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L'éducation en Afrique
Diffusion: info@editionscienceetbiencommun.org
Table des matières
Introduction 1
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L'éducation en Afrique
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Préface à la nouvelle édition
FRÉDÉRIC CAILLE
C’est un Africain de 35 ans qui a écrit en 1964 le livre que nous sommes
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honorés de rééditer aujourd’hui . Un jeune professeur de physique, premier
agrégé de cette matière par l’Université française, issu d’Afrique, l’un des
« miraculés » de ce qu’il appelle lui-même l’impitoyable « malthusianisme »
de l’enseignement colonial : 0,1% d’une classe d’âge atteignait l’enseignement
supérieur en 1957, soit un enfant sur 10 000. Le jeune professeur de 35
ans savait que c’était une lourde responsabilité que d’être un miraculé. Si
lourde que, au soir de sa fête d’agrégation sur les bords de Seine, Abdou
Moumouni Dioffo s’effondra en larmes en évoquant tous les Africains qui
avaient consenti des sacrifices pour qu’il bénéficie d’une bourse d’étude,
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« malgré leur propre dénuement » .
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L'éducation en Afrique
Je dois dire que j’avais souhaité que des collègues mieux placés que
moi, notamment des littéraires, mettent au point les idées que nous
avons mûries ensembles. Après deux ans d’attente, lorsque j’ai eu
l’assurance que personne n’envisageait d’écrire pour faire connaître
notre expérience aux autres, je me suis résolu à le faire. […] C’est
vrai que nous n’avons pas assez travaillé, que nous ne travaillons pas
assez, que nous parlons beaucoup. Il est par exemple inadmissible,
tout à fait inadmissible, que depuis presque dix ans, car on est à
la septième année de l’indépendance, le seul livre qui ait paru sur
l’éducation soit celui-là. […] Et personnellement si j’ai attendu un
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L'éducation en Afrique
certain temps que d’autres écrivent ce livre plutôt que moi, c’est
parce que je ne me prenais pas et je continue d’ailleurs à ne pas me
prendre pour un porteur de messages. (Table ronde sur L’éducation
en Afrique, Présence Africaine, 1967/4 n° 64, p. 60 et 81)
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L'éducation en Afrique
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Introduction
Les différents aspects des problèmes posés sur le plan de
l’enseignement, et, plus généralement, de l’éducation, dans les pays de
l’Afrique Noire, découvrent chaque jour leur grande complexité, mais aussi
leur urgence et leur importance aux hommes politiques, aux enseignants de
tous degrés, aux intellectuels africains comme à l’ensemble des populations
de nos pays. Avec la prise de conscience nationale chaque jour plus profonde
des masses africaines, avec l’expérience politique extrêmement riche qu’elles
ont vécue et continuent de vivre aujourd’hui, parallèlement au
développement de la lutte de libération nationale sur le continent africain,
certains traits de l’enseignement colonial sont devenus plus évidents, tandis
qu’à travers les étapes successives de l’autonomie interne, puis de
l’indépendance politique nominale ou effective, tous les pays africains font
l’expérience amère, consciente ou inconsciente, des tares découlant de
l’enseignement colonial, d’une part à travers l’action des équipes actuelles
de dirigeants politiques africains — tant sur le plan politique que dans les
domaines économique, social et culturel — mais aussi à travers le
comportement général de l’intelligentsia africaine.
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gouvernementales » qui prospèrent dans beaucoup des États africains
d’aujourd’hui.
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Nous prions tous ceux qui nous ont aidé par leurs encouragements,
par leurs conseils, leurs critiques ou leurs suggestions, qui nous ont facilité
l’accès à la documentation, de trouver ici l’expression de nos sincères
remerciements. Enfin, les remarques, critiques et suggestions de tous les
lecteurs qui voudront bien nous les adresser seront les bienvenues.
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PARTIE I
L’ÉDUCATION ET
L’ENSEIGNEMENT DANS
L'AFRIQUE NOIRE
PRÉ-COLONIALE
En dehors de toute nostalgie du passé, de tout regret romantique et de
toute lamentation sentimentale, l’éducation africaine « traditionnelle » est
une source féconde d’enseignement et un sujet de réflexion qui s’imposent
à quiconque veut envisager avec tant soit peu de sérieux les problèmes
de l’éducation et de l’enseignement dans l’Afrique Noire contemporaine. En
effet, contrairement à l’enseignement colonial qui s’est simplement juxtaposé
à l’éducation africaine traditionnelle en l’ignorant et la méprisant dans la
pratique, toute conception nouvelle et qui se voudrait valable de
l’enseignement et de l’éducation répondant aux conditions actuelles et aux
perspectives d’avenir des pays de l’Afrique Noire devra, pour revêtir un
caractère national et populaire réel, d’une part emprunter à l’éducation
traditionnelle certains de ses aspects pour les intégrer à une orientation
moderne et avancée de l’éducation et d’autre part cohabiter avec elle
pendant un certain temps en s’efforçant de l’influencer.
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1. L'éducation dans l'Afrique noire
pré-coloniale
En raison du développement parcimonieux de l’enseignement colonial,
de la stagnation économique, sociale et culturelle des populations africaines
entretenue par le régime de domination politique et d’exploitation
économique du colonialisme, l’éducation africaine traditionnelle, telle qu’elle
a existé dans l’Afrique Noire pré-coloniale, a survécu dans l’essentiel et s’est
transmise jusqu’à nos jours. Certains de ses aspects ont été abondamment
décrits par différents historiens, ethnologues et sociologues étrangers ou
effleurés par de rares spécialistes africains; elle nous est par ailleurs
familière pour avoir été vécue par des générations d’Africains, y compris la
grande majorité de ceux qui composent la population actuelle de nos pays.
Dans tout ce qui suit, nous ne nous attacherons pas à une étude
descriptive détaillée qui n’a pas sa place ici (le lecteur africain peut du reste
faire appel à son expérience personnelle directe — souvenirs d’enfance, vie
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
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L'éducation en Afrique
d’elle, le porte partout sur le dos. Plus tard elle surveillera ses premiers
déplacements : c’est auprès de sa mère qu’il prononcera ses premiers mots
et apprendra à nommer les choses qui l’entourent. Jusqu’à ce qu’il atteigne
l’âge de six à huit ans, l’enfant africain reste « à l’ombre des femmes » (comme
on dirait au pied d’un arbre). Tous ceux qui ont pu observer la mère africaine
ont été frappés par mille détails, mille petits faits dénotant les soins dont elle
entoure son enfant : comment elle le calme ou l’endort en chantant de jolies
berceuses, comment elle le gave littéralement (et l’image classique de l’enfant
noir rachitique au ventre ballonné est aussi un témoignage de la sollicitude
maternelle contrairement à ce que pensent beaucoup d’Européens — qui
montre en tout cas les efforts déployés pour que l’enfant échappe à la sous-
alimentation caractéristique des conditions de vie des grandes personnes);
comment elle dépense ses maigres ressources pour lui procurer gris-gris
protecteurs contre les mauvais sorts, les sorciers, les maléfices, ou faire
provision de médicaments, poudres, décoctions, recettes diverses en
prévision de maladies éventuelles.
Après six ou huit ans, selon le sexe de l’enfant, la mère (dans le cas
d’une fille) ou le père (dans le cas d’un garçon) assume l’essentiel des
responsabilités de son éducation. C’est en secondant dans le travail l’un
ou l’autre des parents que l’enfant entre dans la nouvelle phase de son
éducation. On a beaucoup écrit sur le rôle de « domestique » qui serait
celui de l’enfant, à cette période : c’est appliquer à la société africaine pré-
coloniale au sein de laquelle coexistaient pour le moins, en même temps que
des rapports sociaux de type féodal beaucoup de traits combien vivaces de la
communauté primitive (propriété collective de la terre, division héréditaire
du travail — castes —, économie de type familial), des catégories économiques
de la société bourgeoise capitaliste. C’est aussi et surtout ne rien
comprendre de la signification africaine traditionnelle : en fait le père ou
la mère remplissent les fonctions d’un maître, l’enfant celles d’un disciple;
l’obéissance chez ce dernier est inséparable de la responsabilité et de la
sollicitude chez l’adulte. Le père ou la mère ont charge de guider l’enfant
dans sa prise de contact avec l’activité sociale (production, rapports sociaux,
etc.), de le faire bénéficier de leur expérience de la vie et des choses à travers
sa participation effective (et combien adaptée à ses moyens) aux actes de la
vie sociale. C’est le père qui apprend au jeune garçon puis à l’adolescent son
métier d’homme, tout comme la mère enseigne à la gamine, puis à la jeune
fille tout ce qui a trait au rôle de femme et de mère. Que dans ces conditions
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
l’exigence dont font preuve les parents vis-à-vis de l’enfant influe sur la
nature, l’intensité et les manifestations de l’affection qu’ils ont pour lui et
réciproquement, il n’est rien que de normal. Présenter cette exigence comme
relevant d’une prétendue « inhumanité » et l’enfant comme un « instrument »
de réalisation de diverses tâches pour la satisfaction des besoins de l’adulte,
c’est perdre de vue que pour l’éducation africaine traditionnelle, l’école et
la vie font un, que les conséquences du comportement de l’enfant comme
de l’adulte sont d’une toute autre portée, comparées à ce qu’elles peuvent
être dans le cas où les choses se passent entre les quatre murs d’une salle
de classe; c’est enfin se montrer incapable de comprendre que les méthodes
et la pédagogie de l’éducation africaine traditionnelle, pour être adaptées
aux conditions concrètes ne peuvent qu’être différentes de celles utilisées
dans d’autres cas. Il n’est peut-être pas superflu de noter que si l’enfant
africain a souvent le sentiment d’être maltraité, devenu grand sa vision et
son appréciation des choses sont tout autres, comme aussi la nature de ses
relations avec ses parents.
Dès que l’enfant est assez grand pour sortir de la maison familiale, son
éducation est dans une large mesure l’affaire de tous. Tout d’abord à « l’âge
des commissions », l’enfant se verra très naturellement appelé et envoyé par
un adulte quelconque ou un aîné, grondé, corrigé ou au contraire conseillé,
consolé, vengé ou récompensé par eux. Plus tard, au moment de l’initiation,
c’est sous la direction de membres désignés par la collectivité en raison de
leur science, leur sagesse et leur expérience qu’il apprendra les premiers
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L'éducation en Afrique
1. L’éducation et la production
Dès l’âge de six à sept ans, l’enfant commence à participer, sous des
formes très variées et en rapport avec ses capacités, à l’activité productrice.
D’abord lui incombent toute une série de tâches à l’échelon de l’économie
familiale : le garçon accomplira diverses commissions, ira couper de l’herbe
pour le cheval ou la chèvre, abreuvera l’un ou l’autre, accompagnera le père
au champ en portant la gourde d’eau ou la houe paternelles, exercera la
surveillance des animaux de la maison, etc.; la petite fille ira puiser de
l’eau avec la mère, l’accompagnera au marché en portant les emplettes,
allumera et surveillera le feu à la cuisine, pilera les condiments, s’occupera
du jeune frère ou de la petite sœur, balayera, lavera la vaisselle, etc. Plus
tard et progressivement, l’éventail des activités s’élargit, débordant le cadre
strictement familial, engageant de plus en plus l’enfant dans la production (y
compris celle destinée à l’échange) et l’amenant à contracter de façon tout
à fait autonome de nombreux rapports avec les membres de la collectivité
: le garçon commencera à labourer son petit bout de terrain, surveillera le
champ, chassant animaux, oiseaux, etc., pourra se livrer à l’occasion à la
cueillette, au ramassage du bois ou de l’herbe dont il disposera du produit de
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
Comme dans toute éducation, l’enfant est initié aux rapports avec les
hommes. D’abord sous la forme primaire de « savoir se tenir », « être poli
», etc. Mais très vite (et c’est là un des caractères qui contribuent à son
originalité), l’éducation africaine traditionnelle engage concrètement l’enfant
dans des rapports plus complexes et plus profonds avec les membres de
la collectivité au sein de laquelle il vit. Dans une première phase l’enfant
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
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L'éducation dans l'Afrique noire pré-coloniale
Avec des moyens qui lui sont propres, dans le cadre des limites imposées
par le contexte économique, politique et social, l’éducation africaine
traditionnelle s’efforçait ainsi de former des hommes, dans le sens le plus
large et le plus complet du terme.
L’existence des classes d’âge est un fait général et malgré des différences
de détail, (quant au nombre précis de ces classes d’âge), on retrouve toujours
les trois classes suivantes :
1. 1re classe d’âge : de la naissance à six ans ou huit ans : pendant cette
période, qui correspond à la première et deuxième enfances, c’est
principalement la mère qui est chargée de l’éducation de l’enfant, qui se
déroule donc dans le milieu familial, le père ayant peu de rapports avec
les enfants au cours des premières années.
2. 2e classe d’âge : de six à dix. Après six ans les enfants se séparent suivant
le sexe, les garçons relevant des hommes et les filles des femmes. Les
enfants prennent de plus en plus part au travail, mais une grande partie
de leur temps est consacrée aux jeux entre fillettes ou garçons de la
même classe d’âge. En pays musulman, les enfants vont à l’école
coranique le matin et le soir, ce qui ne les empêche nullement de
s’occuper d’autre chose le reste de la journée.
3. 3e classe d’âge : de dix à quinze ans. Les enfants des deux sexes sont
de plus en plus admis dans l’intimité des hommes et des femmes
respectivement, et appelés à accomplir de plus en plus des travaux
d’hommes ou de femmes, de manière de plus en plus complète. Une
certaine autonomie (et aussi la responsabilité correspondante) leur est
de plus en plus reconnue. Tous sont admis à assister de plus en plus aux
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L'éducation en Afrique
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2. L'enseignement dans l'Afrique noire
pré-coloniale
Dans la mesure où l’aspect coutumier et rituel a plus que tout autre été
envisagé jusqu’ici, il est nécessaire de chercher à dégager plus nettement,
après les méthodes et les techniques d’éducation, celles de l’enseignement
dans la société africaine pré-coloniale. Dans ce domaine, l’analyse des faits
(sans entrer dans le détail de leur conditionnement économique, politique
et historique) conduit à distinguer le cas des populations africaines non
islamisées de celles des populations islamisées; et ensuite l’enseignement
général de l’enseignement professionnel.
1. Enseignement général
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L'éducation en Afrique
est complété par des connaissances profanes puisées dans différents traités
de droit, histoire, géographie, etc. et correspond à un niveau élémentaire.
A la fin de ce cycle couronné par une cérémonie grandiose, l’adolescent
acquiert le titre de « Malam » ou « Alfa » et est habilité à enseigner à
son tour. En cas d’interruption, il saura dire correctement ses prières. Le
nouveau « diplômé » peut poursuivre ce qui correspond à un enseignement
supérieur auprès de son marabout ou de marabouts réputés pour leur savoir
qui groupent aussi autour d’eux de nombreux disciples. Dans certain nombre
de villes renommées existaient des universités : Tombouctou dont la
fameuse Université de Sankoré avait une renommée très grande dans le
monde musulman, Dinguiraye au Fouta, Sokoto en pays haoussa, Djenné
dans la boucle du Niger et bien d’autres. Certains maîtres de ces
établissements sont restés célèbres par leur réputation et leur production :
Ahmed Baba, Mohamed Koti El Tombouctou, le Cheick Ousman dan Fodio de
Sokoto, etc.
2. L’enseignement professionnel
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3. Réflexions sur l'éducation
traditionnelle
Après l’examen des aspects essentiels de l’éducation dans l’Afrique Noire
pré-coloniale, il convient de s’interroger sur sa valeur dans le contexte qui l’a
vue naître et pour la collectivité qu’elle servait; sur les résultats qu’elle a pu
atteindre, les limites imposées par les conditions concrètes à sa conception,
ses méthodes et son développement.
