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THÈSE

présentée par
Didier CASALTA
pour obtenir le titre de
Docteur de l’Université Paris XI Orsay
Spécialité : Informatique

ÉTUDE DE LA COORDINATION
BIMANUELLE DANS LE DOMAINE DE
L'INTERACTION HOMME-MACHINE

Soutenue le 22 septembre 2000 devant le jury composé de :

B. BARDY Paris XI Président

D. MOTTET Montpellier I Rapporteur


J. NANARD Montpellier II Rapporteur

Y. GUIARD CNRS Examinateur


M. BEAUDOUIN-LAFON Paris XI Examinateur
À ma mère,
À ma sœur,
À mes amis.
REMERCIEMENTS

Ce travail a été effectué au sein du Laboratoire de Recherche en Informatique


(Paris XI) et du laboratoire de Mouvement et Perception (CNRS/Aix-Marseille II). Je
tiens à remercier Monsieur GOUYOU-BEAUCHAMPS pour son accueil au LRI. Je
tiens à remercier également Monsieur Jean PAILHOUS et Monsieur Michel LAURENT,
successivement directeur du laboratoire de Mouvement et Perception pour m’avoir
accueilli et permis d’entreprendre ma thèse au sein de leur équipe.

Je suis reconnaissant à Monsieur Yves GUIARD pour m’avoir fait confiance et


m’avoir orienté lors de mes études expérimentales. Je suis reconnaissant à Monsieur
Michel BEAUDOIN-LAFON pour avoir supervisé cette étude, de m’avoir conseillé
justement lors de mes conclusions et je n’oublierai pas les encouragements qu’il m’a
apportés pendant toute la durée de ma thèse.

Qu’il me soit permis d’exprimer ma sincère et profonde reconnaissance à


Monsieur Denis MOTTET pour les conseils qu’il m’a prodigués lors de nos discussions
qui ont efficacement contribué à mon travail. Je lui sais gré de la compréhension et de
la gentillesse qu’il a manifestées à mon égard.

Mes sincères remerciements à Monsieur Benoît BARDY directeur du Centre de


Recherche en Sciences du Sport, pour ses suggestions, sa compréhension et son soutien.

Je tiens à remercier l’ensemble de l’équipe du laboratoire Mouvement et


Perception pour sa sympathie et pour m’avoir guidé dans le domaine des sciences
cognitives.

Que tous mes amis d’Orsay qui ont assisté à la dernière ligne droite reçoivent
mes remerciements.

Je voudrais mettre aussi en avant les conseils et la sagesse de mes amis qui
m’ont soutenu et supporté pendant ces années, et particulièrement à Julien et Serge
pour leur regard externe aux domaines traités dans cette thèse.

Je tiens à saluer l’affectueux soutien que m’ont fait part Guillaume, Frédérique,
Thierry, Carole, et Pascale pendant la durée de ces travaux.

Cette thèse n’aurait pu exister sans le soutien, la présence et la disponibilité


irréprochables de ma mère et de ma sœur. Je leur dédis donc avec plaisir et
reconnaissance ma thèse.
Table des Matières
INTRODUCTION 9

CHAPITRE I. IHM ET COORDINATION BIMANUELLE 11


I.1 INTRODUCTION 11
I.2 INTERFACE HOMME-MACHINE 12
I.2.1 ÉVOLUTION DE L’INTERACTION HOMME-MACHINE 12
I.2.2 INTERFACES HOMME-MACHINE ACTUELLES 25
I.3 INTERACTION BIMANUELLE 29
I.4 COORDINATION BIMANUELLE 31
I.5 CADRE THÉORIQUE 32

CHAPITRE II. OUTILS ET MÉTHODES 35


II.1 SUJETS 35
II.2 DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL 35
II.2.1 TABLETTE GRAPHIQUE 36
II.2.2 SYSTÈME INFORMATIQUE 39
II.3 TRAITEMENT DES DONNÉES 43

CHAPITRE III. TRAVAIL EXPÉRIMENTAL : ÉDITION GRAPHIQUE 48


III.1 INTRODUCTION 48
III.2 DÉFINITIONS GÉOMÉTRIQUES D'UN RECTANGLE 52
III.3 CONDITIONS EXPÉRIMENTALES 53
III.3.1 CONDITION SYMÉTRIQUE 54
III.3.2 CONDITIONS ASYMÉTRIQUES 55
III.3.3 RÉSUMÉ DES CONDITIONS 58
III.3.4 MODIFICATION PHYSIQUE DES ENTRÉES BI-MANUELLES 59
III.3.5 DIFFÉRENCES DE DISTANCE ENTRE LES CONDITIONS 60
III.4 PRÉDICTIONS 62
III.5 PROCÉDURE 63
III.6 RÉSULTATS 65
III.6.1 PERFORMANCES 65
III.6.2 INACTIVITÉ 66
III.6.3 PRÉCESSION TEMPORELLE DE RÉALISATION DE LA TÂCHE 66
III.6.4 PRÉCESSION TEMPORELLE, AMORCE DE MOUVEMENT 69
III.6.5 PARALLÉLISME 71
III.6.6 QUANTIFICATION DE L’EFFICACITÉ DE DÉPLACEMENT 73
III.7 DISCUSSION 80
III.7.1 DISCUSSION SUR LES RÉSULTATS ET LE MODÈLE 80
III.7.2 APPLICATIONS À L'INTERACTION HOMME-MACHINE 83

CHAPITRE IV. TRAVAIL EXPÉRIMENTAL : NAVIGATION - POINTAGE 84


IV.1 INTRODUCTION 84
IV.2 CONDITIONS EXPÉRIMENTALES 89
IV.2.1 CONDITION BARRES DE DÉFILEMENT 90
IV.2.2 CONDITION MANIPULATION DIRECTE 91
IV.2.3 CONDITION INTÉGRATION DES DIMENSIONS 92
IV.2.4 CONDITION INTERACTION BIMANUELLE 92
IV.2.5 RÉSUMÉ DES CONDITIONS 92
IV.3 PRÉDICTIONS 93
IV.4 DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL 95
IV.5 PROCÉDURE 96
IV.6 RÉSULTATS 101
IV.6.1 PERFORMANCES 101
IV.6.2 DÉCOMPOSITION DU TEMPS TOTAL 103
IV.6.3 DÉCOMPOSITION DU TEMPS DE MOUVEMENT 103
IV.6.4 TEMPS DE NAVIGATION 105
IV.6.5 TEMPS DE TRANSITION 108
IV.6.6 TEMPS DE POINTAGE 110
IV.6.7 ACQUISITION DES ASCENSEURS 111
IV.6.8 ÉCHELLE DE GRANDEUR 113
IV.6.9 TAILLE DE LA TABLETTE 114
IV.7 DISCUSSION 115
IV.7.1 DISCUSSION SUR LES RÉSULTATS 115
IV.7.2 APPLICATIONS À L'INTERACTION HOMME-MACHINE 120

CHAPITRE V. CONCEPTION D'UNE INTERACTION BIMANUELLE 122


V.1 LE CHOIX DE LA COORDINATION BIMANUELLE 122
V.2 DISCUSSION SUR LA COORDINATION BIMANUELLE 123
V.3 DESCRIPTION DE LA TÂCHE 126
V.3.1 ASSEMBLAGE DE DEUX MOTEURS 126
V.3.2 MÉTHODE DE DESCRIPTION D'UNE COORDINATION 127
V.3.3 RÉSUMÉ 131
V.4 PRINCIPES D'IMPLÉMENTATION DE LA COORDINATION BIMANUELLE 132
V.5 AVANTAGES DE LA COORDINATION BIMANUELLE 133
V.6 APPLICATIONS À L'IHM 133
V.6.1 ACTION BIMANUELLE DANS UNE FENÊTRE 135
V.6.2 INTERACTION AVEC LES PALETTES 136
V.6.3 FENÊTRES ET APPLICATIONS 137
V.6.4 UN PÉRIPHÉRIQUE D'ENTRÉE IDÉAL POUR LA MAIN GAUCHE 139

CHAPITRE VI. CONCLUSION 147


VI.1 RÉSUMÉ 147
VI.2 PERSPECTIVES 150

CHAPITRE VII. BIBLIOGRAPHIE 152


Introduction

Cette thèse entre dans le cadre général des sciences cognitives et de


l’informatique, en particulier dans le domaine de l'interaction homme-machine (IHM).
Le but de l’étude est de mettre au point de nouveaux types d’interaction entre l’être
humain et l’ordinateur en mettant à profit les connaissances dont nous disposons sur la
coordination bimanuelle. Notre étude se focalisera sur deux tâches choisies pour leur
caractère générique en informatique, le dessin et la manipulation de document sur un
ordinateur équipé de deux périphériques de pointage (souris ou trackball par exemple)
confiés aux deux mains de l’utilisateur.

À partir de l'expérience faite en 1986 par Buxton et Myers [BM86], dans le


domaine de l'IHM sur les interfaces à entrée bimanuelle, nous appliquons le modèle de
la chaîne cinématique proposée par Guiard [Gui87]. Ce modèle qui formule des
principes de l’action bimanuelle, suggère que chez l’homme les deux mains travaillent
non seulement en coopération mais encore le plus souvent de manière asymétrique,
c'est-à-dire avec une division différenciée du travail.

Dans la première partie de ce mémoire, nous rappelons l’évolution des


réalisations en matière d’interface homme-machine depuis l’origine de l’informatique.
Nous décrivons également les connaissances en sciences cognitives sur la coordination
bimanuelle, puis nous rappelons brièvement les diverses études menées sur les
interfaces bimanuelles.

Dans le deuxième chapitre, nous présentons les principaux outils que nous avons
utilisés, issus de l’informatique et adaptés à une étude en psychologie expérimentale.

Les Chapitres III et IV rapportent les deux études expérimentales que nous avons
menées respectivement sur le thème de l’édition graphique et de la navigation dans un

9
document. Dans chacune de ces études, nous avons proposé et évalué différentes
techniques d’interaction bimanuelle.

À partir de nos résultats et des travaux qui ont été réalisés jusque-là sur la
coordination bimanuelle, nous établissons, au chapitre V, une méthode de description de
la tâche bimanuelle. De cette description, nous isolons les bénéfices de la coordination
bimanuelle, et nous définissons des principes d'implémentation de la coordination
bimanuelle qui doivent être suivis pour ne pas perturber les utilisateurs. Des réponses
sont apportées aux questions suivantes : sommes-nous capables d’utiliser nos deux
mains avec une interaction bimanuelle sur ordinateur ; l’interaction bimanuelle est-elle
nécessaire ; comment attribuer les différents contrôles aux deux mains pour avoir
l’interaction la plus intuitive et naturelle ; quel rôle peut-on donner à la deuxième
main ? En conclusion de nos travaux, nous établissons un concept d'interaction qui a
pour but de permettre de réaliser les différentes tâches informatiques à l'aide des deux
mains. Dans ce concept, la main gauche (pour un droitier) manipule un périphérique de
pointage équivalent à la souris et qui apporte une aide à la manipulation de l'ensemble
de l'interface graphique. Elle permet ainsi de gagner du temps et de simplifier les
actions motrices.

10
Chapitre I. IHM et Coordination
Bimanuelle

I.1 Introduction

Le mot « Informatique » désigne le traitement automatique de l’information. À


l’origine, les premières machines de l’informatique étaient des calculateurs, leur
utilisation se réduisait à une programmation d’instructions et d’opérations
arithmétiques. Les ordinateurs sont devenus de plus en plus rapides, mais c’est
véritablement avec l’évolution des périphériques et des interfaces que l’ordinateur s’est
ouvert à d’autres secteurs d’activités. On a vu successivement, dans l’informatique, un
outil de stockage illimité, un outil puissant de recherche, un outil de centralisation
d’informations et de ressources, un outil d’aide à la conception, un outil de création et
avec l’avènement d’Internet, un outil de communication.

L’histoire de l’informatique peut être décrite sous différents points de vue. La


manière la plus simple de montrer l’histoire de l’informatique est de décrire les
différentes générations d’ordinateurs en parlant des diverses évolutions techniques.
Cependant, l’informatique n’est pas restreinte aux ordinateurs, il s’agit surtout d’un
outil fait sur mesure pour l’homme. Chaque innovation technique a donné des capacités
supplémentaires à cet outil, chaque nouvelle utilisation possible a été accompagnée d’un
changement de comportement de l’homme envers la machine, chaque changement a
apporté de nouveaux besoins qui eux-mêmes ont contribué à la création de nouvelles
technologies. À côté des problèmes classiques concernant la structure des ordinateurs,
l’algorithmique, le génie logiciel, les bases de données, l’IHM est devenu un chapitre à
part entière, et un chapitre incontestablement critique de la recherche en informatique.

11
I.2 Interface homme-machine

Les premières interfaces ont été conçues selon des approches purement
informatique et mathématique où l'utilisateur était exclu. Le même type d'interface est
resté longtemps en vigueur pendant que les technologies et les possibilités
informatiques évoluaient. Les premiers ordinateurs n'étaient pas capables de traiter des
informations complexes. Pendant, les trois premières décennies de l'informatique, un
décalage s'est installé entre les capacités informatiques, le type de données traitées ainsi
que la complexité de ces traitements avec les interfaces qui ne permettaient pas
d'interagir directement avec les informations. L’interface était proche de celle d’une
calculatrice, le contrôle de la machine se faisait de façon indirecte par l’intermédiaire de
commandes ou d'opérations ordonnées à l’ordinateur au travers d’une « console ».
L'étude sur l’interface entre l'homme et la machine est depuis plusieurs années un
domaine de recherches dont les enjeux sont autant technologiques, sociaux,
qu'industriels. En 20 ans, les technologies informatiques ont énormément évolué : les
outils de stockages comme les disques durs, les mémoires vives ont multiplié leur
capacité par 1000, les écrans ont acquis de plus grandes surfaces, avec la couleur, une
meilleure qualité d’image, et des cartes graphiques permettant de représenter des
mondes en 3D avec beaucoup de réalisme et de façon fluide. Bien que tous ces progrès
technologiques aient été fait depuis la mise au point des interfaces graphiques avec le
Star de Xerox, les interfaces graphiques n’ont pas progressé et n'ont pas utilisé ces
nouvelles capacités des ordinateurs. Depuis le Star de Xerox, les interfaces graphiques
sont restées sur le paradigme de l’interface avec à base de boutons, menus, icônes et
fenêtres ou appelé WIMP en anglais (Windows Icon Menu Pointer). Le problème actuel
n'est plus seulement d'accroître la puissance des ordinateurs, il convient aussi
d'améliorer les échanges d'information entre l’homme et la machine pour pouvoir mieux
maîtriser cet outil. La mise à disposition d'interfaces utilisateurs qui respectent les
interactions naturelles de l'opérateur humain avec le monde est un besoin, tant des
concepteurs que des utilisateurs.

I.2.1 Évolution de l’Interaction homme-machine

Ada Lovelace décrit, en 1840, les principes et la composition d’une machine à


calculer :

12
- un dispositif permettant d’introduire les données numériques (cartes perforées,
roues dentées) : système d’acquisition, périphériques d’entrées (clavier,...),

- une mémoire pour conserver les valeurs numériques entrées : mémoires de


masses et/ou vives,

- une unité de commande grâce à laquelle l’utilisateur va indiquer à la machine


les tâches à effectuer : communication homme-machine,

- un « moulin » chargé d’effectuer les calculs : l’unité arithmétique et logique,

- un dispositif permettant de prendre connaissance des résultats : périphériques


de sorties (imprimante,...).

Toutes les machines actuelles sont basées sur l’architecture de von Neumann, qui
lui-même s’était inspiré d’Ada Lovelace. Depuis la machine de von Neumann, ce qui a
changé, concerne essentiellement la rapidité des différents composants, ainsi que
l’interface homme-machine. Grâce à l'évolution de ces deux composantes,
progressivement, l’utilisation d’un ordinateur ainsi que le type d’utilisateur a évolué
avec les années. L'informatique devient un outil essentiel et irremplaçable pour un
nombre croissant de domaines. Ceci est dû au fait que les traitements exécutés par
l'ordinateur sont de plus en plus complexes ; parfois l'ordinateur utilise le concept
d'« agent » qui analyse notre comportement pour s'adapter à nos habitudes. L'utilisation
de la machine est de plus en plus aisée grâce à une interaction plus directe. L'homme ne
donne plus d'ordres par un langage pour exécuter des tâches, mais les exécute
directement grâce à une représentation de l'information de plus en plus fidèle à la
conception que s'en fait l'utilisateur. On est passé d’un système de « faire faire » à un
système de « faire soi-même ». Ainsi, la manipulation et le retour des informations sont
plus directs, plus proches des concepts humains.

1945 -> 1953 : les premières machines à calculer

Les premières machines ont eu pour mission de suppléer aux insuffisances


humaines en matière de calcul. On pouvait alors résoudre de complexes équations
différentielles, calculer les paramètres de la première bombe atomique, procéder au
recensement des citoyens américains, en manipulant d’énormes masses de données et
dans un temps relativement bref (8333 additions par seconde et 555 multiplications par

13
seconde pour l’UNIVAC I). À chaque nouvelle mise en route de ce type d’appareil, il
fallait reprogrammer toute la machine.

Figure 1. ENIAC (1945) Figure 2. UNIVAC 1 (1951)

L’interface de ces machines, comme on peut le voir à la Figure 1 pour l’ENIAC


(Electronic Numerical Integrator And Computer), se réduit à des câbles sur des tableaux
de connexion et à des oscilloscopes. Il faut alors connaître l’architecture interne de la
machine pour pouvoir l’utiliser, c’est-à-dire la programmer.

Seuls les chercheurs et ingénieurs qui étaient plus ou moins proches des différents
projets de cette nouvelle science pouvaient alors utiliser ces appareils. Ceci explique
que l’on trouvait peu d’acheteurs à part de grands organismes comme la Défense
Américaine ou une grande compagnie d’aviation. Peu d’exemplaires étaient vendus par
modèle, par exemple l’UNIVAC I (UNIversal Automatic Computer), Figure 2, a été
vendu en 56 exemplaires pour la modique somme de 750 000 $ chacun.

1954 ->1964 : Naissance de l’industrie Informatique

Les premiers calculateurs ont fait leur preuve pendant les dix années précédentes.
En voyant la capacité de ces machines, certaines sociétés ont imaginé de nouvelles
applications et ont créé les premiers ordinateurs. IBM commercialisa en 1953 l’IBM
650, Figure 3, premier ordinateur commercial en série, conçu pour être compatible avec
les machines mécanique de comptabilité avec des cartes perforées de la même marque.
Ce sera le premier ordinateur de nombreuses universités américaines. Mais IBM sortit
aussi l’IBM 704, Figure 4, première machine dédiée au calcul scientifique.

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Figure 4. IBM 704
Figure 3. IBM 650

Ce changement d’utilisateur fit naître le besoin de la première interface homme-


machine autre qu'une interface physique et complexe. Cette première interface homme-
machine logicielle s'inspire du langage des utilisateurs : les langages de programmation.
Au lieu de programmer dans le langage de la machine, on créa le premier langage de
programmation : le FORTRAN (FORmula TRANslation, par IBM en 1957) était adapté
aux besoins des scientifiques, dont un extrait de programme est présenté en Figure 5, et
un peu plus tard le COBOL (Common Business Oriented Language, 1960) conçu en
fonction des problèmes de gestion.

INTEGER I,N
PARAMETER (N=60)
REAL*8 DTEMP(N),DTETA(N)

*------ LECTURE DU FICHIER ---------------*


OPEN (UNIT=1,FILE=’FILE.DAT’,FORM=’FORMATTED’,STATUS=’OLD’)
DO 100 I=1,60
READ (1,*) DTEMP(I), DTETA(I)
100 CONTINUE
CLOSE(1)

*------ AFFICHAGE DES VALEURS ----------*


PRINT*, ’VOULEZ-VOUS LES VALEURS ? ’
PRINT*, ’REPONDRE PAR 1 (OUI) OU 2 (NON)’
READ*, I
IF (I.EQ.1) THEN
DO 150 I=1,60
PRINT*, ’TEMPS : TEMPERATURES :’
PRINT*, DTEMPS(I), ’ ’ DTETA(I)
150 CONTINUE
ENDIF
END

Figure 5. Exemple de code Fortran

Grâce à l’intégration des transistors dans les ordinateurs, le TRADIC de BELL en


1956 est le premier ordinateur à base de transistors. Les ordinateurs changent d’aspect,
de volume, de prix, de conception, de réalisation et deviennent aussi beaucoup plus
rapides.

Cette intégration modifie aussi l’interactivité : Digital crée le PDP-1, premier


ordinateur commercial interactif (par opposition aux gros ordinateurs traditionnels de

15
calcul). C’est le premier ordinateur « amusant » à utiliser du fait de son interactivité
acquise grâce à la rapidité des transistors. Il est en fait très proche dans son utilisation
des premiers micro-ordinateurs qui seront vendus 20 ans plus tard.

Pour s’adapter aux besoins des sociétés, de plus en plus nombreuses à recourir à
l’informatique, de nouvelles technologies apparaissent comme la mémoire virtuelle, et
le multitâche avec l’ATLAS I en 1959 et surtout le premier système d’exploitation multi-
utilisateur avec le CTSS (Compatible Time Sharing System, du MIT en 1961).

1965 -> 1971 : la mini-informatique

La mini-informatique fut introduite par le PDP-8 (Digital en 1965). Ce premier


mini-ordinateur marqua une étape importante dans la miniaturisation et la diminution
des prix des ordinateurs. Le PDP-8 coûtait 18 000 $, cinq fois moins cher que le plus
petit des IBM de l’époque.

Figure 6. Digital PDP-8 (1965)

La miniaturisation fut si poussée à cette époque que l’on vit apparaître le premier
produit grand public de l’informatique : la console de jeu MAGNAVOX Odyssey I en
1966, Figure 7. Cette console de jeu se branchait sur un téléviseur, disposait de 13 jeux
et d’un pistolet à pointer vers l’écran. On pouvait trouver à cette époque la première
calculatrice de bureau : la HP 9100 (Hewlet Packard en 1968), Figure 8, elle pesait 20
kg, et coûtait 5 000 $.

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Figure 8. Machine à calculer HP9100 (1968)
Figure 7. Console de Jeux Odyssey I (1966)

Vingt ans après les premiers ordinateurs, on voit apparaître les premières
technologies pour l’informatique créées par l’informatique. Jusque-là, les évolutions
informatiques sont surtout des conséquences des autres sciences. L’informatique
devient l’origine de ses propres évolutions, surtout grâce aux nouveaux laboratoires de
recherches qui se créent dans ce domaine.

Au Stanford Research Institute, Douglas Engelbart fit la démonstration en 1968


d’un nouveau périphérique d’entrée : la souris. La souris permettait de contrôler un
environnement graphique à base de fenêtres. Il y avait un traitement de texte, un
système d’hypertexte et un logiciel de travail collaboratif en groupe ! Une partie de
l’équipe se retrouva au laboratoire PARC (Palo Alto Research Center) lors de sa
création en 1970 par Xerox.

Une autre technologie vit le jour à la même époque dans les laboratoires de BELL
en 1969 : UNIX, système d’exploitation qui réunissait toutes les connaissances sur les
systèmes d’exploitation de l’époque : multi-utilisateur, multitâche, mémoire protégée.

1971 -> 1980 : la naissance de la micro-informatique

La micro-informatique est née avec la mise en vente du premier microprocesseur


Intel 4004 par Intel en 1971, Figure 9, et de son premier micro-ordinateur le MCS-4.

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Figure 9. Processeur Intel 4004 (1971)

À Partir de ce moment-là, des kits pouvaient être achetés pour fabriquer soi-même
son ordinateur à la maison.

En 1973 sortit le premier micro-ordinateur vendu tout assemblé : le Micral


(1973), Figure 10.

Figure 10. Micral (1973)

On voit que cet ordinateur est loin de l’ordinateur moderne. Comme les
ordinateurs montés en kit, il ne possédait pas de périphériques évolués.

Tous les ordinateurs de l’époque étaient semblables, ils étaient équipés de peu de
mémoire, ils ne possédaient ni de disque dur ni de mémoire morte contenant un
programme de démarrage. Ces machines devaient être entièrement reprogrammées à
chaque démarrage. Les ordinateurs les plus évolués étaient capables d’afficher une
sortie texte sur un écran de télévision. Pourtant la même année, à la suite des travaux
d’Engelbart, le PARC présentait l’Alto, Figure 11.

18
Figure 11. XEROX Alto (1975)

Cette machine apporte une succession d’innovations, en particulier au niveau des


outils d’interaction entre l’homme et la machine. Comme le présente la Figure 11, la
station était composée d’un écran graphique qui remplace avantageusement l’écran de
télévision. L’écran graphique permettait à l’ordinateur d’afficher du texte mais aussi des
dessins et des images. Pour interagir avec cette machine, l’équipe de recherche a mis au
point la première interface graphique. Le principe d'une interface graphique est de
donner à l’utilisateur la possibilité de manipuler des objets virtuels représentant des
documents (icônes) ou des boutons de commandes (boutons), ainsi que des fenêtres qui
sont utilisées pour l'édition de document. Pour les manipuler, la machine est
accompagnée, à droite sur la Figure 11, d’une souris. La souris, prise en main par
l’utilisateur, est un périphérique qui lorsqu’on le déplace sur le plan de travail bouge un
pointeur à l’écran suivant les mouvements. Pour réaliser certaines actions sur l'interface
graphique et ses composants, l’utilisateur utilise le pavé à gauche du clavier, le chord
keyboard, périphérique inventé par l'équipe d'Engelbart. Avec ce périphérique, on
pouvait contrôler le type d'action de la souris : move, copy, delete, properties. Dans un
sens, la première interface graphique était une interface bi-manuelle. La machine était
équipée d’une connectique Ethernet, d'un écran graphique, d'une souris, et d'un clavier
de commande. Avec l'ensemble de ses accessoires, le Xerox Alto est l’ancêtre de
l’ordinateur actuel. Cependant ce prototype ne fut pas commercialisé. Une autre de ces
technologies largement utilisée encore de nos jours est le premier Traitement de Texte

19
WYSIWYG (What you See Is What You Get) fut développé, et mis au point au PARC
en 1975.

Grâce à des prix devenus très bas, et à un faible encombrement, la micro-


informatique devient alors accessible au grand public. Le premier magasin
informatique, Byte Shop, ouvrit ses portes en 1975. Le premier ordinateur grand public,
facile à utiliser grâce à sa programmation en BASIC et vendu avec tous les accessoires,
fut l’Apple II (1977), muni d’un clavier, de manettes de jeux, d’un écran, d’une carte
graphique couleur (première au monde) et d’une ROM (Read Only Memory) intégrant
le BASIC. Il marchait dès son premier allumage, c’était une grande première, on n’avait
pas besoin d'entrer dans la mémoire un petit programme en langage machine qui était
fourni dans un mode d'emploi sous forme papier comme pour les autres ordinateurs de
l’époque. Il était vendu 1 300 $.

