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n° 15 - hiver 2007

3 connaissances
Évolution de l’acidité, des concentrations de soufre et de l’azote
dans les précipitations analysées dans le réseau Renécofor
par Erwin Ulrich, Marc Lanier, Luc Croisé

9 connaissances
Comparaison des dépôts atmosphériques en soufre sous pinède
et hêtraie en forêt domaniale de Brotonne – Un projet Renécofor
par Sébastien Cecchini, Erwin Ulrich, Nicolas Barray

13 dossier pratiques
Le bois énergie

56 connaissances
Bilan de quatre arboreta de comportement en Centre-Ouest :
quels résultats ?
par Sandrine Verger

64 connaissances
Sensibilité des écosystèmes forestiers au climat :
ce que Renécofor nous a appris
par François Lebourgeois

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


éditorial

P our cette édition, nos Rendez-vous techniques consacrent leur dossier à un thème de saison :
le bois-énergie, sujet d’une grande actualité, à la fois sociétale, environnementale, économique et
technique.

Face au changement climatique et au tarissement annoncé des ressources fossiles, l’Union


Européenne précise ainsi ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais
aussi, tout récemment, à l’occasion du dernier sommet des chefs d’Etat, les premières grandes lignes
de sa politique énergétique.

Le contexte européen et le contexte national, compte tenu en effet de l’importance et de l’augmen-


tation continue des ressources forestières françaises, s’avèrent donc particulièrement propices au
développement de la filière « bois-énergie », tendance de fond qui dépasse sans doute un simple
effet de mode.

Encore faut-il bien intégrer cette remarquable opportunité dans les processus de gestion durable
des forêts : en estimant par exemple encore plus précisément les ressources forestières disponibles,
en raisonnant les prélèvements selon les caractéristiques et la sensibilité des sols ou encore en adap-
tant les modalités d’exploitation aux particularités du produit recherché.

C’est tout l’enjeu de ce dossier : donner aux forestiers un éclairage lucide, mesuré et pratique sur
une nouvelle filière qui influence déjà ou fera évoluer leurs pratiques de gestion.

Ce numéro présente par ailleurs les nouveaux enseignements du réseau « Renecofor », qui célèbre
cette année ses 15 ans d’existence et qui en fera le bilan à l’occasion du colloque « 15 ans de suivi
des écosystèmes forestiers », organisé les 9, 10 et 11 mai 2007 à Beaune.

Le Directeur technique et commercial bois


Jacques VALEIX

RDV techniques n° 14 - automne 2006 - ONF 2


2
Évolution de l’acidité, des concentrations de
soufre et de l’azote dans les précipitations
analysées dans le réseau Renécofor
(période 1993 à 2005)

Après 15 ans d’existence, le réseau Renécofor permet de dresser un bilan encourageant


en ce qui concerne l’acidité des précipitations et les dépôts soufrés. Pour autant,
la vigilance ne doit pas faiblir : les apports azotés et leurs conséquences à long terme
sur les écosystèmes restent préoccupants ; par ailleurs les émissions des pays dits
émergents sont en augmentation vertigineuse.

L e suivi général de la
qualité des précipita-
tions est un des volets importants
forestiers. Cataenat a également
comme vocation de contribuer de
manière précise à l’établissement
minants (métaux lourds) sur les
forêts.

de la surveillance de la qualité de des charges critiques* en compo- Dans Cataenat, les précipitations*
l’air en France et en Europe. Ce sés acidifiants (acidité directe, sul- sont analysées depuis fin 1992
suivi est devenu incontournable fates, nitrates, ammonium), eutro- dans 27 des 102 sites du réseau
avec l’impact important des émis- phisants (surtout azote) ou conta- Renécofor (figure 1) aussi bien
sions industrielles, automobiles,
domestiques et agricoles. Ces
émissions ont augmenté très for-
tement entre les années 60 et le
début des années 80 (voir Croisé
et al, 2005, Rendez-vous techni-
ques n° 7). Depuis, afin d’éviter Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
des effets néfastes à long terme sur Cataenat : Charge acide totale d’origine atmosphérique sur les éco-
la population et les écosystèmes, systèmes naturels terrestres
d’importants efforts ont été Renécofor : Réseau national de suivi à long terme des écosystèmes
accomplis dans les limites des pos- forestiers
sibilités techniques et financières. Charge critique : c’est le seuil de contamination au-delà duquel des
Aujourd’hui les émissions de sou- effets nocifs peuvent survenir ; voir article « Le suivi des dépôts
fre ne sont plus que de 30 à 40 % atmosphériques dans les écosystèmes forestiers en France » par L.
de leurs valeurs des années 80. Croisé, E. Ulrich, P. Duplat et O. Jacquet, dans Rendez-vous techni-
Mais ce n’est pas le cas pour toutes ques n° 7, pages 4-10, 2005.
les sources, notamment celles qui Les précipitations comprennent la pluie, la neige, la grêle, la rosée,
émettent de l’azote… le givre, les dépôts secs sous forme de gaz ou de particules.
En France, il n’existe que deux Dépôt annuel : c’est le produit de la concentration (en milligramme
réseaux nationaux analysant en par litre = mg/L) et de la pluviosité (en millimètre, avec 1 mm = litre
continu depuis 1993 la qualité des au m2). Il s’exprime donc en mg/L x mm = mg/m2 (une concentration
précipitations : le réseau Mera de 1 mg/L apporte 1 mg de dépôt par m2 pour 1 mm de précipita-
(Mesure des retombées atmosphé- tion) ou, en divisant par 100, en kg/ha.
riques), géré par l’École des Mines Le pH est la valeur négative de l’exposant de la concentration des
de Douai pour l’Ademe* et le sous- protons (H +). Par exemple un pH de 7 est égal à une concentration
réseau Cataenat* du réseau de protons de 10-7, et un pH de 4 est à 10-4.
Renécofor*, qui s’intègre dans le
suivi européen des écosystèmes

33 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


hors forêt (clairières) que sous le ments réalisés sur 27 sites pendant années du fait des différences de
couvert forestier. Les 13 années 13 ans. Chaque année, dans cha- pluviosité. Dans cette étude nous
d’analyses dont nous disposons à que site et par type d’échantillon avons donc calculé des indicateurs
ce jour permettent, entre autres, (hors ou sous couvert forestier) nationaux, intégrant les quelque
de faire le point sur le devenir de 13 échantillons sont analysés par 9 000 résultats d’analyse pour cha-
trois paramètres majeurs : an. Chaque échantillon regroupe que composé et type de précipita-
l’acidité, qui a longtemps été les précipitations de 4 semaines tion (hors ou sous couvert fores-
considérée comme l’élément (récolte hebdomadaire, puis tier). Ces indicateurs annuels pren-
phare de l’acidification des sols et mélange dans un échantillon en nent en compte les concentrations
comme la source du « dépérisse- proportion de la pluviosité hebdo- des 27 sites et les pondèrent par
ment » des forêts en Europe (elle madaire). Le laboratoire d’analyse les valeurs de pluviosité entre les
n’est selon nos connaissances (SGS-Multilab, Evry) est un des sites. Ainsi chaque concentration
actuelles qu’une petite partie des meilleurs laboratoires au niveau moyenne annuelle « nationale »
causes des problèmes phytosani- européen dans le domaine de exprimée par litre (= par mm de
taires), l’analyse des précipitations (eaux précipitation) est indépendante
le soufre, qui était alors souvent très diluées) et dispose d’un pro- des grandes différences pluviomé-
à l’origine de l’essentiel de cette gramme assurance qualité perfor- triques qui existent en France
acidité et qui est majoritairement mant et spécialement adapté aux métropolitaine. Elle donne une
d’origine industrielle et domesti- solutions qui lui sont confiées. idée des caractéristiques chimi-
que et ques moyennes des précipitations.
l’azote, dont l’effet eutrophisant Types de résultats présentés En plus des concentrations, nous
s’est révélé être à l’origine de réac- avons également calculé le dépôt
tions lentes mais profondes des Les mesures de concentrations annuel* moyen observé en France,
forêts. dans les échantillons de précipita- aussi bien hors que sous le couvert
tion ne sont pas directement com- forestier. Ce dernier joue un rôle
Les précipitations contiennent parables entre sites et entre non négligeable sur les dépôts
quantité d’autres composés,
comme le calcium, le magnésium,
le potassium, le sodium, les chloru-
res, les bicarbonates, les acides
organiques… Ces composés ont
en règle générale un effet plutôt
bénéfique sur les forêts via l’ali-
mentation nutritive. Bien sûr,
l’azote et le soufre sont également
nécessaires pour l’alimentation
nutritive, mais dans un certain
nombre de cas, leur apport massif
par les précipitations a provoqué
une certaine saturation des sols et
une dérégulation de la croissance
(azote). La saturation des sols pro-
voque alors un drainage accru vers
les eaux souterraines, voire de sur-
face, et donc une contamination
qui se traduit par une eutrophisa-
tion de milieux.

Recueil des données

Les précipitations sont récoltées


sur le terrain dans deux collecteurs
hors couvert et une série de trois
gouttières sous le couvert forestier
(voir photos dans l’article suivant, Fig. 1 : localisation des 27 sites de mesure des dépôts atmosphériques
Cecchini et al). Les résultats pré- humides (sous-réseau Cataenat) faisant partie des 102 placettes
sentés ici regroupent les prélève- permanentes d’observation du réseau Renécofor.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


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annuels, car la surface réceptrice acides car elles profitent de l’effet vée. Entre 1993 et 2005, la fré-
du feuillage et des branches est en neutralisant des poussières à quence annuelle est tombée en
moyenne 4 à 8 fois plus importante contenu souvent basique (élé- plein champ de 5,5 % en 1993 à
que la surface du sol. Les arbres ments terrigènes, comme le cal- 1,1 % en 2005 et sous le couvert
sont donc de très bons filtres de cium et le magnésium). Le pH forestier de 15,2 % à 2,7 % res-
tous types d’aérosols ou de gaz. naturel, c’est-à-dire en prenant en pectivement.
On observe ainsi très souvent une compte l’équilibre de l’eau pure
augmentation significative des avec le CO2 dans l’air (qui se dis- L’évolution du pH moyen du
dépôts de plusieurs composés sout pour former dans l’eau réseau (figure 3) montre une aug-
sous forêt, comparé au plein l’acide carbonique, H2CO3) serait mentation depuis 1993, de 5,99 à
champ. de 5,6. Un pH au-dessus de ce 6,10 en plein champ, c’est-à-dire
seuil, est le résultat d’un déplace- de +23 % en 13 ans. Sous le cou-
Diminution de l’acidité ment de l’équilibre dans l’eau en vert forestier, cette évolution est
directe faveur des éléments basiques (par encore plus marquée, car elle va
exemple magnésium, calcium, de 5,77 à 6,13, c’est-à-dire de
L’acidité directe est mesurée par potassium, ammonium) qui +56 %. Une partie de l’évolution
la concentration des protons (H +). témoignent entre autres d’ap- des précipitations récoltées sous
Celle-ci est exprimée par le pH*. ports sous forme de poussières le couvert forestier est liée à
L’« acidité indirecte » (non pré- ou d’eau de mer, près des côtes. l’évolution des peuplements d’un
sentée ici) prendrait en compte Un pH en dessous de ce seuil point de vue sylvicole : pratique-
en plus le pouvoir d’acidification résulte d’apports plus important ment tous ont été éclaircis au
d’un composé. Par exemple, le d’acides par exemple sulfuriques, moins une fois, souvent deux. Le
sulfate (acide sulfurique, H2SO4) nitriques ou organiques. nombre de trouées a augmenté
et l’azote (l’acide nitrique, HNO3 Dans la Figure 2b, seule la fré- et ils ont perdu en densité de
et l’ammonium, NH4) font partie quence annuelle des pH plus aci- tiges et en surface réceptrice
des composés contribuant à l’aci- des que 5,5 et 4,5 a été présen- (feuillage), diminuant ainsi les
dification, car lorsqu’ils sont soit tée. Pour l’ensemble des précipi- possibilités de dépôts d’aérosols
neutralisés, soit oxydés, soit tations à pH < 5,5, nous consta- ou de gaz divers sur leur feuillage.
réduits dans les sols, ces compo- tons deux périodes : la première Dans certains cas, les tempêtes
sés libèrent des protons. entre 1993 et 1996, avec une fré- de fin 1999 ont créé des trouées
quence annuelle de 56 à 74 % et importantes. Ainsi les précipita-
Dans le réseau Cataenat, l’ampli- la deuxième entre 1997 et 2005, tions récoltées sous le couvert
tude de pH est comprise entre 3 où la fréquence reste toujours au- forestier se rapprochent de plus
et 8 (figure 2a), mais 99 % des pH dessous de 60 %. Si l’on s’inté- en plus de celles récoltées en
hors couvert et 98 % sous couvert resse aux précipitations les plus plein champ. Cette observation
forestier se situent entre 4,5 et 7. acides (pH < 4,5, Figure 2b), une est également vraie pour les com-
Les précipitations récoltées sous diminution relativement impor- posés qui suivent.
le couvert forestier sont moins tante de leur fréquence est obser-

Nombre Classes de pH %
1400 80
70
1200
60
1000 50
40 y = -1,0401x + 14,24
800 R2 = 0,76 y = -0,3721x + 4,5398
30 R 2 = 0,58
600
20

400 10
0
200
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03
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19

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20

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0 Hors forêt, pH<5,5 Sous le couvert forestier, pH <5,5


5

8
3,

4,

5,

6,

7,
à

à
à

5
3,

4,

5,

6,

7,

Hors forêt, pH<4,5 Sous le couvert forestier, pH<4,5


3

a Hors couvert Sous le couvert forestier b


Fig. 2 : fréquence des classes de pH dans les précipitations récoltées hors (clairière) et sous couvert forestier
pour la période 1993 à 2005 (a) et évolution annuelle du pourcentage d’échantillons ayant un pH < 5,5 et
< 4,5 pour la même période (b)

55 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


pH Comme le montrent les figures 4a
7,00 et 4b, les concentrations moyen-
nes annuelles d’azote sous forme
6,50 de nitrate ne varient guère pen-
dant 13 ans. Cependant elles aug-
mentent faiblement mais régulière-
6,00 ment depuis 1999. Les concentra-
tions en fin de période sont légère-
5,50 ment plus élevées et arrivent donc
y = 0,018x + 5,9561 à contrebalancer la diminution de
R 2 = 0,58 pluviosité dans le calcul des
5,00
dépôts moyens annuels. Le résultat
est une relative stabilité des
4,50 dépôts hors couvert (entre 3 et
4 kg/ha/an) et sous le couvert
forestier (entre 4 et 6 kg/ha/an).
4,00
Les apports d’azote sous forme de
93

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00

01

02

03

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05
nitrate sont moyennement élevés.
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19

19

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19

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20

20

20

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20
Mais ces chiffres moyens du réseau
pH Linéaire (pH)
cachent de grandes disparités
Fig. 3 : évolution de 1993 à 2005 du pH moyen « national » dans les entre sites et entre années. Par
précipitations en plein champ, pondéré par la pluviosité, exemple, les dépôts varient selon
des 27 sites Cataenat le site et l’année entre 1 et 10 kg
d’azote nitrique/ha/an hors cou-
vert et entre 0,3 et 16 kg sous
Forte diminution des 47 %. Sous le couvert forestier, où forêt.
concentrations et dépôts évolution sylvicole et diminution
de soufre de la pluviosité se conjuguent, la Évolution contrastée de
baisse est de 56 % en 13 ans (de l’azote ammoniacal
L’origine du soufre est double : 13,5 à 5,8 kg). Il est très probable
surtout anthropique (raffinerie, que de futures années plus plu- L’azote ammoniacal (ammonium)
etc. ; voir article suivant, Cecchini vieuses rééquilibreront ces valeurs dans les précipitations est la forme
et al), mais également naturelle un peu vers le haut, sans remettre réduite du gaz ammoniac. Ce gaz,
(essentiellement marine ou venant en question le phénomène de la soluble dans l’eau, est émis majori-
des volcans). baisse généralisée, lié aux efforts tairement par l’activité agricole :
Au début des mesures, les importants de diminution des élevage intensif (excréments) et
concentrations moyennes du sou- émissions. Ces observations sont fertilisation azotée. Il existe égale-
fre sous forme de sulfate (S-SO4) encourageantes, car elles permet- ment des sources naturelles, moins
étaient respectivement de 0,71 et tent d’envisager une amélioration importantes en proportion (déchets
1,77 mg/L en moyenne annuelle de la fertilité des sols, si la diminu- d’animaux, de poissons et mécanis-
hors et sous couvert forestier tion des dépôts de soufre se main- mes microbiens dans le sol ou
(figure 4a et b). En fin de période, tient ou si au moins les valeurs se l’eau).
elles ont diminué hors couvert de stabilisent au niveau actuel. Elles Les concentrations moyennes
35 à 40 % et sous forêt de 45 à représentent également un exem- annuelles se situent entre 0,34 et
53 %. Les dépôts annuels moyens ple remarquable des effets positifs 0,57 mg/L en plein champ et entre
des 27 sites diminuent encore plus des mesures de réduction des 0,45 et 0,83 mg/L sous le couvert
fortement. Mais ici la pluviosité émissions de polluants dans l’at- forestier. L’ammonium montre pour
annuelle intervient et influence les mosphère. l’instant une tendance à la baisse
valeurs, car en fin de période (2003 de ses concentrations (figures 4a et
à 2005), la pluviosité a été bien en Stabilité des concentrations 4b), mais cette tendance n’est pas
dessous de la moyenne des 10 pre- et dépôts de nitrate très nette. Sous forêt cela semble
mières années (figure 5). Ainsi hors être l’inverse. Un autre phénomène
couvert forestier les apports Le nitrate provient avant tous des est à prendre en considération :
annuels passent de 8,0 kg de sou- émissions automobiles, des procé- selon l’espèce forestière et sa den-
fre par hectare et par an à dés industriels (oxydation de sité, une part variable de l’ammo-
4,3 kg/ha/an (Figure 4c), ce qui l’azote de l’air) et des fertilisations nium est absorbée par le feuillage
représente une diminution de agricoles sous forme de nitrate. lors du passage à travers le houp-

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 6


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pier. Les concentrations mesurées Le cumul des apports azotés sont en excès. En 20 ans, les peu-
sous le couvert sont donc la diffé- est important et a des effets plements auront ainsi cumulé
rence entre l’apport extérieur et sur les forêts 100 kg/ha d’azote. Cette quantité
l’absorption. Très souvent il est est très importante, car elle corres-
admis que, lorsque les apports Les valeurs en tant que telles ne pond à une vraie fertilisation azo-
sont importants, la part absorbée disent rien sur l’effet eutrophisant tée continue, non sans consé-
peut atteindre la moitié, voire plus, que l’azote peut avoir. Mais si l’on quence sur la composition floristi-
de l’apport total. considère que les écosystèmes que et le rythme de croissance des
forestiers reçoivent en moyenne au arbres. De nombreux projets scien-
Les dépôts annuels moyens varient minimum 10 kg d’azote par hec- tifiques se préoccupent à ce jour
entre 3,5 et 6,4 kg/ha/an en plein tare et par an (nitrate + ammo- des conséquences que l’azote a ou
champ (figure 4c). Pour ceux mesu- nium) et en consomment par l’im- aura sur la faune, la flore et l’eau
rés sous le couvert forestier (figure mobilisation dans les arbres et les via l’accumulation dans les écosys-
4d), qui varient entre 4 et autres plantes environ 5 kg/ha/an tèmes.
6 kg/ha/an, il manque la part (il s’agit ici surtout de peuplements
absorbée par le feuillage. Ces âgés, les jeunes peuplements pou- Contrairement au cas du soufre qui
dépôts sont donc à considérer vant immobiliser en moyenne s’est amélioré ces dernières
comme des valeurs minimales. selon l’essence et la station entre 5 années, l’absence de tendance
Pour les sites individuels les valeurs et 15 kg d’azote/ha/an jusqu’à claire de ces dépôts au cours du
varient entre 0,1 et 17 kg/ha/an. 40 ans environ), les 5 kg restant temps montre que la question de

mg/L Concentration hors couvert forestier


0,80 Kg/ha/an Dépôt annuel hors couvert forestier
9,0
0,70
9,0
y = -0,2818x + 8,1907
y = 0,7101x-0,1852
R2 = 0,84 y = -0,1532x + 5,9067
0,60
R2 = 0,89 9,0
R2 = 0,53
0,50
9,0

9,0
0,40
9,0
0,30
9,0
0,20 ,
9,0
y= 0,5009x-0,1266y = 0,5009x
2
R = 0,48
0,10
R2 = 0,48 9,0

9,0
0,00
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
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05
19

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19

19

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20

20

20

20

Soufre sous forme de sulfate Linéaire (Soufre sous forme sulfate)


Soufre sous forme de sulfate
a A zote sous forme de nitrate
Puissance (Soufre sous forme de sulfate)
c Azote sous forme de nitrate
Azote sous forme d'ammonium
Linéaire (Azote sous forme d'ammonium)
Puissance (A zote sous forme d'ammonium)
A zote sous forme d'ammonium

Kg/ha/an Dépôt annuel hors couvert forestier


mg/L Concentrations sous le couvert forestier 16,0
2,00

1,80 14,0
Y = -0,6101 x + 13,679
y = 1,8144x-0,2695 R2 = 0,92
1,60
R2 = 0,84 12,0
1,40
10,0
1,20

1,00 8,0

0,80 6,0
0,60
4,0
0,40
2,0
0,20

0 0,0
1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993 1993
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Soufre sous forme de sulfate
Soufre sous forme de sulfate Azote sous forme de nitrate
b Azote sous forme de nitrate
Azote sous forme d'ammonium
Puissance (Soufre sous forme sulfate)
d Azote sous forme d'ammonium
Linéaire (Soufre sous forme sulfate)

Fig. 4 : évolution de 1993 à 2005 des concentrations moyennes nationales (pondérées par la pluviosité) (a et b) et
des dépôts annuels moyens (c et d) des 27 sites hors et sous couvert forestier pour le soufre (sous forme de
sulfate S-SO4), l’azote sous forme de nitrate (N-NO3) et l’azote sous forme d’ammonium (N-NH4)

77 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


l’azote dans les écosystèmes reste mm
un sujet d’actualité qu’il importe 1600
de suivre de manière détaillée.
1400
Conclusions
1200
Les mesures de la qualité des pré-
cipitations réalisées au sein du 1000
réseau Renécofor et les dépôts
annuels qu’elles permettent de
800
calculer sont à ce jour uniques en
zone forestière en France, aussi
bien pour la durée de la série de 600
mesure, l’uniformité du protocole
de prélèvement que l’excellente 400
qualité analytique.
200
Ces mesures permettent chaque
année de suivre les tendances 0
pluriannuelles au niveau national
ou site par site, afin de renseigner Fig. 5 : pluviosité moyenne annuelle des 27 sites en plein champ
le public averti dans le cadre des (bleu foncé) et sous le couvert forestier (bleu clair) en mm
charges critiques en éléments
polluants et dans le cadre des
négociations internationales sur tion semble réaliste, d’autant plus Remerciements
la réduction des émissions et sur que les émissions à venir seront
l’évolution de leur impact sur les bien plus importantes que ce que Le réseau Renécofor bénéficie de
écosystèmes forestiers. nous avons connu de la part des financements de l’ONF, de l’Union
États-Unis (facteur d’environ 4 de Européenne (DG Agriculture puis
Bien que des baisses conséquen- la population entre les deux DG Environnement), du ministère
tes de l’acidité directe et du sou- pays). de l’Agriculture et de la Pêche
fre aient été constatées en 13 ans, (DGFAR) et de l’Ademe.
cela ne signifie pas que ces ten- Le fait que la baisse des concen- L’ensemble des données présenté
dances ne peuvent plus s’inverser. trations et dépôts de soufre com- est le fruit d’un travail laborieux
L’Europe s’est engagée via des mence à ralentir ne signifie pas accompli par les forestiers respon-
conventions internationales à obligatoirement que d’autres sables des 27 sites depuis 13 ans :
réduire de manière conséquente baisses ne soient pas nécessaires qu’ils soient tous remerciés ici pour
ses émissions, mais certains pays ou possibles, d’une part, et que leur ténacité !
émergents, en particulier la nous avons retrouvé le niveau
Chine, sont en train d’augmenter d’avant l’ère industrielle du début
de manière exponentielle leurs du 19e siècle, d’autre part. Erwin ULRICH
émissions. Dans les années 60 à Marc LANIER
80, beaucoup d’études scientifi- Les résultats sur l’azote ne sont Luc CROISE
ques ont prouvé une contribution pas pour l’instant encourageants ONF, direction technique
des émissions soufrées (et ainsi et nous imposent une grande Département recherche
de l’acidité directe) des États-Unis vigilance quant au devenir de Réseau Renécofor
aux dépôts atmosphériques l’azote en forêt et dans les eaux erwin.ulrich@onf.fr
mesurés en Europe. Ces études qu’elles drainent. marc.lanier@onf.fr
se basent sur l’analyse de l’ori- luc.croise@onf.fr
gine des masses d’air conduisant Enfin, pour que ces mesures aient
à des précipitations. La Chine se un vrai sens et que leurs résultats
trouvant également dans l’hémis- restent un outil de décision il fau-
phère Nord, une telle contribu- dra savoir les faire durer.

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8
Comparaison des dépôts atmosphériques
en soufre sous pinède et hêtraie
en forêt domaniale de Brotonne
Un projet Renécofor
Après l’analyse de l’évolution des dépôts à l’article précédent, intéressons-nous au site
particulier de la forêt domaniale de Brotonne, cerné par les émissions industrielles et triste
champion des dépôts de soufre. Cette situation en fait un excellent laboratoire pour
étudier l’influence des essences (ici pin sylvestre et hêtre) sur ces dépôts acidifiants.

L es études menées suite


aux dépérissements
forestiers des années 1980 en
importante de pollution atmosphé-
rique.
En Haute-Normandie, le soufre est
sions (soit 62 333 tonnes en 1994).
La forêt de Brotonne est soumise
principalement aux vents dominants
Europe ont permis de déceler les une préoccupation majeure ; il est d’ouest qui amènent les polluants
effets négatifs des dépôts atmos- issu principalement des raffineries rejetés par les usines du Havre et de
phériques acidifiants sur le fonction- (Total, Mobil, Esso et Shell raffinent Port-Jérôme.
nement des forêts. Lorsque ces ici le tiers du pétrole brut importé en Lors des premiers traitements des
dépôts retombent sur des sols pau- France) et des installations de com- données recueillies sur le réseau
vres et déjà acides, ils peuvent bustion (EDF possède au Havre Renécofor (sous réseau Cataenat)
entraîner des dysfonctionnements l’une des plus puissantes centrales (Ulrich et al., 1998), le site de
dans l’alimentation en éléments électriques thermiques de France). Brotonne est remarqué par ses
minéraux des végétaux, en raison Selon les estimations du Citepa forts dépôts en soufre sous forêt
du lessivage du calcium, du magné- (Centre interprofessionnel techni- (voir figure 2). Actuellement ces
sium et d’autres éléments nécessai- que d’études de la pollution atmos- dépôts semblent se stabiliser
res pour neutraliser les acides. Le phérique), 139 478 tonnes de sou- autour de 15 kg/ha/an. Ce niveau
soufre sous forme de sulfate est l’un fre ont été émises en 1994 dans la reste élevé comparé à l’ensemble
de ces composés acidifiants. région de Haute-Normandie, dont des 170 sites de mesures euro-
94 % en Seine-Maritime. 54 % de péens (Fischer et al., 2005).
Pourquoi s’intéresser à la ces rejets (soit 75 589 tonnes, en
forêt de Brotonne ? 1994) concernent les régions de Le site de mesure du réseau
Rouen et du Havre, sachant que Renécofor
La forêt de Brotonne est située entre l’extraction et le transfert d’énergie Depuis 1993, un dispositif Renécofor
les deux grands ports du Havre et sont à l’origine de 82 % des émis- est implanté en forêt domaniale de
de Rouen, qui assurent plus du tiers
des échanges maritimes français. En
raison de ces ports, la région dis-
pose d’une activité industrielle très
importante, concentrée autour de
Rouen, de Port-Jérôme et du Havre
(voir figure 1). Les secteurs indus-
triels sont la pétrochimie, la
construction automobile, le travail
des métaux, la fabrication des
engrais, la confection de papier, la
réalisation de composants électri- Fig. 1 : localisation des grands sites industriels,
ques et électroniques, etc. Cette autour de la forêt de Brotonne
forte industrialisation est une source (points bleu = site de Brotonne, points rouges = sites industriels)

17
99 7
17 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
sol déjà très appauvri reçoit des L’origine des dépôts
quantités importantes de composés atmosphériques
acidifiants, susceptibles de réduire
sa fertilité. Une faible part des dépôts
atmosphériques est d’origine
Pourquoi comparer les dépôts naturelle : biologique liée à
atmosphériques sous pinède l’activité des organismes
et sous hêtraie ? vivants, marine (sodium, chlo-
rure, magnésium, sulfate,…),
La forêt de Brotonne étant compo- terrigène par érosion (calcium,
sée à environ 60 % de hêtres, la potassium, magnésium…) et
direction technique de l’ONF a sou- volcanique (soufre…). Une par-
haité mettre en place un programme tie, variable selon la situation
de comparaison des dépôts atmos- géographique, provient de l’ac-
phériques en soufre sous pinède et tivité humaine. À partir de la
sous hêtraie, afin de caractériser les seconde moitié du 19e siècle
différences du rôle de filtre du feuil- l’industrialisation est à l’origine
Fig. 2 : dépôts atmosphériques
lage de ces deux essences. En été, le des premières fortes émissions
annuels de soufre
(en kg de sulfate par hectare et par an), hors
feuillage plus dense des hêtres peut dans l’atmosphère (soufre…).
(jaune) et sous forêt (jaune + rouge) mesurés de retenir plus de dépôts secs, mais en Puis après la seconde guerre
1993 à 2004 dans 27 sites du réseau Renécofor hiver, une fois défeuillés, ils intercep- mondiale ces rejets industriels
(PS 76 = site de Brotonne)
tent moins que les pins sylvestres qui sont augmentés par ceux pro-
Brotonne à 45 km à l’est du Havre, à gardent leurs aiguilles. Les dépôts venant de l’agriculture inten-
70 m d’altitude. Il se situe dans un sous couvert de hêtre ne seraient pas sive (azote…) et du développe-
peuplement régulier de pin sylves- égaux à ceux enregistrés sous les ment des transports terrestres
tre (Pinus sylvestris) de 55 ans, pinèdes et la répartition saisonnière et aériens (azote,…).
mélangé avec quelques rares hêtres devrait être très différente.
(Fagus sylvatica) en sous étage, sur
un sol brun lessivé à micropodzol, et L’expérimentation prévue pour cinq Le réseau Renécofor
reçoit en moyenne (de 1993 à 2004) ans s’appuie sur les dispositifs de col-
635 mm de pluie sous forêt par an. lecte des eaux de pluies hors et sous En 1992, Renécofor (réseau natio-
Les précipitations annuelles moyen- forêt du site de mesure Renécofor. nal de suivi à long terme des éco-
nes hors forêt sont de 960 mm. Sur Cette placette est équipée, pour la systèmes forestiers) et son sous
ce site, les dépôts de soufre sont mesure hors forêt des précipitations, réseau Cataenat (charge acide
totale d’origine atmosphérique
nettement plus élevés sous forêt d’un pluviomètre à lecture directe et,
dans les écosystèmes naturels ter-
qu’en plein découvert, car les houp- pour la récolte des échantillons ana- restres, 27 des 102 placettes
piers retiennent les dépôts secs lysés, de deux collecteurs (voir Renécofor) ont été créés en vue du
(aérosols et dépôts sous forme photo). Sous forêt, la mesure et suivi des écosystèmes forestiers
gazeuse) transportés par les vents l’échantillonnage des pluviolessivats pendant au moins 30 ans. Ce
d’ouest et lors des précipitations, ils (= précipitations ayant traversé les réseau, géré par l’ONF, s’intègre
sont lessivés et entraînés au sol. Le cimes des arbres) sont effectués avec dans un ensemble de réseaux
européens. L’objectif principal de
ce réseau est de détecter d’éven-
tuels changements à long terme
dans le fonctionnement d’une
grande variété d’écosystèmes
forestiers et de mieux comprendre
les raisons de ces changements.

trois gouttières (voir photo). En 1999,


cette installation a été complétée par
un doublement du système de gout-
N. Barray ONF

tières au sein du peuplement de pin


sylvestre, afin d’avoir une idée de la
variabilité spatiale. Au même
moment, un deuxième dispositif a
Dispositif de collecte de la pluviosité et des dépôts atmosphériques hors forêt
(point jaune = Pluviomètre à lecture directe, points rouges = Collecteur de dépôts atmosphériques) été installé dans une hêtraie proche

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


16
16
1060
10
Comparaison des dépôts annuels de
soufre
Malgré des précipitations sous forêt
légèrement plus importantes dans
les hêtraies, les dépôts atmosphéri-
ques en soufre y sont plus faibles
que sous les pinèdes (voir figure 4).
La différence se fait durant la
période ou les hêtres sont défeuillés
(voir figure 5a) et s’observe par les
plus faibles concentrations dans
l’eau (voir figure 5b). Pendant la sai-
son de végétation, les dépôts et les
concentrations sous hêtraies et sous
E. Ulrich, ONF

E. Ulrich, ONF
pinèdes sont un peu plus proches
(voir figure 6).
Les différences de dépôts entre la
pinède 1 et 2 s’expliquent par un
Dispositif de collecte des Dispositif de collecte des couvert un peu plus dense dans le
pluviolessivats sous forêt (hêtraie) ruissellements de tronc sous hêtraie premier peuplement. Les houppiers
filtrent plus les dépôts secs, ce qui
de la pinède, avec un système de tations, il est intéressant de compa- entraîne un léger enrichissement
récolte sous forêt doublé. rer la pluviométrie sur chacune des des pluviolessivats.
L’ensemble représente donc quatre quatre sous placettes, afin d’obser-
sous-placettes expérimentales, deux ver si les différences éventuelles de Conclusion
dans chaque type de peuplement. dépôts sont dues aux précipitations
Enfin, le hêtre ayant une écorce parti- ou aux concentrations en soufre. Les Ce dispositif de suivi illustre en forêt
culièrement lisse, une proportion hêtraies récoltent légèrement plus domaniale de Brotonne les écarts
notable des précipitations est canali- d’eau que les pinèdes, sauf en 2000 entre les retombées atmosphéri-
sée vers le sol par ruissellement le où l’inverse est observé (voir ques en soufre des hêtraies et des
long des troncs : chaque sous-pla- figure 3). Ce cas particulier peut pinèdes. Ce phénomène est lié à la
cette de hêtraie a donc en outre été s’expliquer par les dégâts de la tem- présence permanente ou tempo-
équipée de deux collecteurs de pré- pête du 26 décembre 1999 dans la raire du feuillage, entraînant un enri-
lèvement du ruissellement sur les pinède. Durant trois mois il n’y avait chissement plus ou moins important
troncs (voir photo). plus aucun arbre au-dessus du dis- des concentrations dans l’eau mesu-
positif 1 de collecte et plus que rées sous forêt. Pendant l’année, les
Résultats deux au-dessus du dispositif 2, donc hêtres filtrent l’air différemment des
moins d’interception par les houp- pins sylvestres. Durant la période de
Comparaison de la pluviométrie piers. Par la suite ces deux disposi- végétation, les feuillages des hêtres
annuelle tifs ont été réimplantés sous des et des pins retiennent les dépôts
Les dépôts atmosphériques sous peuplements complets. secs, qui sont lessivés et enrichissent
forêt étant apportés par les précipi- l’eau qui traverse les houppiers.

