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, ierre Bourdieu, 64 ans, profes- TELERAMA : Pourquoi, en ce débu/1995, la ques-

c seur de sociologie au Collège


de France, est longtemps resté
lion de l'Algérie vous parait-elle si vitale !
PIERRE BOURDIEU : Elle me paraît prioritaire, non
Q) inconnu du grand public. Ses seulement en termes éthiques. mais aussi en ter-

E
::::s
livres sont difficiles. Sa pensée
heurte le sens commun. La vio-
lence (rr violence symbolique ii,
mes politiques. D'un point de vue cynique, celui de
notre intérêt bien compris, l'Algérie est aujourd'hui
le problème numéro un de la France. Ni les diri-
(.) dit-il) est au cœur de son oeuvre, geants, ni les hommes politiques, quels qu'ils soient
qui regarde le monde social comme une juxta- (on oublie que c'est Joxe qui a ouvert la voie à
0 position d'univers autonomes, de « champs » Pasqua), ni les journalistes ne l'ont compris. La
Q (celui des arts, de l'enseignement, de la politique. guerre civile algérienne peut, d'un jour à l'autre, se
etc.), dans lequel chaque individu s'essaie à uti- transporter en France, avec ses meurtres, ses atten-
liser les atouts dont il dispose, et parfois à chan- tats, dont les responsables ne seront pas tous et pas
ger les règles du jeu à son profit. toujours ceux que désigneront les journalistes,
Depuis quelques années, Pierre Bourdieu re- c'est-à-dire les islamistes ... C'est pourquoi il faut
prend le rôle du grand intellectuel, laissé vacant soutenir, par tous les moyens, les accords de Rome,
par la mort de Sartre ou de Foucault. Il publie un entre les partis démocratiques et les représentants
livre « de combat », La Misère du monde, dont la (que je crois vraiment représentatifs) du FTS.
description de la souffrance quotidienne et cachée
des Français obtient un succès énorme. Il partici- TRA :Au fond, derrière la queslion des réfugiés al-
pe, au côté de l'abbé Pierre, à une Marche du gériens, vous voyez celle des valeurs républicaines ?
siècle consacrée à l'exclusion . Plus récemment, il P.B. : La politique policière du gouvernement fran-
soutient l'action des sans-logis et, surtout, se mobi- çais menace la démocratie, jusqu'ici protégée par
lise intensément sur la question algérienne. On le civisme républicain, et instaure des moeurs
découvrira dans cet entretien un savant sûr de lui, racistes à l'égard de tous ceux qui n'ont pas une tê-
trop sûr peut-être, et dont la critique des médias te, ou un patronyme, ou des ancêtres bien français.
pourra sembler excessive. Mais Bourdieu a le mé- Les mesures prises à l'égard des étrangers mena-
rite d'une argumentation implacable et d'une ir- cent les traditions universalistes et internationa-
révérence salubre envers les idées toutes faites. listes de la France. EUes réveillent, dans certaines
catégories sociales, les dispositions latentes au ra-
cisme. Ce n'est même pas la peine de dire aux po-
La télé, qui devait être un outil de liciers « Contrôlez les gens en fonction du faciès >> :
il suffit de ne rien leur dire pour qu'ils le fassent.
démocratie directe, est devenue une
TRA : Dans ce travail en f aveur des Algériens et,

machine à opprimer. Pierre Bourdieu, au-delà, des principes républicains, vous sentez-
vous aidé par les m édias ?
P.B. : La difficulté, c'est que, dans cette associa-
sociologue, nous explique pourquoi. tion de chercheurs, le Cisia (1), nous sommes un
tout petit nombre de bénévoles, sans infrastruc-
Plaidoyer contre les idées reçues. ture, et que nous n'avons pas un goût immodéré