Figure 12. Apple II (1977)

Petit à petit, l’ordinateur prenait une autre place, il devint un outil de bureau avec
le premier tableur : Visicalc de Software Arts en 1979.

1981 -> 1995 : L’ordinateur personnel

L’informatique moderne a eu un démarrage avec deux ratés successifs. D’abord


avec le successeur de l’Alto, le STAR 8010 de Xerox en 1981.

20
Figure 13. XEROX STAR 8010 (1981)

Il était livré avec 1 Mo de RAM, 8 Mo de disque dur, un clavier, un écran


graphique, une souris à deux boutons, une interface Ethernet, une imprimante laser et
une interface entièrement graphique. Les technologies d’interaction homme–machine,
courantes aujourd’hui, ont été inventées par le PARC à la suite de l’Alto, et ont été
implémentées dans cette machine : le Copier-Coller, les Menus Contextuels, et un
ancêtre du Glisser-Déplacer réalisable à l’aide des touches de commandes se trouvant
sur la gauche du clavier. Ces touches sont inspirées des touches du pavé de l’Alto, nous
les retrouvons sur les claviers actuels avec des fonctions différentes. Ces technologies
étaient tellement intégrées dans le système que l’impression d’un document se faisait
par un Glisser-Déplacer de la fenêtre du document vers l’icône de l’imprimante. Il y
avait aussi un tableur, un traitement de texte WYSIWYG et un logiciel de messagerie
électronique. L’intégration est telle que la notion de document composite existe, c’est-à-
dire que l’on peut éditer sur le Star un document texte dans lequel on peut faire un
dessin ou un tableau.

Le deuxième échec commercial fût le LISA en 1983, Figure 14, avec à peu près
les mêmes caractéristiques. Cet ordinateur a été imaginé quelques années après. Le
projet était presque abouti, lorsqu'il pris une autre tournure après que les ingénieurs
d’Apple se soient rendu au PARC et aient vu l’Alto.

21
Figure 14. LISA (1983)

Figure 15. Bureau du LISA (1983)

Malgré des capacités moindres par rapport au STAR 8010, cette machine était
exceptionnelle pour l’époque. En effet, toutes les autres machines comme le
THOMSON TO7, Figure 16, étaient constituées d’une unité centrale et avaient comme
seul périphérique un clavier généralement inclus dans l’unité centrale et, pour la
visualisation, il fallait les brancher sur la télévision du salon. Le LISA a été le vrai
premier ordinateur personnel. Il était composé d’un écran, de deux lecteurs de
disquettes, d’un disque dur interne de 5Mo, et lui aussi doté d’une interface graphique et
d’une souris à un bouton.

22
Figure 16. THOMSON TO7

L’informatique marche alors à deux vitesses, d’une part les machines grands
publics dépourvues d’interface graphique et les machines dédiées à la bureautique avec
une interface graphique, et avec un prix très élevé, 17 000 $ pour le STAR 8010, et 10
000 $ pour le LISA.

L’idée de l’interface graphique ne trouva son essor qu’à partir de 1984, avec la
nouvelle machine d’Apple, le Macintosh. Cette machine est encore plus réduite en
termes de technologie avec son écran 9" noir et blanc, elle possède une souris avec un
seul bouton et le pavé de fonctions comme sur le Star est remplacé par une touche
« commande » et la touche majuscule. Malgré une interface graphique moins poussée,
cette machine avait l’avantage d’apporter au public l’interface graphique à seulement
2 500 $. La machine connut un énorme succès.

Figure 17. Apple Macintosh

L’informatique moderne était lancée. Mais encore une fois, c’est avec l’arrivée
d’un nouveau type d’interface, que l’informatique trouva de nouvelles applications. Il y
avait des ordinateurs sur le bureau de la plupart des secrétaires avec de nouveaux types
de logiciels, les logiciels de bureautique : Apple MacWrite (1984) livré avec le
Macintosh, Microsoft Word, et Microsoft Excel sur Macintosh (1985). Avec de
nouveaux outils tels que PageMaker d’Aldus en 1985, ou les imprimantes laser, la PAO

23
(Publication Assistée par Ordinateur) révolutionne le secteur de l’édition. Avec les
interfaces graphiques, le dessin sur ordinateur était possible et très vite un nouveau
secteur se créa : l’infographie avec des logiciels comme MacPaint livré lui aussi avec le
Macintosh, Adobe Illustrator 1986, et plus tard les logiciels de 3D.

Une autre machine révolutionnaire, l’Amiga, fut présentée par Commodore en


1985. Elle intègre une interface graphique similaire à l’interface du Macintosh, et a un
système d’exploitation qui sait gérer le multitâche et la mémoire protégée, des
technologies que ne possède pas le Macintosh, et elle possède aussi de grandes
capacités multimédias.

1995 -> 2000 : Communication

Cette période est surtout une période d’améliorations techniques au niveau du


matériel. On note une nette augmentation des puissances, des capacités, et une meilleure
coordination des nouvelles technologies. On ne trouve plus guère de différences entre
les stations graphiques SGI qui sont faites pour la 3D, les stations de travail SUN pour
les scientifiques, et l’ordinateur personnel du bureau et/ou de la maison.

Depuis l’introduction du Macintosh en 1984 par Apple, les interfaces graphiques


ont peu changé de concept, il y a eu peu d’innovations depuis. Microsoft a adapté
l’interface graphique au PC avec le système d’exploitation Windows 95. Ce portage,
inspiré des travaux d’Apple, a permis de populariser les interfaces graphiques. Il est
inconcevable actuellement de trouver un ordinateur sans interface graphique. La
présence des interfaces graphiques sur toutes les plateformes a permis la création de
nouveaux concepts pour les éditeurs de logiciels. Ces nouveaux logiciels, qui ont la
capacité de manipuler des informations de plus en plus diverses, répondent de mieux en
mieux aux besoins des utilisateurs. Avec ces évolutions et dernièrement avec l’arrivée
du CD–ROM et d’Internet, on trouve à l’outil informatique de nouvelles utilisations.

Avec le CD-ROM, l’ordinateur devient un outil culturel et éducatif. On


commence à trouver de plus en plus d’ordinateurs à la maison, mais il y a encore des
réticences au niveau du public. L’ouverture au public d’Internet et surtout le Web ont
permis de modifier le comportement du grand public vis-à-vis des ordinateurs.

24
Maintenant, l’ordinateur peut-être utilisé par toute la famille, par des personnes
qui n’ont eu aucune formation informatique et qui se mettent à « surfer » sur le Web.
Avec Internet et les services comme l’e-mail, les newsgroups et le Web, l’ordinateur est
devenu un outil de communication homme-homme, un outil culturel extraordinaire et en
perpétuelle évolution.

I.2.2 Interfaces homme-machine actuelles

L’informatique est un outil de traitement de l’information. L’histoire de


l’informatique a vu naître un phénomène d’interaction dynamique entre l’évolution de
l’informatique et les besoins de l’homme. À chaque nouvelle évolution des interfaces,
l’homme change son comportement vis-à-vis de la machine, ce qui engendre de
nouveaux besoins pour donner de nouvelles interfaces, et ainsi de suite.

Sommes-nous arrivés aux limites des interfaces graphiques ? Si oui, est-ce parce
qu’elles répondent à tous les besoins actuels des utilisateurs ? Sinon, où se trouvent les
évolutions possibles ?

Pour voir l’arrivée de nouvelles interfaces, faudra-t-il attendre que les utilisateurs
changent de besoin ? Doit-on revoir entièrement les interfaces et proposer de nouveaux
concepts ? Les concepts actuels sont basés sur une métaphore du bureau de travail
présenté sur un écran graphique et qui possèdent des icônes, des boutons, des fenêtres et
un pointeur. D’autres interactions émergent actuellement, comme l’immersion, ou la
réalité augmentée [WMG93]. La réalité augmentée, par exemple, se base sur un
environnement de travail classique et réel, l’environnement est supervisé par un
ordinateur, auquel il ajoute des fonctionnalités d’interaction, de multimédia, etc. Ces
nouveaux concepts d’interaction avec une machine pourraient faire apparaître de
nouveaux besoins, et relancer le phénomène dynamique entre l’évolution de
l’informatique et les besoins de l’homme.

Il est difficile de prévoir ce que seront les interfaces de demain parce que nous
ignorons quels seront les besoins de demain des utilisateurs, ni quelle place ils
donneront aux machines dans leur vie quotidienne. Mais nous pouvons essayer de
imaginer quelles sont les possibles évolutions de nos interfaces graphiques en essayant
de comprendre comment elles ont évolué.

25
Les premières interfaces, que ce soit avec les câbles ou la « console » sous Unix,
permettent de donner à la machine une succession de commandes à réaliser. Les
commandes représentent des opérations simples sur les données. Le concept est très
proche des langages de programmation inventés à la même époque. Les entrées et les
sorties sont seulement de type alphanumérique, et il est difficile de voir plus d’une
information de même type en même temps.

Les interfaces graphiques permettent de dépasser les limites imposées par la


« ligne de commande ». D’abord, la capacité d’afficher des images a permis de rendre
l’interface plus proche des représentations humaines de l’information. Ensuite, le
concept des fenêtres permet de diviser l’écran en plusieurs espaces de travail pouvant se
superposer comme des feuilles sur un bureau. Enfin, la souris permet d’agir directement
dans l’interface graphique. Elle donne l’impression à l’utilisateur de manipuler les
objets présents à l’écran, et d’interagir avec eux.

On passe donc d’une interface où l’on communique à la machine une succession


de commandes à réaliser, à une interface qui présente les données sur lesquelles on
travaille et avec lesquels on peut interagir. La perception et l’action sont beaucoup plus
directes, et, pour la plupart des actions de l’utilisateur, les interfaces graphiques sont
plus intuitives et plus efficaces que le système alphanumérique [Shn83].

Les interfaces graphiques sont effectivement une évolution majeure de


l’informatique. Nous détaillons ici les concepts des interfaces graphiques.

Dans les années 80, de nouvelles machines affichaient une nouvelle interface
utilisant la capacité graphique de ces composants. Au lieu d’avoir une ligne de
commande, on voit à l’écran un ensemble d’objets graphiques. Ces objets représentent
une information ou un état ou une action possible par l’intermédiaire de leurs formes
qui décrivent quel est le type d’objets (par exemple les boutons ou les icônes de fichier,
ou de dossier), ou bien par leurs couleurs qui caractérisent leur état (un menu grisé, par
exemple). À l’aide de la souris, et du curseur à l’écran, on peut agir directement sur les
objets graphiques.

Pour être intuitives, les interfaces graphiques prennent en compte la connaissance


humaine, les représentations et interactions des objets sont en accord avec les lois de la
physique et la vie quotidienne des utilisateurs, lorsque l’on clique sur un bouton « ok »

26
il s’enfonce et lorsque l’on relâche la souris, le bouton revient dans son état normal. Il
n’y a aucune intelligence en apparence derrière ces objets, on les manipule directement
sans réfléchir. L’ordinateur est devenu un outil. Ce n’est plus une machine à calculer ou
une machine avec laquelle on communique un ensemble de commande dans son
langage, c’est une machine que l’on manipule avec la main. On passe de l’action de
faire–faire à l’action de faire directement. L'interface est conçue autour des moyens
d'actions et de perception de l'utilisateur [ND86].

Il ne suffit pas de s’arrêter à des objets interactifs, il faut mettre tous ces objets
dans un contexte de travail et si possible connu. Pour simplifier la compréhension des
utilisateurs, les interfaces graphiques actuelles sont basées sur la métaphore d’un
bureau. Son utilisation a quelques points communs avec l’utilisation du bureau
classique. D’abord le premier concept qui gouverne toutes les interfaces graphiques
actuelles est la fenêtre. Elle est équivalente à la feuille de papier, outil de travail sur nos
bureaux physiques. La similitude varie d’une interface graphique à l’autre, mais
généralement, la fenêtre est rectangulaire avec un fond blanc et, on peut superposer
plusieurs fenêtres les unes sur les autres.

La ressemblance avec l’utilisation d’un bureau va plus loin. La manipulation, la


sauvegarde et la destruction des données sur le disque dur se fait à l’image des
documents et des dossiers que l’on manipule sur un vrai bureau par l’intermédiaire des
icônes en général, et plus précisément l’icône d’un fichier, d’un dossier, de la corbeille.

Jusqu’à quel point la métaphore du bureau est-elle réaliste ? Est-ce qu’il y a une
dissimilitude de manipulation entre un bureau et un bureau virtuel ? Est-ce que ces
différences ne limitent pas nos performances et notre perception du système ?

L’être humain interagit avec le monde environnant par une boucle dynamique
entre la perception et l’action. À la création des interfaces graphiques, on s'est
préoccupé de l'apparence, de la perception des objets. Dans les premières interfaces
graphiques (Apple Macintosh 1984), on retrouve les concepts qui sont encore utilisés de
nos jours : des icônes, des fenêtres, et des menus. En fait, dans la volonté de faire de
l’ordinateur, l’outil de bureau de demain, les premières interfaces se sont surtout
préoccupées de représenter les objets comme sur un vrai bureau. Ce n’est que depuis
quelques années que l’on voit émerger de nouvelles technologies ouvrant la possibilité

27
d’agir comme sur un vrai bureau. Parmi ces nouvelles technologies, nous avons le
glisser – déplacer, qui permet par exemple de déplacer le texte sélectionné à l’intérieur
d’un document.

Si la comparaison entre un bureau de travail et une interface graphique s’arrête à


la représentation graphique, c’est-à-dire à la perception que peut en avoir l’utilisateur, la
machine est assez proche des concepts de la réalité. Cependant, nous ne devons pas
arrêter notre comparaison à la perception. L’homme se sert de la machine comme d’un
outil, il interagit avec elle, donc notre comparaison doit aussi prendre en compte
l’action. Or les méthodes d’actions disponibles à l’utilisateur sur un ordinateur
comporte quelques manques.

À fin d’agir sur les éléments graphiques, l’homme doit déplacer un curseur à
l’écran à l’aide d’une souris posée sur le plan de son bureau. La souris est le
prolongement de la main. Mais elle ne permet pas de recréer les mêmes actions qu'avec
la main. La première remarque est que l’action « virtuelle » se fait dans un plan et non
en trois dimensions et ne prend pas en compte la multitude de DL de la main. En
deuxième remarque, on note qu’avec la souris, nous n’avons pas de retour de force ni le
sens du toucher. Pour palier ces défauts, des chercheurs ont créé des périphériques avec
retour de force et le sens du toucher. D'autres chercheurs ont eu l'idée d'utiliser le
bureau de travail physique comme interface avec la machine, dans ces conditions
l'utilisateur se trouve face à une interface connue et qui utilise toutes les perceptions et
actions dont nous disposons. Enfin, la dernière remarque que nous pouvons faire est que
les interfaces actuelles sont réalisées et conçues pour une utilisation avec une seule
souris. Or nous utilisons nos deux mains tous les jours, et dans diverses activités de
perception–action. Lors de l’écriture, par exemple, nous utilisons nos deux mains pour
manipuler la feuille et le stylo [Gui87]. Pourquoi contraindre l’utilisation du bureau
virtuelle à une main contrairement à l’activité sur un bureau physique ?

La première question que l’on peut se poser est la suivante : est-ce que les
utilisateurs peuvent se servir aisément de deux souris ? Si oui, y a-t-il des situations
informatiques où l’on peut faire une manipulation avec les deux mains ? Enfin comment
intégrer une deuxième souris dans l’interface ?

28
Nous allons d’abord rappeler les travaux réalisés dans des laboratoires de
recherche en Interaction Homme-machine, avec diverses études sur l’intégration d’un
périphérique à la main non préférée. Ensuite, nous reprendrons les principes de la
coordination bimanuelle définis par Y. Guiard [Gui87].

I.3 Interaction Bimanuelle

Pour interagir avec les éléments de l’interface, nous utilisons un curseur à l’écran
dont nous contrôlons le déplacement à l’aide d’une souris. Celle-ci prend en compte la
mobilité de la main, et donne l’impression de manipuler directement les objets
graphiques. La souris limite le geste manuel à deux degrés de liberté (DL), c’est-à-dire à
un plan. Or, certaines tâches comme l’édition graphique ou la navigation à travers un
document sont composées de plus de deux degrés de libertés. C’est un problème pour
les concepteurs des interfaces homme-machine, car pour dessiner un rectangle, par
exemple, lors d’une édition graphique, il faut contrôler 4 DL (deux coins opposés du
rectangle).

Puisque nous utilisons nos deux mains dans la vie réelle et au quotidien, nous
pourrions nous servir de cette aptitude pour ajouter un périphérique d’entrée à la main
non préférée en plus de celui attribué à la main préférée. Cela multiplierait par deux le
nombre de DL manipulés.

Buxton et Myers [BM86], dans leur article ouvrant ce champ d’étude, ont analysé
les effets de l’interaction bimanuelle dans des tâches courantes comme le tracé d’un
carré (positionnement et dimensionnement) et la navigation à travers un document pour
sélectionner un mot. Ils ont montré que l’interaction bimanuelle est intuitive, et que les
tâches sont réalisées plus rapidement et avec plus de facilité quand les sous-tâches sont
clairement séparées entre les deux mains de l’utilisateur.

Kabbash, MacKenzie et Buxton [KMB93] ont comparé les performances de la


main préférée et de la main non-préférée dans une tâche de pointage unimanuelle.
Divers dispositifs d'entrée (souris, trackball, etc...) ont été expérimentés. Leur
conclusion est que chaque main a son domaine d'action, la main préférée étant plus
rapide pour de courtes distances alors que la main non-préférée est plus rapide pour des
distances plus importantes.

29
Depuis ces deux articles qui ont ouvert la recherche dans ce domaine, plusieurs
techniques de manipulation bimanuelle directe ont été proposées.

Bier a décrit un nouveau style d'interface utilisateur, [BSPBDeR93] et


[BSBB94] : les interfaces "see-through" (voir à travers), qui sont composées des
"Toolglass" et des MagicLens. Ces deux technologies utilisent des palettes semi-
transparentes qui nous proposent un ensemble d'outils ou de filtres directement
applicables sur les objets de votre document par un simple clic à travers. De plus, elles
fournissent une interaction naturelle grâce à une interaction bimanuelle. Puisque les
palettes sont déplaçables et sont semi-transparentes, elles ne condamnent pas une partie
de l'écran. Et puisque l'interface est bimanuelle, l'utilisateur en déplaçant la palette avec
une main et la souris avec l'autre, peut garder son attention sur son espace de travaille.

Kabbash, Buxton et Sellen [KBS94] ont comparé quatre techniques de


manipulation directe (unimanuelle, bimanuelle, Palette, Toolglass). Dans leur
expérience, la manipulation directe était composée de deux sous-tâches, dessin et
coloriage, l'interaction ayant pour objet l'édition de document (sans navigation). Les
résultats vont dans le sens des conclusions de Buxton [BM86] : les sujets peuvent
réaliser efficacement des manipulations avec deux mains. Ils notent aussi que la
manipulation bimanuelle n’augmente pas les performances dans toutes les conditions.
D’après Fitts [Fit54], le temps de réalisation d’un pointage est fonction du rapport entre
la distance à la cible et sa taille. Ici, les conditions bimanuelles ne sont pas différentes
entre elles du point de vue de la difficulté d’une tâche de Fitts, cependant elles donnent
des résultats différents au niveau des performances. Ceci signifie pour les auteurs
qu’elles ne sont pas équivalentes et que le facteur charge cognitive doit être pris en
compte.

Plus récemment, au travers de l’interface T3 (Transparency, Two-handed, and


Tablet), [KFBB97] ont montré, dans un programme dédié à l’infographie, les avantages
et la cohérence d’interface des tablettes graphiques, de la technique de transparence et
de l’interaction bimanuelle.

En général, les études ont montré les avantages de l’interaction bimanuelle,


d’abord du fait, évident, que deux sous-tâches peuvent être réalisées en parallèle, mais

30
aussi du fait d’une meilleure représentation mentale du mouvement pour accomplir la
tâche [LZB96]

I.4 Coordination Bimanuelle

Un des problèmes qui apparaît lorsqu’on propose d'utiliser les deux mains pour
réaliser une seule et même tâche est de savoir comment répartir les différents degrés de
liberté de la tâche pour optimiser l’interaction. L’optimum devrait s’obtenir avec une
répartition respectant à la fois la coordination bimanuelle de l’homme et sa
représentation de la tâche. Pour y parvenir, nous faisons référence dans cette étude au
modèle de la chaîne cinématique de Guiard [Gui87].

Guiard a établi une théorie de l’action bimanuelle nommée modèle de la chaîne


cinématique. Ce modèle suggère que les deux mains travaillent en coopération
généralement de façon asymétrique dépendante. La main non préférée, comme un lien
dans la chaîne, tend à s'activer la première, et détermine l'espace de travail de la
seconde. La main préférée, comme l'élément terminal d'une chaîne, tend à agir en
second, son champ d'action est plus petit mais plus fin, et il est déterminé par l'espace
de travail. Un exemple est l’écriture, tâche quotidienne : nous maintenons et déplaçons
un document avec la main non préférée et écrivons avec la main préférée. Le modèle est
défini par les 3 principes suivants :

1) La main non préférée (MNP) détermine l'espace de travail de la main préférée


(MP), c'est la référence spatiale.

2) Il y a succession dans le temps du mouvement des deux mains, la main


préférée termine le geste initié par la main non préférée, c'est la succession
temporelle.

3) La main préférée réalise des mouvements sur le plan des échelles plus fins que
la main non préférée, c'est la granularité.

Cette thèse confronte les différents types d’interactions bimanuelles et les évalue
dans différentes tâches informatiques de manipulation directe. Notre étude est focalisée
sur deux types d’interaction : l’édition graphique et la navigation à travers un document.

31
I.5 Cadre théorique

Les concepteurs d’interfaces graphiques ont la volonté d’imiter le contexte réel de


travail des utilisateurs afin de rendre l’utilisation des machines intuitives. Les interfaces
graphiques suivent tout d’abord les concepts d’organisation et de représentation de
l’information en adoptant une métaphore de bureau. Un utilisateur face à une interface
représentant un contexte connu réagit intuitivement comme dans la réalité. Or les
périphériques d’entrée ne sont actuellement pas capables de donner les mêmes
possibilités. On doit faire des recherches pour comprendre ce que l’on doit rajouter aux
interfaces graphiques, par quel moyen et quelles en sont les limites. Certaines
recherches préliminaires ont été faites dans ce sens dès 1986 sur des interactions
bimanuelles.

Buxton et Myers [BM86] ont ouvert ce champ d’étude en testant dans un premier
temps l’interaction bimanuelle (édition graphique d’un carré) chez deux catégories de
sujets : des novices et des experts de la manipulation de la souris. Dans leur deuxième
expérience, ils comparent l’interaction bimanuelle avec l’interaction unimanuelle dans
une autre tâche impliquant une combinaison de navigation et de sélection.

La tâche dans la première expérience consistait à dessiner un carré sur un autre


carré présenté sur l’écran. Le sujet devait positionner (2 DL) et dimensionner le côté du
carré (1 DL), ce qui fait un total de 3 DL. Pourquoi ne pas développer le test à une
interaction avec plus de DL ? Au lieu de réduire l’expérience au tracé d’un carré qui est
un cas particulier de rectangle, on pourrait profiter des capacités de la main gauche en
donnant 2 DL à chaque main. Ainsi, on pourrait s’intéresser au tracé d’un rectangle qui
est une forme plus usitée dans les interfaces graphiques : fenêtres, sélection d’objets
graphiques (par exemple, les icônes). Le rectangle est aussi une forme générique pour
l’ellipse et le segment de droite que l’on retrouve dans les logiciels de dessin.

Dans l'étude de Buxton et Myers [BM86], une seule répartition des tâches,
Tableau 1, entre les deux mains a été testée, la main gauche servant au
dimensionnement et la main droite au positionnement de rectangles.

Tableau 1. Distribution des contrôles de Buxton et Myers [BM86]

32
Main Gauche -> Taille du carré -> Micro Mouvement

Main Droite -> Position du carré -> Macro Mouvement

Or, comme l’ont suggérée Kabbash, MacKenzie et Buxton [KMB93], la façon


de répartir les DL est importante pour la représentation de la tâche par le sujet, et
change les performances. Nous pouvons alors tester la distribution miroir des contrôles
de la technique utilisée dans l’article Buxton et Myers [BM86].

Tableau 2. Distribution des contrôles : suivant le modèle de Guiard [Gui87]

Main Gauche -> Position du carré -> Macro Mouvement

Main Droite -> Taille du carré -> Micro Mouvement

Cette distribution, Tableau 2, est plus en accord avec le modèle de la chaîne


cinématique de Guiard [Gui87]. La main gauche fait un macro-mouvement et détermine
l’espace de travail de la main non préférée qui réalise un micro-mouvement. Cette
distribution est appelée asymétrique dépendante selon la terminologie de Guiard
[Gui87]. Nous pouvons aussi étudier pour dessiner un rectangle une distribution duale à
la technique asymétrique, c’est un contrôle symétrique indépendant des DL.

Pour être plus efficace, on peut donner à l’utilisateur la possibilité de modifier des
objets virtuels avec deux dispositifs d'interface d'entrée, mais il reste à savoir comment
distribuer les rôles aux deux mains. Notre travail a donc pour but de comparer des
distributions symétriques et asymétriques dans des tâches d’édition graphique avec une
interaction bimanuelle. On s’attend à ce que la distribution respectant le modèle de la
chaîne cinématique obtienne de meilleur résultat. La question se pose de savoir si les
sujets sont capables de faire une manipulation bimanuelle symétrique, contrairement à
ce que l’on pourrait imaginer en sachant que les humains sont rarement ambidextres.