1000 25
900
800 20
700
Dépôts en (kg/ha

600 15
500
400 10
300
200 5
100
0 0
2000 2001 2002 2003 2004 2000 2001 2002 2003 2004
Hêtraie 1 Hêtraie 2 Pinède 1 Pinède 2 Hêtraie 1 Hêtraie 2 Pinède 1 Pinède 2

Fig. 3 : pluviosité sous forêt Fig. 4 : dépôts annuels de soufre sous forêt

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117
11
171 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
aa b
12 4

10 3,5
3
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2,5
6 2

4 1,5
1
2
0,5
0 0
2000
2000 2001
2001 2002
2002 2003
2003 2004
2004 2000 2001 2002 2003 2004
Hêtraie 1 Hêtraie 2 Pinède 1 Pinède 2

Fig. 5 : dépôts de soufre (a) et concentration en soufre dans les précipitations (b) sous forêt hors
période de végétation

a b
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10 3,5
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0,5
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2000 2001 2002 2003 2004 2000 2001 2002 2003 2004
Hêtraie 1 Hêtraie 2 Pinède 1 Pinède 2

Fig. 6 : dépôts de soufre (a) et concentration en soufre dans les précipitations (b) sous forêt durant la
période de végétation

Hors période de végétation, les Nicolas BARRAY QUENEL P., CASSADOU S.,
hêtres une fois défeuillés intercep- ONF, DT Ile-de-France - Nord-Ouest DECLERCQ C., EILSTEIN D., FILLEUL L.,
tent moins de dépôts secs que les agence Haute-Normandie LE GOASTER C., LE TERTRE A.,
pins sylvestres qui gardent leurs UT Brotonne Vallée de Seine MEDINA S., PASCAL L., PROUVOST
aiguilles, cela entraîne des concen- nicolas.barray@onf.fr H., SAVIUC P., ZEGHOUN A., 1999.
trations des eaux sous hêtraies plus Surveillance épidémiologique air et
faibles. santé : surveillance des effets sur la
Nous pouvons donc estimer que le santé liés à la pollution atmosphéri-
site de mesure permanent sous que en milieu urbain. Saint-Maurice :
pinède du réseau Renécofor mesure Bibliographie Institut de veille sanitaire148p.
plutôt la gamme haute de dépôts
de cette forêt. Toutefois, afin d’ob- ULRICH E., LANIER M., COMBES D., FISCHER R., BATSRUB-BIRK A.-M.,
server si ce phénomène est généra- 1998. Renécofor — Dépôts atmos- BECKER R., CALATAYUD V., DIE-
lisable à l’ensemble des peuple- phériques, concentrations dans les TRICH H.-P., DISE N., DOBBERTIN M.,
ments forestiers, il faudrait répéter brouillards et dans les solutions du PANNATIER E.-G., GUNDERSEN P.,
ces mesures sur d’autres sites, sur sol (sous réseau Cataenat) : rapport HAUßMANN T., HILDIGSSON A.,
d’autres essences et prendre en scientifique sur les années 1993 à LORENZ M., MÜLLER J., MUES V.,
compte précisément le facteur den- 1996. Fontainebleau : ONF, PAVLENDA P., PETRICCIONE B.,
sité des houppiers. Département des Recherches RASPE S., SANCHEZ-PEÑA G., SANZ
Techniques. ISBN 2-84207-134-4. M., ULRICH E., VOLZ R., WIJK S.,
Sébastien CECCHINI 135 p. 2005. The condition of forests in
Erwin ULRICH Europe : 2005 Executive Report.
ONF, direction technique CROISE L., ULRICH E., DUPLAT P., United Nations Economic
Département recherche JAQUET O., 2005.Le suivi des dépôts Commission for Europe, Federal
Réseau Renécofor atmosphériques dans les écosystè- Research Centre for Forestry and
sebastien.cecchini@onf.fr mes forestiers en France. Rendez- Forest Products, PCC of ICP-Forests.
erwin.ulrich@onf.fr vous technique, n°7, pp. 4-10 ISSN 1020-587X. 32 p.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


16
62
12
16
12
D
Dossier

Le bois-énergie
Ce dossier coordonné par Ambroise Graffin a mobilisé de nombreux auteurs impliqués à des titres très
divers dans le domaine du bois-énergie, pour éclairer une actualité un peu confuse à partir des questions
suivantes : pourquoi développer la filière bois-énergie en France ? Sur quelle ressource forestière peut on
réellement compter et dans quelles conditions ? Quelles sont les perspectives sylvicoles et leurs limites
(gestion durable) ? Comment faire le lien entre les estimations volume du forestier et les exigences en
pouvoir calorifique des utilisateurs ?

p. 14 Panorama de la filière bois-énergie en France par Ambroise Graffin

p. 19 Évaluer la ressource bois-énergie


par Thierry Bélouard, Stéphanie Lucas, André Richter, Delphine Pierrat

p. 25 Élaboration d’un plan d’approvisionnement en plaquettes forestières : méthode et exemples


par Ambroise Graffin et Sophie Pitocchi

p. 28 Opportunités sylvicoles de production bois-énergie par Damien François et Laurent Descroix

p. 33 Particularités de l’exploitation pour le bois-énergie plaquette par Luc Libault

p. 36 Bois-énergie : maîtriser les impacts article collectif coordonné par Manuel Nicolas

p. 46 Maîtriser les caractéristiques des plaquettes forestières de l’arbre sur pied à la livraison du combustible
par Jean-Pierre Laurier et Florence Maire

p. 50 Trois exemples de projets et chantiers bois-énergie à l’ONF


par Dominique Darphin, Luc Libault et Philippe Goupil

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Panorama de la filière bois-énergie
en France

Le bois : un combustible Par rapport aux combustibles fossi- spécifiques (bûches, granulés, pla-
renouvelable et propre les (pétrole, gaz, charbon), le bois quettes…). Dans cette filière « pro-
souffre cependant de sa faible duction simple de chaleur », les
Le bois est considéré comme une densité : pour le même contenu chaudières automatiques offrent
énergie renouvelable. En effet, énergétique, le bois occupe 3 à 4 des rendements supérieurs à 85 %.
sous nos latitudes, on considère fois plus d’espace. L’usage de
qu’un peuplement forestier se combustible bois est donc plus Tout ou partie de la chaleur pro-
reconstitue en volume sur une complexe dans des zones où l’ha- duite peut aussi être transformée
période d’environ 150 ans, ce qui bitat est dense (agglomérations) et en électricité. A priori, deux gran-
est bien éloigné des millions son transport doit être limité pour des voies technologiques existent
d’années nécessaires à la genèse rester compétitif (y compris du pour assurer cette conversion :
de gisements fossiles, pétrole ou point de vue écologique). combustion dite directe ou gazéifi-
gaz. Par ailleurs, la combustion de cation. L’option gazéification n’est
bois dans des chaudières automa- Les différentes voies de pas encore bien stabilisée. Il existe
tiques émet nettement moins de valorisation énergétique du peu d’unités utilisant cette techno-
gaz à effet de serre que les com- bois logie à grande échelle au niveau
bustibles fossiles (cf. tableau 1). mondial. En France, un prototype
Au niveau de l’inventaire des gaz La valorisation énergétique du bois d’1 MWe (Mega Watt électrique)
à effet de serre et dans un peut s’effectuer à travers plusieurs vient d’être installé à Moissanes
contexte de gestion durable des voies : production de chaleur (Haute Vienne) par la société EBV –
forêts, ce qui est bien le cas en « simple », transformation d’une Eneria. Aujourd’hui, la filière cogé-
France, le bilan des flux sur des partie de cette chaleur en électri- nération optimisée peut atteindre
chaufferies ou centrales à bois est cité (cogénération) ou production des rendements d’environ 65 %,
comptabilisé comme nul : on de biocarburant. Ces différentes alors que la valorisation électrique
considère en effet que les émis- voies présentent des rendements seule plafonne à 25 %.
sions sont compensées par la plus ou moins performants selon la
croissance des arbres qui fixent le maturité des technologies utili- La production de biocarburant à
CO2 via la photosynthèse. Enfin, il sées. Aujourd’hui, l’usage le plus partir de ressource lignocellulosi-
faut souligner que les chaudières répandu demeure la simple pro- que constitue un axe de recherche
bois automatiques utilisent duction de chaleur. Elle fait appel à à moyen et long terme, qui pour-
aujourd’hui des technologies per- des dispositifs divers (cheminées, rait être opérationnel à partir de
formantes et fiables avec des ren- inserts, poêles, chaudière automa- 2015. Cependant la priorité
dements énergétiques très satis- tique…) selon les usagers (particu- demeure aujourd’hui la production
faisants, supérieurs à 80 %. liers, collectivités, industriels…) qui de biocarburants dits de première
déterminent des combustibles génération à partir de cultures
agricoles, oléagineuses principale-
SO2 NOx CxHy CO CO2 Poussières ment (colza…). Pour ce type d’ins-
tallation, les rendements énergéti-
Chaudière fioul 140 40 10 50 78 000 5
ques prévisionnels à partir de res-
Chaudière gaz naturel 0 40 5 50 52 000 0 source lignocellulosique sont de
Chaudière charbon 340 70 10 4 500 104 000 60
l’ordre de 30 à 50 %.

Chaudière à bois bûche traditionnelle 10 50 1 000 6 000 0 70 La connaissance des différentes


Chaudière à bois bûche moderne 10 42 9 366 0 14 filières de valorisation énergétique
du bois est très importante pour
Chaudière à bois déchiqueté 10 45 2 16 0 4 optimiser l’utilisation de cette res-
source. Aujourd’hui l’ONF parti-
Tab 1 : émissions de CO, NO2 et SO2 lors de production de chaleur en
cipe de manière active à la
kg/TJ (ou mg/MJ) - [source BLT Autriche] réflexion et au développement de
Avec SO2 = dioxyde de soufre ; NOx = oxydes d’azote ; CxHy : composés organiques volatiles ;
CO = monoxyde de carbone ; CO2 = dioxyde de carbone. ces différentes filières.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


16
1416
64
14
A. Graffin, ONF

P. Goupil, ONFE
Ademe
Plaquette forestière (plusieurs cm) Granulés (1 cm)

Bûches (1 m)
Implication de l’ONF dans les déclinaisons nationales, s’est mis
filières de valorisation en place progressivement pour de 1 400 chaufferies collectives et
énergétique du bois développer les énergies renouve- 480 chaufferies industrielles. Le parc
lables. Cette réglementation s’ap- des chaufferies collectives en fonc-
Production simple de chaleur - puie en bonne partie sur les enga- tionnement fin 2006 représente ainsi
Approvisionnement direct en pla- gements pris par les pays industria- 670 MW de puissance thermique
quettes forestières d’une vingtaine lisés dans le Protocole de Kyoto, installée et correspond à une
de chaufferies automatiques, soit
dans le but de lutter contre l’effet consommation d’environ 1,9 Mt de
une consommation totale d’envi-
de serre. Sur notre territoire, le combustible bois. Un nouveau plan
ron 40 000 t/an.
Cogénération - Conseils et élabo- combustible bois occupe une pour la période 2007-2013 est en
ration de plans d’approvisionne- place de choix dans les énergies cours d’élaboration.
ment en plaquettes forestières renouvelables et le développe-
pour l’installation de centrales de ment de ces énergies dépendra Appels d’offres de la Commission
cogénération (métropole et fortement de l’essor de la filière de Régulation de l’Énergie (CRE) -
Guyane). bois-énergie. En France, les princi- Cette commission offre des tarifs
Production de biocarburants - paux objectifs et engagements préférentiels de rachat de l’électri-
Participation au Programme dans le domaine de l’énergie figu- cité produite à partir de biomasse.
National de Recherche sur les rent dans la Loi d’Orientation sur Un premier appel d’offres lancé en
Bioénergies (PNRB) et consultation
l’Énergie approuvée en juillet 2005. 2004 a approuvé 14 projets pour
sur divers projets pilotes (CEA
une puissance installée totale de
Lorraine – Tenerrdis Rhône Alpes).
Pour atteindre ces objectifs chiffrés, 216 MW, avec une consommation
l’État a mis en place une série de estimée d’environ 600 000 t de
Un contexte international et mesures, dont voici les principales plaquettes forestières à partir de
national incitatif pour ce qui concerne le développe- 2008. Un deuxième appel d’offres
ment de la filière bois-énergie : vient d’être lancé en décembre
La diminution des gisements 2007 et devrait concerner une
d’énergie fossile et l’augmentation Plan Bois Énergie de l’Ademe - De consommation au moins aussi
des émissions de gaz à effet de 2000 à 2006, l’Ademe et les importante de plaquettes forestiè-
serre nous conduisent à modifier Régions ont financé l’installation res, à partir de 2010.
nos comportements énergétiques.
La prise en compte de ces deux Principaux objectifs chiffrés de la Loi d’Orientation sur l’Énergie
évolutions se traduit par deux (juillet 2005)
grands types d’actions :
Division par 4 ou 5 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050
Réduire en priorité notre Réduction de 2 % par an en moyenne d’ici 2015 de l’intensité énergétique
consommation globale d’énergie ; finale (rapport entre la consommation d’énergie et la croissance économique)
Production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources
Développer les énergies renou-
d’énergie renouvelable d’ici 2010 (4 % en 2005) :
velables au détriment des énergies
- Production intérieure d’électricité d’origine renouvelable à hauteur de 21 % de
fossiles. la consommation en 2010 (14 % en 2005).
- Développement des énergies renouvelables thermiques pour permettre d’ici
Après une phase de prise de 2010 une hausse de 50 % de la production de chaleur d’origine renouvelable.
conscience au cours des décennies - Incorporation de biocarburants et autres carburants d’origine renouvelable à
1980-2000, un cadre réglementaire hauteur de 5,75 % d’ici 2006 (0,84 % en 2004).
au niveau international, avec des

17
157
175
15 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Certificats d’économie d’éner- l’énergie primaire consommée bustible prévoit une valorisation
gie, crédits carbone - En sus des en France, soit 18 Mtep1. Le bois énergétique supplémentaire de
instruments existants (réglemen- participe à hauteur de 50 % à ce la biomasse de l’ordre de
tation, fiscalité etc.), ces systè- total, soit près de 9 Mtep. Cette 50 Mtep (cf. tableau 2). Cette
mes fondés sur une logique de participation s’effectue surtout à mobilisation supplémentaire
marché ont été mis en place pour partir de bois bûche (7,3 Mtep), reposerait en grande partie sur
atteindre les objectifs de réduc- de produits connexes et de bois des cultures énergétiques
tion d’émissions de gaz à effet de rebut (1,6 Mtep) et plus (30 Mtep) puis en second lieu sur
de serre fixés par le Protocole de récemment de plaquettes fores- de la plaquette forestière (4,5
Kyoto. La demande provient des tières (<0,1 Mtep). Mtep).
obligations d’économies ou de
substitution d’énergie imposées Deux plans bois-énergie succes- Caractéristiques du marché
aux vendeurs ou aux gros sifs (1994-2000 et 2000-2006) actuel de la plaquette
consommateurs d’énergie. impulsés par l’Ademe ont permis forestière
L’offre provient des entreprises d’installer un réseau de chauffe-
ou collectivités publiques qui ries bois conséquent sur le terri- La simple comparaison du prix
engageront des actions, au-delà toire au niveau de collectivités et des combustibles « rendus à
de leur activité habituelle, visant d’industriels. Lors du premier l’entrée de la chaudière » mon-
à économiser ou substituer plan bois-énergie (1994-2000) tre que le bois, et plus particuliè-
l’énergie. Le marché permettra l’essor des chaufferies bois s’est rement la plaquette forestière,
de s’assurer que tous les acteurs surtout appuyé sur de la res- constitue le combustible le
potentiels sont mobilisés, pour source « produits connexes », moins cher pour l’utilisateur.
identifier tous les gisements disponible et meilleur marché. Mais cette analyse est incom-
d’économies ou de substitution En revanche le deuxième plan a plète : une chaudière bois auto-
d’énergie les moins coûteux. Ces vu l’émergence de la plaquette matique nécessite un investisse-
systèmes demandent à gagner directement issue de forêt en rai- ment 2 à 3 fois supérieur à celui
en lisibilité, surtout les certificats son du tarissement du gisement d’une chaudière classique à fioul
d’économie d’énergie. connexes et bois de rebut. En ou gaz. Aujourd’hui la grande
2000, seules quelques milliers de majorité du réseau de chaufferies
NB : les mesures fiscales (TVA, tonnes de plaquettes forestières bois n’a pu être réalisée que
crédit d’impôt…) ne sont pas étaient commercialisées. En grâce à des subventions accor-
abordées ici. 2006, la commercialisation de dées par l’Ademe et les collecti-
plaquettes forestières a concerné vités territoriales (conseils géné-
La filière bois-énergie 150 000 tonnes. raux et régionaux). Aujourd’hui
française en chiffres ces subventions représentent 40
Pour atteindre l’objectif de divi- à 70 % de l’investissement total.
Les énergies renouvelables sion par 4 de nos émissions de
(hydraulique, solaire, éolien, bio- gaz à effet de serre à horizon Le « cours » du marché pour les
masse) représentent 4 % de 2050, le plan national biocom- combustibles biomasse « entrée
chaufferie », en intégrant les
Valorisation Perspectives
Types de ressources Prévision 2010 subventions, oscille aujourd’hui
énergétique 2005 2030/2050
Biodéchets organiques entre 13 et 15 €/MWh, soit envi-
~ 1 Mtep/an ~ 1,2 Mtep/an ~ 3 Mtep/an
(concentrés) ron 40 €/t à 40 %. Depuis 1998,
Produits connexes du ce cours est en hausse constante,
~ 1,6 Mtep/an ~ 1,8 Mtep/an ~ 3 Mtep/an
bois (concentrés)
d’environ 8 % par an : il s’agit
Pailles et coproduits
N.S. ~ 0,5 Mtep/an ~ 1,5 Mtep/an d’un marché en pleine expan-
agricoles (diffus)
sion. Néanmoins, pour le produc-
Bois bûche ~ 7,5 Mtep/an ~ 7 Mtep/an ~ 6,5 Mtep/an
teur de bois, le cours actuel reste
Plaquettes forestières moins de 0,1 en deçà des coûts moyens de
~ 2 Mtep/an ~ 4,5 Mtep/an
(diffus) Mtep/an
production de plaquette fores-
Nouvelles cultures ou ~ 1 Mtep/an 13
plantations dédiées
N.S.
(200 000 ha)
~ 30 Mtep/an (6 Mha) tière qui se situent entre 16 et
19 €/MWh. Comment « placer »
Potentiel total (arrondi) ~ 10 Mtep/an ~ 13 à 14 Mtep/an ~ 45 à 50 Mtep/an
de la plaquette forestière dans
Tab. 2 : perspectives de valorisation énergétique de la biomasse ce contexte ? Pour être compéti-
(Plan National Biocombustible – Contexte baril de pétrole à 50 USD)

1 Source : Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières – Ministère de l’Industrie. Mtep : million de tonne équivalent pétrole

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 16


6
16
Positionnement de l’ONF dans la filière bois énergie

L’ONF est impliqué depuis la fin des années 90 sur


des approvisionnements en plaquettes forestières
de chaufferies communales. Cela concerne des
communes forestières, pour lesquelles l’ONF
assure une prestation de maîtrise d’œuvre pour Ile-de-France - Nord-Ouest
l’exploitation des bois et leur transformation en Lorraine
Alsace
plaquettes forestières jusqu’à la livraison en
chaufferie. Puis en 2003, un réseau bois-énergie a Bourgogne -
été créé au sein de l’ONF avec un coordinateur Champagne-Ardenne
national, ce réseau ayant pour objectif principal de
définir et de mettre en œuvre la politique de Centre-Ouest
l’établissement en matière de bois-énergie. Dans Franche-Comté
la foulée, un guide marketing « Bois Energie » a
été élaboré pour encadrer les actions menées dans
Type
le domaine au sein de l’office. Auvergne - Limousin
Maîtrise d’œuvre ONF
Rhône-Alpes
Chaufferie locale

En 2005, une nouvelle étape a été franchie en Approvisionnements


directs ONFE
positionnant l’établissement sur la fourniture Chaufferie locale
Site industriel
directe de plaquettes forestières avec notamment Réseau de chaleur
l’approvisionnement de la chaufferie de Planoise à Taille (tonnage/an)
de 0 à 1 000
Sud-Ouest
Méditerranée
Besançon, correspondant à une livraison de 5 000 de 1 001 à 5 000
5 001 et plus
tonnes par an. Ce positionnement traduit une Corse
volonté de développer la filière bois-énergie en
harmonie avec les autres filières classiques (bois
d’œuvre, bois de trituration) et d’adapter nos
pratiques sylvicoles toujours dans le respect de la
gestion durable des forêts. Ce positionnement répond aussi à la demande du Ministère de l’Agriculture qui souhaite que
l’ONF joue un rôle moteur et fédérateur dans le développement de la filière bois-énergie.

De même, l’inscription dans le contrat Etat-ONF du projet « 1 000 chaufferies bois en milieu rural » porté par la Fédération
Nationale des Communes Forestières constitue un encouragement supplémentaire au développement de l’activité bois-
énergie au sein de l’établissement.

Enfin en 2006, une filiale spécifiquement dédiée à la commercialisation de plaquettes forestières, ONF Energie, a été créée.
Cette création a été motivée par le retour d’expérience sur la période 2004/2005. En effet, le positionnement en tant que
fournisseur direct de plaquettes forestières se heurtait à différentes contraintes liées aux statuts de l’ONF :
- impossibilité de faire du négoce de bois et donc de proposer des « mixtes produits » ou de couvrir certaines défaillances
d’approvisionnement en achetant ponctuellement du combustible bois à des tiers ;
- obligation de recourir au code des marchés publics pour contractualiser les prestations de travaux pour la production de
plaquettes (exploitation, broyage et transport). Ceci entravait la fidélisation de partenariat avec des entreprises de travaux,
fidélisation pourtant nécessaire pour optimiser les circuits logistiques.
La création de la filiale a permis de lever ces obstacles, de rendre l’ONF plus réactif face aux multiples sollicitations en matière
d’approvisionnement en plaquettes et enfin de conforter son positionnement en tant que fournisseur direct de combustible bois.

L’objectif principal de l’ONF en matière de bois-énergie est d’être un acteur structurant au profit du développement de la
filière. Pour jouer ce rôle, l’ONF a mis en place une organisation interne adaptée (réseau interne, filiale ONF Energie) et a
développé des partenariats étroits avec d’autres acteurs du monde forestier, notamment la Fédération Nationale des
Communes Forestières et l’Union de la Coopération Forestière Française. Cette stratégie s’appuie sur la conviction que le
développement de la filière bois-énergie doit être maîtrisée par les producteurs-gestionnaires des espaces forestiers pour
garantir une gestion harmonieuse et durable des forêts.
Cette volonté de jouer un rôle majeur se traduit concrètement par une série d’actions, à différents niveaux :
« réflexion » sur le rôle du secteur forestier dans la politique énergétique française à travers différents groupes de travail
ou études (Programme National de Recherche sur les Bioénergies, Plan National Biocombustible, Etude de l’impact de la
récolte des rémanents sur la fertilité des sols…) ;
« conseil et expertise » pour orienter les porteurs de projets bois-énergie avec l’élaboration d’étude ressource ou de
plan d’approvisionnement. Sur la période 2004-2006, l’ONF a réalisé plus d’une dizaine d’études ressource ou plan d’ap-
provisionnement ;
« réalisation » : approvisionnements et gestion de plateforme (ONF Energie). ONF Energie approvisionne aujourd’hui
une quinzaine d’unités pour un total d’environ 40 000 tonnes de plaquettes forestières.

17
177 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
la demande en bois bûche et en
100 plaquettes d’industrie (connexes)
explique en bonne partie ce phé-
75 nomène. Les industries de la tritu-
ration s’inquiètent de cette évolu-
€/MWh

50 tion. Pour tempérer cela, l’ONF


propose des contrats d’approvi-
25 sionnements pluriannuels aux
industries de la trituration per-
0
Electricité Gaz Charbon Granulés Gaz Fioul Bois Bois mettant de lisser ces secousses
DT propane naturel bûche broyé
de prix et recherche de nouveaux
gisements non concurrentiels
Fig. 1 : prix moyen (rapporté au MWh produit) des combustibles entrée pour le développement de la
chaudière, d’après ITEBE 2002 filière bois-énergie plaquettes
(dépressages, surbilles…).

tive, la plaquette forestière doit


le plus souvent être mélangée à
d’autres combustibles de moin- La hausse brutale du coût des Ambroise GRAFFIN
dre valeur (produits connexes, énergies fossiles jusqu’au 3e tri- ONF-DMD, chargé de mission bois-
déchets industriels banals, bois mestre 2006 a certes favorisé énergie
de rebut, bois d’élagage…). l’émergence de projets de ambroise.graffin@onf.fr
chaufferies bois collectives
Parmi les biocombustibles poten- (réseau de chaleur) ou industriel-
tiels, la plaquette forestière (bois les. Elle s’est accompagnée de
broyé) est bien placée en termes fortes tensions sur le marché du Bibliographie
de compétitivité économique. bois de chauffage et de tritura-
Néanmoins, la dimension du gise- tion avec deux conséquences
ment mobilisable dépendra forte- principales : ROY C, 2006. Plan Biocombustible.
ment de la compétitivité des bio- difficulté pour trouver la res- Coordination interministérielle
combustibles alternatifs, notam- source à un coût d’exploitation Biomasse, 93 p.
ment des cultures énergétiques acceptable et sans perturber la
(taillis à courte rotation, cultures demande des usages concur- Ministère de l’Industrie, 2006.
agricoles plantes entières). De rents (papetiers, panneauteurs) ; Programmation Pluriannuelle des
même, les possibilités d’importa- forte hausse du coût de la bio- Investissements de production de
tion de biomasse, à partir masse se traduisant directement chaleur. Ministère de l’Industrie,
d’Amérique du Sud ou des pays dans le coût des plaquettes 107 p.
de l’Est, influenceront ce marché. forestières après transformation.
Les porteurs de projet, en parti- Ademe, 2006. Programme national
Cette mobilisation accrue de culier les industriels du chauf- bois énergie 2000-2006 : rapport
combustible bois dans les années fage, n’ont pas encore totale- d’activités 2000-2005. Angers :
à venir entraîne une réflexion plus ment intégré que la plaquette Ademe, 113 p.
générale sur le développement forestière avait un coût devant
harmonieux des différentes filiè- permettre la juste rémunération
res de valorisation du bois. Plus des détenteurs de ressources et
concrètement, on observe une de la chaîne de transformation.
demande à la hausse sur les petits Le marché reste néanmoins por-
bois dont les cours ont progressé teur dans l’avenir sous réserve
de 30 à 70 % sur les exercices d’une stabilisation des cours du
2005-2006. De même, les produits bois permettant une meilleure
connexes ont connu une valorisa- lisibilité sur l’évolution des prix.
tion certaine depuis quelques
années. Comment expliquer ces P. Goupil,
tendances ? L’augmentation de Président d’ONF Énergie

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


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18
Évaluer la ressource bois-énergie
Dans un contexte désormais porteur, l’évaluation de la ressource bois-énergie, à
différentes échelles, est indispensable pour organiser la (les) filière(s), les politiques
locales et concevoir des projets pertinents… Éclairage en trois exemples choisis :
l’évaluation nationale du gisement brut, présentée par Thierry Bélouard et Stéphanie
Lucas (IFN), et les études ressource de la région Lorraine et du département de Haute-
Marne, respectivement exposées par André Richter et Delphine Pierrat.
Estimation du gisement brut Quelques principes faite que ce gisement se présentera
en plaquettes forestières en L’estimation du gisement s’est sous la forme de plaquettes forestiè-
France, à partir de données concentrée sur le compartiment res dans sa forme finale.
IFN « non-commercial » de l’arbre,
c’est-à-dire hors découpe commer- Par ailleurs, le taux de prélèvement
L’Agence de l’environnement et de ciale (voir encadré). L’étude utilise le de bois en France s’élève à 69 %
la maîtrise de l’énergie (Ademe) terme de rémanents pour désigner de la production nette annuelle
souhaite promouvoir et dévelop- les produits (petit bois, menu bois et (d’après les indicateurs de gestion
per l’utilisation du bois-énergie en branches) qui peuvent être issus de durable des forêts françaises, édi-
particulier par le biais des plaquet- ce compartiment, soit des produits tion 2005). Cela signifie que, même
tes forestières. Pour cela, il était compris entre une découpe bois fort dans un processus de gestion
essentiel de disposer d’une esti- commerciale (14 - 20 cm) et une durable de la forêt, il est possible
mation des disponibilités de ce découpe fin bout. Cette définition d’accroître de manière significative
produit à l’échelle nationale. Cette diffère de celle employée classique- les récoltes, en soulignant qu’un
mission a été confiée à l’Inventaire ment à l’ONF, où le terme de réma- taux de 100 % est naturellement
forestier national (IFN), qui a réalisé nent désigne des produits compris illusoire.
ce travail à partir de ses données entre une découpe bois fort (7 cm)
aux niveaux national et régional en et une découpe fin bout. La méthode du bilan appliquée
2004-2005. L’évaluation est faite Par ailleurs, seuls les rémanents pro- aux feuillus
sous forme de gisements poten- venant des forêts de production L’écriture du bilan de matière entre
tiels bruts, c’est-à-dire qu’elle ne ont été pris en compte ; les forêts deux inventaires forestiers successifs
tient pas compte des contraintes récréatives ou de protection, les (notés 1 et 2) permet d’estimer les
techniques (accessibilité à la res- peupleraies, les haies, les aligne- prélèvements pour la période cor-
source…) ni d’aucun critère écono- ments, les arbres épars, les vergers respondante :
mique. et les arbres urbains ne sont pas volume 1 + production nette =
inclus. L’hypothèse a également été volume 2 + prélèvements

Les différents compartiments de l’arbre

L’arbre est décomposé en 3 compartiments : le bois fort commercial, le petit bois de la tige, le menu bois et les branches.
Les autres parties de l’arbre, comme les feuilles, les aiguilles, la souche et les racines,
ne sont pas prises en compte : Menu bois
le bois fort commercial : volume de la tige en dessous de la découpe et branches
commerciale fixée à 14 cm pour les conifères et 20 cm pour les feuillus (7 cm pour
le taillis). Dans l’option « gisement actuel », la production de plaquettes
forestières n’a pas été envisagée à partir de ce compartiment ;
le petit bois de la tige : volume de la tige comprise entre la découpe
commerciale et la découpe bois fort (7 cm fin bout). Il est estimé à partir de Découpe
bois fort
l’échantillon des arbres mesurés par l’IFN. Le volume de rémanents petits bois est
Petit bois
calculé selon le groupe d’essences et la classe de dimension de l’arbre ;
Découpe
le menu bois et les branches, c’est le volume de la tige au-delà de la découpe commerciale Volume
IFN
bois fort (7 cm) et le volume des branches. Ce volume est estimé à partir de
Bois fort
facteurs d’expansion issus du programme de recherche Carbofor (voir commercial
bibliographie).

