commerciale
1
M. Thioye – Droit des affaires
Chapitre I- La caractérisation ou qualification des actes de commerce (un
préalable à l’application du régime juridique)
2
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commercialité n’implique pas nécessairement la caractérisation d’une entreprise :
il en va ainsi s’agissant, par exemple, de la lettre de change dont la seule signature
constitue un acte de commerce. D’autre part, cette conception pèche par son
excès de généralité, puisque, en l’état actuel du droit positif, les entreprises
agricoles ou libérales, quoique pouvant être fort élaborées, restent civiles.
A- L’achat de biens meubles pour les revendre (prévu par l’article L. 110-1,
1° C. com.)
1
Ce principe est relatif puisque, par exemple, la signature de plusieurs lettres de change (actes
de commerce par la forme) ne donne pas à leur auteur la qualité de commerçant.
3
M. Thioye – Droit des affaires
(marchandises, denrées, produits finis ou semi-finis, matières premières,
etc.) ou incorporel (fonds de commerce, créances, valeurs mobilières,
productions de l’esprit, etc.).
- Troisième remarque : il doit s’agir d’un achat pour revendre, l’intention de
revendre avec bénéfice2 devant exister au moment de l’achat. Cela dit, il
importe peu que l’achat précède ou suive la vente (on est, dans ce dernier
cas, en présence de celui qui va se fournir pour livrer des commandes
préexistantes) ; peu importe aussi que le bien soit (re)vendu en l’état même
ou après transformation (sous réserve toutefois des cas où cette
transformation résulterait de l’exercice d’une profession civile telle que
l’artisanat ou l’agriculture). La revente constitue bien sûr un acte de
commerce quoique la formule légale ne se réfère qu’à l’acte d’achat.
B- L’achat de biens immeubles pour les revendre (acte prévu par l’article L.
110-1 du C. com.).
La loi répute actes de commerce : « tout achat de biens immeubles aux fins
de les revendre [principe], à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou
plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux [exception] » (art. L.
110-1, 2°, du C. com.).
2
Parce qu’il doit y avoir intention de tirer un bénéfice, l’activité d’une coopérative, d’un groupement
d’achat de consommateurs ou encore d’un comité d’entreprise, n’est pas commerciale dès lors qu’il
n’y a pas recherche de bénéfices.
4
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71-579 du 16 juillet 1971 est venue, par faveur (fiscale) pour la construction
immobilière, prévoir une exception à la commercialité des achats pour revendre de
biens immeubles : en effet, il n‘y a plus acte de commerce lorsque l’acquéreur a agi
en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par lots
(ventes d’immeubles à construire) ; cette dernière situation concerne les
promoteurs-vendeurs, notamment les sociétés de construction-vente, régies par
une loi de 1971, qui sont encore des sociétés civiles3.
Dans le schéma classique (achat pour revendre), les parties organisent leurs
relations par une juxtaposition de contrats ponctuels et indépendants. En
revanche, la fourniture implique, elle, une idée de durée et de répétition dans un
cadre plus stable : il s’agit, en effet, pour une personne de s’engager à fournir,
pendant un certain temps, une quantité de marchandises (ou de services), qu’elle
se procurera au fur et à mesure des livraisons. En ce sens, l’entreprise de
fournitures ne constitue, très souvent, qu’une simple application de l’achat pour
revendre, mais la revente devance ici, d’une certaine manière, l’achat. Cela dit, il
peut aussi arriver que les marchandises fournies n’aient pas fait l’objet d’un achat
préalable : c’est le cas, par exemple, en matière de distribution d’électricité, de
gaz, d’eau, de services (opérations de vente et non contrats d’entreprise par
application du critère du « travail spécifique »).
3
En revanche, fait acte de commerce le lotisseur qui acquiert un terrain et le revend par lots après
l’avoir viabilisé, ou encore celui qui achète un appartement uniquement dans l’intention de le
revendre avec profit (marchand de biens).
4
Article 23 du Code minier ancien.
