Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Pré-requis : leçon 1 !
Conseils méthodologiques : …
Durée de la leçon : 1 h 30
Sommaire :
Parallèlement, peut-être parce que le droit pénal s’est avéré être l’un des instruments les
plus efficaces pour la mise en œuvre d’une politique économique, l’Union européenne, qui
ne prétend plus faire que de l’économie, dispose désormais de prérogatives de nature
pénale.
La loi est désormais concurrencée, tant en interne, par le règlement, qu’à l’international,
par différentes conventions internationales (§ 1). Pire encore, puisqu’elle n’est plus la
seule à produire du droit pénal, il n’existe aucune raison de ne pas la contrôler, et de la
sanctionner si elle remplit mal son office (§ 2).
Il faut donc désormais distinguer les sources nationales (A), au sein desquelles la loi
n’est plus seule, des sources internationales (B).
La répression pénale, on l’a dit, ne peut être ni insidieuse, ni inégale. D’une part, elle ne
se conçoit qu’accessible et prévisible, ce qui implique sa diffusion par des normes
Ces nécessités, toutes contenues par le principe de légalité, excluent le droit non écrit
(1) mais incluent, à côté de la loi (2), les règlements (3).
Il s’agit de la coutume, des usages ou des conventions qui ne peuvent donc pas, en
principe, générer du droit pénal.
Cela ne signifie pas, pour autant, que ces phénomènes n’aient aucune conséquence sur
la répression. Les sources légitimes (loi et règlements) s’y référent parfois pour remplir
leur office, ce qui est conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a
effectivement précisé, dans une décision rendue le 10 novembre 1982 (n° 82-145 DC,
cons. 3) qu’« aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur
d’ériger en infractions le manquement à des obligations qui ne résultent pas directement
de la loi elle-même » (en l’occurrence, il s’agissait d’un article L 153-1 du Code du travail
qui précisait que, « lorsqu’en vertu d’une disposition législative expresse dans une
matière déterminée, une convention ou un accord collectif étendu déroge à des
dispositions législatives ou réglementaires, les infractions aux stipulations dérogatoires
sont passibles des sanctions qu’entraînerait la violation des dispositions législatives ou
réglementaires en cause », donc éventuellement de sanctions pénales ; « la
méconnaissance par une personne des obligations résultant d’une convention ayant force
obligatoire à son égard peut donc faire l’objet d’une répression pénale » précise le
Conseil).
Par exemple, les articles 521-1 et R. 654-1 du Code pénal prohibent les actes de cruauté
envers les animaux, tout en précisant que la répression ne concerne pas les « courses de
taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » et les « combats
de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie » (Conseil
constitutionnel a d’ailleurs considéré ces dispositions comme étant conformes à la
Constitution : déc. n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012).
Autre exemple, si l’article 313-5, 2°, du Code pénal incrimine le fait « de se faire
attribuer et d’occuper effectivement une ou plusieurs chambres dans un établissement
Dans la même idée, l’assertion de Portalis est connue, selon laquelle « en matière
criminelle, où il n’y a qu’un texte formel et préexistant qui puisse fonder l’action du juge,
il faut des lois précises et point de jurisprudence ». La jurisprudence n’est donc pas, en
principe, une source de droit pénal.
La formule a beau être imagée, elle est dans une certaine mesure maladroite. Comme
toute loi, la loi pénale nécessite un interprète en la personne du juge. Toutefois, et là est
ce qui importe, cette interprétation ne doit pas, ici comme ailleurs, conduire à la création
d’une nouvelle norme, ce qui arrive parfois (on y reviendra), mais surtout ne doit pas, ici
plus qu’ailleurs, aggraver le droit écrit, en durcissant la répression.
Quelles sources reste-t-il ? La loi, bien sûr, mais aussi les règlements.
2. La loi
Au sens large du terme, la loi englobe tout le droit écrit et, de la sorte, contient
également le règlement. Selon ce point de vue, tout le droit pénal procède de la loi.
Au sens plus strict du terme, que l’on retiendra ici, la loi représente seulement le texte
qu’a voté le parlement (pomme et pommier !), c’est-à-dire les représentants du peuple,
avec tout ce que suppose la procédure constitutionnelle.
La lecture de l’article 34 de la Constitution de 1958 révèle ainsi que « la loi fixe les règles
concernant (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables », ce que confirment les articles 111-2 et 111-3 du Code pénal.