119119
19 1 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Comme la production nette et les Gisements potentiels bruts
volumes sont estimés à chaque
inventaire de l’IFN, il est possible Le gisement 1 représente le potentiel associé aux prélèvements actuels. Il corres-
d’en déduire les prélèvements pond pour les feuillus, aux rémanents des récoltes estimés par la méthode du bilan,
totaux exprimés en volume de tige pour les résineux aux disponibilités du scénario actuel sur la période 2003-2005.
arrêté à la découpe fin bout de 7 cm
(autoconsommation incluse). Le gisement 2 correspond au potentiel associé à une intensification des prélè-
Actuellement, les prélèvements vements, c’est-à-dire aux rémanents de la récolte supplémentaire suivante :
sont inférieurs à la production nette. feuillus : « production nette » – « prélèvements » ; soit le volume annuel
La différence entre production nette actuellement capitalisé ;
résineux : « disponibilité selon le scénario futur sur la période 2011-2015 » –
et prélèvements constitue une pre-
« gisement 1 ».
mière estimation simple d’une pos-
sible intensification des récoltes à la Dans le cas particulier des taillis simples et des éclaircies de petit bois en futaie
double condition que : (i) la struc- résineuse, on considère que c’est la totalité de l’arbre qui est utilisée comme
ture des peuplements en terme de bois-énergie.
classe d’âge ou de classe de diamè-
tre soit équilibrée et (ii) leur impor- Les gisements peuvent être également répartis selon différents critères tels que
tance (surface) soit stable. Si on la région administrative, la structure du peuplement (futaie/taillis/mélange), le
considère que la première condition groupe d’essences (feuillu/résineux), l’exploitabilité (au sens IFN, défini par qua-
est vérifiée au niveau national en tre observations comme la pente, la portance…), la classe de dimension de l’ar-
première approximation, on sait bre (cf. site www.boisenergie.ifn.fr).
parfaitement que la surface des
peuplements feuillus augmente rémanents liés au niveau actuel de déduire le gisement effectivement
régulièrement en France. Cet état récolte, l’autre suppose une intensi- non mobilisé.
de fait entraîne une sous-estima- fication des prélèvements (voir L’étude ne prend pas en compte le
tion du gisement feuillu de bois- encadré). fait qu’il est indispensable de laisser
énergie par cette méthode. quelques rémanents en forêt pour le
Principaux résultats de maintien de la biodiversité (bois
Pour les résineux, l’utilisation des l’estimation du gisement brut mort), la protection physique et la
résultats d’une étude prospective richesse chimique des sols.
Pour les résineux, l’hypothèse d’une Le gisement brut lié à l’exploitation L’étude se limite aux forêts de pro-
stabilité de la production nette est actuelle est estimé à 7,3 Mtep1 par duction qui selon l’IFN couvrent 14,6
encore moins acceptable : les dispo- an, soit environ 34 Mm3, dont 74 % millions d’hectares (chiffre 2004).
nibilités vont fortement augmenter issus du compartiment « menu bois Pour que l’étude soit exhaustive au
à l’avenir avec l’arrivée à maturité et branches » (< 7 cm) et 26 % du niveau français, il faudrait ajouter les
des plantations de la seconde moi- compartiment « petit bois ». Les peupleraies et les rémanents issus
tié du 20e siècle (épicéa et douglas régions qui présentent le plus gros
notamment). potentiel sont l’Aquitaine, la
La disponibilité est définie comme Lorraine, Rhône-Alpes et la Franche- Nord - Pas-de-Calais
40
la quantité de bois qu’il sera possi- Comté (figure 1). Un scénario d’in- Haute-Normandie
Picardie
ble de prélever dans une zone don- tensification de la récolte bois-éner- Basse-Normandie
155 171
70 Ile-de-France Lorraine
née, pendant une période donnée gie, incluant notamment une valori- Bretagne 91
344 622 Alsace
Champagne-Ardenne
en appliquant des règles raisonna- sation d’éclaircies résineuses et de 100
Centre
219
Pays de la Loire
bles de gestion. Elle est estimée à taillis, déboucherait sur un potentiel 148
337 Bourgogne
Franche-Comté
314
partir de l’état actuel de la res- supplémentaire de 4,8 Mtep/an, soit 382
Poitou-
source, de modèles de croissance et environ 22 Mm3. Gisement Charentes
168 Limousin
de scénarios de gestion sylvicole. (ktep/an)
259 197 Rhône-Alpes
< 100 Auvergne
À partir d’une base de données Limites et possibilités d’amélio- 100 - 200
412
Aquitaine
constituée par l’IFN et l’Afocel (asso- ration de l’étude 200 - 300
723
300 - 500 Midi-Pyrénnées Provence-Alpes
ciation forêt cellulose) lors d’une L’étude a été réalisée en se plaçant > 500 324 177
Côte d'Azur
151
étude sur les disponibilités résineu- dans une logique de sous-produit Languedoc-Roussillon
Corse
ses pour la France entière à l’horizon et selon l’hypothèse de non-
Equivalence : 1 tonne anhydre = 0,43 tep 34
2015, il a été possible d’évaluer les concurrence entre les usages du Source : IFN, 2005
gisements potentiels de plaquettes bois. La part de bois bûche au sein
résineuses. du gisement actuel est mal Fig. 1 : gisement brut issu des
Deux types de gisement ont été connue, elle doit être déterminée rémanents de l’exploitation forestière
identifiés : l’un correspond aux de manière plus précise afin d’en actuelle (branches et menu bois)
2 enquête sur l’utilisation du territoire réalisée par les statisticiens agricoles à partir d’un échantillon de points répartis sur l’ensemble du territoire ; permet d’obte-
nir les surfaces par type d’utilisation selon une nomenclature physique.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 20


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10
des arbres hors forêts (haies, aligne- pour cet usage, notamment la res- le plus souvent de l’échelle d’étude.
ments et arbres épars) dont la source de proximité. En effet, les Schématiquement, on peut distin-
superficie est estimée par Teruti2 à unités potentiellement consomma- guer les niveaux d’étude suivants :
920 000 hectares. trices de plaquettes forestières Niveau national ou régional avec
Il est essentiel de rappeler que les (chaufferie bois automatique, cen- utilisation majoritaire de données
gisements bruts présentés ici ne trale de cogénération, usine de bio- statistiques, type Inventaire
tiennent pas compte des facteurs carburant…) présentent des durées Forestier National ou Enquête
de réfaction liés au contexte tech- d’amortissement le plus souvent Annuelle de Branche ;
nico-économique. Il est donc clair supérieures à 10 ans et ont besoin Niveau départemental ou com-
qu’une part conséquente de ces d’un approvisionnement sécurisé munal avec utilisation majoritaire de
gisements ne sera jamais mobilisée sur cette durée. Par ailleurs, la pla- données terrain type plans d’amé-
(voir l’encadré de A. Graffin). quette forestière est un produit à fai- nagement, base de données cou-
Cette étude est un premier ble valeur ajoutée dans lequel le pes et travaux.
cadrage des gisements de bois- coût du transport correspond au
énergie aux échelles nationale et minimum à 20 % du coût total. Les deux exemples exposés ci-après
régionale. Elle montre que les dis- Aussi, pour minimiser les variations illustrent ces différentes approches
ponibilités actuelles sont réelles. de prix, le producteur de plaquettes et s’attachent à expliquer les écarts
Cependant, la situation peut être devra posséder une bonne connais- possibles entre les résultats affichés.
localement différente. Aussi, la mise sance de la localisation de la res-
en œuvre d’un projet utilisant des source forestière qu’il pourra utiliser. Estimation de la disponibilité
plaquettes forestières nécessite une Des unités de transformation de en bois-énergie des forêts de
étude locale des disponibilités plus bois d’œuvre ou de trituration Lorraine
poussée à court et moyen terme, seront moins sujettes à cet « impact L’ONF a réalisé en 2005, en partena-
intégrant le contexte technico-éco- transport », car les produits consi- riat avec la Coopérative Forêts et
nomique local. dérés présentent une valeur de base Bois de l’Est, une étude visant à esti-
plus élevée. mer la biomasse forestière disponi-
Gisement brut n’est pas ble pour une utilisation énergétique
ressource mobilisable Diverses méthodes ont été mises au sur une période de 10 ans. Cette
point et sont utilisées pour conduire étude, financée en partie par le
L’approvisionnement d’unités des évaluations de la ressource dis- conseil régional de Lorraine, devait
consommant de la plaquette fores- ponible pour une valorisation en notamment préciser les résultats de
tière nécessite une bonne connais- plaquettes forestières. Le choix de la l’évaluation nationale IFN —
sance de la ressource mobilisable méthode ou de l’approche dépend Solagro.

Exemple d’utilisation des résultats Le contexte lorrain du bois-éner-


gie
Le bureau d’étude Solagro a formulé des scénarios de mobilisation selon La pression sur le bois d’industrie est
différentes hypothèses, à appliquer sur l’estimation du gisement brut réalisé par forte dans la région : pas moins de
l’IFN. Dans le contexte actuel, le croisement entre gisement brut et hypothèses 15 industries de la trituration s’ap-
de mobilisation donnerait les résultats suivants, extraits à partir du site
provisionnent en Lorraine, pour un
www.boisenergie.ifn.fr où sont consignés l’ensemble des résultats issus des
travaux de l’IFN et de Solagro :
volume d’environ 1,9 million de
pour un prix du marché de 17 €/MWh entrée chaufferie, 0,9 Mtep/an du tonnes brutes. La question de la
gisement petit bois (14-20 cm < d < 7 cm) sont mobilisables, soit environ concurrence entre bois d’industrie
4,2 Mm3 ; et bois-énergie est donc particuliè-
pour le même prix de marché de 17 €/MWh entrée chaufferie, 2,7 Mtep/an rement prégnante.
du gisement menu bois et branches (d < 7 cm) sont mobilisables, soit environ
12,6 Mm3. En considérant que la mobilisation des rémanents est Dans ce contexte, les résultats de
écologiquement possible (voir l’article « Maîtriser les impacts » de ce même l’étude IFN — Solagro ont été très
dossier) dans 50 % des cas et que sur ce type de chantier on arrive critiqués par les industriels comme
techniquement à mobiliser en moyenne 50 % du volume théorique, le potentiel par les forestiers pour au moins 2 rai-
net est alors d’environ 3,1 Mm3.
sons :
On en déduit ainsi un potentiel net mobilisable dans les conditions techniques
et économiques actuelles de 7,3 Mm3/an. Si le prix du marché passe à
le disponible calculé intégrait tous
20 €/MWh, ce potentiel monte à environ 9 Mm3. Ce chiffre est à rapprocher des les volumes de bois au-delà de la
10 à 12 Mm3 disponibles évoqués à dire d’expert par l’ensemble des acteurs de découpe bois fort, or ces volumes
la filière bois. sont déjà largement utilisés par l’in-
dustrie,
A. Graffin

21211111 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


les calculs de disponibilité se sont les rémanents d’exploitation de menée par le CRPF (centre régional
basés sur les données d’inventaires toutes les essences, qui consti- de la propriété forestière) et L’ONF
de l’IFN datant du début des tuaient une ressource nouvelle abor- en 2002 et 2004. On a ensuite consi-
années 90, avec une prise en dée dans toutes les études précé- déré que l’excès de surface terrière,
compte approximative des effets de dentes. Compte tenu des risques mesuré à partir des données de
la tempête de décembre 1999. encourus par une trop forte exporta- l’IFN, serait résorbé par coupes suc-
tion minérale, l’étude a été circons- cessives sur une période de 10 ans ;
Une méthode innovante crite aux coupes de régénération. houppiers de chêne : le volume
Dans les études de disponibilités Les données de l’IFN ont été utili- de houppiers a été estimé en appli-
forestières classiques, la méthodolo- sées dans la mesure où la tempête quant un coefficient de houppier
gie consiste à comparer une offre n’avait pas eu d’impact sur les gise- aux volumes de bois d’œuvre com-
potentielle calculée d’après les don- ments étudiés, ce qui est le cas pour mercialisés, et en considérant que
nées de l’IFN à une récolte estimée les bois de taillis et les bois de faible 50 % de ce volume était disponible
d’après l’enquête annuelle de bran- diamètre. Par ailleurs, le cas des à terme compte tenu de l’évolution
che. Cette enquête est réalisée éventuels volumes supplémentaires de la demande de l’industrie (peu
annuellement par les services du de bois d’œuvre n’a pas été abordé, intéressée par cette essence pour
ministère de l’Agriculture et de la considérant que toute l’offre dispo- des raisons techniques) et en bois
Pêche, qui recueillent et synthéti- nible était mobilisée. de chauffage ;
sent les déclarations établies par bois de faible diamètre : des
tous les exploitants. En parallèle à l’évaluation en volume hypothèses de sylviculture minima-
de ces gisements, deux enquêtes liste et dynamique ont été appli-
La particularité de l’étude réside ont été réalisées : la première, des- quées aux jeunes peuplements
dans le fait que les gestionnaires tinée aux unités territoriales ONF, inventoriés par l’IFN. Dans le cas des
forestiers ont commencé par identi- avait pour but de valider les hypo- cloisonnements d’exploitation, il a
fier les produits insuffisamment thèses de gisement et de les carto- été considéré que les surfaces en
mobilisés, avant d’évaluer les volu- graphier ; la deuxième, à destina- retard de cloisonnement feraient
mes disponibles pour chaque pro- tion des industries de la trituration l’objet d’un rattrapage dans les 10
duit. Pour la Lorraine, les produits s’approvisionnant en Lorraine, avait ans ;
identifiés étaient les suivants : permis de quantifier les augmenta- rémanents d’exploitation : le
les bois de taillis (issus de taillis tions de capacité prévues pour le volume pris en compte correspond
pur ou taillis sous futaie (TSF)), pour bois d’industrie. aux rémanents mis en andains dans
lesquels il y avait une surcapitalisa- les coupes de régénération, évalué
tion constatée en forêt privée ; Les hypothèses retenues à partir des données des comptes
les houppiers de chêne, c’est-à- Les hypothèses chiffrées n’ont d’in- coupes des agences ONF.
dire les produits correspondant au térêt que pour la Lorraine et ne
bois d’industrie ou au bois de feu de seront donc pas détaillées ici. Au final, après déduction des volu-
chêne, et dont les difficultés d’écou- L’évaluation du volume disponible mes supplémentaires pouvant être
lement pouvaient localement gêner de chaque gisement s’est faite selon utilisés par l’industrie, il reste un
les mises en régénération ; les hypothèses suivantes : potentiel de 450 000 m3/an (soit
les bois de faible diamètre bois de taillis : une valeur opti- 400 000 tonnes) de biomasse pour
(dépressage, ouverture de cloison- male pour la surface terrière du tail- un usage énergétique. Ce chiffre est
nement, premières éclaircies pré- lis a été fixée d’après une étude à comparer aux 2 millions de tonnes
commerciales), pour lesquels l’ab- obtenues en hypothèse moyenne
sence de débouché constituait un pour l’étude IFN — Solagro.
frein à une sylviculture dynamique
précoce ; Les suites de l’étude lorraine
L’évaluation en volume de gise-
ments de bois disponible n’est
qu’une étape : il faut s’assurer que
ces gisements sont mobilisables à
des coûts économiquement sup-
portables pour le propriétaire. Une
A. Rcichter, ONF
A. Rcichter, ONF

deuxième étude, avec les mêmes


partenaires et financée par la DRAF
(direction régionale de l’Agriculture
et de la Forêt), a été entreprise pour
Bois de taillis (TSF) Ouverture de cloisonnement mettre en face de chaque gisement
(déchiqueteuse automotrice)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 22


02
10
22
10
identifié des coûts et des itinéraires niveau du département avec une Consignations, expert forestier
techniques de mobilisation. Les ventilation des potentiels par unité M. Rousselin) et les résultats ont été
conclusions de cette étude, basée territoriale. Ces résultats provien- extrapolés à l’ensemble de la forêt
sur le suivi de différents chantiers nent d’analyses réalisées sur l’en- privée en utilisant les coefficients
test, seront disponibles au prin- semble des forêts publiques suivants, établis à dire d’expert :
temps 2007. (135 000 ha) et sur environ 1/3 des forêts sous PSG agréé : 100 % ;
forêts privées soumises à plan sim- forêts à PSG non agréé et forêts de
Par ailleurs, la méthodologie de ple de gestion (PSG ; 22 000 ha), plus de 25 ha sans PSG : 70 - 80 % ;
l’étude Lorraine a été reprise au ce qui correspond à environ 65 % forêts entre 10 et 25 hectares :
niveau national dans une étude de la superficie forestière du dépar- 50 – 60 % ;
financée par le ministère de tement. La période de validité de forêts entre 4 et 10 hectares :
l’Agriculture et de la Pêche, et ces estimations s’étend de 2006 à 30 – 40 % ;
confiée au Cemagref. Cette étude 2015. forêts de moins de 4 hectares :
vise à déterminer la biomasse dispo- 10 – 20 %.
nible pour de nouveaux usages La première étape de l’estimation
(énergie, biomatériaux) en y asso- du potentiel bois-énergie plaquet- L’ensemble des résultats, forêt
ciant tous les professionnels concer- tes consiste à déterminer les types publique et forêt privée, a été
nés, les résultats n’en seront toute- de produits forestiers qui pourront regroupé sur une base de données
fois pas connus avant le mois de être valorisés sous cette forme. Le unique, géoréferencée, avec
septembre 2007. critère de choix principal est l’ab- comme maille unitaire l’unité terri-
sence ou la mauvaise valorisation toriale ONF.
Étude de la ressource des produits. Dans le contexte haut-
forestière en bois-énergie marnais, cette analyse a permis Un potentiel bois-énergie à géo-
pour la Haute-Marne d’identifier les gisements suivants : métrie variable…
1 : houppiers feuillus ; L’étude met en évidence une dispo-
À la demande du conseil général de 2 : éclaircies précoces en peuple- nibilité de 38 à 68 000 m3/an pour
Haute-Marne, l’ONF et le CRPF de ments feuillus (dépressages, net- une valorisation bois-énergie pla-
Champagne-Ardenne ont réalisé en toiements…) ; quettes en Haute-Marne dans le
2006 une étude conjointe sur le 3 : houppiers et rémanents en peu- contexte actuel (« scénario 1 ou dis-
potentiel bois-énergie des forêts du plements résineux ; ponible actuel »). Le différentiel de
département, comprenant : 4 : taillis ; 30 000 m3 vient de l’incertitude
une estimation de la ressource 5 : grumes et surbilles de qualité D portant sur la rentabilité de la mobi-
disponible et non valorisée actuelle- provenant de bois façonnés, bord lisation des gisements éclaircies pré-
ment dans les forêts publiques et de route. coces feuillus et houppiers/réma-
privées ; nents résineux. Cette disponibilité
une estimation de la ressource En forêt publique, l’estimation du peut varier sensiblement en fonc-
supplémentaire valorisable moyen- potentiel bois-énergie a été réalisée tion du marché local du bois, des
nant une première phase de dyna- à partir de la consultation des bases pratiques sylvicoles et de la desserte
misation de la sylviculture, et de la de données coupes et travaux sur la des massifs forestiers.
récolte ; période 2003-2005, pour gommer
la définition d’un schéma d’ex- l’effet tempête, et de l’analyse Le « scénario 2 ou disponible théo-
ploitation qui permette la mobilisa- générale des documents d’aména- rique maximum » dimensionne
tion effective de cette ressource, et gement. L’exploitation des bases de cette variabilité : si on imagine une
du schéma de desserte « optimal » données a permis de déterminer valorisation intégrale en plaquettes
correspondant ; des prélèvements de référence par forestières des gisements identifiés,
les investissements nécessaires type de produits et la consultation on aboutit à une disponibilité de
sur les infrastructures routières, via des aménagements a autorisé une 370 000 m3/an. L’observation de la
une analyse de l’existant. projection de ces niveaux de récolte ventilation de ces disponibilités per-
sur la période 2006-2015. met d’identifier les gisements sour-
Le présent article détaille la métho- ces de variation : taillis et houppiers
dologie et les principaux résultats En forêt privée, le CRPF a procédé feuillus (figure 2).
de cette étude pour la partie esti- à une analyse des programmes de
mation ressource. coupes et travaux inscrits dans les Le « scénario 3 ou disponible à
PSG sur la période 2006-2010. Les moyen terme » dimensionne la dis-
Méthode d’évaluation de la res- PSG analysés provenaient de trois ponibilité supplémentaire consécu-
source valorisable en bois-énergie grands gestionnaires privés tive à une dynamisation de la sylvi-
L’étude exprime des résultats au (Groufor 52, Caisse des Dépôts et culture et à une amélioration de la

21231113
23 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
m3/an
400 000
ce qui correspond aux hypothèses delphine.pierrat@onf.fr
de mobilisation de l’étude Haute- Bibliographie
300 000 Marne, le potentiel disponible
s’élève à 86 400 m3/an. Enfin, si on SOLAGRO, IFN, 2004. Amélioration
200 000 souligne que le marché du bois de la méthode d’évaluation du
était plus favorable pour une valori- potentiel forestier bois-énergie (pro-
100 000
sation de produits forestiers en pla- duction de plaquettes) : tests sup-
0
quettes en 2004, date de réalisation plémentaires en Limousin,
Scénario 1 Scénario 2 de l’étude IFN — Solagro, qu’en Bourgogne, Rhône-Alpes, Rapport
Houppiers feuillus Houppiers et rémanents résineux
2006, date de finalisation de l’étude d’avancement n° 1, 16 p. + annexes.
Eclaircies précoces feuillus Taillis Qualité D
ONF – CRPF Haute-Marne, on peut
Fig. 2 : ventilation des gisements considérer que les potentiels res- SOLAGRO, IFN, La Rochette, 2003.
bois-énergie de Haute-Marne pectifs affichés (38 à 68 000/86 400) RBM : méthode d’évaluation du
dans les scénarios 1 et 2 sont cohérents. potentiel forestier bois-énergie –
Rapport final. 80 p.
Pour conclure
desserte des massifs forestiers. IFN, 2005 Les indicateurs de ges-
La mobilisation est conditionnée par Ce type d’étude montre la sensibi- tion durable des forêts françaises.
la réalisation d’investissements lité des résultats affichés en fonction Édition 2005. Paris : Ministère de
conséquents et peut être envisagée du contexte (marché du bois, des- l’Agriculture et de la Pêche, IFN.
d’ici 10 ans. Cette estimation s’ap- serte, sylviculture) et souligne la 148 p.
puie sur les hypothèses suivantes : nécessité de préciser les sources de
en forêt publique : rotation des variation pour ajuster les estimations HAMZA N., PIGNARD G., THI-
coupes ramenées à 12 ans, voire à la conjoncture. Enfin, pour obtenir VOLLE-CAZAT A., 2004. Dispo-
8 ans dans les zones les plus produc- des estimations à un niveau de pré- nibilité en bois résineux en France
tives ; cision supérieure, pour l’alimenta- réévaluation après les tempêtes de
en forêt privée : ouverture systé- tion d’une chaufferie communale 1999 (3 tomes). Lattes : IFN.
matique de cloisonnements en TSF, par exemple, il faut réaliser une ana-
augmentation de 5-10 % du volume lyse plus approfondie des docu- À consulter aussi :
prélevé dans les houppiers de TSF, ments de gestion des massifs fores-
lancement des conversions dans les tiers concernés, plans d’aménage- L’IFN et ses données : www.ifn.fr
TSF de hêtre. ment en forêt publique et plans sim-
ples de gestion en forêt privée. Une Les principaux résultats de l’étude
L’analyse pour le scénario 3 étude ressource à l’échelle départe- IFN - SOLAGRO d’après un pro-
conduit à l’estimation d’une mentale peut descendre à ce niveau gramme développé par l’IFN :
récolte supplémentaire de 135 à de précision (cf. Étude du potentiel www.boisenergie.ifn.fr
190 000 m3/an, dont 70 000 en bois-énergie dans les forêts publi-
forêt publique et 65 à 120 000 en ques de l’Isère et la Savoie, ONF –
forêt privée. En intégrant les modi- 2004), mais cela dépend des Projet CARBOFOR : Séquestration
fications au niveau de la sylvicul- moyens qui sont affectés à l’étude et de carbone dans les grands écosys-
ture et de la desserte, on pourrait des données disponibles… tèmes forestiers en France.
donc tabler d’ici 10 ans sur une dis- Quantification, spatialisation et
ponibilité de 175 à 260 000 m3/an. Thierry Bélouard impacts de différents scénarios cli-
Stéphanie Lucas matiques et sylvicoles,
Discussion Inventaire Forestier National h t t p : / / m e d i a s . o b s -
L’étude IFN – Solagro affiche un mip.fr/gicc/interface/projet.php?7
potentiel brut de 792 000 m3 par André RICHTER %2F01#Avancement
an pour une valorisation bois-éner- Chargé de mission développement de
gie plaquettes en Haute-Marne (cf. la filière bois
site www.boisenergie.ifn.fr, onglet MAP — Bureau du développement
« gisement personnalisé »). Si on économique
restreint l’extraction aux volumes (en DT ONF de Lorraine jusqu’au
compris entre la découpe commer- 01/06/06)
ciale (15-20 cm) et la découpe bois
fort (7 cm) et aux volumes mobili- Delphine PIERRAT
sables à un coût inférieur à ONF, chargée de développement
17 €/MWh « entrée chaudière », Unité spécialisée de Langres

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 10


10
2404
24
Élaboration d’un plan d’approvisionnement
en plaquettes forestières :
méthode et exemples
Une étude ressource conduit à évaluer un potentiel bois-énergie sur un territoire
donné (région, département, communauté de communes…). L’élaboration d’un plan
d’approvisionnement procède d’une logique différente : on part d’un besoin identifié
(x milliers de tonnes par an) sur un site précis, la zone de prospection n’est donc pas
fixée a priori. Et on étend la prospection jusqu’à atteindre la valeur des besoins affichés.

Avant de décrire les étapes de avec comme principale consé- le rayon d’approvisionnement (cf.
l’élaboration d’un plan d’approvi- quence la réduction des rayons encadré). Les taux de récolte
sionnement, une première ques- d’approvisionnement. Les princi- potentielle proviennent des études
tion s’impose : quand déclencher pes présentés sont issus du retour ressource ou plans d’approvision-
la réalisation d’un tel plan ? Pour d’expérience sur la période 2005- nement réalisés à ce jour.
des besoins allant jusqu’à 500 t/an, 2007.
une étude proprement dite est Une attention particulière doit être
souvent superflue, la ressource dis- Caractérisation de la zone portée à la notion de surface fores-
ponible est identifiée à partir de la d’étude tière prospectable. Dans ce type
consultation des gestionnaires d’étude, une forêt prospectable
concernés. De 500 à 5 000 t/an, La zone de prospection est définie est une forêt de production dont le
une étude de quelques jours peut par un rayon d’approvisionnement. propriétaire est bien identifié
être utile, mais en simplifiant les Ce rayon est fixé en fonction de la (domanial, communal ou privé
étapes présentées ci-dessous. Le surface forestière qu’il permet d’in- adhérent d’une coopérative). En
plan d’approvisionnement sera clure. Si le besoin est par exemple fonction des durées d’engage-
surtout élaboré pour des besoins de 20 000 tonnes de plaquettes ment demandées, la ressource
supérieurs à 5 000 t/an. forestières par an et que, dans la communale sera intégrée ou non
zone considérée, on applique un dans la prospection.
Depuis 2005, l’ONF et GCF taux de récolte potentielle bois-
(Groupe Coopération Forestière) énergie plaquettes de 0,2 t/ha/an, À l’issue de cette phase, on a donc
mènent ce type d’étude conjointe- on en déduit que la zone d’étude fixé un rayon d’approvisionnement
ment. Cette association permet de devra inclure un minimum de ou rayon de prospection et bien
mutualiser la ressource forestière 100 000 ha de « forêts prospecta- identifié les surfaces forestières
et les moyens de mobilisation, bles », ce qui permet alors de fixer prospectables. L’ensemble est
illustré par une carte. L’idéal est de
Détermination du rayon pouvoir disposer des couches SIG
de prospection des différents types de forêt
(domanial, communal et privé par
Le calcul de la surface prospectable Sp s’exprime de la manière suivante : déduction) pour ventiler les surfa-
Sp = ␲R2 x t x c’. ces par rayons d’approvisionne-
Avec R = rayon d’approvisionnement ; t = taux de boisement ; c’= ratio forêt ment progressifs (0-20 km, 20-
prospectable/forêt. 40 km…), mais ces données ne
sont pas toujours disponibles.
La formule précédente permet alors de calculer le rayon d’approvisionnement : Dans ce cas, le niveau de restitu-
R (km) = √ Sp/(t x c’x ␲) tion minimum est le département.
Application : pour c’= 1/3, Sp = 1 000 km2 et t = 25 %, alors R = 71 km

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


années à venir, on va augmenter la
récolte générale dans un secteur
donné, on peut choisir d’affecter un
% (par exemple 5 % de la catégo-
rie houppiers) de la récolte d’une
catégorie donnée mal valorisée
pour du bois-énergie plaquettes.