5
M. Thioye – Droit des affaires
limitativement énumérées par l’article L. 111-1 du Code minier nouveau5 : les
hydrocarbures liquides ou gazeux, le fer, le nickel, le diamant, le cuivre, le plomb,
l’argent, l’or, le platine, les phosphates, l’uranium, etc.6
En revanche, les autres industries extractives, notamment l’exploitation des
carrières (pierre, argile, marbre, etc.)7, restent civiles sous réserve de
l’éventualité de devenir commerciales à d’autres titres8.
§ 3- Les services
5
Article 2 du Code minier ancien.
6
C. minier nouveau, art. L. 100-2.
7
« Toute substance minérale ou fossile qui n'est pas qualifiée par le livre Ier du présent code de
substance de mine est considérée comme une substance de carrière » (C. minier nouveau, art. L.
100-2).
8
Néanmoins, « eu égard à leur utilisation dans l'économie, des substances qui relèvent en vertu du
principe énoncé à l'article L. 100-2 du régime légal des carrières peuvent être ajoutées aux
substances de mine énumérées à l'article L. 111-1, dans les conditions prévues à l'article L. 312-1 » (C.
minier, art. L. 111-2).
9
Req., 20 octobre 1908, DP 1909. I. 246.
6
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financières, à savoir le crédit-bail et la location-vente. De même, les cas
intermédiaires, comme l’hôtellerie, sont considérés comme commerciaux parce que
l’on fait prévaloir la location de meubles (lits, linge…) sur celle des immeubles.
L’hôtelier, comme le loueur de parking ou de camping, acquiert aussi la
commercialité au titre des services divers qu’il rend à son client, dans le cadre
donc d’une entreprise de fournitures (voir supra).
NB : Du point de vue du droit commercial, la location d’immeubles, même
lorsque ceux-ci sont meublés (les meubles étant accessoires), constitue un acte
civil par nature. Mais cette vision commercialiste n’est pas partagée par le fisc
pour lequel la location d’immeubles – qui est civile lorsqu’elle porte sur des locaux
nus – devient commerciale si elle a pour objet des locaux meublés (par conséquent,
est imposée au titre de l’impôt sur les sociétés la société civile se livrant à des
locations en meublé, quand bien même celle-ci serait irréprochable du point de vue
du droit privé).
On regroupe dans cette catégorie des actes par lesquels une personne
s’interpose dans les rapports entre d’autres personnes, en qualité d’intermédiaire.
Ces actes d’entremise sont en eux-mêmes des actes de commerce, même si
l’opération pour laquelle se fait l’entremise est civile (location d’immeubles par
exemple).
7
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L’agent d’affaires désigne toute personne qui est investi d’un mandat pour
gérer les affaires d’autrui, à l’exception toutefois des auxiliaires de justice
(avocats, huissiers…). C’est le cas, par exemple, des entreprises de recouvrement
de créances, des administrateurs de biens, des agents de voyage, des agents de
publicité (intermédiaires entre le support publicitaire – médias, presse – et
l’annonceur ou client), etc.
10
On distingue deux types de représentants commerciaux : d’une part, les voyageurs
représentants placiers (VRP) qui sont des salariés dont l’activité n’est pas commerciale et dont le
statut relève du droit du travail ; d’autre part, les agents commerciaux qui sont des professionnels
indépendants liés par un contrat de mandat (d’intérêt commun d’après une loi de 1991). Sur les
conséquences probatoires de la nature civile de l’agence commerciale, V. Com., 25 juin 2002, D.
2002, jur., p. 2529.
11
La commercialité du courtage matrimonial a été reconnue (Com., 11 octobre 1982, Bull. IV, n°
299).
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personnel, ni au nom d’autrui.
12
« Encan » est un mot dérivé du latin in quantum qui signifie « combien ? ».
9
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organisés gratuitement ou moyennant une simple participation aux frais.
Il ne faut pas non plus qu’il s’agisse de spectacles organisés
occasionnellement car, dans ce cas, il n’y a plus, à proprement parler,
d’établissement de spectacles (exemple des kermesses).
13
L’article 17 de l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 a étendu la liste des actes de
commerce par nature en ajoutant expressément au 7° de l’article L. 110-1 « tout service de
paiement ». Dans le même sens, la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 y a ajouté l’activité d'émission
et de gestion de monnaie électronique.