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L'éducation en Afrique
L’efficacité de cette éducation n’a été possible que par son lien intime
avec la vie : en effet c’est à travers les actes sociaux (production) et les
rapports sociaux (vie familiale, manifestations collectives diverses) que se
faisait toujours l’éducation de l’enfant ou de l’adolescent; de ce fait il
s’instruisait et s’éduquait simultanément. De plus dans la mesure où l’enfant
ou l’adolescent, au lieu d’apprendre et de s’instruire dans des circonstances
déterminées à l’avance (lieu, temps) et en dehors de la production et la vie
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Réflexions sur l'éducation traditionnelle
À partir de 6-7 ans les jeux occupent une grande place dans l’éducation
des enfants, en conformité avec l’éveil de l’activité mentale intense et de
l’égocentrisme qui caractérisent sa vie mentale. L’audition des contes et
légendes, des devinettes contribue efficacement à donner un support et une
nourriture à sa puissante imagination et une base solide à la formation de
l’édification des concepts. Les menues besognes auxquelles il est employé
constituent une limite à son égocentrisme. Enfin toutes ces activités ont un
aspect d’exercices physiques indispensables à son développement.
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L'éducation en Afrique
En ce qui concerne les résultats obtenus, nous avons déjà indiqué que
l’éducation africaine traditionnelle a dans l’essentiel atteint les objectifs qui
lui étaient assignés dans le contexte économique, politique, social et culturel
de l’Afrique noire pré-coloniale.
Sur le plan économique, elle a formé et fourni des paysans, des artisans
(forgerons, tisserands, cordonniers, etc.), en nombre suffisant pour produire
en temps normal les divers biens de consommation et moyens de production
indispensables à la vie de la société africaine pré-coloniale, dans le cadre
d’échanges sur le marché africain ou même avec des pays extérieurs.
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Réflexions sur l'éducation traditionnelle
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L'éducation en Afrique
Il n’en demeure pas moins que sous l’angle des qualités à rechercher
pour, ou à exiger de tout système d’éducation au sein d’une société donnée, —
adaptation aux conditions concrètes et aux objectifs poursuivis, fondement
sur une connaissance approfondie et une observation rigoureuse des lois
et des caractéristiques de l’évolution de l’enfant et de l’adolescent, richesse
du contenu humain et social, souplesse suffisante pour permettre des
réaménagements ultérieurs — comme d’ailleurs des défauts et écueils à
éviter, l’éducation africaine traditionnelle constitue une source très riche
d’enseignements — positifs et négatifs — un sujet de réflexion créatrice. Ceci
particulièrement dans les conditions de notre époque, quand se pose partout
en Afrique Noire, et avec quelle acuité, le problème de la mise sur pied d’un
système d’éducation répondant pleinement aux aspirations et aux intérêts
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Réflexions sur l'éducation traditionnelle
des peuples de notre patrie en même temps que digne des perspectives
grandioses qui peuvent être les siennes.
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PARTIE II
L’ENSEIGNEMENT COLONIAL
ET SON ÉVOLUTION
Le dernier quart du XIXe siècle a été, avec la transformation du
capitalisme en impérialisme, la période des conquêtes coloniales
subséquentes au partage du monde. Après la Conférence de Berlin (1885)
ce fut le partage de l’Afrique, et l’achèvement de la conquête coloniale en
Afrique Noire. Dans l’essentiel, la conquête était terminée au début du XXe
siècle; l’impérialisme passe à la période de l’administration et l’exploitation
économique des colonies. C’est alors que devant la nécessité d’un
encadrement des indigènes, par des auxiliaires autochtones dans les rouages
de l’administration coloniale, se pose le problème de leur formation et par
voie de conséquence, celui de la création d’un enseignement colonial. Avec la
mise au point progressive de l’appareil administratif colonial et des méthodes
d’exploitation et d’oppression on assiste alors à une évolution parallèle de
l’enseignement colonial et l’élaboration, dans le cadre d’une idéologie
politique de la colonisation, d’une doctrine coloniale en matière
d’enseignement et d’éducation.
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4. La mise en place du régime colonial
A. Données historiques
Dans les différentes régions d’Afrique Noire, c’est avec le début de la
période d’administration des colonies que correspond la création des
premières écoles.
1. Au Sénégal :
Création
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L'éducation en Afrique
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La mise en place du régime colonial
2. L’organisation de 1903
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3. La réorganisation de 1912
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La mise en place du régime colonial
• Commis et interprètes,
• Employés de commerce,
• Infirmiers de santé et infirmiers vétérinaires,
• Instituteurs et moniteurs,
• Médecins auxiliaires et vétérinaires auxiliaires,
• Ouvriers de différentes spécialités.
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L'éducation en Afrique
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5. L'évolution de l'enseignement en
A.O.F. entre les deux Guerres
mondiales
Après la victoire des impérialismes français, anglais et américain sur
l’impérialisme allemand en 1918, avec la participation active des « troupes
noires » à la dernière phase de la première guerre mondiale, sous l’instigation
du député sénégalais Biaise Diagne, ministre français dans le cabinet de
guerre, la démonstration est faite de tout le bénéfice que peut tirer
l’impérialisme de ses colonies sur le plan politique international et des
conflits avec ses adversaires : non seulement utilisation des ressources
économiques de ces colonies dans le cadre de l’économie de guerre, mais
aussi transformation de leurs territoires en bases stratégiques d’attaque
des colonies de l’adversaire, et surtout recours aux populations colonisées
et leur transformation en chair à canon. Tirant la leçon des événements,
l’impérialisme français va s’efforcer de « s’attacher » les populations
africaines en prévision d’éventualités futures : il s’agit non seulement de
pousser le plus loin possible l’exploitation économique des colonies, mais
aussi d’y renforcer la domination politique par une aliénation plus complète
de leurs populations, par une sujétion permettant de s’assurer leur «
1
loyalisme » . Dans le cadre d’une telle politique, un rôle de premier ordre
était tout naturellement dévolu à l’enseignement colonial en tant qu’arme
d’oppression culturelle et de dépersonnalisation. Aussi va-t-il être l’objet de
l’attention des gouverneurs généraux successifs et connaître une période
de réorganisations et de mises au point successives, dont le couronnement
sera l’organisation définitive instituée par le Gouverneur général Roume en
1924 : l’arrêté que ce dernier promulgue fixe la structure de l’organisation
de l’enseignement en A.O.F., en même temps qu’il contient des données
instructives sur l’évolution antérieure :
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
A. Structure de l’enseignement
1. Enseignement primaire
Il comprenait :
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3. Enseignement secondaire
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
4. Enseignement professionnel
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L'éducation en Afrique
B. Données statistiques
1903 70 2.500
1910 260 10.800
1914 350 15.500
1920 400 22.000
1921 295 21.589
1922 315 42 21.380 3.820 400 150
1923 350 51 27.481 5.320
1924 314 51 28.671 5.688 437 168
1925 346 57 28.946 5.566 492 173
1926 369 58 30.570 5.923 518 200
1927 382 33.150 460 222
1928 516 35.709 485 225
1929 547 37.242 427 223
1930 317 76 42.669 7.569 438 234
1931 324 66 39.624 6.047 462 216
1932 370 66 48.000 8.000
1933
1934 365 74 50.000 9.000
1935 63.000 *
1936 65.000 *
1938 71.000 *
44 |
L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
1921 6 435 45
1922 6 439
1923 6 540
1924 7 420
1925 7 462
1926 8 570 47
1927 8 573 69
1928 8 659 61
1929 8 809 70
1930 8 837 102
1931 8 974 100
1932 8 975 107
1933 8 95
1934 8 930 80
1935 8 816 72
1936 8 73
1937 8 75
1938 8 152
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L'éducation en Afrique
1923 300 50 26
1926 98 47 10 5 15
1927 127 69 12 23
1928 138 61 21 27
1929 161 70 17 3 20
1930 198 102 20 5 35
1931 140 100 24 5 28
1932 157 107 41 40
1933 242 188 26 8 45
1934 245 169 22 5 57
1935 209 149 25 4 40
1936 199 145 18 5 33
1937 195 75 18 4 30
1938 152 22 6 25
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
3. Enseignement secondaire
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L'éducation en Afrique
1920 1 114
1921 1 127
1922 2 174 50
1923 2 163
1924 2 103
1925 2 109
1926 2 177 1
1927 2 336 3
1928 2 371 5
1929 2 416 6
1930 2 417 6
1931 2 460 6
1932 2 500 7
1933 2 14
1934 2 540 18
1935 2 622 9
1936 9
1937 12
1938 18
1939 17
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
4. Enseignement professionnel
1921 400
1922 430
1923
1924 200
1925 224
1926 352
1927 12 588
1928 10 710
1929 12 687
1930 10 685
1931 710
1932 10 670
1933
1934 8 693
1935 9 374
1921 5,16
1922 4,66
1923 4,54
1927 2,70
1929 2,90
1930 2,80
1931 2,95
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L'éducation en Afrique
50 |
L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
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L'éducation en Afrique
Colonie.
• Article 64 : Le français est seul en usage dans les écoles. Il est
interdit aux maîtres de se servir avec leurs élèves des idiomes du
pays.
Pour atteindre les objectifs qui lui étaient fixés, l’enseignement colonial
a mis au point et utilisé tout un ensemble de moyens sur les plans du
recrutement, de la discipline et de l’organisation de l’école, du contenu de
l’enseignement que nous devons examiner.
52 |
L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
| 53
L'éducation en Afrique
L’A.O.F. n’est plus (elle ne l’a presque jamais été) une « terre
conquise » par la France, c’est un pays absorbé par la France, c’est
une partie intégrante de la nation française, au même titre que
l’Artois et le Roussillon, conquis jadis sur la Maison d’Autriche et je
sais que tous vous êtes fiers du nom de Français. (G. Hardy, « Les
deux routes », Bull, de l’Ed. en A.O.F., no 40, nov. 1918)
Les extraits qui suivent, pris dans les programmes de l’école primaire
permettent de montrer leur orientation délibérément avilissante pour les
peuples africains :
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
1. Position de la question
| 55
L'éducation en Afrique
L’essentiel des objectifs réels visés par « l’éducation » coloniale, (il s’agit
de ceux reconnus ouvertement par certains hauts fonctionnaires et autres
idéologues de la colonisation), peuvent être considérés comme ayant été
atteints dans différents domaines.
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
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L'éducation en Afrique
Cependant cet aspect positif a lui aussi ses propres limites sur lesquelles
nous reviendrons un peu plus loin. Qu’il suffise de signaler ici que le rôle
important joué par l’intelligentsia formée par l’enseignement colonial lors de
la naissance et pendant le développement de la lutte de libération nationale
ne pouvait manquer d’avoir ses aspects négatifs, aspects qui ont pu proliférer
d’autant plus librement que cette couche sociale a dans l’essentiel, assumé le
monopole de la direction du Mouvement National dans les pays de l’Afrique
Noire.
62 |
L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
Quoi qu’il en soit, il est indispensable de réaliser sans fausse honte, avec
la plus grande franchise et la plus haute lucidité, non seulement l’existence
de ce résultat de l’éducation coloniale, mais aussi le fait qu’il sera long à
extirper de la mentalité et du comportement d’un grand nombre d’Africains.
En effet, ce n’est pas en niant « en paroles » l’existence — démontrée
quotidiennement par les faits — de ces complexes qu’on les fera disparaître;
c’est au contraire en les reconnaissant comme un phénomène objectif (qu’ils
sont) et en engageant contre eux une lutte concrète et consciente qu’on
écourtera la durée de leur survivance dans la conscience de nombreux
Africains. Le simple bon sens indique d’ailleurs que ce qui résulte de tant
d’années d’efforts tenaces et d’action consciente et délibérée (de la part
du colonisateur) ne pourra pas disparaître par enchantement. Et ceci est
particulièrement vrai s’agissant d’habitudes acquises, de comportement et
de mentalité déformés.
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
Comme on le voit « ceci explique cela » et d’autant plus que par contre,
comme l’explique l’auteur : « Nous sommes forts grâce à nos techniques;
nous réveillons l’Afrique grâce à nos techniques; nous sommes des
mécaniciens et des techniciens, moyennant quoi nous faisons des miracles. »
Au total s’étonne (ou s’indigne ?) Richard Mollard :
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
naïf de penser que le seul port des boubous peut solutionner les problèmes
qui sont ceux de l’intelligentsia africaine. On peut d’ailleurs se demander
dans quelle mesure cette attitude n’est pas le simple prolongement, dans des
conditions nouvelles, du phénomène consistant à confondre la culture et ses
manifestations extérieures.
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L'éducation en Afrique
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
| 69
L'éducation en Afrique
Il semble donc que c’est bien là une des bases du caractère anti-national
de la néo-bourgeoisie bureaucratique de nos pays, d’autant plus que si on
examine les rares exceptions à ce comportement général, on est amené à
constater qu’elles sont le fait d’hommes que des liens subjectifs (affectifs)
vivaces rattachent à l’histoire de notre pays, dans au moins une de ses
nombreuses périodes de grandeur.
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L'évolution de l'enseignement en A.O.F. entre les deux Guerres mondiales
| 71
6. L'enseignement colonial en Afrique
noire après la Seconde guerre mondiale
La Seconde guerre mondiale a marqué une étape importante de
l’évolution des peuples de l’Afrique Noire. Les changements intervenus à
l’échelle mondiale n’ont pas manqué d’avoir des répercussions profondes en
Afrique, tout comme le déroulement même de la guerre, les nombreuses
péripéties qui ont marqué les différentes phases de son évolution, ont
constitué le contexte d’une prise de conscience politique des populations
africaines, et plus généralement de tous les peuples colonisés. Les colonies
françaises d’Afrique en particulier ont vécu successivement la défaite de
l’impérialisme français en juin 1940, le règne du gouvernement de Vichy
avec son cortège de vexations et d’humiliations redoublées, de détentions,
d’exécutions sommaires de nombreux Africains pour faits de Résistance et «
intelligence avec l’ennemi »; l’expérience du ralliement à la « France Libre »
d’une partie des colonies françaises d’Afrique, avec ses conséquences sur le
plan local : mise sur pied de guerre de certains territoires, développement
de la propagande gaulliste, escarmouches entre forces de la « France Libre
» et celles demeurées « fidèles » au Maréchal Pétain; celle du débarquement
allié en Afrique du Nord en 1942, « l’effort de guerre » et les promesses
au nom desquelles on l’exigeait. Aussi, dès 1944, avec le « Bloc Africain »
de Lamine Guèye, dont l’extension à toutes les colonies françaises d’Afrique
occidentale fut irrésistible et spontanée, apparaissaient les premiers signes
des changements profonds qui mûrissaient dans la conscience des Africains,
les premières manifestations du réveil de la conscience nationale en Afrique
Noire.
| 73
L'éducation en Afrique
74 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
1. L’enseignement primaire
Il est dispensé dans les écoles primaires dont le nombre de classes varie
de 2 à 6 :
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L'éducation en Afrique
2. L’enseignement secondaire
76 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 77
L'éducation en Afrique
4. L’enseignement supérieur
C’est ainsi que dès 1950, naissait l’Institut des Hautes Etudes de Dakar,
véritable improvisation, puisque le personnel enseignant était constitué de
professeurs du Lycée de Dakar. Il devait se développer pour devenir
l’Université de Dakar en 1958.
B. Données statistiques
78 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
1. Enseignement primaire
Nombre
Nombre Nombre d’écoles
Année d’écoles Total Instituteurs
d’écoles
L’IBL PRIT. Publiques Privées
1945 94.470
1946 113.000
1947 127.600
1948 915 752 163 92.300 28.900 121.200
1949 1064 827 237 98.697 32.709 131.406 2634
1950 122.700 33.900 156.600
1951 1160 925 235 128.100 42.300 170.400 2578
1952 139.800 50.000 189.800
1953 165.961 63.734 229.695
1954 1562 1129 433 181.915 73.580 255.495
1955 1708 1257 451 188.600 79.600 268.200 4694
1956 1982 1460 522 213.200 92.800 306.000
1957 2339 1631 708 216.300 110.500 356.800 5667
2. Enseignement secondaire
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L'éducation en Afrique
De plus l’effet de moyenne (le calcul portant sur toutes les classes) ne peut
que masquer l’importance de cette proportion dans les grandes classes
(3ème, 2ème, lère et classes terminales) où elle atteint et dépasse
couramment 30%.