Dans le rendu, on précisera bien


les volumes non concurrencés ou
« bois + » (exemple : gisement
dépressages) des volumes où une
concurrence existe (exemple :
gisement houppiers pour une valo-
risation en bois bûche). À ce stade,
on obtient donc un potentiel
brut en bois-énergie par départe-
ment, par acteur (agence ONF,
coopérative GCF) et par gisement.
La valeur de ce potentiel est discu-
table et peut évoluer rapidement
en fonction de modifications loca-
les (augmentation de la demande
en petits bois, diminution des tra-
Fig. 1 : exemple de cartographie de la zone d’étude vaux de dépressages en raison de
déséquilibres dans les classes
d’âge, réalisation de gros travaux
Parallèlement, on procède à une Pour chaque gisement et au niveau d’ouverture d’emprise en milieu
rapide description des principales de chaque acteur identifié précé- forestier…), mais cet exercice est
caractéristiques forestières de la demment (agence ONF et coopé- indispensable pour favoriser un
zone, en termes de peuplements rative GCF), on procède à une éva- développement harmonieux du
et de marché du bois, ainsi qu’à luation du potentiel disponible bois-énergie par rapport aux
une présentation des acteurs pour une valorisation bois-énergie autres filières.
concernés, agences de l’ONF et plaquettes. Concrètement, cette
coopératives adhérentes de GCF. évaluation se fait selon deux voies, Du potentiel brut au
complémentaires, choisies en potentiel net…
Typologie des gisements et fonction du niveau d’information
évaluation du potentiel bois- existant : Deux niveaux de concurrence peu-
énergie par gisement vent être distingués pour la res-
Détermination de prélève- source fléchée plaquettes forestiè-
Après avoir bien identifié et carac- ment type par gisement, esti- res :
térisé la zone d’étude, on aborde mation de la surface concernée une concurrence interfilière,
la détermination des gisements de par an et calcul ainsi d’un c’est-à-dire avec la filière trituration
plaquettes forestières. Ces gise- potentiel bois-énergie annuel. et la filière bois bûche. Ce type de
ments correspondent à des types Ce travail réalisé à dire d’expert concurrence a été traité dans les
d’opérations sylvicoles générant fait appel aux services territoriaux paragraphes précédents, au
des types de produits. Exemples : des entités concernées (agences moment de l’identification et de
dépressage de jeunes peuple- ONF et coopératives GCF). l’évaluation des gisements de pla-
ments, relevés de couvert, houp- Exemple : 200 ha de coupe de quettes forestières ;
piers… Le critère principal de taillis avec un prélèvement moyen une concurrence intrafilière,
choix est l’absence ou la mau- de 60 t/ha donneront un poten- consécutive au développement
vaise valorisation des produits. tiel de 12 000 t/an pour ce gise- d’autres projets consommateurs
Cette nuance (absence ou mau- ment « coupe de taillis ». de plaquettes forestières.
vaise) est importante, car elle indi- Utilisation de base de données Pour apprécier cette concurrence
que s’il existe une concurrence ou de coupes et travaux ainsi que de intrafilière, on recense les projets
non pour le produit considéré. données de commercialisation. locaux (le plus souvent il s’agit de
Exemple : sachant que dans les chaufferies bois automatiques)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


consommateurs potentiels de pla- Itinéraires techniques, coûts lité en plaquettes forestières est
quettes forestières. Cette évalua- et prix global de de 15 000 t/an etc. ;
tion se fait en étroite concertation l’approvisionnement Tonnage et acteur - Exemple :
avec les délégations régionales de 30 % des tonnages identifiés vien-
l’Ademe qui ont une bonne visibi- Pour chaque gisement identifié, nent de la coopérative X ;
lité de la dynamique de ces projets on proposera un itinéraire techni- Tonnage et gisement -
grâce aux subventions qu’elles que argumenté qui sera chiffré au Exemple : 50 % du tonnage vient
accordent. Pratiquement tous les niveau économique. À dire d’ex- du gisement coupe de taillis.
projets bois-énergie font appel à pert et avec le retour d’expé- Etc.
ces subventions. Cette évaluation rience, les facteurs discriminants
se concentre sur des projets déjà sont : le temps de transport lié Valeur du plan
fonctionnels ou dont l’instruction en bonne partie à la distance d’approvisionnement
est bien avancée (étude de faisabi- d’approvisionnement, le prix du
lité, réalisation en cours). bois sur pied et les conditions À la différence de l’étude res-
Comptabiliser toutes les « idées d’exploitation des bois (topo- source, le plan d’approvisionne-
de projet » reviendrait à suresti- graphie, desserte). Cette analyse ment a une valeur d’engagement
mer fortement la demande en pla- est réitérée pour chaque gise- pour les producteurs, ONF et
quettes forestières. Ces informa- ment, ce qui permet d’aboutir à GCF, vis-à-vis du porteur de pro-
tions émanant de l’Ademe sont un niveau d’estimation du prix jet, à hauteur des volumes identi-
complétées par nos informations global de l’approvisionnement fiés. Le prix affiché n’est pas figé,
propres issues de contacts régu- assez précis. mais constitue une base de discus-
liers avec les principaux opérateurs sion pour la négociation d’un éven-
de l’énergie et les collectivités. Le tableau 1 illustre la phase de tuel contrat d’approvisionnement.
synthèse du plan d’approvisionne-
Cette évaluation conduit à identi- ment. Certains champs (départe-
fier la demande dans les années à ment, niveau de concurrence…) ne Sophie PITOCCHI
venir (3-4 ans) en plaquettes fores- sont pas affichés. À partir de ces GCF, chargée de mission bois-énergie
tières. Là encore le niveau de données unitaires, on peut réaliser sophie.pitocchi@ucff.asso.fr
récolte de l’information est le une succession d’extractions ou
département. Lorsqu’on défalque croisements qui permettent de Ambroise GRAFFIN
cette consommation prévisionnelle caractériser le potentiel en pla- ONF, chargé de mission bois-énergie
du potentiel brut précédemment quettes forestières ainsi mis en évi- ambroise.graffin@onf.fr
estimé, on obtient ainsi une éva- dence :
luation du potentiel net disponible Tonnage et prix - Exemple :
pour le projet considéré, par pour 10 000 t/an, le prix moyen
département, par acteur et par est de 17,80 €/MWh ; pour
gisement, avec une distinction du 20 000 t/an, le prix moyen est de
niveau de concurrence au sein de 18,50 €/MWh ; ou pour un prix
chaque gisement. fixé de 18 €/MWh, la disponibi-

Potentiel Potentiel Prix bord de


Potentiel net Transport Prix total Prix total
Origine Gisement brut brut route Moy.
(t/an) (€/t) (€/t) (€/MWh)
(m3/an) (t/an) (€/t 40 %)

Houppiers
20 000 16 000 12 800 44 16 60 21,43
taillis
Agence X 21,01
Dépressages 5 000 4 000 3 200 39 16 55 19,64
“Arbre
500 400 320 34 16 50 17,86
Conseil”
Taillis tilleul 6 500 5 200 3 640 37 13 50 17,86

Coopérative Y Eclaircie chât 6 000 4 800 3 360 37 13 50 17,86 17,99

Rémanents 1 000 800 560 42 13 55 19,64

Total 39 000 31 200 23 800 20,05

Tab. 1 : exemple de tableau synthétique pour le plan d’approvisionnement

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Opportunités sylvicoles de production
bois-énergie
Pour le gestionnaire forestier, la question de la ressource bois-énergie effectivement
mobilisable se pose essentiellement en termes d’opportunités économiques pour la
réalisation des opérations sylvicoles jusqu’ici contrariées faute de débouchés.
Illustration par Damien François pour les forêts de plaine (chantiers pilotes de
Lorraine) et Laurent Descroix pour la montagne.

L’étude de la mobilisation de insuffisamment mobilisés (bois conditions d’accès et d’exploita-


bois-énergie dans les forêts d’éclaircies précoces, rémanents bilité caractéristiques de la res-
lorraines d’exploitation, houppiers de source régionale ;
chêne, taillis…) techniquement et superficie totale suffisante pour
Depuis le printemps 2005, la coo- économiquement mobilisables des évaluations en vraie grandeur ;
pérative forestière Forêts & Bois de pour une valorisation énergétique mobilisation possible d’au mini-
l’Est (F & BE), l’Office national des et ce sans porter préjudice à la mum 30 tonnes/ha de plaquettes
forêts (ONF), le centre régional de filière bois traditionnelle. forestières afin d’assurer la viabilité
la propriété forestière (CRPF) de économique de l’opération ;
Lorraine – Alsace et le service forêt Expérimenter et promouvoir des chaufferie bois en service à
de la chambre d’agriculture des itinéraires techniques viables… moins de 50 km afin d’éviter des
Vosges travaillent conjointement à À travers la mise en place et le suivi surcoûts de transport prohibitifs.
la réalisation d’une étude visant à d’une douzaine de chantiers pilotes
déterminer le bilan technico-éco- de production de plaquettes fores- …pour trois types de situations
nomique de la production et de la tières représentatifs de la ressource sylvicoles
mobilisation de bois-énergie dans régionale, l’objectif est de fournir L’expérimentation ne pouvant
les forêts lorraines. pour chacun des gisements identi- être exhaustive, les itinéraires
fiés des itinéraires techniques chif- techniques envisagés mettent en
Cette étude, commanditée par la frés de mobilisation et de valorisa- œuvre les techniques a priori les
direction régionale de l’Agriculture tion énergétique. Ces chantiers per- plus opérantes pour traiter les
et de la Forêt (DRAF) Lorraine, mettent par ailleurs de mobiliser opportunités sylvicoles identi-
l’Agence régionale de l’environne- l’ensemble des acteurs de la filière fiées, à savoir :
ment en Lorraine (AREL) et bois-énergie autour de projets ouverture de cloisonnements
l’Agence de l’environnement et de concrets et servent de supports de sylvicoles et éclaircie sélective pré-
la maîtrise de l’énergie (Ademe), sensibilisation, de communication commerciale dans des jeunes peu-
fait suite à l’évaluation de la res- et d’animation à destination des plements (feuillus ou résineux,
source bois-énergie, qui avait mis personnes intéressées. Dans un issus de plantation ou de régéné-
en évidence pour les forêts lorrai- second temps, l’étude débouchera ration naturelle) (opération coû-
nes un disponible annuel théori- sur des outils techniques d’informa- teuse réalisée fréquemment trop
que en bois de qualité secondaire tion à destination des propriétaires tardivement faute d’acquéreur) ;
de 500 000 tonnes en complémen- et des gestionnaires forestiers. coupe d’amélioration dans des
tarité des usages industriels et peuplements de taillis sous futaie
domestiques existants. Les différents chantiers ont été (broyage des brins de taillis et pro-
sélectionnés en partenariat avec duits d’éclaircie de faible diamètre,
Accroître la mobilisation des bois l’ONF, le CRPF Lorraine-Alsace et et des houppiers), autre cas fré-
de qualité secondaire le service forêt de la chambre quent d’invendus. Faute de recul,
L’idée de ces études est que, en d’agriculture des Vosges. Les sites ce cas n’est pas présenté dans ce
dépit d’une forte densité d’indus- d’expérimentation retenus sont qui suit ;
tries de trituration, il reste en des chantiers représentatifs des broyage de rémanents après
Lorraine des gisements sylvicoles problématiques à illustrer et satis- coupe rase (= préparation du ter-
de bois de qualité secondaire faisant aux critères suivants : rain avant plantation).

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Premières analyses des 60
chantiers lorrains
50

Un protocole général de suivi de 40


chantier a été adopté par l’ensem-
ble des partenaires du projet afin 30

d’optimiser les enseignements de


20
ces différentes expérimentations.
10
Aujourd’hui, 5 des 12 chantiers
entrepris sont complètement ache- 0
1 2 3 4 5 Moyenne pondérée
vés : le tableau 1 en présente les
principales caractéristiques, le Frais de gestion ( euros / T) Déchiquetage ( euros / T)

tableau 2 et la figure 1 en déga- Chargement / Transport ( euros / T) Abattage, bucheronnage ( euros / T)


Perte au sol ( 5 %) ( euros / T) Achat de bois sur pied ( euros / T)
gent le bilan technique et le bilan
financier. Perte de poids ( euros / T) Marquage des cloisonnements et
désignation des tiges d'avenir ( euros / T)
Bâchage de protection ( euros / T)

Une précision s’impose pour la Débardage ( euros / T) Référence prix de vente de la plaquette forestière
compréhension des éléments du
Fig. 1 : Bilan financier des chantiers bois-énergie (données 2005) -
calcul financier (figure 1). Les coûts
(source : F & BE/UCFF)
de chaque étape de production se
rapportent à la tonne de plaquette
« verte » (50 % d’humidité). Or la duction (abattage professionnel, Pour 2006-2007, il faut rajouter 2 à
référence est le prix de vente de la mécanique ou manuel, puis 3 €/tonne (la rançon du succès ?), ce
plaquette « ressuyée » (35 % broyeur lourd) dans le cadre d’une qui ne remet pas en cause la conclu-
d’humidité) livrée en chaufferie. logistique parfaitement maîtrisée. sion générale, ni les perspectives à
C’est pourquoi on intègre non seu- moyen terme.
lement les frais de transport et de Les marges actuelles entre les
gestion, mais aussi le coût des per- coûts de production et les prix de Et pour les sols ?
tes : pertes inévitables au sol, et vente demeurent cependant rédui- Reste la question de l’appauvrisse-
surtout perte de poids par séchage tes, ce qui bien souvent dans la ment des sols lié à l’exportation
(et éventuellement perte matière pratique ne permet pas encore de des rémanents ; les premières
par fermentation, selon conditions dégager un revenu. Néanmoins la observations ont permis de mettre
de stockage). Noter que cette mise en place d’itinéraires bois- en évidence que le ressuyage des
perte au séchage ne concerne pas énergie comme ceux de cette bois abattus sur les parterres des
les chantiers 1 et 2 : le ressuyage étude offre d’ores et déjà, lorsque coupes (pendant 1 à 6 mois) préa-
des bois abattus donné directe- les conditions s’y prêtent, l’oppor- lablement au broyage limitait le
ment de la plaquette sèche, qui ne tunité de réaliser à coût zéro prélèvement des branches les plus
s’est pas réhumectée malgré le (contre plusieurs centaines d’euros fines, des bourgeons terminaux et
stockage non bâché (temps de par ha précédemment) des opéra- des feuilles, parties de l’arbre les
stockage court). tions sylvicoles fondamentales qui, plus riches en éléments minéraux.
en améliorant la productivité des Rappelons en outre que dans les
Réaliser sans frais les peuplements, bénéficient à l’en- itinéraires proposés, l’exportation
cloisonnements et premières semble de la filière… des rémanents concerne la
éclaircies L’augmentation attendue, dans un 1re éclaircie (broyage tige entière)
futur proche, de la valeur de la bio- et la coupe rase, mais non l’ensem-
Il ressort de cette analyse qu’aux masse sur les marchés de l’énergie ble des éclaircies du peuplement.
prix actuels du marché de la pla- et les améliorations logistiques
quette forestière (de l’ordre de constantes mises en place par l’en- Quant à la préservation physique
15 €/ MW soit environ 45 € la semble des partenaires de la filière des sols, on a pu constater que,
tonne à 35 % d’humidité), le gise- forêt bois, devraient conforter ce sous réserve d’intervenir sur les
ment des bois d’éclaircies préco- bilan déjà plutôt satisfaisant. sols les plus fragiles pendant les
ces et rémanents d’exploitation périodes les plus sèches, l’impact
après coupe rase s’avère techni- Point d’actualisation (N.D.L.R.)Cette du passage des machines semblait
quement et économiquement analyse se rapporte aux conditions de relativement limité.
mobilisable sous réserve de recou- la fin d’année 2005 : le prix d’achat du
rir à des outils industriels de pro- bois sur pied était de 0 à 5 €/tonne.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


N° du chantier 1 2 3 4 5
Commune et statut
de la forêt Igney (88) Bouxières aux Bois (88) Portieux/Moriville (88) Portieux/Moriville (88) Raon aux Bois (88)
(FC = communale, FD = FC FC FD de Fraize FD de Fraize FP
domaniale, FP = privée)
Jeune futaie régulière Jeune futaie régulière Jeune futaie régulière Jeune futaie régulière
Futaie adulte d’épicéas
équienne et monospécifique équienne et monospécifique équienne et monospécifique équienne de hêtres issue
Peuplement communs de 50 ans
de chênes rouges issue de chênes rouges issue de chênes sessiles issue de régénération naturelle
jamais éclaircie
de plantation (1987) de plantation (1986) de plantation (1978) (milieu des années 70)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Ouverture de cloisonnements Broyage de rémanents
Ouverture de d’exploitation (+ éclaircie Ouverture de après coupe rase à
Ouverture de
cloisonnements sélective simultanée, cloisonnements l’abatteuse. Les bois de
Opération cloisonnements
d’exploitation et éclaircie d’intensité supérieure d’exploitation trituration (ici, découpe 10)
d’exploitation
sélective simultanée à celle du chantier n° 1, et de lignes de reprise ont été vendus par ailleurs,
sur 20 % de la surface) à l’unité de produit.

Abattage manuel, Abattage manuel, ressuyage, Abattage manuel, broyage Abattage manuel, broyage Broyage bord de route
ressuyage, puis broyage puis broyage sur parcelle ; sur parcelle ; sur parcelle ; (rémanents + bois secs
Modalités
sur parcelle ; livraison livraison après stockage livraison après stockage livraison après stockage sortis au porteur) ;
après stockage en forêt en forêt en forêt en forêt ivraison en flux tendu

Surface (ha) 5,6 7 11,7 1,5 6

Situation topographique plateau plateau fond de vallon fond de vallon bord de rivière

piste mitoyenne ; piste mitoyenne ;


Desserte piste et route mitoyennes piste et route mitoyennes piste et route mitoyennes
route à 500 m route à 400 m

Zone de stockage mitoyenne distante de 500 m mitoyenne distante de 400 m mitoyenne

Région naturelle plateau lorrain plateau lorrain plateau lorrain plateau lorrain collines sous vosgiennes ouest

moyennement drainée, moyennement drainée, moyennement drainée, moyennement drainée, fraîche à très humide
Station
sur limons épais et marnes sur limons épais et marnes sur limons épais et marnes sur limons épais et marnes localement

Contraintes
sol sujet à l’engorgement sol sujet à l’engorgement sol sujet à l’engorgement sol sujet à l’engorgement
d’exploitation (cf. inter- (RAS, sol filtrant)
et sensible au tassement et sensible au tassement et sensible au tassement et sensible au tassement
vention du broyeur)
Densité moyenne
2 222 2 222 2 665 2 445 -
(nb tiges/ha)
Diamètre moyen

Tab. 1 : Présentation des chantiers bois-énergie lorrains analysés — (source : F & BE/UCFF)
12 11 12 12,5 -
à 1,30 m (cm)
Hauteur moyenne (m) 15 14 15,5 15 -
Masse moyenne
105 85 110 130 -
d’une tige (kg)
N° du chantier 1 2 3 4 5

Commune Igney Bouxières aux Bois Portieux/Moriville Portieux/Moriville Raon aux Bois

Temps nécessaire au marquage (heures) 9 12 - 1,5 -


Temps total nécessaire à l’abattage (heures) 57 63 71 7,5 -
Temps nécessaire au débardage (heures) - - - - 26,8
Temps nécessaire au broyage (heures) 17 40 30 9 21
Quantités produites totales (tonnes) 260 365 395 85 140
Quantités produites (tonnes/ha) 46,5 52 33,8 56,5 23,3
Rendement horaire de l’abattage
4,6 5,8 5,6 11,3 -
(tonnes/heure)
Rendement horaire du débardage
- - - - 5,2
(tonnes/heure)

Rendement horaire du
15,3 9,1 13,2 9,5 6,7
broyage/déchiquetage (tonnes/heure)

Dégâts occasionnés au peuplement négligeables négligeables négligeables négligeables aucun


négligeables négligeables à l’intérieur de la parcelle, quelques ornières négligeable
Dégâts occasionnés au sol
sur les lignes de reprise dans les parties les plus mouilleuses

Tab. 2 : bilan technique des chantiers bois-énergie — (source : F & BE/UCFF)


D. François, F & BE

D. François, F & BE
D. François, F & BE

Ouverture de cloisonnements dans des jeunes peuplements feuillus issus de régénération naturelle
(chantier n° 4) : avant, après, plaquettes produites
D. François, F & BE

D. François, F & BE

Broyage bord de route après coupe rase de résineux (chantier n° 5) :

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L’exploitation des branches La valorisation en plaquette fores-
en forêt de montagne, Enjeux associés au câble en tière de ce gisement, laissé à dis-
nécessité de la mécanisation Rhône-Alpes position à proximité des voies de
et opportunité énergétique débardage, constitue aujourd’hui
Alors que le débardage par câble un nouvel enjeu de ce type d’ex-
En zone de montagne, les ques- est marginal en France, il est le ploitation, notamment pour l’ap-
tions se posent de façon bien dif- principal mode d’exploitation des provisionnement des chaufferies
forêts de montagne des autres
férente. L’apparition de têtes bois de calibre industriel. Les ren-
pays de l’Arc alpin où il constitue
d’ébranchage capables de façon- dements estimés en bois-énergie
le moyen de vidange de réfé-
ner des gros bois résineux a rence. Les coûts d’exploitation dans les coupes résineuses de
ouvert des perspectives nouvelles (abattage + vidange) varient de bois d’œuvre sont de l’ordre de
pour l’exploitation forestière, sur- 30 à 65 €/m3 selon les difficultés 10 à 15 % du volume total, ce qui
tout lorsqu’elles sont associées au d’exploitation. laisse des perspectives de récolte
débardage par câble. Les volumes actuellement exploi- intéressantes.
L’exploitation des arbres entiers tés en Rhône-Alpes sont de l’ordre Cet enjeu renforce collatérale-
permet de réduire le travail du de 10 000 à 15 000 m 3/an en ment la pertinence des questions
bûcheron à la seule opération forêt publique. posées par les bilans de minéralo-
d’abattage, l’ébranchage étant Un plan de développement du masse induits par cette techni-
câble est lancé avec la région
réalisé mécaniquement sur la voie que, notamment dans des
Rhône-Alpes, avec un objectif de
de desserte. contextes de sols les plus acides
l’ordre de 50 000 à 80 000 m3/an
La suppression de l’ébranchage d’ici 5 à 10 ans, pour permettre (voir l’article de ce même dossier
en forêt permet de réduire à la de remobiliser une partie de la sur la maîtrise des impacts).
fois la pénibilité du métier et les ressource actuellement inexploita-
risques, tous deux liés à la pente. ble au tracteur.
Sur le plan économique, les coûts L’enjeu de valorisation des réma- Damien FRANCOIS
de l’abattage sont considérable- nents est de l’ordre de 5 000 à Chargé de mission bois-énergie
ment diminués (de plus de moi- 10 000 tonnes d’ici 5 ans, notam- Coopérative Forestière Forêts &
tié), alors que l’ébrancheuse, ment du fait du développement Bois de l’Est
généralement montée sur une des ébrancheuses dans l’équipe- damien.francois@foretsetboisde-
ment des entreprises de câblage.
pelle à pneus, en assurant le bil- lest.com
lonnage des bois, le cubage, le tri
et le rangement des grumes dans
un contexte où les zones de sur place de dépôt restaient sim- Laurent DESCROIX
stockage sont exiguës, rémunère plement ignorés et constituaient Chef de projet bois-énergie, forêt
largement sa prestation. le plus souvent une contrainte, de montagne
Jusqu’à maintenant, les tas de notamment pour des questions ONF, DT Rhône Alpes
branches créés par l’ébranchage d’esthétique.
L. Descroix, ONF

L. Descroix, ONF
L. Descroix, ONF

Débardage arbre entier au câble mât et façonnage par tête d’ébranchage Rémanents après ébranchage des
montée sur une pelle à pneus bois bord de route

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Particularités de l’exploitation pour le bois-
énergie plaquette

« Bois bûche et bois L’abattage mécanisé, de plus en Dans le même ordre d’idée, l’opti-
plaquette » plus répandu pour les petits scia- misation du débardage s’impose :
ges résineux, n’est pas encore ren- c’est le premier axe de gain de
Se lancer dans la filière bois-éner- tré dans les mœurs pour le feuillu temps, qui doit concerner tous les
gie avec des connaissances som- et les houppiers résineux. La terrains et par tous les temps avec
maires et peu de bibliographie sur forme, l’encombrement et la desti- cette forte contrainte que, dans la
l’optimisation de la récolte en nation des produits concernés ne plupart des cas, le produit doit
amont tient de la gageure. On a justifiaient pas cette « modernisa- être exempt de terre ou de cail-
tendance à s’imaginer d’abord tion », le gestionnaire lui-même y loux afin de ne pas abîmer les
qu’une simple transposition suf- voyant surtout des inconvénients : engins de broyage et de ne pas
fira : après tout il ne s’agit que de frottement, difficulté de sélection, provoquer le dysfonctionnement
bois de chauffage. Mais c’est à une ornières dues aux engins, bruit… des chaudières. L’expérience
réalité bien différente qu’on est Le « mobilisateur » de plaquette suisse en matière d’extraction de
confronté. devra être très attentif à ce que ses houppier résineux avec un grappin
chantiers ne justifient pas ces crain- scie sur le débardeur (6X8 ou 8X8)
Le bois bûche est le quotidien du tes. Le choix de la mécanisation, devrait faire école assez rapide-
forestier. Dans la majorité des cas, qui ne sera d’ailleurs pas toujours ment et son adaptation aux houp-
l’exploitant (petite entreprise, possible, devra se faire en accord piers feuillus est en cours de per-
affouagiste, cessionnaire…) suit les total avec le gestionnaire. Ces fectionnement. Le type de grappin
coupes traditionnelles, débite sur techniques d’abattage existent et de grue demande quelques
parcelle en bout de 1 m, fend ou mais demandent encore des adap- améliorations que les commer-
refend, entrepose sur place et tations indispensables de par la ciaux des principales marques de
vient enfin évacuer ses piles quand taille des bois à abattre. Les pre- matériel forestier devraient inté-
les conditions météo le permet- miers essais de type petite guillo- grer rapidement, en collaboration
tent, tout cela en période hiver- tine sectionnant les perches et avec les exploitants (rapport
nale. Les stères sont alors prêts à brins à la base augurent assez bien poids/longueur, longueur des por-
livrer, généralement pour l’hiver de l’évolution, mais ne répondent teurs, système de maintien sur
d’après. qu’aux exploitations des premières plate-forme…). Le portage par
éclaircies dans les jeunes peuple- câble pourra être envisagé dans
Spécificités techniques de ments. certains cas, surtout quand le prix
l’exploitation des bois pour du produit fini le permettra (Voir
la production de plaquettes l’article « opportunités sylvicoles »
L’exploitation bois-énergie de ce même dossier).
Le bois-énergie plaquette demande
bien plus qu’une simple adaptation concerne principalement les L’extraction des houppiers sur
de cette organisation séculaire. petits bois vendus sur pied : l’agent coupe de bois d’œuvre vient
De nombreux facteurs vont modi- responsable de la coupe (ou le rajouter un problème jusqu’alors
fier nos habitudes : propriétaire sylviculteur) doit en assez simplement géré par les
dans le meilleur des cas l’abat- connaître les particularités pour gestionnaires, mais qui devra être
tage sera mécanisé pour optimiser prévenir les malentendus ; entièrement revu par la logisti-
les coûts de production ; concerne aussi (voire incite à) la que. Le commercial plaquette
le bois est « sorti » en toute lon- vente de produits façonnés, doit en effet pouvoir s’affranchir
gueur (6 m si possible) ; notamment pour des coupes des contraintes des modes de
les bois à broyer doivent être hétérogènes : le forestier trie et ventes classiques, dont les clau-
propres ; vend prioritairement, au meilleur ses ne sont pas adaptées à la
les périodes d’exploitation prix, les grumes et les bois filière (priorité à la grume). Des
seront étalées sur toute l’année, d’industrie, le surplus (petits bois essais de plus en plus nombreux
alors que l’hygrométrie précise est qui déprécieraient un lot de bois de vente à l’unité de produit ou la
un élément clé de la vente ; d’industrie) étant vendu au prévente de bois façonnés mon-
une logistique exigeante s’im- « mobilisateur » de plaquette. trent la complémentarité possible
pose. entre la grume et les plaquettes.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Broyer vert ou broyer sec telles que la qualité du broyage (le a priori dissociable car il nécessite
bois vert défibre plus que le sec), dans tous les cas un temps de
Les attentes des chaufferies en l’usure des disques ou des cou- stockage/séchage, doit être lui
matière d’hygrométrie du combus- teaux (le sec use plus que le vert), aussi pris en compte dans le cadre
tible et la nécessité d’étaler les la granulométrie (le sec produit de la gestion des stocks au niveau
exploitations sur toute l’année davantage de fines indésirables), le d’un bassin d’approvisionnement.
pour satisfaire les besoins vont transport (le vert est moins encom- Ainsi le gestionnaire d’approvision-
déterminer l’organisation de la brant, mais plus lourd). Se rajou- nement devra suivre l’ensemble de
transformation des produits. Deux tent à cela les caractéristiques ses flux et stocks pour pouvoir
grands axes se dessinent : le intrinsèques de chaque essence et répondre à tout moment à des
broyage frais ou le ressuyage sur les variations d’humidité saison- demandes variées. L’idéal sera
coupe. Le broyage frais corres- nière en parties sommitales ou sur ainsi de constituer des stocks :
pond à des produits qui : les tiges. Bien des recherches res- de matière verte sur pied à des-
vont pouvoir être livrés en flux tent encore à effectuer dans ces tination plaquette pour les années
tendu à destination de grosses deux domaines, la bibliographie n + 1 ou mieux n + 2 ;
chaufferies supportant une hygro- en la matière est très succincte. de BTL (bois toute longueur)
métrie supérieure à 40 % ; bord de route à hygrométrie
peuvent être stockés pour Importance de l’organisation contrôlée et pouvant être broyés à
séchage sous hangar ou en tas logistique tout moment ;
bâchés ou compactés ; de BTL sur plate-forme proche
ne peuvent rester en forêt par En dernier lieu mais omniprésente des lieux de consommation avec
manque de place ou parce que la et incontournable : la problémati- éventuellement broyeur fixe ;
place est « chère » (grumes priori- que logistique. Classiquement, de plaquettes sous hangars,
taires). deux grandes options au moins bâchés ou compactés, qui consti-
s’opposent pour les chaudières de tueront le fond de roulement du
Le ressuyage sur coupe corres- grosses puissances supportant des fournisseur avec des hygrométries
pond à une organisation qui : hygrométries supérieures à 40 % : allant de 45 à 25 % pour pouvoir
laisse le temps de « voir venir » ; les livraisons à flux tendu issues répondre instantanément aux
fait apparaître la notion de ges- de broyage de matière verte ou attentes des clients.
tion de stock. Ce ressuyage dure ressuyée, en forêt ;
au minimum quelques mois et l’approvisionnement à partir de Luc LIBAULT
impose donc un suivi précis des stocks sous hangar, bâches ou ONF, DR Martinique
exploitations pour savoir quels compactés. (ex responsable bois-énergie
produits ont bénéficié d’un temps Franche-Comté)
de séchage minimum et sont ainsi L’expérience et l’analyse montrent luc.libault@onf.fr
prêts pour le broyage avec livrai- un schéma beaucoup plus subtil où
son dans la foulée. le panachage apparaît comme
Ces deux options sont contingen- indispensable. Le cas des chaudiè-
tées par des nécessités techniques res de faible puissance, qui semble
L.Descroix, ONF, 2006
DMD, ONF 2003

broyage bord de route de rémanents pour Broyage sur plate-forme avant stockage sous bâche,
l’alimentation de la chaufferie de Saulnot (71) à Saint Jean d’Arvey (38)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Comment choisir un itinéraire de production de plaquettes forestières ?

A la question rituelle « combien coûterait la plaquette forestière pour alimenter ma chaufferie », la seule réponse à faire a
priori est… « je n’en sais rien ». Il n’existe pas un processus unique de production mais des processus qui peuvent se
combiner pour déterminer finalement un coût de production et de commercialisation.

Résumé des phases principales de la production :


L’exploitation mécanisée ou manuelle des bois
Le ressuyage des produits sur coupe ou bord de route après débardage
En option, le transport de bois long sur un dépôt accessible en tous temps
Le broyage sur coupe ou bord de route ou sur dépôt
Le transport direct des plaquettes vers la chaufferie ou vers un site de stockage intermédiaire
Le cas échéant, reprise sur site de stockage et la livraison en chaufferie

Les paramètres qui conditionnent le choix d’un itinéraire de production :

Topographie de la parcelle à exploiter


Pour une parcelle à plat ou de pente inférieure à 25 %, la mécanisation peut intervenir à deux phases :
abattage mécanique avec dépôt des produits sur le cloisonnement ou en bordure
production des plaquettes sur la parcelle avec déchiqueteuse automotrice type Sylvatec et évacuation par porteur muni
d’une benne.
Si le déchiquetage se fait bord de route, une pente < 30 % autorise l’évacuation des bois longs sur un porteur, évitant ainsi
le débusquage par traînage susceptible de polluer les produits avec de la terre ou des cailloux.
Pour une parcelle à très forte pente, le développement des techniques et de matériels de débardage par câble permet de
récupérer en bord de route ou piste une fraction conséquente de biomasse disponible pour le bois-énergie. La filière bois-
énergie permet d’abaisser le coût d’exploitation puisque les bûcherons n’ont que l’abattage à faire sur la parcelle sans
découpe fin bout pour séparer la grume du houppier.

Matériels de déchiquetage disponibles


Les engins automoteurs capables de déchiqueter sur coupe sont très peu présents en France pour l’instant contrairement aux
pays nordiques. Leur coût, la nécessité d’exploiter des parcelles cloisonnées en pente faible et avec un volume par hectare
conséquent en limitent l’utilisation. Pour l’instant, le processus de production développé par ONF Énergie implique
uniquement des déchiqueteurs bord de route ou sur dépôt.

Flux tendu ou stockage intermédiaire


La livraison directe des plaquettes de la forêt à la chaufferie en flux tendu ne peut se faire que sous deux conditions :
chaudière acceptant des plaquettes à taux d’humidité jusqu’à 45 % ne nécessitant pas de séchage supplémentaire après
ressuyage naturel ;
silo à grande capacité 700 à 800 m3 capable d’absorber la production quotidienne de la déchiqueteuse.
Seules les chaufferies industrielles d’une puissance supérieure à 5 MWh peuvent répondre à ces deux critères.
Remarques : 1 - il existe de grosses installations susceptibles d’approvisionnement en flux tendu sans ressuyage préalable,
mais ce cas est très rare ; 2 - l’idée de panacher flux tendu et stock tampon (10 %) pour parer au risque de rupture
d’approvisionnement est techniquement séduisante dans certains cas, mais présente l’inconvénient de majorer de plus de
20 % le coût des plaquettes transitant par la plate-forme.
Sauf cas particulier de bois sec disponible (résineux scolytés…), le stockage intermédiaire est indispensable pour sécher les
plaquettes à un taux d’humidité de 25-30 % afin d’alimenter les petites chaufferies ou des chaufferies moyennes à faible
capacité de stockage.
Dans le premier cas, le stockage se fait sous hangar aéré ou sous bâche évapo-transpirante, modalités utilisées aujourd’hui
pour les approvisionnements faits par ONF Énergie. Dans le second, il est possible de constituer des cônes de fermentation
à l’air libre qui doivent être de volume conséquent pour fonctionner correctement.

Les modalités de livraison


La capacité de stockage des silos attenant aux chaufferies et leur accessibilité déterminent le mode de transport adéquat.
Dans l’hypothèse la plus favorable, la livraison se fait par camion à fond mouvant d’une capacité de 90 m3. La plupart des
chaufferies nécessitent des livraisons par bennes ampliroll de 30 à 40 m3.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Bois-énergie : maîtriser les impacts
S’il est d’une brûlante actualité, le bois-énergie n’est pas une nouveauté. Souvenons-
nous : les débuts de l’ère industrielle, la surexploitation des taillis, la dégradation
sévère et persistante des sols fragiles… Raisonnons aujourd’hui en termes de gestion
durable et préservons, entre autres, les sols.