10
M. Thioye – Droit des affaires
financières spécialisées)14. Cependant, si une personne non habilitée pratique
habituellement des opérations de banque, elle sera déclarée commerçant de fait
(mais nullité de l’acte accompli).
D’après le Code de commerce, sont commerciales aussi bien les opérations
réalisées par les banques privées que celles faites par les banques publiques.
Précisons toutefois que ces opérations ne sont commerciales que si elles ont un
but lucratif. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence considère que le service
financier du Trésor ne jouit pas de la commercialité.
Notons enfin que les opérations de banque constituent des actes de
commerce par nature pour les professionnels du secteur, c’est-à-dire les banquiers
pour l’essentiel (ou, exceptionnellement, pour les personnes agissant en violation
de leur statut : ainsi, le notaire qui recevrait de l’argent de ses clients et leur
verserait un intérêt). En revanche, pour leurs clients, il ne s’agit en principe que
d’actes civils (sauf lorsque l’acte est fait pour les besoins de la profession
commerciale du client).
14
Sous réserve de quelques exceptions légales comme, notamment, concernant les opérations de
crédit entre sociétés appartenant à un même groupe.
15
L’assurance est un contrat par lequel une personne appelée assureur (une société commerciale
ou une société mutuelle) promet, en contrepartie du versement d’un prix dénommé prime ou
cotisation, de verser à l’assuré une indemnité au cas de survenance d’un risque ou sinistre (incendie,
vol, responsabilité, etc.).
16
Civ., 3 août 1921, DP 1925. I. 25 ; 22 octobre 1996, RTDCom. 1997, 85, obs. J. Derruppé.
11
M. Thioye – Droit des affaires
qui est synonyme d’affréter).
Aux termes de l’article 1845 du Code civil, « ont le caractère civil toutes
les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur
forme, de leur nature, ou de leur objet ». Autrement dit, la société civile constitue
la règle ordinaire, mais la portée dudit principe est fortement réduite par celle de
l’exception.
17
Com., 11 mai 1993, Bull. IV, n° 179.
12
M. Thioye – Droit des affaires
En effet, outre les sociétés commerciales du fait de leur objet
(accomplissement d’actes de commerce par nature), il existe une liste très longue
de sociétés commerciales par leur seule forme.
Il résulte de l’article L. 210-1, al. 2, du Code de commerce, que « sont
commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en
nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité
limitée et les sociétés par actions »18.
Notons que la règle de la commercialité des sociétés par la forme
s’expliquait, à l’origine, par la volonté du législateur de pouvoir soumettre aux
procédures collectives toutes les sociétés importantes, leur objet fût-il civil. Dès
lors, cette disposition a aujourd’hui perdu l’essentiel de son intérêt depuis que, par
la loi du 13 juillet 1967, les procédures collectives ont été déclarées applicables à
toutes les personnes morales de droit privé, y compris les personnes morales
civiles.
Notons aussi que cette règle génère parfois des difficultés lorsque la
société considérée, commerciale par sa forme, poursuit un objet civil (SA
d’avocats ou SARL d’experts-comptables par exemple). En effet, la jurisprudence
ne tire pas toujours les conséquences de cette règle (commercialité par la forme)
comme, par exemple, lorsqu’elle refuse le bénéfice du statut des baux
commerciaux (décret du 30 septembre 1953, actuels art. L. 145-1 et suiv. du Code
de commerce) aux sociétés commerciales à objet civil19 (ou lorsqu’elle ne permet
pas à l’avocat représentant une société d’exercice libéral d’avocats à forme
anonyme d’être inscrit sur les listes pour les élections des membres des CCI20).
Notons enfin que la règle de la commercialité d’une société a des
répercussions sur la nature de l’opération par laquelle on y entre. Il existe deux
manières d’intégrer le corps des associés ou actionnaires. L’entrée peut d’abord
se faire par la souscription de parts ou d’actions au moment de la constitution de
la société, laquelle souscription est considérée comme un acte de commerce dès
lors que l’on est en présence d’une société commerciale. L’entrée peut ensuite se
faire par l’acquisition de parts ou d’actions postérieurement à la constitution de la
société, mais la cession considérée ne constitue pas un acte de commerce, sauf
dans l’hypothèse où, par la quantité des titres cédés, l’opération s’analyse en une
cession du contrôle de la société.