À dire vrai, c’est dans la fixation de la peine que l’essentiel de cette compétence réside
puisque, on l’a dit, le législateur peut ériger en infractions – bref assortir d’une peine – le
manquement à des obligations qui ne résultent pourtant pas de la loi mais, par exemple,
d’une convention voire d’un règlement (Cons. const., déc. n° 84-176 DC du 25 juillet
1984, cons. 7 et 8 : à propos de l’infraction, définie par le règlement, d’émission de radio
sans autorisation, d’émission en méconnaissance d’une décision de retrait ou de
suspension de l’autorisation et d’émission faite en ne respectant pas les conditions fixées
- d’une part, en ne faisant pas référence aux contraventions au sein de l’article 34, la
Constitution a autorisé le règlement à concurrencer la loi en ce domaine, puisque, en
vertu de son article 37, « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont
un caractère réglementaire ». Pour autant, sans doute parce qu’il existe une sorte de
plénitude de compétence de la loi en matière pénale, rien ne s’oppose, malgré la lettre
de l’article 37, à ce que des contraventions soient déterminées par le législateur. Le
Conseil constitutionnel l’a précisé dans une décision du 30 juillet 1982 (n° 82-143 DC,
cons. 11) : « par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper
d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi,
mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire
un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures
spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre
d’éventuels empiétements de la loi ». C’est pourquoi il existe, dans la partie législative du
code pénal, un livre VI consacré aux contraventions (qui ne contient que le recours à la
prostitution et l’outrage sexiste) ;
3. Les règlements
Comme cela vient d’être dit, l’article 37 de la Constitution de 1958 donne compétence au
pouvoir réglementaire, autrement dit au pouvoir exécutif, en matière contraventionnelle.
Équivoque à la seule lecture dudit article, cette compétence est expressément affirmée
par les articles 111-2 et 111-3 du Code pénal où l’on apprend, ce dont il était possible de
douter, qu’elle concerne tant cette catégorie d’infractions que leurs peines.
Ce que l’on appelle règlements, ce sont d’abord les décrets puis les arrêtés ministériels,
préfectoraux et municipaux, le domaine d’effectivité de ces derniers étant tributaire du
champ de compétence de l’autorité qui les prend (État, région, département, commune).
Au sein de tous ces actes, il faut cependant distinguer les décrets pris en Conseil d’État
(« le Conseil d’État entendu ») qui seuls, dans les limites fixées par la loi, peuvent
déterminer à la fois une incrimination et une sanction1, et qui sont même susceptibles de
représenter un véritable complément de la loi lorsque celle-ci, ayant préalablement fixé
une peine, leur laisse le soin de définir avec plus ou moins de latitude le comportement
incriminé.
Les décrets simples et les arrêtés ministériels ne font que préciser la loi, de même que
les autres arrêtés, sauf à souligner l’existence d’une délégation réglementaire autorisant
les préfets et les maires à punir d’une amende prévue pour les contraventions de la 1 ère
1
V. art. R. 610-1 et s. C. pén. (bref le livre VI de la partie réglementaire).
À ces différents actes, il faut ajouter les circulaires et avis qui, n’ayant pas de valeur
normative, ne peuvent pas servir de fondement à une poursuite. Mais quand l’on sait que
le ministère public, autorité chargée de requérir l’application de la loi, est soumis
hiérarchiquement au pouvoir exécutif, on reconsidère la valeur de ces documents
administratifs, fût-elle de la sorte très diffuse.
Il existe un droit pénal international « ayant pour objet les rapports du droit de punir
avec la souveraineté des États »2. Il procède notamment du constat du franchissement
des frontières par la répression et de son affranchissement corrélatif de la souveraineté
des différents États. Il peut ainsi arriver que des incriminations soient générées, en tout
ou partie, directement ou indirectement, par l’ordre juridique international, par le biais
d’une ou de plusieurs conventions.
La question est en vérité très complexe, ne concernant par exemple pas que le fond du
droit pénal (la procédure est hautement concernée), mais il semble que l’on puisse au
moins s’accorder sur le fait que, du point de vue des incriminations, le germe
d’internationalité est susceptible de prendre deux formes : soit il est question d’inciter les
États, avec plus ou moins de force, à incriminer un comportement, soit il s’agit de
l’incriminer directement dans l’ordre international. C’est finalement distinguer l’origine
(1) de la nature internationale (2) d’une incrimination.