L e développement du
bois-énergie est une
opportunité exceptionnelle de
nibles, c’est-à-dire absorbables par
les racines, constitue une faible
partie du stock total contenu dans
du sol s’amenuise et, à terme, des
carences peuvent apparaître. La
capacité d’un écosystème à sup-
valorisation de bois d’éclaircie, de le sol. Il correspond le plus souvent porter des exportations soutenues
rémanents d’exploitation, de bois à quelques dizaines d’années voire dépend donc des apports qu’il
mitraillés ou encore de produits quelques années de prélèvement reçoit.
connexes de scierie. Il représente par les racines. Il se renouvelle tou-
une source d’énergie plus « pro- tefois rapidement par décomposi- Les apports atmosphériques sont
pre » vis-à-vis de l’effet de serre tion de la litière et des racines mor- principalement des dépôts asso-
que le carbone fossile. tes. Les éléments minéraux circu- ciés à la pluie, au brouillard et aux
L’intensification correspondante de lent ainsi dans l’écosystème suivant poussières en suspension dans
l’exploitation doit toutefois être un cycle rapide et efficace (succes- l’air. Ils peuvent localement four-
conduite avec discernement afin sivement dans le sol, l’arbre, les nir des quantités importantes
de préserver la fertilité des sols et feuilles, la litière et à nouveau dans d’éléments nutritifs mais de
la pérennité des écosystèmes. Les le sol). Cela permet à l’écosystème manière très variable sur le terri-
pièces de faible section (réma- de vivre avec une réserve limitée toire, suivant les courants atmos-
nents, branches, perches…), ainsi d’éléments nutritifs malgré les
que les feuillages, concentrent une besoins importants des arbres. Le
grande quantité d’éléments nutri- revers de cette efficacité est la rela-
tifs et leur prélèvement sans discer- tive vulnérabilité de la forêt aux
nement peut notamment entraîner perturbations du processus de
une perte de fertilité voire des recyclage des éléments nutritifs.
carences minérales. Il est donc
indispensable de moduler l’inten- Le cycle n’est cependant pas fermé
sité des récoltes en fonction de la et des éléments nutritifs entrent et
richesse minérale du sol. sortent de l’écosystème forestier
selon les types de flux suivants
Fertilité des sols et (figure 1) :
sensibilité des écosystèmes les apports atmosphériques ;
aux exploitations forestières les apports par altération des
minéraux contenus dans le sol (sauf
pour l’azote), faibles sur des roches
Les éléments nutritifs majeurs : mères pauvres, siliceuses, comme
N = azote
les grès, mais importants sur les
P = phosphore
K = potassium
roches calcaires, les basaltes ou
Ca = calcium même certains granites par exem-
Mg = magnésium ple ;
les pertes par drainage vers les Fig. 1 : les éléments nutritifs dans
eaux souterraines ; l’écosystème forestier
Le sol est le réservoir d’eau et les pertes par exportation Apports extérieurs en vert (altération des miné-
raux du sol, apports atmosphériques), pertes en
d’éléments nutritifs (éléments (exploitation forestière principale- rouge (drainage, exportation par récolte de bois
majeurs : N, P, K, Ca, Mg) qui ali- ment). et autres produits forestiers) et cycle interne en
gris (absorption par les arbres, stockage dans les
mente l’écosystème forestier. Le Si le bilan de ces flux est négatif, le tissus végétaux, décomposition des litières, du
stock d’éléments nutritifs biodispo- stock d’éléments biodisponibles bois et des racines)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


16
36
36
16
36
phériques, la proximité de la mer, coup plus sensibles aux pertes (rémanents, branches, perches…)
la proximité d’industries ou de d’éléments nutritifs dues à l’exploi- délaissés par les filières d’industrie
zones d’épandage agricole par tation forestière. et bois-bûche. Quelle que soit l’es-
exemple. En outre, quand ils ne sence, ces produits de faibles sec-
sont pas fixés par la végétation ou L’intensification des exploitations tions, ainsi que les écorces et plus
le sol (notamment hors période de sans discernement peut menacer encore le feuillage, sont très riches
végétation), certains dépôts, tels la fertilité des sols en éléments nutritifs par rapport au
les nitrates, peuvent être drainés et Nous l’avons vu, une exploitation bois de tronc, alors qu’ils ne repré-
appauvrir le sol en entraînant avec forestière intensive peut entraîner sentent qu’une faible part de la
eux d’autres éléments nutritifs (Ca, un appauvrissement rédhibitoire biomasse de l’arbre (figure 2). Ces
Mg, K) (voir Croisé et al., 2005, du sol. Par exemple, de nombreux produits se décomposent en outre
Rendez-Vous Techniques n° 7). sols forestiers de l’Ouest de la rapidement (figure 3), ce qui les
La fixation d’azote atmosphérique France et du Massif Central ont été place au cœur des processus de
par certains micro-organismes dégradés à la suite d’exploitations recyclage naturel des éléments
entre également dans cette caté- trop fréquentes de taillis pour l’ali- nutritifs et de maintien de la ferti-
gorie des apports atmosphériques. mentation des forges et des verre- lité des sols.
Plusieurs espèces végétales ries (rotations de l’ordre 7 et Les études menées par l’Inra sur le
comme l’aulne ou le robinier sont 10 ans). site de Vauxrenard (voir encadré)
capables de développer ample- ont permis de quantifier l’appau-
ment l’activité de tels micro-orga- Rémanents = ensemble des vrissement que peut engendrer la
nismes fixateurs d’azote. Ce n’est pièces de bois laissées sur récolte des branches et des feuilla-
toutefois pas le cas des essences coupe après exploitation. ges en plus des troncs sur des sols
forestières les plus répandues sur sensibles. Outre l’exemple de
notre territoire. Le développement du bois-éner- Vauxrenard, des travaux de recher-
Les apports atmosphériques ont gie sous la forme de plaquettes che ont été conduits sur d’autres
donc des effets complexes, varia- valorise notamment des produits sites en France, en Europe et dans
bles et parfois négatifs, sur la nutri- forestiers de faibles dimensions le monde, sur d’autres peuple-
tion minérale des arbres. Ils ne per- Biomasse P
N
mettent généralement pas de 100% 100% 100%
compenser de fortes exportations
d’éléments nutritifs dues à l’exploi- 80% 80% 80%

tation forestière.
60% 60% 60%

L’altération des minéraux est le 40% 40% 40%


principal facteur de richesse chimi-
que des sols. Elle peut libérer de 20% 20% 20%

grandes quantités d’éléments


0% 0% 0%
nutritifs sous forme biodisponible 20 ans 40 ans 60 ans 20 ans 40 ans 60 ans 20 ans 40 ans 60 ans

mais cet apport varie bien sûr énor-


mément selon les minéraux en pré- K Ca Mg
sence. Les forêts sont générale- 100% 100% 100%

ment situées sur des sols peu pro-


80% 80% 80%
pices à l’agriculture : sols calcaires
très caillouteux ou peu profonds et 60% 60% 60%
sols acides sur roches siliceuses
(granites, grès, quartzites…) 40% 40% 40%

notamment.
20% 20% 20%
Les roches calcaires contiennent
une réserve importante d’éléments 0% 0% 0%
20 ans 40 ans 60 ans 20 ans 40 ans 60 ans
nutritifs (excepté l’azote) et leur 20 ans 40 ans 60 ans

altération peut facilement reconsti-


tuer le stock d’éléments biodispo- Aiguilles Branches Tronc
nibles.
En revanche l’altération des roches Fig. 2 : répartition de la biomasse et de la minéralomasse (N, P, K, Ca, Mg)
siliceuses alimente lentement ce entre le tronc, les branches et les aiguilles des douglas de 20, 40 et 60 ans
stock. Les écosystèmes forestiers de Vauxrenard (Marques, 1996)
sur sols acides sont donc beau- Si les aiguilles et les branches constituent une faible biomasse, elles contiennent la majeure partie des élé-
ments nutritifs des arbres.

17
377
37
17 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Site expérimental de l’INRA
100 à Vauxrenard (d’après Ranger
et al., 2002)

Localisation : Monts du Beaujolais


Masse restante (% Masse initiale)

80 (Département du Rhône)
Altitude : 750 m
Précipitations moyennes :
1 000 mm/an
60 Température moyenne annuelle :
7 °C
Sol : Alocrisol typique sur tuf
Forme d’humus : eumoder à
40 dysmoder
Horizon A : pH = 4,3
Peuplement en 1992 : plantations
de douglas de 20, 40 et 60 ans sur
20 anciennes terres agricoles
Hauteur moyenne à 60 ans : 36 m

0
0 1 2 3 4 5
Temps (en années)
Branche diamètre 4 - 7 cm Branche diamètre 1 - 2 cm
Branche diamètre 2 - 4 cm Aiguilles

Fig. 3 : évolution sur 5 ans de la masse d’un échantillon d’aiguilles et de


branches sur le sol des plantations de douglas de Vauxrenard Le site de Vauxrenard a été étudié de
(Zeller, Inra Nancy) 1992 à 1998. C’est un des rares sites
Les aiguilles et les branches fines se décomposent et restituent plus vite au sol les éléments nutritifs qu’el- en France sur lesquels ont été mesu-
les contiennent que les grosses branches et a fortiori les troncs.
rés les principaux flux d’éléments
nutritifs (N, P, K, Ca et Mg) entrant
(apports atmosphériques, altération
minérale) et sortant (pertes par drai-
ments (épicéa, hêtre, pin mari- dossier sur les tassements de sol, nage, exportations dues aux exploi-
time, taillis divers, eucalyptus…). Rendez-Vous Techniques n° 8, tations) de l’écosystème.
A la lumière de l’ensemble des printemps 2005). Le pH de l’horizon A et la forme d’hu-
connaissances acquises, l’exploi- L’exploitation trop intensive des mus décrite permettent de placer
tation de rémanents ou d’arbres rémanents peut nuire à la biodi- son sol dans la classe de forte sensi-
entiers ne devrait pas être envisa- versité en réduisant les cortèges bilité de la typologie du guide publié
gée sur des sols pauvres sans fer- de décomposeurs ainsi que les par l’Ademe.
tilisation compensatoire. habitats propices au développe- Les mesures de biomasse et de
ment de certaines espèces végé- minéralomasse (N, P, K, Ca, Mg) aux
trois âges de plantation ont permis
Autres impacts de l’intensifica- tales comme les bryophytes ou à
d’évaluer les exportations engen-
tion des exploitations forestiè- la nidification de certains oiseaux drées par l’exploitation selon 3
res ou rongeurs (voir encadré). durées de révolution et 2 intensités
L’intensification des exploitations de prélèvement (tableau A). On en
forestières peut aussi entraîner un La récolte des rémanents peut déduit dans chaque cas la quantité
tassement et une érosion des sols toutefois présenter certains avan- d’éléments minéraux nécessaire à la
plus importants, par des passages tages, tels que la réduction de la production d’une tonne de bio-
plus fréquents d’engins ou de sensibilité des forêts aux incen- masse (tableau B).
remorques ainsi que par l’exploi- dies. On observe globalement que le
tation de branchages qui pour- prélèvement des branches et des
raient servir à protéger les cloi- aiguilles accroît considérablement
les exportations d’éléments miné-
sonnements parcourus. Il est
raux, et ce d’autant plus qu’on
donc très important de veiller aux exploite des arbres jeunes. Par
modalités d’exploitation en fonc- contre les branches et les aiguilles
tion de la sensibilité des sols au offrent peu de biomasse à exploiter.
tassement et à l’érosion (voir le
.../...

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


16
368
38
16
38
Biomasse Exportations minérales En conséquence, l’efficience de pro-
Mode (kg/ha/an) duction de biomasse par kg d’élé-
Révolution exportée
d’exploitation ments exportés se révèle bien moin-
(t/ha/an) N P K Ca Mg
dre dans le cas de l’exploitation en
60 ans 6,7 6,7 0,5 3,3 4,4 0,6 arbres entiers (tableau B).
Considérons les autres flux extérieurs
Tronc seul 40 ans 6,6 7,0 0,5 6,4 3,6 0,7 de l’écosystème étudié à Vauxrenard
(tableau C) :
20 ans 3,3 4,7 0,4 6,0 1,7 0,5 L’altération des minéraux du sol
fournit peu d’éléments biodisponi-
60 ans 8,0 14,2 1,2 5,7 10,8 1,2
bles, notamment très peu de calcium
Arbre entier 40 ans 7,8 16,6 1,2 9,5 9,2 1,4 et de magnésium. Le sol s’est en effet
développé sur du tuf, une roche mère
20 ans 5,0 22,2 1,6 11,9 13,1 1,9 volcanique acide. L’évaluation des
apports par altération dépend certes
Tab. A : exportations de biomasse et de minéralomasse selon la durée de la profondeur de sol considérée
de révolution (éclaircies comprises) et le mode d'exploitation (arbre mais ces apports restent faibles en
entier = tronc + branches + aiguilles) calcium et magnésium même sur une
profondeur de 1,20 m.
Efficience de production Les apports atmosphériques sont
Mode d’exploitation Révolution très importants. En azote, ils s’élèvent
(t de biomasse/kg d’élément)
notamment à 20 kg/ha/an, ce qui cor-
N P K Ca Mg
respond au double de la moyenne
60 ans 1,0 12,3 2,0 1,5 11,6 enregistrée sur le réseau Renécofor.
Les Monts du Beaujolais, comme
Tronc seul 40 ans 1,0 12,2 1,0 1,8 10,0 l’ensemble de la vallée du Rhône ou
encore les Vosges ou les Ardennes,
20 ans 0,7 9,1 0,5 1,9 6,3 subissent en effet les apports atmos-
phériques d’azote les plus importants
60 ans 0,6 6,8 1,4 0,7 6,7 en France métropolitaine.
Les pertes par drainage sont éga-
Arbre entier 40 ans 0,5 6,4 0,8 0,9 5,6 lement très importantes, en lien avec
les forts dépôts d’azote atmosphéri-
20 ans 0,2 3,2 0,4 0,4 2,7 ques qui ne sont pas entièrement
fixés dans l’écosystème par le sol ou
Tab. B : efficience de production (tonnes de biomasse produites par par la végétation. Par ailleurs le dou-
kg d'élément) selon la durée de révolution (éclaircies comprises) glas semble stimuler la minéralisation
et le mode d'exploitation d’azote sous forme de nitrates, très
mobiles dans le sol, et augmenter
Profondeur ainsi les pertes d’éléments nutritifs
Mode (kg/ha/an)
de sol par drainage.
d’exploitation
considérée N P K Ca Mg En faisant le bilan de ces flux (bilan =
apports – pertes), on constate que les
Apports atmosphériques 20,3 1,0 3,2 7,3 1,1
exportations d’éléments nutritifs liées
60 cm 0 0 7,5 0,9 1 à la récolte de biomasse jouent un
Altération
120 cm 0 0 14 1,8 2,5 rôle important. A Vauxrenard (tableau
Drainage 21,3 0,3 13,2 13,5 5,0 D), dans le meilleur des cas (en
Tronc seul 6,7 0,5 3,3 4,4 0,6 exploitant les troncs seuls et en consi-
Exportation dérant le sol sur 1,20 m de profon-
Arbre entier 14,2 1,2 5,7 10,8 1,2
deur), l’écosystème est déjà en situa-
tion d’appauvrissement, en particu-
Tab. C : termes du bilan minéral pour une révolution du peuplement lier en azote et en calcium. Le pas-
de 60 ans (éclaircies comprises) sage à l’exportation d’arbres entiers
hors de la parcelle aggrave encore
Profondeur Bilan minéral (kg/ha/an) considérablement cette situation
Mode d’appauvrissement.
de sol
d’exploitation Il y a en France beaucoup de sols
considérée N P K Ca Mg
encore plus pauvres que ceux étu-
60 cm Tronc seul -7,7 0,2 -5,8 -9,6 -3,5 diés à Vauxrenard, notamment dans
Arbre entier -15,2 -0,5 -8,3 -16,1 -4,1 les Landes, les Vosges ou en
Sologne. Mais, comme l’indique bien
Tronc seul -7,7 0,2 0,7 -8,7 -2,0 le guide de l’Ademe, ces sols de
120 cm
Arbre entier -15,2 -0,5 -1,8 -15,2 -2,6 Vauxrenard se classent déjà comme
fortement sensibles aux exportations
Tab. D : bilan minéral calculé pour une révolution du peuplement d’éléments nutritifs et ne peuvent
de 60 ans (éclaircies comprises) selon le mode d'exploitation supporter aucune récolte de réma-
et la profondeur de sol considérée nents ou d’arbres entiers sans fertili-
sation compensatoire.

17
397
39
179 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Le bois-énergie et la préservation de Un outil simple et pratique : sibilité des sols et les types de peu-
la biodiversité des forêts le guide de l’Ademe pour la plements.
récolte raisonnée des
Les forêts publiques qui sont sou- rémanents en forêt La typologie de sensibilité des
vent des forêts « anciennes » sols (figure 4) est simple d’utilisa-
(c’est à dire à l’état de peuple- Ademe : Agence de l’environne-
ments d’arbres depuis plusieurs
tion. Elle distingue 3 niveaux de
ment et de la maîtrise de l’énergie
siècles) abritent des espèces d’in- sensibilité avec plusieurs indica-
Afocel : Association forêt cellulose
sectes et de champignons liés au IDF : Institut pour le développe- teurs possibles de diagnostic (tex-
bois mort de plus en plus rares en ture du sol, forme d’humus, pH de
Europe (Brustel, 2001). L’ONF a ment forestier
donc une responsabilité particu- Inra : Institut national de la recher- l’horizon A, effervescence de la
lière – pas seulement dans les che agronomique terre fine à l’acide, flore indica-
réserves et les sites Natura 2000 – UCFF : Union de la coopération trice). C’est donc un outil très pra-
de conservation de ces espèces et forestière française tique qui peut être mis en œuvre
donc de leur support de vie qu’est
le bois mort.
avec des connaissances rudimen-
L’écosystème forestier est consti- Dans la perspective du développe- taires en botanique ou pédologie.
tué de producteurs (dont les plus ment du bois-énergie, l’Ademe a Il permet de repérer efficacement
visibles sont les arbres) et de publié un guide pratique de ges- les situations à risque.
décomposeurs de la matière orga-
nique. Les feuilles sont décompo-
tion des rémanents (Cacot et al.,
sées par une multitude d’organis- 2006) destiné aux propriétaires et Les conseils se traduisent en
mes du sol (vers, bactéries, cham- gestionnaires forestiers et libre- pratique par un nombre de récol-
pignons…). Le bois mort, aérien ou ment téléchargeable sur Internet tes de rémanents à ne pas dépas-
au sol, est attaqué par les organis-
mes saproxylophages au rang des-
(liens donnés en références). Ce ser durant la vie du peuplement ou
quels figurent les larves des insec- guide a été élaboré en partenariat par un laps de temps minimum à
tes saproxyliques. Par ailleurs, les avec l’Afocel, l’IDF, l’Inra, et l’UCFF respecter entre deux récoltes des
vieux arbres sont souvent porteurs après un travail de synthèse biblio- troncs avec les branches pour les
de cavités créées par les attaques
de champignons au niveau des
graphique (Cacot et al., 2003), l’ob- taillis, en fonction de la sensibilité
blessures des branches ou du tronc jectif étant de disposer d’outils du sol et du type de peuplement.
ou creusées par les pics. Ces cavi- pour raisonner l’intensité des pré- Si l’exploitation dépasse ces limi-
tés abritent de nombreuses espè- lèvements en fonction des poten- tes, le guide préconise de fertiliser
ces cavicoles pour leur reproduc-
tion ou l’abri (oiseaux comme les
tialités des sols. Il est composé pour compenser les pertes en élé-
mésanges, le pigeon colombin, les d’une typologie de sensibilité des ments nutritifs. Les doses de fertili-
chouettes, chauves-souris, loirs, sols en fonction de leur fertilité, sant (N, P, K, Ca, Mg) sont indi-
insectes comme les abeilles, les puis de conseils pour la récolte des quées à cet effet pour une récolte
frelons).
La récolte de bois pour l’énergie
rémanents selon les classes de sen- supplémentaire de rémanents.
doit être raisonnée en veillant à
préserver la biodiversité forestière. S
Sensibilité forte
Elle devra donc épargner le bois Pôle
mort ancien ainsi que les arbres à sableux S1 S2 Sensibilité moyenne
vocation biologique et prévoir la Teneur en Sensibilité faible
conservation sur le parterre de la argile < 10 %
coupe d’une partie des produits L
frais : il s’agit en effet de conserver
Pôle
le support de vie mais aussi de per-
limoneux
mettre un réapprovisionnement L1 L2 L3
continu en bois mort de différentes < 10 %
tailles et d’essences variées au pro- Teneur en
fit des espèces qui dépendent de argile < 25 %
ce matériau (ONF Bourgogne, A
2003). Les rémanents conservés Pôle
ont de plus un rôle dans la protec- argileux A1 A2 K
tion des graines, des semis et du Teneur en
sol dans ses caractéristiques physi-
argile < 25 %
ques et chimiques (comme écrit
dans l’article) mais aussi biologi- Calcaire actif Pas d’effervescence de la terre fine à HCI dilué Effervescence
ques. Il faudra également veiller à
ne pas perturber les espèces pH horizon
<4 ]4-4,5] ]4,5-5[ [5-5,5[ [5,5-6[ [6-6,5[ [6,5-7[ >7
(oiseaux, mammifères) en période A
de reproduction, ni détruire les sta- Mor Mullmoder Mull Mull Mull Mull Mull
tions d’espèces végétales rares. Humus
Dysmoder
Moder
Dysmull oligo. méso. eutro calcique carbonaté

Jean-Marc Brézard (ONF) Fig. 4 : diagramme de sensibilité des sols en fonction de la texture et du
niveau trophique (Ademe, 2006)

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 4164016


40 06
Dans tous les cas, quelle que soit la cation ISO 14 001 à travers sa poli- tant que fertilisation compensatoire.
richesse de la station, il est recom- tique environnementale. Sauf cas particulier de système de
mandé de ne pas dépasser deux La position de l’Office, présentée culture intensif, l’Office n’envisage
récoltes de rémanents dans la vie dans la note de service n° 06-T-254, pas le recours à la fertilisation pour
du peuplement. peut être résumée comme suit. augmenter artificiellement la fertilité
On aura recours à la méthode d’une station ou compenser des
Il est en outre recommandé que les diagnostique du guide Ademe pour exportations minérales excessives.
rémanents sèchent sur le parterre identifier le niveau de sensibilité des La position est différente pour
de la coupe pendant quelques sols et adapter en conséquence les l’amendement, qui est un apport
mois, ce qui permet d’éviter de prélèvements de bois de faibles beaucoup plus limité, visant à amé-
prélever le feuillage, particulière- dimensions. On cherchera à valori- liorer le fonctionnement du sol à
ment riche en éléments nutritifs et ser les typologies et cartes de sta- moyen terme sans modifier substan-
sans utilité au titre de la production tions existantes qui peuvent faciliter tiellement la station. L’amendement
d’énergie. la démarche diagnostique. mériterait d’être développé dans
Le guide suit donc une démarche L’Office exclut le recours à la fer- certaines situations : pour restaurer
de bon sens de maintien de la fer- tilisation pour compenser une le fonctionnement de sols dégradés
tilité des sols : exportation importante d’éléments par des pratiques sylvicoles ancien-
adapter l’intensité des prélève- nutritifs. La récolte doit donc être nes trop intensives, éviter des pro-
ments aux réserves nutritives des raisonnée en conséquence. La blèmes sanitaires liés à des carences
sols, décomposition des rémanents et minérales ou y remédier, corriger
compenser si nécessaire par fer- autres petits produits forestiers des situations d’acidification des
tilisation les exportations dues à demeure en effet le meilleur pro- sols et des cours d’eau qui posent
l’exploitation. cessus de restitution aux sols de problème (cas de certains bassins
leurs éléments nutritifs. versants des Vosges par exemple).
Le partenariat initié entre l’Ademe, L’amendement devrait enfin per-
l’Afocel, l’Inra, l’IDF, l’UCFF et Localement, l’ONF peut être en mettre de corriger certaines situa-
l’ONF se poursuit actuellement par situation de gérer aussi des peu- tions de fragilité et d’améliorer la
l’étude précise des exportations pleraies et des taillis à courte révo- résistance aux stress climatiques qui
minérales sur divers chantiers de lution. Ces systèmes de culture risquent probablement de se multi-
production de plaquettes. intensifs dérogent bien entendu plier à l’avenir. Là également, de tel-
aux dispositions générales que les dispositions devront être mises
La production raisonnée de nous venons d’exposer. en œuvre de manière raisonnée. En
bois-énergie par l’ONF partenariat avec l’Inra, le départe-
A ce stade il est nécessaire d’appor- ment recherche élabore un outil
Les connaissances de base étant ter des précisions sur deux sujets : d’aide à la décision à cet effet.
posées, les développements qui la nécessaire distinction entre
suivent présentent la position de l’amendement et la fertilisation, et L’épandage de cendres de bois,
l’ONF. l’épandage de cendres de bois en pratiqué en Finlande en particulier,
est une solution alternative parfois
L’établissement s’est engagé dans évoquée pour restituer au sol les
une politique volontariste en Fertilisation ⫽ Amendement éléments nutritifs. En première
matière de production de bois-éner- analyse, cette formule n’est pas
gie. Il accompagne ainsi résolument Il existe différentes approches envisagée par l’établissement. En
la politique nationale de développe- d’apports d’éléments nutritifs au sol, effet, ce mode de compensation
ment des énergies renouvelables et selon le but visé et la forme des ne restitue au sol ni l’azote ni le
éléments apportés.
profite en outre de cette opportu- phosphore ni les matières organi-
La fertilisation, entendue comme
nité pour résoudre des problèmes ques, entièrement transformés en
l’apport d’engrais, donc d’éléments
récurrents (réalisation de premières rapidement assimilables par les gaz lors de la combustion du bois.
éclaircies par exemple). arbres, a pour but d’accroître à court Les cendres n’ont pas non plus les
terme la production de bois. qualités des rémanents quant au
La récolte de bois-énergie doit L’amendement vise à améliorer à long maintien de l’humidité du sol ou à
bien entendu être effectuée de terme le fonctionnement biologique la protection des semis contre le
manière raisonnée, dans une pers- et les propriétés physiques du sol par gibier. Le développement d’une
pective de gestion durable des un apport de particules minérales pratique d’épandage de cendres
sols. Cette mesure de bon sens fait grossières (concassé de calcite, de en forêts pourrait inciter des indus-
d’ailleurs partie des engagements dolomite…), qui se dissolvent et triels peu scrupuleux à se débarras-
libèrent lentement les éléments
pris par l’ONF au titre de sa certifi- ser ainsi de cendres d’incinérateurs

17
417
17 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
en tous genres. Serait-on en
mesure de contrôler les cendres Carte de sensibilité des sols de France aux exportations minérales,
épandues pour vérifier qu’il s’agit
bien de cendres de bois et non de par Alain Brêthes (ONF), Jean-Paul Party (Sol-Conseil), Jean-Claude Gégout
cendres de déchets ménagers, qui (Engref), Etienne Dambrine (Inra), Manuel Nicolas (poste d’interface Inra – ONF
contiennent de fortes teneurs en sur la gestion des sols)
métaux ? Actuellement, même si
La carte présentée a été réalisée à partir de la typologie de sensibilité des sols
elle reste floue à ce sujet, la régle-
du guide de l’Ademe appliquée aux connaissances des sols de France – Carte
mentation ne semble pas autoriser des sols de France (Inra, 1968), carte géologique de France (BRGM, 1996), carte
les épandages de cendres en forêt. des classes d’altération des matériaux géologiques et des sols du territoire
Seules des expérimentations sont français (Party, 1999). Elle repose par ailleurs sur l’expérience des auteurs en
conduites sous la surveillance des pédologie et en écologie. Son but est de fournir aux gestionnaires forestiers une
autorités publiques pour étudier indication générale sur la répartition en France des sols peu, moyennement et
les impacts de tels épandages. très sensibles aux exportations minérales. Des indications de sensibilité des sols
au tassement sont aussi données dans la légende. Il convient également pour
Identifier les zones à risque les gestionnaires de tenir compte de la sensibilité des sols à l’érosion,
L’identification des situations à ris- notamment sur pentes fortes.
Des limites doivent cependant être observées dans l’utilisation de cette carte.
que doit être faite à plusieurs
On ne peut pas en déduire la sensibilité des sols d’une parcelle forestière par
échelles. La démarche que nous
simple localisation dans une zone renseignée, et ce pour plusieurs raisons. Nous
avons présentée permet d’établir tenons tout d’abord à souligner :
un diagnostic au niveau local. Il que cette carte a été réalisée à l’échelle nationale,
était nécessaire d’apporter, sous qu’elle n’est pas exhaustive (certaines zones ne sont pas renseignées),
forme de cartes, un éclairage sur que les contours des zones renseignées ne sont pas définis précisément.
les secteurs plus ou moins sensi- D’autre part l’état de la science concernant la sensibilité des sols aux
bles, à une échelle régionale ou exportations minérales admet des incertitudes. Par exemple, il est difficile de
nationale. Voici le résultat de deux déterminer les réserves des sols en phosphore disponible pour les arbres et
approches. donc de définir la sensibilité des sols aux exportations de cet élément.

Il reste donc indispensable d’appuyer un diagnostic de sensibilité des sols sur


A l’échelle nationale, un groupe
des observations de terrain. Il faut aussi noter à ce propos que les anciennes
d’experts et de chercheurs particu-
terres agricoles peuvent présenter une richesse trompeuse, issue de
lièrement impliqués dans la ges- fertilisations passées, et masquant une réelle sensibilité aux exportations
tion des sols, a réalisé une pre- minérales due à la pauvreté de la roche-mère.
mière carte qu’il présente ici en
encadré. Cependant cette carte à l’échelle de la France peut aider les gestionnaires
comme l’ONF à cibler leurs efforts de développement du bois-énergie dans les
Des recherches conduites par le grandes zones de sols peu sensibles.
Lerfob (Laboratoire d’étude des
ressources forêt bois, unité mixte
de recherche Engref / Inra) avec le
4
concours de l’ONF, permettent
d’envisager de cartographier cer- 6 9
taines caractéristiques du sol,
7
notamment l’acidité (pH de l’hori- 5 2

zon de surface), à partir de relevés 8


3
de la flore spontanée. La méthode 10
est quasiment validée pour des
cartes à petite échelle à partir des
données de flore de l’Inventaire
12
Forestier National (IFN). Nous res- 11 10

tituons ainsi (figure 5) une carte des


classes de pH des sols du quart 1

Nord Est, correspondant aux clas- 10


ses de sensibilité du guide Ademe 12

pour l’exploitation du bois-éner-


12
gie, établie à partir des données
de l’IFN et de la base de données
Ecoplant du Lerfob.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 4164216


42 26
Commentaire de la carte Adapter l’exploitation
Sur la base des recommandations
du guide Ademe, les dispositions
générales prises par l’Office amè-
nent à adapter l’exploitation en
limitant le nombre de récoltes
rémanents ou d’arbres entiers dans
la vie du peuplement et en respec-
tant un laps de temps minimum
entre deux récoltes d’arbres de
taillis avec leurs branches. Le
tableau 1 synthétise ces mesures
suivant la sensibilité du sol et le
type de peuplement.

L’application de ces préconisations


est maintenant à réfléchir. La limite
du nombre de récoltes de réma-
nents ou d’arbres entiers dans la
vie du peuplement nécessite
notamment une bonne mémoire
de la gestion. Les suggestions qui
suivent à ce sujet n’engagent à ce
stade que leurs auteurs et devront
être précisées.
Il semble avant tout primordial de
conserver une trace de ces exploi-
tations complètes dans le sommier
de la forêt. Ensuite il conviendrait
de cadrer cette intensification des
récoltes en adoptant un mode et
une fréquence d’exploitation par
type de peuplement.
En futaie régulière, il serait préféra-
ble de fixer ces prélèvements
exceptionnels à un stade de la vie
du peuplement où ils présentent
des avantages particuliers, a priori
soit à un stade jeune soit au
moment de la récolte finale :
une première éclaircie, ou même
un dépressage ou une ouverture
de cloisonnement, peut être amor-
tie en valorisant de petits arbres
entiers ;
au moment de la récolte du peu-
plement, l’exploitation des réma-
nents peut être intéressante pour
L’interprétation de ces cartes est Une part également importante diminuer les gênes à l’installation
bien sûr à faire en fonction de leur des forêts est située sur des sols du nouveau peuplement.
échelle. Elles donnent une indica- calcaires, peu sensibles à la fois En futaie irrégulière ou jardinée, on
tion sur la fréquence des situations à aux exportations minérales et au pourrait considérer que le peuple-
risque. tassement. C’est en priorité dans ment se renouvelle complètement
On observe qu’une proportion cette situation, assez largement en 100 ans environ. « Récolter les
importante des forêts est située sur répartie sur le territoire, qu’une rémanents (ou des arbres entiers)
des sols fortement ou moyenne- intensification de l’exploitation une fois dans la vie du peuple-
ment sensibles, au sens du guide devrait pouvoir être envisagée. ment » reviendrait donc à une
Ademe.

17
437
433
17 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
règles, selon les modes de traite-
ment, réguliers ou irréguliers.