18
Cette règle a d’abord été posée par une loi du 1er août 1893 pour les sociétés anonymes, puis par
une loi du 7 mars 1925 pour les SARL et, enfin, par la loi de 1966 pour les autres sociétés.
19
Civ. 3, 5 mars 1971, Bull. civ. III, n° 168; RTD com. 1971, p. 1034, obs. Houin.
20
Civ. 2, 10 nov. 1998, Bull. Joly 1999, p. 450, note J.-J. Daigre.
13
M. Thioye – Droit des affaires
La profession de l’auteur d’un acte peut avoir pour effet de rendre
commercial un acte de nature civile (acte de commerce par accessoire) ou,
inversement, de rendre civil un acte de commerce par nature (acte civil par
accessoire).
1° Le principe
Le Code commerce (art. L. 110-1, al. 9) dispose que des actes civils par nature
vont être soumis au statut des actes de commerce lorsqu’ils ont été passés par un
commerçant pour les besoins de son commerce. Deux conditions sont ainsi
requises :
- l’auteur de l’acte doit être un commerçant (personne physique ou société).
On admet cependant la commercialité lorsque les actes sont passés par un
futur commerçant pour les besoins du commerce qu’il se propose
d’entreprendre (ainsi, l’achat d’un fonds de commerce par un non-
commerçant est un acte de commerce) ;
- l’acte doit se rattacher à l’activité commerciale de son auteur. En effet,
l’acte doit être passé par le commerçant pour les besoins de son commerce
ou à l’occasion de celui-ci, et non pour ses besoins personnels ou familiaux,
domestiques ou ménagers. Pour résoudre les problèmes de preuve de cette
condition, la jurisprudence a posé une présomption de commercialité : tout
acte passé par un commerçant est présumé fait pour les besoins de son
commerce et, par conséquent, est présumé commercial21. Il ne s’agit
néanmoins que d’une présomption simple, susceptible d’être renversée par
une preuve contraire.
21
CA Paris, 11 janvier 1995, D. 1995, IR, 62 : acte d’acquisition d’un immeuble par un commerçant.
14
M. Thioye – Droit des affaires
l’occasion de son commerce : achat de matériel destiné à ses bureaux ; locations
de machines ; escompte de ses effets de commerce auprès de sa banque ;
souscription d’un cautionnement en vue de soutenir un client avec lequel il traite
une partie importante de son chiffre d’affaires ; embauche d’un salarié (le salarié
peut apporter la preuve du contrat par tous moyens, mais les différends éventuels
seraient de la compétence du Conseil des Prud’hommes) ; etc.
La jurisprudence applique ensuite la théorie de l’accessoire commercial
subjectif aux engagements extra-contractuels. En effet, les obligations
purement légales22, les obligations délictuelles, quasi délictuelles ou quasi
contractuelles (répétition de l’indu, gestion d’affaires, enrichissement sans cause,
théorie de l’apparence) des commerçants sont considérées comme des actes de
commerce lorsque, à cause ou à l’occasion de leur commerce, ils ont causé un
dommage à autrui ou tiré un avantage indu d’une situation. Ainsi, par exemple, un
commerçant qui se livre à des actes de concurrence déloyale, pour détourner la
clientèle d’autrui, réalise curieusement des actes de commerce23.
Les actes civils par nature passés par un non-commerçant pour faciliter ou
favoriser la conclusion d’un acte de commerce sont considérés, en raison de leur
objet, comme des actes de commerce par accessoire objectif. Ainsi, par exemple,
le contrat de gage est commercial s’il garantit une dette commerciale, et ce quel
que soit son auteur ; de même, les cautionnements donnés en garantie des dettes
d’une société commerciale par les dirigeants ou les principaux associés (parce qu’ils
trouvent un intérêt personnel dans l’opération) constituent des actes de
commerce, même si les personnes garantes n’ont pas la qualité de commerçant
(dans les SARL ou les sociétés par actions) ; etc.
La profession civile de l’auteur d’un acte peut avoir pour effet de rendre
civil un acte de nature commerciale.