Dans la deuxième partie de leur article, Buxton et Myers [BM86] ont comparé
une interaction unimanuelle, que l’on retrouve dans les interfaces graphiques classiques,
à une interaction bimanuelle lors d'une tâche de navigation-pointage. Les résultats
montrent que les sujets sont beaucoup plus performants en utilisant la technique
bimanuelle que la technique unimanuelle classique. On gagne en vitesse d’exécution de
la tâche en autre parce qu'il n’est pas nécessaire d’acquérir l’ascenseur dans la barre de

33
défilement pour naviguer, en effet celle-ci est en permanence contrôlée par la main
gauche posée sur une glissière dans la condition bimanuelle. Par rapport à la technique
classique, c’est une manipulation plus directe du document, en ce sens qu’il n’y a pas
besoin d’interrompre le cours de l’action pour saisir un outil et que le regard de
l’utilisateur peut rester fixé, pendant le défilement, sur le document. À noter, cependant,
que cette acquisition peut être également évitée avec une interaction unimanuelle, c’est-
à-dire qu’avec une seule souris on peut sélectionner mais aussi naviguer en saisissant
directement le document, à l’image de ce que l’on peut voir dans des logiciels comme
Acrobat Reader d’Adobe. Une analyse de la même tâche avec une comparaison de
différentes techniques partant de l’interaction unimanuelle à l’interaction bimanuelle
directe permettrait de déterminer quel est le facteur qui a permis à la condition
bimanuelle d’obtenir de meilleurs résultats dans l’expérience de Buxton et Myers
[BM86].

34
Chapitre II. Outils et Méthodes

Les expériences menées dans cette étude ont suivi le même schéma de réalisation
et utilisent les mêmes outils. Elles font intervenir plusieurs sujets par expérience, choisis
selon des critères identiques. Les outils informatiques de chaque expérience ont en
commun un moteur d’exécution qui permet une acquisition du mouvement du sujet en
temps réel, et la gestion de l’interaction entre le sujet et l’objet manipulé en fonction des
différentes conditions des expériences.

II.1 Sujets

Les sujets sont des volontaires qui ont tous une bonne familiarité avec les
interfaces utilisateurs actuelles (MacOS ou Windows) et avec la manipulation de la
souris. Pour éviter toute confusion et artefacts dans notre analyse, les sujets ont passé
une sélection avant de réaliser l'expérience. Ils ont répondu au questionnaire de Peters
(1998) vérifiant le niveau de prédominance d’une main. Seuls les forts droitiers selon
les critères de Peters (1998) ont participé à nos expériences.

II.2 Dispositif Expérimental

Nous avons composé notre dispositif en vue de permettre l’interaction bimanuelle


avec un ordinateur, c'est-à-dire que tous les éléments qui constituent le dispositif ont été
choisis ou fabriqués pour donner la possibilité d'utiliser simultanément deux
périphériques de pointage et pour permettre une analyse du mouvement. Notre
dispositif, présenté à la Figure 18, est composé d'un système d’entrée bimanuelle, d'un
ordinateur et d'un écran. Le système d'entrée est une tablette graphique qui retourne la
position des deux périphériques de pointage en temps réel à l'ordinateur. L’ordinateur

35
acquiert les données pour l’analyse et présente au sujet les objets manipulés en fonction
des diverses conditions de nos expériences. Le moniteur, un écran 15", permet de
visualiser les objets graphiques.

Figure 18. Le dispositif expérimental

II.2.1 Tablette Graphique

Nous avons utilisé comme système d’entrée bimanuelle une tablette graphique de
dimension 304,8 mm x 304,8 mm, de marque WACOM (WACOM A4 UD1212). La
technologie électromagnétique utilisée pour repérer les pointeurs, que l'on déplace sur le
plan supérieur, est commune à beaucoup de tablettes graphiques. Il existe deux types de
systèmes d'acquisition magnétique. Le premier type consiste à détecter la présence d'un
pointeur émettant un champ magnétique sur une surface réceptrice. Ce type de système
implique que les pointeurs déplacés sur la tablette soient actifs, c'est-à-dire qu'ils soient
reliés à une source d'énergie ou bien qu'ils contiennent une pile. Le deuxième type de
système a des pointeurs passifs qui reçoivent de l'énergie par l'intermédiaire de la
tablette elle-même. Le système fonctionne en deux temps. Dans un premier temps, la
tablette envoie l'énergie par champ magnétique vers les pointeurs passifs, puis dans un

36
deuxième temps, une fois les pointeurs chargés, la tablette se met en mode réception,
elle repère la présence et la position des appareils devenus actifs. Il y a alternance entre
le rôle passif et actif. Cette alternance s'effectue à un rythme permettant d'envoyer
approximativement 205 points par secondes. La tablette que nous avons choisie a une
résolution de 15240 pixels de côté, le constructeur annonce une définition de 0,15 mm,
et une distance maximale de proximité entre le pointeur et la tablette de 5 mm.

Figure 19. Tablette Graphique UltraPad de WACOM

La tablette UltraPad de WACOM, Figure 19, que nous avons choisie, est capable
de détecter simultanément deux entrées manuelles sur un plan de travail. Ainsi, on peut
réaliser certaines tâches nécessitant un contrôle avec deux mains en même temps, ou
bien réaliser deux tâches en parallèles. WACOM propose deux sortes de pointeurs
détectables par la tablette. Le premier est le curseur (ou puck), une sorte de souris sans
boule et le deuxième est le stylet, outil en forme de stylo.

37
Figure 20. UltraPoint, un des curseurs des Tablettes UltraPad de WACOM

La Figure 20 montre le curseur UltraPoint utilisé dans nos expériences. Il est


composé d'un corps équivalent à celui d'une souris, d'un viseur, et de quatre boutons.
Dans notre expérience, ni le viseur ni les boutons ne sont utilisés.

Figure 21. UltraPen Eraser, un des stylets des tablettes UltraPad de WACOM

Le stylet a été conçu pour permettre les mouvements de l'écriture ou du dessin, sa


forme rappellant celle d'un stylo ou d'un pinceau. Le UltraPen Eraser, utilisé dans nos
expériences, Figure 21, est composée de trois parties. La pointe, située à l'extrémité,
présente la propriété intéressante de détecter la pression exercée longitudinalement sur
le stylet. Par ailleurs, un bouton placé sur le corps du stylet, permet d'exécuter un click
comme sur une souris classique. Enfin, l’extrémité opposée à la pointe du stylet, en
forme de gomme, permet la fonction de gommage, à condition que les logiciels aient été
prévus pour cela. Dans nos expériences, seule la pression de la pointe sera prise en
compte.

Les informations communiquées à l'ordinateur par les deux entrées via la tablette
sont les suivantes :

38
1) la position de chaque appareil,
2) l’état des boutons de chaque appareil,
3) la pression pour le stylet.

La tablette WACOM se différencie de certaines autres tablettes par le choix


technique au niveau du curseur et du stylet. Le stylet et le curseur sont sans fil, ces
organes sont dits passifs. Nous avons donc pu modifier facilement l’aspect du stylet lors
de la première expérience, pour lui donner l’aspect d’un curseur. Nous avons récupéré
le circuit passif du stylet et nous l’avons intégré dans un deuxième curseur. Ainsi, pour
la première expérience, décrite au paragraphe III.3.4, le sujet manipule deux curseurs
physiquement identiques alors que la tablette détecte deux pointeurs différents. Ceci
permet de réaliser une expérience sans introduire d’asymétrie dans le matériel confié
aux deux mains.

Nous avons réglé le débit de communication entre la tablette et l'ordinateur a une


fréquence de 100 échantillons par seconde. Ainsi pour chaque entrée, c’est-à-dire pour
chaque main, nous avons une fréquence d’acquisition de 50 points par seconde. Cette
caractéristique est importante pour les calculs car les résultats ne sont valables que si
l’étude cinématique est suffisamment fine. Nous nous trouvons dans une bonne
situation par rapport au type de mouvement et au type de calculs réalisés.

II.2.2 Système Informatique

Le système informatique est composé d’un ordinateur, un PowerMacintosh


d'Apple Computer, relié à la tablette et à un écran 15 pouces, et d’un programme qui
gère l’interaction et l’enregistrement en temps réel des données sur le disque dur.

Architecture

Chaque expérience utilise un programme différent, cependant ces programmes ont


en commun des modules qui gèrent différents éléments informatiques. Ces modules ont
été conçus spécifiquement pour nos expériences pour répondre à deux besoins. Dans
nos expériences, nous n’utilisons pas la souris classique, donc nous devons éviter que le
pilote, fourni par Wacom pour gérer sa tablette, génère un mouvement virtuel de la
souris classique, à chaque déplacement d’un pointeur sur la tablette. En écrivant notre
propre pilote, nous pouvons générer nous-même nos propres évènements en fonction

39
des données qui viennent de la tablette. De plus notre pilote permet de récupérer les
informations nécessaires à une interaction bimanuelle. Enfin et surtout, notre pilote a été
écrit pour réaliser une acquisition de données au débit maximum de la tablette (205 Hz)
pour pouvoir faire, lors des traitements de données, des études cinématiques les plus
fiables possibles.

Le schéma des communications entre les différents outils informatiques est


illustré dans la Figure 22. La division en modules provient des techniques de
programmation orientée objet. Elle simplifie les programmes, leur entretien et surtout la
réutilisation.

Le module WacomManager initialise la tablette et communique avec elle par


l'intermédiaire du port série du Macintosh. Ce module gère la communication en temps
réel, c'est-à-dire qu'il récupère chaque nouvelle information de la tablette et l'envoie au
module ManipMananger.

Le module ManipManager a plusieurs fonctions de gestion des données de


l’expérience en cours. D’abord, le module fait une sauvegarde en temps réel de toutes
les informations de l’expérience. Parmi ces informations, on trouve les coordonnées et
attributs du curseur et du stylet, ainsi que les coordonnées des objets visualisés à l'écran,
c'est-à-dire les quatre DL de la cible et les quatre DL du traqueur. La deuxième fonction
de ce module est l'affichage. Il met à jour l’écran à la même fréquence que le
rafraîchissement réalisé par la carte vidéo afin d’éviter un scintillement (flicker). Enfin,
il gère le déroulement de l’expérience. Il lit les différentes conditions à présenter au
sujet et les positions des cibles à l’initialisation d’un essai, et détermine la fin de l’essai
quand le sujet a atteint la cible.

Le module TEDY est une couche objet sur le système de fenêtrage et d'événement
du MacOS.

Grâce à la programmation orientée objet, on réutilise dans chaque expérience tous


ces modules en spécifiant leur comportement en fonction de l’interaction souhaitée.

40
Programme

Le programme spécifie
la tâche par son
affichage à l’écran et
son interaction en
fonction de la condition
testée.

TEDY ManipManager WacomManager

Gestion des Gestion des Gestion de la


évènements, des acquisitions, communication temps
fenêtres, des menus, enregistrements, et réel avec la tablette
des boutons, etc. affichage temps réel. Wacom à travers le
port série du
Macintosh.

Système d’Exploitation : MacOS

Window Manager,
Menu Manager,
File Manager Serial Manager
Event Manager,
QuickDraw

Ordinateur : Apple PowerMacintosh

Moniteur 15” Tablette

Affiche les objets Tablette Wacom


manipulés sur une UltraPad A4.
résolution de Détecte les
800x600 mouvements du stylet
et du curseur

Figure 22. Schéma de l'architecture du dispositif expérimental

Puisque les modules communs ont été écrits pour être génériques, ils ont pu servir
pour réaliser d'autres expériences par exemple dans le cadre de l'étude de l'application
de la loi de Fitts aux espaces multi-échelles [GBM99].

41
Acquisition des données.

Pendant que le sujet réalise la tâche, les données sont enregistrées sur le disque
dur dans un fichier au format texte, voir Figure 23. Chaque ligne représente un
échantillon, et l’intervalle temporel entre deux échantillons représente 20 ms (50 Hz).
Dans les deux expériences, le fichier contient 15 colonnes de données. Les six
premières colonnes sont les coordonnées (en point) du curseur et du stylet sur la
tablette. La septième colonne intitulée « coïncidence » a pour valeur initiale 0, elle est
égale à 1 lorsque le sujet a atteint la cible en tenant compte de la tolérance. Les autres
colonnes contiennent des valeurs propres à chaque expérience, elles correspondent aux
coordonnées (en pixel) de la cible et du traqueur sur l’écran.

Stylet Curseur Coïncidence A Cx A'x C'


X Y Bouton X Y Bouton X Y X Y X Y X Y
0 358 331 449 388 335 253 399 399
0 358 331 449 388 335 253 399 399
0 358 331 449 388 335 253 399 399
0 358 331 449 388 335 253 399 399
Coupure
0 358 331 449 388 335 253 399 399
0 358 331 449 388 335 253 399 399
6398 10305 0 0 358 331 449 388 335 253 399 399
6398 10305 0 0 358 331 449 388 335 253 399 399
6398 10305 0 0 358 331 449 388 335 253 399 399
6398 10305 0 0 358 331 449 388 335 253 399 399
6398 10305 0 0 358 331 449 388 335 253 399 399
Coupure
6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6057 9669 0 0 330 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6065 9659 0 0 331 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6065 9659 0 0 331 279 449 388 335 253 399 399
11982 9105 0 6065 9659 0 0 331 279 449 388 335 253 399 399
Coupure
11343 9215 0 6122 9367 0 1 335 255 397 396 335 253 399 399
11343 9215 0 6122 9367 0 1 335 255 397 396 335 253 399 399

Figure 23. Extraits d'un fichier d'acquisition

Affichage

L’affichage est géré par le module commun d’affichage. Il a été programmé pour
que la mise à jour de l’écran se fasse à la fréquence de rafraîchissement de l’écran par la
carte vidéo, c’est-à-dire à environ 60 Hz. Il est important de se référer à la carte vidéo

42
car d'un écran à l'autre, ou d'un ordinateur à l'autre, la fréquence de rafraîchissement
générée par la carte vidéo peut changer.

En conclusion, la réaction du système est suffisamment fluide pour que les sujets
ne soient pas perturbés par un défaut dû à une mauvaise réaction du système, et les
acquisitions se font à une fréquence suffisante pour effectuer des analyses cinématiques.

II.3 Traitement des données

Les données des expériences sont enregistrées dans des fichiers au format texte
dont le contenu est indiqué au paragraphe II.2.2. Un fichier de données correspond à un
bloc de cibles par sujet et par condition. Par exemple, dans la première expérience qui
contient trois conditions pour 12 sujets dont chacun effectue 9 blocs identiques pour
chacune des conditions, il y a 3*9*12 = 324 fichiers. Le poids de l’ensemble des
fichiers fait un total de 100 Mo de données par expérience.

Le traitement de données avait été envisagé avec le logiciel Microsoft Excel.


Mais, nous avons décidé d'utiliser le logiciel MatLab (MATrix LABoratory) de
MathWorks car MatLab est plus apte à manipuler plusieurs fichiers en même temps et
ce quelle que soit leur taille.

MatLab est structuré autour d'une console de commande équivalente à la console


Unix. Le type de données manipulé est une matrice de n'importe quelle taille et
dimension (non limitée à deux dimensions). L'environnement de travail permet de créer
des variables en mémoire comme dans un langage de programmation, et de créer
facilement des fonctions réutilisables. L'outil de visualisation et l'environnement de
travail de la console ont l'avantage d’être souples et aisément programmables à l'aide
d'un langage interprété proche du langage C qui permet de manipuler et traiter
automatiquement et très facilement les matrices de données.

Un exemple d’outil réalisé dans MatLab pour rechercher le début de chaque essai
dans un fichier, donné dans les figures qui suivent, montre comment on utilise la
console, l'affichage des résultats et comment, à partir d'un code simple, on peut
automatiser le traitement. À la Figure 24, on initialise les paramètres de notre
expérience (liste des sujets, conditions), on charge le fichier du premier bloc d'essai

43
pour la première condition réalisée par le premier sujet. Ensuite, on calcule la moyenne
des intervalles de temps entre chaque cible. MatLab affiche 5,0326 secondes, donc le
premier sujet a mis en moyenne 5,03 secondes pour réaliser la tâche sur le premier bloc
d'essai dans la première condition.

»init %script d'initialisation de tous les paramètres de l'expérience


Liste des sujets
****************
aymar
franck
fred
karine
marie-laure
martine
nathalie
olivier
pascale
rémi
sabine
sylvie
****************
Nombre du Sujets : 12
» % Calcul du Temps moyen Pour le Sujet : 1, Bloc : 1, Cond : 1
»load ((Sujet(1).files{1, 1}),'Time', 'NewTargetIndex');
»mean(diff(Time(NewTargetIndex)))/1000

ans =

5.0326

Figure 24. Commandes pour rechercher le début de chaque essai

Le langage de MatLab contient les mêmes contrôles que dans la plupart des
langages de programmation. En utilisant les contrôles de boucles, on peut aisément
automatiser les traitements que l'on a préparés sur un fichier ou une cible. Prenons
l'exemple ci-dessus, où on lit le fichier et, on calcule la moyenne du temps de réalisation
de la tâche. On peut l'appliquer sur tous les sujets et tous les blocs pour en déduire la
moyenne par conditions. Le script suivant calcule, à l'aide de trois boucles qui
parcourent tous les fichiers (100 Mo), le tableau "moyenne" qui a trois dimensions
(bloc, sujet, conditions).

44
» % Calcul du Temps moyen pour chacune des trois conditions
» % pour tous les sujets et tous les blocs d'essais.
»for numCond=1:length(Param.Cond)
disp (['-' Param.Cond{numCond} '-'])
for numSujet=1:length(Sujet)
for numBloc=1:Param.nbBloc
load ((Sujet(numSujet).files{numCond, numBloc}),...
'Time', 'NewTargetIndex');
moyenne(numBloc, numSujet, numCond) = ...
mean(diff(Time(NewTargetIndex)))/1000;
end
end
end

-ASYM G-
-ASYM D-
-SYM-

Figure 25. Automatisation de la tâche

Enfin, il ne reste plus qu'à calculer la moyenne du tableau "moyenne" pour


connaître le temps moyen pour chaque condition.

» % Calcul du Temps moyen pour chacune des trois conditions


»A = squeeze (mean(mean(moyenne)))

A =

4.2446
4.4306
3.9067

Figure 26. Manipulation des résultats

MatLab n'est pas qu'une console alphanumérique, MatLab est pourvu d'un module
graphique qui se contrôle à l'aide de la console et de son langage. Dans l'exemple
suivant, on réalise un graphique en barre représentant la moyenne par condition. On
rajoute un titre à l'axe des "Y", ainsi que le nom de chaque condition.

»bar (A, .4);


»ylabel ('Time (sec)');
»set(gca, 'XTickLabel', Param.Cond);

Figure 27. Exemple de commandes graphique

Avec cette succession de commandes, on obtient le graphique présenté à la Figure


28.

45
4.5

3.5

2.5
Temps (sec)
2

1.5

0.5

0
ASYM G ASYM D SYM

Figure 28. Graphique obtenu sous l'environnement MatLab

MatLab permet aussi de créer ses propres interfaces pour traiter ou plus
simplement parcourir les données après avoir écrit quelques fonctions. La Figure 29
présente un exemple de « navigateur » réalisé lors de la première expérience. Ce
navigateur affiche un graphique correspondant au choix du graphique résultat, du sujet,
du bloc d’essai et du numéro de l’essai. En quelques clicks de souris, on peut parcourir
les données pour les 12 sujets en choisissant un bloc d’essais parmi 9 et un des 21 essais
du bloc pour une des trois conditions de l’expérience soit au total 12*9*21*3 = 6804
essais. Avec ce navigateur, il est aisé de parcourir quelques essais d’un seul sujet ou
même de plusieurs sujets dans une condition pour déterminer le comportement d’un ou
des sujets vis-à-vis de la tâche ou de la condition. On a une meilleure perception des
données et de ce qu’ont fait les sujets. Cela permet de retrouver des essais qui
contiennent des erreurs ou des problèmes de réalisation de la tâche. On peut aussi faire
des corrélations subjectives en comparant les données pour pouvoir ensuite en extraire
un traitement automatique sur tous les essais et pour en tirer des valeurs. Par exemple,
on peut voir si les sujets ont réalisé des mouvements parallèles avant même de lancer le
traitement. De plus, si le traitement de données nous donne un bon résultat, à l’aide de
ce navigateur, on peut retrouver quelques exceptions moyennées par le calcul
automatique sur plusieurs essais.

46
Choix du Sujet Choix de l'essai

Choix de la condition

Choix du bloc d'essai

Choix du graphique
de résultat

Figure 29. Interface de navigation à travers les résultats

47
Chapitre III. Travail Expérimental :
Édition Graphique

III.1 Introduction

En 1986, Buxton et Myers ont comparé l’interaction unimanuelle et bimanuelle


lors d’une tâche de tracé d’un carré [BM86]. La tâche consistait à superposer sur un
carré dit « cible », un carré dit « traqueur » en modifiant la position et la taille de celui-
ci, pour un total de trois degrés de liberté. Dans le travail présenté dans ce chapitre,
nous étudions l’interaction bimanuelle avec différentes divisions du travail en
généralisant l’étude à un tracé de forme graphique à 4 degrés de liberté (DL, ou DOF
pour « Degree of Freedom »). Nous évaluons différentes attributions des contrôles aux
deux mains pour déterminer leur influence sur les performances des sujets invités à
réaliser une tâche composée de deux sous-tâches simples.

Dans la plupart des logiciels graphiques, on trouve une palette d’outils qui
contient des formes simples telles que le trait (ou segment de droite), l’ellipse et le
rectangle.

Figure 30. Formes génériques à 4 DL utilisées par les logiciels graphiques : le segment de
droite, le rectangle et l'ellipse

48
Comme on peut le voir à la Figure 30, dessiner un rectangle sans orientation
(c'est-à-dire dont les côtés sont parallèles aux bords de la fenêtre) est équivalent en
termes de DL à dessiner un trait ou une ellipse. Le rectangle peut donc être vu comme
une forme générique par rapport aux deux autres formes. Par voie de conséquence, il
n’est pas nécessaire de faire les analyses avec toutes ces formes pour notre étude, nous
gardons uniquement la forme rectangulaire.

Pour dessiner un rectangle, il faut définir ses propriétés géométriques. On peut


donner les coordonnées x et y des deux coins opposés, ou les coordonnées x et y d’un
point de la forme (le coin ou le centre), la hauteur et la largeur. Pour la forme elliptique,
il en est de même. Un segment de droite peut être défini de la même façon par les deux
points extrêmes en coordonnées cartésiennes, ou bien, toujours avec quatre degré de
libertés, par un des deux points extrêmes ainsi qu’un angle et sa longueur en
coordonnées polaires. Dans tous les cas, si l’on veut tracer une de ces formes, il faut
spécifier 4 degrés de libertés.

Par ailleurs, le tracé d’un rectangle n’est pas une tâche exclusive aux logiciels de
dessin, on la retrouve dans de nombreuses circonstances avec une interface graphique.
Dans les interfaces graphiques actuelles, la fenêtre permet de diviser l’écran en surfaces
de travail indépendantes. Une fenêtre est un rectangle dont on peut changer la position
(voir Figure 31) et la taille (voir Figure 32).

49
Figure 31. Déplacement d'une fenêtre

Figure 32. Changement de taille d'une fenêtre

On retrouve également la manipulation d’un rectangle lors d’une sélection d’un


groupe d’objets à l’écran. La sélection est délimitée par un rectangle englobant les
objets (voir Figure 33).

50
Figure 33. Sélection rectangulaire

Ces manipulations, en interaction unimanuelle, obligent l’utilisateur à un contrôle


séquentiel. Par exemple, lorsque l’on fait une sélection rectangulaire, on doit choisir un
premier coin puis le coin opposé pour former un rectangle. En cas d’erreur, on ne peut
revenir sur le premier point sans perdre la position du deuxième, de sorte qu’il faut
recommencer la sélection [LZB98].

Quatre valeurs géométriques sont nécessaires et suffisantes pour définir un


rectangle. La technique classique avec une seule souris qui se déplace sur un plan (2
DL) décompose obligatoirement la manipulation de 4 DL en deux sous-tâches
séquentielles à 2 DL. L’interaction bimanuelle a un apport évident car chaque main
possédant un pointeur peut contrôler 2 DL. Par ailleurs, avec l’interaction bimanuelle,
contrairement à la technique classique, le contrôle des 4 DL peut se faire en parallèle, ce
qui facilite l’utilisation et surtout apporte un gain de performance d’après Buxton et
Myers [BM86].

L’édition de formes rectangulaires a une place importante dans nos interactions


avec l’ordinateur dans les interfaces graphiques actuelles. Les applications de notre
étude concernent donc l'introduction d'un nouveau type d’interaction pour les logiciels
d’édition ou de manipulation tels que gestionnaire de fichiers, logiciel de dessin et tous
logiciels avec des fenêtres.

51
III.2 Définitions géométriques d'un rectangle

Nous avons vu qu’il y a plusieurs façons de définir un rectangle avec 4 valeurs ou


degrés de libertés. Nous allons classer en catégories les différentes possibilités de
définir un rectangle. Quelle que soit la méthode retenue, on commence par définir les
coordonnées d'un des coins ou du centre du rectangle. Une fois le rectangle situé dans le
plan, on donne soit les coordonnées d'un deuxième coin du rectangle, soit la largeur et
la hauteur du rectangle. Les méthodes se différencient dans le deuxième point, nous
appellerons « symétriques » les méthodes où l'on donne les coordonnées de deux points
de la figure et « asymétriques » les méthodes où l’on donne les coordonnées d’un des
points de la figure et la hauteur et la largeur de celle-ci.

Tableau 3. Catégories de définitions d'un rectangle

Méthodes 1er Point 2ème Point

Symétrique Coordonnées dans le plan Coordonnées dans le plan

Asymétrique Coordonnées dans le plan Hauteur et largeur

Avec la méthode symétrique (voir les deux exemples de la Figure 34), nous avons
deux définitions possibles avec uniquement les coins et quatre définitions avec le centre
et les coins de la figure.

A B A B

D C D C
Figure 34. Exemple de définitions symétriques d'un rectangle

Avec la méthode asymétrique, voir les exemples de la Figure 35, nous avons
quatre définitions possibles n'utilisant pas le centre mais seulement les coins et quatre
définitions avec le centre et les coins de la figure.

52
A B A B

M
hauteur hauteur

D C D C
Largeur Largeur

Figure 35. Exemple de définitions asymétriques d'un rectangle

Nous n’étudierons pas toutes les combinaisons possibles dans notre étude :
certaines définitions sont équivalentes du fait que nous nous intéressons à l'étude de
l'interaction bimanuelle. Le choix est expliqué dans les paragraphes décrivant les
conditions symétrique et asymétrique de notre expérience.