Établissements %
Élèves Élèves Élèves Personnel
Année Secondaire
Total Publics Privés enseignant
Publics Privés Primaire
1949 5.480
1950 5.847
1952 7.701
1956
80 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
3. Enseignement technique
Établissements Élèves
Année Total Personnel enseignant Public
Public Privé Public Privé
1948
1949 21 992
1950
1951 2.202 43 2.255
1952
1953 20 3 2.524 162 2.686 238
1954 26 5 2.800 338 3.138
1955 4.593 691 5.284 231
1956
1957 5.542 1.412 6.954 327
4. Enseignement supérieur
| 81
L'éducation en Afrique
1949 10
1950 104
1951 135 64 47,0%
1952 258 95 36,0%
1953 281 119 42,7%
1954 392 144 36,9%
1955 407
1956 489
1957 498 206 41,3%
1958 873 229 26,2%
82 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Enseignement Supérieur
Année Enseignement Technique Total
(Facultés)
| 83
L'éducation en Afrique
Nous groupons les résultats relatifs aux examens des différents ordres
84 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
1946 43
1947 26
1948 50
1949 115 66
1950 5.208 340 124 78
1951 4.213 147 529 16 142 116
1952 5.647 140 631 15 239 126
1953 7.012 189 986 37 249 196
1954 7.010 185 951 53 299 212
1955 11.021 263 1.143 53 323 212
1956 10.208 339 1.411 57 488 279
1957 11.392 310 1.420 97 693 562
| 85
L'éducation en Afrique
Effectifs BE et Bacc.
Année Primaire Secondaire Technique Certificat
globaux BEPC 2e
Crédits Budgets
% de Population taux de
Année millions totaux
crédits d’ens. scolaire scolarité
CFA Loc. + Féder.
86 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Territoire ou
Primaire Secondaire Technique Supérieur
République
Exception faite du Sénégal (pour lequel notre remarque vaut en partie), les
chiffres indiqués dans le tableau ci-dessus pour le supérieur correspondent à
des étudiants poursuivant leurs études soit en France soit à Dakar, donc en
dehors du territoire considéré.
| 87
L'éducation en Afrique
88 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Sénégal
Soudan 48.594
Guinée 46.616 3.941
Côte d’Ivoire 165.308 6.077 1.081
Haute-Volta 41.181 1.873 506 68
Dahomey 75.406 2.257 561 387
Togo 78.689 1.847
Niger 13.973
Mauritanie
Tchad
Gabon
Moyen-Congo
Oubangui-Chari
Cameroun
| 89
L'éducation en Afrique
Remarques générales
90 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 91
L'éducation en Afrique
on constate que les chiffres du fascicule sont très supérieurs. L’auteur avait
simplement transformé les cours préparatoires des écoles élémentaires et
régionales en écoles préparatoires, les cours élémentaires des écoles
régionales en écoles élémentaires, obtenant ainsi des chiffres plus favorables
à la propagande officielle du colonialisme français.
Pour toutes ces raisons, l’on doit considérer les chiffres mentionnés
comme des données approximatives, plus valables sur le plan d’une vue
d’ensemble que sur le plan du détail, ce qui est d’ailleurs suffisant pour
l’usage que nous en ferons.
92 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Un certain nombre de députés (38 sur 627 alors que le rapport des
populations était approximativement de 4 à 5), de sénateurs (39 sur 320),
de conseillers de l’Union française (47 sur 204) les représentaient au sein
des différentes assemblées créées par la constitution de la IVe République.
Des assemblées locales étaient créées à l’échelon des territoires et des
fédérations de territoires (conseils généraux. Grand Conseil) avec des
attributions essentiellement budgétaires et réglementaires pour des
questions d’intérêt strictement local. Mais en même temps tout l’ancien
appareil de l’administration coloniale (administrateurs des colonies plus
« démocratiquement » baptisés administrateurs de la France d’Outre-Mer,
gouverneurs, gouverneurs généraux, hauts commissaires, etc.) restait en
place, et qui plus est, avec les mêmes individus aux mêmes postes : et
pareillement pour l’appareil de répression (gardes cercles, police, bataillons
de tirailleurs « sénégalais » de l’armée coloniale).
| 93
L'éducation en Afrique
Il n’est sans doute pas inexact que le désir des milieux dirigeants de la
bourgeoisie française de voir la France figurer parmi les grandes puissances
(on sait que l’importance de la population en était un des critères), joint au
contenu de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Charte
des Nations-Unies, ait contribué à les amener à accepter le compromis
que représentait l’Union française. D’autant plus facilement qu’ils espéraient
bien « tourner » les aspirations des peuples colonisés en utilisant l’arsenal
politique, économique, administratif dont ils avaient gardé l’essentiel entre
leurs mains.
94 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 95
L'éducation en Afrique
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L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 97
L'éducation en Afrique
98 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 99
L'éducation en Afrique
Total des
budgets
Pourcentage
locaux et Total des dépenses d’éducation
Année Budget
général (millions de Francs CFA)
global
(millions de
Francs CFA)
Importance des crédits alloués à l’éducation en A.O.F. (Totaux des crédits inscrits
dans les budgets locaux et général en millions C.F.A.)
100 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Total
Pourcentage
Année
Enseignement (%)
Dépenses Enseignement
1951 8.383
1952 10.862
1958 187.693
Les chiffres sont assez éloquents et font clairement ressortir les traits
suivants :
| 101
L'éducation en Afrique
102 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
l’accroissement relatif des effectifs passe de 0,4 à 0,6% (de 1945 à 1947),
une seconde pendant laquelle le taux de scolarisation est pratiquement
stationnaire et l’accroissement relatif constamment nul (1947 à 1950), enfin
une troisième pendant laquelle il se relève pour reprendre sensiblement la
valeur de 0,6% (1950 à 1957).
| 103
L'éducation en Afrique
104 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
À l’examen des chiffres pour les années 1958-60, on est frappé par
l’importance du rythme de croissance des effectifs scolaires des différents
États dès la première rentrée après la Loi-Cadre (1958), et cela pour tous les
ordres d’enseignement. Ce mouvement se maintient et s’amplifie même à la
rentrée suivante qui sera celle de la naissance de la Communauté.
| 105
L'éducation en Afrique
106 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 107
L'éducation en Afrique
108 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
3. II s'agit là d'un passé récent, puisque les missionnaires ont en général ouvert les
premières écoles.
| 109
L'éducation en Afrique
Année 1951
Année 1957
110 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
F.I.D.E.S.
Enseignement primaire
Enseignement secondaire
| 111
L'éducation en Afrique
En six ans :
Il n’est dès lors pas étonnant que l’enseignement privé ait pu recruter
des maîtres (parfois plus qualifiés que ceux du public) et obtenir par voie
de conséquence de meilleurs résultats scolaires; d’autant plus que
l’enseignement public n’a cessé de connaître une crise sérieuse de
recrutement, à laquelle on a tenté de pallier par différents moyens qui ont
finalement conduit à un abaissement très sensible de la qualification des
maîtres et du niveau de l’enseignement.
112 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
scolarisation par tous les moyens. Dans la plupart des cas, les élus locaux
partaient de la constatation apparente que l’école privée permettait une
scolarisation « à bon marché », le maître membre du clergé ou non de
l’enseignement libre « revenant moins cher » que celui de l’enseignement
laïc. L’administration coloniale y était d’autant plus favorable que sur le plan
politique, l’opération était payante, notamment dans le cadre de la lutte
contre les idées marxistes et leur pénétration en Afrique. Et l’on remarque de
fait que la fraction des crédits F.I.D.E.S. destinés à l’enseignement en Afrique
Noire qui est allée à l’enseignement libre varie de 16% à plus de 40% (encore
ne s’agit-il que des chiffres avoués).
Statistiques relatives aux examens en A.O.F. (Sources : Annuaire Statistique de l’A.O.F, 1954. Outre
Mer 1958. + Chiffres estimatifs adoptés d’après le total des admis au BE et BEPC
1949 21,4%
1950 11.135 5.208 46% 5.912 2.519 42,5% 440 94 35,9%
1951 13.008 4.213 32.4% 6.851 1.647 24% 633 227 31,4%
1952 12.506 5.467 43.5% 5.396 2.179 40,5% 552 173 25,6%
1953 14.656 7.012 47,75% 6.746 2.314 34,2% 879 225 23,8%
1954 18.004 7.010 39% 7.974 2.633 33% 1.257 300
1955 11.021 286*
1956 10,208 353*
1957 25.400 11.392 40% 11.997 4.627 39% 3.687++ 1.420
| 113
L'éducation en Afrique
Statistiques relatives aux examens en A.O.F (suite – Chiffres estimatifs calculés sur la base des
redoublants et de l’admission en 1ère partie. Source : tableau de l’A.O.F. Outre Mer 1958)
114 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
On remarquera particulièrement :
5. Nous avons pu, en tant qu'élève du Lycée de Dakar en 1947 et 1948, puis en tant que
membre de jurys d'examen, en faire l'expérience « des deux côtés de la barricade ».
| 115
L'éducation en Afrique
S’il est vrai qu’« en instruisant un homme, on instruit une personne, mais
en instruisant une femme, on instruit, au sein de la cellule humaine qu’est la
famille, toute une génération appelée à naître et à évoluer sous sa tutelle et
son influence », toute analyse du système d’éducation pratiqué dans un pays
et à une époque déterminée implique nécessairement, pour être complète,
l’examen de la place réservée à l’enseignement féminin.
116 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 117
L'éducation en Afrique
Technique et Supérieur
Année Primaire Secondaire
professionnel (Dakar)
1949
1950
1951 19% 18,5% 5,8% 24,4%
19S2 16,6%
1953 18,1%
1954 14,2%
1955 23% 23,3% 22% 14,5%
1956 19,4% 19,2% 20,4% 13,1%
1957 24,2% 24,4% 26,5% 13%
1958 20,4% 18,4% 20,5% 14,4%
1959
1960
Technique et
Année Primaire Secondaire Supérieur
professionnel
1949
1950
1951 15,4% 8,45% 40%
1952
1953
1954
1955 18,7% 14,6% 52%
1956 17% 12,9% 40%
1957 21,8% 17% 53,5%
1958
118 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Technique et
Année Primaire Secondaire Supérieur
professionnel
1949
1950
1951 19,4% 16,8%
1952
1953
1954
1955 22,2% 18,2% 20,8%
1956 18,6% 16,8% 19%
1957 233% 19,9% 19,8%
1958
Technique et
Année Primaire Secondaire Supérieur
professionnel
1949
1950
1951 14% 12,7% 73%
1952
1953
1954
1955 24,6% 13,25% 30%
1956 20,6% 13,6% 25,8%
1957 27,6% 11,85% 20,2%
1958
| 119
L'éducation en Afrique
Technique et
Année Pays Primaire Secondaire Supérieur
professionnel
120 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
donnée ressort nettement des divers sobriquets qui ont été donnés à
ses élèves : Mlles « frigidaires », « femmes savantes », « précieuses
ridicules », etc. L’effectif était en moyenne de 30 élèves par promotion
pour toute l’A.O.F.
2. Lors de la réorganisation de l’enseignement après la Seconde guerre
mondiale, l’institution des programmes du second degré à l’école
normale de Jeunes Filles de Rufisque a été conduite de telle façon qu’il
en est pratiquement résulté l’extinction du recrutement du personnel
enseignant féminin en A.O.F. En effet aucun compte n’a été tenu du
retard important (aussi bien quantitativement que qualitativement)
qu’avait l’enseignement féminin en Afrique Noire, retard qui ne pouvait
être comblé sans une politique judicieuse et appropriée sur le plan
du recrutement d’un personnel enseignant féminin suffisamment
nombreux et qualifié; le nivellement des statuts a eu pour conséquence
l’exigence du même niveau pour l’entrée dans les écoles normales, alors
que la scolarisation des jeunes filles était à un niveau très bas; par
ailleurs, la mise sur pied des cours normaux dans les différents
territoires s’est faite uniquement en vue du recrutement de maîtres
masculins; certes, un cours normal de Jeunes Filles était institué à
Rufisque, mais d’une part son caractère fédéral (nous avons vu
précédemment combien le gouvernement général se souciait peu de
l’enseignement, ou du moins le faisait à sa manière) et le mode de
recrutement qui en découlait, d’autre part le retard initial de
l’enseignement féminin, ne pouvaient conduire qu’à un manque
d’efficacité et un rendement dérisoire.
3. Cet état de choses a encore été aggravé après l’application de la loi-
cadre, du fait des circonstances suivantes :
a. La « territorialisation » de l’enseignement du second degré était
instituée, alors que les écoles normales (dont celle des Jeunes Filles) et
le Cours normal de Rufisque demeuraient à la charge de la fédération :
de ce fait, dans une large mesure les gouvernements des différents
territoires abandonnaient au bon vouloir des autorités fédérales,
certains aspects de la formation des maîtres; cela est particulièrement
vrai s’agissant de l’enseignement féminin, si l’on tient compte de
l’existence de Cours Normaux de garçons dans chaque colonie.
b. Le recrutement des écoles fédérales était assez gravement menacé
par l’apparition et le développement d’un certain égoïsme territorial,
d’ailleurs soigneusement entretenu et encouragé par les gouverneurs
| 121
L'éducation en Afrique
122 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
a. Scolarisation et alphabétisation
| 123
L'éducation en Afrique
Il faudrait en effet être naïf pour ne pas voir que l’anarchie du développement
de renseignement (du moins sous l’angle de la liaison et du conditionnement
réciproque de ses différentes branches) traduit justement un décalage voulu
et calculé par rapport aux exigences et aux aspirations des peuples d’Afrique
Noire.
En 1947 :
En 1957 :
124 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
| 125
L'éducation en Afrique
126 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
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L'éducation en Afrique
128 |
L'enseignement colonial en Afrique noire après la Seconde guerre mondiale
Ce ne sont là, tout compte fait, que les reflets de cette situation
objective qui veut que l’intelligentsia formée par l’enseignement colonial
ne soit pas une intelligentsia authentiquement nationale, en raison de
l’orientation, du contenu et des objectifs de l’enseignement.
| 129
L'éducation en Afrique
Afrique Noire à l’égard du savoir (celui dû aux « Anciens » n’en est-il pas une
preuve?), devint pour certains un dû, revendiqué agressivement, à travers
un étalage bruyant de titres, de diplômes vrais ou faux, authentiques ou
usurpés. Ce phénomène a dégénéré en une véritable doctrine d’exploitation
du diplôme considéré comme un capital à faire fructifier : d’où
l’opportunisme politique, le carriérisme et par-dessus tout le caractère
improductif d’une partie importante de l’intelligentsia en Afrique Noire :
ingénieurs planqués dans des bureaux, satisfaits d’être directeurs ou chefs de
service, mais ne s’occupant que de paperasserie; professeurs « hissés » à des
postes administratifs dans les établissements, ou « vendant » trivialement
« leur marchandise » au pays sans se soucier d’autre chose; magistrats «
distribuant » la justice selon le « Code Civil » ou le « droit coutumier » codifié
par les administrateurs et juristes de l’époque coloniale, etc., etc. Cette fuite
d’une fraction des intellectuels africains devant ses responsabilités constitue
un des freins les plus redoutables à un progrès rapide dans tous les domaines
de la culture et de l’éducation, dans de nombreux secteurs de la vie politique
économique et sociale en Afrique Noire.
Il est vrai que les autorités coloniales d’abord, et depuis la loi-cadre les
hommes politiques africains eux-mêmes et la plupart des gouvernements
africains ont tour à tour encouragé ou entretenu cet état de chose par une
politique de domestication de l’intelligentsia au moyen de la corruption, de
la menace allant dans certains cas jusqu’à la répression la plus sauvage. Si
ces circonstances ne peuvent en aucun cas constituer une justification du
comportement de certains intellectuels africains, elles contribuent du moins
partiellement à en assurer la survivance.
130 |
PARTIE III
LA SITUATION ACTUELLE DE
L’ÉDUCATION DANS LES PAYS
INDÉPENDANTS D'AFRIQUE
NOIRE
| 131
7. L'enseignement et l'éducation dans
les pays indépendants d'Afrique noire à
partir de 1960
Année 1960 (Current School enrôlement, no du 8 sept. 1961, UNESCO, Paris. Afrique
contemporaine, no 9, sept.-oct. 1963. Documentation française)
| 133
L'éducation en Afrique
Année 1961
134 |
L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
Année 1962
B. Caractéristiques générales
| 135
L'éducation en Afrique
Au contraire les Lycées et Collèges établis dans les grands centres sont
136 |
L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
Quant aux Lycées et Collèges, sauf exception, leur nombre n’a pas
sensiblement varié, pas plus que leurs effectifs. Le nombre de bacheliers
fournis par an est pratiquement stationnaire et s’avère nettement insuffisant
par rapport aux besoins en cadres moyens et supérieurs des différents États;
aussi a-t-on vu inaugurer une politique de « levée en masse » d’élèves de
Lycées titulaires du B.E.P.C. ou de la 1ère Partie du Baccalauréat en vue de
leur envoi à l’extérieur pour devenir des techniciens de différentes branches;
politique qui est d’ailleurs discutable et qui peut porter des préjudices
sérieux dans les années suivantes.
| 137
L'éducation en Afrique
Tout cela, en attendant que chacun des nouveaux États décide qu’il lui
faut lui aussi pour des raisons de prestige, une Université entière chez lui.
