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Première partie- Les cadres juridique et institutionnel de l’activité

commerciale

Titre I- Le cadre juridique de la vie commerciale

Sous-titre I- Les actes de commerce

1
M. Thioye – Droit des affaires
Chapitre I- La caractérisation ou qualification des actes de commerce (un
préalable à l’application du régime juridique)

Section préliminaire – L’inexistence d’un véritable critère général de définition


de l’acte de commerce

Les articles L. 110-1 et L. 110-2 (anciens articles 632 et 633) du Code de


commerce dressent une liste des actes de commerce. Au vu de cette énumération,
l’on se rend compte qu’elle ne concerne que des actes accomplis par des
professionnels (achat, vente ou construction de bâtiments de navigation,
expéditions maritimes, transport, engagement des gens de mer, assurances, etc.).
Dès lors, la doctrine s’est très vite demandée si cette liste enfermait ou non un
critère général de définition de l’acte de commerce. Une réponse affirmative fut
assez tôt donnée à cette question, mais l’analyse des diverses définitions
proposées a montré qu’il était sinon impossible, du moins très difficile de dégager
un critère général qui soit impeccable. En effet, les trois principales
interprétations proposées se sont avérées impraticables.
▪Pour un premier courant, l’acte de commerce serait essentiellement un
acte de spéculation, un acte inspiré par un but lucratif, la recherche d’un
bénéfice, l’animus pecuniae. Ce critère est exact car il est évident que les actes
faits par philanthropie ou sans recherche d’un bénéfice ne sauraient être des
actes de commerce. Cela dit, le critère n’est pas à lui seul suffisant pour
caractériser l’acte de commerce, notamment parce qu’il n’explique pas les raisons
qui font que les agriculteurs ou les membres des professions libérales échappent
au droit commercial, alors pourtant qu’ils exercent des activités lucratives.
▪Pour un deuxième courant, ne feraient des actes de commerce que ceux
qui s’entremettent dans la circulation des biens, et non ceux qui sont aux deux
bouts de la chaîne : le producteur et le consommateur. A l’évidence, ce critère est
insatisfaisant car il est tantôt trop réducteur, tantôt trop large. Réducteur
d’abord en ce qu’il exclut des activités qui, bien qu’étant de production, sont
pourtant de nature commerciale : l’exploitation des mines par exemple. Trop large
ensuite, en ce qu’il permettrait d’inclure dans le domaine commercial des activités
qui, bien que réalisant une entremise, sont pourtant de nature civile : l’agence ou
représentation commerciale (à ne pas confondre avec la commission qui, elle, est
de nature commerciale) par exemple.
▪Une troisième conception, plus récente, considère que font des actes de
commerce les entreprises comportant une organisation technique spéciale. En
partie exacte, cette définition n’en présente pas moins des failles certaines. D’une
part, elle est trop étroite car, en droit positif, la reconnaissance de la

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commercialité n’implique pas nécessairement la caractérisation d’une entreprise :
il en va ainsi s’agissant, par exemple, de la lettre de change dont la seule signature
constitue un acte de commerce. D’autre part, cette conception pèche par son
excès de généralité, puisque, en l’état actuel du droit positif, les entreprises
agricoles ou libérales, quoique pouvant être fort élaborées, restent civiles.

Ainsi, devant l’impossibilité de trouver une définition générale


inconstestable de l’acte de commerce, il a fallu se contenter d’un pis-aller : l’acte
de commerce est, en principe1, un acte dont la répétition va conférer son auteur
la qualité de commerçant.

Section 1- Les actes de commerce par nature

Il s’agit tous d’actes énumérés par le législateur (Code de commerce) :


activités de négoce, activités industrielles, activités de services et activités
financières.

§ 1- Les activités de négoce (achats pour revendre)

On peut classer dans cette catégorie divers types d’activités.

A- L’achat de biens meubles pour les revendre (prévu par l’article L. 110-1,
1° C. com.)

C’est, de loin, l’acte de commerce le plus courant, mais plusieurs remarques


s’imposent.
- D’abord, d’après le texte, il doit s’agir d’un achat, c’est-à-dire d’une
acquisition à titre onéreux. Cette règle conduit à exclure de la
commercialité plusieurs activités comme, par exemple, les activités
agricoles : en effet, l’agriculteur qui vend ses produits (animaux ou
végétaux) ne fait pas d’acte de commerce puisqu’il n’a pas préalablement
acheté (de même, l’artisan, l’auteur ou l’artiste qui vend ses œuvres ne fait
pas d’acte de commerce ; l’absence d’achat conduit aussi à considérer
comme civiles les activités des professions libérales). Cela dit, notons aussi
que, en dépit de la formule légale qui ne se réfère qu’à l’acte d’achat, l’on a
toujours admis que la revente constitue également un acte de commerce dès
lors qu’il y a eu achat préalable.
- Deuxième remarque : l’achat doit, ici, porter sur un bien mobilier (exclusion
ici des immeubles), mais il importe peu que le meuble considéré soit corporel

1
Ce principe est relatif puisque, par exemple, la signature de plusieurs lettres de change (actes
de commerce par la forme) ne donne pas à leur auteur la qualité de commerçant.

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(marchandises, denrées, produits finis ou semi-finis, matières premières,
etc.) ou incorporel (fonds de commerce, créances, valeurs mobilières,
productions de l’esprit, etc.).
- Troisième remarque : il doit s’agir d’un achat pour revendre, l’intention de
revendre avec bénéfice2 devant exister au moment de l’achat. Cela dit, il
importe peu que l’achat précède ou suive la vente (on est, dans ce dernier
cas, en présence de celui qui va se fournir pour livrer des commandes
préexistantes) ; peu importe aussi que le bien soit (re)vendu en l’état même
ou après transformation (sous réserve toutefois des cas où cette
transformation résulterait de l’exercice d’une profession civile telle que
l’artisanat ou l’agriculture). La revente constitue bien sûr un acte de
commerce quoique la formule légale ne se réfère qu’à l’acte d’achat.

B- L’achat de biens immeubles pour les revendre (acte prévu par l’article L.
110-1 du C. com.).

La loi répute actes de commerce : « tout achat de biens immeubles aux fins
de les revendre [principe], à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou
plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux [exception] » (art. L.
110-1, 2°, du C. com.).

1° Le principe depuis 1967 : l’activité du marchand de biens est commerciale


(art. L. 110-1, 6° in limine, du C. Com.).

Pendant longtemps, les opérations de cession portant sur les immeubles


n’étaient pas considérées comme des activités commerciales au regard du droit
privé, même lorsqu’elles étaient spéculatives. On expliquait cette exclusion par
l’idée que les règles civiles étaient mieux adaptées au régime de la propriété
immobilière. Mais avec le développement de la spéculation immobilière, le
législateur est intervenu par une loi n° 97-563 du 13 juillet 1967 : depuis, le
principe est que constitue un acte de commerce « tout achat de biens immeubles
aux fins de les revendre » (activité de marchand de biens).

2° L’exception depuis 1971 : l’activité du promoteur immobilier est civile (art.


L. 110-1, 6° in fine, du C. Com.).

Devant les protestations des milieux professionnels suite au basculement


du négoce immobilier dans la catégorie des actes de commerce par nature, la loi n°

2
Parce qu’il doit y avoir intention de tirer un bénéfice, l’activité d’une coopérative, d’un groupement
d’achat de consommateurs ou encore d’un comité d’entreprise, n’est pas commerciale dès lors qu’il
n’y a pas recherche de bénéfices.

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71-579 du 16 juillet 1971 est venue, par faveur (fiscale) pour la construction
immobilière, prévoir une exception à la commercialité des achats pour revendre de
biens immeubles : en effet, il n‘y a plus acte de commerce lorsque l’acquéreur a agi
en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par lots
(ventes d’immeubles à construire) ; cette dernière situation concerne les
promoteurs-vendeurs, notamment les sociétés de construction-vente, régies par
une loi de 1971, qui sont encore des sociétés civiles3.