Nous n'étudions pas les définitions avec le centre du rectangle car elles sont moins
intuitives à cause de l'ambiguïté qu'elles apportent. Si le premier point de définition de
la figure est le centre, le deuxième point n'est pas déterminable, il peut être choisi parmi
l'un des quatre coins de la figure. Par contre, si le premier point donné est l'un des
quatre coins de la figure, le deuxième point est automatiquement le coin opposé de
celui-ci pour définir complètement le rectangle. Pour notre étude sur l'interaction
bimanuelle, la définition d'un rectangle avec le centre de la figure comme premier point
n'apporte pas d'élément supplémentaire par rapport à une définition avec uniquement les
coins du rectangle. Pour simplifier la compréhension, nous n'étudierons que les
définitions de rectangles avec les coins.

Nous avons retenu deux définitions géométriques possibles d’un rectangle. Nous
décrivons dans les paragraphes suivants les conditions de notre expérience que nous
avons créées à partir des deux définitions retenues, que nous appelons : la condition
symétrique et les conditions asymétriques.

III.3 Conditions Expérimentales

Cette expérience évalue les différentes divisions possibles du travail, une division
symétrique où les mains réalisent des tâches similaires, une division asymétrique en
accord avec les principes du modèle de la chaîne cinématique [Gui87] et une division

53
du travail qui est asymétrique mais où l’attribution du rôle des deux mains est l’inverse
de la condition précédente.

III.3.1 Condition Symétrique

Dans la condition symétrique, un rectangle est déterminé à partir de deux coins


qui sont opposés pour le définir complètement, par exemple le coin en haut à gauche
(Coin A) et le coin en bas à droite (Coin C), Figure 36.

o
A x

Figure 36. Condition Symétrique

Ces deux points ont leurs coordonnées dans le repère (Ox, Oy) défini par la
fenêtre, où O est le coin supérieur gauche de la fenêtre. Le contrôle est donné au sujet
de telle manière qu’il manipule chacun des coins avec une main. Si une main bouge le
curseur, elle déplace seulement le coin correspondant, et le rectangle change de forme.
Ce déplacement ne modifie pas la position du coin opposé : le contrôle de la position
des points est symétrique et indépendant.

On affecte la main gauche au coin A et la main droite au coin C. Il est évident que
le contrôle inverse, coin A – main droite, coin C – main gauche, serait inadéquat pour
une manipulation intuitive et performante. Il n’y a alors pas de différence qualitative
entre les rôles joués par la main gauche et par la main droite. Nous sommes dans la
condition appelée : condition symétrique.

Nous avons noté qu'il peut y avoir une incompréhension des sujets si nous
laissons la possibilité de croiser les coins, c'est-à-dire que le coin C se retrouve au-

54
dessus et/ou à gauche du coin A, l'utilisateur est rapidement désorienté. Effectivement,
rien n'indique à l'utilisateur lequel des deux coins opposés est contrôlé par l'une des
deux mains. Au départ, l'utilisateur a déduit intuitivement la correspondance entre les
coins (A,C) et les mains (gauche, droite). Mais le problème peut arriver lors de
l'utilisation dans plusieurs situations.

Les curseurs sur la tablette graphique sont en mode relatif, c'est-à-dire que
l'information détectée est leur déplacement relatif sur la tablette et non leur position
absolue par rapport au plan de la tablette. Cela signifie qu'un utilisateur peut faire
plusieurs fois un petit déplacement avec un curseur, le soulever et le ramener dans sa
position initiale comme on le ferait avec une souris classique. Cette succession de
déplacements provoque le déplacement de l'un des deux coins. Imaginons que le curseur
déplacé soit celui de la main droite, alors le coin C se déplace à l'écran. Maintenant
imaginons que l'utilisateur a effectué plusieurs petits mouvements de telle sorte que le
coin C se retrouve à la gauche du coin A. Nous sommes là dans une situation
incohérente car les deux coins sont croisés alors que les mains de l'utilisateur ne le sont
pas car l'utilisateur ramène à chaque fois son curseur droit à sa droite. Tant que
l'utilisateur bouge la main droite, l'utilisateur suit encore ce qu'il fait. Mais après l'arrêt
de tout mouvement à la fin de la tâche, l'utilisateur repart avec un taux d'erreur
important. Nous avons remarqué, qu'après avoir acquis quelques rectangles, les
utilisateurs se retrouvent dans des situations incohérentes, soit avec les mains croisées et
non pas les coins ou bien dans la situation inverse, c'est-à-dire le coin A à droite et le
coin C à gauche, alors que les mains de l'utilisateur ne sont pas croisées. Pour notre
expérience, nous avons contraint l'interaction en rendant impossible, à l'aide du logiciel,
le croisement entre les deux coins. L'interaction devient alors plus intuitive et le reste
tout au long de l'expérience. Cette contrainte permet aussi de faire des comparaisons
entre les sujets et les conditions sans artéfact, en effet, si un sujet croise les mains, les
distances à parcourir pour un rectangle ne sont pas les mêmes. Donc les distances à
parcourir ne seraient plus une variable indépendante de notre expérience.

III.3.2 Conditions Asymétriques

Dans la condition asymétrique, le rectangle est défini dans un autre système de


repérage, qui a la propriété de mettre en œuvre deux repères emboîtés. Nous avons

55
toujours quatre DL pour spécifier le rectangle, mais ce ne sont plus les coordonnées x et
y des deux coins opposés dans le repère de la fenêtre. Avec une main, le sujet détermine
les coordonnées x, y d'un coin spécifiant la position du rectangle tandis qu'avec l'autre
main il détermine la hauteur et la largeur du rectangle. On observera que si les modes
de contrôle symétrique et asymétrique sont graphiquement équivalents dans le résultat,
ils ne sont en aucun cas équivalents du point de vue de la division des rôles entre les
mains. Tandis que le mode symétrique assigne la même fonction aux deux mains
(positionner un point dans la fenêtre), le mode asymétrique leur assigne des rôles qui
différent qualitativement. Dans la condition asymétrique, en effet, une main doit
positionner la figure dans le plan fixe de la fenêtre et l'autre doit positionner le coin
opposé dans le plan mobile du rectangle. La propriété importante à souligner est que la
seconde action est relative à la première : l'acte de dimensionnement s'inscrit en quelque
sorte dans l'acte de positionnement, une propriété qui selon le modèle de la chaîne
cinématique de Guiard [Gui87], caractérise de nombreuses actions bimanuelles
asymétriques chez l'homme.

Dans ce type de contrôle, le coin A est déplacé dans le repère de la fenêtre que
nous désignerons comme le repère (Ox, Oy). Quand on bouge le coin A dans le repère
de la fenêtre, Figure 37, on emmène les trois autres points du rectangle avec le coin A,
ce qui signifie qu'on effectue un positionnement du rectangle, sans effet sur ses
dimensions ou sur sa forme.

o
A x

A B

y D C

Figure 37. Changement de la position du rectangle dans la fenêtre (Repère : Ox, Oy).

Le coin C, en revanche, est contrôlé dans le repère mobile du rectangle, que l'on
désignera comme le repère (Ax, Ay). Quand on déplace le coin C, Figure 38, il n'y a

56
aucun effet sur la position du coin A du rectangle, ce qui signifie cette fois-ci qu'on
effectue le changement de taille, hauteur et largeur du rectangle.

A B B
x

D C

D C

y
Figure 38. Changement de la hauteur et la largeur du rectangle (Repère : Ax, Ay)

Ces deux composantes, positionnement et changement de taille et ou de forme,


reviennent à dire que le changement de position du rectangle correspond au
déplacement du repère (Ax, Ay) dans le repère de la fenêtre et le changement de taille
au déplacement de coin C dans le repère du rectangle. Le coin A, origine du repère du
rectangle, est désigné comme le coin porteur.

Évidemment, il y a quatre combinaisons possibles de manipulation, une par coin


porteur, par origine du repère rectangle. La première est celle qui est décrite
précédemment avec comme coin porteur le coin supérieur gauche, le coin A. Le coin A
est confié à la main gauche pour simplifier la manipulation car le coin A est à gauche, et
l’on affecte le coin C à la main droite, coin de changement de taille. La deuxième
attribution est la condition miroir de la première, c’est-à-dire que le contrôle de position
se fait à droite et le changement de taille à gauche. De nouveau, pour rendre l'interaction
commode, nous attribuons aux coins de contrôles les mains correspondantes en fonction
du côté, la main droite devient la main de déplacement et la main gauche la main de
changement de taille. Pour simplifier les désignations, nous noterons aussi le rectangle
en miroir comme le montre la Figure 39 : le coin A est en haut à droite et le coin C est à
bas à gauche. Ainsi le coin A est toujours le coin porteur, et le coin C est le coin de
dimensionnement.

57
O
B x
x

C
y
y

Figure 39. Notation du rectangle en miroir

En résumé, nous utilisons deux conditions asymétriques : dans la première, le


sujet déplace le rectangle avec la main gauche et le dimensionne avec la main droite, et
dans la deuxième, le sujet déplace le rectangle avec la main droite et le dimensionne
avec la main gauche. Nous retenons uniquement ces deux attributions parmi les quatre
car les deux autres attributions restantes, avec les coins porteurs en bas de la figure,
n’apportent aucun intérêt dans notre étude au niveau du contrôle et de la coordination
bilatéraux.

Avec cette technique de manipulation, les deux mains ne jouent pas le même rôle
puisqu’une main bouge dans le repère fixe de la fenêtre et l’autre dans le repère mobile
de l’objet lui-même. Ces conditions sont appelées : condition asymétrique gauche et
condition asymétrique droite. Les repères utilisés par les deux mains étant emboîtés,
nous avons affaire à un contrôle de type asymétrique dépendant.

III.3.3 Résumé des conditions

Ainsi, nous avons trois conditions expérimentales résumées dans le Tableau 4 :

- Une condition symétrique,

- Une condition asymétrique gauche (positionnement main gauche),


conforme aux principes du modèle de la chaîne cinématique de Guiard [Gui87],
avec une action de la main droite qui s’inscrit dans le repère mobile contrôlé par la
main gauche,

58
- Une condition asymétrique droite (positionnement main droite), miroir de
la précédente, qui va à l’encontre du modèle de la chaîne cinématique.

Tableau 4. Récapitulatif des conditions

Coin Contrôlé Repère


Conditions Main Gauche Main Droite Main Gauche Main Droite
Symétrique A C Fenêtre Fenêtre
Asymétrique Gauche A C Fenêtre Rectangle
Asymétrique Droite C A Rectangle Fenêtre

III.3.4 Modification physique des entrées bi-manuelles

Pour ne pas introduire d'artefact dans nos comparaisons entre les différentes
conditions, nous avons rendu le matériel d'entrée symétrique : nous avons modifié le
curseur et le stylet de la tablette WACOM, présentés au paragraphe II.2.1, de manière à
offrir à l’utilisateur deux outils identiques (Figure 40).

Figure 40. Deux curseurs identiques pour le sujet

En effet, on ne peut pas attribuer le stylet à la main droite lors du


dimensionnement pour la condition asymétrique gauche, et à la main gauche lors de la
condition asymétrique droite. On aurait alors favorisé la main droite habituée au
maintien d’un stylo pendant l’écriture. On pourrait laisser le stylet dans la main droite
pour toutes les conditions, mais on ne pourrait pas correctement comparer la condition
asymétrique droite où le positionnement se ferait avec le stylet alors que dans la

59
condition asymétrique gauche le positionnement se ferait avec le curseur : on a alors
une inégalité entre les conditions car le stylet permet un pointage plus précis pour des
petites distances, ce qui favoriserait la tâche de dimensionnement. Enfin, dans la
condition symétrique, il n’y a aucune raison d’affecter des outils différents à chacune
des deux mains puisqu’elles travaillent en symétrique.

Ainsi, pour simplifier les comparaisons et la compréhension des résultats, nous


avons réalisé deux outils d’entrées identiques. Les deux appareils sont différenciés par
la tablette (un comme le curseur et l’autre comme le stylet), mais sont semblables en
poids et en forme pour les sujets.

III.3.5 Différences de distance entre les conditions

Pour connaître les performances que l'on peut obtenir pour chacune des trois
conditions nous avons pris le soin de prendre les mêmes séries de rectangles pour les
trois conditions. Mais, on notera qu'en fonction des conditions, les distances à parcourir
ne sont pas les mêmes à cause de la différence des repères. Prenons l'exemple de la
Figure 41, où un rectangle est à atteindre en partant de la position du traqueur.

Traqueur

Cible

Figure 41. Exemple d'une cible et d'un traqueur

Graphiquement, pour les trois conditions, il n'y a pas de différence. Mais la


distance à parcourir n'est pas la même si on change de condition. La Figure 42 montre,
pour la condition symétrique, les distances à parcourir des coins du traqueur aux coins
de la cible. La Figure 43 et la Figure 44 montrent respectivement les distances à

60
parcourir pour réaliser la même tâche dans la condition asymétrique gauche et la
condition asymétrique droite.

A’

C’

Figure 42. Distances à parcourir dans la condition symétrique

Position Dimension
A

A’

C’

Figure 43. Distances à parcourir dans la condition asymétrique gauche

Position Dimension
A
A’

C’

Figure 44. Distances à parcourir dans la condition asymétrique droite

61
Entre la condition symétrique et la condition asymétrique gauche, la distance à
parcourir par le coin A est la même. En revanche, la distance à parcourir pour le coin C
augmente dans la condition asymétrique gauche. Il en est de même pour la condition
asymétrique droite où la distance pour le coin A est plus grande que dans la condition
asymétrique gauche. Toutes ces différences sont dûes à la définition des coordonnées du
rectangle cible et du rectangle traqueur qui change d'une condition à l'autre avec les
repères. Le Tableau 5 reprend l'ensemble des coordonnées des coins pour notre
exemple, ainsi que les distances à parcourir entre les coins de la cible et du traqueur en
fonction des trois conditions.

Tableau 5. Coordonnées des coins et les distances en fonction des conditions

Condition Coordonnées Traqueur Cible Distance Distance


A C A' C' AA' CC'
X 100 150 80 230
Symétrique 36,1 106,3
Y 50 200 80 130
X 100 50 80 150
Asymétrique Gauche 36,1 141,4
Y 50 150 80 50
X 150 100 230 80
Asymétrique Droite 85,4 141,4
Y 50 200 80 130
Ce tableau représente un exemple des différences de distances à parcourir pour un
même rectangle pour les trois conditions. Ici, la condition la plus pénalisée est la
condition asymétrique droite, mais pour d'autres cas, ce n'est pas toujours la même
condition qui est avantagée ou pénalisée. Idéalement, il aurait fallu créer une liste de
rectangle qui ne donne pas plus d'avantage à une condition ou à une autre, mais nous
nous sommes aperçus de ce subtil défaut pendant la période de traitement des résultats.

III.4 Prédictions

L’étude comparative de Kabbash, Buxton et Sellen [KBS94] sur quatre techniques


de manipulation directe a montré que l’interaction bimanuelle améliore les
performances par rapport à l’interaction unimanuelle de la technologie courante. Ils ont
aussi noté que les différentes interactions bimanuelles n’offrent pas le même niveau de
performance et donc que les interactions bimanuelles ne sont pas toutes équivalentes et
performantes. De par les caractéristiques qui différencient les interactions bimanuelles
étudiées, ils en concluent que la division du travail entre les deux mains est un facteur
important.

62
À la lumière du modèle de la chaîne cinématique qui définit et propose des
principes sur la division du travail entre la main préférée et la main non préférée dans
des tâches quotidiennes, nous pouvons prédire quelle condition devrait être la plus
intuitive et la plus en accord avec le processus de perception—action de l’homme.
Selon le modèle de la chaîne cinématique, la coordination bimanuelle prend
préférentiellement chez l’humain la forme d’une coordination asymétrique dépendante.
Les deux mains n’ont pas le même le rôle et le mouvement de la main préférée tend à
s’inscrire dans le repère fourni par la main non préférée. Les conditions asymétriques
devraient alors présenter un avantage par rapport à la condition symétrique, étant plus
en accord avec l’organisation de la motricité humaine. La condition la plus performante
devrait être la condition qui respecte le mieux les trois principes du modèle définissant
la coordination bimanuelle. Cette condition est la condition asymétrique gauche où le
positionnement est confié à la main gauche et le dimensionnement est confié à la main
droite.

Pour comparer les différentes conditions expérimentales, nous prenons comme


indice de performance le temps moyen sur un ensemble d’essais par condition pour
réaliser la tâche.

III.5 Procédure

Un groupe de 12 sujets, composé de 7 femmes et 5 hommes, tous droitiers et


ayant une pratique quotidienne de la souris et des interfaces graphiques, a été
sélectionné en fonction des critères définis dans le chapitre précédent.

Le sujet est face à la tablette placée devant l’écran de l’ordinateur (voir Figure
18). La tâche à accomplir dans cette expérience consiste à faire coïncider le traqueur, un
rectangle noir, avec la cible, un rectangle rouge. La Figure 45 représente un exemple
d’état initial, le rectangle traqueur a une position et une taille aléatoires et la cible a une
autre position et une autre taille aléatoires. Le sujet doit, à l’aide des deux curseurs,
changer la configuration du traqueur dont les deux coins du rectangle contrôlés par
chacune des deux mains sont repérés par deux poignées.

63
Traqueur

Cible

Poignée à chacun des coins manipulés par une main

Figure 45. Cible et traqueur avec ses poignées

La Figure 46 montre l’état final. La tâche est terminée lorsque le traqueur


superpose le rectangle cible pendant 500 ms. La tolérance est définie par l’épaisseur du
trait du rectangle cible, de 5 pixels de large.

Figure 46. Fin de tâche : coïncidence du traqueur et de la cible

Pour chaque condition, un sujet réalise 9 blocs de 21 cibles. L’ordre de passage


des conditions est contrebalancé d’un bloc à l’autre afin de distribuer également sur
toutes les conditions l’influence de l’apprentissage d'un mode d'interaction. La position
et la dimension des rectangles cibles sont définies par un tirage aléatoire. La position et
la dimension des rectangles cibles, ainsi que l’ordre de passage des rectangles, des blocs
et des conditions sont les mêmes pour chacun des sujets.

Avant l’exécution d’un bloc, le sujet se familiarise avec la nouvelle condition sur
deux ou trois cibles aléatoires à sa convenance.

Afin de motiver le sujet à améliorer son score, le temps moyen obtenu pour un
bloc est affiché sur l’écran. Un sujet superpose au total 567 rectangles, ce qui
correspond à la réalisation de 9 blocs de 21 cibles pour les 3 conditions. La durée totale
de l’expérience par sujet est d’environ 1 heure 30 minutes.

64
III.6 Résultats

III.6.1 Performances

Toutes conditions confondues, le temps moyen obtenu sur l’ensemble des sujets
pour accomplir la tâche est de 4,20 secondes avec un écart type de 0,50 secondes. La
Figure 47 donne les temps moyens pour chaque condition et pour tous les sujets
confondus, ainsi que les intervalles de confiance à p = 0,05. Pour les trois conditions,
les sujets ont effectué la tâche dans des temps significativement différents.

0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0

3,91
Symetrique

p<.01

4,24
Asymetrique -
Gauche

p<.05

4,45
Asymetrique -
Droite

Figure 47. Temps moyens en seconde

Les deux conditions asymétriques sont significativement différentes (Test de


Wilcoxon, p = 0,04). Cette première comparaison nous montre que les sujets sont plus
rapides avec un positionnement main gauche et dimensionnement main droite que
l’inverse. Ce résultat confirme notre prédiction dérivée du modèle de la chaîne
cinématique.

En revanche, contrairement à nos attentes, le temps moyen de réalisation est


significativement plus court pour la condition symétrique que pour les deux conditions
asymétriques (Test de Wilcoxon, p < 0,01).

65
Nous avons procédé à une étude plus fine du mouvement pour caractériser
l'influence du facteur condition.

III.6.2 Inactivité

Les sujets mettent en moyenne 4,19 secondes pour atteindre la cible. Mais ils ne
sont pas continuellement en mouvement, comme le montre la Figure 48, qui représente
le pourcentage de temps d’inactivité par rapport au temps total pour chaque condition,
ainsi que l'intervalle de confiance à p = 0,05. Les sujets passent presque la moitié du
temps avec les deux mains immobiles, il n'y aucune activité sur la tablette pendant ce
temps. On remarque aussi que les conditions n’influencent pas le comportement des
sujets au niveau de leur inactivité. Les trois pourcentages d'inactivité ne sont pas
significativement différents.

50% 45,5% 46,0% 45,6%

40%

30%

20%

10%

0%
Asymétrique - Gauche Asymétrique - Droite Symétrique

Figure 48. Pourcentage d'Inactivité

III.6.3 Précession temporelle de réalisation de la tâche

Si nous reprenons les trois principes du modèle de la chaîne cinématique, la


précession temporelle, la granularité, et la dépendance référentielle, deux des trois
principes sont fixés par la tâche et par la condition. La dépendance référentielle est

66
déterminée par la condition : il y a dépendance dans les conditions asymétriques et
indépendance dans la condition symétrique. La granularité, c’est-à-dire la différence de
distance à parcourir par chaque main est fonction des rectangles présentés. Il ne reste
donc plus qu’un principe qui est sans contrainte, la précession temporelle. Le sujet a le
choix de faire coïncider le coin A ou le coin C en premier.

Le Figure 49 donne pour l’ensemble des sujets le nombre moyen de première


acquisition du coin A ou du coin C par condition qui correspond à un total de 20
rectangles, avec les intervalles de confiance à p = 0,05. Ces valeurs représentent donc la
précession temporelle entre les deux coins de réalisation de leur tâche.

25
Coin A Coin C

19,9
20 18

15 11,6

8,4
10

5
2

0,1
0
Symetrique Asymetrique - Gauche Asymetrique - Droite

Figure 49. Distribution des premières acquisitions

Pour mieux comprendre ces chiffres, il est à noter que nous avons utilisé les
mêmes rectangles pour les trois conditions, mais, du fait de la différence de définition
d'un rectangle entre les conditions, la distance à parcourir pour chaque main n’est pas la
même dans chaque condition (III.3.5). Nous présentons, dans le Tableau 6, la moyenne
sur les 9 blocs, du nombre de fois où la distance cible-traqueur d'un coin est inférieur
celle de l'autre coin. Par exemple, la condition symétrique a 11 rectangles sur 20, en
moyenne sur les 9 blocs, où le coin A demande un mouvement moins grand que le coin
C.

67
Tableau 6. Occurrence moyenne de proximité des coins de la cible

Occurrence de proximité (/20) Écart type


Coin A Coin C
Symétrique 11,2 8,8 1,0
Asymétrique Gauche 2,4 17,6 1,0
Asymétrique Droite 2,6 17,4 0,9

Le principe de la précession temporelle de la main gauche n'est pas mis en


évidence dans la condition symétrique où les rôles des deux mains sont qualitativement
identiques. Même s'il y a un écart entre les occurrences d'acquisition des deux coins, cet
écart n'est pas significatif (Test de Wilcoxon, p = 0,26). La main gauche finit l'action de
pointage du coin sans précession temporelle par rapport à la main droite. On peut
envisager deux interprétations pour expliquer cette légère précession du coin A sur le
coin C. La première hypothèse est la distance à effectuer par chacune des deux mains, le
tirage aléatoire a donné, voir au Tableau 6, un léger avantage à la main gauche. On
remarque que la précession temporelle obtenue par les sujets dans la condition
symétrique est très proche de ce que la tâche imposait comme distance.

La deuxième hypothèse se réfère au modèle de la chaîne cinématique. D’après


Guiard [Gui87], nos actions bimanuelles quotidiennes sont souvent asymétriques
dépendantes. Nous avons donc l’habitude de réaliser nos actions selon les trois
principes du modèle, c’est-à-dire de finir notre mouvement par la main non préférée et
de terminer le geste par la main préférée. Cette habitude peut avoir influencé les sujets.

Le principe de la précession temporelle de la main gauche du modèle de la chaîne


cinématique semble vérifié dans la condition asymétrique gauche, où la main gauche
contrôle la position du coin A. L'écart est net, (Test de Wilcoxon, p = 0,002), le coin A
termine sa course en moyenne 99,5 % des fois avant le coin C contrôlé par la main
droite. Donc, la main gauche a tendance à terminer le geste avant la main droite.

La condition asymétrique droite obtient un résultat à peu près équivalent à celui


de la condition asymétrique gauche, (Test de Wilcoxon, p = 0,002), les sujets ont acquis
en moyenne, dans 90 % des cas, le coin A en premier. Le principe de précession
temporelle de la main gauche est-il vérifié pour autant ? A priori, ce résultat est en
contradiction avec le troisième principe du modèle de la chaîne cinématique car dans la

68
condition asymétrique droite, le coin A, qui a une forte tendance à terminer sa sous-
tâche avant le coin C, est contrôlé par la main droite. Donc, la main droite termine son
geste avant la main gauche contrairement à ce que prédit le modèle, du moins en
fonction de sa lecture.

Selon le principe de précession temporelle de la main gauche, les sujets auraient


dû dimensionner le rectangle avec leur main gauche (coin C), et ensuite le positionner
avec leur main droite (coin A). En fait, comme dans la condition asymétrique gauche,
les sujets positionnent d'abord le rectangle à l'aide du coin A et ensuite ils terminent
l'action par le changement de taille à l'aide du coin C. Si dans la vie de tous les jours,
lors d'une coordination bimanuelle, le geste de la main gauche se termine avant celui de
la main droite, c'est parce que nous avons dû former un système asymétrique avec nos
deux mains où par définition chez les droitiers, c'est la main gauche qui fixe l'espace de
travail de la main droite. Au regard de nos résultats, on conclut que le principe de
précession temporelle de la main gauche est imposé par la hiérarchie de la chaîne
cinématique. C'est une règle dépendante de la chaîne formée par les deux mains, qu'elle
soit libre dans la division du travail comme dans la vie de tous les jours ou bien imposée
comme dans notre expérience.