La misère
des médias
8 Télérama N • 2353 - 15 février 1995
pour nous faire voir da ns les méd ias. A te l point sont une des catégo ries les plus susceptibles : on
qu e, récemm ent, un directeur de radi o a lancé : peut parler des évêques, du patron at, et même
« Oh, ce C isia, ils ne fo nt rien : o n ne les vo it des profs, mais sur les journ alistes, imposs ible
ja mais. >> Tout ça parce qu'il y ava it eu un après- de dire des choses qui sont l'obj ectivité même.
midi co nsacré à l'Algérie, et qu 'o n ava it autre
chose à fo utre que d'aller papoter... TRA : C'est le moment de les dire 1
P.B. : A la base, il y a un paradoxe : c'est un e pro-
TRA : Exister, c'est passer à la radio ou à la télé _? fess ion très pui ssa nte com posée d' individus trés
P.B. : Actuellement, plus personne ne peut lancer fragil es. Avec un e grosse di sco rd ance entre le
un e action sans le soutien des médias. C'est aussi po uvoir collectif, co nsidé ra ble, et la fragilité
simple que ça. Le journalisme finit par dominer statutaire des journalistes, qui sont en position
toute la vie polüique, scientifiq ue ou intellectu el- d 'inféri orité vis-à-vis des in te llectuels autant que
le. Il fa udrait créer des instances où l'on puisse des po lit iques. Collecti ve ment, les journalistes
travaille r ense mble. où cherch eurs et journ alis- peuvent écrase r. Indi viduellem ent. ils sont sans
tes se critiquent mutuellement. Or les journ ali stes cesse en péri l. C'est un métier où, pour des .,_..

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..,....._raisons sociologiques, la vie est dure (ce qw vient prêcher la morale à un moment où il faut
n'est pas par hasard si on y trouve tant d'alcoo- sauver les meubles et où le patron de Libérarion
lisme) et les petits chefs souvent terribles. On doit se demander tous le matins s'il aura assez
brise non seulement les carrières. mais aussi les d'annonceurs pour pouvoir publier son prochain
consciences (c'est vrai aussi ailleurs, hélas '). Les numéro. Mais c'est précisément cette crise et la
journalistes souffrent beaucoup. Du même coup, violence qu'elle exacerbe qui font que certains
ils deviennent dangereux : quand un milieu souf- journalistes commencent à se dire que les socio-
fre, il finit toujours par transférer à l'extérieur sa logues ne sont pas aussi fous qu'ils en ont l'air.
souffrance, sous forme de violence et de mépris. Chez les journalistes, ce sont, comme toujours,
les jeunes ou les femmes qui sont le plus tou-
TRA : Est-ce un milieu capable de se r~form er ? chés : j"aimerais qu'ils comprennent un peu mieux
P.B. : La conjoncture est très défavorable. Le pourquoi ça leur arrive, que ce n'est pas nécessai-
champ du journalisme est le lieu d'une concurren- rement la faute au petit chef- qui, évidemment,
ce forcenée, dans laquelle la télévision exerce une n'est pas très malin, mais il a été choisi pour ça
emprise terrible. On peut en donner mille indi- - , que c'est une structure qui les opprime. Cette
ces, depuis les transferts de journaJjstes télé à la prise de conscience peut les aider à supporter la
tête d'organes de presse écrite (2). jusqu'à la pla- violence et à s'organiser. Elle dédramatise, elle
ce croissante des rubriques télé- et leur docilité, désindividualise, elle donne des instruments
pour ne pas dire leur servilité - dans les jour- pour comprendre collectivement.
naux. C'est la télé qui définit le jeu : les sujets
dont il faut parler ou pas ; les personnes impor- TRA : Vous avez décrit le << champ >> de l'art, de la
tantes ou pas. Or la télévision , aliénante pour le science conune des univers qui se trouve11t peu à
reste du journalisme, est elle-même aliénée, puis- peu des règles. Comment se/ait-il que le « champ >>
qu'elle se trouve soumise, comme rarement espace du journalisme n 'air pas pu rrouver les siennes ?
de production, à la contrainte directe du marché. P.B. : Dans l'univers scientifique, on trouve en
On en plaisante, mais il n'y a plus que les Guignols effet des mécanismes sociaux qui obligent les
pour le dire publiquement. (De façon générale, savants à se conduire moralement, qu'ils soient
si le sociologue écrivait le dixième de ce qu'il « moraux » ou non. Le biologiste qw accepte de
entend dès qu'il parle avec des journalistes- sur l'argent d'un labo pour écrire une publication