C- L’entreprise de fournitures (acte prévu par l’article L. 110-1, 6°, C. com.)

Dans le schéma classique (achat pour revendre), les parties organisent leurs
relations par une juxtaposition de contrats ponctuels et indépendants. En
revanche, la fourniture implique, elle, une idée de durée et de répétition dans un
cadre plus stable : il s’agit, en effet, pour une personne de s’engager à fournir,
pendant un certain temps, une quantité de marchandises (ou de services), qu’elle
se procurera au fur et à mesure des livraisons. En ce sens, l’entreprise de
fournitures ne constitue, très souvent, qu’une simple application de l’achat pour
revendre, mais la revente devance ici, d’une certaine manière, l’achat. Cela dit, il
peut aussi arriver que les marchandises fournies n’aient pas fait l’objet d’un achat
préalable : c’est le cas, par exemple, en matière de distribution d’électricité, de
gaz, d’eau, de services (opérations de vente et non contrats d’entreprise par
application du critère du « travail spécifique »).

§ 2- Les activités industrielles

A- Les activités d’exploitation de mines (art. L. 131-3 du Code minier


nouveau)

A l’origine, les industries extractives constituaient toutes des activités


civiles d’après le Code de commerce. Mais une loi du 9 septembre 1919, dans son
article 5 (article L. 131-3 du Code minier nouveau4), est venue déroger à cette
règle concernant l’exploitation des mines, laquelle constitue désormais un acte de
commerce : « l’exploitation des mines est considérée comme un acte de
commerce » ; « cette disposition s’applique aux sociétés civiles existant au 22 mai
1955 sans qu’il y ait lieu de modifier leurs statuts » (article L. 131-3 du Code
minier).
On entend par mines les gîtes (sources) contenant des matières

3
En revanche, fait acte de commerce le lotisseur qui acquiert un terrain et le revend par lots après
l’avoir viabilisé, ou encore celui qui achète un appartement uniquement dans l’intention de le
revendre avec profit (marchand de biens).
4
Article 23 du Code minier ancien.

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limitativement énumérées par l’article L. 111-1 du Code minier nouveau5 : les
hydrocarbures liquides ou gazeux, le fer, le nickel, le diamant, le cuivre, le plomb,
l’argent, l’or, le platine, les phosphates, l’uranium, etc.6
En revanche, les autres industries extractives, notamment l’exploitation des
carrières (pierre, argile, marbre, etc.)7, restent civiles sous réserve de
l’éventualité de devenir commerciales à d’autres titres8.

B- Les entreprises de manufactures ou industries de transformation (acte


prévu par l’article L. 110-1, al. 5., C. com.)

La loi répute acte de commerce toute entreprise de manufacture. On entend


généralement par là les établissements de transformation dont, par exemple, les
entreprises de produits chimiques, de métallurgie, de tissage…
Cela dit, la jurisprudence y intègre également les entreprises qui spéculent
sur le travail d’autrui, c’est-à-dire qui utilisent une main-d’œuvre (emploient des
salariés). C’est le cas, par exemple, des entreprises de construction immobilière9
(distinctes des sociétés civiles immobilières qui, elles, font construire), des
garages automobiles (réparation), des entreprises de teinturerie (rénovation)...
Précisons que lorsque l’entrepreneur n’emploie pas de salariés (ne spécule pas sur
le travail d’autrui), c’est la qualification d’artisan, et non de commerçant, qui
devrait être retenue.

§ 3- Les services

A- L’entreprise de location de meubles (acte prévu par l’article L. 110-1, 4°,


C. com.)

La loi répute acte de commerce « toute entreprise de location de meubles »


(art. L. 110-1, 4°, du C. com.).
Peu importe l’origine des meubles qu’on loue car il peut s’agir de biens
préalablement achetés ou non. Peu importe aussi la nature des meubles qu’on loue :
véhicules, matériel, etc. On rattache même à cette catégorie les locations

5
Article 2 du Code minier ancien.
6
C. minier nouveau, art. L. 100-2.
7
« Toute substance minérale ou fossile qui n'est pas qualifiée par le livre Ier du présent code de
substance de mine est considérée comme une substance de carrière » (C. minier nouveau, art. L.
100-2).
8
Néanmoins, « eu égard à leur utilisation dans l'économie, des substances qui relèvent en vertu du
principe énoncé à l'article L. 100-2 du régime légal des carrières peuvent être ajoutées aux
substances de mine énumérées à l'article L. 111-1, dans les conditions prévues à l'article L. 312-1 » (C.
minier, art. L. 111-2).
9
Req., 20 octobre 1908, DP 1909. I. 246.

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financières, à savoir le crédit-bail et la location-vente. De même, les cas
intermédiaires, comme l’hôtellerie, sont considérés comme commerciaux parce que
l’on fait prévaloir la location de meubles (lits, linge…) sur celle des immeubles.
L’hôtelier, comme le loueur de parking ou de camping, acquiert aussi la
commercialité au titre des services divers qu’il rend à son client, dans le cadre
donc d’une entreprise de fournitures (voir supra).
NB : Du point de vue du droit commercial, la location d’immeubles, même
lorsque ceux-ci sont meublés (les meubles étant accessoires), constitue un acte
civil par nature. Mais cette vision commercialiste n’est pas partagée par le fisc
pour lequel la location d’immeubles – qui est civile lorsqu’elle porte sur des locaux
nus – devient commerciale si elle a pour objet des locaux meublés (par conséquent,
est imposée au titre de l’impôt sur les sociétés la société civile se livrant à des
locations en meublé, quand bien même celle-ci serait irréprochable du point de vue
du droit privé).

B- L’entreprise de transport (acte prévu par l’article L. 110-1, 5°, C. Com.).

La loi répute acte de commerce « toute entreprise (…) de transport par


terre ou par eau » (art. L. 110-1, 5°, du C. com.).
Malgré la lettre du texte, la commercialité s’applique quels que soient l’objet
et/ou le procédé du transport (transport par terre, par eau ou par air, transport
de personnes ou de marchandises).
La commercialité s’applique aussi pour les entreprises auxiliaires de
transport (entreprises de déménagement ou de remorquage). Même solution pour
les entreprises en rapport avec les loisirs comme le Téléphérique.
En revanche, le chauffeur de taxi exploitant lui-même son seul véhicule n’est
pas commerçant, mais artisan.

C- Les activités d’intermédiaire

On regroupe dans cette catégorie des actes par lesquels une personne
s’interpose dans les rapports entre d’autres personnes, en qualité d’intermédiaire.
Ces actes d’entremise sont en eux-mêmes des actes de commerce, même si
l’opération pour laquelle se fait l’entremise est civile (location d’immeubles par
exemple).

1° L’entreprise d’agence ou de bureau d’affaires (acte prévu par l’article L.


110-1, 6°, C. Com.).

La loi répute acte de commerce « toute entreprise de (…) d'agence, bureaux


d'affaires » (art. L. 110-1, 6°, du C. com.).

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L’agent d’affaires désigne toute personne qui est investi d’un mandat pour
gérer les affaires d’autrui, à l’exception toutefois des auxiliaires de justice
(avocats, huissiers…). C’est le cas, par exemple, des entreprises de recouvrement
de créances, des administrateurs de biens, des agents de voyage, des agents de
publicité (intermédiaires entre le support publicitaire – médias, presse – et
l’annonceur ou client), etc.

2° L’entreprise de commission (acte prévu par l’article L. 110-1, 5°, C. Com.).

La loi répute acte de commerce « toute entreprise (…) de commission » (art.