Le principe de précession temporelle de Guiard [Gui87] préconise que la main


préférée agit après la main non-préférée. Les résultats de cette section nous montrent
que lorsqu'on a un système asymétrique, il y a effectivement une précession temporelle
entre les deux mains. Ce n'est pas forcément la main non-préférée ou la main préférée,
mais plutôt la main qui fixe l'espace de travail qui finit son mouvement avant l'autre
main. Nous comprenons donc que dans les actions quotidiennes la précession
temporelle n'est due qu'à la présence d'une coordination asymétrique chez l'homme où
la main non-préférée est choisie pour fixer l'espace de travail de l'autre main. Nous
concluons alors que le principe de précession temporelle est dépendant du système
asymétrique, et qu'il n'y a pas de précession temporelle en présence d'un système
symétrique.

III.6.4 Précession temporelle, amorce de mouvement

Dans la section précédente, nous avons interprété le troisième principe du modèle


de la chaîne cinématique, la précession temporelle, comme l'achèvement d’une sous-

69
tâche. Une deuxième lecture de la règle de précession temporelle consiste à interpréter
la précession temporelle comme le démarrage du mouvement de réalisation et non pas
sa fin. Au lieu de chercher à trouver quelle main arrive en premier, on cherche quelle
main commence à bouger en premier.

Comme précédemment, nous présentons la précession temporelle des sujets, mais


cette fois-ci, nous mesurons le nombre de fois que le coin A ou le coin C est déplacé en
premier. La Figure 50 donne pour l’ensemble des sujets le nombre moyen par condition
sur un bloc de premier déplacement du coin A ou du coin C pour un total de 20
rectangles.

20,0
Coin A Coin C 15,1
18,0

16,0 12,9 p<,01

14,0 p<,05 11,0


12,0 9,0
10,0 7,1

8,0 4,9

6,0

4,0

2,0

0,0
Symetrique Asymetrique - Gauche Asymetrique - Droite

Figure 50. Distribution des coins déplacés en premier

Dans la condition asymétrique gauche, le nombre de fois que le coin A est déplacé
en premier n’est pas significativement différent de celui du coin C. Ce qui signifie que,
dans la condition conforme aux principes du modèle de la chaîne cinématique, les sujets
bougent, en premier, aussi bien et sans prédominance, leur main gauche que leur main
droite. Dans la condition asymétrique gauche, condition conforme à la chaîne
cinématique, le principe de précession temporelle n'est pas vérifié, ni même inversé car
aucune des deux mains n'est préférée.

70
Dans la condition asymétrique droite, les sujets ont plus souvent bougé en premier
le coin A que le coin C, et inversement dans la condition symétrique. Les différences
sont significatives pour la condition asymétrique droite (Test de Wilcoxon, p = 0,005) et
pour la condition symétrique (Test de Wilcoxon, p = 0,02). Nous rappelons que pour la
condition asymétrique droite, la main gauche contrôle le coin C et la main droite le coin
A. Dans la condition symétrique, les sujets contrôlent le coin A avec la main gauche et
le coin C avec la main droite. Donc, pour ces deux conditions, les sujets ont eu tendance
à déplacer en premier la main droite plutôt que la main gauche, c’est-à-dire l’inverse de
ce que l’on pourrait attendre en se référant au premier principe du modèle de la chaîne
cinématique, principe qui définit la précession temporelle entre la main préférée et la
main non préférée.

En reprenant le raisonnement du paragraphe III.6.4, où l'on a redéfini la


précession temporelle d'une main en précisant que la main qui précède l'autre n'est pas
la main non-préférée mais la main qui contrôle l'espace de travail, alors le principe du
modèle de la chaîne cinématique est vérifié mais seulement dans la condition
asymétrique droite.

On peut noter aussi qu’il n’y a pas de corrélation entre le classement des coins
déplacés en premier et le classement des coins acquis en premier. Cela signifie que ce
n’est pas la première main qui commence à bouger qui finit sa tâche en premier.

III.6.5 Parallélisme

Dans leur article de 1986, Buxton et Myers [BM86] mettent en évidence une
corrélation entre la performance (temps de réalisation de la tâche) et le parallélisme
temporel entre les actions des deux mains. Ils montrent que les sujets qui réalisent la
tâche en bougeant leurs deux mains en même temps sont plus performants que ceux qui
accomplissent les sous-tâches de façon séquentielle. La mesure du niveau de
parallélisme bimanuel est le pourcentage de temps où les deux mains bougent par
rapport au temps total de mouvement. Le niveau de parallélisme réalisé dans notre
expérience est illustré à la Figure 51 avec les intervalles de confiance avec p = 0,05. Il
est calculé en fonction du mouvement des coins du rectangle sur l’écran.

71
60%

42% p<.01
50%

40% 31%
28%

30%

20%

10%

0%
Symétrique Asymétrique - Gauche Asymétrique - Droite

Figure 51. Pourcentage de Parallélisme / Mouvement

Les résultats montrent que le niveau de parallélisme est significativement plus


élevé dans la condition symétrique, par rapport à la condition asymétrique gauche (Test
de Wilcoxon, p = 0,002) et la condition asymétrique droite (Test de Wilcoxon, p =
0,004). Le niveau de parallélisme le moins élevé apparaît dans la condition asymétrique
droite.

Si l’on rapproche les pourcentages de parallélisme de chaque condition aux


mesures temporelles de performances présentées au paragraphe III.6.1, on constate qu’il
y a une liaison positive entre la performance et le niveau de parallélisme. Ce résultat est
en accord avec les conclusions de Buxton. Il est évident que le manque de parallélisme
n'est pas à l'origine d'une diminution des performances, mais il est le signe d'une
interaction qui n'est pas intuitive et naturelle pour les utilisateurs qu'elle ne permet pas
une bonne performance.

Certes, le temps mis pour effectuer deux sous-tâches en parallèle est inférieur au
temps mis pour réaliser ces deux mêmes sous-tâches en séquentiel. Les travaux de
Buxton permettent de mettre en évidence ce principe. Mais nous voulons faire une
analyse plus fine pour déterminer quelle sous-tâche est influencée par le facteur
condition. La quantification de l’efficacité du mouvement dans chaque sous-tâche pour

72
chaque condition devrait nous permettre de mieux comprendre le comportement des
sujets.

III.6.6 Quantification de l’efficacité de déplacement

Nous nous inspirons ici du travail de Zhai (1998), qui a mis au point une méthode
de quantification de la coordination fondée sur l'idée qu'une tâche mettant en œuvre de
multiples DL progresse plus vite si, pour tous ces DL, la distance à couvrir, ou erreur
courante, se réduit en parallèle. Supposons qu'il s'agisse d'amener un objet à une
certaine position dans une certaine orientation. Le principe de l'analyse de Zhai (1998)
est de présenter l'action du sujet sur un graphique en nuage de points portant l'erreur
courante de position en abscisse et l'erreur courante d'orientation en ordonnée,
l'intersection des deux axes correspondant au niveau zéro d'erreur dans chacune des
dimensions de la tâche. Si le positionnement et l'orientation se produisent en parallèle,
on obtient un tracé rectiligne de longueur minimale, qui conduit directement au but. Si
le positionnement et l'orientation de l'objet se font parfaitement en séquence, on obtient
un tracé en marches d'escalier, de plus grande longueur que le tracé décrit
précédemment. La méthode consiste donc à mesurer la longueur du tracé correspondant
à la performance enregistrée, le tracé le plus court correspondant à la meilleure
coordination.

Nous cherchons une mesure qui mettrait en évidence l'utilisabilité de nos modes
d'interactions. Nous prenons comme mesure l'efficacité d'un mouvement. Cette mesure
est un témoin de l'adaptation des sujets à un mode d'interaction, en d'autres termes,
l'efficacité du mouvement nous montre si le mode d'interaction est intuitif et ne
contrarie pas les principes de perception – action humaines, ainsi que ses habitudes
d'interaction avec le monde environnant.

Nos conditions se caractérisent par le mouvement engendré par chacune des


mains des sujets. Pour notre mesure de l’efficacité, nous analysons les distances
parcourues par chacun des coins. Plus la distance de parcours, entre le point de départ et
la cible, est petite plus le mouvement est efficace. Et inversement, une grande distance
correspond à un mouvement inefficace où le sujet a réalisé un parcours qui comporte
des mouvements qui ne sont pas utiles à la réalisation de la tâche. Ces mouvements

73
inutiles sont le témoin de la perturbation dûe à une incompréhension du mode
d'interaction par le sujet.

Trajectoire idéale Trajectoire du sujet

Figure 52. Comparaison du parcours réalisé par le sujet avec le parcours idéal

Pour illustrer notre mesure, prenons l'exemple d'un rectangle que l'on doit
atteindre en interaction symétrique. La Figure 52 montre le traqueur à gauche dans sa
position initiale, et la cible à droite. Nous avons représenté les trajectoires idéales
formées par les coins traqueurs et les coins cibles. Ces trajectoires correspondent aux
mouvements engendrés dans le cas où le sujet pourrait aller droit au but avec une
interaction adéquate. Nous avons représenté sur le même graphique les trajectoires
réalisées par un sujet, en forme de courbes, des deux coins du traqueur atteignant la
cible. La forme de la trajectoire nous montre que le sujet n'a pas été efficace, il n'a pas
réussi à réaliser deux mouvements rectilignes. Au final, la distance parcourue par le
sujet est plus grande que la distance minimale.

Notre analyse consiste à comparer cette mesure d'efficacité, que nous venons de
décrire, dans toutes les conditions, pour mettre en évidence la présence de problèmes
d’interaction. On est alors tenté, vu la description précédente sur les trajectoires et leur
longueur, de prendre comme mesure d'efficacité les distances parcourues par chacun des
coins.

Malheureusement, la distance parcourue n'est pas une bonne mesure. En effet,


même si l'inefficacité croit avec la distance parcourue, elle ne convient pas pour une
comparaison entre plusieurs mesures pour trois raisons.

74
La première raison est due au tirage aléatoire des positions et des dimensions des
rectangles que nous avons décrit dans le paragraphe III.5. Ce qui signifie qu'un sujet ne
fait pas deux fois le même rectangle dans une condition. Un sujet doit réaliser des
distances pouvant aller, par exemple pour le coin A en interaction symétrique, de 13
pixels au minimum jusqu'à 620 pixels. La moyenne des distances parcourues sur
l'ensemble de ces rectangles pour cette condition ne serait plus significative de
l'inefficacité.

De plus, comme le précise le paragraphe III.3.5, les différences de repères


entraînent des écarts entre les distances à parcourir d'une condition à l'autre bien que
nous ayons utilisé les mêmes séries de rectangles. Ceci nous oblige à trouver une autre
mesure de l'efficacité de mouvement pour comparer deux à deux les conditions.

Enfin dernier point, on ne peut pas faire de comparaison des mesures d'efficacité
entre les deux coins d'un même rectangle, puisque que par exemple dans les conditions
asymétriques, la distance de positionnement n'est jamais égale à la distance de
redimensionnement.

La distance parcourue n’est donc pas la bonne mesure pour comparer et analyser
les conditions et les mouvements des mains entre elles. Nous devons donc trouver une
mesure qui résolve les problèmes précédemment cités. Dans les trois cas, le problème
commun est l'inégalité des distances idéales que nous voulons comparer.

L’idéal serait de prendre une échelle qui indiquerait que le sujet a réalisé la tâche
le mieux possible. Pour quantifier cette efficacité du contrôle, on décide d'utiliser une
échelle de mesure commune à tous les coins et à toutes les conditions, et de rendre la
mesure d'efficacité indépendante de la distance idéale. Nous prenons alors comme
mesure le rapport entre la distance parcourue par le sujet et la distance minimale pour
atteindre la cible en fonction de la condition, voir Équation 1.

Efficacité = distance parcourue / distance minimale.

Équation 1. Calcul de l'efficacité de mouvement

Avec cette quantification, une valeur égale à 1 signifie que le sujet a réalisé le
plus court chemin, c'est-à-dire la ligne droite en partant de la position initiale du coin du
traqueur jusqu'à la position du coin de la cible dans la condition donnée.

75
Nous appliquons cette mesure indépendamment sur le coin A et le coin C pour les
trois conditions. Le rapport moyen des sujets est représenté à la Figure 53,avec les
intervalles de confiance, à p = 0,05.

7,00
5,30

6,00 Coin A Coin C 4,95 p < 0,01


p < 0,01
5,00

Positionnement Redimensionnement
4,00

3,00

2,00
1,45 1,49 1,39 1,31
1,00

0,00
Symetrique Asymetrique - Gauche Asymetrique - Droite

Figure 53. Distance Parcourue / Distance Minimale

Dans la condition symétrique, les mouvements des deux mains sont tous les deux
proches de l'optimum. Les sujets réalisent une trajectoire 1,5 fois plus longue que
l’idéal. Et il n’y a pas de différence significative, (Test de Wilcoxon, p = 0,7) entre les
longueurs des trajectoires des deux coins. Les résultats obtenus dans cette condition par
les sujets mettent en évidence que les êtres humains peuvent accomplir des tâches
symétriques indépendantes, c'est-à-dire qu'ils peuvent faire aussi bien avec leur main
non préférée qu'avec leur main préférée.

Dans les deux conditions asymétriques, le schéma des résultats est identique. Le
coin A est déplacé significativement (Test de Wilcoxon, p = 0,002, pour les deux
conditions) plus efficacement que le coin C. La Figure 53 montre bien que les
conditions asymétriques posent un problème d’interaction : les sujets font plus de 5,1
fois en moyenne la distance qu’ils devraient faire pour donner la bonne dimension au
rectangle et 1,3 fois en moyenne la distance parcourue, dans les mêmes conditions, par
le coin opposé, le coin A. On note que dans ces deux conditions, c'est le même coin , le
coin A, porteur du rectangle qui obtient la meilleure performance, ce qui signifie que les

76
sujets sont plus efficaces avec la main gauche pour la condition asymétrique gauche et
la main droite avec la condition asymétrique droite. La main la plus performante n'est
pas la main préférée ou non préférée mais la main qui porte le rectangle, la performance
n’est pas déterminée par la préférence manuelle, elle est dépendante de la fonction.

Pour illustrer l'inefficacité des sujets, nous présentons l'acquisition d'un rectangle
dans les trois conditions par un même sujet. La Figure 54 représente un exemple de
trajectoires effectuées par les deux coins. Nous avons superposé sur le graphique la
forme des rectangles traqueur et cible.

Traqueur

Cible

Figure 54. Trajectoires pour la condition symétrique

Nous voyons que les trajectoires ne comportent pas de boucle, elles sont
quasiment rectilignes, les valeurs proche de 1 pour la condition symétrique à la Figure
53 sont assez représentatives des trajectoires effectuées.

77
La Figure 55 montre un exemple de trajectoires pour la condition asymétrique
gauche. Nous ne pouvons rajouter les rectangles cible et traqueur par-dessus le
graphique, pour les conditions asymétriques, car les coordonnées ne sont pas dans le
même repère. Le coin A a été manipulé quasiment avec une trajectoire rectiligne. Et le
coin C a suivi une boucle qui l'éloignait de la cible contrairement à la condition
précédente où le coin C a suivi une trajectoire beaucoup plus directe. Ce graphique en
nous présentant les trajectoires effectuées explique les valeurs obtenues à la Figure 53
pour la condition asymétrique gauche.

Figure 55. Trajectoires pour la condition asymétrique gauche

Enfin, avec la Figure 55 montre un exemple de trajectoires pour la condition


asymétrique droite. Dans cette condition, le sujet s'est comporté de la même manière
que dans la condition asymétrique gauche, c'est-à-dire un mouvement efficace avec le
coin A et un mouvement très perturbé pour le coin C.

78
Figure 56. Trajectoires pour la condition asymétrique droite

Les sujets ont eu tendance à déplacer leurs deux mains toujours en parallèle sur la
tablette graphique indifféremment pour les trois conditions. Ce qui a été évidement
constructif pour la condition symétrique. Alors que pour les deux conditions
asymétriques ce geste a été destructeur pour le coin C, et les sujets ont dû corriger
l'erreur sur le coin C une fois que le coin A était arrivé à la cible. Les déplacements du
coin C étaient si peu contrôlés par le sujet au détriment du coin A que le curseur du coin
C sortait quelquefois de la surface sensible de la tablette, la ligne verticale sur la
trajectoire du coin C est le bord de la tablette graphique. Le fait de déplacer presque à
chaque fois les deux curseurs en parallèle explique deux résultats, le nombre de fois où
le coin A arrive en premier (III.6.3) mais aussi la valeur d'efficacité montrée dans cette
section à la Figure 53.

79
Les mouvements sont presque idéaux avec une interaction symétrique, alors que
les interactions asymétriques perturbent fortement les sujets au point de réaliser des
mouvements qui ne sont pas utiles.

Ceci explique que le rapport entre la distance parcourue et la distance minimale


est corrélé négativement avec la performance du sujet. En effet lorsque ce rapport
augmente la performance du sujet diminue. Et puisque la performance dépend de la
condition, cette étude permet de montrer que la division du travail est un facteur
important sur les performances des sujets.

III.7 Discussion

III.7.1 Discussion sur les résultats et le modèle

Nous avons réalisé une expérience où la tâche est de dessiner un rectangle à l'aide
de deux périphériques d'entrée. Le tracé d'un rectangle représente une multitude de
tâches que nous retrouvons souvent dans une interface graphique. Les résultats de notre
expérience nous permettent d'imaginer l'influence sur la réalisation d'une sélection
d'icônes, de la manipulation d'une fenêtre, du tracé de différentes formes géométriques
simples, à l'aide d'une interaction bimanuelle. À la lumière des travaux de Guiard
[Gui87] et de Kabbash, MacKenzie et Buxton [KBM93], nous avons testé trois
distributions de division des rôles (ou DL) entre les deux mains. Les performances des
sujets et l'analyse de leurs mouvements vont nous indiquer quelle est l'interaction
adaptée pour ce type de manipulation informatique.

Les trois interactions bimanuelles dans notre étude sont représentées par la
condition symétrique, condition où les deux mains ont un rôle similaire, la condition
asymétrique gauche, condition où la main gauche (main non préférée de nos sujets)
porte le rectangle et la main droite (main préférée de nos sujets) redimensionne celui-ci,
et la condition asymétrique droite, condition où la main gauche redimensionne et la
main droite positionne le rectangle.

La première mesure est la performance de nos sujets, c'est-à-dire le temps moyen


mis par les sujets pour dessiner les rectangles dans une condition. Cette première
mesure, présentée au paragraphe III.6.1, nous met en garde sur l'utilisation de

80
l'interaction bimanuelle, même si Buxton et Myers [BM86] trouvent que l'interaction
bimanuelle apporte une meilleure performance, toutes les interactions bimanuelles ne
sont pas forcément adéquates. En effet, comme le suggèrent les résultats de Kabbash,
MacKenzie et Buxton [KMB93], nos résultats montrent que des interactions
bimanuelles différentes donnent des performances significativement différentes.

Nous avons prédit que la condition asymétrique droite, condition la moins


conforme aux principes du modèle de la chaîne cinématique, défavoriserait le plus les
sujets. Les performances des sujets valident le modèle de la chaîne cinématique et nos
attentes sur la condition asymétrique droite. En effet, les sujets ont été significativement
moins rapides dans la condition asymétrique droite qui contredit plus le modèle que la
condition asymétrique gauche.

Les résultats sont toutefois quelque peu ambivalents. Ce que nous n'avions pas
prédit, c'est que les sujets seraient plus rapides dans la condition assignant les mêmes
rôles aux deux mains que dans la condition asymétrique. Nous pouvons tirer deux
conclusions de ce résultat.

On peut s'interroger en définitive sur la pertinence du modèle pour une tâche


comme celle de cette expérience, dont les deux composantes sont finalement assez peu
dissemblables, comparées aux multiples tâches de la vie quotidienne (comme écrire,
dessiner, manipuler une batte de base-ball ou un club de golf) auxquelles Guiard
[Gui87] fait référence dans son modèle. Nos résultats suggèrent que, pour certaines
tâches comme celles que nous avons étudiées, un fonctionnement symétrique du
système bimanuel est plus efficace.

Comme nous le rappelle Guiard [Gui87], nos manipulations quotidiennes sont


généralement asymétriques, ce qui fait dire aux gens qu'ils sont « gauchers » ou
« droitiers ». Lors de notre expérience, nous avons expliqué la tâche aux sujets en leur
montrant les deux curseurs et le rectangle à l'écran. Leur réaction a été, en général, la
surprise d'une telle interaction car ils étaient persuadés d'être incapable de dessiner avec
leur main gauche (les sujets étaient tous fortement droitiers). Pourtant ils ont tous été
plus performants, paragraphe III.6.1, avec la condition symétrique que dans n'importe
quelle autre condition asymétrique. Au vu des performances, nous pouvons dire que
contrairement à ce qu'ils pensaient l'utilisation de la main gauche ne leur a pas posé de

81
problème pour dessiner. De plus, l'analyse d'occurrence de première acquisition,
paragraphe III.6.3 et l'analyse de l'efficacité du mouvement, paragraphe III.6.6, mettent
clairement en évidence que la main gauche ne se différencie pas de la main droite.

L'analyse d'occurrence de première acquisition nous aide à mieux comprendre les


principes du modèle de la chaîne cinématique. En effet, dans les résultats pour les deux
conditions asymétriques, paragraphe III.6.3, les coins porteurs arrivent largement plus
souvent les premiers par rapport aux coins de redimensionnement. Ceci pourrait
contredire le modèle qui précise que la main gauche arrive en premier alors que dans la
condition asymétrique droite c'est la main droite qui précède la main gauche. En fait,
dans la vie quotidienne, nous avons généralement le choix d'utiliser une main ou l'autre
pour contrôler chacune des composantes de la tâche. Le modèle suggère qu'il y a une
précession temporelle de la main non préférée, mais en fait cette précession serait due
au fait que la main non préférée contrôle l'espace de travail de l'autre main. Or dans
notre expérience nous avons imposé le choix aux sujets. Les résultats nous font conclure
qu'il faut comprendre le principe de précession temporelle autrement. S'il y a précession
temporelle, c'est qu'une des deux sous-tâches est généralement commencée et/ou
terminée pour que la deuxième puisse être réalisée à son tour. Il est plus aisé de
redimensionner le rectangle une fois que celui se trouve au-dessus de l'autre. La
situation inverse, c'est-à-dire le redimensionnement en premier, n'est pas impossible,
mais ce choix de précession est rarement fait par les utilisateurs. Nos résultats suggèrent
donc que le principe de précession temporelle soit dû à la dépendance entre les deux
composantes de l'action et de son organisation. On confirme qu'il y a bien précession
temporelle, et l'on suggère deux précisions : la précession existe seulement lorsqu'il y a
une asymétrie dépendante des composantes de la tâche, et le contrôle qui précède l'autre
temporellement, est le contrôle dominant l'autre. Ces suggestions ne contredisent pas le
modèle de la chaîne cinématique, puisque dans la vie quotidienne, lors d'une
manipulation asymétrique dépendante, nous sommes devant un choix de distribution
entre les deux mains. Ce choix est généralement le même, nous utilisons notre main
non-préférée pour contrôler le repère de l'autre main. Une fois ce choix fait, en
reprenant nos suggestions, la main non-préférée contrôlant le repère dominant arrive en
premier, nous confirmons les suggestions du modèle de la chaîne cinématique sur la
précession temporelle.

82
III.7.2 Applications à l'interaction homme-machine

Nous savions, au vu des résultats de Kabbash, MacKenzie et Buxton [KMB93],


que toutes les interactions bimanuelles ne sont pas équivalentes. Nos résultats l'ont
confirmé et nous avons mis en évidence deux points. Premièrement, nous avons montré
qu'il existait deux types d'interactions bimanuelles : les interactions symétriques
indépendantes et les interactions asymétriques dépendantes. Le deuxième point de notre
conclusion est que bien que les utilisateurs aient l'habitude d'utiliser une interaction
asymétrique dépendante dans leur vie quotidienne, les êtres humains peuvent faire des
interactions symétriques lorsque la tâche est composée de sous-tâches semblables, et de
plus ils obtiennent de meilleures performances qu'avec une interaction asymétrique.

Ces conclusions sont très importantes car, sur un ordinateur, on retrouve de


nombreuses tâches symétriques comme nous l'indiquions en introduction, paragraphe
III.1, tels que le tracé d'un rectangle, ou de formes géométrique simples ainsi que la
manipulation d'une fenêtre ou bien la sélection d'icônes font intervenir des composantes
symétriques indépendantes. L'interaction bimanuelle avec une coordination symétrique
a donc de nombreuses applications.

Autre point, toutes les interactions bimanuelles ne sont pas équivalentes. Si l'on
veut proposer une interaction bimanuelle, il faut reconnaître dans la tâche ses
composantes pour déterminer si l'on a affaire à une tâche symétrique ou asymétrique.
On sait que si c'est une coordination symétrique, bien que les sujets soient réticents, ils
peuvent maîtriser l'interaction. Si la tâche est asymétrique, on ne doit pas contredire les
préférences des sujets pour obtenir de meilleures performances, il faut faire attention à
ne pas être en opposition avec l’un des principes du modèle de la chaîne cinématique, et
donner à la main non préférée le contrôle du repère dominant et à la main préférée le
contrôle du repère de travail.

83
Chapitre IV. Travail Expérimental :
Navigation - Pointage

IV.1 Introduction

Dans le chapitre précédent, nous avons fait l'étude de l'application des capacités
de coordination bimanuelle de l'homme à l'édition d'une figure rectangulaire. Dans ce
chapitre, l'étude de l'application de la coordination bimanuelle se poursuit dans une
tâche, tout comme l'édition graphique, qui est fréquente dans la manipualtion d'un
ordinateur : la navigation dans un document suivie de la sélection d'un objet. En 1986,
Buxton et Myers [BM86] ont montré que lors de la réalisation d’une tâche de
navigation-pointage dans un document, la possibilité d'une interaction bimanuelle avec
l'ordinateur augmente la performance des sujets. La tâche consistait à trouver et
sélectionner un mot placé dans une des trois colonnes d’un document vertical dont
seules quelques lignes étaient visibles dans la fenêtre.

Dans notre travail, nous étudions quatre conditions :

— une condition unimanuelle, qui fait intervenir le type d'interaction propre aux
interfaces graphiques actuelles,

— une condition bimanuelle proche de celle proposée par Buxton et Myers


[BM86],

— une condition manipulation directe,

— une condition coordonnées intégrées.

84
Les deux dernières conditions sont des conditions intermédiaires entre la
condition unimanuelle et la condition bimanuelle.