0
les « ménages >>, par exemple (3). ou sur la fabri- bidon a tout à perdre ... n y a une justice imma-
cation des émissions. il serait dénoncé par les nente . .Celui qui transgresse certains interdits se
mêmes journalistes pour son parti pris et son brûle. Il s'exclut. Tl est discrédité. Alors que, dan s
manque d'objectivité, pour ne pas dire son arro- le milieu du journalisme, où peut-on trouver un
gance insupportable ... ) Celui qui perd deux points système de sanctions et de récompenses ? Com-
à l'audimat. il dégage. Cette violence qw pèse sur ment va se manifester l'estime envers le journa-
la tèlèvision contamine tout le champ des médias. liste qui fait bien son métier ? Le seul embryon
Elle contamine même les · milieux intellectuels. critique que je voie, ce sont quelques dessin s de
scientifiques. artistiques. qui s'étaient construits Plantu ou l'émission des Guignols. qui sont des
sur le dèd<ùn de l'argent et sur une indifférence rela- analystes extraordinaires. Mais il faudrait un ins-
tive à la consécration de masse - vous imaginez trument beaucoup plus puissant. Peut-être un e
Mallarmé attendant d'être reconnu dans la rue et tribune des critiques du journalisme, toutes les
applaudi dans les meetings ? Or ces petits univers, semaines, avec de l'analyse, et des gens capables
comme la lilléralure ou les sciences, dans lesquels de transformer l'analyse en arme symbolique. en
on pouvait vivre inconnu et pauvre pourvu qu 'on dessin , quelque chose d'un peu rigol o : il fau-
ait l'estime de quelques-uns et qu'on fasse des cho- drait qu 'un certain nombre de fautes profession-
ses dignes d'être faites, sont actuellement menacés. nelles soient justiciables d'une anction spécifi-
que. la meilleure étant le ridicule .
TRA : Vous croye::. que, dan s les conditions acw el- •'
les de con currence, les média · peu ven! enten- ~• TRA : 0 11 va I'OUS reprocher de vouloir un sysléme
dre vorre plaidoyer ? ~ dirigiste, un comiré central des médias ...
P. B. :Je sais que j'ai l'air d'un professeur imbus ~ P.B. :Je sais. Mais c'est tout le contraire. L'auto-

"Les jou rna 1istes


sont fragiles. Du même coup,
ils deviennent dangereux."

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"Quand la vérité est compliquée,
on ne peut la dire que
de manière compliquée."
giner une espèce de moratoire. Dans Je cas des
livres, ce suivisme est frappant. Beaucoup de jour-
nalistes culturels sont obligés de parler de livres
qu'ils méprisent, uruquement parce que les autres
en ont parlé. Ce qw ne contribue pas peu au suc-
cès irrésistible de bouquins comme le dernier
Mine ou autres foutaises du même genre .. .

TRA : Face à ces médias qui vous déplaisent, vous


semblez choisir une attitude qu 'on peul criliquer :
celle du dédain. Pourquoi ~
P.B . : Une attitude de retrait, plutôt. Mais elle ne
m'est pas propre. Je ne connais pas un grand
savant, un grand artiste, un grand écrivain qui
ne souffre pas dans son rapport aux médias. C'est
un gros problème, parce que les citoyens ont le
droit d'entendre les meilleurs. Or les mécanismes
d'invitation et d'exclusion font que les tèléspec·
tateurs sont à peu prés systématiquement privés
de ce qu'il y a de rrueux.