Sachant que tout ce qui n’est pas acte de commerce par nature est acte civil
22
La Cour de cassation a ainsi considéré que la dette du commerçant au titre de ses cotisations de
sécurité sociale est commerciale. Mais elle n’a pas admis cette solution pour les dettes fiscales.
23
NB toutefois que si un dommage est causé par un véhicule quelconque, sont seuls compétents le
TGI ou le TI ; s’il y a accident de travail, est seul compétent le tribunal des affaires de sécurité
sociale.
15
M. Thioye – Droit des affaires
par nature, sont d’abord civiles les activités agricoles (culture proprement dite
mais aussi élevage). Cela dit, avec la diversification, les agriculteurs pourraient
relever, dans certains cas, du droit commercial lorsqu’ils fournissent des
prestations matérielles (reposant sur l’achat et la revente) dans des conditions ou
des proportions telles que ces opérations prennent plus d’importance que leurs
activités civiles.
Sont ensuite civiles, en dehors de l’exploitation des mines, toutes les
activités extractives (activités d’exploitation des carrières, tourbières, sablières
ou encore des sources thermales).
Sont également civiles, toutes les activités dites intellectuelles (œuvres
littéraires et artistiques : écrivains, compositeurs, cinéastes, etc.)24 ; les activités
libérales (médecins, avocats, architectes, etc.) et artisanales25.
Sans souci d’exhaustivité, notons que sont encore civiles les activités
d’enseignement privé, d’auto-école26, de marabout27, etc.
24
Toutefois, les opérations de commercialisation des œuvres sont commerciales lorsqu’elles sont
réalisées par des professionnels qui achètent pour revendre.
25
Les professionnels libéraux et les artisans peuvent toutefois relever, dans certains cas, du droit
commercial lorsqu’ils fournissent des prestations matérielles (reposant sur l’achat et la revente)
dans des proportions telles que ces opérations prennent plus d’importance que leurs activités
civiles. Ainsi, le pharmacien d’officine est commerçant car il réalise des achats pour revendre (bien
que sa profession soit civile).
26
Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-10095, Bull. civ. IV, n° 108 : « Mais attendu qu'après avoir énoncé
exactement que l'enseignement est en soi une activité libérale et constaté que l'activité de
cette auto-école était limitée à l'enseignement de la conduite automobile et du Code de la route,
l'arrêt retient que M. Borie donnait personnellement des leçons aux élèves et que s'il était assisté
de moniteurs salariés qui dispensaient le même enseignement et lui permettaient la réalisation de
profits, il ne se livrait pas de manière habituelle à l'exercice d'actes de commerce ; qu'en l'état
de ces énonciations, la Cour d'appel a pu décider qu'en dépit de la dimension atteinte par
l'entreprise qu'il dirigeait, M. Borie n'avait pas la qualité de commerçant ».
27
CA Paris, 27 mai 1992, JCP E 1992, pan. N° 1194.
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M. Thioye – Droit des affaires
qui en informe le préfet) à vendre à leurs clients les médicaments qu’ils leur
prescrivent (art. L. 4211-3 du Code de la santé publique). Ils font donc des achats
pour revendre, ce qui constitue des actes de commerce par nature. Toutefois,
puisque ces actes ne sont faits que pour les besoins de la profession civile, la
jurisprudence les qualifie d’actes civils (il n’en irait autrement que si les médecins
se mettaient, en violation de la loi, à vendre à d’autres qu’à leurs patients).
De même, un artisan (coiffeur par exemple), pour les besoins de sa
profession, est inévitablement amené à faire des acquisitions pour revendre. Ces
actes ne seront néanmoins pas qualifiés d’actes de commerce, sauf s’ils
dépassaient les besoins de la profession artisanale.
Notons, pour clore cette question, que les institutions d’enseignement privé
qui accueillent des élèves internes ne font pas des actes de commerce, quoiqu’ils
fournissent des prestations semblables à celles des hôteliers et des
restaurateurs. Il n’en irait autrement que si elles fournissaient les mêmes
prestations à des personnes qui ne seraient pas leurs élèves.
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M. Thioye – Droit des affaires
(après la qualification)
Section 1- Le régime des actes de commerce purs (à l’égard des deux parties)
Nous entendons par actes de commerce purs ceux qui ont cette qualité à
l’égard de toutes les parties (obligations entre commerçants).
