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ATHLÉTISME

DESSIN : CARMEN MÜLLER


Nous présentons dans cet article l'expéri-

TRIPLE SAUT
mentation tentée au L.P. Henri Nominé de
Sarreguemines (Moselle). Elle a concerné
la classe de terminale BEP secteur indus-
triel pour laquelle la construction d'un sys-
tème d'évaluation permettant d'apprécier
les acquisitions des élèves en triple saut
s'est révélée nécessaire.
Les procédures que nous avons retenues
visent l'intégration des données les plus
récentes (1) (2) (3) et la cohérence avec les
objectifs définis dans le projet pédagogique
EPS du lycée.

LES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE


Recueil des données
L'observation des élèves en situation de réalisa-
tion a permis de mettre en évidence les difficul-
tés du triple saut. La manière de sauter est révé-
latrice des connaissances intériorisées par les
élèves: l'objet de cette observation sur le terrain
est de répertorier les savoirs mobilisés pour agir
en triple saut.
Le problème se pose en ces termes : que faut-il
faire au plan moteur et procédural pour être le
plus efficient en triple saut ?
L'observation s'est appuyée sur un recueil de
données chiffrées portant sur les deux para-
mètres :
- la longueur de la course d'élan.
- la répartition des trois bonds dans l'espace (dans
leur mise en relation avec la performance).
Constats et interprétation
• La majorité des jeunes de terminale BEP
éprouvent de grandes difficultés à gérer leurs
ressources pendant la course d'élan. Les tests
PHOTOS :AVAGE

proposés révèlent que les élèves obtiennent leur


meilleure performance à partir d'un élan réduit.
Les sujets ne parviennent pas à rentabiliser leur
course d'élan. Les tests effectués à partir d'une
course d'élan plus longue s'accompagnent d'une
stagnation voire d'une régression îles perfor-
mances.
• La répartition des trois bonds dans l'espace fait
apparaître un certain déséquilibre. Dans la plu-
part des cas, le cloche-pied s'effectue sur une
CONSTRUCTION
jambe tendue, ce qui entraîne un blocage. La
qualité de la réception du premier bond condam-
ne toute reprise dynamique et crée une rupture
lors de l'enchaînement cloche-pied/foulée bon-
D'UN OUTIL D'EVALUATION
dissante. Il en résulte un deuxième bond beau-
coup trop court. PAR J.-C. GEORGET

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Construction du système de notation élan réduit car celui-ci n'est pas capable de renta-
biliser sa course d'élan. Par conséquent, l'indice
L'interprétation des données chiffrées a permis proposé est le suivant : écart de performances
l'identification de deux principes. Leur évalua obtenu entre un saut effectué à partir d'un élan
tion nécessite la construction d'une échelle de illimité et un saut réalisé à partir d'un élan limité
notes. L'étalonnage de l'échelle s'est déterminé à cinq appuis.
par tâtonnements, par essais-erreurs.
Exemple : un élève réalise un saut de 10,20 m sur
Expérimentation et validation de l'outil élan non limité. 8.90 m sur élan réduit.
L'écart est de 1,30 m, ce qui correspond à une
L'expérimentation apporte une réponse à l'inter- note de 0 à 5 (cf. tableau).
rogation suivante : l'utilisation d'un tel outil
d'évaluation dans le cadre du projet pédagogique Identification du principe n° 2 :
EPS est-elle justifiée ? équilibrer les trois bonds en distance
La confrontation de tous les élèves à l'outil d'éva-
luation a contribué à faire quelques ajustements Les trois bonds équilibrés en distance sont la
sur l'échelle de notes. Cet outil apparaît désor- conséquence directe :
mais valide bien qu'il autorise certaines régula- - d'une bonne vitesse à l'impulsion (genou haut
tions et une souplesse de fonctionnement. vers l'avant).
- d'un cloche-pied ample et relâché,
IDENTIFICATION ET ÉVALUATION - d'un bon rythme général dans le saut (jambe
libre active).
Les constats issus de l'observation ont permis Chez l'expert, les distances des premier et troi-
l'identification de deux principes opérationnels ; sième bonds sont sensiblement équivalentes. Le
ceux-ci doivent être en parfaite cohérence avec second, plus court, est dû aux difficultés tech-
la logique interne de l'activité. niques du cloche-pied.
Le triple saut est une activité de production de
performances chiffrées visant à élargir l'espace
et. plus précisément à franchir la plus grande dis-
tance horizontale possible en trois bonds
(cloche-pied, foulée bondissante, saut type lon-
gueur) après une course d'élan limitée réglemen-
tairement par une marque à partir de laquelle la
performance est mesurée (4).
Identification du principe n° 1 :
optimiser sa vitesse de déplacement
• Le triple saut étant une activité de performan-
ce l'athlète doit prendre en compte les facteurs
qui améliorent l'efficacité de son comportement.
La vitesse d'élan est l'un de ceux-ci. Gérer sa
vitesse de déplacement consiste à créer une cer-
taine vitesse et à la conserver jusqu'au moment
de l'appel. L'élève doit identifier trois phases
dans la course d'élan : mise en action accéléra-
tion et préparation à l'appel (spécificité de
chaque saut).
Une course d'élan réduite doit comprendre au
moins cinq appuis de manière à conserver une
certaine structure rythmique. Cependant, dans ce
cas précis, la vitesse de course est diminuée par
rapport aux possibilités de l'athlète. Si l'on veut