Nous évaluons et comparons ces quatre conditions à travers les performances des
sujets afin de déterminer la division des rôles la plus adéquate pour une tâche de
navigation – pointage. Ensuite, nous présentons les analyses cinématiques afin de
visualiser et de comprendre les différences observées entre chaque condition.

Les interfaces graphiques comportent comme principal élément de conception la


fenêtre. Les fenêtres permettent de diviser l’écran en zones indépendantes, de nombre
variable. Une autre caractéristique des fenêtres est qu’elles sont superposables. Les
fenêtres ont été conçues pour représenter et contenir en même temps plusieurs types
d’informations sur l’écran.

L’information affichée dans une fenêtre est typiquement un document de texte,


une image, ou un ensemble d’icônes. Les dimensions de cette représentation à l’écran
peuvent parfois excéder celles de la fenêtre : dans ce cas, la fenêtre n'offre qu'une vue
partielle du document, Figure 57.

Figure 57. La fenêtre, une vue partielle d'un document

Pour accéder aux parties invisibles du document, les concepteurs d’interfaces


graphiques ont créé les barres de défilement, « scrollbars » en anglais. Ces dispositifs
permettent de modifier la position relative du document et de la fenêtre.

85
Une barre de défilement représente la taille du document selon l’une de ses
dimensions, hauteur ou largeur. Elle contient un ascenseur donnant la position relative
de la vue selon cette dimension, c’est-à-dire la position de la fenêtre par rapport au
document. Pour déplacer la vue afin de voir les parties non visibles, il suffit d'acquérir
et modifier la position de l’ascenseur ; le déplacement réalisé est nommé navigation.

Dans notre utilisation quotidienne des barres de défilement, nous effectuons des
déplacements qui sont généralement suivis d'un pointage de cible, par exemple, un
bouton, un mot ou bien une sélection d'icônes qui sont devenus visibles grâce à la
navigation. Ainsi, la navigation – pointage permet de visualiser et/ou d’agir sur un
document, une image, un texte ou un ensemble d’objets dont la représentation n’est pas
entièrement visible dans une fenêtre.

Prenons un exemple précis : on veut cliquer sur une île du Pacifique dans une
carte géographique du monde présentée dans une fenêtre, Figure 58. La carte n’apparaît
pas entièrement à l'écran, la vue initiale étant placée au-dessus de l'océan Atlantique.
Nous n'avons pas alors la possibilité d’atteindre la cible avec le pointeur puisqu’elle ne
se trouve pas dans la fenêtre.

Cible à
atteindre

Figure 58. Position initiale de la vue, la cible à atteindre est inaccessible par le pointeur

La tâche de sélection implique une navigation, de la vue au-dessus du document


pour faire apparaître la cible à atteindre. Pour rendre accessible la cible masquée à la
Figure 58, l’utilisateur déplace les ascenseurs dans les barres et pour se trouver dans la

86
situation présentée à la Figure 59. Ensuite, lorsque la cible est accessible, Figure 59,
l’utilisateur peut acquérir celle-ci en déplaçant le pointeur, Figure 60, c’est le pointage.

Figure 59. Position de la vue après navigation, la cible est visible,


la fenêtre n'a pas changé de place à l'écran

Figure 60. Position finale du pointeur après pointage

Chacune des sous-tâches, de navigation et de pointage, possède son propre


référentiel. La tâche de navigation est le déplacement de la fenêtre dans le document. La
navigation correspond donc au contrôle de la position relative de la fenêtre par rapport
au document, et son plan de référence est le document. La tâche pointage est le
déplacement du pointeur dans la fenêtre. Le pointage correspond donc au contrôle de la
position du pointeur dans la fenêtre, et la fenêtre est le plan de référence pour le

87
pointeur. Les repères des deux sous-tâches étant définis comme imbriqués, en ce sens la
tâche de navigation – pointage est une tâche asymétrique.

Lors du pointage, l’utilisateur déplace le pointeur dans l’interface graphique. La


position du pointeur dans la fenêtre du document est déterminée uniquement par le
mouvement engendré par l’utilisateur à l’aide de la souris. Cependant, la position du
pointeur dans le document ne dépend pas seulement de la position du pointeur dans la
fenêtre, mais aussi de celle de la fenêtre par rapport au document. En effet, le pointeur
se déplace au-dessus du document, à travers la fenêtre. Par voie de conséquence, le
pointage est une tâche dépendante de la navigation. Cet ensemble de sous-tâches,
navigation et pointage, forme une tâche qui est donc par définition asymétrique
dépendante.

Le modèle de la chaîne cinématique s'applique ici très nettement puisqu'il y a une


dépendance d'un repère par rapport à l'autre. Nous nous retrouvons exactement dans le
cas décrit par Guiard [Gui87], c'est-à-dire d'un système asymétrique dépendant. Nous
donnerons évidemment au vue des résultats du chapitre précédent, une coordination en
accord avec les principes définis par Guiard [Gui87] où la main non-préférée contrôle
l'espace de travail de la seconde main.

Le pointage dans le document, c’est-à-dire le déplacement du pointeur dans la


fenêtre, est toujours une action à deux dimensions (2 DL). Elle est effectuée par
l’utilisateur à l’aide de la souris. Pour la navigation, le nombre de degrés de liberté
dépend du document édité. Par exemple, lorsque les pages d'un document de texte
n'entrent pas dans la fenêtre, il faut alors effectuer une navigation dans le sens vertical
pour les parcourir. Pour une image, la navigation se fait selon les deux dimensions,
horizontale et verticale. Buxton et Myers [BM86] ont réalisé leur expérience avec un
document nécessitant une navigation uniquement verticale (1 DL). Buxton et Myers ont
utilisé dans leur étude une tâche de navigation – pointage à 2 + 1 DL, c’est-à-dire 3 DL.
Comme dans le chapitre précédent, nous voulons généraliser l'étude, en faisant une
expérience avec un document à deux dimensions. Dans ce chapitre, nous proposons une
étude sur une tâche navigation - pointage à 2 + 2 DL = 4 DL.

88
IV.2 Conditions Expérimentales

Nous étudions quatre conditions expérimentales dans une tâche de navigation –


pointage. Les deux premières conditions sont inspirées des travaux de Buxton et Myers
[BM86], nous proposons de rajouter les deux autres conditions pour notre étude.

La première condition, que nous appelons condition unimanuelle ou condition


barres de défilement, correspond à l’utilisation d’un ordinateur avec une souris et une
interface graphique classique avec les barres de défilement sur deux des côtés de la
fenêtre. La main droite a donc la charge de la navigation et du pointage.

La deuxième condition, la condition bimanuelle, offre la possibilité de déplacer le


document avec un dispositif de pointage dans la main gauche pour contrôler la
navigation et une souris dans la main droite pour contrôler le pointage.

Ces deux conditions, étudiées par Buxton et Myers, se différencient par le nombre
de mains mises en œuvre pour l'interaction. Cependant, nous avons remarqué une autre
différence, qui se situe au niveau de la manipulation : la condition unimanuelle requiert
l’acquisition des ascenseurs avec la souris alors que la condition bimanuelle n’implique
pas d’acquisition puisque la barre de défilement, des glissières dans leur expérience, est
physiquement déjà placée dans la main gauche. Ainsi, la diminution du nombre de sous-
tâches est probablement un autre facteur de l’augmentation des performances. Ce qui
remet en question la conclusion de l’article de Buxton et Myers qui montre que
l’interaction bimanuelle est plus performante que l’interaction unimanuelle. Nous
proposons donc une condition manipulation directe, qui se situe entre la condition
unimanuelle, puisqu'elle ne fait intervenir qu'une main et la condition bimanuelle
puisqu'il n'y a pas d'acquisition des barres de défilement. Dans cette condition, le sujet
manipule directement le document sans passer par les barres de défilement avec sa main
droite, le nombre de sous-tâches est donc réduit. Afin de gérer la navigation et la
sélection avec une seule main, le passage du contexte sélection au contexte de
navigation, le sujet exerce une pression suffisante sur le stylet tout au long de la période
de navigation.

Autre remarque que nous faisons porte sur la manipulation des nombres de DL du
document. La tâche de notre expérience est de naviguer et pointer dans un document
possédant 2 DL. Ce qui signifie que pour la condition unimanuelle, comme on le fait

89
lors de nos manipulations dans les interfaces graphiques classiques, on doit aller et venir
entre les contrôles des dimensions verticale et horizontale. C'est-à-dire que l'on doit
acquérir alternativement les deux barres de défilement pour naviguer afin de faire
apparaître la cible. Pour la condition barre de défilement et la condition manipulation
directe, le contrôle des deux dimensions est séquentiel, alors que pour la condition
bimanuelle, le contrôle des deux dimensions peut être simultané. Cette définition
apporte une différence supplémentaire entre la condition unimanuelle, avec un contrôle
séquentiel des dimensions, et la condition bimanuelle, avec un contrôle simultané des
dimensions. La dernière condition que nous proposons est donc la condition intégration
des coordonnées. Elle est une amélioration de la condition manipulation directe en
proposant un déplacement du document qui peut se faire dans les deux directions
simultanément.

Ces quatre conditions permettront de mettre en évidence l’effet d’une interaction


directe et d’une interaction bimanuelle sur les performances.

Nous avons fait un parallèle entre la tâche de navigation–pointage et de l'action


d'écriture. Le fait que ce parallèle soit valide pour les quatre conditions, nous a incité,
pour rendre plus intuitive l'interaction avec nos conditions, à organiser la tâche sous
forme d'écriture. Les sujets auront dans toutes les conditions un stylet (voir II.2.1) dans
la main droite et un curseur (voir II.2.1) dans la main gauche pour la condition
bimanuelle.

IV.2.1 Condition Barres de défilement

Les barres de défilement ont plusieurs fonctions. D’une part, elles indiquent la
position de la vue locale par rapport au document, et d’autre part, elles permettent de
modifier cette position de trois façons : soit à l’aide de l’ascenseur, soit à l’aide des
flèches généralement aux extrémités de la barre, soit en cliquant entre l’ascenseur et les
extrémités. Dans notre expérience, le déplacement du document se fait uniquement à
l'aide des ascenseurs. Pour acquérir l’ascenseur, le sujet déplace sur la tablette un stylet,
sur lequel il doit maintenir une certaine pression pour déplacer l’ascenseur dans la barre.

90
IV.2.2 Condition Manipulation Directe

Dans cette condition, le sujet change la position relative de la vue par rapport au
document par l’intermédiaire d’une manipulation directe, c’est-à-dire qu’au lieu de
passer par l’ascenseur pour régler la position du document, le sujet manipule
directement le document.

Ainsi, il déplace le document comme s’il maintenait une feuille de papier dans sa
main. On supprime donc la nécessité de faire l’acquisition des ascenseurs. Grâce à cette
diminution du nombre de sous-tâches, on fait l'hypothèse que les avantages de cette
interaction sont multiples, en particulier un gain temps et une diminution de la
difficulté.

Dans la condition manipulation directe, le changement de contexte entre


navigation et pointage se fait par une modification de la pression sur le stylet. Si le sujet
appuie fort sur le stylet, il simule la prise en main du document, et peut ainsi déplacer le
document en bougeant le stylet. S’il relâche la pression, alors le stylet prend le rôle
d’une souris classique.

Pendant la période de navigation, le sujet peut déplacer son document uniquement


sur l'horizontal ou la verticale à l'image de la condition barres de défilement. Le sujet
déplace le stylet soit selon l'horizontale soit selon la verticale sur la tablette, il passe
ainsi d'un mouvement à l'autre à sa guise. Même, si le sujet ne fait pas un mouvement
selon l'un des axes, l'ordinateur fait un choix de la direction en fonction des 50 derniers
points enregistrés, ce qui signifie que le changement de direction se fait au bout d'une
demi seconde après que le sujet ait changé de direction. Quelle que soit la direction
choisie, l'ordinateur prend en compte uniquement le déplacement sur un seul des axes,
X ou Y.

Nous évaluerons au paragraphe suivant les différentes conditions en nous fondant


sur le temps de réalisation de la tâche. Pour ne pas fausser ces comparaisons, nous
gardons le même gain entre le déplacement de la main et le mouvement de l’objet
(document ou curseur) dans toutes les conditions. Dans la première condition, le gain
sur le contrôle de la navigation est imposé par les barres d’ascenseurs c’est-à-dire à la
fois par la taille du document et par la taille de la fenêtre. Dans les autres conditions, le
gain n’est pas imposé par l’interface graphique, il est arbitraire. Nous affectons donc à

91
toutes les autres conditions le même gain de navigation que pour la condition barres de
défilement.

IV.2.3 Condition Intégration des dimensions

La condition précédente permet au sujet de déplacer le document soit dans le sens


vertical soit dans le sens horizontal comme avec les ascenseurs. Dans cette condition,
les deux dimensions, verticale et horizontale, sont contrôlables simultanément. D’un
point de vue cognitif, cette condition est alors plus naturelle que la précédente.

IV.2.4 Condition Interaction Bimanuelle

Dans les trois premières conditions, l’interaction est unimanuelle. Lors d’une
interaction unimanuelle, la navigation et le pointage sont obligatoirement séquentiels.
On ne peut pas être dans les deux modes en même temps. Si le sujet veut ajuster la
position du document alors qu’il est en phase de pointage, il doit revenir au mode
navigation par un changement de contexte (acquisition de l'ascenseur, pression sur le
stylet). Après avoir ajusté la position du document, il doit à nouveau revenir en mode
pointage pour finir la sélection. Dans la condition bimanuelle, le contrôle de ces deux
sous-tâches peut être simultané. Le sujet contrôle la position de la vue avec la main
gauche et la position du pointeur avec la main droite. Cette condition est appelée
condition bimanuelle.

Cette condition est proche de la posture prise lorsque l’on écrit sur une feuille de
papier. Le stylo se trouve dans la main droite tandis que la main gauche tient la feuille
et peut la déplacer. Cette condition paraît plus naturelle et habituelle que les trois
conditions précédentes.

IV.2.5 Résumé des conditions

Le Tableau 7. résume les différentes conditions et met en évidence la progression


des contrôles de la condition unimanuelle à la condition bimanuelle.

92
Tableau 7. Récapitulatif des conditions

Condition Manipulation Dimensions x et y Nombre de mains


Barres de défilement Indirecte
Séparées
Manipulation Directe Une
Intégration des dimensions Directe
Intégrées
Interaction Bimanuelle Deux

La manipulation directe ou indirecte est la variable définissant si la navigation se


fait directement avec le document ou par l'intermédiaire des barres de défilement.
L'intégration ou non des dimensions spatiales est la variable définissant si la navigation
se fait en déplaçant le document selon une seule dimension à la fois ou en même temps.
Enfin, la variable nombre de mains définit si la navigation se fait avec la main droite ou
gauche. Pour ces trois variables, la phase de pointage se fait toujours avec la main droite
directement sur le document en déplaçant le curseur selon les deux dimensions en
même temps. Nous remarquons alors que des deux phases navigation et pointage, seule
la phase navigation est influencée par ces trois variables.

IV.3 Prédictions

La condition barres de défilement est une condition qui reflète l’utilisation d’une
interface graphique classique. On utilise les deux ascenseurs alternativement pendant la
période de navigation puis on sélectionne la cible avec le pointeur.

La condition manipulation directe évite aux sujets d'acquérir les ascenseurs et


plus précisément les allers-retours d’un bord à l’autre de la fenêtre. Le sujet déplace le
document directement en pressant sur le stylet là où il se trouve sans acquérir une zone
spéciale de l’écran. Dans cette condition, les performances devraient être meilleures
qu’avec la condition barres de défilement pour plusieurs raisons. D'abord, il paraît
évident qu'en supprimant les distances à parcourir entre les barres de défilement, le
temps de navigation diminuerait.

Par ailleurs, l’acquisition alternative des ascenseurs est une tâche difficile au sens
de Fitts [Fit54]. La difficulté est fonction du rapport entre la distance des ascenseurs et
la taille de la cible. Les ascenseurs sont petits et se trouvent aux extrémités (bas et
droite) de l’écran, ce qui correspond en moyenne au rapport de 500 par 16 c’est-à-dire à

93
une difficulté de 6 bits. Le second avantage de la condition manipulation directe est
donc la diminution de la difficulté de la tâche globale par la suppression de l’étape
d’acquisition des ascenseurs.

Déplacer le document comme si le sujet le tenait réellement dans sa main est plus
naturel, et donne un avantage cognitif supplémentaire. En outre, le mouvement est plus
logique que pour l’interaction avec les barres d’ascenseurs car le retour visuel est
contraire à l’action motrice. Lors d'une navigation, dans la condition barres de
défilement, si on déplace vers le bas le document, on doit déplacer l’ascenseur vers le
haut. Ceci est dû au fait que l'ascenseur représente la vue et non le document. Alors que
dans la condition manipulation directe, on manipule le document directement, ce qui
donne une interaction plus cohérente, si on déplace le stylet vers le haut, le document
est déplacé vers le haut, et il en va de même bien sûr pour les déplacements
horizontaux.

La condition intégration des coordonnées est une amélioration de la précédente.


Dans cette condition, le sujet a la possibilité de naviguer selon les deux dimensions
simultanément. Cette condition devrait accroître les performances des sujets par rapport
à la condition précédente grâce, d’une part, à un gain de temps par une manipulation
parallèle et, d’autre part, à une interaction plus intuitive.

D’après Buxton et Myers [BM86], on s'attend à ce que la condition bimanuelle


obtienne le meilleur score. Elle devrait être plus performante que la condition intégrée
pour diverses raisons. Premièrement, parce que les sujets n’ont plus besoin de changer
de contexte. Ensuite, parce qu'ils peuvent accomplir dans une certaine mesure les deux
sous-tâches en parallèle : un sujet peut commencer à pointer pendant la fin de son geste
de navigation, en effet puisqu'il sait de quel côté de la fenêtre apparaîtra la cible. Si les
sujets n’effectuent pas les deux sous-tâches en parallèle, ils devraient obtenir au pire le
même temps qu'avec la condition intégration des coordonnées.

Les conditions sont progressivement simplifiées car, d’une part, le nombre de


sous-tâches diminue grâce à la suppression de l’acquisition des ascenseurs, ensuite par
la suppression du changement de contexte, et d’autre part, l’interaction devient de plus
en plus naturelle.

94
On peut alors proposer un classement croissant des conditions de notre expérience
en fonction des performances (temps total de réalisation de la tâche) :

1 - interaction avec barres de défilement,

2 - manipulation directe,

3 - intégration des dimensions,

4 - interaction bimanuelle.

Si nous trouvons comme nous le prédisons une différence de performance entre


les quatre conditions, d'après la remarque faite à la section IV.2.5, seule la phase de
navigation sera influencée. En effet, le mode d'interaction pour la phase de pointage est
identique pour les quatre conditions, on ne devrait pas noter de différence significative
entre les quatre conditions pour la phase de pointage. Donc le schéma de performance
devrait être identique pour le temps total de réalisation et de la phase de navigation.

IV.4 Dispositif Expérimental

La tâche de notre expérience est similaire à une situation d’écriture, on doit


atteindre une cible sur un document. Pendant l’écriture, nous ajustons la position de la
feuille presque à chaque fin de ligne avec la main non préférée (main gauche) tandis que
la main préférée (main droite), tenant le stylo, pointe sur la feuille. Nous avons mis,
dans cette expérience, les sujets dans des conditions similaires, nous prenons des
concepts équivalents à ceux de l'écriture. Quelles que soient les conditions, la position
du pointeur à l'écran est déterminée par le mouvement du stylet sur la tablette, qui est
manipulé par la main préférée (main droite) comme un stylo. Par contre, le
positionnement de la feuille est dépendant de la condition. Dans les conditions
unimanuelles, le positionnement du document se fait à l’aide de la main préférée (main
droite) avec le stylet. Dans la condition bimanuelle, le contrôle se fait à l’aide de la
main non préférée (main gauche) par l’intermédiaire du curseur. Le dispositif est
représenté à la Figure 61.

95
Figure 61. Dispositif de l'expérience Navigation

IV.5 Procédure

16 sujets (15 hommes et une femme) ont participé à cette expérience. Ils ont été
sélectionnés selon les mêmes critères que pour l’expérience précédente, voir Chapitre
III. Ils sont tous droitiers et ont une bonne expérience des interfaces graphiques et de la
souris.

La tâche à effectuer consiste à pointer avec le pointeur sur une cible carrée de 2
pixels de large dans un document carré de 17 200 pixels de côté. Seulement une partie
du document est visible à travers une fenêtre carrée de 560 pixels de côté. La vue offerte
à l'utilisateur est très limitée, puisque la surface de la vue ne représente qu'un millième
environ de la surface du document, et la cible est toujours placée initialement à une
grande distance (8190 pixels) de la région visible. La tâche globale qui est de
sélectionner la cible a donc une difficulté de 13 [Fit54]. Et la tâche de navigation seule
qui est de faire apparaître la cible dans la vue a une difficulté de 4,9 [Fit54]. La

96
recherche d'une cible dans le document va requérir une activité de navigation, qui au
minimum équivaut à un déplacement sur 14,5 vues locales.

Dans la plupart des situations réelles de navigations que nous connaissons dans la
pratique informatique (exploration de l’espace d’un document dans un tableur, un
traitement de texte, un atlas géographique, le parcours d'une arborescence de fichiers,
etc.), l’utilisateur possède une certaine connaissance de l’espace du document, de sorte
qu’il est à même de s’orienter. C'est-à-dire que si la cible n’est pas apparente dans la
vue, il sait dans quelle direction se diriger pour s’en rapprocher. Nous avons voulu
reproduire cette situation de familiarité en confrontant nos sujets à un espace
entièrement balisé. Le principe que nous avons mis en œuvre est celui du champ de
gradient qui permet par exemple à des organismes aussi élémentaires que des bactéries
de trouver une source de nourriture ([Ben89] et [BB92]). La recette simple à appliquer
pour trouver cette source est de se mouvoir toujours dans la direction qui maximise la
première dérivée de la variable perçue. Ainsi, placée dans un champ de diffusion de
substance nutritive, une bactérie sait remonter le gradient jusqu’au point où la
concentration de la substance ne s’accroît plus.

Le champ de gradient que nous avons mis en œuvre est un champ de courbure. Le
document utilisé dans cette expérience est structuré sur toute sa surface par un ensemble
de 58 cercles concentriques au centre duquel se trouve la cible. La distance entre chaque
cercle étant de 200 pixels et la fenêtre mesurant 560 pixels de côté, il y a toujours au
moins deux arcs de cercles visibles à l’écran. Quelle que soit la position de la vue dans
le document, le sujet sait toujours où se trouve la cible : la direction de la cible est
spécifiée par la perpendiculaire à la tangente aux arcs de cercle visibles et sa distance
est spécifiée par la courbure des arcs (le rayon, qui mesure la distance à la cible, étant
l’inverse de la courbure).

97
Bord du
document

Pointeur

Dessin de fond
pour s’orienter
Ascenseur

Cible

Barres de
défilement

Figure 62. Contenu de la fenêtre à l'écran

La Figure 62 est une copie d’écran de la fenêtre lors d’une manipulation. Elle a
été prise en fin de navigation, lorsque la cible est rendue visible. On voit les barres de
défilement en bas et à droite ainsi que la position des ascenseurs gris à l’intérieur. Les
barres sont présentes dans toutes les conditions, mais elles ne sont accessibles que dans
la condition barres de défilement. À gauche se trouve une zone grise qui représente
l’extérieur du document. Le pointeur à l'écran est indiqué par une croix. Le sujet
manipule le pointeur et doit le maintenir sur la cible qui se trouve au centre des cercles
en bas à droite de la fenêtre dans la Figure 62.

Au début de chaque nouvel essai, la fenêtre se trouve au milieu du document, et le


pointeur au centre de celle-ci, comme le montre la Figure 63 qui représente la position
du pointeur et de la vue par rapport à l'ensemble du document (on se rappellera que le

98
sujet ne dispose que de la vue correspondant au petit carré). À chaque départ d’essai, la
cible se trouve à une distance de 8190 pixels du pointeur. Étant donnée la position de la
cible par rapport à la position initiale du pointeur, et la taille de l’écran de 560 pixels de
côté, le sujet est obligé de commencer par une navigation pour faire apparaître la cible,
Figure 64. Enfin, le sujet termine la tâche en pointant le pointeur en forme de croix avec
un trait de 1 pixel de large, Figure 65, sur la cible. La tâche est validée après que le sujet
ait maintenu le pointeur sur la cible pendant 500 ms.

Vue locale
Cible

Pointeur

8190 Pixels

Figure 63. Positions initiales des différents éléments

99
Figure 64. Positions intermédiaires des différents éléments après navigation

Figure 65. Positions finales des différents éléments après pointage

100
IV.6 Résultats

IV.6.1 Performances

Pour toutes les conditions confondues, le temps moyen obtenu par les sujets pour
atteindre la cible est de 7,5 s. La Figure 66 montre le temps moyen par condition pour
tous les sujets, on observe que les performances varient considérablement entre les
quatre conditions. Nous avons utilisé le test non paramétrique de Wilcoxon pour
déterminer si les temps moyens obtenus par les sujets diffèrent significativement. La
condition barres de défilement et la condition manipulation directe sont
significativement différentes (Test de Wilcoxon, p = 0,001). La condition manipulation
directe et la condition interaction bimanuelle sont significativement différentes (Test de
Wilcoxon, p = 0,007). La condition interaction bimanuelle et la condition intégration
des dimensions sont significativement différentes (Test de Wilcoxon, p = 0,003).

La modification des contrôles de navigation et sélection, d’une condition à l’autre,


a créé un effet important sur les sujets pour réaliser la tâche, on note en effet que les
grandeurs des moyennes sont différentes, les sujets mettent 1,6 fois moins de temps
pour la condition intégration des dimensions que dans la condition barres de défilement.

0,0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 12,0

9,6
Barres de Défilement

p < 0,01
7,8
Manipulation Directe

p < 0,01
6,9
Interaction
Bimanuelle

p < 0,01
Intégration des 5,9
Dimensions

Figure 66. Moyenne du Temps Total par condition en seconde

101
Les performances des sujets dans les trois conditions unimanuelles, barres de
défilement, manipulation directe, intégration des dimensions, confirment nos
prédictions, l’ordre des conditions en fonction des performances est en accord avec
celui envisagé, voir paragraphe IV.3. La condition bimanuelle apporte un gain de
performance par rapport à la condition d’interaction classique dite condition barres
d’ascenseur. Ces deux résultats confirment nos attentes et le résultat donné dans l’article
de Buxton et Myers.