▪ En droit civil, les règles de preuve sont très rigides. En effet, aux termes
de l’article 1359, al. 1er, du Code civil, la preuve des actes juridiques n’est pas libre
au-delà d’un certain seuil qui est aujourd’hui fixé à 1500 € (et non plus 800 €)
depuis le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 modifiant celui du 15 juillet 1980
(texte entré en vigueur depuis le 1er janvier 2005). Dans ce cas, la preuve doit être
faite par écrit sur support papier (acte authentique ou acte sous seing privé) ou
sur support électronique depuis la loi du 13 mars 2000 (dès lors que la fiabilité et
l’intégrité de ce mode sont suffisamment garanties). Le serment décisoire et l’aveu
judiciaire sont toujours recevables, encore qu’ils ne peuvent porter que sur des
éléments de fait. En revanche, la preuve par témoins ou présomptions (indices)
n’est jamais admissible, du moins en principe.
18
M. Thioye – Droit des affaires
A cela s’ajoutent des conditions supplémentaires selon que l’on est en
présence d’un contrat synallagmatique ou d’un engagement unilatéral. S’il s’agit d’un
contrat synallagmatique, il convient de respecter la formalité du « double
original », c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait autant d’originaux que de parties (art.
1375 du Code civil). En présence d’un engagement unilatéral de payer une certaine
somme d’argent, il faut observer la formalité du « bon pour », c’est-à-dire qu’il
faut que le débiteur mentionne, par écrit, la somme due en chiffres et en toutes
lettres (article 1376 du Code civil).
Par ailleurs, la loi civile précise aussi que l’on ne peut prouver contre (pour
démentir) et outre (pour ajouter) le contenu d’un écrit que par un autre écrit, ce
quelle que soit la valeur de l’acte juridique (art. 1359, al. 2, du Code civil).
A l’égard des tiers, il existe un régime particulier de preuve de la date des
actes sous seing privé (« date certaine ») preuve qui ne peut être faite que
conformément aux dispositions de l’article 1377 du Code civil (date certaine) :
« l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du
jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa
substance est constatée dans un acte authentique ».
▪ En revanche, pour des raisons de simplicité et de rapidité, le droit
commercial pose pour la preuve des actes un principe de liberté tout à fait original.
L’article L. 110-3 (ancien article 109) du Code de commerce dispose, en effet,
qu’ « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par
tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». La règle ordinaire
est donc que, dans les relations entre commerçants, tous les moyens de preuve des
actes passés sont recevables, en particulier la preuve par correspondance, la
preuve par témoignage, la preuve par présomptions (indices), la preuve sur la base
de livres du fournisseur confortant des présomptions de l’homme ; la preuve par
télécopie.
De même, ne s’appliquent pas en droit commercial les dispositions des
articles 1375 à 1377 du Code civil, du moins lorsque les actes considérés ont bien
été conclus par des commerçants.
Enfin, quand bien même un écrit aurait été dressé, il sera toujours possible
de faire la preuve par témoins ou présomptions « contre et outre le contenu aux
actes »28, c’est-à-dire pour démentir un écrit préexistant ou pour prouver des
modifications apportées à cet écrit.
Malgré cette grande souplesse, il convient de souligner que, conformément
aux dispositions de l’article L. 110-3, la liberté de la preuve peut être écartée par
la loi dans certaines hypothèses. C’est ainsi qu’un écrit est exigé pour certains
contrats, dans l’objectif d’en conforter la validité et l’efficacité : vente de fonds
de commerce ; nantissement de fonds de commerce ; contrat de société ; gages
sans dépossession…
28
Com., 21 nov. 1995, RTD civ. 1996. 621, obs. Mestre.
19
M. Thioye – Droit des affaires
A ce formalisme direct, peut s’ajouter un formalisme indirect (extrinsèque)
résidant dans les règles de publicité auxquelles sont très souvent soumis les
contrats commerciaux.
20
M. Thioye – Droit des affaires
En matière civile, l’article 1310 du Code civil dispose que « la solidarité est
légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas ». Autrement dit, les dettes
sont, en règle ordinaire, conjointes.