Dans tous les cas, on veillera dans


toute la mesure du possible :
à ne pas exporter les très fines
branches et surtout le feuillage
hors de la parcelle,
à ne pas dégrader physique-
ment les sols sensibles au tasse-
ment ou à l’érosion.
Soit les récoltes de rémanents ou
d’arbres entiers peuvent être réa-
lisées hors feuille (pour les essen-
ces à feuillage caduque), soit on
laissera sécher plusieurs mois les
produits sur le parterre de la
coupe. La qualité des plaquettes
produites est d’ailleurs meilleure
avec des branchages secs, sans
feuilles. Certains engins de
récolte et de fagotage de réma-
Fig. 5 : carte de sensibilité des sols forestiers du nord-est de la France aux nents nécessitent qu’ils soient
exportations minérales, basée sur les pH de surface bioindiqués par la frais au moment de l’exploitation
flore (ENGREF-IFN, non publiée*) pour que les fagots produits se
* Carte publiée ici avec l'aimable autorisation de l'IFN tiennent. On évitera donc dans la
mesure du possible, et impérati-
vement sur les sols sensibles, le
recommandations de l’ONF (sur la base des recom-
recours à ce type de matériel.
Peuplement mandations du guide de l’ADEME, sans recours à
ldes fertilisations compensatoires) Sur les sols sensibles au tasse-
Récolte des rémanents ou d’arbres entiers 2 fois au
ment, deux pistes doivent être
Résineux envisagées : utiliser en priorité
maximum dans la vie du peuplement
Sols peu Laisser au moins 15-20 ans entre 2 récolte desarbres les rémanents pour protéger les
Feuillus Taillis et TSF
sensibles + rémanents (ou d’arbres entiers) cloisonnements ou avoir recours à
Récolte des rémanents ou d’arbres entiers 2 fois au des modes de débardages à fai-
Futaie
maximum dans la vie du peuplement
Récolte des rémanents ou d’arbres entiers 2 fois au
ble impact sur les sols, tels que
Epicéa commun les câbles aériens ou le cheval de
maximum dans la vie du peuplement
Récolte des rémanents ou d’arbres entiers 1 fois au fer (voir le dossier sur les tasse-
Autres résineux
Sols maximum dans la vie du peuplement ments de sol, Rendez-Vous
moyennement Feuillus Taillis et TSF Laisser au moins 30 ans entre 2 récolte des arbres + Techniques n° 8, printemps 2005).
sensibles rémanents (ou d’arbres entiers)
Futaie et TSF
Récolte des rémanents ou d’arbres entiers 1 fois au
en conver-
maximum dans la vie du peuplement Manuel NICOLAS
sion en futaie
Interface INRA – ONF
Sols très
Tous Aucune récolte des rémanents ou d’arbres entiers INRA – Centre de Nancy
sensibles
Unité Biogéochimie des Ecosystèmes
Tab. 1 : synthèse des recommandations de l’ONF par classe de sensibilité Forestiers
de sol et par type de peuplement sur la base des recommandations du manuel.nicolas@onf.fr
guide de l’Ademe sans recours à des fertilisations compensatoires

Co-auteurs de l’introduction
récolte tous les 100 ans, deux parcelles disponibles pour ce et des deux premières parties :
récoltes « dans la vie du peuple- type d’exploitation.
ment » reviendraient à une François CHARNET
récolte tous les 50 ans. Pour cela, On simplifierait ainsi la mise en IDF - Orléans
on pourrait prévoir une rotation, œuvre des recommandations en francois.charnet@cnppf.fr
d’un aménagement à l’autre, des adoptant toujours les mêmes

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 4164416


44 46
Jacques RANGER CACOT E. (coord.), EISNER N., ONF Bourgogne, cellule d’experti-
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72 p.+ annexes

17
457
455
17 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Maîtriser les caractéristiques des plaquettes
forestières de l’arbre sur pied à la livraison
du combustible
Des contrats libellés en tonnes à x % d’humidité… quand ce n’est pas en mégawatts :
un casse-tête pour le forestier chargé de prévoir la récolte à l’amont, ou de négocier un
prix à la tonne ou au m3 frais en anticipant l’impact sur le prix final de livraison.
Comment se mesure le taux d’humidité ? Voici quelques repères de métrologie.

P
roduire de la plaquette Masses volumiques et taux débardé par un porteur ou trans-
forestière revient à d’humidité des bois : retour porté par un camion.
transformer un volume d’expérience de la filière bois
de bois ou une biomasse sur pied de trituration La tonne brute avec pesage à l’en-
en « copeaux » livrés à un consom- trée de l’usine est utilisée depuis
mateur. En amont de la chaîne de Quelles unités utiliser pour les plus de 25 ans dans diverses usines
production, les forestiers (proprié- transactions ? de pâtes et de panneaux. Elle s’est
taires, gestionnaires) raisonnent en En bois d’industrie ou de feu sous peu à peu imposée au cours des
m3 ou en stères, sans trop se sou- forme de billons, plusieurs prati- années 80 lorsque le façonnage des
cier du taux d’humidité. En aval, le ques cohabitent en matière de billons est devenu commun en lon-
consommateur de plaquettes réception : le stère, la tonne gueurs de 2 m, 2,50 m et plus
(exploitant de chaufferie, collecti- « brute » (ou humide) et la tonne encore en toutes longueurs. Il deve-
vité, industriel…) attend une quan- sèche (ou anhydre). Le volume réel nait en effet impossible de stérer
tité d’énergie en MWh qu’il récep- en mètres cubes de bois rond, correctement de tels bois et l’im-
tionne en général à travers un d’usage courant pour les bois précision au façonnage sur les lon-
pesage à la tonne et la détermina- d’œuvre, est inutilisable car trop gueurs rendait l’opération sans
tion du taux d’humidité sur brut. long donc trop coûteux à mesurer grande signification. L’inconvénient
Ces acteurs ne parlent pas le sur des pièces de petit volume uni- de la tonne brute est qu’elle quanti-
même langage et, à l’interface, les taire et de faible valeur. fie une matière première contenant
fournisseurs ou entrepreneurs doi- plus ou moins d’eau en fonction du
vent jongler avec de multiples uni- Le stère est contesté depuis long- degré de séchage des bois.
tés de mesure. temps, car ce n’est qu’un volume
La planification des chantiers de apparent contenant une propor- La tonne sèche ou anhydre est
production requiert une identifica- tion de bois rond qui varie forte- actuellement utilisée dans quel-
tion précise de la ressource mobili- ment en fonction du diamètre ques usines de pâtes et surtout
sable, un suivi des paramètres de moyen des billons, de leur lon- de panneaux de particules. Elle
base (masse volumique et taux d’hu- gueur, de leur flexuosité et de la reflète bien la quantité de fibres
midité) par essence et l’utilisation de qualité de l’empilage. Ainsi on réceptionnée mais nécessite la
coefficients de conversion adaptés. trouve couramment des coeffi- mesure du taux d’humidité,
La distinction par essence ou au cients de conversion m3/stère qui généralement réalisée par étu-
moins par grand groupe d’essences vont de 1,3 st/m3 (ou 0,77 m3/st) vage d’une rondelle ou de
(feuillus durs, feuillus tendres et rési- pour de gros billons de 1 m bien copeaux obtenus avec une tron-
neux) est nécessaire pour bien empilés à la main à plus de 2 st/m3 çonneuse ou une atrofraise (voir
apprécier le potentiel énergétique (ou 0,5 m3/st) pour de petits bil- photos). Elle pose cependant de
de la ressource forestière ciblée. À lons de 2 m flexueux et mal empi- gros problèmes d’échantillon-
titre indicatif, 1 m3 de bois frais ou lés à la grue. Malgré ses défauts, la nage (Combien de rondelles
récemment récolté peut contenir mesure en stères perdure, car elle faut-il prélever et où ?…) Une
entre 1,5 et 3 MWh selon l’essence. est facilement applicable et grande rigueur est nécessaire
Et le degré de séchage du bois contrôlable par tout un chacun. De lors de la réception des bois sous
amplifie largement cette fourchette plus elle se prête bien aux estima- peine de fausser complètement
de performance énergétique. tions de production : volume les résultats.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Les essais Afocel sur parcs à bois 100
d’usines de pâtes montrent qu’au
niveau d’un camion, on ne peut 90
guère espérer mieux qu’une pré-
cision de + ou – 5 à 10 % si l’on 80
se contente de prélever quelques
rondelles. Par contre, au niveau
70
de l’ensemble des livraisons d’un
fournisseur, la précision devient
60
très convenable : de l’ordre de +
ou – 1 % à partir de 25 camions.
50

Quelle humidité et quelle masse


40
volumique initiale ?
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600
Le taux d’humidité sur brut
Nombre de jours après exploitation
(masse d’eau/masse brute) des
principaux bois sur pied est de Hiver Printemps Eté Automne
l’ordre de 45 % à 50 %. Il dépasse
50 %, voire 55 % sur des essences Fig. 1 : évolution de la masse volumique des billons, cas du douglas
tendres telles que le peuplier ou
le tremble. La masse volumique billons de 2 m, avec écorce, à Comment évolue la masse volu-
des bois sur pied figure dans la l’entrée usine. Il ne s’agit donc mique après abattage ?
bibliographie mais il est toujours pas de bois sur pied mais de bois Des pesages répétitifs sur longue
difficile de savoir de quel type de ayant subi le processus normal de durée, de billons identifiés et insé-
bois l’on parle : bois d’œuvre de récolte et de transport. rés dans des piles que l’on laisse
gros diamètre ou bois d’industrie sécher en bord de parcelle, mon-
issu de houppiers, jeunes arbres Pour une essence donnée, la masse trent les phénomènes suivants :
d’éclaircies ou arbres de coupe volumique varie en fonction de la un effet saison très net avec
finale, bois de cœur ou d’au- génétique (provenances, clones) deux cas de figure : les bois récol-
bier… ? mais aussi des conditions de crois- tés en automne connaissent une
sance de l’arbre donc de la station, relative stabilité de leur masse volu-
Le tableau 1 présente la masse la météo, l’altitude, la sylviculture mique pendant tout l’hiver puis
volumique des principales essen- pratiquée… Bref, la variabilité de la perdent du poids au printemps. Les
ces, leur taux de siccité (complé- masse volumique sur pied est consi- bois récoltés en hiver, printemps et
ment à 100 du taux d’humidité sur dérable à l’intérieur d’une essence et été perdent rapidement du poids
brut, soit masse anhydre/masse a fortiori en mélange d’essences pendant trois à quatre mois puis se
brute) ainsi que quelques autres comme c’est généralement le cas en stabilisent et fluctuent au gré des
ratios sur des bois d’industrie en feuillus. conditions météo ;
Masse Taux Taux Coeff. de Masse un effet diamètre bien mar-
volumique d’écorce d’écorce Taux de foisonne- brute du qué : les petits billons sèchent
brute en volume massique siccité (%) ment stère beaucoup plus vite que les gros
(kg/m3) (%) (%) (st/m3) (kg/st)
surtout lors des premiers mois ;
Epicéa-sapin 790 12 7 47 1,4 à 1,6 500 à 550 un effet longueur des billons
Douglas 710 13 7 58 1,4 à 1,6 450 à 525 limité : des billons de 4 m per-
Pin sylvestre 855 15 7 51 1,5 à 1,9 450 à 575 dent moins de poids que ceux de
2 m, mais l’écart n’est que de quel-
Pin maritime 880 25 11 46 1,5 à 1,9 450 à 575
ques %.
Pin noir 930 16 9 50 1,5 à 1,9 500 à 625
Pin d’Alep 970 13 9 56 1,5 à 2,0 500 à 650 Comme le montre la figure 1 (cas
du douglas), la perte de masse
Chêne 950 19 10 61 1,6 à 2,0 500 à 600
volumique est très rapide dans les
Hêtre 1025 10 7 60 1,4 à 1,8 550 à 700 bois tendres lors des premiers
Peuplier 790 17 13 50 1,4 à 1,8 450 à 550 mois : souvent 15 à 20 % en trois
semaines et 30 à 40 % en trois à
Châtaignier 850 12 7 58 1,4 à 1,8 475 à 600
quatre mois. Dans les feuillus, la
Tab. 1 : coefficients de conversion pour les bois ronds d’industrie tendance est identique mais la
(entrée usine) - Source AFOCEL, 2005 pente plus faible.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Où et comment prélever l’échan-
tillon ?
Pour ce qui est des résultats de la
figure 1, concernant des billons de
2 m ou 2,50 m, les mesures ont
été réalisées par étuvage de ron-
delles ou de copeaux de tronçon-
neuse. Une perceuse à fort couple
équipée d’un gros foret donne des
résultats très voisins.

AFOCEL
Les précautions suivantes doivent
être prises sous peine de biaiser
les résultats : Prélèvements de copaux sur un
prélever la rondelle ou les billon à l’aide d’une tronçonneuse
copeaux à une distance de 30 à équipée d’un récupérateur

AFOCEL
50 cm de l’extrémité sauf en peu-
plier et tremble pour lesquels il ronnage des résineux (50 % en
faut se positionner au milieu. Si on 2005) conduit à un écorçage parfois L’Atrofraise, sorte de
prélève des copeaux, sectionner important pendant la période en tronçonneuse à guide pointu,
entièrement le billon pour obtenir sève. Ces diverses évolutions ont pour prélever des copeaux sur
la proportion correcte de cœur, évidemment un impact sur le billons à l’entrée d’une usine
aubier et écorce ; séchage des bois.
procéder avec une tronçonneuse offrir la possibilité d’anticiper les
parfaitement affûtée afin de ne pas Maîtriser les caractéristiques réglages pour optimiser le rende-
provoquer d’échauffement lors de du combustible : une ment. Pour le fournisseur, parce qu’il
la découpe ; nécessité pour le fournisseur va savoir quelle énergie il apporte et
étuver à 103 ± 2 °C jusqu’à sta- et l’utilisateur donc combien facturer, c’est l’assu-
bilisation de la masse et non pas rance de pouvoir rentabiliser les
pendant 12 ou 16 heures comme Les exploitants des nouvelles efforts qu’il a produits pour livrer la
cela est pratiqué ici ou là. En effet, chaufferies automatiques au bois qualité demandée (stockage, immo-
selon la charge de l’étuve et l’hu- signent aujourd’hui quasi systéma- bilisation de terrain, investissement
midité des échantillons, il faut une tiquement un contrat d’approvi- dans un cribleur…).
durée variable pour obtenir la dés- sionnement, ce qui n’a pas tou-
hydratation totale. En pratique une jours été le cas. Pendant trop long- Pas de résultats significatifs sans
durée de 24 heures est souvent temps, et surtout pour les petites échantillonnage correct
nécessaire. installations, l’approvisionnement La prise d’échantillon est capitale
a reposé essentiellement sur des pour la bonne représentativité des
Des résultats à actualiser accords verbaux ou des contrats mesures réalisées à partir des
Les résultats présentés, datant des flous sans véritable cahier des char- échantillons prélevés. Elle com-
années 1992/93 et valables pour des ges du combustible bois. prend deux opérations :
billons de bois d’industrie en 2 m et la collecte de l’échantillon ;
2,50 m, mériteraient d’être réactua- Or, pour l’exploitant d’une chauffe- la réduction du volume de
lisés. En effet, le fonctionnement rie tout comme pour le fournisseur l’échantillon, si celui-ci est trop
des usines en flux tendu et la méca- du combustible, bien maîtriser les important pour permettre une
nisation du bûcheronnage ont forte- caractéristiques de la plaquette mesure rapide.
ment réduit les durées de séchage forestière est primordial. Pour le pre-
entre abattage et livraison usine. Les mier, connaître parfaitement le taux La quantité prélevée dépend de la
longueurs de billons sont en aug- d’humidité et/ou son pouvoir calori- mesure à réaliser : une mesure de
mentation avec une proportion fique, c’est savoir avec quelle quan- pouvoir calorifique ne nécessite
croissante de 3 m ou 4 m, y compris tité d’énergie il alimente son instal- que quelques grammes de com-
en bois de chauffage pour lequel lation. De la même façon, vérifier la bustible dans la bombe calorimé-
certaines entreprises ne récoltent granulométrie des plaquettes lui trique, une mesure d’humidité
plus en 1 m mais en longueurs permet d’éviter des dysfonctionne- peut nécessiter plusieurs litres de
diverses avec découpe et condition- ments sur l’installation. En allant combustible ; une granulométrie
nement sur leur parc à bois. Enfin le jusqu’au bout de la logique, les dif- va nécessiter quant à elle plusieurs
fort taux de mécanisation du bûche- férents contrôles de qualité vont dizaines de litres de matière.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


6000 (quelque 24 h contre 24 jours pour
une mesure directe). Pour l’estima-
5000
tion du PCI à partir de la mesure du
4000 taux d’humidité, on utilise des
régressions comme celle présen-
3000
tée figure 2.
2000
Attention aux unités utilisées !
1000
Sur le terrain, on raisonne souvent
0 en volume de bois : « livraison par
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 90 m3 », « combien faut-il broyer
-1000
de stères pour alimenter cette ins-
essences feuillues essences résineuses tallation »… L’unité d’énergie du
Fig. 2 : détermination du PCI (kWh/t) en fonction du taux d’humidité sur système universel est le Joule.
brut (%) pour les essences feuillues et résineuses (d’après Lermab et Dans les chaufferies, ce sont les
Energico) thermies, plus récemment les kWh,
qui dominent. Utiliser le volume
Devant l’hétérogénéité des com- que pour le bois énergie dans la (tout comme la masse) comme
bustibles, il est absolument néces- mesure où il faudrait récupérer la unité peut être source de confu-
saire de prélever des échantillons chaleur latente de l’eau via la sion : les essences n’ayant pas la
en différents points du stock ou de condensation de la vapeur d’eau même densité, un mètre cube de
la benne qui livre : essayer de pré- des fumées. bois de peuplier n’apportera pas la
lever des échantillons à la fois à la Par simplification, on opère sou- même quantité d’énergie qu’un m3
surface et le plus au cœur possible vent à partir du taux d’humidité qui de chêne, à granulométrie et humi-
du tas de combustible. va permettre d’approcher à 5 % le dité identiques. Plutôt que de
PCI du bois ainsi mesuré avec un commander un volume d’une
Les textes indiquent le nombre de résultat beaucoup plus rapide essence particulière, il sera plus
prélèvements à effectuer, le judicieux pour un exploitant de
volume minimum de chaque prélè- Calcul du pouvoir calorifique chaufferie de commander une
vement élémentaire…, et com- quantité d’énergie. Attention tou-
ment réduire la taille de l’échantil- La formule permettant de calculer tefois aux autonomies des installa-
lon ainsi constitué. En pratique, le pouvoir calorifique du combusti- tions de chauffage : un silo de 120
pour la plaquette forestière les ble est donnée par* : m3 rempli de bois léger devra être
quantités minima à évaluer rempli plus rapidement que s’il est
seraient de 2 kg pour des charge- PCI = (1 – E) x (PCS – 226 x H) — rempli en bois dense, toutes carac-
ments de 15 à 30 tonnes unitaires. 2 511 x E téristiques identiques par ailleurs !
Les différences de densité vont
avec : H = fraction massique en
Quelle quantité d’énergie dans intervenir sur l’unité de volume
hydrogène
le combustible ? C’est la ques-
E = humidité sur brut (en fraction
tion centrale… massique) Le taux d’humidité
Le Pouvoir Calorifique Inférieur L’humidité des combustibles bois
(PCI) indique la quantité d’éner- On peut ainsi approcher la valeur représente la quantité d’eau dans
gie restituée par unité de masse. du PCI d’un combustible dont on a ce combustible. C’est actuelle-
C’est l’énergie théoriquement mesuré le taux d’humidité précisé- ment le paramètre le plus mesuré
récupérable par l’utilisateur dans ment. Par exemple, pour une pla- sur le combustible bois. Deux ter-
le cas d’une combustion parfaite. quette d’épicéa dont la mesure mes sont employés : humidité sur
Il s’agit donc de la donnée la plus normée de l’humidité donne brut ou sur sec ; il s’agit du rapport
intéressante à utiliser dans le cas comme valeur 45 % d’humidité sur entre la masse d’eau contenue
brut, le PCI sera approché par :
du bois énergie. Elle se calcule à dans le bois et, respectivement, la
partir du PCS (Pouvoir Calorifique masse totale du bois ou la masse
PCI = (1 - 0,45) x (19 195 - 226 x 6) -
Supérieur) et du taux d’humidité. 2 511 x 0,45 = 8 681,5 kJ/kg soit de bois anhydre. Ainsi, 20 % sur
Le PCS correspond à l’énergie 2 413,5 kWh/tonne brut correspondent à 25 % sur sec.
dégagée par la combustion du
bois en récupérant la chaleur *Yann Rogaume, Technique de La mesure est réalisée à partir d’un
latente de la vapeur d’eau produite l’Ingénieur, Energétique échantillon de minimum 300 g.
par la combustion. Cette valeur L’échantillon est ensuite déshy-
reste néanmoins une valeur théori- draté en étuve à une température

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Masse volumique mesuré avec des appareils… pré-
Infradensité Taux d’humidité PCI
bois frais
(kg/m3) sur brut (%)
(kg/m3)
(MWh/t) sentant des variations de 30 à 50 %
sur les valeurs ! Le contrat a pour
Chêne 580 44 1036 5,0 but de préciser les limites d’accep-
tation du combustible et de garan-
Peuplier 435 50 870 4,9 tir à l’utilisateur une qualité de
combustible. De la même façon, il
Epicéa 370 58 881 5,3 garantit au fournisseur une quan-
tité de livraison annuelle, basée sur
Tab. 2 : quelques paramètres de base pour le calcul du pouvoir des besoins climatiques. Il doit être
énergétique établi sur un modèle gagnant-
Source : Afocel et Critt Bois gagnant.

de 103 ± 2 °C pendant 24 h mini- née est essentielle pour les chauf-


mum (NF B 51-004). Une double feries comportant des vis Florence MAIRE
pesée, avant et après dessiccation, d’Archimède, moins importante Responsable projets bois-énergie
détermine la quantité d’eau initia- dans le cas de convoyeurs. Elle va Critt Bois Épinal
lement contenue dans le bois et de permettre également de valider
ce fait, le taux d’humidité de l’absence de fines pouvant être Jean Pierre LAURIER
l’échantillon. problématiques (usure prématurée Ingénieur exploitation forestière
des matériels, par exemple). Afocel Nangis
La granulométrie
Cette mesure consiste à faire pas- Signer des contrats d’approvi- Bibliographie
ser les éléments dans des tamis à sionnement cohérents
mailles pour déterminer la masse On a vu apparaître au fil du temps CRITT Bois Épinal, Fibois, CTBA,
comprise entre deux dimensions des contrats d’approvisionnement ADEME, 2001. Mesures des carac-
correspondant aux bornes des de plus en plus stricts, allant téristiques du combustible bois
classes de distribution de la norme jusqu’à pénaliser le fournisseur de
souhaitée par le client. Cette don- combustible au point d’humidité CRITT Bois, Fibois, ADEME, 2002.
Validation des méthodes de mesu-
res des caractéristiques des com-
Connaître la quantité d’énergie du combustible dès la livraison. bustibles bois déchiquetés.

Parce qu’il n’existait pas de méthodes ou de matériels réellement adaptés à la LAURIER J.P., 1998. Comment
demande des utilisateurs de chaufferies automatiques au bois (industriels et col- évolue la masse volumique des
lectivités locales essentiellement), le Critt Bois Épinal a cherché à développer un bois d’industrie après abattage ?
appareil de mesure du PCI rapide et fiable. Ce projet a pu être mené grâce à la
Fiche informations torêt Afocel,
participation financière de l’Ademe Pays de Loire.
n°573, 6 p.
Le programme a permis de réaliser un prototype de PCImètre pouvant accep-
ter des échantillons de faible masse (< 1 kg), être utilisé avec toutes sortes de LAURIER J.P., 1993. Coefficients de
combustibles bois déchiqueté (plaquettes, copeaux et sciures, écorces…), et conversion m3/tonne pour les bois
surtout fournir un résultat rapide sur site de l’utilisation (temps de mesure infé- ronds d’industrie Fontainebleau :
rieur à 20 minutes). Il peut être utilisé par n’importe quel opérateur : la mesure ARMEF. Etude technique n°8, 44 p.
consiste à placer l’échantillon de bois dans le système et démarrer le processus
de qualification. Normes à consulter

Ces exigences permettent ainsi à l’appareil d’être utilisé aussi bien par des uti- CEN/TS 14778-1 à 2, 14 779 et
lisateurs de chaufferies bois pour mesurer le coût réel du combustible qu’ils
14780 : Biocombustibles solides –
achètent - et ainsi calculer précisément le coût de fonctionnement de leur ins-
Echantillonnage
tallation - que par les prestataires, vendeurs de combustibles bois, pour vérifier
que leur produit est bien conforme au cahier des charges de leurs clients ou
prestataires exploitant pour le compte de tiers et devant facturer une prestation CEN/TS 14774-1 à 3 : Biocom-
au kWh. bustibles solides – Méthode de
détermination de la teneur en
L’appareil est opérationnel dans une forme prototype. Désormais, outre la pos- humidité- Méthode par séchage à
sibilité de quantifier très rapidement la quantité d’énergie livrée, le PCImètre l’étuve
devrait également permettre à l’exploitant de refuser une livraison non
conforme en termes calorifiques.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Trois exemples de projets et chantiers
bois-énergie à l’ONF
Pour clore ce dossier, trois exemples concrets et contrastés de projets confiés à l’ONF :
une petite chaufferie communale à Labergement les Seurre, la chaufferie urbaine de
Planoise à Besançon avec approvisionnement en flux tendu, et une unité industrielle de
production de granulés bois, présentés respectivement par Dominique Darphin, Luc
Libault et Philippe Goupil. Trois styles différents pour un objectif : tirer les
enseignements de ces expériences.

Montage et réalisation d’un concrets pour la valorisation de cahier des charges d’une étude de
projet communal bois- leur patrimoine forestier : faisabilité de chaufferie bois avec
énergie : diversification des débouchés réseau de chaleur, l’appui pour la
l’exemple de Labergement pour certains produits (houppiers, consultation des bureaux d’étude
les Seurre petits bois…) dont les cours sont thermique et l’analyse des offres.
très variables ; Dans ce cas précis, la possibilité de
Mi-novembre 2003, le téléphone dynamisation de la commerciali- revente de chaleur en externe à la
sonne dans mon bureau : sation des bois, les lots de bois collectivité n’est pas retenue.
« Bonjour, Roland Viellescaze à étant rendus plus attrayants par la
l’appareil, agent patrimonial (AP) disparition de la charge « bois de Par la suite, la commune nous
de l’agence de Dijon. J’ai évoqué chauffage » pour l’exploitant ; confie aussi le contrôle du déroule-
rapidement le bois énergie avec la possibilité de « blanchir » le ment de cette étude de faisabilité
commune de Labergement les coût de travaux sylvicoles en utili- jusqu’à sa restitution à la collecti-
Seurre (21), en me basant sur l’ar- sant les produits d’élagage, vité. Enfin une étude d’approvi-
gumentaire qu’on nous a fourni, dépressage, éclaircie… sionnement en combustible bois
mais sans pouvoir en dire plus. Les est commandée à l’agence ONF
élus sont intéressés par une infor- Montage du projet de chaufferie de Dijon, et réalisée par l’AP.
mation complète sur le sujet ! ». bois
J’appuie alors le conseil munici-
La chaufferie en chiffres
La forêt communale est constituée pal dans l’élaboration initiale du
par 700 ha de taillis sous futaie en projet. À ce stade, il s’agit surtout Puissance installée : 360 kW bois
cours de conversion en futaie régu- de dessiner un réseau de chaleur Volume chauffé : environ 5 000 m3
lière. La demande en bois de feu économiquement cohérent et de Consommation bois : 500 MAP à
est toujours présente sur la com- trouver une première solution 25 % d’humidité, soit 150 tonnes à
mune, malgré une régression des fonctionnelle pour l’implantation 25 % ou 250 m3 de bois rond frais
affouages, notamment dans la der- de la chaufferie. L’agent patrimo- Coût d’approvisionnement bois :
nière décennie. nial apporte également une 18 €/MAP à 25 %, soit 15 €/MWh
contribution déterminante en entrée chaudière
Rendez-vous est donc pris début confirmant la disponibilité de la
décembre 2003 avec une partie du ressource bois. Cette argumenta- Coût d’approvisionnement fuel :
0,57 €/l, soit 50 €/MWh entrée
conseil municipal (maire, commis- tion forestière est indispensable
chaudière
sion des bois, commission écono- pour sécuriser le porteur de pro-
mique). Après une présentation jet dans sa démarche. On vérifie bien que l’approvision-
des principaux atouts des plaquet- nement en combustible bois sur ce
tes forestières comme combustible Après l’organisation par nos soins type de chaudière coûte beaucoup
(voir l’article « Panorama de la de deux visites de chaufferie, la moins cher qu’un approvisionne-
filière bois-énergie en France, dans collectivité nous commande rapi- ment en carburant fossile
ce même dossier), les élus identi- dement une prestation de services
fient une série d’avantages comprenant : la rédaction du

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Mise en œuvre de l’approvision- haitait notre assistance pour une
nement en plaquettes forestières délicate réunion publique où il
La décision communale de lancer faudrait expliquer l’impossibilité
les travaux intervient alors en de satisfaire la demande d’af-
mars 2005, soit 14 mois après le fouage en raison du projet de
premier contact. Le temps de chaufferie. Nous l’avons soulagé

D. Darphin, ONF
retour sur investissement (TRI) de de cette démarche sensible en
l’ensemble chaufferie bois – recourant à la forêt domaniale
réseau de chaleur est évalué, à toute proche pour compléter le
l’époque, à moins de 10 ans. Ce volume nécessaire à l’approvi-
TRI est descendu à 7 ans avec la sionnement 2005. À travers cet Débardage au porteur des
hausse du coût des énergies fossi- exemple, l’ONF a démontré sa houppiers façonnés
les intervenue depuis. Si l’on consi- capacité à sécuriser un appro- sommairement
dère seulement le surcoût lié à visionnement en combustible
l’énergie bois, le TRI est de 3 ans. bois, en mutualisant ses sour-
Ce projet, suivi pas à pas par notre ces d’approvisionnement. Dans
direction territoriale, en collabora- d’autres projets, c’est la forêt pri-
tion avec l’Ademe, le conseil régio- vée qui peut être associée à l’ap-
nal de Bourgogne, et le conseil provisionnement, grâce au pro-
général de Côte-d’Or, verra la tocole d’accord UCFF/ONF sur le
chaufferie opérationnelle en octo- bois énergie. Notons au passage

D. Darphin, ONF
bre 2005. que cela a permis aussi de valori-
ser des houppiers feuillus qui
La chaudière bois de 360 kW, n’avaient pas trouvé preneurs
avec appoint fuel, alimente un lors des adjudications.
réseau de chaleur qui relie mai- Confection des andains de
rie, école (5 classes), agence pos- En raison des incertitudes por- plaquettes avant la pose
tale, salle des fêtes, halte-garde- tant sur le délai de construction de la bâche
rie et 5 logements communaux. de la chaufferie et notamment
Un projet de salle polyvalente d’un hangar de stockage, il a été
(300 m2) a été intégré dans le décidé de louer une plate-forme
calcul des besoins. en dur à un particulier pour
stocker le bois déchiqueté sous
C’est la forêt communale qui une bâche évapo-transpirante.
assure la ressource en plaquettes Le retard redouté en matière de
forestières. L’agence a mis en construction… est survenu !