L. 110-1, 5°, du C. com.).
La commission est un contrat par lequel une personne appelée
commissionnaire passe une opération juridique pour le compte du commettant, mais
en son propre nom. Dans un premier temps, la commission apparaît comme une sorte
de mandat puisque, à l’instar du mandataire, le commissionnaire agit pour le compte
d’autrui. Mais, dans un second temps, la commission s’écarte du mandat étant donné
que le commissionnaire, à la différence du mandataire, va conclure l’opération en
son propre nom et sera dès lors personnellement engagé vis-à-vis des tiers. L’on
dit que c’est un cas de représentation imparfaite ou un « mandat sans
représentation ».
Notons que la représentation commerciale ou l’agence commerciale, par
laquelle le représentant traite en pur mandataire (recherche une clientèle) au nom
du commerçant qui l’emploie, n’est pas rangée parmi les actes de commerce (ni par
le Code de commerce, ni par la Cour de cassation)10.

3° Les opérations de courtage (acte prévu par l’article L. 110-1, 7°, C.


Com.).

La loi répute acte de commerce « toute opération de (…) courtage » (art. L.


110-1, 7°, du C. com.).
Le courtage ou entremise consiste à mettre en rapport deux (ou plusieurs)
personnes en vue de leur permettre d’effectuer elles-mêmes une opération
déterminée (vente, assurance...)11. Le courtier diffère du commissionnaire et du
mandataire en ce sens qu’il ne conclut pas lui-même l’opération, ni en son nom

10
On distingue deux types de représentants commerciaux : d’une part, les voyageurs
représentants placiers (VRP) qui sont des salariés dont l’activité n’est pas commerciale et dont le
statut relève du droit du travail ; d’autre part, les agents commerciaux qui sont des professionnels
indépendants liés par un contrat de mandat (d’intérêt commun d’après une loi de 1991). Sur les
conséquences probatoires de la nature civile de l’agence commerciale, V. Com., 25 juin 2002, D.
2002, jur., p. 2529.
11
La commercialité du courtage matrimonial a été reconnue (Com., 11 octobre 1982, Bull. IV, n°
299).

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personnel, ni au nom d’autrui.

D- Les opérations d’intermédiaires spécialisés

Il s’agit, d’une part, des opérations d’intermédiaires pour l’achat, la


souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts
de sociétés immobilières (agents immobiliers notamment) (actes prévus par
l’article L. 110-1, al. 3, C. Com.).
Il s’agit, d’autre part, de l’activité des agents artistiques ou impresarios :
ils reçoivent mandat d’artistes de leur trouver des engagements (art. L. 7121-9 et
s. du Code du travail).
NB : ces opérations étaient, pour l’essentiel, déjà commerciales, à titre
d’opérations de courtage ou d’entreprise de commission ou d’agent d’affaires, mais
elles le sont toujours actuellement, en vertu de ces textes spéciaux, quelle que
soit la nature de l’entremise.

E- Les établissements de vente à l’encan (acte prévu par l’article L. 110-1,


6°, C. Com.).

La loi répute actes de commerce les « établissements de ventes à l'encan »


(art. L. 110-1, 6°, du C. com.)12.
Il s’agit de salles ayant pour objet la vente aux enchères publiques en gros
de denrées et marchandises (la loi interdisant en principe les ventes aux enchères
au détail de marchandises neuves).
Notons qu’il existe d’autres salles de ventes publiques exploitées par les
Commissaires-priseurs. Ceux-ci étant des officiers ministériels non commerçants,
l’exploitation reste civile par application de la théorie de l’accessoire civil.

F- Les établissements de spectacles publics (acte prévu par l’article L. 110-


1, 6°, C. Com.).

La loi répute actes de commerce les « établissements (…) de spectacles


publics » (art. L. 110-1, 6°, du C. com.).
Ils sont tous commerciaux quelle que soit la catégorie de spectacle, qu’il
s’agisse d’établissements publics ou privés : entreprises de théâtre, de cinéma, de
music-hall, entreprises organisant des concerts, entreprises exploitant des
grottes aménagées, des salles de conférence, des campings, etc.
Notons toutefois que le spectacles en question doivent être organisés à
titre lucratif (spéculatif, avec recherche de bénéfices), d’où l’exclusion de ceux

12
« Encan » est un mot dérivé du latin in quantum qui signifie « combien ? ».

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organisés gratuitement ou moyennant une simple participation aux frais.
Il ne faut pas non plus qu’il s’agisse de spectacles organisés
occasionnellement car, dans ce cas, il n’y a plus, à proprement parler,
d’établissement de spectacles (exemple des kermesses).

§ 4- Les activités financières

A- Les opérations de change (actes prévus par l’article L. 110-1, 7°, C.


Com.).

La loi répute acte de commerce « toute opération de change » (art. L. 110-


1, 7°, du C. com.).
Le change consiste globalement en un échange de monnaies de pays
différents. On en distingue deux variétés : d’une part, le change manuel dans lequel
le changeur échange des monnaies étrangères contre la monnaie nationale ; d’autre
part, le change tiré dans lequel l’échange se fait par achat ou vente d’effets de
commerce payables à l’étranger.
Quelle que soit la formule retenue, les opérations de change constituent des
actes de commerce par nature pour les professionnels du secteur . En revanche,
pour leurs clients, il ne s’agit en principe que d’actes civils (sauf lorsque l’acte est
fait pour les besoins de la profession commerciale du client).

B- Les opérations de banque et les services de paiement (actes prévus par


l’article L. 110-1, 7°, C. Com.).

La loi répute actes de commerce « toute opération de (…) banque, (…)


activité d'émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de
paiement » (art. L. 110-1, 7°, du C. com.).
Définies par les articles L. 311-1 et suiv. du Code monétaire et financier, les
opérations de banque sont très variées : réception de fonds du public (les fonds
sont recueillis sous forme de dépôt avec le droit pour le banquier d’en disposer
mais à charge de les restituer) ; opérations diverses de crédit (prêts, ouverture
de crédit, escompte d’effets de commerce, etc.) ; services bancaires de
paiement13 ; dépôts de titres ; location de coffres-forts ; etc.
La pratique habituelle de ces opérations est, en principe, réservée, à titre
de monopole, aux établissements de crédit définis par les articles L. 311-1 et suiv.
du Code monétaire et financier (banques stricto sensu, sociétés ou institutions

13
L’article 17 de l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 a étendu la liste des actes de
commerce par nature en ajoutant expressément au 7° de l’article L. 110-1 « tout service de
paiement ». Dans le même sens, la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 y a ajouté l’activité d'émission
et de gestion de monnaie électronique.

10
M. Thioye – Droit des affaires
financières spécialisées)14. Cependant, si une personne non habilitée pratique
habituellement des opérations de banque, elle sera déclarée commerçant de fait
(mais nullité de l’acte accompli).
D’après le Code de commerce, sont commerciales aussi bien les opérations
réalisées par les banques privées que celles faites par les banques publiques.
Précisons toutefois que ces opérations ne sont commerciales que si elles ont un
but lucratif. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence considère que le service
financier du Trésor ne jouit pas de la commercialité.
Notons enfin que les opérations de banque constituent des actes de
commerce par nature pour les professionnels du secteur, c’est-à-dire les banquiers
pour l’essentiel (ou, exceptionnellement, pour les personnes agissant en violation
de leur statut : ainsi, le notaire qui recevrait de l’argent de ses clients et leur
verserait un intérêt). En revanche, pour leurs clients, il ne s’agit en principe que
d’actes civils (sauf lorsque l’acte est fait pour les besoins de la profession
commerciale du client).

C- Les activités d’assurances (actes prévus par l’article L. 110-1, 7°, C.


Com.).