En comparant comme Buxton et Myers, la condition barres de défilement, en la


considérant comme unique condition unimanuelle, à la condition bimanuelle, on déduit
que l’interaction bimanuelle est plus favorable que l’interaction unimanuelle.
Cependant, en considérant les autres conditions unimanuelles que nous avons
proposées, la conclusion est moins stricte. En effet, la condition intégration des
dimensions, une des conditions unimanuelles, obtient de meilleurs scores que
l’interaction bimanuelle. L'interaction bimanuelle ne serait pas alors forcément plus
efficace qu'une interaction unimanuelle, ceci est contradictoire avec notre prédiction.

Ces deux dernières conditions, condition intégration des dimensions et condition


bimanuelle, proposent une interaction à la fois de manipulation directe et d’intégration
de dimensions, voir Tableau 7. La différence entre ces deux conditions est l’apport de la
division du travail dans la condition bimanuelle, où chacune des sous-tâches, navigation
et pointage, est affectée à une des deux mains. Selon les prédictions, cette différence
devait rendre plus efficace l’interaction et donc donner l’avantage à l’interaction
bimanuelle. Les résultats ne vont pas dans ce sens, les sujets ont été moins performants
avec l'interaction bimanuelle.

À partir du temps total de réalisation de la tâche, nous montrons que les


conditions ne sont pas équivalentes, qu’elles n’engagent pas toutes les trois les mêmes
processus cognitifs. Pour comprendre quel facteur influence le plus les sujets dans la
réalisation de la tâche, nous devons analyser les différents paramètres de chacune des
conditions. Nous avons défini, dans le Tableau 7, les quatre conditions par trois
variables : le mode de manipulation (indirect, direct), l’accès aux dimensions (séparé,
intégré), et le nombre de mains. Ces trois variables déterminent différents paramètres
qui ont pu influencer les sujets sur le temps de réalisation de la tâche.

102
L’un de ces paramètres est la décomposition de la tâche expérimentale en sous-
tâches : la navigation et le pointage. Une analyse du temps de réalisation de ces deux
sous-tâches peut mettre en évidence l’influence des conditions sur les performances.

On décompose alors la tâche globale en plusieurs mouvements élémentaires dont


les performances sont plus simples à comparer et à interpréter.

IV.6.2 Décomposition du temps total

Comme dans de nombreuse expériences en psychologie expérimentale, nous


pouvons extraire le temps de réaction du temps total pour déterminer si les conditions
influent sur la réaction des sujets. Ce temps de réaction correspond au temps passé entre
le moment où la nouvelle configuration est présentée au sujet et le moment où il
démarre le premier déplacement. Le temps restant, c’est-à-dire depuis le moment où le
sujet commence à bouger et le moment où il atteint la cible est appelé le temps de
mouvement.

Nous obtenons alors la formule suivante :

Temps Total = Temps de Réaction + Temps de Mouvement

Le temps de réaction, toutes conditions confondues, représente seulement 4 % du


temps total soit 0,3 s en moyenne. Il est clair que ce n’est pas cette phase qui rend
compte des écarts de près de 3,8 secondes entre la condition la plus favorable et la
condition la moins favorable. Si l’on veut trouver où se situent les écarts entre les
performances globales nous devons approfondir l’analyse sur le temps de mouvement.

IV.6.3 Décomposition du temps de mouvement

Pour mieux comprendre comment et quelles sous-tâches sont influencées par les
conditions, nous décomposons la phase de mouvement en phases élémentaires et
communes à chaque condition.

Comme nous l’avons décrit dans le paragraphe IV.1, le mouvement débute par la
navigation, c’est la phase où le sujet cherche à faire apparaître la cible à l’écran. La

103
période de navigation commence lorsque le sujet bouge et se termine lorsque la cible
rentre pour la dernière fois dans la fenêtre.

Ensuite, nous avons le temps de pointage, phase où le sujet doit pointer la cible
qui est maintenue immobile. Cette phase débute lorsque le document n’est plus déplacé,
en d’autres termes, lorsque la cible est statique. Le temps de pointage se finit lorsque le
pointeur entre en coïncidence avec la cible, à condition qu'il y reste au moins 500 ms.

Entre l'étape de navigation et de pointage, il y a une période que l’on nomme


période de transition. Elle correspond à des ajustements sur la position du document
alors que la cible est toujours visible, c’est le temps intermédiaire entre le moment où la
cible rentre définitivement dans la fenêtre et le moment où elle ne bouge plus.

Nous obtenons la formule suivante :

Temps de Mouvement = Temps de Navigation + Temps de


Transition + Temps de Pointage

On note que le calcul des différents temps est indépendant des conditions. Le
début et la fin de chaque période sont mesurés en fonction de la position relative de la
cible par rapport à la fenêtre et de la position du pointeur dans le repère du document.
Ceci permet de comparer aisément les quatre conditions selon la phase du mouvement.

104
80%

70%
63%

60%

50%

40%
31%
30%

20%

10% 6%

0%
Navigation Transition Pointage

Figure 67. Moyenne de la décomposition du Temps de Mouvement

La Figure 67 montre la décomposition du temps de mouvement avec un


pourcentage et un intervalle de confiance pour chaque sous-tâche. Le détail des trois
phases, Navigation, Transition, Pointage, en fonction des conditions est étudié dans les
paragraphes suivants.

IV.6.4 Temps de navigation

Pendant la période de navigation, le but du sujet est de faire apparaître la cible en


déplaçant le document. Pour cette sous-tâche, les interactions diffèrent d’une condition
à l’autre. On peut alors directement analyser les données pour chaque condition et les
comparer, ce qui nous permettra de connaître l’influence des conditions sur la
navigation et sur la tâche globale.

Pour simplifier la compréhension et les comparaisons, on peut considérer la


navigation comme un pointage où la cible est déplacée vers un point [Fit54],[KB95]. Le
but d’un pointage est d’amener le traqueur dans la cible avec une certaine tolérance.
Dans notre sous-tâche de navigation, le traqueur est la cible au centre des cercles
concentriques que l'on doit amener dans la vue en déplaçant le document. La tolérance
est alors la taille de la vue et la distance à parcourir est la distance entre la vue et le
centre des cercles concentriques.

105
Le graphe du temps obtenu pour chacune des conditions lors de la phase de
navigation est présenté à la Figure 68, ainsi que l'intervalle de confiance avec p = 0,05.

Les résultats montrent que le mode d’interaction influence les performances des
sujets. Le classement des conditions selon le temps moyen de navigation est identique
au classement des conditions selon le temps moyen de réalisation de la tâche globale
comme nous l'avions prédit. On peut dire que la phase de navigation, qui représente
63 % du temps total de mouvement, a subi les mêmes influences que la tâche globale.

0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0 8,0 9,0

7,0
Barres de Défilement

p<.01
4,9
Manipulation Directe

p<.01
3,6
Interaction
Bimanuelle

p<.05
3,1
Intégration des
Dimensions

Figure 68. Moyenne du Temps de Navigation par condition en seconde

Analysons les résultats en fonction des variables définissant les conditions : type
de manipulation, accès aux dimensions, et nombre de mains.

La condition barres de défilement a obtenu le plus mauvais score, la moyenne du


temps de navigation est significativement différente de la condition manipulation
directe (Test de Wilcoxon, p = 0,0008). La condition bimanuelle a eu des performances
significativement meilleures pour la navigation que la condition manipulation directe
(Test de Wilcoxon, p = 0,0004). Les moyennes de la condition interaction bimanuelle et
de la condition intégration sont elles aussi significativement différentes (Test de
Wilcoxon, p = 0,015).

106
Toutes les conditions avec une manipulation directe ont été plus performantes que
la condition barres de défilement, ce résultat confirme la prédiction qu'une interaction
indirecte qui oblige à acquérir les ascenseurs augmente considérablement le temps de
navigation mis par les sujets. Cette augmentation est mesurable en comparant cette
condition avec la condition manipulation directe, elle est de 2,1 secondes. Mais il y a en
fait plusieurs effets qui se cumulent. Le trajet entre les deux barres de défilement, et la
difficulté d'acquisition de l'ascenseur défavorisent grandement une interaction avec
barres de défilement.

Les deux conditions avec dimensions séparées sont moins performantes que les
deux conditions avec les dimensions intégrées. On confirme l'apport de l'intégration des
dimensions par une mesure de temps du contrôle des deux dimensions en parallèle qui
se fait pendant 11,36 % du temps de la phase de navigation. Cette mesure montre que
l'intégration des dimensions est utilisée par les sujets de façon naturelle et qu'elle
augmente leur performance.

Concernant l'interaction bimanuelle, les résultats ne confirment pas nos attentes.


En effet, le fait de naviguer avec la main gauche, main non préférée de nos sujets,
diminue leurs performances. Lors de la phase de navigation, dans la même
configuration : manipulation directe et intégration des dimensions, les sujets obtiennent
des scores meilleurs avec la main droite qu'avec la main gauche.

Ainsi, les résultats de cette phase montrent que les sujets ont plus de difficulté à
pointer avec leur main gauche qu’avec leur main droite. Il existe deux explications
probables. À la section IV.4, nous avons décrit que les outils manipulés n'étaient pas
identiques entre les conditions. Dans les conditions unimanuelles la navigation se fait
avec le stylet dans la main droite, et dans la condition bimanuelle, la navigation se fait
avec le curseur dans la main gauche. La contradiction à notre prédiction est peut-être
due au fait que le curseur ne soit pas adéquat à ce genre de manipulation.

Les sujets doivent effectuer exactement le même pointage avec la main droite et la
main gauche dans la phase de navigation. Peut-être qu’une analyse sur l'échelle des
distances mettrait en évidence la difficulté de la tâche car nous savons d’après le modèle
de la chaîne cinématique que les êtres humains utilisent chacune des deux mains dans
des échelles de grandeur différente. L'autre explication serait alors que le pointage de

107
navigation se réaliserait mieux avec la main droite qu'avec la main gauche parce que
nous aurions défavorisé la navigation avec la main gauche en contredisant le principe
des échelles de grandeur de la chaîne cinématique de Guiard [Gui87]. Ce point sera
discuté à la section IV.6.8.

IV.6.5 Temps de Transition

Entre la navigation et le pointage, il y a une phase que nous appelons transition.


Pendant cette période, le sujet réalise à la fois la navigation et le pointage, contrairement
aux deux autres phases où le sujet fait exclusivement de la navigation ou du pointage.
Cette période commence lorsque la cible apparaît pour la dernière fois dans la fenêtre, et
se termine lorsque la cible n’est plus en mouvement.

En général, cette période est la fin du mouvement de la cible, et quelquefois un


ajustement de la position de la cible que font les sujets, bien que la cible soit visible.

Dans la condition bimanuelle, cette période indique, en plus de ce que l’on vient
de décrire, la capacité des sujets à effectuer la navigation et le pointage en parallèle. En
effet, dans une interaction de type bimanuelle, deux sous-tâches peuvent être dans une
certaine mesure contrôlées en même temps. Dans notre expérience, cette possibilité est
contrainte par le fait que le pointage avec le curseur ne peut se commencer que lorsque
la cible est rendue visible, c’est-à-dire lorsque la navigation a suffisamment progressé.
Un certain niveau de parallélisme peut apparaître : le sujet peut anticiper le pointage
parce qu’il sait où apparaîtra la cible du fait qu’il en contrôle sa position et que les
cercles concentriques donne une idée de sa position même si elle n'est pas encore
visible.

108
0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70

0,31
Barres de Défilement

p<.01

0,40
Manipulation Directe

Intégration des 0,39


Dimensions
p<.01

Interaction 0,60
Bimanuelle

Figure 69. Moyenne du Temps Transition par condition en seconde

La Figure 69 présente les temps moyens de transition de chaque condition avec


les intervalles de confiance pour p = 0,5. Étant donné que l'origine de cette période est
différente d'une condition à l'autre, les résultats obtenus sont catégorisés en trois
classes : la classe manipulation indirecte, la classe manipulation directe unimanuelle, et
la classe manipulation bimanuelle.

La première classe correspond à la condition barres de défilement. Dans cette


condition, les ajustements de position de la cible sont très courts. Dès l'apparition de la
cible, les sujets arrêtent les ajustements de position de la cible pour passer directement à
la phase de pointage.

La deuxième classe a des temps significativement différents de la classe


précédente (Test de Wilcoxon, p = 0,004 avec la condition manipulation directe et p =
0,002 avec la condition intégration des dimensions). Cette classe est composée de la
condition directe et la condition intégrée qui n’obtiennent pas des résultats
significativement différents l'une de l'autre. Ces résultats sont donc représentatifs d'une
manipulation directe unimanuelle avec ou sans intégration des dimensions.

La troisième classe est la condition bimanuelle, dont le temps moyen de transition


est significativement différent de la classe précédente (Test de Wilcoxon, p = 0,001

109
avec les deux conditions de la classe précédente). La phase de transition a une période
plus longue, ce qui permet de supposer que les sujets ont fait des mouvements avec leur
deux mains en parallèle. La mesure du parallélisme entre les deux mains est 13 % du
temps de transition, soit quelques fractions de secondes : c'est bien trop peu pour
affirmer qu'il y a eu un mouvement volontairement parallèle.

IV.6.6 Temps de Pointage

La dernière phase de notre tâche globale est déterminée de telle sorte qu’entre les
quatre conditions il n’y a aucune différence d’interaction. Nous rappelons que les
différences entre les quatre conditions se situent dans la phase de navigation. En
d’autres termes, pour les quatre conditions, la tâche est la même : les sujets doivent
atteindre la cible avec le pointeur contrôlé par le stylet qui se trouve dans la main droite.
On peut directement comparer les quatre conditions, et, étant donné leur similitude on
peut donc logiquement s’attendre à ce que les quatre conditions obtiennent le même
score.

0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00

2,03
Barres de Défilement

2,16
Manipulation Directe

Intégration des 2,04


Dimensions
<.O5

Interaction 2,33
Bimanuelle

Figure 70. Moyenne du Temps de Pointage par condition en seconde

La Figure 70 présente le temps moyen pour réaliser le pointage avec les


intervalles de confiance à p = 0,5. Les sujets mettent en moyenne, toutes conditions
confondues, 2,14 secondes pour réaliser le pointage. Les sujets réalisent la tâche de

110
pointage avec des performances qui ne sont pas significativement différentes pour les
trois conditions unimanuelles, mais le temps moyen pour la condition bimanuelle est
significativement différent des conditions unimanuelles (Test de Wilcoxon,
respectivement pour les trois conditions unimanuelles p = 0,01, p = 0,05, p = 0,006).

Comment expliquer cette différence ? La sous-tâche de pointage dans notre


expérience est dépendante des deux sous-tâches la précédant. En effet, la distance qui
sépare la cible du pointeur au début du pointage dépend des mouvements engendrés lors
de la navigation et de la transition. L’écart entre les conditions unimanuelles et la
condition bimanuelle peut donc s’expliquer par un ajustement plus moins bon pour la
condition bimanuelle, et aussi par le fait que les sujets ont été perturbés en coordination
bimanuelle par les phases de navigation et de transition précédant la phase de pointage.

IV.6.7 Acquisition des Ascenseurs

Les résultats de la condition barres de défilement et de la condition manipulation


directe montrent qu’une manipulation directe est plus performante qu’une manipulation
indirecte. Nous avions prédit ce résultat par le fait qu'une tâche avec une interaction
indirecte ajoute des sous-tâches supplémentaires. Dans notre étude, la manipulation
indirecte est rendue encore plus complexe parce qu’elle contient non pas un contrôle
indirect mais deux contrôles, un par dimension. Cela implique non pas une acquisition
de l’ascenseur, mais au minimum deux voire plus si le sujet a mal apprécié les
distances.

111
Navigation Verticale

Perte de temps de
l'acquisi tion d'ascenseurs

Navigation Horizont ale

Figure 71. Acquisition d'ascenseurs

Dans notre expérience, les sujets ont souvent besoin d’acquérir les deux
ascenseurs. Lors de l’exécution de la tâche, les sujets réalisent en général 2 à 3
acquisitions, c’est-à-dire qu’il leur arrive de réajuster la position du document selon la
première dimension modifiée. Cette perte de temps se mesure en relevant le temps que
passent les sujets à aller d’un ascenseur à l’autre, c'est-à-dire le temps que les sujets
passent en dehors des barres d’ascenseurs dans la période navigation. La mesure révèle
que les sujets mettent en moyenne 1,73 secondes à aller d’un ascenseur à l’autre. Nous
rappelons que ces acquisitions n'apportent rien pour la tâche globale, en effet pendant ce
laps de temps le document ne bouge pas. Étant donné que la condition barres de
défilement et la condition manipulation directe sont très similaires hormis l’acquisition
des ascenseurs, le temps moyen perdu à acquérir les ascenseurs permet d’expliquer
l'essentiel de l’écart, d’environ deux secondes, entre la condition barres de défilement et
la condition directe que l’on a commenté au paragraphe IV.6.4 sur la navigation.

112
IV.6.8 Échelle de grandeur

À la section IV.6.4, les résultats du temps de navigation montrent qu'il y a une


différence significative entre la condition intégration des dimensions et la condition
bimanuelle. Nous rappelons que la navigation pour ces deux conditions se fait en
manipulation directe et avec les dimensions contrôlables simultanément. De plus,
l'unique différence se situe dans l'attribution de la main qui contrôle le mouvement du
document. Ce qui signifie que les sujets ont été plus performants en navigant avec la
main préférée plutôt qu'avec la main non préférée.

Pourtant nous avions prédit que la condition bimanuelle serait plus performante
pour plusieurs raisons. D'abord parce que les concepts et la posture étaient inspirés de
l'action d'écriture : lorsque l'on écrit, on déplace la feuille de papier avec la main non
préférée. Ensuite parce que la condition bimanuelle est en accord avec les principes du
modèle de la chaîne cinématique. La main préférée agit en premier, en effet on doit
naviguer et ensuite pointer. Elle définit l'espace de travail de la main préférée en
contrôlant le mouvement du document. Et enfin, la règle sur la granularité est respectée
puisque la main non préférée doit faire un déplacement d'environ 8000 pixels et la main
préférée doit faire un pointage d'au maximum 560 pixels. Donc à priori, les trois
principes du modèle de la chaîne cinématique ne sont pas contredits.

Reprenons les trois principes pour trouver une éventuelle erreur. Le principe de
précession ne peut être mis en doute car on peut difficilement atteindre la cible tant que
la navigation ne l'a pas fait apparaître. Le principe de repère imbriqué est lui aussi
correctement adopté, la main préférée déplace le pointeur dans le document contrôlé par
la main non préférée.

Il reste le principe d'échelle d'actions. D'après Guiard [Gui87], les mains sont
généralement utilisées pour des actions dans des échelles différentes. La main préférée
est la main de travail qui réalise des tâches à petite échelle, alors que la main non
préférée agit généralement dans des échelles plus grandes. On note que l'échelle ne
détermine pas la difficulté ou plutôt que la difficulté de la tâche ne dépend pas de
l'échelle. Les deux mains sont aussi performantes l'une que l'autre, mais chacune dans
son échelle de grandeur de la tâche.

113
Nous avons vu à la section IV.5 que la distance entre la cible et la position du
pointeur est de 8190 pixels. Ainsi la navigation du sujet doit être au minimum de 8190
moins 560 pixels qui correspond à la taille de la fenêtre, c'est-à-dire au minimum 7630
pixels. La taille de la fenêtre est de 560 pixels, donc le mouvement de pointage doit être
au plus de 560 pixels. Il y a bien un écart d'échelle important entre les deux mesures.

En fait, la tâche lors de la condition bimanuelle ne contredit pas l'écart d'échelle


qu'il y a entre la main non préférée et la main préférée. Mais ce que nous avons noté est
une contradiction non pas dans l'espace virtuel en pixel, mais le geste que doit faire le
sujet sur la tablette en cm. En considérant la distance cible pointeur, la phase de
navigation nécessite un déplacement de 8000 pixels ce qui correspond à un déplacement
d'environ 8 cm sur la tablette de l'outil manipulé. Ce déplacement doit s'arrêter sur une
cible, qui est la vue locale de 560 pixels, dont la taille fait 6 mm sur la tablette. Ce
pointage de 8 cm avec une tolérance de 6 mm sur la tablette lors de la navigation est
indépendant de la condition.

La tâche demandée n'est pas difficile, d'après la loi de Fitts [Fit54] sur la
difficulté, l'indice est égal à environ 5 bits. Pour les deux mains, une tâche dont l'indice
de difficulté est de 5 bits est une tâche de difficulté moyenne. En fait, ce qui défavorise
la main non préférée, d'après Guiard [Gui87] est de faire un pointage à une échelle bien
trop petite, elle doit atteindre une cible qui se trouve à 8 cm et qui a une taille de 6 mm.
Cette échelle de grandeur ne gêne pas la main préférée habituée à de petites échelles de
travail.

Par le non-respect des échelles de grandeur d'action de chaque main, les résultats
de la condition bimanuelle sont remis en cause. On ne peut pas conclure sur la
supériorité, lors d'une interaction avec manipulation directe et intégration des
dimensions, d'une interaction unimanuelle ou bimanuelle.

IV.6.9 Taille de la tablette

Les trois premières conditions font intervenir une interaction unimanuelle, les
sujets interagissent avec l'ordinateur en déplaçant un seul outil sur la tablette : le stylet.
Dans la condition bimanuelle, le sujet manipule deux outils : le curseur et le stylet sur le
même espace de travail, la tablette. La tablette WACOM que nous avons utilisée pour

114
cette expérience est de forme carrée, de 30 cm de côté. Lors de la manipulation
bimanuelle, le sujet doit diviser son espace de travail pour que chaque main puisse se
déplacer sur la tablette. Il faut donc évaluer si la taille de la tablette a gêné les sujets
lorsqu'ils ont manipulé les deux outils simultanément.

Pour quantifier cette gêne, nous mesurons le nombre de chocs entre le curseur et
le stylet lors de la réalisation de la condition bimanuelle. Pour cela, nous comparons la
distance entre les positions du stylet et du curseur, enregistrées dans les fichiers de
données, avec le rayon du viseur du curseur. Comme le viseur n'est pas tout à fait
circulaire, nous prenons alors comme valeur le rayon moyen qui est de 1200 points sur
la tablette.

Sur 4 blocs de 8 essais, réalisés par les 16 sujets, c'est-à-dire 512 essais en tout, on
observe seulement 10 chocs entre le curseur et le stylet dans toute l'expérience. Neuf
sujets sur les 16 n'ont jamais entrechoqué le stylet et le curseur. Le reste des sujets n'a
pas été gêné plus de deux fois. D'après ces résultats, on ne peut pas dire que la taille de
la tablette soit un facteur qui explique les mauvaises performances obtenues par les
sujets lors de la condition bimanuelle par rapport à celles qui ont été obtenues lors de la
condition intégrée.

IV.7 Discussion

IV.7.1 Discussion sur les résultats

L'objectif de cette étude expérimentale était d'étudier une navigation à travers un


document de grande taille et un pointage d'une cible avec un ou deux périphériques
d'entrées. La tâche que nous avons mise en place est une adaptation des travaux de
Buxton et Myers [BM86] et de Benhamou [Ben89]. Cette adaptation est, à l'image des
navigations et pointages, très présentes lors de l'utilisation des interfaces utilisateurs
actuels. Généralement lors de l'édition d'un document graphique, d'un texte ou d'un
tableau et dans bien d'autres cas, la fenêtre ne peut entièrement représenter le document.
Ce qui nous oblige à naviguer à travers le document pour rendre accessible la partie
souhaitée du document.

115
L'expérience sur la navigation de Buxton et Myers [BM86] avait une condition
unimanuelle et une condition bimanuelle. Nous avons isolé trois variables décrivant les
différences de contrôles entre une interaction unimanuelle et une interaction bimanuelle
lors d'une tâche de navigation et pointage. De ces trois variables à deux états nous avons
défini, à la section IV.2.5, quatre conditions pour notre expérience. De ces trois
variables correspondant à différents niveaux d'interaction : manipulation directe,
intégration de dimensions, interaction bimanuelle, nous avons défini quatre conditions
pour notre expérience : une condition barre de défilement, condition où l'interaction est
identique à ce que nous rencontrons avec les interfaces utilisateurs actuels, la condition
manipulation directe, condition où l'action de navigation est faite directement en
manipulant le document, la condition intégration des dimensions, condition où l'on peut
naviguer selon les deux dimensions à la fois, et la condition interaction bimanuelle,
condition où les contrôles de navigation et de pointage sont divisés selon les principes
du modèle de la chaîne cinématique. Les résultats de notre expérience nous permettent
d'évaluer pour chacune des variables leur apport.

Le premier résultat de notre étude est la performance des sujets pour atteindre la
cible pour chacune des conditions. Ce résultat, présenté à la section IV.6.1, nous montre
globalement l'effet de chacune des variables définissant nos conditions, puisque les
performances sont significativement différentes. Comme nous l'avons prédit, la
manipulation directe et l'intégration des dimensions apportent chacune un gain de
performance sur la tâche navigation – pointage. Contrairement à nos prédictions,
l'interaction bimanuelle dégrade les performances des sujets.

Buxton et Myers [BM86] concluaient dans leur expérience de navigation et de


pointage que l'interaction unimanuelle est moins performante que l'interaction
bimanuelle. Nos résultats sont en accord avec leur résultat mais pas nos conclusions. En
effet, comme dans leur expérience, notre condition interaction bimanuelle a été plus
performante que notre condition barres de défilement, ces deux conditions sont
équivalentes aux deux conditions de l'expérience de Buxton et Myers [BM86]. Mais
dans notre expérience, une de nos conditions unimanuelles a permis d'obtenir de
meilleurs résultats que la condition interaction bimanuelle. Donc nos conclusions ne
vont pas dans le même sens que celles de Buxton et Myers [BM86]. Nous expliquons la
supériorité de la condition interaction bimanuelle sur la condition barre de défilement

116
par l'apport du gain de performance des deux variables : manipulation directe et
intégration de données.

Pour mieux comprendre l'influence de chaque variable sur les sujets et


comprendre pourquoi la condition interaction bimanuelle n'a pas apporté le gain prédit,
nous avons décomposé, à la section IV.6.3, en trois phases successives le mouvement
de réalisation de la tâche : la phase de navigation, la phase de transition et la phase de
pointage.