138 |
L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
| 139
L'éducation en Afrique
140 |
L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
| 141
L'éducation en Afrique
On peut remarquer qu’en dehors de ces domaines, pas une seule mesure
concrète d’unité n’est jamais sortie d’aucune des innombrables conférences
et réunions de Chefs d’États ou d’experts.
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L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
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L'éducation en Afrique
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L'enseignement et l'éducation dans les pays indépendants d'Afrique noire à partir de 1960
| 145
8. Problèmes d'éducation et tâches de
l'enseignement dans les conditions de
l'Afrique noire contemporaine
Au cours des dernières années, les questions d’éducation ont de plus en
plus été au centre des préoccupations des hommes politiques, comme, d’une
manière plus générale, de l’intelligentsia africaine dans son ensemble, et ont
revêtu une importance et une acuité très grandes depuis l’accession des
États africains à l’autonomie, puis à l’indépendance, s’imposant à l’attention
des uns et des autres à travers une prise de conscience de leurs différents
aspects : aux uns apparaissait la nécessité d’une « certaine éducation »
du peuple comme condition de sa mise en mouvement pour la «
compréhension » de la nouvelle situation et la réalisation d’objectifs qui lui
sont assignés et transmis par l’intermédiaire de l’appareil administratif et de
l’organisation politique, en même temps que celle d’une certaine adaptation
de l’enseignement aux nouvelles conditions : quant aux autres, l’accession à
la souveraineté politique signifiait à leurs yeux que pouvait s’ouvrir une ère
nouvelle de Renaissance Africaine, se traduisant en particulier sur le plan
culturel par la liquidation rapide du retard hérité de l’époque coloniale et du
système d’éducation qui en a été l’instrument efficace.
| 147
L'éducation en Afrique
148 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
1. Alphabétisation
| 149
L'éducation en Afrique
personnes, dont plus de 100.000 élèves et étudiants; les écoles ont été
fermées pour permettre l’utilisation complète de leurs élèves (plus
exactement les grandes vacances y ont été consacrées, avec en plus une
période de plusieurs mois).
Le 1er août, 104.000 enfants sont déjà formés après un stage accéléré
de trois semaines pour porter comme ils le disent eux-mêmes avec
forfanterie « la lumière du savoir ». Ils ont de 9 à 15 ans. Un uniforme,
battle dress et chemise bleue. Après ce stage de trois semaines, dans
les centres d’alphabétisation, ces équipes sont dispersées chez les
analphabètes dont la localisation est déjà un problème. Toute la
journée aux champs, ils aident les paysans, les persuadant souvent
avec peine que le temps qu’ils perdront à lire avec eux est profitable
à la révolution… Le soir, et seulement après le travail, dans 104.000
foyers, à la lumière du « farol », dans 104.000 cahutes de bohios
insalubres, il y a un enfant qui épelle pour un adulte O E A… Lorsqu’ils
partiront chez eux, trois mois plus tard (il faut en effet trois mois
pour alphabétiser un adulte), ils auront enseigné un vocabulaire de
350 mots, de mots usuels, importants, nécessaires : insurrection,
hygiène, fraternité, planification, mercenaire, police, salaire, liberté,
exploitation, nationalisation… Pour mener à bien cette tâche, d’autres
organisations, d’autres mouvements de masse se sont joints à la
campagne : la Confédération des Travailleurs de Cuba, la Fédération
des Femmes, l’Association des Jeunes Rebelles, la Fédération
Etudiante universitaire, le Ministère de l’Éducation, le Ministère des
Forces Armées Révolutionnaires, etc. (Marie-Thérèse Maugis : « La
bataille de l’Alphabétisation », Partisans — La Révolution Cubaine, no
Spécial nov-déc. 1961, François Maspero éditeur, Paris.)
1
Les résultats atteints au bout de quelques mois , à Cuba, démontrent
avec éloquence la possibilité d’enrayer rapidement et complètement
l’analphabétisme dans nos pays, pourvu que soient mises en œuvre les
moyens et méthodes adéquates : utilisation des langues africaines,
150 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
mobilisation de tous ceux qui savent lire et écrire et en particulier des élèves
et des enseignants.
2. Le problème linguistique
| 151
L'éducation en Afrique
2. À la question « À votre avis quelle est la langue qui doit être écrite au Mali pour
le succès de la lutte contre l'analphabétisme » posée par l'africaniste soviétique,
le Professeur Potiekhine aux lettrés et érudits (en arabe!) de Tombouctou, ceux-ci
répondirent : « Le bambara pour les raisons suivantes : c'est la langue parlé dans tout
le Mali; à notre avis elle est facile à comprendre; en outre elle est parlée dans tous
les États voisins; on la rencontre jusqu'au Congo. » L'Essor, no 184 bis, 7 janv. 1963.
Bamako.
152 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
Le choix des langues doit se faire sur la base d’une étude sérieuse de leur
aire d’extension, de leurs possibilités de développement, de l’existence de
matériaux suffisants pour une mise en œuvre rapide. Quant aux avantages de
l’utilisation d’une langue africaine, certains ont déjà été soulignés. H convient
d’insister particulièrement sur l’importance de la sauvegarde du patrimoine
culturel et humain de l’Africain. « C’est dans la langue maternelle que la
civilisation d’un groupe humain trouve le meilleur moyen de s’exprimer et
3
elle ne saurait persister si elle s’en détache … » Il ne servirait strictement à
rien de continuer à discourir sur la « personnalité africaine », « l’originalité
africaine » tout en assistant sans en prendre conscience, à la dégradation
progressive des véritables bases de cette personnalité et de cette originalité
dans ce qu’elles ont de plus concret et de plus réel. Ainsi l’alphabétisation
en langue maternelle ou dans une langue africaine peut seule permettre de
recueillir directement pendant qu’il est encore temps les richesses de notre
littérature orale et des témoignages sur divers faits de notre histoire, ouvrir
la voie d’un développement élargi de l’expression culturelle (sous ses formes
diverses) de la société africaine, en même temps que d’une évolution certaine
de la langue utilisée.
| 153
L'éducation en Afrique
3. Problème de l’écriture
Devant le fait objectif que l’alphabet latin est celui dont dispose en
Afrique Noire le plus grand nombre d’Africains « lettrés » (aussi bien dans
les anciennes colonies anglaises que françaises), cet alphabet semble devoir
s’imposer a priori si l’on ne perd pas de vue les objectifs, les moyens et
les délais de l’alphabétisation. D’un autre point de vue, la simplicité de
l’ « alphabet latin » plaide également en sa faveur au détriment de l’écriture
arabe, malgré le lien de cette dernière avec une religion assez répandue.
L’écriture latine a de plus l’intérêt de faciliter l’accès ultérieur et éventuel de
l’homme alphabétisé au français et à l’anglais, ce qui n’est pas négligeable.
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
En ce qui concerne :
| 157
L'éducation en Afrique
moins qu’elles ne sont pas considérables et les résultats à venir les justifient
largement.
158 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
1. Objectifs de la scolarisation
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L'éducation en Afrique
160 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
Quoi qu’il en soit, la scolarisation doit donc en Afrique Noire préparer les
jeunes générations à faire face demain aux problèmes d’édification politique,
économique et culturelle de nations avancées et fraternellement unies, sur
la base des États africains actuels balkanisés et arriérés. Elle doit aussi bien
contribuer à dégager et former les cadres dans tous les domaines (politique,
économique, technique et culturel) que donner à l’ensemble des enfants la
formation nécessaire à leur participation pleine et consciente dans le cadre
de leurs responsabilités futures d’hommes adultes et de leurs différentes
fonctions sociales, à l’édification nationale sous tous ses aspects. Une telle
formation implique nécessairement l’accès à l’instruction, donc
l’alphabétisation préalable de l’enfant. Mais elle ne peut nullement se
confondre avec cette dernière. L’alphabétisation si elle constitue une base
suffisante pour l’adulte illettré engagé pleinement dans le processus social
| 161
L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
Sur le plan théorique, ce qui était valable pour l’adulte l’est encore plus
pour l’enfant : c’est à travers la langue maternelle ou à défaut une langue
africaine que l’enseignement est le plus efficace et le plus conforme aux
principes de la pédagogie moderne. C’est par l’utilisation de la langue
maternelle (ou d’une langue africaine parlée autour de lui) que l’enfant
africain cessera d’être quotidiennement aux prises avec deux mondes
différents : celui de l’école et celui de la vie. En même temps que cesse
alors la rupture entre l’école et la vie, l’affectivité de l’enfant, sa personnalité
ne seront plus constamment exposées au « choc psychologique » et au
« dépaysement intellectuel » d’un enseignement en langue étrangère.
L’enfant qui a acquis les premiers concepts et s’est exercé aux premières
opérations mentales en utilisant sa langue maternelle assimile beaucoup plus
rapidement un enseignement dispensé dans cette langue. Il est alors possible
de faire directement appel aux acquisitions de l’enfant venues de son milieu
social, comme base d’organisation de ses connaissances déjà acquises et
d’accès à de nouvelles.
| 165
L'éducation en Afrique
5. Nous ferons remarquer que les Africains sont assez grands pour se donner et choisir
en toute liberté les langues étrangères qui leur sont nécessaires; il se trouve
qu'historiquement, le français et l'anglais étant déjà largement introduits en Afrique,
ils ont beaucoup de chance d'être l'objet de ce choix. Quant à la notion de s'entendre
dans le monde civilisé (dont l'Afrique semble définitivement exclue), disons que les
Russes étaient, il y a 20 ans considérés de façon analogue; eux avaient appris et
continuent à apprendre l'anglais, l'allemand, le français; aujourd'hui c'est le « monde
civilisé » qui apprend le russe!
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
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contemporaine
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L'éducation en Afrique
Journaux quotidiens
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
1956 12 168.000
1957 12 234.000
1958 14 85.000 14 213.000
| 171
L'éducation en Afrique
Pour l’essentiel, les questions à résoudre sont celles qui ont déjà été
examinées à propos de l’alphabétisation des adultes : choix des langues,
choix d’une graphie; mais également certains problèmes particuliers
d’organisation, ou à caractère pédagogique — préparation des enseignants,
mise au point de leur répartition géographique en tenant compte de la
langue à enseigner, élaboration de directives pédagogiques et de syllabaires
— qui ne présentent pas de difficulté insurmontable. D’ailleurs on dispose
pour ce faire de l’expérience directement utilisable de pays africains tels
que le Ghana, le Nigeria, etc., des systèmes de graphie élaborés presque
partout par les missionnaires, ou par les spécialistes des langues africaines,
et qui constituent également une base de départ très appréciable pour la
solution correcte des différents problèmes soulevés. De plus l’apport de
toute une série de spécialistes, d’intellectuels, de cadres traditionnels, de
gens de diverses professions (vieux enseignants, lettrés arabes, griots, etc.)
peut être décisif tant au stade de l’élaboration qu’à celui de l’exécution, y
compris dans la préparation des enseignants sous ses divers aspects.
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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L'éducation en Afrique
c. Enfin, il convient de souligner une fois de plus qu’il n’est pas question
(et il ne l’a jamais été) de vouloir supprimer l’enseignement des langues
étrangères européennes dans les pays de l’Afrique Noire, pas plus celle de
l’ancienne puissance coloniale que celles des autres pays; personne ne peut
nier ni détruire les liens d’estime et de respect réciproques de solidarité
agissante que l’histoire de leur lutte commune contre le même exploiteur
et le même oppresseur (la bourgeoisie impérialiste et l’ancienne métropole)
a tissés entre les peuples des pays colonisés et ceux des anciens pays
colonisateurs; de même il ne peut être question de chercher à affaiblir
l’amitié, la sympathie, l’admiration mutuelle qui n’ont cessé de se développer
entre les peuples d’Afrique Noire et les autres peuples du monde, en
particulier ceux des pays du camp socialiste, dont le soutien, l’aide se sont
manifestés concrètement et continuent à se manifester à travers les
nombreuses péripéties de la lutte des peuples africains. Ne serait-ce que
pour sauvegarder ces liens (dans l’intérêt bien compris de nos peuples
comme des autres peuples) et pour les développer nous devons faire
enseigner le français, l’anglais, l’allemand l’arabe, le russe, l’espagnol, dans
nos écoles, de façon à permettre des échanges fructueux et féconds sur le
plan culturel, scientifique et technique, économique, etc. Ce serait certes
gaspiller une des plus grandes chances de nos peuples que d’y renoncer,
mais on ne peut confondre une telle attitude avec l’abandon pur et simple
de nos langues, le renoncement à l’avenir de nos propres cultures nationales
prônés par de trop nombreux intellectuels africains (?) (hommes politiques
de différentes « tendances », universitaires) conscients ou inconscients, qui
entonnent sans aucun trouble ni aucune gêne les refrains des idéologues
patentés de l’impérialisme et du néo-colonialisme. Le bon sens et la sagesse
populaire indiquent que « le bâton a beau séjourner dans le fleuve, il ne
deviendra pas un caiman » et « l’harmattan a beau souffler il laissera à la
pintade les zébrures de son plumage (proverbe djerma) »; ajoutons que le
176 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
premier peut pourrir et la seconde être ensevelie. Les peuples d’Afrique ont
grand intérêt à être « Poreux à tous les souffles du monde », mais certes pas
6
« lit sans drain de toutes les eaux du monde ». Et les intellectuels africains
conscients, tous les patriotes doivent comprendre et se convaincre, que la
démarche laborieuse et féconde de l’abeille butinant à toutes les fleurs est à
l’opposé de celle du singe s’affublant pour parader du premier accoutrement
mis à sa portée. Peut-être, faut-il réaliser aussi que l’orientation vers
l’adoption de langues étrangères en Afrique Noire, au nom d’un prétendu
réalisme est contre nature et sans rapport avec les « réalités » africaines
dont aiment à se gargariser bon nombre d’hommes politiques : ce serait
simplement nous engager dans une voie sans issue (du moins pour ceux
qui seront scolarisés tant il est vrai que par le fait même d’un tel choix, le
peuple dans sa majorité reste et restera pratiquement étranger au simulacre
de mouvement culturel qui peut voir le jour; cela découle directement et
du rythme de la scolarisation, et des caractéristiques démographiques de
nos pays, et enfin de ceci que, de l’avis même des spécialistes européens de
l’Afrique Noire, nous sommes un peuple impossible à assimiler.
6. Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal. Présence Africaine, Paris, 1956.
| 177
L'éducation en Afrique
C’est surtout d’un problème concret qu’il s’agit; sur le plan de principe,
tous les enfants doivent avoir un droit égal à l’éducation, que ce soit au
niveau du primaire, du secondaire et du supérieur. C’est un fait qu’avec la
base de départ qui est celle des pays africains en ce qui concerne l’éducation
(comme d’ailleurs l’économie, l’organisation sociale et politique), on ne peut
dans l’immédiat réaliser cet objectif. Il est donc urgent et indispensable,
dans la mesure où on veut réellement le faire, de chercher et trouver sur
le plan méthodologique les mesures à prendre; nous en avons déjà examiné
une, (l’introduction de la langue maternelle ou d’une autre langue africaine)
dont les répercussions favorables à une extension rapide de la scolarisation
primaire sont évidentes. Mais il faut aussi étudier comment mener la
scolarisation en tant que processus (quelles doivent être ses différentes
étapes et leurs caractéristiques principales), pour atteindre le plus
rapidement et avec le maximum d’efficacité le but fixé, que nous considérons
d’ailleurs non comme une fin en soi jaillie du cerveau d’un homme, mais
bien plus comme un impératif de développement économique, social et
culturel des peuples africains, et de la solution dans les meilleures conditions
des problèmes complexes et variés qui leur sont posés ou le seront. En
d’autres termes comparant la scolarisation à son stade achevé à un édifice
à construire, il faut déterminer outre la façon de construire (le type
d’architecture, la nature de » matériaux, etc.), la technique même de la
construction (des fondations et matériaux nécessaires, des murs, etc.)
nécessairement liée aux matériaux utilisés et aux connaissances techniques,
en un mot à l’ensemble des moyens disponibles.