La loi répute actes de commerce « toutes assurances et autres contrats


concernant le commerce de mer » (art. L. 110-2, 5°, du C. com.)15.
Ainsi, la lettre de l’article L. 110-2, 5°, ne répute actes de commerce que les
assurances maritimes (seules pratiquées en 1807).. Mais la jurisprudence a étendu
cette qualification aux assurances terrestres avec cependant une restriction :
seules bénéficient de la commercialité les assurances à primes fixes faites à titre
lucratif par les sociétés par actions ; en revanche, les assurances mutuelles, parce
qu’elles sont faites sans recherche de bénéfices, ne sont pas commerciales : « Les
sociétés d'assurance mutuelles ont un objet non commercial. Elles sont constituées
pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires. Moyennant le paiement
d'une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement
intégral des engagements qu'elles contractent. (…) » (article L. 322-26-1 du Code
des assurances)16.
L’article L. 110-2 poursuit l’énumération en employant des termes parfois
vieillis : apparaux (ancien pluriel d’appareil), agrès (éléments du gréement d’un
navire), avitaillements (ravitaillements aujourd’hui), nolissement (du verbe noliser

14
Sous réserve de quelques exceptions légales comme, notamment, concernant les opérations de
crédit entre sociétés appartenant à un même groupe.
15
L’assurance est un contrat par lequel une personne appelée assureur (une société commerciale
ou une société mutuelle) promet, en contrepartie du versement d’un prix dénommé prime ou
cotisation, de verser à l’assuré une indemnité au cas de survenance d’un risque ou sinistre (incendie,
vol, responsabilité, etc.).
16
Civ., 3 août 1921, DP 1925. I. 25 ; 22 octobre 1996, RTDCom. 1997, 85, obs. J. Derruppé.

11
M. Thioye – Droit des affaires
qui est synonyme d’affréter).

Section 2- Les actes de commerce par la forme

Alors que les actes de commerce par nature jouissent de la commercialité à


raison du fond, les actes de commerce par la forme n’en bénéficient que par leur
forme, et cela quel que soit leur objet, civil ou commercial, et quelles que soient
les personnes qui les signent.

§ 1- La lettre de change ou traite (acte prévu par l’article L. 110-1, 10°,


C. Com.).

La loi répute actes de commerce, « entre toutes personnes, les lettres de


change » (art. L. 110-1, 10°, du C. com.).
Opération à trois personnes, la lettre de change ou traite est un titre en
vertu duquel un créancier (le tireur) donne à son débiteur (le tiré) l’ordre de payer
une certaine somme à une date déterminée à un tiers (le porteur ou bénéficiaire).
C’est un titre à ordre, c’est-à-dire endossable (le bénéficiaire initial peut aussi la
transmettre à un nouveau bénéficiaire par une simple mention au dos du titre),
constitutif d’un instrument de paiement (en permettant d’éviter toute circulation
fiduciaire) et de crédit (en permettant un paiement différé). Elle est signée par
le tireur, datée et adressée au tiré pour acceptation.
D’après le Code de commerce, toute personne qui, pour une opération
quelconque, appose sa signature sur une lettre de change, réalise un acte de
commerce (elle n’en devient pas pour autant commerçante de ce seul fait, même si
elle en signait plusieurs17 ; cela dit, entre commerçants, on peut dire que la traite
est un acte de commerce par accessoire puisqu’elle est passée pour les besoins du
commerce).
En revanche, la règle de la commercialité par la forme ne s’applique pas aux
autres effets de commerce que sont le billet à ordre et le chèque, lesquels sont
civils ou commerciaux suivant la nature de l’opération pour laquelle ils sont utilisés
(en vertu de la théorie de l’accessoire).

§ 2- Les sociétés commerciales par la forme

Aux termes de l’article 1845 du Code civil, « ont le caractère civil toutes
les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur
forme, de leur nature, ou de leur objet ». Autrement dit, la société civile constitue
la règle ordinaire, mais la portée dudit principe est fortement réduite par celle de
l’exception.

17
Com., 11 mai 1993, Bull. IV, n° 179.

12
M. Thioye – Droit des affaires
En effet, outre les sociétés commerciales du fait de leur objet
(accomplissement d’actes de commerce par nature), il existe une liste très longue
de sociétés commerciales par leur seule forme.
Il résulte de l’article L. 210-1, al. 2, du Code de commerce, que « sont
commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en
nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité
limitée et les sociétés par actions »18.
Notons que la règle de la commercialité des sociétés par la forme
s’expliquait, à l’origine, par la volonté du législateur de pouvoir soumettre aux
procédures collectives toutes les sociétés importantes, leur objet fût-il civil. Dès
lors, cette disposition a aujourd’hui perdu l’essentiel de son intérêt depuis que, par
la loi du 13 juillet 1967, les procédures collectives ont été déclarées applicables à
toutes les personnes morales de droit privé, y compris les personnes morales
civiles.
Notons aussi que cette règle génère parfois des difficultés lorsque la
société considérée, commerciale par sa forme, poursuit un objet civil (SA
d’avocats ou SARL d’experts-comptables par exemple). En effet, la jurisprudence
ne tire pas toujours les conséquences de cette règle (commercialité par la forme)
comme, par exemple, lorsqu’elle refuse le bénéfice du statut des baux
commerciaux (décret du 30 septembre 1953, actuels art. L. 145-1 et suiv. du Code
de commerce) aux sociétés commerciales à objet civil19 (ou lorsqu’elle ne permet
pas à l’avocat représentant une société d’exercice libéral d’avocats à forme
anonyme d’être inscrit sur les listes pour les élections des membres des CCI20).
Notons enfin que la règle de la commercialité d’une société a des
répercussions sur la nature de l’opération par laquelle on y entre. Il existe deux
manières d’intégrer le corps des associés ou actionnaires. L’entrée peut d’abord
se faire par la souscription de parts ou d’actions au moment de la constitution de
la société, laquelle souscription est considérée comme un acte de commerce dès
lors que l’on est en présence d’une société commerciale. L’entrée peut ensuite se
faire par l’acquisition de parts ou d’actions postérieurement à la constitution de la
société, mais la cession considérée ne constitue pas un acte de commerce, sauf
dans l’hypothèse où, par la quantité des titres cédés, l’opération s’analyse en une
cession du contrôle de la société.

Section 3- Les actes de commerce par accessoire (influence de la profession


de l’auteur de l’acte)

18
Cette règle a d’abord été posée par une loi du 1er août 1893 pour les sociétés anonymes, puis par
une loi du 7 mars 1925 pour les SARL et, enfin, par la loi de 1966 pour les autres sociétés.
19
Civ. 3, 5 mars 1971, Bull. civ. III, n° 168; RTD com. 1971, p. 1034, obs. Houin.
20
Civ. 2, 10 nov. 1998, Bull. Joly 1999, p. 450, note J.-J. Daigre.

13
M. Thioye – Droit des affaires
La profession de l’auteur d’un acte peut avoir pour effet de rendre
commercial un acte de nature civile (acte de commerce par accessoire) ou,
inversement, de rendre civil un acte de commerce par nature (acte civil par
accessoire).

§ 1- La théorie de l’acte de commerce par accessoire (influence de la


profession commerciale ou de l’objet particulier de l’acte passé)

La profession commerciale de l’auteur ou l’objet particulier d’un acte


peuvent avoir pour effet de rendre commercial un acte de nature civile.

A- L’accessoire commercial subjectif (influence de la profession commerciale)

1° Le principe

Le Code commerce (art. L. 110-1, al. 9) dispose que des actes civils par nature
vont être soumis au statut des actes de commerce lorsqu’ils ont été passés par un
commerçant pour les besoins de son commerce. Deux conditions sont ainsi
requises :
- l’auteur de l’acte doit être un commerçant (personne physique ou société).
On admet cependant la commercialité lorsque les actes sont passés par un
futur commerçant pour les besoins du commerce qu’il se propose
d’entreprendre (ainsi, l’achat d’un fonds de commerce par un non-
commerçant est un acte de commerce) ;
- l’acte doit se rattacher à l’activité commerciale de son auteur. En effet,
l’acte doit être passé par le commerçant pour les besoins de son commerce
ou à l’occasion de celui-ci, et non pour ses besoins personnels ou familiaux,
domestiques ou ménagers. Pour résoudre les problèmes de preuve de cette
condition, la jurisprudence a posé une présomption de commercialité : tout
acte passé par un commerçant est présumé fait pour les besoins de son
commerce et, par conséquent, est présumé commercial21. Il ne s’agit
néanmoins que d’une présomption simple, susceptible d’être renversée par
une preuve contraire.