PHOTOS : AVAGE
obtenir plus de vitesse, il est recommandé d'aug-
menter le nombre d'appuis dans chacune des
trois parties (5).
Le choix d'une structure 5-5-5, pour organiser la
course d'élan, apparaît comme une étape intéres-
sante. Chaque sous-structure est assimilée à un
groupement rythmique. L'élaboration des conte- Néanmoins, les élèves de classes de BEP doivent
nus d'enseignements peut s'orienter vers la tendre vers un équilibre en distance de leurs
recherche d'un rendement optimum de la course bonds. L'apprentissage doit passer par une maî-
d'élan. L'enjeu est de faire acquérir à l'élève des trise de l'enchaînement cloche-pied/foulée bon-
connaissances qui lui permettent d'adopter une dissante afin d'éviter l'écrasement.
course d'élan étalonnée, relâchée par un rythme L'indice proposé est le suivant : calculer l'écart
accéléré. de distance entre la moyenne de la longueur des
• Quel est le critère retenu pour évaluer ce pre- trois bonds et la longueur du bond le plus extrê-
mier principe ? me (le plus court ou le plus long).
L'idée de départ est la suivante : l'expert en triple Exemples :
saut utilise un élan suffisamment long pour • Un élève A effectue un saut de 10,50 m. La
atteindre la plus grande vitesse horizontale utili- répartition est la suivante : 3.80 m - 3.10 m -
sable. La longueur de la course d'élan est en rela- 3.60 m.
tion étroite avec sa vitesse de déplacement ; cel- La moyenne des bonds est de 3.50 m. L'indice
le-ci influence la performance. L'écart de perfor- chiffré est donc : 3,50 m - 3.10 m = 0.40 m.
mances obtenu entre deux sauts, l'un effectué à • Un élève В effectue un saut à 10,50 m égale-
partir d'un élan complet, l'autre d'un élan réduit, ment.
est important. En revanche, le débutant produit La répartition est la suivante : 4.40 m - 2,10 m -
généralement son meilleur score en utilisant un 4 m.

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La moyenne des bonds est de 3.50 m.
L'indice chiffré est 3.50 m - 2.10 m = 1.40 m.
• Ces deux élèves produisent la même perfor-
mance mais ne maîtrisent pas au même degré les
savoirs leur permettant d'équilibrer leurs trois
bonds en distance.
Cet indice chiffré doit se rapprocher de zéro pour
des élèves de ce niveau.