TRA : Donc, plus encore que les journaux, vous vou-


driez changer la télé ?
P.B. : L'outil n'est pas en cause. bien sûr. Il per-
mettrait le contraire absolu de ce qu'on en fait. Il
pourrait être un instrument de démocratie directe,
et il se transforme en instrument d 'oppression
symbolique. JI faudrait, pour changer la télé, un tra-
vail considérable, qui serait une vraie tâche démo-
cratique- pas du tout de la politique à la papa.
nomie que je prêche, elle accroît la différence. "Beaucoup
Et c'est la dépendance qui fait l'unifo rmité. Si TRA : Vous êles excess!j; tout de m êm e : pourquoi
de journalistes
les trois news français (L'Express, Le Poinl et Le voit-on à la lélê Pierre-Gilles de Gennes, qui sem-
No uvel Observateur) tendent à être interchan- culturels sont ble avoir moins de réticen ces que vous, et pour-
geables, c'est qu 'ils sont soumis à peu prés aux obligés de parler quoi pas Bourdieu ?
mêmes contraintes. aux mêmes sondages. aux de livres qu'ils P.B . : Le problème de De Gennes, à la té lé, c'est
mêmes annonceurs, que leurs journalistes pas- méprisent, qu'il peut parler de tout, parce qu'il est le seul à
sent de l'un à l'autre, qu'ils se volent des sujets ou pouvoir parler d'une chose dont il ne parle pas.
des couvertures. Alors que s'ils gagnaient plus
uniquement parce
d'autonomje à l'égard des annonceurs, à l'égard que les autres TR A : Je nec omprends pas...
de leur audimat à eux. qui est le chiffre de vente, en ont parlé. " P.B. : Mais si. On le laisse parler de trucs un peu
à l'égard de la télé. qui impose les sujets impor- naïfs, mais sympa comme tout, comme quand il
tants - en ce moment il « faut » parler des rap- suggère d'irriguer le Sahara ... Mais vous n'enten-
ports entre Balladur et Chirac - , ils se différen- dez jamais de Gennes parler de physique. Il parle
cieraient aussitôt. J'avais par exemple suggéré, admirablement pour les profanes, il emploie des
pour limiter les effets les plus funestes de la con- métaphores, il fait en sorte que tout le monde
currence, que les journaux créent des instances croie avoir compris, mais enfin il ne parle jamais
communes, analogues à celles qu'on met en place vraiment de physique : parce qu'en trois secon-
dan s les cas extrêmes , un rapt d 'enfant par des, alors là, l'audimat... Si bien qu'au nom d'un
exemple, quand on se met d'accord pour faire le discours qu'il ne tient pas, il dit n'importe quoi
black-out sur toute information . Dans ces cas sur des terrains où il n'a pas de discours à teillr.
extrêmes, les médias passent sur leurs intérêts
concurrentiels pour sauvegarder une sorte d'éthi- TRA :Est-ce que vous, sociologue, vous êtes gêné par
que commune. Sur d'autres sujets qu'on ne traite une d(f]iculté supplémentaire : que le grand pu-
que parce que les autres le tra itent. comme blic vous considère comme (1 m oins scient((ique !!
« l'affaire du voile », on pourrait aussi bien ima- que les physiciens ou les biologistes ? ~

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..,..._ P.B. : 11 faut comparer avec des choses com- Comment analysez-vous ce succès ! Pourquoi les

::s
parables. Par rapport à la physique nucléaire. la journalistes. dont ce serait normalem ent le métier,
comparaison est trop défavorable à la sociologie. ne peu ven f-ils sentir avec autant de j ustesse que les
parce qu'elle n'est pas constituée au même degré. sociologues les sOt({(rances du corps social ?
qu'elle est moins formalisée, etc. Mais comparons P.B. : Tl y a quelques très bons journ ali stes qu i
avec l'Histoire. Voilà une science beaucoup moins font des livres d'entretiens. Harris et Sédouy, par
avancée que la sociologie et qui apporte des cho- exemple. Mais c'est quand même un métier ...
ses beaucoup moins décisives du point de vue de
la gestion de l'existence, aussi bien individuelle TRA : Un métier pour vous, mais pas pour eux .'
que collective. Eh bien ! personne ne demande P.B. : Ce n'est pas le même. Les entretiens de

--
rien à l'historien , personne ne lui pose la question La Misère du monde sont beaucoup plus proches
de sa scientificité. A nous, si. Non seulement nous de la psychanalyse que du journalisme d'investi-
traitons d 'enjeux brûlants - alors que les pro- gation. Il s'agit de créer une situation dans laquelle
blèmes dont parle l'historien sont morts et enter- la personne interrogée puisse dire, et se di re à
rés - mais encore nous sommes en concurrence elle-même, des chose qu'elle refoule et qu'après
avec des gens qui prétendent, sur le même objet que elle est très heureuse d'avoir dites.
le nôtre, dire des choses aussi définitives au nom
d'autres principes de validation . A mon principe de TRA : E.~1-ce que vous vous êtes, comme Freud,
validation , qui est le même que celui du physicien, appliqué ce travail â vous-mêm e ?
on oppose un autre principe de validation, celui P.B. : Evidemment. Je m'efforce sans cesse de
de l'homme politique : l'argument d'autorité ou le me servir des instruments de la sociologie pour
plébiscite par le nombre. C'est comme si on jugeait connaître les déterminants sociaux et les limites
de la validité d'un théorème au suffrage universel. de ma pensée. Un livre comme Hom o academi-