2° Les applications concrètes : cas d’actes de commerce subjectifs

La jurisprudence applique assez largement la théorie de l’accessoire


commercial subjectif.
Elle l’applique d’abord aux actes juridiques et, notamment, aux contrats,
même à titre gratuit, qui sont passés par un commerçant pour les besoins ou à

21
CA Paris, 11 janvier 1995, D. 1995, IR, 62 : acte d’acquisition d’un immeuble par un commerçant.

14
M. Thioye – Droit des affaires
l’occasion de son commerce : achat de matériel destiné à ses bureaux ; locations
de machines ; escompte de ses effets de commerce auprès de sa banque ;
souscription d’un cautionnement en vue de soutenir un client avec lequel il traite
une partie importante de son chiffre d’affaires ; embauche d’un salarié (le salarié
peut apporter la preuve du contrat par tous moyens, mais les différends éventuels
seraient de la compétence du Conseil des Prud’hommes) ; etc.
La jurisprudence applique ensuite la théorie de l’accessoire commercial
subjectif aux engagements extra-contractuels. En effet, les obligations
purement légales22, les obligations délictuelles, quasi délictuelles ou quasi
contractuelles (répétition de l’indu, gestion d’affaires, enrichissement sans cause,
théorie de l’apparence) des commerçants sont considérées comme des actes de
commerce lorsque, à cause ou à l’occasion de leur commerce, ils ont causé un
dommage à autrui ou tiré un avantage indu d’une situation. Ainsi, par exemple, un
commerçant qui se livre à des actes de concurrence déloyale, pour détourner la
clientèle d’autrui, réalise curieusement des actes de commerce23.

B- L’accessoire commercial objectif (influence de l’objet particulier de l’acte :


rattachement à une opération commerciale)

Les actes civils par nature passés par un non-commerçant pour faciliter ou
favoriser la conclusion d’un acte de commerce sont considérés, en raison de leur
objet, comme des actes de commerce par accessoire objectif. Ainsi, par exemple,
le contrat de gage est commercial s’il garantit une dette commerciale, et ce quel
que soit son auteur ; de même, les cautionnements donnés en garantie des dettes
d’une société commerciale par les dirigeants ou les principaux associés (parce qu’ils
trouvent un intérêt personnel dans l’opération) constituent des actes de
commerce, même si les personnes garantes n’ont pas la qualité de commerçant
(dans les SARL ou les sociétés par actions) ; etc.

§ 2- La théorie de l’acte civil par accessoire (influence de la profession civile)

La profession civile de l’auteur d’un acte peut avoir pour effet de rendre
civil un acte de nature commerciale.

A- Panorama rapide des activités civiles

Sachant que tout ce qui n’est pas acte de commerce par nature est acte civil
22
La Cour de cassation a ainsi considéré que la dette du commerçant au titre de ses cotisations de
sécurité sociale est commerciale. Mais elle n’a pas admis cette solution pour les dettes fiscales.
23
NB toutefois que si un dommage est causé par un véhicule quelconque, sont seuls compétents le
TGI ou le TI ; s’il y a accident de travail, est seul compétent le tribunal des affaires de sécurité
sociale.

15
M. Thioye – Droit des affaires
par nature, sont d’abord civiles les activités agricoles (culture proprement dite
mais aussi élevage). Cela dit, avec la diversification, les agriculteurs pourraient
relever, dans certains cas, du droit commercial lorsqu’ils fournissent des
prestations matérielles (reposant sur l’achat et la revente) dans des conditions ou
des proportions telles que ces opérations prennent plus d’importance que leurs
activités civiles.
Sont ensuite civiles, en dehors de l’exploitation des mines, toutes les
activités extractives (activités d’exploitation des carrières, tourbières, sablières
ou encore des sources thermales).
Sont également civiles, toutes les activités dites intellectuelles (œuvres
littéraires et artistiques : écrivains, compositeurs, cinéastes, etc.)24 ; les activités
libérales (médecins, avocats, architectes, etc.) et artisanales25.
Sans souci d’exhaustivité, notons que sont encore civiles les activités
d’enseignement privé, d’auto-école26, de marabout27, etc.

B- Applications de la théorie de l’acte civil par accessoire

Dans le silence du Code, la jurisprudence estime qu’un certain nombre


d’actes de commerce par nature perdent leur commercialité et se trouvent ainsi
soumis au statut des actes civils lorsqu’ils sont passés par des non-commerçants
pour les stricts besoins de leur profession civile.
Ainsi, les agriculteurs qui, dans le cadre de leur diversification, procèdent
à des achats pour revendre ou à des activités de transformation, continuent de
faire des actes civils dès lors qu’ils ne dépassent pas les besoins de la profession
agricole.
De même, les médecins, dans les localités où il n’y a pas de pharmaciens,
peuvent être autorisés (par le directeur général de l'agence régionale de santé,

24
Toutefois, les opérations de commercialisation des œuvres sont commerciales lorsqu’elles sont
réalisées par des professionnels qui achètent pour revendre.
25
Les professionnels libéraux et les artisans peuvent toutefois relever, dans certains cas, du droit
commercial lorsqu’ils fournissent des prestations matérielles (reposant sur l’achat et la revente)
dans des proportions telles que ces opérations prennent plus d’importance que leurs activités
civiles. Ainsi, le pharmacien d’officine est commerçant car il réalise des achats pour revendre (bien
que sa profession soit civile).
26
Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-10095, Bull. civ. IV, n° 108 : « Mais attendu qu'après avoir énoncé
exactement que l'enseignement est en soi une activité libérale et constaté que l'activité de
cette auto-école était limitée à l'enseignement de la conduite automobile et du Code de la route,
l'arrêt retient que M. Borie donnait personnellement des leçons aux élèves et que s'il était assisté
de moniteurs salariés qui dispensaient le même enseignement et lui permettaient la réalisation de
profits, il ne se livrait pas de manière habituelle à l'exercice d'actes de commerce ; qu'en l'état
de ces énonciations, la Cour d'appel a pu décider qu'en dépit de la dimension atteinte par
l'entreprise qu'il dirigeait, M. Borie n'avait pas la qualité de commerçant ».
27
CA Paris, 27 mai 1992, JCP E 1992, pan. N° 1194.

16
M. Thioye – Droit des affaires
qui en informe le préfet) à vendre à leurs clients les médicaments qu’ils leur
prescrivent (art. L. 4211-3 du Code de la santé publique). Ils font donc des achats
pour revendre, ce qui constitue des actes de commerce par nature. Toutefois,
puisque ces actes ne sont faits que pour les besoins de la profession civile, la
jurisprudence les qualifie d’actes civils (il n’en irait autrement que si les médecins
se mettaient, en violation de la loi, à vendre à d’autres qu’à leurs patients).
De même, un artisan (coiffeur par exemple), pour les besoins de sa
profession, est inévitablement amené à faire des acquisitions pour revendre. Ces
actes ne seront néanmoins pas qualifiés d’actes de commerce, sauf s’ils
dépassaient les besoins de la profession artisanale.
Notons, pour clore cette question, que les institutions d’enseignement privé
qui accueillent des élèves internes ne font pas des actes de commerce, quoiqu’ils
fournissent des prestations semblables à celles des hôteliers et des
restaurateurs. Il n’en irait autrement que si elles fournissaient les mêmes
prestations à des personnes qui ne seraient pas leurs élèves.