D. Darphin, ONF
place un contrat pluriannuel de Heureusement, ce système de
maîtrise d’œuvre pour les chan- bâche a parfaitement fonc-
tiers de bûcheronnage, débar- tionné : le stockage sous bâche
dage, déchiquetage et livraison de juin à septembre a permis
de 500 à 700 MAP (m3 apparent d’abaisser le taux d’humidité des
plaquette) par an. Le contrôle de plaquettes de 37,6 à 23,7 %, et Stockage des plaquettes sous
conformité de la granulométrie respecter ainsi les spécificités de bâche évapo-transpirante
et du taux d’humidité sur brut du la chaudière installée (taux d’hu- « Toptex »
produit est également assuré par midité du combustible compris
l’ONF dans le cadre de ce entre 20 et 30 %). Cette expé-
contrat. rience a illustré que l’utilisation ment garantie par les forêts
d’une bâche évapo-transpi- publiques avoisinantes. La
Deux particularités pour cet rante pouvait donc constituer conversion de la vision des peu-
approvisionnement méritent une une excellente alternative pro- plements sur pied en volume dis-
attention spéciale visoire de stockage des pla- ponible est floue pour un élu.
Lors de la réalisation de l’étude quettes. Notre rôle de conseil est ici pri-
de ressource, il est apparu que la mordial. Si la faisabilité techni-
coupe prévue pour l’année 2005 Curieusement, la principale diffi- que et économique est relative-
proposait un petit volume de culté a été de persuader les élus ment aisée à clarifier, le porteur
qualité chauffage. Le maire sou- que la ressource serait réelle- de projet, forestier ou non, consi-

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


L’avis des acteurs La chaufferie de Planoise : avait été imaginé par l’intermédiaire
un exemple d’un groupement d’entreprises de
« L’argumentaire de l’ONF a été d’approvisionnement en flux travaux forestiers constitué pour
décisif ! Notre massif forestier de tendu l’occasion. Une plate-forme logisti-
700 ha, la proximité de bâtiments que devait être créée en parallèle
communaux, l’indépendance éner- La chaufferie de Planoise, opéra- par la communauté d’aggloméra-
gétique, l’économie de fonction- tionnelle depuis février 2006, est tion du Grand Besançon (CAGB)
nement réalisée, une des plus grandes chaufferies pour sécuriser l’approvisionnement
l’impact sur l’emploi et l’investisse- bois automatiques en France, de la chaufferie de Planoise et facili-
ment, une action neutre sur les gaz d’une puissance installée de 6 MW. ter l’approvisionnement d’éventuel-
à effet de serre ont motivé notre Cette réalisation alimente en les autres chaufferies à installer dans
implication sur ce projet de chauf- chauffage et en eau chaude sani- l’agglomération.
ferie bois. Grâce aux subventions taire 2 500 logements du quartier
de l’Ademe et du conseil régional de Planoise à Besançon. D’un Comment l’ONF est entré dans
de Bourgogne par la voie du PRE- point de vue environnemental, le le projet
MED (Plan régional environnement bois-énergie évitera le rejet de plus Les premiers contacts avec l’ONF
maîtrise de l’énergie et des de 10 000 tonnes de gaz carboni- ont été pris par la CAGB dans le
déchets), ainsi que du onseil géné- que par an. Par ailleurs le traite- souci d’approvisionner la plate-
ral de la Côte d’Or, ce projet a pu ment des fumées par filtres à man- forme à partir des forêts publiques
voir le jour. Voila pourquoi, 18 mois ches permettra de réduire le taux de ses 59 communes. C’est à partir
plus tard, notre chaufferie de 360 de rejet des fumées à 50 mg/m3, de là qu’a germé l’idée d’une pres-
kW au bois plaquette était opéra- soit deux fois moins que la valeur tation ONF pour l’approvisionne-
tionnelle. Encore merci à tous nos imposée par la réglementation ment. En effet à l’issue d’une étude
partenaires ! » actuelle. L’originalité du projet confiée à l’ONF par la CAGB en
François Rolin, tient surtout à la multiplicité des 2005, nous avons mis en évidence
maire de Labergement lès Seurre sources de production de chaleur la difficulté d’associer pour la
sur le même site (chaufferie bois, récolte toutes les communes de la
incinérateur à ordures, centrale communauté et l’insuffisance de
« L’installation dans une com- fioul, gaz et charbon). Cela permet leurs disponibilités, qui correspon-
mune rurale forestière comme une grande souplesse d’utilisation daient au tiers des besoins en pla-
Labergement les Seurre d’une en fonction de la disponibilité et quettes, c’est-à-dire environ
Chaufferie à plaquettes et d’un du coût des combustibles au béné- 6 500 m3 de bois frais ou 5 200 t.
réseau de chaleur, est l’aboutisse- fice d’une production de chaleur Une étude antérieure sur la forêt
ment naturel de la gestion des optimisée aux niveaux économi- privée (Proforêt, 2002) affichait une
forêts communales que nous met- que et environnemental. disponibilité d’environ 5 500 t
tons en œuvre chaque jour en par- pour les forêts privées soumises à
tenariat très étroit avec les élus. Ce Le projet de chaufferie bois à un plan de gestion, dans un rayon
qui est remarquable ici c’est la rapi- Planoise a été initié en 2002 par de 35 km à partir de Besançon. Par
dité de la prise de décision finale la ville de Besançon sous l’impul- extension, nous avons proposé de
par le Conseil Municipal. » sion de la délégation régionale compléter la couverture des
de l’Ademe Franche Comté. besoins par la forêt domaniale de
Roland Viellescaze, L’approvisionnement en tant que tel Chaux, située à 30 km.
agent patrimonial ONF

La chaufferie bois de Planoise


dère la mobilisation de la res- en chiffres
source bois comme une démar-
che abstraite et incertaine. Il est Puissance installée : 6 MW
G. Vieille, ville de Besançon

enfin important de souligner que Besoins en plaquettes forestières :


le dynamisme de la commune a 10 000 t/an.
permis d’amener ce projet « de Besoins en plaquettes connexes :
l’idée à l’inauguration » en 4 000 t/an.
moins de deux ans. D’habitude
les temps de passage sont plutôt
de l’ordre de 3 à 5 ans.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


L. Libault, ONF
L. Libault, ONF
Stockage bord de route pour ressuyage avant Broyage et remplissage simultané du camion de
broyage livraison (benne à fond mouvant de 90 m3)

Faire face au retard de la plate- Le premier stock bord de route a 3 000 tonnes de plaquettes fores-
forme logistique été constitué par les invendus de tières, dont 40 % en provenance
Les débats sur la création d’une mauvaise qualité, roulés ou gélifs, de la forêt de Chaux et 15 % issus
plate-forme de stockage s’éterni- de la forêt de Chaux dont les sols de la forêt des Grands Bugnoz.
sant, la possibilité d’un approvi- peu portants et mouilleux impo-
sionnement de la chaufferie en flux saient des abattages débardages Ensuite, la contrainte d’hygromé-
tendu a été envisagée. Cet exa- avant l’automne. L’idée était de trie (environ 40%) conduit à envisa-
men s’étant avéré concluant, la constituer des piles de bois toute ger de stocker les bois en BTL pen-
Ville de Besançon et la société longueur (BTL) et de les broyer en dant plusieurs mois en forêt, mais
SECIP (filiale du groupe Elyo) flux tendu le moment venu. La les objections fusent : incompati-
exploitant de la chaufferie ont constitution du tas a été obtenue bilité avec la gestion traditionnelle,
confié l’approvisionnement en pla- assez rapidement par deux équipes risques inhérents aux grosses piles
quettes forestières de la première de bûcherons et un débardeur 6x8. en forêt, « point noir » paysager
campagne de chauffe à l’ONF, en des tas, voire risques phytosani-
août 2005. Les points clés du cahier Planoise : des surprises et taire quand il s’agira de houppiers
des charges du contrat d’approvi- des problèmes logistiques à résineux. Sur cette campagne, ce
sionnement étaient la fixation du méditer paramètre a été globalement bien
prix à la tonne de plaquette ven- géré : le taux moyen d’humidité
due et les clauses de révision en Notre première surprise est venue sur brut des plaquettes livrées était
fonction de la variation du taux de la surestimation des volumes de de 41 %, avec des variations de
d’humidité. Ce dossier fut traité en bois mis bord de route en raison ±5 %, conformément au contrat.
étroite collaboration avec le direc- de la méconnaissance du foisonne- En considérant un taux d’humidité
teur du département grands pro- ment pour ce type de tas « toutes sur pied d’environ 45 % pour le
grammes à l’ONF. longueurs ». Les estimations sur chêne (cf. données Afocel), ce taux
pied étaient plus proches de la réa- moyen a été obtenu après res-
Nous pouvions donc démarrer. La lité mais malgré tout imprécises, suyage des bois 3 à 4 mois en bord
première campagne ne commen- les modalités habituelles de de parcelle.
çant que fin février 2006, les cubage étant inadaptées au pro-
besoins estimés n’étaient alors que duit. Parallèlement, les besoins En termes de logistique pure, la
de 5 000 tonnes. L’évaluation de la réels de la chaufferie ont été d’en- principale difficulté est d’optimiser
ressource indiquait que 1 500 ton- viron 3 000 tonnes, soit bien infé- l’emboîtement des opérations de
nes environ proviendraient du syn- rieurs aux 5 000 tonnes prévues. broyage et de transport de la pla-
dicat intercommunal de gestion Par rapport au schéma initial, la quette. Les données de base de
forestière des Grands Bugnoz au demande et l’offre en plaquettes cette équation sont : d’un côté un
Nord de Besançon, 1 200 tonnes forestières ont bien varié en quan- broyeur à forte capacité qui pro-
de la forêt communale de tité et fréquence : il a fallu s’adap- duit 90 mètres cube apparents pla-
Besançon et le reste, soit 2 300 ton- ter au sens fort du terme pour quettes (MAP) à l’heure, de l’autre
nes, de la FD de Chaux. assurer l’approvisionnement. Au un silo de stockage de la chaufferie
final, l’ONF a livré près de dont la capacité est limitée à

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


600 MAP. Ces contraintes ont Alsace Pellets, petit contrat
conduit l’entrepreneur à organiser deviendra (peut-être) grand
des sessions de seulement deux
jours sur trois. Néanmoins, la capa- Bois énergie ?
cité du silo ne correspondant qu’à Le bois énergie recouvre trois « pro-
une consommation de 2 à 3 jours, le duits » susceptibles d’être utilisés

L. Libault, ONF
suivi du taux de remplissage du silo dans les systèmes de chauffage :
doit être permanent pour ne pas se le bois bûche, depuis des siè-
retrouver en rupture d’approvision- cles, alimente cheminées, poêles,
nement. Et que dire des week-ends Dépotage des plaquettes dans le chaudières ;
prolongés où l’interdiction de circu- silo de la chaufferie les plaquettes bois fabriquées à
lation des camions empêche le rem- partir de biomasse ligneuse déchi-
plissage de ce silo trop petit et donc Une expérience riche d’ensei- quetée dont la demande va crois-
le fonctionnement à plein régime de gnement, l’aventure continue sante depuis une vingtaine d’an-
la chaudière… L’approvisionnement de la chauffe- nées. Les plaquettes forestières
rie Planoise en 2006 a démontré la (issues de produits de la sylvicul-
Dans un schéma intégral de flux capacité de l’ONF à répondre à ce ture) prennent une part de plus en
tendu (broyage et livraison instan- type de demande. Plus concrète- plus conséquente sur un marché
tanée de la plaquette), le moindre ment, cette expérience a permis utilisant initialement des produits
impondérable peut entraîner une d’insérer l’organisation de ce type connexes de scierie et bois de
rupture d’approvisionnement. La de chantier dans notre gestion récupération (palettes…). Les pla-
météo est primordiale : elle peut forestière quotidienne. quettes sont majoritairement desti-
compliquer la circulation des nées aux chaufferies collectives et
camions à fonds mouvant en forêt le mot de la ville » industrielles ;
par temps de neige, ou les paraly- le bois reconstitué sous forme de
ser pour cause de ridelles gelées « L’idée d’une chaufferie bois s’est briquettes ou de granulés (dénom-
ou de tas de plaquette transformés imposée, mais les élus voulaient més également pellets), facile-
d’abord s’assurer de la sécurité de
en glaçon. De même, la neige ou la l’approvisionnement. La ville de ment transportable et stable. La
glace, quand ce n’est pas la pluie, Besançon a mis en place un parte- demande des particuliers et des
faussent vos prévisions d’hygromé- nariat original et novateur avec industriels dans les pays voisins
trie. Enfin, une panne machine sur l’ONF. C’est un partenariat auquel comme la Belgique, l’Allemagne
un broyeur très sollicité peut là je tiens beaucoup, et je remercie ou l’Italie est en croissance expo-
l’ONF pour son engagement dans
encore interrompre la chaîne d’ap- la filière bois énergie ». nentielle depuis quelques années
provisionnement. Extraits de déclarations d’Éric ce qui explique l’implantation
Alauzet, adjoint au Maire de récente de sites de fabrication sur
Cette liste peut donner l’impres- Besançon – Journal de l’ONF n° 39 le territoire français. En particulier,
sion que le choix d’un itinéraire janv-fév 06. les industriels de l’agroalimentaire
en flux tendu relève de l’incons- maîtrisant déjà les processus de
cience. Il n’en est rien ! D’abord il Fort de cette première expérience, déshydratation de la luzerne ou de
faut souligner que ces surprises l’ONF, à travers maintenant sa la pulpe de betterave pour les
ou contraintes ont été quelque filiale ONF Énergie, est chargé transformer en granulés s’investis-
peu exagérées au regard de l’as- d’approvisionner la chaufferie de sent dans ce nouveau créneau qui
pect novateur du chantier. Et puis, Planoise jusqu’en 2008. Pour la ne nécessite quasiment aucune
et surtout, il faut considérer que campagne 2006/2007 en cours, les modification de matériel.
l’itinéraire en flux tendu repré- provenances des plaquettes ont
sente la solution opérationnelle la été diversifiées et les exploitations Alsace Pellets, fabricant de gra-
plus économique pour livrer des anticipées : cela permet d’envisa- nulés
plaquettes forestières à des uni- ger la livraison en flux tendu avec La société Alsace Pellets, implan-
tés type Planoise, consommant un plus de sérénité. Par ailleurs, la tée à Bennwihr-Gare à proximité
combustible à 40 % d’humidité. plate-forme de stockage en discus- de Colmar, a démarré son activité
Un itinéraire avec un transit par sion depuis 2002 et impulsée par la en 2005. Le processus de fabrica-
une plate-forme est bien sûr plus CAGB devrait voir le jour à proxi- tion des granulés est relativement
sécurisé, mais entraîne un surcoût mité de la chaufferie à l’automne simple. Le produit de base est
de l’ordre de 20 % pour la pla- 2007. Cette plate-forme pourrait constitué de sciure ou de plaquet-
quette livrée. À ce prix, on ne accueillir un stock tampon qui tes bois. Ces dernières sont redé-
« placerait » plus de plaquettes sécuriserait ainsi l’approvisionne- chiquetées pour obtenir une gra-
forestières. ment en flux tendu de la chaufferie. nulométrie très proche de la sciure.

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


nes. La forte concurrence sur la
ressource issue des forêts publi-

site granulesbois.com
ques ne permet pas à ce jour de
fournir plus de 10 000 tonnes
mais le partenariat avec les coo-
pératives forestières privées
devrait permettre de compléter
l’offre pour atteindre l’objectif
demandé, au moins à court
Les produits passent ensuite en camion d’essai. La négociation se terme. L’augmentation consé-
séchoir pour arriver à un taux déroule sur le site d’Alsace Pellets quente du prix du bois en 2006 et
d’humidité de 7/8 %. Ils sont et coïncide avec l’arrivée du la demande de plaquettes écor-
comprimés avant de traverser une camion d’essai. La granulométrie cées conduisent à une proposi-
plaque à trous d’où sortent des et le taux d’humidité des plaquet- tion commerciale supérieure de
boudins de 4/5 mm de diamètre tes correspondent parfaitement 50 % à celle contractualisée en
découpés à 15/20 mm pour aux attentes du client. La compa- avril. L’augmentation est certes
donner les fameux granulés. Le raison visuelle dans le hangar significative mais ne fait que pren-
conditionnement se fait enfin en avec une livraison d’un autre dre en compte les paramètres
sacs pour être vendus en maga- approvisionneur marque claire- économiques du moment et les
sins spécialisés ou stockés en vrac ment la différence qualitative coûts de production.
dans des silos approvisionnant entre les deux origines. La propo- L’objectif est déjà de réussir à
des camions. Les granulés sont sition de contrat est immédiate- franchir ce premier seuil quantita-
ensuite distribués par camion ment acceptée par le client mal- tif pour envisager dans un
souffleur comme la farine dans les gré un prix majoré de 50 % ! deuxième temps les possibilités
silos des chaufferies individuelles La filiale ONF Énergie, créée le techniques et économiques d’ex-
ou collectives. 12 avril 2006, signe son premier tension du contrat.
Les avantages du granulé rési- contrat d’approvisionnement le
dent dans son fort pouvoir calori- 24 avril 2006.
fique (deux fois plus élevé que du La société Alsace Pellets symbo-
bois séché à l’air libre), son faible lise l’acte de naissance d’ONF Dominique DARPHIN
encombrement, sa facilité de Énergie et à l’inverse, nous sou- responsable bois-énergie
livraison et l’absence de dysfonc- haitons accompagner le dévelop- ONF, DT Bourgogne – Champagne-
tionnements pour l’alimentation pement économique de ce parte- Ardenne
automatique de la chaudière. Son naire historique. dominique.darphin@onf.fr
prix élevé et l’énergie nécessaire
pour le fabriquer (séchage) handi- L’avenir Luc LIBAULT
capent néanmoins ce produit. Satisfaite du partenariat commer- ONF, DR Martinique
cial avec ONF Énergie, Alsace (ex responsable bois-énergie
L’approvisionnement Pellets projette d’augmenter for- Franche-Comté)
La société Alsace Pellets s’appro- tement ses capacités de produc- luc.libault@onf.fr
visionnait jusqu’en avril 2006 uni- tion et de transférer voire accroî-
quement à partir de produits tre ses installations sur autre site à Philippe GOUPIL
connexes de scierie ou de broyats proximité présentant une surface ONF Énergie
de palettes. Le gisement disponi- utilisable largement supérieure. philippe.goupil@onf.f
ble ne permettait plus de répon- La décision industrielle et écono-
dre aux objectifs d’augmentation mique est prise, mais il reste à
de production. Jean-Marie trouver la matière première pour
Georges, président d’Alsace alimenter les chaînes de produc-
Pellets, sollicite alors ONF Éner- tion dans la durée. Alsace Pellets
gie pour une proposition d’ap- a donc sollicité ONF Énergie en
provisionnement en plaquettes novembre 2006 pour élaborer un
bois. En liaison étroite avec contrat d’approvisionnement plu-
l’agence de Colmar, un contrat riannuel portant sur un tonnage
commercial pour la fourniture de de 20 000 tonnes de plaquettes
1 000 tonnes est élaboré et en 2007 pour monter à court
accompagné de la livraison d’un terme (2009-2010) à 50 000 ton-

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Bilan de quatre arboreta de comportement
en Centre-Ouest : quels résultats ?
Suite à d’importants dépérissements, quatre arboreta de comportement ont été
installés en Centre-Ouest entre 1990 et 1998 pour tenter d’identifier des essences de
remplacement, dans deux contextes bien différents : le dépérissement du hêtre en
forêt domaniale de Chizé et le dépérissement du Pin maritime en dune « calcaire »
littorale. À l’arrivée, pas d’essence miracle mais des conclusions très pragmatiques.

Contexte et motif de ces basiques (jusqu’à pH 8 ou 9) et des


comparaisons d’espèces apports salins plus ou moins
importants. Ces contraintes sont
Le dépérissement du hêtre en moins marquées sur les dunes du
forêt de Chizé littoral aquitain, plus favorables à la
Avec ses étés très secs, un fort production du pin maritime.
ensoleillement estival et des sols C’est dans la zone littorale centre Noirmoutier
peu profonds à faible réserve en atlantique que sont apparus, au
eau, cette forêt des plateaux cal- milieu des années 1980, les premiers Pays de monts
caires charentais se situe à la signes de dépérissement caracté- Chizé

convergence entre la limite d’aire risé par des jaunissements d’aiguil-


de répartition du hêtre de plaine et les et une surmortalité des arbres. Oléron

celle de l’érable de Montpellier. Ces observations ont immédiate-


Aussi le hêtre se maintient-il diffici- ment déclenché la mise en place
lement dans ce milieu. Seule la d’un programme de recherche Fig. 1 : localisation des 4 arboreta
persévérance du forestier a su lui autour de ce problème. Parmi les
conserver une place dans les par- axes d’étude envisagés, la recher- Enfin, pour certaines espèces, la
celles les plus favorables. che d’une essence providentielle comparaison de différentes origi-
Néanmoins, les dépérissements susceptible de remplacer le Pin nes (provenances) a été entreprise.
massifs observés ont poussé les maritime a motivé la mise en place
forestiers à rechercher parmi d’au- de 3 arboreta de comportement. Caractéristiques
tres essences celle qui pourrait des 4 arboreta
avantageusement remplacer le Quelles essences tester ?
hêtre. Dans les 2 cas, nous nous trouvons Se reporter aux tableaux 1 et 2 (et
sur des stations difficiles, caractéri- figure 1). Chaque essence testée
Le dépérissement du Pin mari- sées en particulier par de fortes constitue une « modalité » ou
time en dune « calcaire » litto- sécheresses estivales. Aussi, le « traitement ». Chaque arboretum
rale choix des essences à tester s’est est composé de placeaux de traite-
Le pin maritime a été introduit arti- porté sur des essences plutôt ment portant chacun une essence
ficiellement au cours du 19e siècle méditerranéennes. Les travaux donnée ; la surface de ces pla-
le long du littoral atlantique dans le menés par P. Allemand (INRA, ceaux est variable selon les sites.
but de stopper l’avancée des 1989) et les résultats obtenus dans Le groupement, à raison d’un pla-
dunes vers les terres. Outre son des arboreta d’élimination ont per- ceau par modalité, de toutes les
rôle de lutte contre l’érosion mis de dresser une liste d’espèces modalités testées compose un
éolienne, cette forêt littorale a dés- potentielles. bloc. Chacun des arboreta de la
ormais également une fonction D’autre part, l’observation de la dune littorale est monobloc ; à
paysagère importante vis-à-vis du dynamique forestière locale a mis en Chizé, l’arboretum se répartit sur
tourisme estival. évidence la présence de quelques trois parcelles comprenant cha-
La zone dunaire du littoral centre espèces disséminées ayant naturel- cune 3 ou 4 blocs, sachant que tou-
atlantique est caractérisée par des lement colonisé le milieu et qui pou- tes les modalités ne sont pas tes-
étés chauds et secs, des sols très vaient s’avérer intéressantes. tées sur toutes les parcelles.

57
577 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
À l’intérieur de chaque placeau, une Les 3 arboreta de comportement quelques essences introduites lors
placette de mesure est délimitée. de la dune « calcaire » littorale de la dernière tranche de plantation,
Seuls les arbres appartenant à cette ont été mis en place sans répétition qui n’ont que 5 ans.
placette font l’objet de mesures et des modalités. Globalement, pour les essences tes-
de notations, soit 40 à 80 plants Dans ces 3 arboreta, les plants utili- tées sur plusieurs parcelles, les résul-
mesurés par placette suivant les sés ont été élevés en godets de tats sont meilleurs lorsque la réserve
sites. tourbe de 400 cm3 (1.0G, 2.0G ou utile augmente. Cette différence est
La liste des espèces testées par site 1+1G suivant les essences). cependant peu marquée pour les
est récapitulée dans le tableau 3. pins laricio.
Le suivi des arboreta a consisté à
L’arboretum de comportement de relever régulièrement l’état sanitaire Des résineux en tête
Chizé est implanté sur 3 parcelles des plants et leur croissance en hau- Le cyprès de Leyland donne les
sous forme de 3 dispositifs. teur. Les dernières mesures ont été meilleurs résultats en termes de sur-
Les plants utilisés ont été élevés en réalisées en 2003, avant de dresser vie et de croissance. Il est suivi par
godets de tourbe de 400 cm3 (1.0G, le bilan. les pins noirs (laricio de Corse et
1+1G, 2.0G ou 2+1G suivant les Calabre, noirs d’Autriche) qui affi-
essences) sauf les hêtres, chênes et Comportement des essences chent une très bonne reprise mais
les alisiers blancs plantés à racines à Chizé : quelques essences une croissance légèrement plus fai-
nues. Le chêne chevelu a été planté sortent du lot ble que le cyprès de Leyland. Le pin
selon 2 techniques : racine nue et sylvestre et le calocèdre ont des
godet de 400 cm3. Voir les figure n° 2. En 2003, les niveaux de croissance analogues
plants sont âgés de 9-10 ans sauf les aux pins noirs mais un taux de survie
légèrement inférieur.
Parcelle 175 268 269
Les autres résineux donnent des
Mars 93 (tranche 1) croissances nettement plus faibles
Hiver 93-94 (tranche 2)
Dates de plantation Hiver 93-94 (tranche 2)
Hiver 97-98 (tranche 3)*
Hiver 97-98 (tranche 3) avec des taux de survie variables.
Les sapins se caractérisent notam-
Surface du dispositif 4,5 ha 9 ha 11,5 ha ment par des taux de reprise cor-
Nombre de blocs 3 3 4
rects mais des croissances très fai-
bles.
Taille des placeaux de
11 ares 11 ares 17,5 ares
traitement
Puis viennent quelques feuillus
Placette de mesure 40 plants 40 plants 40 plants Si les taux de survie sont en
Caractéristiques Faible réserve utile Réserve utile moyenne Réserve utile moyenne moyenne équivalents pour les
« stationnelles » Précédent Pin sylvestre Précédent hêtre Précédent hêtre 2 groupes d’essences, les croissan-
*dans les parcelles 175 et 268, la 3e tranche correspond à une nouvelle plantation suite à
ces des feuillus sont sensiblement
l’échec de la plantation des hêtres (prov. Chizé) de la 1e tranche. plus faibles que pour les résineux.
Toutefois, les performances du meri-
Tab. 1 : caractéristiques de l’arboretum de Chizé sier sont équivalentes à celles des
pins noirs. Parmi les feuillus, c’est
Sites Pays de Monts Noirmoutier Oléron l’essence qui donne les meilleurs
résultats. Les alisiers blanc et tormi-
Janvier 1991 (tranche 1)
Dates de plantation Décembre 1990 Décembre 1991 Janvier 1992 (tranche 2) nal ainsi que le frêne à fleur ont de
Automne 97 (tranche 3)* bons taux de survie et une crois-
sance encore acceptable en particu-
Surface du dispositif 4 ha 3 ha 18 ha

Taille des placeaux de


40 ares 24 ares > 30 ares
traitement

Placettes de mesure 50 plants 80 plants 50 plants

Sables calcaires
X. Mandret, ONF

Sables calcaires salés Sables calcaires salés


Caractéristiques « sta- salés
Distance à l’océan : Distance à l’océan :
tionnelles » Distance à
0,3 km 0,75 km
l’océan : 1,6 km
* la 3e tranche correspond à une nouvelle plantation de regarnis de cèdre du Liban pour
pallier aux fortes mortalités observées pour cette essence dans la tranche 1
Alisier torminal (14 ans) à Chizé,
Tab. 2 : caractéristiques des arboreta de dune littorale avec recru vigoureux

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 5588


58
Essences testées Arboreta de dune calcaire littorale Arboretum de Chizé
Nom latin Nom français Monts Noirmoutier Oléron Parc. 175 Parc. 268 Parc. 269
Abies cephalonica Sapin de Céphalonie 1 2 (b) 2 2
Abies nordmanniana Sapin de Nordmann 3
Abies pinsapo Sapin d’Andalousie 1
Calocedrus decurrens Calocèdre 2
Cedrus atlantica Cèdre de l’Atlas 1 1-2 1 1
Cedrus libani Cèdre du Liban 1-3 2
Cupressocyparis X leylandii Cyprès de Leyland 2
Cupressus arizonica Cyprès d’Arizona 1 1
Cupressus macrocarpa Cyprès de Lambert 1 1
Cupressus sempervirens Cyprès toujours vert 1 1
Larix decidua Mélèze d’Europe 1
Pinus brutia Pin de Chypre 2
Pinus halepensis Pin d’Alep 2 1
Pinus nigra laricio Corsicana Pin laricio de Corse 1 1 1 1
Pinus nigra laricio Calabrica Pin laricio de Calabre 1 1 1
Pinus nigra nigra Pin noir d’Autriche 1
Pinus pinaster Pin maritime 1 1 (a)
Pinus pinea Pin pignon, Pin parasol 1 1 1
Pinus sylvestris Pin sylvestre 2
Pseudotsuga menziesii Douglas 2
Acer platanoides Érable plane 1 2 2
Acer pseudoplatanus Érable sycomore 3
Alnus cordata Aulne de Corse 1 1
Celtis australis Micocoulier 1 2 2
Fagus sylvatica Hêtre 1 (c)
1 (c)
2 (d)
Fraxinus angustifolia Frêne oxyphylle 1 2 2
Fraxinus ornus Frêne à fleur 1 2
Gleditsia triacanthos Févier d’Amérique 2 1
Ostrya carpinifolia Charme houblon 2
Platanus orientalis Platane 3
Prunus avium Merisier 2
Robinia pseudoacacia Robinier faux acacia 2 1
Quercus cerris Chêne chevelu 2
Quercus petraea Chêne sessile 2 2
Quercus pubescens Chêne pubescent 1 2
Quercus robur Chêne pédonculé 2
Sorbus aria Alisier blanc 2 2
Sorbus domestica Cormier 2 1
Sorbus torminalis Alisier torminal 1
Tilia cordata Tilleul 1
(a) : Provenances Tamrabta, Tamjoute (provenances marocaines) et Cabanac (provenance française)
(b) : Provenances Mainalone, Grèce (provenances grecques) et Gorniès (provenance française)
(c) : Provenance Chizé
(d) : Provenances Chizé, Pyrénées-Orientales (2 placettes)

Tab. 3 : liste des essences testées dans les différents arboreta (les chiffres indiquent la tranche de plantation)

lier sur station à réserve utile Les autres feuillus sont par contre en sente des croissances faibles et une
moyenne. Ces résultats confirment difficulté. Cela se traduit par de for- forte mortalité, atteignant jusqu’à
les observations réalisées sur la forêt tes mortalités et/ou par une crois- 100 % dans 2 parcelles. Les chênes
de Chizé où le bon comportement sance très ralentie, avec de fréquen- ne sont guère meilleurs. Si le taux de
des fruitiers avait déjà été relevé. tes descentes de cime. survie est légèrement plus élevé, la
Le cormier se classe également Le comportement du hêtre, essence croissance reste faible. L’utilisation
parmi les essences potentiellement de référence à Chizé, est décevant de plants à racines nues pour ces
intéressantes. quelle que soit la provenance. Il pré- 2 essences a pu aussi accentuer le

59
599 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
en cm/an

-5

0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Pin d'Alep - 175
Pin d'Alep - 175
Pin Laricio de Calabre - 175
Pin Laricio de Calabre - 175
Pin Laricio de Calabre - 268
Pin Laricio de Calabre - 268
Pin Laricio de Corse - 175
Pin Laricio de Corse - 175
Pin Laricio de Corse - 268
Pin Laricio de Corse - 268
Pin noir d'Autriche - 175
Pin noir d'Autriche - 175
Pin Sylvestre - 269
Pin Sylvestre - 269

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF


Cèdre de l'Atlas - 175
Cèdre de l'Atlas - 175
Cèdre de l'Atlas - 268
Cèdre de l'Atlas - 268
Cèdre du Liban - 269
Cèdre du Liban - 269
Sapin de Céphalonie - 175
Sapin de Céphalonie - 175
Sapin de Céphalonie - 268
Sapin de Céphalonie - 268
Sapin de Nordmann - 269
Sapin de Nordmann - 269
Douglas - 269
Douglas - 269

10 ans après plantation


Cyprès de Leyland - 269
Cyprès de Leyland - 269
Calocèdre - 269
Calocèdre - 269
Mélèze d'Europe - 175
Mélèze d'Europe - 175
Hêtre pyr.or.1 - 269
Hêtre pyr.or.1 - 269
Hêtre pyr.or.2 - 269
Hêtre pyr.or.2 - 269
Hêtre Chizé - 269
Hêtre Chizé - 269
Hêtre Chizé - 175
Hêtre Chizé - 175

6600
60
Hêtre Chizé - 268
Hêtre Chizé - 268
Chêne chevelu - 269
Chêne chevelu - 269

9 ans après plantation


Chêne chevelu Godet - 269
Chêne chevelu Godet - 269
Chêne pédoncule - 269
Chêne pédoncule - 269
Chêne sessile - 268
Chêne sessile - 268

et taux de survie en 2003 (en bas)


Chêne sessile - 269
Chêne sessile - 269
Alisier blanc - 175
Alisier blanc - 175
Alisier blanc - 268
Alisier blanc - 268
Alisier torminal - 268
Alisier torminal - 268
Cormier - 268
Cormier - 268
Merisier - 268
Merisier - 268
Erable plane - 268

5 ans après plantation


Erable plane - 268
Erable sycomore - 268
Erable sycomore - 268
Platane - 175
Platane - 175 Robinier - 175
Robinier - 175
Robinier - 268
Robinier - 268
Frêne à fleurs - 269
Frêne à fleurs - 269
Frêne oxyphille - 269
Frêne oxyphille - 269
Févier d'Amérique - 175
Févier d'Amérique - 175
Micocoulier - 269
Micocoulier - 269

Fig. 2 : performances sur l’arboretum de chizé ; accroissement annuel moyen entre la plantation et 2003 (en haut)
40

R ob. O Groupe 2

35

C. ma c r o M
Groupe 1

30

P. lar . Cor s M

P. ha lep. O
C. s emp. M
25 P. mar . M
C. a r iz . M

P. lar . Cor s O

P. pinea M P. br ut. O
20

P. pinea O
P. ma r Ca b N Groupe 4
15 C. atl. O 1
P. la r Ca l. O
P. pinea N
C. a tl M
C. mac ro O
P. ma r ta mj N
10 C. a tl O 2 P.ma r. tamr N
C. a riz O
Groupe 3
A . c ep. Gr ec O
C. lib O 3
5 C.semp. O
A. pins.O
F.ang.O A.cep.gorn.O
A.cep.M S.dom.O
A.plat.M A.cep.Main O
F.ornus N
Celt.aust N
A.plat O Gled O 1 Q.pub.O F.ang N
0
Celt.aust O Q.pub.N
0 O.carp.O 20 40 60 80 100

