laquelle on observe les
traits de la langue dominante (L. Cible). L'identification des interférences se fait alors par
référence à la langue Source.
Les interférences sont de plusieurs ordres :
Les interférences culturelles ou sémantiques se manifestent chez le bilingue qui
s'efforce d'exprimer des notions et des expériences nouvelles qui n'existent pas dans sa langue.
Exp. Le nombre des couleurs de l'arc-en-ciel est variable selon les langues : un locuteur berbère
désignerait dans une langue seconde le bleu et le vert par une même appellation parce qu'en
berbère les deux couleurs ont la même appellation : "Azegza".

Les interférences lexicales : Il s'agit d'introduire des unités lexicales ou sémantiques


appartenant à une langue alors qu'on parle une autre. Les interférences lexicales sont à distinguer
de l'emprunt qui, lui, est institutionnalisé. L'interférence lexicale est imprévisible. Elle peut
consister à créer un nouveau mot ou une nouvelle expression par calque : Exp. (Anglais : "sky-
scaper"  Français :"gratte-ciel" ) ; (Français : "mort-né"  Arabe )‫"( ; (ولد ميتا حيا‬Je veux lui
augmenter le moral") ; ("la politique est un enjeu politique",
).
Elle peut consister également à ajouter un sème complémentaire à un mot de la langue cible. Exp.
(Fr. "Connaître" (sujet + animé)  "la situation connaît…")

Les interférences phonologiques consistent à utiliser des phonèmes de la langue cible


dans la langue source. Exp. Un bilingue arabe - français trouve certaines difficultés à marquer les
oppositions entre les voyelles semi-ouvertes et les voyelles semi fermées u , e  i ; entre les
consonnes v et f , p et b … L'opposition r / qui n'est pas pertinente en français,
l'est en arabe : Un bilingue arabe - français a tendance à la rendre pertinente en français en
réduisant tous les r ( r , R , ) à r.

Les interférences grammaticales existent lorsque le bilingue utilise inconsciemment la


structure morphologique (morphèmes, lexèmes, genre, nombre, désinences…) et la structure
syntaxique (ordre des mots, subordination, coordination, juxtaposition, auxiliarité, accord…) de
sa langue . Exp. (Anglais : "Je n'ai jamais pu le contacter"  "I wasn't able to contact him" ) ; (Marocain
: "Je n'ai jamais parti en étranger" , "Vos montagnes sont beaux" ; "l'homme dont je t'ai parlé de lui" ; "Nous
sommes voyagés t'a jousqu'à Bariz" )

5- L'emprunt
A la différence des interférences qui consistent dans le passage inconscient, généralement
individuel, des éléments de L1 dans L2, l'emprunt linguistique consiste à utiliser de façon
collective quasi- systématiquement des éléments de L2 (ou des L2) lorsqu'on parle L1.
L'emprunt linguistique n'est pas exclusivement lexical puisqu'il peut être non seulement culturel,
sémantique, et graphique (au sens de technologie de l'écriture et de mise en page), mais il peut
aussi être phonologique, morphologique ou syntaxique. Son côté quasi- systématique consiste
dans son intégration dans L1, laquelle intégration ou "naturalisation" se cautionne par sa
soumission à subir des transformations dictées par la nature et les règles de fonctionnement de la
langue réceptive.
EXP. Français : "un Chwia" , "un cawa" , "le zénith" "se hasarder", "faxer", "sprinter"…
Arabe marocain: /Kamiju/, /brwita/, /traktur/, /ra qlu/, /lalamir/, /mandifil/, /lkolistir/…
Arabe classique : /al kawadir/, /assatil/, /atilfaz/, /aljoghrafia/, /alidiolojia/…
Les emprunts sont de natures différentes. Il y a par exemple, en dehors des emprunts culturels
(visions au monde, sciences, arts, us et coutumes, cuisines…):

a- les emprunts sémantiques : il s'agit de la création de nouveaux sens pour certains


mots qui existent dans L1 comme :
Fr. -"réaliser" = (faire) + (se rendre compte >Ang.)
Ar. )‫ = (عبر الهواء‬par satellite
b- Les emprunts lexicaux : L1 importe et la forme et le sens des mots de L2. La forme,
comme le sens peuvent subir des transformations. Exp. Ar. "tabla", "tomobile", "talfaza",
"satil"…Les emprunts lexicaux sont les plus étudiés parce qu'ils sont statistiquement les plus
nombreux. Certains domaines sont plus propices que d'autres à l'emprunt. En arabe
marocain, par exemple, les emprunts lexicaux sont en usage dans les domaines de la science et
de la technologie, dans les services (mécanique, commerce, tété- communication, armée,
transport…), dans les institutions (santé, enseignement, politique, journalisme…), dans les
loisirs (sports, tourisme, musique, théâtre, cinéma…).
N.B. Les domaines de la tradition (l'islam, l'arabe littéral, le chant et la musique traditionnelle,
l'école coranique, les oulémas, les adoules etc.…) manifestent une grande hostilité à l'égard de
l'emprunt de la civilisation occidentale qu'on considère comme une atteinte à l'intégrité
culturelle.

c- Les emprunts phonétiques accompagnent le plus souvent les emprunts lexicaux. Les
sons empruntés d'une langue étrangère peuvent se réaliser dans L1 de deux façons :
- sans changement de traits :
Exp. Ang. / fr. "chopping", "meeting"../
Fr. / Arabe: /narvaza/, /pipa/, …
- avec la modification des traits : le son étranger se reproduit sous la forme la plus proche qui
existe dans L1.
Exp. Fr. "le calife", "le harem", "le sultan", "la casbah", "le Maghreb" …
Ar. /al fista/, /tablia/, /kamijiu/…
La difficulté à réaliser dans L1 des sons de L2 peut empêcher l'emprunt lexical.
(Les mots français qui commencent par u ne sont pas empruntés par l'arabe marocain)

d- Les emprunts grammaticaux :


La morphologie et la syntaxe résistent beaucoup plus à l'emprunt que le lexique, le sens ou la
phonétique. L'on peut emprunter, à titre individuel, par exemple :
- au niveau des paradigmes : de nouveaux morphèmes fonctionnels comme des prépositions,
des déterminants, des conjonctions…. On peut nominaliser ou verbaliser tout lexème
étranger selon les modèles de L1 : "se plagifier", "le fchichklement, la mochkilisation, la bacharité, …
- au niveau de la syntaxe (ou l'ordre des mots) : sous l'influence de L2, L1 peut intégrer de
nouvelles structures syntaxiques : Ar. Maroc: Ordre Sujet/Verbe/Complément ; Ar.
Classique: Verbe/Sujet/Complément….

CONCLUSION :

Les phénomènes de l'emprunt et des interférences qui s'attestent régulièrement lors


du contact des langues ne sont pas des indices de la pauvreté ou de l'impuissance d'une langue à
dire le monde tel qu'une communauté linguistique le conçoit. Bien au contraire, ils montrent la
force de la langue d'origine (par les interférences et par l'intégration des emprunts dans ses
propres structures) et sa capacité de s'enrichir.
Les langues qui sont les plus dynamiques sont celles qui acculturent l'hétérogénéité.
Sociolinguistiquement, en effet, ce n'est pas l'infaillibilité structurale (grammaticale et sémantique)
d'une langue qui fait sa force. C'est au contraire sa capacité de donner et de recevoir, de prêter et
d'emprunter.

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