17
M. Thioye – Droit des affaires
(après la qualification)

Chapitre II- Le régime des actes de commerce (un effet de la qualification


juridique)

Section 1- Le régime des actes de commerce purs (à l’égard des deux parties)

Nous entendons par actes de commerce purs ceux qui ont cette qualité à
l’égard de toutes les parties (obligations entre commerçants).

§ 1- Les règles relatives à la conclusion et à la preuve des actes de commerce

A- Le rôle déterminant du silence lors de la formation des contrats


commerciaux

Contrairement à ce qui se passe en droit commun, le silence joue un rôle


inhabituel en droit commercial, puisqu’il vaut consentement dès lors que les
circonstances l’environnant excluent toute ambiguïté sur sa signification. Ainsi,
lorsque deux commerçants sont en relations d’affaires poursuivies, le fait de
recevoir sans protester une livraison et la facture afférente peut obliger à payer
le prix comme s’il y avait eu commande expresse ; de même, l’acceptation d’une
clause de réserve de propriété (qui subordonne le transfert de propriété au
paiement intégral du prix) peut résulter du fait d’avoir reçu sans protester des
factures sur lesquelles elle figurait.
Cette place accordée au silence doit être mise en rapport avec celle
reconnue aux usages commerciaux (voir supra).

B- La souplesse des règles de preuve

▪ En droit civil, les règles de preuve sont très rigides. En effet, aux termes
de l’article 1359, al. 1er, du Code civil, la preuve des actes juridiques n’est pas libre
au-delà d’un certain seuil qui est aujourd’hui fixé à 1500 € (et non plus 800 €)
depuis le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 modifiant celui du 15 juillet 1980
(texte entré en vigueur depuis le 1er janvier 2005). Dans ce cas, la preuve doit être
faite par écrit sur support papier (acte authentique ou acte sous seing privé) ou
sur support électronique depuis la loi du 13 mars 2000 (dès lors que la fiabilité et
l’intégrité de ce mode sont suffisamment garanties). Le serment décisoire et l’aveu
judiciaire sont toujours recevables, encore qu’ils ne peuvent porter que sur des
éléments de fait. En revanche, la preuve par témoins ou présomptions (indices)
n’est jamais admissible, du moins en principe.

18
M. Thioye – Droit des affaires
A cela s’ajoutent des conditions supplémentaires selon que l’on est en
présence d’un contrat synallagmatique ou d’un engagement unilatéral. S’il s’agit d’un
contrat synallagmatique, il convient de respecter la formalité du « double
original », c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait autant d’originaux que de parties (art.
1375 du Code civil). En présence d’un engagement unilatéral de payer une certaine
somme d’argent, il faut observer la formalité du « bon pour », c’est-à-dire qu’il
faut que le débiteur mentionne, par écrit, la somme due en chiffres et en toutes
lettres (article 1376 du Code civil).
Par ailleurs, la loi civile précise aussi que l’on ne peut prouver contre (pour
démentir) et outre (pour ajouter) le contenu d’un écrit que par un autre écrit, ce
quelle que soit la valeur de l’acte juridique (art. 1359, al. 2, du Code civil).
A l’égard des tiers, il existe un régime particulier de preuve de la date des
actes sous seing privé (« date certaine ») preuve qui ne peut être faite que
conformément aux dispositions de l’article 1377 du Code civil (date certaine) :
« l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du
jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa
substance est constatée dans un acte authentique ».
▪ En revanche, pour des raisons de simplicité et de rapidité, le droit
commercial pose pour la preuve des actes un principe de liberté tout à fait original.
L’article L. 110-3 (ancien article 109) du Code de commerce dispose, en effet,
qu’ « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par
tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». La règle ordinaire
est donc que, dans les relations entre commerçants, tous les moyens de preuve des
actes passés sont recevables, en particulier la preuve par correspondance, la
preuve par témoignage, la preuve par présomptions (indices), la preuve sur la base
de livres du fournisseur confortant des présomptions de l’homme ; la preuve par
télécopie.
De même, ne s’appliquent pas en droit commercial les dispositions des
articles 1375 à 1377 du Code civil, du moins lorsque les actes considérés ont bien
été conclus par des commerçants.
Enfin, quand bien même un écrit aurait été dressé, il sera toujours possible
de faire la preuve par témoins ou présomptions « contre et outre le contenu aux
actes »28, c’est-à-dire pour démentir un écrit préexistant ou pour prouver des
modifications apportées à cet écrit.
Malgré cette grande souplesse, il convient de souligner que, conformément
aux dispositions de l’article L. 110-3, la liberté de la preuve peut être écartée par
la loi dans certaines hypothèses. C’est ainsi qu’un écrit est exigé pour certains
contrats, dans l’objectif d’en conforter la validité et l’efficacité : vente de fonds
de commerce ; nantissement de fonds de commerce ; contrat de société ; gages
sans dépossession…

28
Com., 21 nov. 1995, RTD civ. 1996. 621, obs. Mestre.

19
M. Thioye – Droit des affaires
A ce formalisme direct, peut s’ajouter un formalisme indirect (extrinsèque)
résidant dans les règles de publicité auxquelles sont très souvent soumis les
contrats commerciaux.

§ 2- Les règles relatives aux effets des actes de commerce

Jusqu’en 1867, les obligations commerciales comportaient une sanction


radicale, à savoir la contrainte pour corps qui permettait de priver de liberté le
débiteur défaillant. Cette faculté a disparu (sauf pour le Trésor public), mais il
n’en reste pas moins de nombreuses voies montrant que les droits des titulaires
actifs de créances commerciales sont renforcés.

1° La traditionnelle simplification de la mise en demeure

Puisque la seule arrivée du terme (expiration du délai de paiement) ne rend


pas le débiteur fautif (« le jour n’interpelle pas l’homme »), celui-ci doit être mis
en demeure de payer par le créancier. La mise en demeure constitue une sommation
de payer que le créancier adresse à son débiteur. Dès lors qu’elle est faite, le
débiteur devient fautif s’il ne s’exécute pas et pourrait être condamné à payer
des dommages-intérêts moratoires.
En matière civile, la mise en demeure supposait initialement une sommation
par exploit d’huissier alors qu’elle pouvait s’effectuer par tous moyens en droit
commercial (lettre recommandée, télégramme).
Cette différence de régime a été levée par la loi du 9 juillet 1991 venue
modifier l’ancien article 1139 devenu l’article 1344 du Code civil. Depuis cette date,
la mise en demeure peut se faire par une sommation ou par tout autre acte
équivalent, comme une lettre missive lorsqu’il en ressort une interpellation
suffisante. Les parties peuvent même, désormais, stipuler que la seule arrivée du
terme vaudra mise en demeure, sans qu’il soit besoin d’acte.
Il en découle que, désormais, la souplesse vaut tant en matière commerciale
qu’en droit commun.

2° La consécration d’une présomption de solidarité des codébiteurs d’une dette


commerciale

Dans un rapport d’obligation, la solidarité passive constitue une modalité


d’une obligation avec plusieurs débiteurs, où chacun de ceux-ci est tenu du tout à
l’égard du créancier (obligation à la dette : en vertu de l’article 1203 du Code
civil, « le créancier d'une obligation contractée solidairement peut s'adresser à
celui des débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le
bénéfice de division »).