% d e s u rv ie
T.cord.N
-5

-1 0

A . c epha lonic a ( Ma in.) O A . c epha lonic a ( Gor n.) O A . c epha lonic a ( Gr èc .) O Cedr us atla ntic a O ( tr 1 )

Gledits ia tr ia c anthos O pl I A c er pla tanoides O Fr a x inus a ngus tif olia O Querc us pubes c ens O

S or bus domes tic a O Os tr y a c a rpinif olia O R obinia ps eudoac a c ia O Celtis aus tr alis O

Pinus ha lepens is O Pinus br utia O Pinus la r ic io v ar c a la br ic a O Pinus la ric io v a r c or s ic a na O

Pinus pinea O Cupres s us ma c r oc a r pa O Cupres s us s emper v irens O Cupr es s us a riz onic a O

Cedr us a tlantic a O ( tr 2) A bies pins a po O Cedrus liba ni O ( tr 3) Pinus pina s ter ( Ta mj.) N

Pinus pina s ter ( Ca ba .) N Pinus pina s ter ( Ta mr .) N Pinus pinea N Tilia c or da ta N

Fr a x inus a ngus tif olia N Fra x inus or nus N Quer c us pubes c ens N Cedr us atla ntic a M

Cupr es s us a r iz onic a M Cupres s us s emperv ir ens M Cupres s us ma c roc a rpa M Pinus la ric io v a r c or s ic a na M

Pinus pina s ter M Pinus pinea M A c er pla ta noides M A . c ephalonic a M


Celtis australis N

O : Oléron ; N : Noirmoutier ; M : Monts

Fig. 3 : performances des essences testées dans les 3 arboreta du littoral en fonction de l’accroissement en
hauteur annuel moyen depuis la plantation et du taux de survie

61
611
61 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
« basse » de cette classe. à explorer.
Groupe 3, essences très peu On retrouve dans ces tests quelques
vigoureuses à croissance très faible tendances qui avaient déjà été
et forte mortalité : le micocoulier, le observées à savoir :
cormier, le tilleul, le févier - de moins bonnes performances
d’Amérique, le charme houblon, des essences feuillues par rapport
l’érable plane. aux résineux ;

Verger, ONF
Groupe 4, essences ayant des - d’importantes variations de com-
croissances faibles à moyennes avec portement selon les sites et les pro-
des taux de survie moyens : frênes, venances : c’est particulièrement
Sapin de Céphalonie (15 ans) à chêne pubescent, sapins, cyprès, net lorsque l’on compare les 3 arbo-
Oléron, avec recru vigoureux de cèdres, pin maritime, pin laricio de reta du littoral.
pin maritime et chêne vert Calabre. Les performances du cèdre de
l’Atlas, des cyprès et du sapin de
NB : l’aulne de Corse n’a pas sur- Céphalonie sont décevantes dans
vécu à Oléron comme à Monts. Il nos arboreta par rapport aux obser-
n’est donc pas représenté dans le vations faites en milieu méditerra-
graphique. néen. Dans le cas du sapin de
Céphalonie, les recommandations
Il est difficile de tirer des conclusions d’utilisation au dessus de 400 m
sur chacune des essences dans la n’ont cependant pas été suivies, ce
mesure où : qui peut expliquer cet échec. Sa
les résultats sont rarement com- sensibilité aux gelées printanières et
parables d’un site d’essai à un autre sa croissance lente sont reconnues
Verger, ONF

pour une essence donnée ; par ailleurs dans d’autres essais.


les fortes mortalités affectant cer- La plupart des essences adaptées
taines essences limitent la crédibilité au milieu méditerranéen ne sont
Faible survie du frêne oxyphylle des résultats d’accroissement du fait donc pas utilisables dans les contex-
(15 ans) à Oléron d’une réduction parfois importante tes qui nous préoccupent.
des effectifs mesurés.
stress de transplantation. On se limitera donc à constater la Quelques essences paraissent
Comportement des essences supériorité du pin laricio de Corse et intéressantes…
dans les arboreta du littoral : du pin de Chypre sur toutes les À Chizé, on ne retiendra que l’inté-
le pin laricio de corse domine autres essences testées, aussi bien rêt des pins noirs et des fruitiers, le
sur la survie que sur la croissance. cyprès de Leyland faisant partie des
Les arbres sont âgés de 11 à 13 ans Pour le pin de Chypre, la prudence essences exotiques non forestières.
au moment du bilan. La figure n° 3 reste cependant de mise en l’ab-
permet d’évaluer les performances sence de références sur plusieurs Sur dune calcaire littorale, c’est le
des différentes essences testées à la sites. De plus, cette essence reste pin laricio de Corse qui offre les
fois sur la vigueur et sur la survie. marginale et méconnue. meilleures perspectives.
On distingue globalement 4 grou- Quant à l’essence de « référence »,
pes d’essences : le pin maritime, ses résultats déce- …mais à quel prix !
Groupe 1, essences caractérisées vants traduisent bien les difficultés Le coût d’une plantation n’est pas
par un bon taux de survie et une d’adaptation aux conditions particu- négligeable surtout avec les difficul-
croissance correcte : le pin laricio lièrement hostiles du milieu qu’il tés que cela implique et qui sont
de Corse, le pin de Chypre et le rencontre. nettement apparues dans ces arbo-
cyprès d’Arizona (à Monts seule- reta.
ment) Conclusion D’une manière générale, des condi-
Groupe 2, essences ayant un fai- tions de milieu défavorables engen-
ble taux de survie mais une crois- Avant l’installation de ces arboreta, drent des difficultés de reprise évi-
sance élevée : le robinier, le pin certaines des essences testées dans dentes : fortes mortalités, faibles
d’Alep et dans une moindre mesure ces dispositifs avaient déjà été éva- croissances initiales, descentes de
le cyprès toujours vert, le cyprès de luées en milieu méditerranéen cimes, concurrence ligneuse ou her-
Lambert et le pin maritime dont les (ALLEMAND, 1989) dans des arbo- bacée…
performances à Monts ne se répè- reta d’élimination. Leur tolérance Ainsi, les meilleures performances
tent pas dans les autres sites. Le pin aux sols calcaires et au stress hydri- observées restent très… relatives. Si
pignon se trouve dans la limite que était apparue comme un atout l’introduction du Pin laricio de Corse

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 6622


62
a montré ses avantages sur dune philes. On assiste donc à une diver- phénomènes de dépérissement.
calcaire littorale dans nos arboreta, sification naturelle de la forêt de pin Le maintien des feuillus d’accompa-
d’autres expériences de plantation maritime qu’il convient avant tout gnement garantira une meilleure
dans les mêmes stations ont donné d’accompagner et de favoriser. pérennité du peuplement, notam-
des résultats décevants par rapport ment dans les stations les moins
au Pin maritime venu naturellement. Cette forêt mélangée peut répon- favorables au pin maritime. Là aussi,
À Chizé, il a été observé, pour les dre aux attentes de ses gestionnai- des essais sont en cours pour définir
espèces fruitières (alisier torminal, res et de ses utilisateurs, à savoir : la sylviculture à appliquer sur les
cormier et merisier), que les indivi- la gestion à moindre coût d’une chênes verts.
dus issus de rejets ou drageons forêt peu productive ;
apparus naturellement dans les la conservation génétique des Sandrine VERGER
interbandes étaient bien plus vigou- espèces autochtones ; Chargée de recherche-développement
reux que les arbres issus de la plan- le maintien de la biodiversité1 ; ONF, DT Centre-Ouest
tation. la constitution d’un relais en cas sandrine.verger@onf.fr
de disparition ou de raréfaction des
De plus, nous nous trouvons ici dans espèces dépérissantes (hêtres, pins Bibliographie
des stations peu productives : faut-il maritimes dans le cas présent).
alors investir dans des opérations Dans le cas particulier du littoral, elle ALLEMAND P., 1989. Espèces exoti-
coûteuses de plantation dont le peut également satisfaire à : ques utilisables pour la reconstitu-
retour sur investissement sera faible une attente paysagère forte liée tion du couvert végétal en région
de toute façon ? notamment à une activité touristi- méditerranéenne : bilan des arbore-
Tout cela conduit à penser que le que importante tums forestiers d’élimination. Coll.
recours à la plantation, quelle que la protection de la dune contre Techniques et pratiques.Paris :
soit l’essence, doit rester limité sur l’érosion grâce à une meilleure cou- INRA. 146 p.
ce type de station. verture végétale dans certains sec-
teurs fragilisés (impénétrabilité des AUREAU F., 1995. Sur la côte ven-
La solution est à rechercher parmi taillis de chêne vert, effet brise-vent déenne, un partenariat d’un genre
les espèces en place… efficace). nouveau entre le chêne vert et le
Malgré des conditions de milieu dif- forestier. Arborescences, n°59, pp.
ficiles, il existe une dynamique natu- …avec une gestion différente des 34-36
relle de végétation. essences dépérissantes
À Chizé, les plants ont dû lutter Parallèlement à la mise en place de FAVENNEC J., 1999. Aménagement
contre un abondant recru ligneux ces arboreta, de nombreux essais des forêts littorales : cas des forêts
naturel qui a su profiter des espaces ont été installés pour tenter de com- dunaires du littoral atlantique fran-
libres. Ce recru, constitué de hêtres, prendre les dépérissements et pour çais. Revue Forestière Française, n°
de chênes et de plusieurs fruitiers tester différents scénarios sylvicoles spécial « L’aménagement forestier
(notamment merisier et alisier) pour- susceptibles de résoudre ou au hier, aujourd’hui, demain », pp. 217-
rait être mis en valeur par des inter- moins de ralentir le processus. 229
ventions sylvicoles appropriées. Quelques principes de gestion s’en
sont dégagés. JARRET P., BOUCHEIX B., 2001.
De même, sur dunes calcaires litto- À Chizé, la gestion forestière doit Leçon d’un échec… réussi avec la
rales, le pin maritime issu de régé- abandonner l’objectif de conduite nature sur les plateaux charentais. In
nération naturelle reste une essence du hêtre en futaie régulière pure et –« Pour une stratégie de reconsti-
d’intérêt. Même si sa longévité est s’orienter vers la gestion d’une forêt tution durable : guide pour la
réduite dans les stations les moins mélangée dans laquelle le hêtre est reconstitution des forêts après
favorables, sa facilité de régénéra- maintenu. Au besoin, des complé- tempête. Paris : ONF, pp. 97-99
tion et sa rapidité de croissance sont ments de régénération peuvent être
des atouts indéniables dans un réalisés par des plantations d’essen- ONF/STIR Ouest, 1999. Gestion de
contexte de forêt de protection plus ces d’accompagnement. Des essais la forêt du littoral Centre-
que de production. D’autres essen- sont en cours, notamment un essai Atlantique : synthèse de 10 années
ces ligneuses autochtones tendent de détourage de l’alisier, pour d’études. Bulletin d’information
à se développer en sous-étage des essayer de valoriser au mieux les STIR Ouest, n°7, pp.7-32
pinèdes. Il s’agit notamment du feuillus précieux naturellement pré-
chêne vert accompagné parfois du sents dans le mélange. ONF/STIR Ouest, 1999. Gestion
chêne pubescent et du chêne Sur dune calcaire littorale, il faut forestière des stations calcicoles.
pédonculé voire d’autres feuillus éclaircir vigoureusement les pinèdes Bulletin d’information STIR Ouest,
(frêne, érable) sur les stations méso- car les fortes densités accentuent les n°7, pp.33-40
1 d’autant que les forêts concernées sont, pour la plupart, dans le réseau Natura 2000, où l’introduction d’espèces de substitution serait contradictoire avec l’enga-
gement de conservation des habitats forestiers.

63
633
63 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
Sensibilité des écosystèmes forestiers
au climat : ce que Renécofor nous a appris

A
u début des années nisme climatique des variations ment présentent une variation rela-
1990, le « Réseau interannuelles de croissance ont été tive de croissance d’au moins 10 %
national de suivi à long entreprises sur une partie des chê- par rapport à l’année précédente.
terme des écosystèmes forestiers » naies, des hêtraies, des pessières et La part de la variation des largeurs
(Renécofor) a été mis en place par sapinières du réseau. Cet article pré- de cernes non liée au climat (qui cor-
l’Office National des Forêts. En sente la synthèse des analyses respond au « bruit » indésirable)
1997, une étude dendrochronologi- menées sur 41 des 102 peuple- est ensuite éliminée à l’aide de pro-
que, associant mesures et datation ments. Ces sites retenus correspon- grammes mathématiques spécifi-
des cernes d’accroissement dent à 5 espèces et couvrent une ques. Dans une dernière étape, les
annuels, a été entreprise afin de vaste gamme de conditions pédo- séries d’indices obtenus sont
caractériser l’histoire des 102 peu- climatiques (figure 1 et tableau 1). moyennées par date de façon à
plements avant l’installation du Les objectifs sont de définir les prin- obtenir les chronologies moyennes
réseau. Dans le contexte du réchauf- cipaux paramètres climatiques de chaque peuplement. C’est à par-
fement climatique et notamment modulant la croissance radiale pour tir de ces courbes moyennes que les
des effets potentiels des vagues de chaque essence, de mettre en évi- relations cerne - climat sont analy-
chaleur observées récemment, la dence les effets des conditions loca- sées. Divers paramètres statistiques
question de la sensibilité des essen- les sur la sensibilité au climat et de sont calculés afin de juger de la qua-
ces et de leur adaptation en comparer la réponse entre espèces. lité et de la force du signal climati-
réponse à ces modifications envi- que contenu dans les cernes.
ronnementales est devenue une Aperçu méthodologique
question majeure de la commu- La contrainte hydrique a été quan-
nauté forestière internationale. Une Les 1 220 arbres concernés ont été tifiée en durée et en intensité par
meilleure connaissance des seuils carottés à cœur à 1,30 m (26 à 30 un modèle de bilan hydrique jour-
de réponse des espèces au climat « arbres par site ; 99 205 cernes). Les nalier. Après paramétrage précis
moyen » mais également aux extrê- carottes ont été mesurées, puis des données stationnelles (réserve
mes, en liaison avec les conditions interdatées à l’aide d’années carac- utile maximale en eau du sol,
locales de croissance, devrait per- téristiques de façon à s’assurer du indice de surface foliaire, durée de
mettre de guider le gestionnaire bon synchronisme des séries de cer- la saison de végétation) et l’inté-
dans les futurs choix des espèces à nes. Ces années reflètent générale- gration des données climatiques
favoriser selon les contextes locaux. ment l’effet de conditions climati- journalières relatives aux condi-
Afin d’apporter des éléments de ques extrêmes et correspondent tions météorologiques de chaque
réponse à ces questions, des analy- aux années pour lesquelles au peuplement (issues du réseau
ses visant à expliquer le détermi- moins 75 % des arbres du peuple- Météo France), le modèle simule

15 Hêtraies 15 Chênaies 5 Pessières


6 Sapinières

40-60 jours
61-80 jours
81-100 jours
>100 jours

Moyenne : Moyenne : Moyenne (SP - EPC) :


RUM = 133 mm RUM = 182 mm RUM = 108 - 103 mm
Durée = 76 jours Durée = 64 jours Durée = 76 - 47 jours
(Is = 39) (Is = 31) (Is = 35 - 21)

Fig. 1. : localisation des 41 peuplements et caractéristiques de la durée moyenne du déficit hydrique


(période 1961-1990)
HET = hêtre, CHS = chêne sessile, CHP = chêne pédonculé, SP = sapin pectiné, EPC = épicéa commun, avec le numéro du département. Entre parenthèses, la réserve
utile maximale en eau du sol (en mm). Is = indice de déficit hydrique (plus la valeur est élevée et plus la sécheresse est intense).

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 6644


64
Hêtre Chêne Epicea Sapin plus l’intensité de la contrainte est
Nb peupl. 15 15 5 6
forte pour les peuplements. Le
Nb arbres 450 443 149 178
Nb de cernes 33810 33614 14237 17544 nombre de jours de déficit hydri-
Ht (m) 21,4-30,2 17,7-30,4 22-34,8 25,1-29,3 que traduit la durée de la mise en
Dia (cm) 29-50 25-44 41-52 39-58 place de ces processus et donc la
Age (ans) 54-160 54-139 58-185 54-168 durée de la sécheresse. Sur la
Dens. (n/ha) 201-633 190-569 401-746 322-427
période 1961-1990 et, pour l’en-
Alt.(m) 50-1300 (470) 57-370 (222) 600-1700 (1028) 400-1360 (1040)
RUM (mm) 77-274 (133) 59-270 (182) 65-149 (110) 60-190 (108) semble des 41 peuplements, il y a
Lc (mm) 1,36-3,80 (2,3) 1,34-2,38 (2,0) 1,48-4,00 (2,38) 0,99-3,38 (2,47) eu en moyenne 67 jours de déficit
Années caractéristiques hydrique annuel (figure 1). En
1994 40 % moyenne, les hêtraies ont subi
1991 - 21 % davantage de contraintes que les
1989 - 34 % - 25 % chênaies (10 à 15 jours de plus) en
1986 - 24 % - 35 % liaison avec des conditions station-
1982 47 % nelles moins favorables (notam-
1977 62 % 52 % ment des réserves utiles plus fai-
1976 - 43 % - 31 % bles).
1973 - 24 %
1972 16 % Pour chaque peuplement, le déter-
1969 34 % minisme climatique des variations
1963 41 % de croissance a été analysé sous
1962 - 24 % - 29 % - 31 % deux angles. Dans un premier
1959 - 35 % temps, seules les années caracté-
1958 64 % 59 % ristiques ont été comparées aux
1956 - 27 % - 24 % - 45 % données climatiques. Cette ana-
1955 38 % 35 % lyse permet de mettre en évidence
Paramètres climatiques l’effet de conditions météorologi-
apparaissant dans ques extrêmes mais rares sur la
BH juin BH juillet et août BH août à oct (n-1)
minimum 50 % croissance. Dans un second temps,
(26,6 %) (19,6 %) (19,8 %)
des cas les variables et les périodes clés
Temp max août
jouant un rôle significatif sur la
BH juil. BH juillet (18,5 %) Temp max juillet BH oct (n)
croissance des arbres sur le long
40 à 50 % des cas BH oct (n-1) Temp max fév
terme ont été définies à partir de
Temp max déc
(n-1) l’analyse des corrélations entre les
BH juin BH juin à août paramètres climatiques et les indi-
30 à 40 % des cas BH août Temp max juin ces de croissance (calcul des
BH sept modèles climatiques). Les paramè-
BH oct tres climatiques ont été organisés
de façon à former des combinai-
Tab. 1 : synthèse des conditions écologiques des 41 peuplements et des
sons de 24 régresseurs mensuels
résultats des analyses climatiques
Les caractéristiques dendrométriques correspondent aux valeurs en 1994. RUM = Réserve utile maximale
(12 indices de déficit hydrique et
en eau du sol (en mm). Lc = largeur moyenne du cerne par peuplement (en mm). Les valeurs entre crochets 12 températures minimales ou
correspondent aux moyennes. Pour les années caractéristiques, les valeurs correspondent aux variations maximales) associant à la fois les
moyennes de croissance. Un signe « - » indique une croissance réduite. Pour les paramètres climatiques, les
variables en gras indiquent les facteurs prépondérants pour chaque espèce. Le chiffre entre crochets indi- données de l’année n et l’année n-
que le pourcentage de variations des largeurs de cernes expliqué par ce paramètre. BH = bilan hydrique 1 afin de prendre en compte
(indice de déficit hydrique). Temp max = température maximale moyenne (en °C). n= année en cours ; n-1
= année précédente. d’éventuels arrière-effets. Selon les
données climatiques disponibles,
le changement du contenu en eau tion stomatique des arbres selon les analyses ont porté sur une
du sol entre deux journées succes- l’évolution du contenu en eau du période de 32 (1963-1994) à 46 ans
sives. In fine, les deux variables uti- sol. Quand ce dernier passe en (1949-1994).
lisées pour l’analyse des relations dessous du seuil de 40 % de la
cerne — climat sont un indice et un réserve utile maximale, il y a ferme- Sensibilité aux évènements
nombre de jours de déficit hydri- ture des stomates et donc diminu- extrêmes
que. Cet indice peut être cumulé tion de la transpiration et de l’assi-
mensuellement ou annuellement milation carbonée. La croissance Sur la période 1946-1994, l’analyse a
ou sur des périodes plus précises. des arbres est freinée. Plus la montré qu’en moyenne 3 années
Il reflète les processus de régula- valeur de cet indice est grande et par décennie ont présenté des

65
655
65 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
croissances remarquables. Des (figure 2). Par rapport aux chênaies, d’écophysiologie qui montrent
sécheresses exceptionnelles ou les années sèches se sont traduites que la distinction physiologique
des froids hivernaux intenses sont par des réductions supérieures de des deux espèces est réelle mais
les facteurs les plus souvent en près de 40 % dans les hêtraies et n’apparaît évidente que dans le
cause dans ces comportements l’année humide par un cerne plus cas de déficits hydriques impor-
particuliers. large d’environ 10 %. Les travaux tants et prolongés. Les différences
Les hivers très rigoureux 1955-1956 d’écophysiologie menés depuis les quant à la structure des vaisseaux
et 1985-1986 (hivers les plus froids dernières années permettent d’ap- et des cernes et aux propriétés
sur l’ensemble de la période étu- porter des éléments explicatifs en hydrauliques expliquent, en partie,
diée) se sont traduits par des liaison avec les différences d’anato- ces comportements différents.
réductions fortes de croissance mie du bois, de phénologie et de D’autres évènements ont marqué
dans la majorité des peuplements régulation du flux transpiratoire. Il également les peuplements
de résineux (en moyenne -37 %), est également important de souli- comme, par exemple, les sécheres-
et pour la moitié des chênaies pour gner que les hêtraies étudiées pré- ses de 1962 pour les résineux et les
l’hiver 1955-1956 (-27 %). Ces sentent globalement des conditions chênes, de 1991 pour les sapinières
réductions sont associées aux tem- stationnelles et climatiques moins et de 1973 pour les pessières. À
pératures minimales extrêmes de favorables que les chênaies les ren- l’opposé les années « humides »
février qui ont présenté des valeurs dant ainsi plus sensibles aux aléas. 1977, 1969, 1955 ont coïncidé avec
moyennes plus basses de 7 à 12 Ainsi, pour le hêtre, la sensibilité aux des fortes croissances pour le sapin,
°C par rapport à la normale. Pour conditions météorologiques 1955 et 1963 pour l’épicéa, 1982 et
ces deux années froides, la réduc- annuelles dépend très étroitement 1994 pour les chênes (sessiles).
tion de croissance a été supérieure de la réserve utile maximale en eau
d’en moyenne 60 % dans les sapi- du sol. La sensibilité est maximale Réponse aux conditions
nières par rapport aux pessières sous le seuil de 100 mm. moyennes
confirmant la plus grande sensibi-
lité du sapin au gel intense. Concernant les deux chênes, il Les modèles climatiques expli-
Les chênaies et les hêtraies ont réagi n’est pas apparu d’années caracté- quent entre 10 et 60 % des varia-
fortement en 1976, 1989 et 1958. Les ristiques spécifiques à chaque tions interannuelles des largeurs
années 1976 et 1989, qui correspon- espèce, mais les variations de de cernes et prennent en compte
dent à des croissances réduites, se croissance ont été plus prononcées entre 2 et 8 paramètres. Pour tou-
sont caractérisées par des sécheres- dans le cas des chênes pédoncu- tes les essences, le bilan hydrique
ses au moins deux fois supérieures à lés. Ceci est cohérent avec les joue un rôle central dans le déter-
la normale en durée et/ou intensité. résultats d’autres travaux utilisant minisme de ces variations alors
En revanche, l’année de forte crois- la même approche dendroécologi- que l’effet direct des températures
sance 1958 est l’expression d’un que. Ils coïncident également avec est moins fréquent (tableau 1 et
stress hydrique modéré voire nul les résultats récents des travaux figure 3).

Année 1976 Année 1958


240
220
200
n: 80 jours
contenu en eau du sol (cm)

180
Is : 29 a b s e n ce d e
160
ré g u l a ti o n
14 octobre

140
26 juillet

s to m a ti q u e
120
100
80
5 juin

ré g u l a ti o n
29 octobre

60
n: 147 jours s to m a ti q u e n: 0 jour
40
Is : 94 Is : 0
20 V ariation de crois . : -26,1% V ariation de crois . : +25,8%
0
0 40 80 120 160 200 240 280 320 360 0 40 80 120 160 200 240 280 320 360

Fig. 2 : évolution (trait gras) de la réserve utile en eau du sol pour l'année sèche 1976 et l'année humide 1958 dans
la chênaie sessiliflore de la forêt domaniale de Bercé (72)
Les dates de début et de fin de la sécheresse sont indiquées, ainsi que les deux valeurs des indices de stress : n = nombre moyen de jours de sécheresse, Is = indice
moyen de déficit hydrique. Le trait fin indique l'évolution moyenne de la réserve en eau (1961-1990) avec, en italiques, les conditions moyennes . Le trait en pointillé
indique le seuil de 40% de la réserve à partir duquel il y a régulation stomatique (diminution de la transpiration et de la croissance).

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 6666


66
Pour le hêtre, la croissance est très la mise en place d’un cerne large près de 30 % de la variation de la
fortement dépendante des condi- l’année suivante (tableau 1). Le largeur de ce compartiment. Plus
tions d’humidité du début d’été. niveau d’explication relativement tard dans la saison, c’est l’intensité
Le déficit du mois de juin explique faible des modèles (moins de 30 % de la sécheresse du début d’été
en moyenne à lui seul près de 30 % en moyenne) pourrait être mis en (juin-juillet) qui module la mise en
de la variabilité interannuelle. La relation avec les conditions pédo- place du bois final (taux d’explica-
synthèse menée sur les hêtraies climatiques globalement peu limi- tion moyen de 18 %). Comme pour
européennes montre que ce résul- tantes des chênaies étudiées : fai- les chênes, la croissance du sapin
tat est généralisable. Les condi- ble altitude, climat tempéré apparaît donc fortement sous la
tions climatiques de juin (ou juillet) humide associé à des sols pro- dépendance des conditions de
interviennent dans plus de 80 % fonds et à réserve utile en eau éle- l’année précédente.
des études. Des déficits hydriques vée. Ces différences de conditions Les résultats sur les résineux sont
pendant cette période sont égale- écologiques pourraient également cohérents avec le modèle général
ment d’autant plus défavorables expliquer en partie les différences de la réponse des conifères aux
que la station est sèche : faible notables de comportement obser- basses latitudes ou altitudes qui
réserve utile maximale en eau du vées entre les chênaies et les met en évidence le rôle central de
sol, exposition chaude, etc. Les hêtraies (stations globalement la sécheresse sur la mise en place
analyses montrent également que moins favorables). du cerne. En effet, les 11 peuple-
même si le hêtre réagit fortement à ments étudiés correspondent à
un stress par une croissance Concernant les résineux, le com- des forêts de basses altitudes
réduite, il est capable de retrouver portement de l’épicéa commun se (moyenne : 1 004 m) du Sud-
rapidement un niveau satisfaisant rapproche de celui du hêtre avec Ouest de l’Europe soumises à des
d’accroissement si les conditions un rôle majeur des conditions de climats plutôt « chauds » et humi-
redeviennent favorables. Par l’année en cours et une mise en des. Une analyse à plus grande
exemple, pour les sécheresses de place du cerne fortement sous la échelle montre que l’importance
1976 ou 1989, il a été très souvent dépendance de la sécheresse esti- du bilan hydrique décroît au fur et
observé un retour à une forte crois- vale. La période clé est centrée sur à mesure de l’augmentation de la
sance un ou deux ans après le les mois de juillet et août dont le latitude et/ou de l’altitude. Ainsi,
stress. Dans l’état actuel de nos déficit hydrique cumulé explique à en Europe Centrale ou du Nord,
connaissances, le hêtre apparaît lui seul environ 20 % de la variation l’action du facteur thermique
donc comme une des essences les des accroissements (tableau 1). devient prépondérante (effet
plus sensibles au déficit hydrique direct et unique). D’une façon simi-
mais également comme une des La réponse du sapin est très diffé- laire, la sensibilité au facteur ther-
plus réactives (capacité de récupé- rente. Le signal climatique est mique augmente selon le gradient
ration très rapide). essentiellement lié au déficit hydri- altitudinal. La température, à tra-
que de la fin de la saison de végé- vers notamment les gelées et son
Contrairement aux hêtraies, les tation précédente (août à octobre). effet sur la longueur de la saison de
chênaies ne semblent pas répon- Ainsi, la mise en place du cerne de végétation, devient le facteur
dre à un paramètre unique mais à l’année n dépend en grande partie explicatif essentiel dès que l’on
plusieurs facteurs dont le poids et des arrière-effets c’est-à-dire des passe les seuils de 1 300 - 1 500 m
la nature peuvent fortement varier conditions de l’année précédente. d’altitude.
selon les sites. Si certaines années Un hiver clément semble égale-
extrêmes permettent de distinguer ment jouer un rôle important à tra- Conclusions
les deux espèces de chêne, la réac- vers un effet stimulant des tempé-
tivité au climat moyen apparaît ratures clémentes de février et/ou Pour les contextes de plaine et
similaire pour les deux essences. avril. Pour mettre en évidence des de basses altitudes (< 1 000 m)
Pour le chêne, c’est le bilan hydri- effets du déficit hydrique de l’an- étudiés, c’est bien le bilan hydri-
que du milieu d’été (juillet) qui est née en cours, il est nécessaire de que qui joue un rôle central dans la
le facteur climatique prépondérant considérer séparément le bois ini- dynamique des peuplements.
en expliquant environ 20 % des tial et le bois final dans le cerne Ainsi, hêtre et épicéa réagissent
variations d’accroissement mais annuel. Avec une telle analyse, il fortement à la sécheresse de début
seulement pour un peuplement sur apparaît clairement que c’est la de saison alors que les chênes et le
deux. Pour une partie des chê- mise en place du bois initial de sapin semblent être davantage
naies, il apparaît également que l’année n qui est étroitement sous la dépendance des conditions
l’absence de sécheresse en dépendante du déficit hydrique de fin d’été ou d’automne. Pour
automne et des températures cumulé de la fin de saison de l’an- ces deux espèces, des effets ther-
hivernales clémentes participent à née n-1. Ce seul facteur explique miques hivernaux sont également

67
677
67 RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF
souvent observés (effets positifs
1,4 des températures clémentes).
Sapin pectiné (05) - Bois initial Même s’il est impossible de pré-
1,3
lc = -0,0039 (ls)+1,153 dire avec certitude la dynamique
1,2 r2 = 40% future des écosystèmes forestiers
1,1 dans le cadre du réchauffement cli-
matique et l’augmentation envisa-
1 gée de la fréquence et de l’inten-
sité des sécheresses, il apparaît
0,9
cependant très important de bien
0,8 considérer dès maintenant le choix
des essences et l’adéquation avec
0,7 les stations pour minimiser les ris-
ques de dysfonctionnement futur.
0,6 Un réchauffement hivernal notable
0 10 20 30 40 50 60 70 80 ainsi que des modifications des
Indice de sécheresse (s) d'août à octobre de l'année (n-1) périodes d’apparition des épiso-
des chauds et secs pourraient donc
avoir des conséquences très diffé-
8
rentes selon les essences. Pour le
6
Chêne pédonculé (18) - Cerne complet hêtre, par exemple, un seuil de
lc = 0,1554 (ls)+1,5877 100 mm de réserve utile corres-
4 r2 = 27% pond à un niveau de forte sensibi-
lité aux aléas. Cependant, cette
2 essence a toujours été capable de
« récupérer » même sur des sta-
0
tions limites. Cela ne signifie pas
que dans les années futures de
-2
nouveaux comportements (dépé-
rissements ?) apparaissent suite à
-4
des dépassements de « seuils phy-
siologiques » non observés
-6
jusqu’à présent. Ainsi, un suivi pré-
0 5 10 15 20 25
cis des effets des canicules de juil-
Indice de sécheresse (ls) d'août let 2003 et d’août 2006 devrait
apporter des nouveaux éléments
quant à la résistance réelle de
15 cette essence à de tels évène-
Hêtre (21) - Cerne complet ments. Il est évident que le même
suivi doit être entrepris pour les
10 lc = -0,3906 (ls) + 3,3526 autres essences, et que le praticien
r2 = 36% doit être, plus que jamais, à
5 « l’écoute de sa forêt ».

François Lebourgeois,
0 UMR LERFOB-INRA-ENGREF Nancy,
lebourgeois@engref.fr

-5 La bibliographie complète est dis-


ponible auprès de l’auteur. Les
-10 résultats détaillés sont disponibles
0 5 10 15 20 25 35 dans des articles publiés dans les
revues Trees (2005, 19 : 385-401),
Indice de sécheresse (ls) de juin
Revue Forestière Française (2005,
Fig. 3 : exemple de corrélation entre les indices de croissance (Ic) et les 57 : 33-50 ; 2006, 58 : 29-44 et 2007,
indices de sécheresse (Is) pour trois peuplements sous presse) et Annals of Forest
Plus la valeur de Is est élevée et plus la sécheresse pour la période correspondante est intense. Science (2007, sous presse).

RDV techniques n° 15 - hiver 2007 - ONF 6688


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