En revanche, en droit commercial, une coutume (usage de droit) très
ancienne antérieure au Code de commerce de 1807 et consacrée par la
jurisprudence admet que la solidarité des codébiteurs d’une obligation
commerciale se présume. Le créancier peut donc réclamer paiement intégral à l’un
quelconque des codébiteurs commerçants, évitant ainsi le risque d’insolvabilité de
certains d’entre eux (obligation à la dette). « La solidarité entre les débiteurs
oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère
tous envers le créancier. Le créancier peut demander le paiement au débiteur
solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs
solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les
autres » (article 1313). « Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut
opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la
nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut opposer les
exceptions qui sont personnelles à d'autres codébiteurs, telle que l'octroi d'un
terme. Toutefois, lorsqu'une exception personnelle à un autre codébiteur éteint
la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette,
il peut s'en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette » (article 1315).
Quant à la contribution à la dette, celui qui est poursuivi peut appeler les
autres en garantie dans la même instance. Une fois qu’il a payé, il dispose d’un
recours contre les autres, qu’il doit diviser pour obtenir de chacun sa part : il ne
peut refaire jouer la solidarité à son profit contre les autres (article 1317 du Code
civil : « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun
pour sa part », « celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre
les autres à proportion de leur propre part », « si l'un d'eux est insolvable, sa part
se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui
a fait le paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité ».
21
M. Thioye – Droit des affaires
A l’opposé du principe applicable en matière civile (principe de non-immixtion
judiciaire : le juge n’a pas de pouvoir modifier le contrat), en droit commercial, les
tribunaux se reconnaissent traditionnellement le pouvoir de refaire la vente
commerciale en cas d’inexécution partielle ou d’exécution défectueuse
(inexécution au regard de la qualité, de la quantité ou des délais) par le vendeur,
c’est-à-dire le pouvoir de procéder à une diminution proportionnelle du prix.
Notons néanmoins, avec la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016, que le nouvel article 1217 du Code civil dispose, notamment, que, en
cas d’inexécution du contrat, « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été
exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (…) solliciter une réduction du prix » dans
les conditions prévues par le nouvel article 1223 du même code.
Tous ceux qui apposent leur signature sur une lettre de change (mais non les
autres effets de commerce) font un acte de commerce et s’engagent
commercialement (solidairement à l’égard du porteur de la traite).
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spéciales plus courtes sont aussi prévues, entre autres, en matière de transport
(1 an) et en matière de sociétés (3 ans).
Le contentieux relatif aux actes de commerce est dominé par deux séries
de règles essentielles.
Les litiges nés d’un pur acte de commerce échappent, en première instance,
à la compétence des juridictions de droit commun (TGI et TI ou tribunaux
judiciaires) pour relever de celle d’une catégorie de juridictions spécialisées, en
l’occurrence les tribunaux de commerce. Cela dit, dans les localités où il n’existe
pas de tribunal de commerce, il appartient au (TRIBUNAL JUDICIAIRE) de
trancher les contestations commerciales (sur le TC, voir infra).
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V. CA Rennes, 25 févr. 2010, n° 09-8008, Sté Blanchisserie Mano c/ Antargaz, BRDA 8/10, n°
13 ; Cass. 1re civ., 17 février 2010, n° 08-12749, Bull. civ. IV, n° 38 ; JCP E 2010, 1656, spéc. p. 34,
obs. J. Raynard .
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soumises à des arbitres (et non aux juridictions institutionnelles ou étatiques).
A l’origine, cette technique était frappée d’un principe d’interdiction par
l’article 2061 du Code civil. Mais, par dérogation, la loi du 31 décembre 1925,
insérée dans l’ultime alinéa de l’article 631 du Code de commerce de 1807, était
venue poser que cette clause pouvait être valablement stipulée dans les purs actes
de commerce (entre commerçants).