178 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
secondaire, qui est par ailleurs la base essentielle de la formation des cadres
moyens et supérieurs qui font tragiquement défaut en Afrique Noire.
En effet :
7. Il n'est en effet que trop courant de voir des adolescents de 15-16 ans voire des
enfants de 12-13 ans enseigner dans les classes de l'enseignement primaire. Une telle
situation, qui serait normale s'il s'agissait de cours d'alphabétisation, ne peut être
considérée du même point de vue s'agissant du cycle primaire de l'enseignement.
| 179
L'éducation en Afrique
La conclusion qui s’impose est que la clef de presque tous les problèmes
réside dans un développement préalable et conséquent de l’enseignement
secondaire. Il est certain que cela implique un certain développement de
l’enseignement primaire, ne serait-ce que pour fournir, d’abord une base
de sélection assez large pour le secondaire (dans la période transitoire où
tous les enfants ne peuvent y accéder), et ensuite pour tendre, même dans
les conditions d’un effort principal porté sur le secondaire, à réaliser
partiellement et progressivement la généralisation du primaire. On doit
d’autant plus accorder une prééminence transitoire à la progression du
secondaire qu’il présente un retard relatif considérable par rapport au
primaire dans tous les pays de l’Afrique Noire actuelle. C’est d’ailleurs ce
retard (consciemment voulu et réalisé sous le régime colonial) qui explique le
manque de cadres moyens et supérieurs, alors que les titulaires du Certificat
d’études « traînent » dans les rues de bien des villes et villages africains. Par
ailleurs il est illusoire de penser (comme semblent le faire un certain nombre
de gouvernements d’États africains) que la seule scolarisation primaire
permettra de faire face aux problèmes économiques (développement de la
production agricole en particulier) dans l’immédiat, encore moins dans le cas
d’une scolarisation « accélérée » (donc raccourcie). L’âge moyen des enfants
à la fin de l’enseignement primaire, étant de 12 à 13 ans, ils ne peuvent
180 |
Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
Voilà qui en dit long sur les arrières-pensées qui guident l’organisation
de l’enseignement rural : il est en effet implicitement admis que l’école
rurale (école de brousse) doit préparer les enfants à devenir exclusivement
des cultivateurs; de plus, les objectifs explicitement proclamés montrent
quelle conception bien pauvre de l’éducation en ont les ministres africains
responsables : rendre la vie du cultivateur plus attrayante, les membres
d’une troupe théâtrale… ou d’un orchestre ne viseraient pas mieux… Quant
à l’enseignement en langue africaine, on peut remarquer qu’une question
aussi importante est noyée dans « l’enseignement des langues en général »,
mieux, que la perspective, même à l’échelon de la recherche, de la mise
en œuvre d’une telle décision est subordonnée à des mesures concernant
« l’enseignement d’une seconde langue de grande communication ». Il est
pour le moins difficile de voir le lien d’une telle langue avec les « attractions
» pro-mises au cultivateur africain!
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
| 183
L'éducation en Afrique
à temps. On peut donc affirmer sans être démenti par les faits, que les
dépenses de budgets des États africains en matière de constructions
scolaires peuvent être ramenées à un volume relativement bas. Il y aura
certes à donner une aide (à l’échelon de la division administrative dont
dépend la ville ou le village) qui peut prendre des formes variées (fourniture
de matériaux indispensables mais difficiles à trouver sur place, d’ouvriers
qualifiés pour diriger la construction, etc.). Les « économies budgétaires »
réalisables seront d’autant plus importantes que la tendance générale est à
la construction d’écoles avec les matériaux importés, ce qui, compte tenu de
leur prix d’achat et des frais de transport supplémentaires (la dispersion de
la population étant très grande), entraîne des prix de revient élevés.
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
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| 185
L'éducation en Afrique
systématique du mobilier scolaire qui revient d’autant plus cher qu’il s’agit de
matériaux encombrants. Au demeurant, il est possible (et il ne tient qu’aux
gouvernements) de créer des ateliers de menuiserie (du bois, métallique,
etc.) permettant une production à grande échelle d’un mobilier scolaire
démontable (donc facilement transportable); si l’on considère les économies
subséquentes à une telle mesure, les investissements en machines-outils
qu’elle comporte s’avèrent plus que rentables : en même temps que le
mobilier scolaire proprement dit, divers autres meubles peuvent être
produits. Les écoles professionnelles et divers établissements scolaires
techniques peuvent en outre prendre part à cette production au lieu de
consommer des matières premières sans rien fournir d’utilisable.
c. Les livres et manuels, pour être imprimés sur place doivent aussi
être produits : c’est là une question qui mérite d’être soulignée; on peut
affirmer, concernant aussi bien l’enseignement primaire que le secondaire
qu’elle peut être résolue, à condition que le corps enseignant dans son
ensemble soit mis à contribution. C’est d’ailleurs beaucoup moins la volonté
et la capacité de rédiger des livres et des manuels que le cadre valable pour le
faire (programmes) qui font actuellement défaut sur ce plan. Au demeurant,
un certain nombre de manuels d’enseignement ont déjà été produits (en
histoire notamment) et il n’est pas douteux que d’autres suivent dans la
mesure où leur nécessité s’imposera.
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
Dans l’état actuel des choses, l’habillement des élèves se prête moins à
de grandes modifications : les tenues africaines non seulement nécessitent
plus de tissus, mais encore sont en général encombrantes et mal adaptées au
travail et à une vie de mouvement. Il serait cependant souhaitable pour des
raisons évidentes que les élèves disposent au moins d’une tenue africaine de
sortie.
3. Dépenses de personnel
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L'éducation en Afrique
8. II est vrai que les professeurs étrangers étant en général pris en charge par
l'assistance technique, il faudrait pour que changeât cette situation, qu'une fraction
au moins des crédits consentis puisse être utilisée à des dépenses d'équipement
(bâtiments, appareils et instruments scientifiques divers).
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L'éducation en Afrique
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Problèmes d'éducation et tâches de l'enseignement dans les conditions de l'Afrique noire
contemporaine
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PARTIE IV
DE LA NÉCESSITÉ D'UNE
RÉFORME DU SYSTÈME
D'ÉDUCATION EN AFRIQUE
NOIRE
| 195
9. Position de la question
Remarques générales
| 197
L'éducation en Afrique
198 |
10. Examen critique du système actuel
d’éducation
A. Conception générale
Le système actuel d’éducation, tel qu’il existe dans presque tous les États
africains des ex-A.O.F. et A.E.F., est dans l’essentiel identique au système
français. De même, c’est le système d’éducation implanté par le colonisateur
britannique qui continue, dans l’essentiel, à être appliqué au Nigeria, au
Ghana et dans les autres États colonisés auparavant par l’impérialisme
anglais. Cela tient à plusieurs raisons historiques : tout d’abord dans les
années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre mondiale, avec le
développement de la lutte de libération nationale des peuples d’Afrique Noire
et dans le cadre de leurs revendications générales, était exigée la fin de
l’ancien enseignement colonial d’avant-guerre, dont le caractère
discriminatoire était devenu insupportable aux peuples africains; le
remplacement de l’ancienne conception de l’enseignement par la
« nouvelle » dans les colonies françaises d’Afrique Noire, s’il répondait
objectivement aux aspirations populaires n’en était pas moins également
conforme, dans une certaine mesure, à la politique d’assimilation de
l’impérialisme français, concrétisée par la Constitution de l’Union Française,
faisant des Territoires d’Outre-Mer (A.O.F et A.E.F. notamment) une partie
intégrante de la République française. Dans les mains du colonialisme
français, l’institution en Afrique Noire de l’enseignement tel qu’il était donné
en France (à l’égard tout au moins de la minorité qui le recevait), est devenue
une arme idéologique et politique : instrument de choix de la
dépersonnalisation de l’homme africain en formation, de propagande
paternaliste et assimilationniste, mais aussi moyen de contrôler et de limiter
la formation de cadres africains moyens et supérieurs. On peut caractériser
de façon assez éloquente la conception qui a présidé à cette installation en
indiquant que l’enseignement secondaire français en Afrique était destiné
aux Africains les plus doués; devaient devenir bacheliers les « sujets les plus
brillants » et faire l’enseignement supérieur les sujets « exceptionnels ». Il
est vrai que ce faisant, la bourgeoisie française ne faisait que transporter
en Afrique Noire une conception de l’enseignement secondaire qu’elle avait
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L'éducation en Afrique
pratiquée pendant plus d’un siècle en France, puisque c’est seulement après
la Libération (1945) que l’enseignement secondaire a connu une certaine
démocratisation.
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Examen critique du système actuel d’éducation
contemporaine, pour n’avoir pas voulu lier leurs intérêts propres bien
compris à ceux des populations dans leur ensemble.
Ainsi, quelle qu’en soit la conscience qu’en ont les couches dirigeantes
actuelles des différents États de l’Afrique Noire contemporaine, la
conception générale du système actuel d’éducation hérité de l’époque de la
domination coloniale, ne peut être applicable si l’on doit et veut répondre
aux nouvelles conditions politiques, aux objectifs économiques et sociaux
subséquents à l’accession des États africains à l’indépendance politique. Dans
ce domaine comme dans bien d’autres, l’avenir politique de ces couches
dirigeantes est indissolublement lié à leur capacité de mettre en œuvre des
mesures conformes aux intérêts et aux aspirations profondes des masses
populaires de nos pays.
B. Organisation générale
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L'éducation en Afrique
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L'éducation en Afrique
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Examen critique du système actuel d’éducation
3
de formation de cadres techniques et administratifs subalternes et moyens .
Sur le plan de l’organisation du système d’éducation, il en découle une
véritable anarchie aussi bien dans l’implantation des différents types
d’établissements et de leur utilisation efficace, que du point de vue de la
coordination (quasi-inexistante d’ailleurs) entre les différents secteurs de
l’éducation. D’où un gaspillage inconsidéré des moyens disponibles (matériel
comme personnel) qui ne peut qu’avoir des effets désastreux si l’on ne perd
pas de vue l’insuffisance notoire de ces moyens.
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L'éducation en Afrique
Il est évident que l’on a tout au contraire intérêt à concentrer les moyens
disponibles (personnel et matériel) et cela est d’autant plus possible que :
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Examen critique du système actuel d’éducation
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Examen critique du système actuel d’éducation
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Examen critique du système actuel d’éducation
1. Enseignement primaire
4
Une première remarque importante s’impose dès qu’on examine les
programmes de l’enseignement primaire actuel; le français occupe une place
prépondérante dans cet enseignement, en tant que langue unique
d’enseignement. Bien que nous ayons déjà insisté sur ce fait, on ne peut
le passer sous silence, ici. Il va de pair avec la mise à l’écart systématique
des langues africaines. Nous ne reviendrons pas ici sur les conséquences
véritablement catastrophiques de cet état de choses aussi bien pour l’enfant
africain (choc psychologique, difficultés supplémentaires, sources de
« déracinement », etc.) que pour la société (rythme de scolarisation très
lent, oppression et étouffement des langues africaines, d’où impossibilité
d’éclosion d’une culture authentiquement nationale, etc.).
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L'éducation en Afrique
a. Français
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Examen critique du système actuel d’éducation
reste valable ici : non seulement le français ou l’anglais selon le cas, occupent
une place exceptionnellement privilégiée dans l’enseignement secondaire
(du point de vue des horaires en. particulier), mais encore l’enseignement est
conduit entièrement à travers les seuls auteurs français ou anglais; au cas
même où ces langues devraient ou pourraient être des langues de « grande
communication » pour les peuples africains, comme aiment à l’affirmer les
divers tenants de la persistance de la domination culturelle de l’ancien
colonisateur, il est évident que leur enseignement ne peut se limiter à être,
comme c’est le cas jusqu’ici, un moyen d’assimilation culturelle de l’enfant
ou adolescent africains. En effet aucun auteur africain n’est inscrit au pro-
gramme, a fortiori les auteurs de différents pays d’Europe, d’Asie,
d’Amérique, etc., pourtant universellement considérés comme faisant partie
intégrante du patrimoine culturel de l’humanité. La langue de l’ancien
colonisateur ne peut manifestement servir de véritable instrument culturel
entre les mains de l’Africain que si l’on élargit résolument la conception
même de son enseignement. Pendant la période transitoire où elle
continuera à être enseignée (au moins comme langue étrangère principale),
elle doit au contraire être utilisée à élargir l’horizon culturel de l’élève
africain par l’étude des seuls auteurs représentatifs de l’apport de la culture
française ou anglaise au patrimoine culturel universel, par celles de
nombreux auteurs africains d’expression française et anglaise, enfin et
surtout par celle des grands auteurs universels quels que soient leurs pays.
b. Histoire
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Examen critique du système actuel d’éducation
c. Géographie
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Examen critique du système actuel d’éducation
e. Langues
L’enseignement des langues, tel qu’il est conçu à travers les programmes
actuels, présente les caractéristiques suivantes :
• le latin, le grec,
• l’arabe littéraire,
• l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le russe, l’italien.
• Il faut évidemment ajouter le français (ou l’anglais) pour l’élève africain,
suivant que son pays est une ancienne colonie française ou anglaise.
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L'éducation en Afrique
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Examen critique du système actuel d’éducation
• l’espagnol,
• l’anglais ou le français,
• le russe,
• l’allemand,
• plus rarement l’italien, le portugais.
Une priorité très nette est à réserver en effet aux quatre premières
langues en raison de leur importance sur le plan mondial, dans les relations
internationales comme sur le plan de l’accès aux chefs d’œuvre de la
littérature universelle et aux publications scientifiques et techniques dans le
monde.
Il reste que les autres peuvent quand même être enseignées dans la
stricte mesure des moyens, en particulier aux élèves qui se destinent à en
devenir de futurs spécialistes.
f. Philosophie
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L'éducation en Afrique
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g. Mathématiques
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L'éducation en Afrique
Dans de telles conditions, une portion raisonnable des horaires doit être
consacrée à l’enseignement des mathématiques.
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h. Physique et Chimie
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évidemment là des choses dont il faut s’inspirer dans la mise en place d’un
enseignement supérieur en Afrique Noire.
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L'éducation en Afrique
1. Traits généraux
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Examen critique du système actuel d’éducation
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L'éducation en Afrique
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Examen critique du système actuel d’éducation
en France, pour l’engager dans la voie qui, après son admission brillante
à l’École Normale Supérieure, une scolarité remarquable qui l’a conduit à
l’agrégation de Mathématiques en 2ème Année, a permis la révélation et le
développement de ses possibilités.
2. Conséquences
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L'éducation en Afrique
pour les États africains de faire appel aux techniciens et autres « experts »
étrangers, sauvegardant ainsi et « pérennisant » même l’influence
impérialiste en Afrique Noire, sous quelque vocable qu’elle se déguise
(influence française, anglaise, américaine, etc.).
242 |
Examen critique du système actuel d’éducation
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11. Conclusions générales
L’analyse qui précède de la conception générale, de l’orientation, de
l’organisation générale et des programmes de l’enseignement en Afrique
Noire, démontre la nécessité d’une réorganisation complète du système
d’éducation dans son ensemble. C’est là certes un point de vue auquel avec
plus ou moins de réticences et de confusion, se sont ralliés et se rallient
de plus en plus les dirigeants politiques, l’intelligentsia de l’Afrique Noire,
grâce à l’action persévérante de l’aile avancée et progressiste de l’ensemble
du corps enseignant autochtone africain, et notamment du « collectif » de
professeurs africains qui se sont mis au service de la République de Guinée
au lendemain de son indépendance et y ont entrepris et mené à terme
avec l’accord du gouvernement guinéen, la première tentative de réforme
sérieuse de l’enseignement en Afrique Noire. Nous aurons très bientôt
l’occasion d’examiner d’un point de vue critique cette expérience et d’essayer
d’en tirer le plus d’enseignements possibles.