20
M. Thioye – Droit des affaires
En matière civile, l’article 1310 du Code civil dispose que « la solidarité est
légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas ». Autrement dit, les dettes
sont, en règle ordinaire, conjointes.
En revanche, en droit commercial, une coutume (usage de droit) très
ancienne antérieure au Code de commerce de 1807 et consacrée par la
jurisprudence admet que la solidarité des codébiteurs d’une obligation
commerciale se présume. Le créancier peut donc réclamer paiement intégral à l’un
quelconque des codébiteurs commerçants, évitant ainsi le risque d’insolvabilité de
certains d’entre eux (obligation à la dette). « La solidarité entre les débiteurs
oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère
tous envers le créancier. Le créancier peut demander le paiement au débiteur
solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs
solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les
autres » (article 1313). « Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut
opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la
nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut opposer les
exceptions qui sont personnelles à d'autres codébiteurs, telle que l'octroi d'un
terme. Toutefois, lorsqu'une exception personnelle à un autre codébiteur éteint
la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette,
il peut s'en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette » (article 1315).
Quant à la contribution à la dette, celui qui est poursuivi peut appeler les
autres en garantie dans la même instance. Une fois qu’il a payé, il dispose d’un
recours contre les autres, qu’il doit diviser pour obtenir de chacun sa part : il ne
peut refaire jouer la solidarité à son profit contre les autres (article 1317 du Code
civil : « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun
pour sa part », « celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre
les autres à proportion de leur propre part », « si l'un d'eux est insolvable, sa part
se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui
a fait le paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité ».

3° La reconnaissance d’une faculté de remplacement au créancier d’une


obligation commerciale de livrer

Le remplacement est le mécanisme qui permet à l’acquéreur qui n’a pas


obtenu livraison à la date fixée de se procurer, aux frais du vendeur défaillant,
des marchandises identiques à celles promises auprès d’un tiers.
En droit civil, suppose traditionnellement une autorisation de justice (ancien
art. 1144 du Code civil). En revanche, en matière commerciale, l’acheteur peut
depuis longtemps y recourir après une simple mise en demeure restée vaine.

4° La possibilité originale de réfaction du contrat

21
M. Thioye – Droit des affaires
A l’opposé du principe applicable en matière civile (principe de non-immixtion
judiciaire : le juge n’a pas de pouvoir modifier le contrat), en droit commercial, les
tribunaux se reconnaissent traditionnellement le pouvoir de refaire la vente
commerciale en cas d’inexécution partielle ou d’exécution défectueuse
(inexécution au regard de la qualité, de la quantité ou des délais) par le vendeur,
c’est-à-dire le pouvoir de procéder à une diminution proportionnelle du prix.
Notons néanmoins, avec la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016, que le nouvel article 1217 du Code civil dispose, notamment, que, en
cas d’inexécution du contrat, « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été
exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut (…) solliciter une réduction du prix » dans
les conditions prévues par le nouvel article 1223 du même code.

5° La rigueur du droit cambiaire (droit des effets de commerce)

Tous ceux qui apposent leur signature sur une lettre de change (mais non les
autres effets de commerce) font un acte de commerce et s’engagent
commercialement (solidairement à l’égard du porteur de la traite).

6° La traditionnelle réduction des délais de prescription extinctive des


obligations

Il existe deux types de prescription : la prescription acquisitive ou


usucapion qui concerne les droits réels, et la prescription extinctive qui intéresse
les droits personnels ou droits de créance.
Alors qu’en matière civile le délai de prescription extinctive de droit
commun était traditionnellement de trente ans (ancien article 2262 du Code civil),
il était réduit à dix ans en matière commerciale (ancienne version de l’article L.
110-4 du Code de commerce, valant vaut tant pour les actes de commerce entre
commerçants que pour les actes mixtes). Cette règle particulière constituait une
faveur alors offerte aux commerçants qui, de la sorte, n’avaient pas à conserver
indéfiniment les preuves. Toutefois, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant
réforme de la prescription en matière civile a uniformisé le délai de prescription
de droit commun qui est désormais de cinq ans tant en matière civile (nouvel article
2224 du Code civil) qu’en matière commerciale (nouvelle version de l’article L. 110-
4 du Code de commerce).
Notons toutefois que cette prescription quinquennale ne s’applique pas en
présence d’une prescription spéciale plus courte. C’est ainsi que, notamment,
l’article L. 218-2 du Code de la consommation (voir ancien article 2272 du Code
civil) prévoit que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils
fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Des prescriptions

22
M. Thioye – Droit des affaires
spéciales plus courtes sont aussi prévues, entre autres, en matière de transport
(1 an) et en matière de sociétés (3 ans).

§ 3- Les règles relatives au jugement des litiges nés d’actes de commerce

Le contentieux relatif aux actes de commerce est dominé par deux séries
de règles essentielles.

A- Les règles particulières de compétence juridictionnelle

1° Concernant la compétence d’attribution (ratione materiae)

Les litiges nés d’un pur acte de commerce échappent, en première instance,
à la compétence des juridictions de droit commun (TGI et TI ou tribunaux
judiciaires) pour relever de celle d’une catégorie de juridictions spécialisées, en
l’occurrence les tribunaux de commerce. Cela dit, dans les localités où il n’existe
pas de tribunal de commerce, il appartient au (TRIBUNAL JUDICIAIRE) de
trancher les contestations commerciales (sur le TC, voir infra).

2° Concernant la compétence territoriale (ratione loci)

La règle de principe est que le tribunal compétent est celui du domicile du


défendeur (règle générale du droit français) même s’il existe plusieurs
dérogations souvent optionnelles : ainsi, en matière contractuelle, le demandeur
pourra également saisir le tribunal du lieu de la livraison effective de la chose ou
du lieu d’exécution de la prestation de service.
Néanmoins, les règles de compétence territoriale ne sont pas impératives
en matière commerciale : ainsi, aux termes de l’article 48 du Code de procédure
civile (CPC), une clause attributive de compétence juridictionnelle qui déroge aux
règles de compétence territoriale est admise lorsqu’elle est contenue dans un acte
de commerce conclu entre deux commerçants (dès lors qu’elle est spécifiée de
façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée)29.

B- Les règles relatives à la clause compromissoire

La clause compromissoire est une stipulation par laquelle les parties, au


moment de la conclusion de leur contrat, conviennent que toutes les mésententes
ou difficultés qui pourraient naître à l’occasion de l’exécution de ce contrat seront

29
V. CA Rennes, 25 févr. 2010, n° 09-8008, Sté Blanchisserie Mano c/ Antargaz, BRDA 8/10, n°
13 ; Cass. 1re civ., 17 février 2010, n° 08-12749, Bull. civ. IV, n° 38 ; JCP E 2010, 1656, spéc. p. 34,
obs. J. Raynard .

23
M. Thioye – Droit des affaires
soumises à des arbitres (et non aux juridictions institutionnelles ou étatiques).
A l’origine, cette technique était frappée d’un principe d’interdiction par
l’article 2061 du Code civil. Mais, par dérogation, la loi du 31 décembre 1925,
insérée dans l’ultime alinéa de l’article 631 du Code de commerce de 1807, était
venue poser que cette clause pouvait être valablement stipulée dans les purs actes
de commerce (entre commerçants).
Actuellement, le principe de droit commun a été renversé puisque la loi n°
2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques est venue
modifier l’article 2061 du Code civil qui, avant sa nouvelle réécriture par la loi n°
2016-1547 du 18 novembre 2016, prévoyait que, « sous réserve des dispositions
législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats
conclus à raison d’une activité professionnelle ». Et, depuis sa réécriture par la loi
susmentionnée du 18 novembre 2016, l’article 2061 dispose que : « la clause
compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins
que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement
acceptée ; « lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son
activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée ». Force est ainsi de
constater que ce n’est plus la nullité, mais l’inopposabilité, qui est la sanction de la
clause compromissoire invoquée à l’encontre d’une partie n’ayant pas contracté
dans le cadre de son activité professionnelle.
Ce qui n’était alors qu’une exception prévue pour les actes de commerce (et
que l’on retrouve toujours présentée, comme telle, dans l’article L. 721-3 du Code
de commerce) n’en constitue plus une dès lors que le principe de validité et
d’efficacité des clauses compromissoires vaut aujourd’hui dans tous les contrats,
civils ou commerciaux, et celles-ci sont pleinement efficaces lorsqu’elles sont
opposées à des professionnels (l’interdiction ou, plutôt, l’inefficacité de la clause
subsiste néanmoins lorsqu’elle est opposée à une partie n’ayant pas contracté dans
le cadre de son activité professionnelle30).