LES MODALITES DE L'ÉVALUATION


La performance en tant qu'acte unique ne permet
par d'apprécier objectivement la maîtrise des
savoirs par l'élève. Leur intériorisation est révé-
lée par un niveau général de pratique, par un
ensemble de performances susceptibles d'être
régulièrement reproduites (1).
La zone de performance retire à la prestation son
caractère exceptionnel et permet ainsi d'établir
les conditions d'observation et d'évaluation des
deux principes. En fait, la zone de performance
n'est là que pour créer les conditions de l'effi-
cience. Les zones de performance sont affectées
d'un coefficient allant de 1,5 à 2. Il suffit de mul-
tiplier le coefficient par la note obtenue à l'éva-
luation des deux principes (6).
En début de cycle, les élèves effectuent un test de
performance en utilisant un élan limité à cinq
appuis maximum. Les contenus d'enseignement
proposés au cours du cycle (douze séances d'une
heure) s'orientent à la fois sur la maîtrise de la
course d'élan, à la fois sur l'équilibre des bonds
en distance. A tout moment du cycle, chaque élè-
ve a la possibilité d'être évalué. Les élèves prennent connaissance du contrat et 8.70 m : 3.60 m - 2,30 m - 2.80 m.
L'évaluation des deux principes s'effectue lors de des règles de l'évaluation à l'issue de la première Moyenne : 2,90 m.
la même réalisation. L'élève évalué doit produire séance c'est-à-dire après la réalisation du test sur 1 : 3,60 m - 2,90 m - 0.70 m.
au moins trois performances (sur six tentatives) élan réduit (cf. tableau). La moyenne des 3 indices chiffrés est : 0,85 m.
dans la même zone de performance. Exemple : un élève saute à 7.90 m sur un élan ce qui correspond à 3 pts (cf. tableau).
Lors de l'évaluation, un décamètre est déroulé à réduit (5 appuis maximum) lors de la première La note globale est la suivante : 5 + 3 = 8/10
même le sol et permet aux trois observateurs de séance du cycle. 8 x 1.80= 14.4/20.
relever la distance de chaque bond sur une
feuille. Lors de l'évaluation, les trois tentatives réalisées
dans la même zone de performance sont :
Evaluation du principe n° 1 9.45 m - 9.30 m - 8.70 m.
Cela se traduit par le coefficient suivant : 1.8 (cf. Ce système d'évaluation n'est pas établi de
La notation prend en compte la différence des tableau). manière définitive ; une régulation permanente
performances produites entre le meilleur saut L'évaluation du P n° 1 lui apporte 5 points doit être encouragée. L'enseignant pourra
effectué sur élan libre et le meilleur saut effectué (9.45 m - 7.90 m = 1,55 m). construire des situations d'apprentissage en toute
sur élan réduit. L'écart entre ces deux perfor- L'évaluation du P n° 2 nécessite la prise en liberté pédagogique et didactique dont le but sera
mances se transforme en note allant de zéro à compte de la moyenne des indices chiffrés se de favoriser l'acquisition de savoirs en cohérence
cinq (cf. tableau). rapportant aux performances de la zone considé- avec les objectifs définis dans le projet pédago-
rée. gique EPS.
Evaluation du principe n° 2
9.45 m : 4,10 m - 2.25 m - 3.10 m. Jean Christophe Georget
L'indice est calculé à partir des données chiffrées Moyenne : 3.15 m. Professeur Agrégé d'EPS.
relevées par les trois observateurs. I:4,10 m-3.15 m = 0.95 m. BEES Athlétisme I" degré.
L'addition de ces deux notes correspondant aux 9.30 m : 4 m - 2.40 m - 2.90 m. LP Henri Nominé. Sarreguemines.
deux principes est multipliée par le coefficient de Moyenne : 3.10 m.
la zone de performance. I:4m-3.10m = 0.90m.

Notes bibliographiques
(1) C. Pineau - « L'évaluation en EPS » - Revue EPS
n° 235 - Mai-Juin 1992.
(2) C. Pineau - « Des principes opérationnels aux pro-
grammes d'EPS » - Revue EP.S n° 239 - Janvier-Février
1993.
(3)C. Pineau - « Les épreuves d'EPS aux examens de l'Edu-
cation Nationale » - Revue EP.S n° 237 - Septembre-
Octobre 1992.
(4) Ministère de l'Education Nationale et de la Jeunesse et
des Sports - 1GEN - « EPS. Didactique de l'EPS ». contri-
bution de l'Académie de Lyon. 1990.
(5) A. Ferrand - « Saut - Gérer sa vitesse dans la course
d'élan » - Revue EP.S n° 193 - Mai-Juin 1985.
(6) Travaux de M. Pradet. J. Roche. P. Seners cités par
C. Pineau - Revue EP.S n° 237 « Les épreuves d'EPS aux
examens de l'Education Nationale » - Septembre-Octobre
1992.

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