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L'éducation en Afrique
246 |
PARTIE V
POUR UNE CONCEPTION
NOUVELLE DE L'ÉDUCATION
ET DE L’ENSEIGNEMENT EN
AFRIQUE NOIRE
« Il ne suffit pas d’expliquer le monde, il faut le transformer. » Efforçons-
nous donc maintenant de dégager et de formuler positivement les grandes
lignes d’un système d’éducation pour les pays de l’Afrique Noire
contemporaine : conception générale, organisation et structure, et examens,
ainsi que les méthodes les plus adéquates pour conduire sa mise en
application pratique.
| 247
l’examen des enseignements qui se dégagent de l’expérience des réformes
tentées dans ce domaine par certains États africains : Guinée, Mali. Pour
des raisons méthodologiques et pour la clarté et la commodité de la
présentation, nous examinerons les différentes questions ci-dessus
indiquées, dans le cadre de l’étude :
248 |
12. Pour une orientation générale juste
et correcte de l'éducation et de
l'enseignement en Afrique noire
Il est indispensable d’examiner d’abord les objectifs généraux et
universels de l’éducation, certains de leurs aspects spécifiques dans les
conditions politiques, économiques, sociales et culturelles qui sont celles
des pays de l’Afrique Noire contemporaine. Alors seulement pourront être
objectivement dégagées les meilleures voies pour les atteindre.
À travers les formes variées qu’ils ont pu revêtir dans les diverses
sociétés humaines, l’éducation d’une façon générale et l’enseignement en
particulier ont toujours eu pour objectifs fondamentaux de former ceux à
qui ils s’adressent, de façon à les préparer à s’adapter à la vie sociale, à y
jouer le mieux possible le rôle qui leur est ou leur sera dévolu, à développer
chez eux toutes qualités, potentialités et capacités individuelles, de façon
à permettre leur épanouissement et leur utilisation pleine et complète par
les classes et couches sociales dirigeantes ou dominantes, et, en définitive,
au profit de la société toute entière, considérée du moins sur le plan de
son évolution. C’est qu’historiquement, le système d’éducation correspond
ou tend à correspondre pour une société donnée, d’une part à la nature des
problèmes politiques, économiques et sociaux qui lui sont posés ou qu’elle se
pose, d’autre part aux intérêts politiques, économiques et sociaux des classes
ou couches sociales dirigeantes.
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L'éducation en Afrique
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Pour une orientation générale juste et correcte de l'éducation et de l'enseignement en Afrique
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Pour une orientation générale juste et correcte de l'éducation et de l'enseignement en Afrique
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l’U.R.S.S. qui dans le passé était une colonie tsariste et un pays arriéré :
l’Azerbaïdjan.
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1. Paul Langevin, La pensée et l'Action, Éditeurs Français Réunis, Paris, op. cit.
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Pour une orientation générale juste et correcte de l'éducation et de l'enseignement en Afrique
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L'éducation en Afrique
comme nous l’avons vu, d’une situation léguée par la domination politique et
l’exploitation économique de nos pays par l’impérialisme étranger. Compte
tenu des deux aspects que nous venons de souligner, il apparaît clairement
qu’une conception démocratique de l’éducation implique nécessairement
la mise à la disposition du plus grand nombre d’hommes adultes des
instruments et moyens indispensables à l’élévation de leur niveau culturel
général, de leur qualification technique et professionnelle et en définitive,
à l’épanouissement complet de leurs capacités. Alors seulement pourra se
réaliser le plein déploiement de leurs possibilités créatrices en même temps
que verra le jour leur participation consciente et active à tous les aspects
de la vie sociale. Il convient de remarquer que les problèmes concrets posés
dans le domaine économique et social (développement de la production,
amélioration des conditions de vie des masses populaires, etc.), ou sur le
plan politique peuvent, selon leur degré d’acuité, engendrer une prise de
conscience de la nécessité de l’éducation technique et professionnelle des
adultes, de sa réalisation plus ou moins limitée; c’est en particulier le cas
dans une série de pays capitalistes, notamment du fait du manque de cadres
dans certaines branches industrielles; c’est aussi le cas de la plupart des pays
nouvellement indépendants d’Afrique dans pratiquement tous les domaines.
Mais l’expérience montre, en particulier du fait du haut niveau de
développement de la technique et de la science modernes, que des mesures
partielles et improvisées se révèlent incapables de résoudre entièrement,
ni même seulement de façon satisfaisante, les problèmes affrontés, tant il
devient de plus en plus difficile, sinon impossible, de former des techniciens
(à quelque niveau que ce soit) sans une solide culture générale de base.
Par contre, l’analyse des réalisations enregistrées dans ce domaine par les
paye socialistes confirme les possibilités immenses qu’ouvre la réalisation
de l’accès des adultes à l’éducation et la culture, sans interruption de leur
participation à la production.
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L'éducation en Afrique
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particulier, ceux des villes et ceux des campagnes, ceux appartenant aux
couches et classes sociales aisées et ceux issus de la grande masse paysanne
3
de la population) .
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4. Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France, et Union Générale des Étudiants
de l'Afrique Occidentale (Dakar).
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Pour une orientation générale juste et correcte de l'éducation et de l'enseignement en Afrique
noire
Il n’est pas question de nier ici l’aide considérable qui peut être apportée
aux pays africains par les pays socialistes ou par les spécialistes progressistes
des pays capitalistes. Il s’agit plutôt de faire prendre conscience de ce fait
que sans une organisation rationnelle sur le plan national, cette aide ne peut
être que mal ou insuffisamment exploitée, quand elle n’est pas simplement
gaspillée. Il n’y a aucun doute que l’organisation de la recherche pourrait et
devrait se faire avec l’aide et la collaboration de toutes les bonnes volontés,
mais l’affirmation de son caractère national est la condition même de sa
fécondité pour nos pays, comme en ce qui concerne l’apport éventuel qui
pourrait en résulter sur le plan mondial.
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L'éducation en Afrique
270 |
13. Pour une organisation et une
structure nouvelles du système
d'éducation et d'enseignement
Dans le domaine de l’organisation et de la structure du système
d’éducation, comme des autres aspects des problèmes généraux ou
particuliers de l’éducation, il ne peut être question de faire table rase de
l’expérience des autres pays, notamment de tous ceux qui, à un moment
donné, ont eu à affronter des problèmes de même nature que ceux
aujourd’hui posés aux peuples de l’Afrique Noire. Malgré des différences
parfois profondes de contexte politique, économique, social et culturel, les
formes d’approche, les solutions théoriques mises en oeuvre constituent
pour quiconque s’intéresse à l’avenir et au destin des peuples de l’Afrique
Noire et de façon plus générale, à ceux de tous les autres pays sous-
développés, une source féconde et inépuisable d’enseignement et de profit.
C’est une chance inouïe qu’ont les peuples qui se libèrent à notre époque
de pouvoir disposer pour construire leur avenir d’une expérience si riche et
variée, accumulée par d’autres peuples au prix de tant de sueur, de sang, de
tâtonnements, d’échecs et de succès. Nous serions coupables vis-à-vis de
nos peuples si nous ne faisions l’effort de réflexion nécessaire pour assimiler
cet apport, nous en servir pour créer les moyens adaptés à nos conditions et
à notre époque et capables d’être pour nos peuples des instruments efficaces
dans leur lutte pour la consolidation de l’indépendance économique, la
création de meilleures conditions matérielles et spirituelles de vie, pour une
libération complète de l’homme de chez nous et pour l’épanouissement de
son génie. C’est dire que sous de nombreux aspects, nous pensons qu’il
ne faut pas hésiter à faire nôtre ce qui nous paraît bon et valable chez
d’autres, pourvu que ce faisant nous le marquions du sceau de notre propre
personnalité et le conformions à nos conditions concrètes. De ce point de
vue, beaucoup d’éléments dans ce qui va suivre, n’ont rien d’inédit et il
convient de le souligner. Il n’en demeure pas moins que par rapport à l’état
actuel de l’éducation dans nos pays, il s’agit effectivement d’une nouvelle
organisation et d’une nouvelle structure. Sur le plan africain, il est nécessaire
de rappeler qu’un groupe de professeurs africains et de professeurs
progressistes français ont collectivement élaboré et proposé au
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1. Enseignement général
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
L’on voit donc que dans leurs divers aspects, les difficultés sous-jacentes
à la mise sur pied des écoles maternelles et des jardins d’enfants peuvent être
résolues par les effets conjugués des pouvoirs publics et de la population.
Notons que du fait des caractères particuliers à ce type d’établissement
(inexistence d’un « enseignement » au sens classique du terme, utilisation
obligatoire de la langue maternelle de l’enfant, activités réduites aux jeux
ou devant en prendre nécessairement la forme, etc.), le recrutement du
personnel au démarrage ne risque pas de présenter de grandes difficultés
du moins sur le plan du niveau requis ou de l’organisation d’une formation
accélérée adéquate.
b. L’enseignement élémentaire
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c. L’enseignement moyen
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
résolvant d’abord les plus urgents et les plus simples, avançant ainsi pas à
pas en utilisant constamment les données de l’expérience pratique en vue
d’une incessante amélioration du travail. Quoi qu’il en soit, il serait illusoire
de croire qu’on peut attendre la « découverte » de la solution parfaite de tant
de problèmes avant d’entreprendre quoi que ce soit : aucune solution, pas
plus dans ce domaine que dans d’autres ne peut tomber du ciel; c’est dans la
pratique et la pratique seulement que se révéleront la justesse ou l’erreur, les
défauts ou les qualités de telle ou telle mesure. C’est la seule confrontation
avec la pratique qui permettra la correction des erreurs et défauts au fur et
à mesure qu’ils apparaîtront, l’analyse théorique préliminaire visant surtout à
en éviter les plus graves et le plus grand nombre, notamment en examinant
tous les aspects des problèmes et en assimilant l’expérience des autres pays
et des autres peuples.
| 291
L'éducation en Afrique
prenant ensuite progressivement le pas sur elle pour finir par la supplanter),
malgré le progrès ainsi réalisé (en particulier par rapport à la situation dans
les anciennes colonies françaises), la prive cependant de conditions
favorables à un enrichissement plus large, notamment dans le domaine de
l’expression du contenu de la science contemporaine. De la sorte, il demeure
apparemment « difficile » d’étendre son utilisation à des niveaux supérieurs
de l’enseignement (élémentaire, moyen général, technique, supérieur).
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L'éducation en Afrique
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
a. Universités
• Médecine,
• Droit,
• Sciences économiques,
• Histoire,
• Géographie,
• Langues étrangères,
• Physique et mathématiques,
• Chimie,
• Biologie,
• Botanique,
• Zoologie,
• Géologie,
• Géologie et mines.
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L'éducation en Afrique
• Médecine,
• Médecine Vétérinaire,
• Agronomie,
• Écoles supérieures d’ingénieurs,
• Écoles Normales supérieures.
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L'éducation en Afrique
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
• alphabétisation
• enseignement moyen général
• enseignement moyen spécialisé
• enseignement supérieur spécialisé
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L'éducation en Afrique
1) Problèmes généraux
a) Problèmes matériels
Sur le plan des locaux, tout ce qui peut être disponible doit être exploité :
écoles, salles de réunions, certains locaux administratifs ou publics (bureaux,
hangars de marché dans les grands centres, etc.) et même les locaux privés
d’habitation (dans le cas de l’alphabétisation en particulier). L’équipement
nécessaire s’il est réduit au strict minimum indispensable, ne posera
pratiquement pas de problèmes : aussi bien pour l’alphabétisation que pour
l’enseignement élémentaire et une bonne partie de l’enseignement moyen
général, un tableau (mural, portatif, en bois, ou en toile), de la lumière et des
tables et des bancs en constituent l’essentiel. Le caractère plus évolué de
l’enseignement moyen général ou spécialisé et de l’enseignement supérieur
particularise, en ce qui les concerne, la position du problème des locaux
et de leur équipement; et dans ces deux cas, le plus simple (quand cela
est possible évidemment) est d’utiliser les locaux des établissements
permanents correspondants, tout au moins pour l’enseignement de
certaines matières spécialisées. Dans la mesure donc où les pouvoirs publics
voudront sur ce plan accorder toute l’aide qu’ils peuvent, où l’on fait appel
à l’initiative de tous, le problème des locaux et du matériel peut être
correctement résolu, surtout si l’on utilise au mieux les possibilités.
Cependant, cela ne signifie nullement qu’ils seront toujours suffisants : en
particulier pour conduire l’alphabétisation avec l’ampleur et la rapidité
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
5. (Test ce que démontre également le succès remarquable à tous les points de vue
(clientèle, chiffre d'affaires, rayonnement) de la Librairie Populaire du Mali bien que
les livres vendus soient édités en français.
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L'éducation en Afrique
mènent une action résolue pour que soient créées les conditions favorables
à une extension véritable de l’éducation. Puisque chaque fois qu’on aborde
ces questions la réponse toute prête est la « pauvreté » de nos pays, disons
qu’en dilapidant moins (en fêtes et réceptions, en missions, en traitements de
ministres, de députés, de directeurs et chefs de cabinet, etc., en voitures de
services), en employant rationnellement les ressources propres des États et
celles provenant de l’aide extérieure et de prêts, il est possible, pourvu qu’on
en fasse réellement l’objet de ses préoccupations, de faire déjà beaucoup
plus et bien mieux pour la satisfaction des besoins et aspirations des masses
africaines. De plus, les dépenses, dans le cas qui nous concerne, ne sont
qu’un investissement (au sens commercial du terme comme sur le plan
social) puisque livres et fournitures seront payés par les élèves (nous avons
évidemment en vue ceux des cours du soir).
304 |
Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
Le fait que les instituteurs africains, souvent réticents quand il s’agit des
cours d’adultes officiels, (organisés sur la base de décisions administratives,
en principe rémunérés et pratiquement jamais), participent bénévolement
et avec enthousiasme chaque fois que des cours du soir sont organisés
sans intervention des gouvernements, la bonne volonté dont font preuve
les techniciens de différentes branches dans ces mêmes circonstances, tout
cela confirme simplement qu’ils ne sont, pas plus que les masses populaires,
dupes de la politique menée par la plupart des gouvernements dans les
pays d’Afrique Noire (notamment sur le plan de l’éducation). Il n’y a aucun
doute que quand les « sacrifices » cesseront d’être le lot des seules masses
laborieuses pour s’étendre à tous, à commencer par les dirigeants politiques,
membres des gouvernements, députés, hauts fonctionnaires, quand les
discours cesseront d’être en contradiction avec les actes, quand les intérêts
nationaux prendront le pas sur la course au profit personnel, à la jouissance
la plus effrénée et la plus dégradante, à la hâte d’amasser des biens (villas,
terrains, actions dans les sociétés impérialistes, placements dans les banques
suisses ou parisiennes), et qu’enfin seront menées une politique intérieure
de démocratie et d’union véritable de tous les patriotes (mais non pas le
déguisement de la dictature de la néo-bourgeoisie alliée au néo-colonialisme
que constitue le parti unique dont le programme n’est ni décidé par le
peuple, ni conforme à ses intérêts), et une politique extérieure anti-
impérialiste, résolument opposée à toutes les formes du néo-colonialisme
(politique, économique, culturelle), alors sur le plan de l’éducation, comme
dans tous les domaines, pourront se déployer librement l’initiative, l’énergie,
le génie créateur des masses populaires enfin convaincues qu’elles travaillent
à l’amélioration de leurs propres conditions de vie et à la construction d’un
avenir meilleur pour leurs enfants. Il est clair qu’une telle politique implique
que l’éducation soit placée au centre des préoccupations des
gouvernements, comme elle est dès aujourd’hui une des aspirations les plus
| 305
L'éducation en Afrique
vives des populations africaines; alors avec une appréciation correcte de son
rôle de levier puissant du progrès économique, technique, social et culturel,
avec la mise en place de toutes les mesures propres à assurer son essor, le
concours enthousiaste et bénévole de tous sera acquis dans le domaine des
tâches d’éducation.
Mais s’il faut saisir la liaison étroite des problèmes d’éducation avec
l’ensemble des autres problèmes posés au pays de l’Afrique Noire, il serait
erroné de penser qu’il faille « attendre » que ces autres problèmes soient
résolus pour « attaquer » les questions d’éducation. D’abord parce que la
lutte sur le front de l’éducation fait partie intégrante de la lutte générale;
ensuite parce que bien que la solution correcte et complète des questions
d’éducation ne peut exister en dehors de celle de l’ensemble des problèmes
politiques, économiques et sociaux, c’est aussi un fait que tout pas en avant
sur le plan de l’éducation ne peut manquer d’avoir des répercussions
positives dans le domaine politique, économique et social. Et c’est en
particulier un des devoirs des enseignants africains d’abord, de tous les
Africains conscients aussi, d’y contribuer par tous les moyens, notamment
par des initiatives concrètes (organisation de cours du soir par exemple),
de façon à en démontrer la possibilité et à mobiliser les larges couches
de la population pour l’obtention des conditions permettant l’accès de la
culture à un nombre de plus en plus grand d’Africains, notamment par la
généralisation des cours du soir.