Section 2- Le régime des actes mixtes (actes de commerce à l’égard d’une


seule partie)

30
Cass. 2e civ., 16 juin 2011, n° 10-22780, Contrats, conc., cons. 2011, comm. n° 206, note L.
Leveneur : insérée dans un contrat d'assurance collective qui, ayant pour objet de couvrir le risque
d'invalidité permanente totale, n'était pas conclu à raison d'une activité professionnelle, la clause
intitulée "procédure de conciliation", prévoyant que les conclusions du médecin s'imposent aux
parties, ne pouvait instaurer valablement une procédure d'arbitrage ; Cass. 1re civ., 29 février
2012, n° 11-12782, BRDA 5/12, n° 20 : une cour d'appel déduit, à bon droit, de l'absence d'activité
professionnelle d'une des parties (celle-ci ayant fait valoir ses droits à la retraite et vendu son
fonds de commerce), que les contrats qui les lient n'ont pas été conclus en raison d'une activité
professionnelle au sens de l'article 2061 du code civil, de sorte que la clause compromissoire
figurant dans ces contrats est nulle et de nul effet.

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M. Thioye – Droit des affaires
Les actes mixtes sont ceux qui présentent un caractère commercial pour
l’une des parties et un caractère civil pour l’autre. Leur domaine est aussi vaste
que celui des purs actes de commerce à une exception près, la lettre de change
qui est toujours de nature commerciale.
La question qui se pose à propos des actes mixtes est de savoir le droit qu’il
convient de leur appliquer : droit civil ou droit commercial ?

§ 1- La règle ordinaire : la dualité ou distributivité du régime applicable

La jurisprudence s’est efforcée d’élaborer une solution en posant un principe


de dualité ou de distributivité, lequel consiste à appliquer les règles commerciales
à la partie qui a fait un acte de commerce et les règles civiles à celle qui a passé
un acte civil. Le principe de distributivité est complété par la reconnaissance d’une
option à la partie qui a fait un acte civil, c’est-à-dire que celle-ci peut choisir
l’application du droit civil ou celle du droit commercial.
Sous cette réserve, le principe de distributivité s’applique à bien des égards.
- Il s’applique d’abord à la compétence juridictionnelle. En effet, si c’est le
commerçant qui est défendeur, il peut être assigné, au choix du demandeur
non commerçant, devant le tribunal de commerce ou devant le tribunal civil.
En revanche, si c’est le commerçant qui est demandeur, il doit assigner son
adversaire devant le tribunal civil, sinon il pourrait se voir opposer une
exception d’incompétence. Notons que ces règles sont, aujourd’hui,
maintenues même en présence d’une clause attribuant compétence exclusive
au tribunal de commerce, cette clause étant inopposable au défendeur non
commerçant. En effet, après une période de tâtonnement31, la Cour de
cassation semble aujourd’hui considérer qu’ « est inopposable à un
défendeur non commerçant une clause attributive de compétence au
tribunal de commerce »32 : le tribunal civil reste compétent nonobstant la
clause attribuant compétence à la juridiction consulaire.
- Le principe de distributivité s’applique ensuite à la preuve des actes. En
effet, le non-commerçant peut utiliser tous les moyens de preuve contre le
commerçant (principe de liberté de la preuve posé par l’article L. 110-3 C.
com.). En revanche, le commerçant ne pourra prouver contre le non-
commerçant que suivant les règles civiles (exigence d’un écrit au-delà de
1500 €). Pour la preuve des actes mixtes, il faut tenir compte non pas du
tribunal saisi, comme une jurisprudence antérieure l'avait certes admis,
mais de la qualité du défendeur à la preuve. Si la preuve est faite contre
31
Des décisions ont pu opter pour un régime unique de validité de la clause attribuant compétence,
dans un acte mixte, au tribunal de commerce (Com., 20 juillet 1965, D. 1965, 681 ; CA Paris, 10 fév.
1993, JCP 1995, II, 22438, note Guez).
32
Cass. com., 10 juin 1997, n° 94-12316; Bull. civ. IV, n° 185, p. 162 ; D. 1998. 2, note Fr. Labarthe
et F. Jault-Seseke.

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celui pour qui l'acte est commercial, le demandeur non-commerçant peut lui
opposer tous les modes de preuve du droit commercial. Si, au contraire, la
preuve est faite par le commerçant contre celui pour qui l'acte est civil, il
faut respecter les règles du droit civil, notamment l'exigence d'un écrit au-
delà de 1500 euros et l'irrecevabilité des témoignages. Même défendeur
originel devant le TGI (TRIBUNAL JUDICIAIRE), le non-commerçant qui
avance des allégations (par une demande reconventionnelle par exemple)
peut toujours librement les prouver contre le commerçant. La jurisprudence
qui réglait la question en se basant sur la nature du tribunal saisi pour choisir
le droit de la preuve applicable a été abandonnée.
- Le principe de distributivité s’applique en outre aux effets de l’acte mixte.
En effet, si c’est le non-commerçant qui est débiteur, il a un droit acquis à
invoquer les règles de protection du droit civil (règles de preuve par
exemple). Si, par contre, c’est le commerçant qui est débiteur, le non-
commerçant peut invoquer contre lui les règles commerciales. C’est ainsi que
si l’acte oblige passivement plusieurs commerçants, ils seront présumés
solidaires, alors que cette présomption ne jouera pas si ce sont plusieurs
non-commerçants qui sont débiteurs (art. 1310 C. civil).

§ 2- L’exception : l’application d’un régime unitaire

A- L’alternative entre le droit commercial et le droit civil

Parce que son application est quelquefois inadéquate, voire impossible, le


principe dualiste évoqué plus haut est écarté dans certaines hypothèses au profit
d’un régime unitaire. Autrement dit, dans ces cas-là, on appliquera à toutes les
parties (à l’acte en toutes hypothèses) soit le droit civil, soit le droit commercial.
Voyons-en quelques exemples :
- Selon l’article L. 110-4 C. com. (version issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin
2008), la prescription quinquennale du droit commercial est celle qui est
applicable à l’acte mixte et peut, dès lors, être invoquée tant par le
commerçant que par le non-commerçant (la règle est aujourd’hui la même en
droit civil).
- Par application du droit civil (art. 48 CPC), la clause attributive de
compétence territoriale contenue dans un acte mixte sera toujours réputée
non écrite (alors qu’elle est valable dans un pur acte de commerce)33.

33
Ajoutons que, dans le cas particulier du gage, l’article L. 521-1 du Code de commerce déclare
commercial le gage constitué pour un acte de commerce, que ce soit par un commerçant ou par un
non-commerçant. C’est donc la nature, civile ou commerciale (et non la qualité des souscripteurs),
de la dette garantie qui détermine globalement la nature du gage constitué.

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B- L’application du droit de la consommation

Depuis les années 70, est apparu le droit de la consommation, un droit


impératif qui supplante le droit commercial et le droit civil. Il ignore le départ
entre commerçants et non-commerçants au profit d’une autre distinction entre les
consommateurs, d’une part, et les professionnels, d’autre part. Dès lors, lorsque
les actes mixtes mettent en présence professionnels et consommateurs, le régime
unitaire du Code de la consommation (né en 1993) leur est applicable, en ce qui
concerne, par exemple, l’interdiction des clauses abusives (article L. 212-1 et s. du
Code de la consommation).

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