::s
cus est une sorte d'exploration de mon inconscient
TRA :Au fo nd, la sociologie a le même objet que universitaire. Mais il reste san s doute des coins
la politique, mais les mêm es règles de validation obscurs, hélas ! que je ne finirai jamais d'explorer.
que la science ...
P.B. :Voilà. Et on veut lui appliquer les règles de TRA :La part de subjec/ivifé est si grande dans votre
validation de la politique au prétexte que son ob- travail !
jet est politique. Si j'étais spécialiste de Byzance. P.B. :li m'arrive évidemment d 'utiliser un fond s
j'aurais une position un peu semblable à celle de d'expérience personnelle, une sensibilité qui m'est
Lévi-Strauss, on m'écouterait avec révérence- et propre, mais je m'efforce de leur donner une vali-
indifférence. Mais comme je travaille sur le pré- dité générale. Par exemple, j'ai fait récemment un
sent, et qu 'il peut m'arriver de parler de Balladur topo sur la noblesse. Je n'en ai pas d'expérience
ou de Tapie, ou des journalistes, sujet tabou par vécue. Mais faites lire ce texte à un noble, il sera
excellence, cette autorité m'est contestée alors remué. Comment puis-je arriver à cela ? Parce
que j'ai à dire des choses beaucoup plus fondées que, sur la base d'expériences analogues que j 'ai
et plus compliquées que l'intellectuel médiatique vécues - être normalien par rapport aux univer-
de base. que la plupart des journalistes courtisent. sitaires, etc. -, j'ai l'intuition du rapport noble-ro-
tout en le méprisant un peu, et qui arrive avec turier, et je pui s m'appuyer sur cette expérience,
trois formules préadaptées à la télévision, c'est- et sur ma connaissance de choses analogues, la
à-dire simplistes et propres à renforcer l'opinion masculinité, l'honneur kabyle, etc., pour construire
commune. Dans son cas, on acceptera de se mettre un modèle général qui permet de comprendre
à son service pour lui permettre de placer sa sa- autrement toute la littérature historique sur la
lade, supposée apporter des points à l'audimat. noblesse et qui, je crois. intéressera tout le monde ...
Alors que si je demande la même chose pour moi
et pour d'autres, on dénoncera mon arrogance ... TRA : ... mais que toul le monde ne peu/ lire, /all i
vos livres sont écrits dans lll l style rebutant : â
TRA : Vous a vez publié l'an dernier u11 li vre d 'en- croire que vous le .fa iles exprès ...
tretiens, La Misère du monde, qui s 'est vendu à P.B. :Quand la vérité est compliquée. ce qui est
80 000 exemplaires. On en tire des pièces de souvent le cas, on ne peut la dire que de manière
th éâtre, hien/Ô/ une émission de télé. On vous de- compliquée, à moins de parler de tout à fait autre
mande de .form er de 11 ou veaux intervie 111ers. chose, comme Pierre-Gilles de Gennes ... Notre tra-
vail, c'est non seulement d'aller contre l'opinion

''J'ai à dire commune et contre nos propres oeillères sociales,


mais d'utiliser un langage qui s'oppose à la divul·
gatien de la vérité scientifique, qui est toujours
des choses beaucoup plus subversive. Même les mots sont préparés pour
qu'on ne puisse pas dire le monde tel qu 'il est •
fondées que l'intellectuel Propos recueillis pa r
François Granon
médiatique de base." (1) 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris. Autres adresses su r 3615 TRA.
(2) Allusion à Chri stine Ockrent, qu i a conservé une émission sur
Fra nce 3 et dirige ma intena nt L'Express.
(3) • Ménages • : prestat ions pou r des entreprises, payées de
20 000 à 100 00 0 F. que fon t des vedettes de la télé (anima·
t ions de con férences, présentat ions de chefs d'entreprise . etc.)

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