Les élèves des cours du soir se composent aussi bien d’enfants que
d’adultes, d’hommes que de femmes. Un certain nombre de problèmes
surgissent de cette situation. D’abord dans la conduite de l’enseignement, on
ne doit pas ( du moins quand cela est possible) utiliser les mêmes méthodes
dans les différents cas, non seulement sur la base de considérations
théoriques évidentes (les mentalités de l’enfant et de l’adulte, de l’homme
et de la femme sont différentes), mais aussi pour des raisons pratiques
(efficacité de l’enseignement qui n’est pas sans rapport avec l’homogénéité
mentale de la classe). De plus, c’est un fait d’expérience familier à tous
ceux qui se sont occupés d’éducation des adultes en Afrique Noire que ces
derniers sont généralement réticents à avoir pour collègues de classe des
306 |
Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
enfants, ou même d’autres adultes quand ils ne sont pas de même sexe. Ce
phénomène, étroitement lié aux habitudes et à la mentalité au sein de la
société africaine traditionnelle, s’estompe notablement (quand il ne disparaît
pas) chez les adultes plus jeunes qui ont fréquenté l’école, ou vivent dans les
villes, et s’observe surtout chez les adultes des classes d’alphabétisation et
de l’enseignement élémentaire. Quelle que soit l’appréciation qu’on peut en
avoir (et c’est assurément un comportement erroné, non pas anormal), il ne
peut être question de vouloir le nier ou le combattre, en le niant; c’est au
contraire en le prenant en considération au départ qu’on arrivera, à travers
l’éducation, à l’estomper. Dans les classes d’alphabétisation et les premières
années de l’enseignement élémentaire on aura donc à séparer assez souvent
et autant que possible, d’une part les enfants, de l’autre les adultes; au sein
des adultes, les femmes des hommes. Les adolescents pourront en général
être groupés avec les adultes, ce qui n’empêche pas de les classer avec
les enfants selon les conditions concrètes. Cela permettra de résoudre au
mieux les problèmes pédagogiques (pour les maîtres) et ceux ayant trait
aux rapports humains (chez les élèves). Dans les classes d’enseignement
moyen (général ou spécialisé) et supérieur, aucune précaution particulière
ne s’impose en général; l’âge moyen est déjà élevé, et la réticence des
hommes vis-à-vis des femmes a souvent disparu avec l’acquisition de
l’instruction élémentaire.
| 307
L'éducation en Afrique
niveau puisse être respecté. Il est par ailleurs souhaitable, (pour des raisons
découlant de façon immédiate de remarques précédentes) de confier chaque
fois que cela sera possible les élèves adultes femmes à un maître du même
sexe; une femme est évidemment mieux placée que l’homme ayant la
meilleure bonne volonté pour comprendre d’autres femmes et se faire
comprendre d’elles, mais de plus cela permet d’élargir considérablement
la portée sociale de l’enseignement, notamment sur le plan de la prise de
conscience par la femme africaine de son rôle social et familial si décisif
pour l’évolution de nos pays. Enfin l’organisation d’une aide sur le plan de la
technique de la classe, de conseils pédagogiques sous des formes diverses
(conférences, instructions, etc.) en direction des maîtres non membres de
l’enseignement est indispensable à leur utilisation rationnelle et efficace
et à la sauvegarde d’un maximum d’homogénéité dans le niveau de
l’enseignement et dans les résultats attendus.
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
Organisme responsable
Il est évident qu’il faut, pour assumer toutes les tâches pratiques
mentionnées ci-dessus comme pour assurer la direction et le contrôle de
la conduite des cours, un organisme responsable. C’est le moment de crier
« surtout pas de bureaucratie! ». Dans le cas des universités populaires,
c’est l’ensemble des maîtres bénévoles qui assureraient provisoirement ces
fonctions, sous la forme d’un « Comité de préparation », jusqu’à ce qu’après
la rentrée, des représentants d’élèves soient élus pour que puisse siéger un
« Conseil de perfectionnement » comprenant maîtres et délégués des élèves.
Si dans le cas d’une organisation systématique à l’échelle d’un pays donné,
conçue dans le cadre général du système d’éducation, la même procédure ne
saurait être rigoureusement appliquée (du fait de l’intervention des autorités
administratives en particulier), il n’en reste pas moins qu’on peut s’en
inspirer. Dans chaque centre, le responsable de l’enseignement (directeur
d’école, inspecteur, etc.), pourrait être chargé de la mise sur pied de cet
organisme sans d’ailleurs devoir y jouer le rôle de « chef »; le noyau de base
(ensemble des maîtres) se chargera alors des tâches pratiques à exécuter
et, complété ensuite par les délégués des élèves, constituera l’organisme
responsable des cours du soir dans le centre considéré. L’inspecteur désigné
par le gouvernement ayant pour tâche de participer à toutes les réunions de
l’organisme responsable de façon à pouvoir aider à la résolution des divers
problèmes en contribuant à assurer la mise à la disposition des maîtres
et élèves de tous les moyens disponibles sur le plan administratif (locaux,
| 309
L'éducation en Afrique
matériel, etc.). Par ailleurs il aura à assurer l’inspection des cours, (contrôle
pédagogique). Il va de soi que l’organisme responsable élit ses dirigeants sans
que l’inspecteur ait à intervenir, tient des réunions périodiques et organise
des assemblées de maîtres, d’élèves sous des formes appropriées.
Dans les grands centres, le nombre des maîtres (et des élèves) peut
amener à décider la mise sur pied de plusieurs organismes responsables
dans différents secteurs géographiques déterminés au préalable; ne serait-
ce que pour des raisons de coordination dans le cadre d’une utilisation
rationnelle des moyens, d’émulation et d’échange d’expérience sur le plan
de l’enseignement, une liaison doit alors exister entre eux : soit qu’ils se
constituent comme des sous-comités d’un organisme unique, se réunissant
plus souvent séparément et de temps en temps ensemble, soit que l’on mette
sur pied un Comité de coordination sous une forme appropriée.
Principes d’organisation
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
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L'éducation en Afrique
3°) un service de courrier qui reçoit, dépouille, classe les copies pour les
confier aux professeurs et après correction les reprend, enregistre les notes
et assure l’expédition.
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L'éducation en Afrique
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L'éducation en Afrique
trouvent bien). Les dépenses correspondantes sont loin de valoir celles que
l’on accumule une année après l’autre par le système de commandes, et les
prix de revient plus avantageux, surtout si l’on tient compte de la plus grande
quantité qui pourra être produite; enfin, on peut également utiliser dans ce
sens les élèves des établissements d’enseignement moyen spécialisé, et les
travaux d’atelier dans renseignement moyen général.
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L'éducation en Afrique
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2. Services régionaux
• Un Bureau pédagogique,
• Un Bureau du Personnel et Statistique,
• Un Bureau Administratif.
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L'éducation en Afrique
1. Les programmes
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
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L'éducation en Afrique
Ces chiffres constituent un point de repère utile pour tous ceux qui,
de près ou de loin, s’occupent de l’élaboration des programmes de
renseignement élémentaire.
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
Autant que permettent d’en juger tant les résultats actuellement acquis
à la suite de recherches relatives à l’évolution psychique, intellectuelle et
mentale de l’enfant que ceux de l’expérience pédagogique dans les classes
de l’enseignement élémentaire et moyen, une attention particulière doit être
accordée en premier lieu à l’enseignement de la langue, ensuite à celui des
mathématiques, des sciences d’observation et aux activités pratiques.
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L'éducation en Afrique
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
une place importante, bien qu’occupant alors une moins grande fraction de
l’horaire global (par rapport au premier cycle).
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L'éducation en Afrique
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• Langue et littérature :
a. langue maternelle (ou véhiculaire africaine),
b. langues modernes,
c. langues classiques.
• Mathématiques,
• Sciences expérimentales,
• Sciences humaines,
• Activités et connaissances pratiques,
• Éducation physique,
• Éducation esthétique.
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L'éducation en Afrique
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
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L'éducation en Afrique
Nous sommes les esclaves d’une vérité qui nous est extérieure et
que nous ne pouvons connaître qu’en l’observant… La vérité s’impose
ainsi avec la force inéluctable d’une nécessité objective,
indépendante de nos désirs et de notre volonté. Rien n’est plus
propre que cette constatation pour donner à l’esprit cette modestie,
ce sérieux, cette fermeté, cette clarté de conviction qui le rendent
supérieur aux suggestions de la vanité ou de l’intérêt personnel…
L’habitude de raisonner et de réfléchir sur les choses, le respect
inébranlable de la vérité, et l’obligation de s’incliner devant les lois
nécessaires communiquent à l’esprit une empreinte ineffaçable.
(Berthelot cité par Langevin)
Mais ce n’est pas là « tout le bénéfice que l’on peut tirer des
études scientifiques : la troisième étape, dans laquelle l’être humain
vient en quelque sorte s’insérer dans la vie collective de l’humanité
en lutte contre un monde initialement hostile doit faire comprendre
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L'éducation en Afrique
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L'éducation en Afrique
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Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
C’est une liaison organique qu’il faut instituer entre l’école et son
milieu et non des rapports occasionnels sous forme de classes
promenades ou de visites scolaires isolées dans les usines ou sur les
chantiers. L’école doit s’unir à la nature et à la vie, quitter souvent
les murs de la classe pour y revenir chargée d’observations et
d’expériences, s’enrichir de réflexions et de méditations, s’initier à la
notation, à l’expression, à la représentation des choses vues, vécues
ou senties. Elle doit se sentir constamment solidaire de ce monde
extérieur dont elle prépare l’accès. (Paul Langevin, op. cit.)
2. Les examens
| 341
L'éducation en Afrique
issus. Ils doivent constituer uniquement sur le plan pédagogique une partie
(qui a son importance, mais une partie seulement) de l’arsenal des moyens et
méthodes permettant de garantir et contrôler le niveau des études, le travail
des élèves comme l’efficacité des maîtres, des méthodes et des programmes
eux-mêmes. Ceci dans le cadre de haute conscience des responsabilités
des maîtres comme des élèves en dehors de toute orientation malthusienne
mais aussi de toute démagogie qui ne peut, tôt ou tard, qu’être préjudiciable
à la collectivité; en effet une conception saine des examens, jointe à une
judicieuse mise au point des formes concrètes de leur organisation, à leur
adaptation aux différents stades de l’évolution de l’enfant ou de l’adolescent,
peut faire beaucoup dans le sens de la naissance et du développement d’une
émulation véritable tout au long du processus d’éducation.
C’est dire que leur nombre ne peut qu’être très limité en ce qui concerne
l’enseignement général (élémentaire et moyen) : ils doivent avoir des objectifs
pédagogiques définis et se placer impérieusement aux périodes de passage
de l’enfant d’un stade à un autre dans son évolution et en même temps
correspondre à des raisons objectives de contrôle. Pour l’enseignement
moyen supérieur spécialisé, les examens doivent revêtir soit le caractère
d’un contrôle préliminaire des aptitudes requises pour l’exercice d’une
profession (et jouer un rôle de moyen d’orientation correcte des élèves),
soit garantir le niveau et la formation du technicien ou du spécialiste par
l’école fréquentée. En particulier, le passage d’une classe ou d’une année à
une autre dans un cycle d’enseignement donné ou dans un établissement
d’enseignement spécialisé doit se faire essentiellement sur la base du travail
pendant l’année correspondante et non sur la base de quelques épreuves,
correspondant à un délai trop restreint pour permettre ou justifier un
jugement fondé et équitable. L’acquisition de la capacité de réaliser en un
temps limité doit certainement retenir l’attention des maîtres et être un
souci constant de l’éducation Encore faut-il soigneusement la distinguer
d’un certain automatisme dans le maniement des formules et d’une
surcharge de la mémoire dont l’ampleur tend à devenir dangereuse. C’est
beaucoup plus par un entraînement méthodique et rationnel mené tout au
long des années de scolarité sous des formes appropriées, plutôt que par des
exigences subites et non préparées qu’on arrivera à assurer une efficience
réelle chez l’élève. Il est plus juste, plus profitable à l’élève comme à la
collectivité, en même temps que plus conforme aux objectifs de formation
de l’éducation à tous les niveaux, de transformer radicalement l’atmosphère
342 |
Pour une organisation et une structure nouvelles du système d'éducation et d'enseignement
D’une façon plus précise, il n’y a place pour aucun examen avant la fin du
premier cycle de l’enseignement moyen général : les passages de classe en
classe dans l’enseignement élémentaire puis de ce dernier à l’enseignement
moyen doivent se dérouler normalement sur l’appréciation du travail scolaire
de l’année écoulée. Que subsiste le Certificat d’études élémentaires, sous la
forme d’un examen, mais surtout d’un document attestant l’accomplissement
dans des conditions normales de l’enseignement élémentaire, on ne peut
raisonnablement s’y opposer dans les conditions actuelles des pays d’Afrique
Noire : il serait délivré par l’Inspecteur régional sur la base d’un contrôle (qui
entre dans ses attributions normales) des effectifs scolaires et des résultats
dans son secteur. Une telle procédure permettra de tenir compte de
l’existence d’élèves qui peuvent être appelés à entrer pour une raison ou une
autre dans la production ou dans les écoles de formation professionnelle.
Le premier examen se placera à la fin du premier cycle de l’enseignement
moyen général, avec un caractère d’orientation soit vers l’enseignement
général (2ème cycle), soit vers les écoles moyennes spéciales; bien entendu,
compte devra être tenu dans cette répartition du goût des élèves et des
besoins de l’économie nationale.
| 343
PARTIE VI
LES VOIES D'UN VÉRITABLE
RENOUVEAU CULTUREL
AFRICAIN
| 345
14. Synthèse des quatre priorités
Ce serait s’arrêter à mi-chemin que de se contenter de l’étude des seuls
aspects techniques d’une réorganisation complète du système de l’éducation
en Afrique Noire. En effet, ici comme dans le domaine de toutes
transformations sociales, il ne peut et ne saurait y avoir de solutions
purement techniques, n’en déplaise aux techniciens africains ou étrangers
qui se retranchent derrière une prétendue objectivité ou neutralité de la
science et de la technique pour éviter l’examen des conditions politiques,
économiques et sociales requises pour la mise en œuvre effective et efficace
de telle ou telle solution technique préconisée. C’est là, il est vrai, un procédé
commode et excellent pour cacher les véritables intérêts que sert le
technicien, car si en un sens la science et la technique sont neutres, le
technicien lui ne peut l’être; mais la neutralité prétendue permet de servir
l’impérialisme et le néo-colonialisme sous le couvert de l’aide technique aux
pays africains, ou même plus banalement, de servir le maître du jour, se faire
« sa place sous le soleil », en attendant de pouvoir manger à d’autres râteliers.
| 347
L'éducation en Afrique
actuelle; bien plus, c’est un procédé astucieux pour préparer les conditions
d’une exploitation plus rentable des masses paysannes par les classes et
couches dirigeantes, ces dernières agissant au nom de leurs intérêts égoïstes
et de ceux de leurs maîtres néo-colonialistes. Il s’agit en effet, ni plus ni
moins, d’assurer la reproduction des couches paysannes (certes en les
rendant plus adaptées au sort qu’on leur prépare), tout comme la bourgeoisie
capitaliste européenne a institué l’enseignement primaire pour assurer la
reproduction de la classe ouvrière. À cela s’ajoute d’ailleurs — pour les milieux
dirigeants lié au néo-colonialisme — une autre raison pressante : la menace
que représente l’afflux d’une partie de la jeunesse paysanne dans les villes
où elle vient chercher de meilleures conditions de vie et d’emploi et où
ceux de ses membres oui ont fréquenté l’école essaient d’exploiter au mieux
l’instruction qu’ils ont reçue d’où les lamentations de tant de politiciens
africains sur la détribalisation dont les seuls aspects qu’ils semblent avoir
compris en sont les conséquences politiques (qui vient à la ville voit
beaucoup de choses, et qui a beaucoup vu peut avoir beaucoup compris
et retenu!). Aussi, il faut fixer les fils de paysans à la campagne, et la
scolarisation discriminatoire vise cet objectif, qui est d’ailleurs loin d’être le
seul. Les discussions sur l’association des États africains au Marché Commun
Européen, permettent s’il en est besoin, de comprendre d’autres origines
et objectifs de cette politique, liés d’ailleurs intimement aux précédents.