Actuellement, le principe de droit commun a été renversé puisque la loi n°
2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques est venue
modifier l’article 2061 du Code civil qui, avant sa nouvelle réécriture par la loi n°
2016-1547 du 18 novembre 2016, prévoyait que, « sous réserve des dispositions
législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats
conclus à raison d’une activité professionnelle ». Et, depuis sa réécriture par la loi
susmentionnée du 18 novembre 2016, l’article 2061 dispose que : « la clause
compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins
que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement
acceptée ; « lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son
activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée ». Force est ainsi de
constater que ce n’est plus la nullité, mais l’inopposabilité, qui est la sanction de la
clause compromissoire invoquée à l’encontre d’une partie n’ayant pas contracté
dans le cadre de son activité professionnelle.
Ce qui n’était alors qu’une exception prévue pour les actes de commerce (et
que l’on retrouve toujours présentée, comme telle, dans l’article L. 721-3 du Code
de commerce) n’en constitue plus une dès lors que le principe de validité et
d’efficacité des clauses compromissoires vaut aujourd’hui dans tous les contrats,
civils ou commerciaux, et celles-ci sont pleinement efficaces lorsqu’elles sont
opposées à des professionnels (l’interdiction ou, plutôt, l’inefficacité de la clause
subsiste néanmoins lorsqu’elle est opposée à une partie n’ayant pas contracté dans
le cadre de son activité professionnelle30).
30
Cass. 2e civ., 16 juin 2011, n° 10-22780, Contrats, conc., cons. 2011, comm. n° 206, note L.
Leveneur : insérée dans un contrat d'assurance collective qui, ayant pour objet de couvrir le risque
d'invalidité permanente totale, n'était pas conclu à raison d'une activité professionnelle, la clause
intitulée "procédure de conciliation", prévoyant que les conclusions du médecin s'imposent aux
parties, ne pouvait instaurer valablement une procédure d'arbitrage ; Cass. 1re civ., 29 février
2012, n° 11-12782, BRDA 5/12, n° 20 : une cour d'appel déduit, à bon droit, de l'absence d'activité
professionnelle d'une des parties (celle-ci ayant fait valoir ses droits à la retraite et vendu son
fonds de commerce), que les contrats qui les lient n'ont pas été conclus en raison d'une activité
professionnelle au sens de l'article 2061 du code civil, de sorte que la clause compromissoire
figurant dans ces contrats est nulle et de nul effet.
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Les actes mixtes sont ceux qui présentent un caractère commercial pour
l’une des parties et un caractère civil pour l’autre. Leur domaine est aussi vaste
que celui des purs actes de commerce à une exception près, la lettre de change
qui est toujours de nature commerciale.
La question qui se pose à propos des actes mixtes est de savoir le droit qu’il
convient de leur appliquer : droit civil ou droit commercial ?
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celui pour qui l'acte est commercial, le demandeur non-commerçant peut lui
opposer tous les modes de preuve du droit commercial. Si, au contraire, la
preuve est faite par le commerçant contre celui pour qui l'acte est civil, il
faut respecter les règles du droit civil, notamment l'exigence d'un écrit au-
delà de 1500 euros et l'irrecevabilité des témoignages. Même défendeur
originel devant le TGI (TRIBUNAL JUDICIAIRE), le non-commerçant qui
avance des allégations (par une demande reconventionnelle par exemple)
peut toujours librement les prouver contre le commerçant. La jurisprudence
qui réglait la question en se basant sur la nature du tribunal saisi pour choisir
le droit de la preuve applicable a été abandonnée.
- Le principe de distributivité s’applique en outre aux effets de l’acte mixte.
En effet, si c’est le non-commerçant qui est débiteur, il a un droit acquis à
invoquer les règles de protection du droit civil (règles de preuve par
exemple). Si, par contre, c’est le commerçant qui est débiteur, le non-
commerçant peut invoquer contre lui les règles commerciales. C’est ainsi que
si l’acte oblige passivement plusieurs commerçants, ils seront présumés
solidaires, alors que cette présomption ne jouera pas si ce sont plusieurs
non-commerçants qui sont débiteurs (art. 1310 C. civil).
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Ajoutons que, dans le cas particulier du gage, l’article L. 521-1 du Code de commerce déclare
commercial le gage constitué pour un acte de commerce, que ce soit par un commerçant ou par un
non-commerçant. C’est donc la nature, civile ou commerciale (et non la qualité des souscripteurs),
de la dette garantie qui détermine globalement la nature du gage constitué.
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B- L’application du droit de la consommation
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