En raison d’un accord ou d’une volonté d’accord des États sur une ou plusieurs questions
pouvant entretenir un rapport plus ou moins direct et immédiat avec la répression, des
organisations internationales ont été créées (ONU, UE, Conseil de l’Europe, OCDE, etc.),
qui sont alors susceptibles d’influencer le système pénal de chacun desdits États. Outre
que ces derniers ont eux-mêmes fait ce choix de rapprochement, ils y gagnent
assurément, puisqu’il s’agit notamment de rendre la répression de certains
2
C. LOMBOIS, Droit pénal international, Précis Dalloz, 2e éd. 1979, n° 2.
Selon ce schéma, l’émergence d’un droit pénal de l’Union européenne est un phénomène
désormais incontestable. Un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes
– qu’on appelle maintenant Cour de Justice de l’Union Européenne –, rendu le 13
septembre 2005 (Commission c. Conseil, n° C-176/03), a constitué un tournant dans
l’appréhension communautaire de la répression. La Cour y a en effet précisé que si, « en
principe, la législation pénale tout comme les règles de la procédure pénale ne relèvent
pas de la compétence de la Communauté », cela ne saurait « empêcher le législateur
communautaire, lorsque l’application de sanctions pénales effectives, proportionnées et
dissuasives par les autorités nationales compétentes constitue une mesure indispensable
Depuis le 1er juillet 2002, la chose est – encore imparfaitement – réglée par le statut de
Rome de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet 1998. Ce statut, non
seulement, précise la compétence de la Cour, mais il détaille aussi, dans ses articles 5 et
suivants, ce que sont les crimes relevant de cette compétence : génocide (art. 6), crimes
contre l’humanité (art. 7), crimes de guerre (art. 8) et crime d’agression (art. 8 bis). La
CPI a rendu son premier arrêt de condamnation le 10 juillet 2012 la CPI à l’encontre de
Thomas Lubanga. Il a été condamné à 14 ans de prison pour le recrutement d’enfants
soldats lors du conflit en République démocratique du Congo.
En France, en raison d’un amour immodéré de la loi, on oublie souvent que Beccaria a
critiqué les lois avant de les prôner. Dès l’avènement du principe de légalité, existe donc
déjà l’idée que, pour punir, n’importe quelle loi ne fait pas l’affaire. Affirmer cela demeure
cependant un vœu pieux à défaut d’existence de mécanismes d’éviction ou de correction
des mauvaises lois. Toutefois, l’avènement postérieur des normes supralégislatives et
des contrôles qui vont avec, bref le passage du légicentrisme au normativisme, a
complètement changé la donne. Le principe de légalité devient pleinement effectif,
puisqu’il est désormais sanctionné, d’une part, par le biais d’un contrôle de
conventionnalité (A) et, d’autre part, par le biais d’un contrôle de constitutionnalité (B).
A) Le contrôle de conventionnalité
B) Le contrôle de constitutionnalité
Bien que possible depuis 1958, c’est-à-dire depuis la création du Conseil constitutionnel,
le contrôle de constitutionnalité de la loi a connu trois grands essors en matière pénale :
- en 1971, par sa décision Liberté d’association du 16 juillet 1971 (n° 71-44 DC), le
Conseil constitutionnel a inséré le préambule de la Constitution au sein des normes de
référence utilisées pour effectuer son contrôle ; puis, par sa décision Taxation d'office du
27 décembre 1973 (n° 73-51 DC), il considère qu’il peut désormais contrôler la
conformité d’une loi à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or, il a été
souligné que toutes les vertus que doit avoir la loi pénale figurent dans ce texte majeur ;
Ce remplacement progressif d’une légalité formelle (par la source) par une légalité
matérielle (par le contenu) a exercé une influence sur la notion même de la loi pénale.
Désormais, la loi est davantage ce qui a la qualité d’une loi que ce qui a été adopté par le
parlement. C’est la raison pour laquelle, du point de vue de la Cour européenne 3 et du
Conseil constitutionnel4, l’interprétation est susceptible de participer de la norme
répressive, qu’elle clarifie et qu’elle précise. Il en résulte que la jurisprudence peut
désormais être une source de droit pénal.
3 Cour EDH, Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 29 ; Huvig c. France, 24 avril 1990, § 28.
4
Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 13.