Les représentants de monopoles capitalistes occidentaux n’ont en effet pas
caché à leurs partenaires africains qu’il fallait préparer la reconversion de
l’agriculture africaine pour répondre aux besoins et exigences des pays de
la Communauté Economique Européenne; tout en promettant et proposant
une aide pour réaliser une telle reconversion, il a été précisé que les tarifs
préférentiels issus du pacte colonial allaient disparaître et que les pays
africains associés devaient prendre des mesures pour y faire face aussi bien
sur le plan d’une diversification des produits agricoles (notamment par
l’introduction de nouvelles cultures jugées plus profitables aux pays
impérialistes), que sur le plan de la productivité et des prix de revient
(introduction d’une technique agricole plus avancée et de l’utilisation des
machines agricoles). Or il est évident que des paysans « lettrés » (c’est ainsi
qu’on ose qualifier la mise en condition des paysans africains), seront plus
à même d’appliquer les mesures qui doivent intervenir à plus ou moins bref
délai. Bien sûr, s’ils doivent être « lettrés » ce doit être juste assez pour
cela, juste ce qu’il faut pour que dans les autres domaines ils restent dans
l’ignorance. De telles mesures ne manqueront pas d’être baptisées « Réforme
348 |
Synthèse des quatre priorités
| 349
L'éducation en Afrique
Plus grave et d’une autre portée est le type de falsification que nous
allons examiner maintenant. Ici, on décrète officiellement la réforme des
structures et des programmes de l’éducation. L’introduction des langues
africaines est annoncée dans l’enseignement élémentaire, mais, sous la
forme de matière spéciale, la langue de l’ancien colonisateur demeurant
langue d’enseignement. Parallèlement, on décide d’entreprendre
l’alphabétisation des masses populaires, mais en langue étrangère et par
des méthodes bureaucratiques (réquisition des Enseignants et d’autres
fonctionnaires, etc.). Mais en fait d’application concrète de telles mesures
350 |
Synthèse des quatre priorités
| 351
L'éducation en Afrique
Sans revenir sur les aspects de ce problème qui ont déjà été examinés à
propos de l’alphabétisation et de la scolarisation (choix judicieux des langues,
réalisation de leur écriture, rédaction des manuels, élaboration des
méthodes d’enseignement, etc.), nous soulignerons encore une fois sa
complexité qui découle surtout du caractère artificiel des frontières des
États africains actuels. Du fait du découpage arbitraire du continent africain
entre les puissances impérialistes (Angleterre, Allemagne, France, Portugal,
Espagne, Italie, Belgique), qui a précédé la conquête et la domination
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Synthèse des quatre priorités
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L'éducation en Afrique
langues africaines, aucune n’a encore réussi à s’imposer dans le sens indiqué
précédemment). En sorte que, tenter de résoudre le problème des langues
dans le cadre étroit d’un État, risque de conduire à un choix arbitraire et
autoritaire qui ne peut qu’être préjudiciable au but poursuivi. Quant aux
recherches et autres travaux à entreprendre, on mesure facilement l’ampleur
des moyens qu’ils peuvent exiger : crédits, spécialistes, étrangers ou
autochtones, matériels d’équipement; dans la plupart des cas, la mise en
œuvre de ces mesures dans le cadre d’un seul État aura pour conséquence
d’allonger démesurément les délais de réalisation.
Une fois surmontés les problèmes et difficultés liés aux langues sous
l’aspect proprement méthodologique, se posent une série d’autres, au
premier rang desquels l’élaboration des programmes complets de
l’enseignement à tous les niveaux, l’examen et la solution des problèmes
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Synthèse des quatre priorités
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Synthèse des quatre priorités
« retour en arrière ». Il peut sembler à tel Africain, muni de peau d’âne, à tel
ministre que rien n’a préparé aux responsabilités qui sont les siennes, à tel
fonctionnaire, tous issus de l’enseignement colonial, que nos pays seraient
« perdus » si nous introduisions nos langues dans l’enseignement à tous
les niveaux, si nous en faisions l’instrument d’une renaissance culturelle.
Mais en réalité, la vérité est que certains privilèges seraient perdus, dont
l’existence est liée à l’identification fausse et dangereuse de la culture avec
l’instrument de son acquisition qu’ont été jusqu’ici les langues étrangères,
identification dont le processus a été mis au point de main de maître par
l’ancien colonisateur. La vérité est que ceux pour qui être instruit ou être
« cultivé » a uniquement ou essentiellement signifié recevoir des
connaissances transmises toutes élaborées et dans des buts précis,
découvrent alors qu’ils auront à affronter des problèmes autrement plus
ardus et compliqués : réfléchir, concevoir, créer; tout cela nécessite
beaucoup de travail, beaucoup de courage, et surtout beaucoup de soucis de
l’avenir des peuples africains. Que certains se sentent perdus devant de telles
perspectives ne doit point étonner, mais que ce soit le cas de l’ensemble
des enseignants africains, ce serait une catastrophe. C’est aux enseignants
eux-mêmes, en particulier aux plus avancés parmi eux, que revient la tâche
de faire les efforts nécessaires de réflexion, de compréhension, d’éducation,
de formation pour d’abord extirper d’eux-mêmes les vestiges spirituels de
la domination coloniale, et ensuite d’assumer pleinement le rôle qui est le
leur dans l’édification de l’Afrique de demain : une participation active à la
création des bases objectives d’une renaissance culturelle des pays africains,
une contribution positive à la mise entre les mains de nos peuples d’un
des instruments les plus sûrs, les plus efficaces et en même temps les plus
indispensables à leur marche en avant, l’instruction et la culture et toutes les
possibilités qu’elles recèlent.
| 361
L'éducation en Afrique
362 |
Synthèse des quatre priorités
élémentaire; mieux, les résultats peuvent être améliorés dans le cadre d’une
coopération étroite entre les États africains : ainsi l’échange de maîtres à
tous les niveaux, l’organisation de stages auraient une portée considérable,
notamment pour la formation de professeurs de langues anglaise et
française de l’enseignement moyen, respectivement destinés aux anciennes
colonies françaises d’une part et aux pays de l’ex-empire britannique de
l’autre. De plus, dans le domaine de la formation des maîtres comme dans
les autres domaines déjà examinés la coopération entre États africains
permettrait une utilisation plus rationnelle et efficace de l’aide extérieure
apportée aux pays africains, soit par divers organismes internationaux
(UNESCO en particulier), soit par les pays prêts à contribuer réellement à un
véritable et rapide essor de la culture nationale des peuples africains.
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L'éducation en Afrique
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Synthèse des quatre priorités
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15. Épilogue
Devant l’ensemble des peuples de l’Afrique Noire, devant l’ensemble de
l’intelligentsia patriote de chez nous, surgissent de nombreux problèmes, se
posent des exigences de travail, de réflexion, de conception, d’élaboration,
d’expérimentation et de réalisation. D’aucuns se laissent facilement
décourager et désorienter par la complexité de la situation qui est
aujourd’hui celle de nos pays. Beaucoup se contentent de remettre le destin
de la Patrie Africaine entre les mains de ses oppresseurs d’hier, subitement
mués en « meilleurs amis » des peuples africains, ou fondent exclusivement
leurs espoirs sur l’aide extérieure, que celle-ci vienne des puissances
coloniales d’hier ou de pays, mouvements et personnalités amis. Pourtant,
les voies de notre salut existent, tant il est vrai que « L’humanité ne se pose
jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à regarder de plus près,
il se trouvera toujours que le problème lui-même ne surgit que là où les
conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en
voie de le devenir ». Que l’on songe aux immenses ressources agricoles,
minières et énergétiques de l’Afrique Noire, à leur diversité, à ce potentiel
humain aujourd’hui sous-utilisé, voire inutilisé, en raison de la persistance
d’une technique archaïque et d’une « industrialisation » généralement mal
orientée et conçue de surcroît dans le cadre étroit d’une poussière de petits
États; que l’on considère le profond courant d’unité qui anime les masses
populaires, ses supports passés et actuels dans les domaines politique,
économique et culturel, son caractère de nécessité historique pour la survie
de nos peuples, pour leur développement et leur épanouissement, mais
surtout pour la résolution correcte du problème national en Afrique Noire, et
l’on se convaincra de la réalité des perspectives grandioses qui peuvent être
et seront (pourquoi pas?), celles des peuples d’Afrique Noire. Bien sûr, tout ne
viendra pas seul, ni même sans voies tortueuses et laborieuses. Nos peuples
ont été, à travers notre histoire, capables de grandes réalisations et nul doute
que dans les conditions de l’Afrique actuelle et du monde contemporain,
l’épanouissement de leur génie ne puisse aboutir à des changements
prometteurs pour l’avenir du Nègre africain et de l’humanité. À condition
toutefois que l’intelligentsia, la jeunesse, la classe ouvrière et la paysannerie,
enfin tous les patriotes des différentes couches et classes sociales assument,
avec courage et ténacité, les responsabilités qui sont les leurs vis-à-vis de
| 367
L'éducation en Afrique
368 |
Bibliographie (de l'édition de
1967)
Une annexe intitulée « Examen et discussions des réformes de l’enseignement
élaborées et appliquées dans les pays de l’Afrique Noire », concernant le cas du
Mali et de la République de Guinée, de 5 pages, n’a pas été reproduite dans cette
édition.
Ouvrages généraux
H. BARTH : Voyages en Afrique. I, II, III, IV, Paris, A. Bohné. Bruxelles, A. Lacroix, 1861.
Dim DELOBSON : L’empire du Moro Naba; Coutumes des Mossi de Haute Volta. Editions
Domat-Montchrestien, Paris, 1933.
René DuMONT : L’Afrique noire est mal partie. Éditions du Seuil, Paris, 1962.
Cheikh Anta DIOP : Nations Nègres et cultures. Présence Africaine, Paris. 1955.
| 369
L'éducation en Afrique
_____, L’anti-During.
HOMBURCER : Les langues négro-africaines et les peuples qui les parlent. Payot, Paris,
1950.
MAO TSE TOUNG : Œuvres Choisies; tomes I, II, III, IV et V. Editions Sociales, Paris.
370 |
L'éducation en Afrique
Articles
| 371
L'éducation en Afrique
J. C. PAUVERT : Tendances actuelles de l’éducation des adultes dans les états africains
d’expression française. Tiers Monde, P.U.F., Paris, 1962.
TAM TAM : l’Avenir Linguistique de l’Afrique Noire, No 34, (janv. 1958), Paris.
P. VILAR : Cuba 1961 : année d’éducation des masses. Economie et Politique, No 91, (fév.
1962), p. 77 à 84.
372 |
L'éducation en Afrique
Revues et périodiques
La Pensée. Paris.
Partisans. Paris.
Publications diverses
| 373
L'éducation en Afrique
The University College of the Gold Coast (Annual Report by the Principal 1955-1956).
Thomas Nelson and Sons Ltd, Edinburgh.
The University College Ibadan Nigeria (Calendar 1960-61). Ibadan University Press,
sept. 1961.
374 |
Table des matières de l'édition de
1967
INTRODUCTION [7]
I. — L’ÉDUCATION ET L’ENSEIGNEMENT DANS L’AFRIQUE NOIRE PRÉ-
COLONIALE [11]
1. Au Sénégal [41]
| 375
L'éducation en Afrique
376 |
L'éducation en Afrique
2. Enseignement secondaire
| 377
L'éducation en Afrique
1. Alphabétisation [151]
378 |
L'éducation en Afrique
2. Conséquences [246]
| 379
L'éducation en Afrique
2. Épilogue [378]
380 |
Biographie d'Abdou Moumouni
Dioffo : « Aime! Souffre!
Potasse! »
SALAMATOU DOUDOU
Prologue
Abdou Moumouni, qui ne parlait pas beaucoup, disait ceci peu de temps
avant sa mort, dans une allocution prononcée à Niamey le 5 mai 1988 à
l’occasion de la présentation officielle du diplôme et de la médaille d’or qui
lui a été décernée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle :
« Mesdames, Messieurs,
Comme il est de tradition en pareilles circonstances, vous me
permettrez de développer et exposer quelques réflexions qui me sont
chères.
| 381
L'éducation en Afrique
Introduction
382 |
L'éducation en Afrique
Formations
Carrière professionnelle
| 383
L'éducation en Afrique
384 |
L'éducation en Afrique
Travaux et publications
Thèses
| 385
L'éducation en Afrique
Autres distinctions
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L'éducation en Afrique
Sur le plan éducatif, son livre paru en 1964 sur la nécessité de réformer
l’éducation en Afrique et de changer le système issu de la colonisation reste
inégalé et toujours d’actualité. Il créa avec son épouse le Lycée Koira,
toujours en activité, un lycée de la seconde chance pour les jeunes de famille
modeste. Son ouvrage L’Éducation en Afrique, partant des spécificités de
l’éducation traditionnelle africaine et des besoins immenses du continent,
recommande une éducation ouverte pour mettre en place un système
éducatif innovant réconciliant tradition et modernité.
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proposer au monde des pistes de progrès. Pour que l’Afrique soit à nouveau
au rendez-vous du donner et du recevoir ».
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En avance sur son temps, Abdou Moumouni était l’un de ces hommes
incompris de leur société. Ce genre de personnes que l’histoire pousse à la
rébellion contre certains principes préétablis. Mais c’est aussi important de
rendre hommage à ceux qui l’ont compris et qui l’ont accompagné dans sa
quête, malgré son exigence qui souvent a été sans limites. Abdou Moumouni
était une personne complexe, militant de gauche, scientifique innovateur
et prince ancré dans sa tradition. C’est peut-être là une grande leçon de
diversité à l’intérieur d’un même esprit.
Le souvenir qui revient dans tous les témoignages est celui d’un
bourreau de travail. Khalilou Sall, cité par Kimba Idrissa, évoque « un modèle
de rigueur pour la jeunesse estudiantine… » (Sall, 1993 : 80). Pour illustrer
ses propos, il donne cette anecdote de l’admission d’Abdou Moumouni à
l’agrégation : « Quand il passa l’agrégation, il l’avait réussie, et bien, mais il
n’était pas content parce qu’il n’était pas parmi les premiers. Et c’est lui qui
m’a raconté ça. Il va voir son professeur qui lui dit que ça s’est bien passé, “Je
suis bien heureux pour vous, vous avez obtenu l’agrégation, vous savez, c’est
une agrégation très difficile, l’agrégation de physique. Les mathématiciens
restent dans le domaine de la pensée et ils peuvent spéculer. Le physicien
doit faire les deux : il faut qu’il soit un spéculateur intellectuel et en même
temps un praticien. C’est pourquoi l’agrégation de physique est difficile”.
Alors Abdou Moumouni toujours grognon dit qu’il aurait quand même aimé
avoir un rang intéressant. Le professeur lui répond : “Vous venez d’Afrique.
Vous êtes sixième après les normaliens! Vous savez, il y a beaucoup de
Français qui aimeraient être à votre place!” C’est vrai qu’il n’était pas très
content parce qu’il savait qu’il avait travaillé plus que ça… C’était un rang
honorable, mais pour Moumouni, sixième après les normaliens… » (Sall,
1993 : 80-81).
Abdou Moumouni était un maniaque du travail bien fait dans tous les
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Conclusion
Après son décès en 1991, ses collègues et amis ont créé une fondation
pour immortaliser et pérenniser sa vision de la science, de l’éducation, et
encourager la recherche sur les énergies renouvelables.
Références
Idrissa, K., (2016) Abdou Moumouni Dioffo : les premiers pas d’un intellectuel
africain, dans Niger- Les intellectuels, l’État et la Société, CODESRIA, p. 105-
154.
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Journaux
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À propos de la maison d'édition
Les Éditions science et bien commun sont une branche de l’Association
science et bien commun (ASBC), un organisme sans but lucratif enregistré au
Québec depuis juillet 2011.
◦ chaque livre collectif, même s’il s’agit des actes d’un colloque,
devrait aspirer à la parité entre femmes et hommes, entre juniors et
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Le catalogue
Le catalogue des Éditions science et bien commun (ESBC) est composé
de livres qui respectent les valeurs et principes des ÉSBC énoncés ci-dessus.
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