La première phase est la phase de navigation, c'est la phase pendant laquelle le


sujet doit déplacer le document afin d'amener la cible dans la vue locale. Nous avons
noté que les définitions des quatre conditions de notre expérience se différenciaient
uniquement pendant cette phase. Du fait de cette remarque, et sachant que cette phase
prend 63 % du temps de mouvement pour être réalisée, nous ne sommes pas étonné que
le profil de performances des sujets pour cette phase est identique à celui de la
performance globale. C'est donc dans cette phase que la majeure partie des influences
de chaque variable se quantifie.

Entre la condition barres de défilement et la condition manipulation directe on


note un écart des moyennes de 2,1 secondes. Cet écart suggère que la navigation à la
manière des interfaces utilisateurs actuels diminue les performances par une interaction
indirecte. Nous avons prédit que la condition barre de défilement serait moins
performante d'une part parce que l'interaction était moins intuitive et d'autre part au
temps perdu à acquérir les ascenseurs pour chacune des dimensions. Notre prédiction
est confirmée, section IV.6.7, par la mesure du temps mis pour aller d'une barre de
défilement à l'autre. En effet, les sujets mettent en moyenne 1,73 secondes ce qui
explique en grande partie l'écart entre la condition barre de défilement et la condition
manipulation directe.

Nous venons de montrer l'apport de la manipulation directe. L'apport de la


deuxième variable, l'intégration des dimensions, est montré pour les mêmes raisons par
l'écart entre les performances de la condition manipulation directe et de la condition
intégration des dimensions. L'apport de l'intégration des dimensions est comparable à
celui de la manipulation directe, on observe un écart des moyennes de 1,8 secondes.

117
En cumulant ces deux modes d'interactions, on obtient un écart de 3,9 secondes
entre la condition la moins performante et la condition la plus performante. Ce qui nous
permet de conclure sur un résultat important : on a divisé par deux le temps nécessaire
pour accomplir la tâche de navigation en couplant ces deux modes d'interactions.

Enfin pour la dernière variable, l'interaction bimanuelle, les résultats ont contredit
nos prédictions. L'interaction bimanuelle n'a non seulement pas amélioré les
performances des sujets lors de la navigation, mais les a dégradées. Nous pouvons
trouver plusieurs explications possibles en comparant la condition interaction
bimanuelle avec la condition intégration des dimensions. Le sujet ne contrôle pas un
stylet mais un curseur et de plus dans la main gauche.

La première différence est l'outil manipulé, ensuite il y a une division du travail


dans une condition et pas dans l'autre, et enfin la dernière différence est la main
contrôlant la position du document. Il se peut que l'outil stylet soit plus adapté que
l'outil curseur pour la période de navigation avec les gains programmés pour notre
expérience.

On peut aussi penser que la division du travail ait diminué les performances des
sujets. En effet, la familiarité des sujets avec les interfaces graphiques unimanuelles
peut être à l'origine d'une diminution de performance. En outre, une interaction
bimanuelle divise par deux la surface de travail sur la tablette, par rapport à la condition
intégration des dimensions où le stylet avait toute la surface de la tablette pour
travailler, voir section IV.6.9.

En ce qui concerne la main contrôlant la position du document, nous avons essayé


de suivre les recommandations du modèle de la chaîne cinématique pour favoriser au
maximum l'interaction bimanuelle. De plus, nous avons mis un curseur dans la main
gauche et un stylet à la main droite pour que les sujets se retrouvent dans le même
contexte que celui de l'écriture. Mais après avoir fait l'expérience, on a remarqué, à la
section IV.6.8, que le gain donné au déplacement du document crée un désaccord avec
les principes du modèle. En effet, la main gauche se déplace sur la tablette de 8 cm pour
atteindre une cible de 6 mm pour réaliser la tâche de navigation.

Pour continuer notre investigation, nous reprenons les résultats de la deuxième


expérience de Gonzalez [Gon99] qui utilise des procédures et outils équivalents à ceux

118
de notre expérience. La tâche est toujours de naviguer et pointer à travers un document
à deux dimensions. Dans cette expérience, trois conditions ont été comparées, la
condition unimanuelle, qui correspond à notre condition intégration des dimensions, la
condition bimanuelle 1, qui correspond à notre condition bimanuelle, et la condition
bimanuelle 2 qui est la condition miroir de la 1, c'est-à-dire que la main gauche contrôle
le pointeur avec le stylet et la main droite contrôle la position du document avec le
curseur. Lors de la navigation du document, la condition unimanuelle a été plus
performante que les deux conditions bimanuelles, et les deux conditions bimanuelles ne
sont pas significativement différentes. D'après ces résultats, on ne peut remettre
réellement en cause la main gauche car d'après Gonzalez [Gon99] les sujets ont obtenu
les mêmes résultats avec un curseur positionné dans la main gauche ou dans la main
droite.

Il est difficile de conclure sur l'origine de la dégradation des performances des


sujets lors de la condition interaction bimanuelle. L'explication par l'espace de travail
divisé reste valable, mais nous n'avons pas les moyens de l'évaluer. Nous avons tout de
même mesuré le nombre de chocs entre le stylet et le curseur, à la section IV.6.9. Même
s'il est relativement faible, il ne prouve pas que la posture utilisée par les sujets lors de
la condition interaction bimanuelle, ne soit pas un des facteurs. L'autre explication serait
de remettre en cause le curseur. Il se peut que le stylet soit plus adapté à la tâche
demandée, d’abord parce que l'on doit déplacer un grand document et que le stylet
permet de faire des mouvements répétitifs plus rapidement. Il se peut aussi que cela soit
dû à l'échelle de grandeur que nous supposions au départ gênante pour la main gauche,
le stylet serait plus adapté pour des tâches de cette échelle de grandeur. Une autre
expérience est donc nécessaire pour déterminer l'origine de l'écart entre les deux
dernières conditions.

La phase de navigation est suivie de la phase de transition qui correspond à des


ajustements et des changements de contexte entre la navigation et le pointage pour les
conditions unimanuelles et à des mouvements réalisés en parallèle pour la condition
bimanuelle. Les résultats à la section IV.6.5 sur le temps de transition, et à la section
IV.6.7 sur l'acquisition des ascenseurs, montrent que le temps de transition est un indice
de la facilité de changer de contexte pour chacune des conditions. Le temps de transition
montre aussi pour la condition interaction bimanuelle la capacité naturelle des sujets à
faire des mouvements simultanément pour accomplir la tâche. Malheureusement,

119
comme nous l'avons montré à la section IV.6.3, le temps de transition est relativement
faible par rapport aux autres phases, ce qui n'a pas donné l'avantage à la condition
interaction bimanuelle qui n'a pu tirer parti du parallélisme que procure la division du
travail. Il paraît évident maintenant que pour des tâches asymétriques la durée de
parallélisme entre les deux mains est forcément faible, il correspond ici à la période de
superposition dans le temps du contrôle de la navigation et du pointage. Le contrôle en
parallèle de DL, possible grâce à une manipulation avec deux mains est forcément de
courte durée pour une tâche asymétrique, le parallélisme n'est pas alors un facteur
permettant de diminuer le temps de réalisation de la tâche.

Nous avons prédit que les variables d'interaction n'influent pas sur le temps de
pointage étant donné que le pointage se fait avec les mêmes paramètres pour les quatre
conditions. Le temps de pointage décrit à la section IV.6.6 montre que nous avions
raison. Il est à noter que la condition interaction bimanuelle a obtenu un temps moyen
supérieur de 0,26 secondes. On peut expliquer cet écart, comme pour la phase de
navigation, par l'espace de travail réduit lors de l'utilisation de deux périphériques
d'entrée.

IV.7.2 Applications à l'interaction homme-machine

Buxton et Myers [BM86] ont montré que l'interaction bimanuelle était plus
performante que l'interaction unimanuelle lors d'une tâche de navigation et pointage. Ce
qui signifie que l'interaction classique avec les barres de défilement n'est pas l'optimum.

L'expérience de Buxton et Myers [BM86] montre qu'il existe d'autres modes


d'interactions qui sont plus performantes pour la navigation et le pointage. Nous avons
voulu mettre en évidence quels facteurs étaient responsables de l'accroissement de
performance, et nous avons voulu les évaluer. Nous avons donc fait une analyse plus
précise de la condition bimanuelle mise en jeu. Il en est ressorti trois variables
d'interaction pour une navigation à travers un document, et quatre conditions définies
par ces trois variables. Ces trois variables correspondent à différents modes
d'interactions que l'on peut facilement appliquer dans des situations d'interaction
homme-machine.

120
L'étude de ces trois variables a montré qu'elle avait une influence sur les
performances des sujets. Le premier résultat est qu'une interaction avec barre de
défilement est l'interaction la moins performante, ce qui confirme la conclusion que l'on
peut faire mieux en interaction homme-machine. La manipulation directe et l'intégration
des dimensions sont deux modes d'interactions qui sont un exemple de ce que l'on peut
intégrer dans les interfaces utilisateurs. En effet, lors de notre expérience, les deux
modes d'interaction ont augmenté significativement les performances des sujets.

L'apport espéré de la coordination bimanuelle n'a pas été confirmé lors de notre
expérience. La coordination bimanuelle permet une division du travail, et permet donc
de faire en même temps deux tâches, ce qui a été confirmé dans notre expérience.
Cependant les tâches de navigation et pointage sont organisées selon un système
asymétrique dépendant, ce qui signifie qu'une tâche doit être presque terminée pour que
la deuxième puisque commencer. Le gain de temps prédit par le parallélisme
naturellement exécuté par les sujets a été contraint par le faible chevauchement dans le
temps des deux tâches. Comme nous l'annonçaient Kabbash, MacKenzie et Buxton
[KMB93] toutes les interactions bimanuelles ne sont pas équivalentes, plusieurs
paramètres doivent être pris en compte pour que la coordination bimanuelle soit
performante. Nous mettons en cause dans notre expérience la taille de la tablette ainsi
que l'échelle de grandeur de la navigation, trop petites pour être réalisés avec le curseur.

121
Chapitre V. Conception d'une
Interaction Bimanuelle

V.1 Le choix de la coordination bimanuelle

Le but de notre étude est d'utiliser les capacités de la coordination bimanuelle


pour proposer des améliorations sur des tâches d'interaction homme-machine.

Pourquoi la coordination bimanuelle ? Quels sont les avantages et les applications


à l'interaction homme-machine ? En premier lieu, nous avons proposé la coordination
bimanuelle comme méthode d'interaction avec la machine car nos actions quotidiennes
sont généralement effectuées en utilisant nos deux mains [Gui87]. Le premier avantage
de la coordination bimanuelle est qu'elle est une interaction à laquelle les utilisateurs
sont habitués. L'implémentation de la coordination bimanuelle serait à l'image de la
métaphore du bureau, c'est-à-dire essayer de rendre intuitive l'interaction homme-
machine par l'utilisation des concepts de la vie réelle.

La coordination bimanuelle est la capacité des êtres humains d'organiser leurs


deux mains pour réaliser une tâche. Sur un ordinateur, pour réaliser les actions, nous
utilisons comme périphérique d'entrée la souris. Une seule main est alors nécessaire
pour l'utilisation de l'ordinateur lors de la manipulation de l'interface, la souris nous
permet de contrôler un pointeur à l'écran selon deux degrés de liberté, les coordonnées
X et Y sur l'écran. En s'appuyant sur la coordination bimanuelle on peut proposer deux
périphériques d'entrée au lieu d'un seul. Ces deux périphériques d'entrée, contrôlés par
chacune des mains, doubleraient le nombre de degrés de liberté gérable en même temps
par l'utilisateur, et donc permettraient de manipuler des objets plus complexes ou bien
de contrôler quatre degrés de liberté d'un même objet.

122
La coordination bimanuelle fait intervenir nos deux mains. Comme chez les
primates, on peut se servir de nos deux mains sans préférence et indépendamment l'une
de l'autre. On est capable de réaliser en même temps deux pointages indépendants. Cette
possibilité d'agir en même temps pourrait être appliquée à l'utilisation d'un ordinateur.
Ainsi au lieu de faire deux tâches de façon séquentielle, on pourrait les faire de façon
simultanée, d'où un gain sur le temps de réalisation de la tâche.

Nous avons vu que la coordination bimanuelle nous permet de contrôler un plus


grand nombre de degrés de liberté. Si nous voulons implémenter correctement la
coordination bimanuelle comme mode d'interaction nous devons en savoir plus sur
l'organisation qui s'installe naturellement chez l'homme entre les deux mains et la
répartition des degrés de liberté. Nous nous sommes inspirés des conclusions de Guiard
[Gui87] dont le modèle nous suggère que les deux mains travaillent en collaboration. Le
modèle suggère qu'il se crée une division du travail selon trois principes : la granularité,
la précession temporelle et l'imbrication des espaces de travail. Les deux mains agissent
dans un système asymétrique dépendant comme si la main gauche était une aide à la
main droite pour préparer son action dans l'espace. Si nous voulons implémenter la
coordination bimanuelle, nous pouvons partir de ce modèle.

V.2 Discussion sur la coordination bimanuelle

Nous avons appliqué la coordination bimanuelle à différentes tâches répétitives de


l'interaction homme-machine : le tracé d'un rectangle et la navigation-pointage à travers
un large document. De nos résultats et des conclusions d'autres auteurs, nous faisons
une critique des implémentations de la coordination bimanuelle, du modèle de la chaîne
cinématique de Guiard [Gui87] et des apports prédits que nous avons décrits à la section
précédente.

Le premier avantage de l'implémentation de la coordination bimanuelle est de


rendre plus intuitives les interactions avec un ordinateur en adaptant le monde réel. Il
est difficile d'évaluer dans sa globalité l'apport cognitif d'un mode d'interaction.
Cependant dans un premier temps nous avons noté que les sujets, étant réticents avant
les expériences, ont apprécié et ont trouvé utile d'implémenter la coordination
bimanuelle à l'interaction l'homme-machine. Dans un deuxième temps, nous notons que

123
les performances des sujets ne sont pas catastrophiques contrairement à ce qu'ils
pensaient obtenir, elles sont même meilleures que certaines interactions unimanuelles et
notamment que l'interaction proposée par les interfaces actuelles, voir section IV.6.1 où
sont décrits les résultats des sujets lors d'une navigation et pointage.

Le deuxième avantage de la coordination bimanuelle est l'augmentation du


nombre de DL gérés simultanément. Notre première expérience a montré que les sujets
ont pu contrôler les quatre DL d'un rectangle en même temps dans une tâche de dessin.
Notre deuxième expérience a montré que les sujets étaient capables de contrôler deux
objets (le document et le pointeur) pour réaliser une tâche de navigation et pointage.
L'augmentation du nombre de DL contrôlés a pour effet de supprimer les sous-tâches
intermédiaires comme la sélection d'un coin du rectangle, ou bien l'acquisition des
ascenseurs, le changement de contexte entre les deux dimensions, le changement de
contrôle entre le pointeur et le document. Un plus grand nombre de DL contrôlés
simultanément diminue le nombre de sous-tâches, et supprime certains changements de
contexte qui alourdissent la tâche.

Le troisième avantage est de permettre un contrôle simultané de sous-tâches avec


chacune des mains. Lors de nos deux expériences, les sujets ont réalisé des mouvements
avec leur deux mains simultanément. Cet avantage est prépondérant avec un système
symétrique indépendant, et il est peu mis en œuvre avec un système de contrôle
asymétrique dépendant comme nous les avons rencontrés dans nos deux expériences.

Une conclusion importante de notre étude est que les trois avantages, que nous
venons de décrire, dépendent étroitement de la division du travail entre les deux mains.
En effet, l'interaction bimanuelle n'apporte pas forcément une interaction intuitive, une
interaction avec plus de DL et une interaction où les utilisateurs font des mouvements
simultanés. Il faut donc choisir une bonne division du travail pour avoir les meilleures
performances. Nous avons utilisé le modèle de la chaîne cinématique [Gui87] comme
système d'organisation de la coordination bimanuelle.

Pour l'étude du tracé de rectangle, nous avons utilisé trois organisations plus ou
moins proches du modèle. Le modèle de Guiard [Gui87] est adapté à la plupart des
actions dans le monde réel, or la tâche de tracé de rectangle est composée de deux
tâches de pointage symétriques. L'organisation symétrique du système bimanuel est plus

124
performante et pose moins de problème d'interactions qu'un système asymétrique
dépendant lorsque l'on doit déplacer deux objets (coins) qui sont indépendants, les
organisations asymétriques étaient basées sur une imbrication de repère inexistant
visuellement entre les deux coins. En outre, le contrôle symétrique indépendant permet
plus de mouvement parallèle qu'un contrôle asymétrique dépendant. Nous avons ainsi
montré que le modèle n'est pas une généralisation des organisations de la coordination
et qu'il convient d'utiliser une organisation symétrique lorsque la tâche le demande.
Lorsque la tâche est par définition asymétrique dépendante par exemple navigation et
pointage, il convient de choisir une division qui respecte les principes du modèle de
Guiard [Gui87] ([KBS94], [Gon99]).

L'expérience du tracé de rectangle nous rassure sur le choix d'une interaction


symétrique indépendante, c'est-à-dire une interaction où les deux mains jouent des rôles
similaires. Les résultats nous montrent que l'on peut se servir des deux mains de façon
identique même si l'on est fortement droitier. La main préférée et la main non préférée
ont été aussi performantes l'une que l'autre, et ont une qualité de mouvement identique.

Nous avons dit que s'il y a plus de DL gérés simultanément on diminue le nombre
de sous tâches. La performance de l'interaction ne dépend pas que du nombre de DL
gérés simultanément mais aussi de la répartition de ces DL entre les deux mains.
Kabbash, P., W., Buxton, A., Sellen [KBS94] ont montré que plusieurs divisions du
travail ne sont pas équivalentes, pourtant toutes les conditions bimanuelles géraient le
même nombre de DL. Ces auteurs ont montré que le nombre d'opérations motrices
(sous-tâches) est fonction du choix de la division du travail.

En conclusion, on peut utiliser la coordination bimanuelle afin de créer des


interactions bimanuelles sur un ordinateur, mais il faut respecter certaines règles. On
peut ainsi obtenir une interaction intuitive et performante, mais il faut prendre soin de
bien organiser le travail entre les deux mains, et cela en fonction de la tâche. En faisant
le bon choix, on obtient plus ou moins de parallélisme entre les deux mains, et plus ou
moins de diminutions d'actions motrices nécessaires.

125
V.3 Description de la tâche

Il est donc essentiel de comprendre comment choisir la meilleure distribution des


degrés de libertés aux deux mains. Pour cela il faut commencer par analyser la tâche
elle-même et les modes d'interactions.

Nous avons vu dans la première expérience le tracé d'un rectangle et dans la


deuxième expérience une navigation et pointage. Comment déterminer la division du
travail entre les deux mains. Comment déterminer si la tâche est symétrique
indépendante ou asymétrique dépendante ?

V.3.1 Assemblage de deux moteurs

Pour poursuivre nos travaux, nous nous référons à l'analyse réalisée par
Guiard [Gui87] qui décrit, pour montrer le modèle de la chaîne cinématique,
l'assemblage de deux moteurs. Un moteur a pour but de modifier la variable position
pour atteindre la variable référence en produisant du mouvement. Le schéma du moteur
est présenté à la Figure 72.

Position de Variable de
Référence Position
Moteur

Figure 72. Représentation minimale d'un moteur

Nous pouvons considérer nos deux mains comme deux moteurs. La question que
l'on se pose est comment ces deux moteurs sont liés. Les différentes configurations
décrites par Guiard [Gui87] sont représentées à la Figure 73.

126
Assemblage Othogonal
PR1 Moteur1 VP1

PR2 Moteur2 VP2

Assemblage Parallèle

PR Commune Moteur1 VP Commune

Moteur2

Assemblage Sériel
PR1 VP1 & PR2 VP2
Moteur1 Moteur2

Figure 73. Les trois configurations d'assemblages.


PR : Position de Référence, VP : Variable de Position

En observant diverses activités manuelles, Guiard [Gui87] nous montre que


l'organisation entre les deux mains se fait souvent à l'image d'une chaîne cinématique,
c'est-à-dire que les deux mains sont liées comme sont liées deux moteurs en sériel. De
cette remarque, Guiard en a déduit les trois principes du modèle.

V.3.2 Méthode de description d'une coordination

Nous remarquons que la distinction entre les trois configurations se fait au niveau
des positions de références et des variables de position. Elles peuvent être
indépendantes, communes, ou dépendantes. Pour simplifier, dans nos expériences, les
positions de références sont en fait les cibles et les variables de position correspondent
aux positions des traqueurs ou curseurs de nos expériences. À partir de là, reprenons les
diverses expériences et interactions bimanuelles que nous avons rencontrées, et
essayons de déterminer quelle est l'organisation qui les caractérise et si les interactions
bimanuelles utilisées sont adaptées aux tâches et enfin, quels sont leurs bénéfices.

127
Dans notre première expérience, il était question de modifier un rectangle traqueur
pour le faire coïncider à un rectangle cible. Nous avons créé trois conditions pour notre
expérience se basant sur des divisions du travail différentes : deux conditions
asymétriques dépendantes et une condition symétrique indépendante. Cette expérience
nous a montré en comparant les résultats des deux conditions asymétriques qu'il faut
respecter les principes du modèle de Guiard [Gui87]. Mais les sujets ont obtenu les
meilleures performances avec l'interaction symétrique. En regardant de plus près les
mouvements des sujets, on s'aperçoit qu'ils ont bougé leurs deux périphériques d'entrées
de façon symétrique même lorsque la condition était asymétrique dépendante. En fait, il
semblerait qu'il ne faille pas non plus contredire les liens entre les DL de la tâche. En
effet, si on analyse la tâche, on note que la cible est composée de deux coins opposés et
visuellement identiques, ces deux coins à atteindre sont les positions de références. Le
traqueur a lui aussi deux coins similaires que l'on doit déplacer, nous avons donc deux
variables de positions. Nous avons alors deux variables de positions indépendantes et
deux positions de référence indépendantes. D'après la description des différentes
configurations d'assemblage, pour réaliser la tâche on doit organiser la coordination
selon une configuration orthogonale. Les performances des sujets valident notre analyse
et notre conclusion que l'organisation des DL de la tâche doit être respectée. Les sujets
n'ont pas compris la notion d'imbrication de repères qui n'est pas représentée à l'écran.
On note que l'organisation orthogonale, c'est-à-dire l'interaction bimanuelle symétrique
apporte une amélioration des performances grâce à la possibilité de faire deux
pointages en même temps.

La tâche de notre deuxième expérience est de sélectionner une cible à l'intérieur


d'un très grand document. Le sujet doit pour réaliser la tâche déplacer un document pour
amener la cible dans la fenêtre et pointer avec un pointeur la cible. Analysons les DL et
définissons les variables et références de la tâche. Comme nous l'avions indiqué dans le
Chapitre IV, la navigation est une tâche de pointage classique, où la variable de position
est la position du document et la position de référence est le centre de la fenêtre avec
comme erreur la taille de celle-ci. En ce qui concerne le pointage, la variable de position
est la position du pointeur, et la position de référence est la cible sur le document.
Puisque dans la tâche de navigation et pointage, la position de la cible pour le pointeur
dépend de la position du document, l'organisation souhaitable est donc un assemblage
sériel. Les interactions choisies correspondent bien à la tâche puisqu'elles sont toutes les

128
quatre asymétriques dépendantes. Mais on notera que les deux sous-tâches (navigation
et pointage) ne peuvent pas se faire simultanément, en autre à cause de l'inaccessibilité
au pointage de la cible pendant la navigation. La tâche est donc asymétrique dépendante
et séquentielle. D'ailleurs, généralement les tâches asymétriques dépendantes sont
séquentielles, même si l'interaction est bimanuelle.

Nous pouvons appliquer cette analyse à d'autres tâches, par exemple la tâche
composée de Kabbash, Buxton, et Sellen [KBS94]. La tâche consiste à choisir une
couleur parmi quatre et à tracer un trait entre deux points. Il faut donc choisir une
couleur par un pointage et sélectionner le deuxième point par un autre pointage. Les
auteurs ont mis en œuvre plusieurs interactions. En fonction de celles-ci, la couleur était
choisie soit avec la main gauche soit avec la main droite, et dans la dernière condition
(Toolglass) le choix se fait en même temps que le début du mouvement de tracer. Les
auteurs ont décrit les quatre conditions avec le concept d'assemblage de moteurs
introduit par Guiard [Gui87]. Reprenons les différentes conditions avec la description
des variables et références. La première condition est, comme le décrivent les auteurs,
forcément séquentielle puisqu'elle correspond à une interaction unimanuelle. La
deuxième condition est définie comme orthogonale puisque l'on doit choisir la couleur
avec la main gauche et dessiner avec la main droite. Mais, en reprenant la procédure de
la tâche, on voit que l'on doit faire le choix de la couleur avant de commencer à
dessiner. La deuxième condition est alors séquentielle comme la première. Si on affine
notre analyse sur la sous-tâche du choix de la couleur, nous avons une tâche
asymétrique dépendante qui contrarie la préférence manuelle et les principes du modèle.
En effet, la main gauche pointe une cible dans une fenêtre dont la position est contrôlée
par la main droite. Pour la troisième condition, le contrôle de la position de la palette de
couleur se fait par la main gauche et le choix de la couleur et le tracé se fait avec la
main droite. Cette condition est alors considérée comme asymétrique dépendante par les
auteurs. Pourtant comme les deux premières, elle est aussi séquentielle, les deux sous-
tâches de pointage (choix de la couleur, tracé) sont indépendantes et se succèdent dans
le temps puisqu'elles sont réalisées toutes les deux par la main droite. La sous-tâche de
sélection de la couleur est asymétrique dépendante et respecte cette fois-ci la préférence
manuelle. La quatrième condition, qui correspond à une manipulation de la ToolGlass,
est particulière car les sujets doivent positionner la palette sur chacune des cibles pour
permettre de déterminer la couleur. On a deux sous-tâches qui se font en même temps :

129
le déplacement de la palette et le tracé de la ligne. Pour ces deux sous-tâches, la cible est
commune, c'est la cible suivante à atteindre. L'assemblage de cette condition n'est alors
pas asymétrique dépendant mais plutôt entre l'assemblage parallèle et orthogonal. Nous
appelons cet assemblage : assemblage convergent, voir Figure 74

VP1
Moteur1
PR
Commune

VP2
Moteur2

Figure 74. Assemblage convergent

Prenons maintenant l'expérience de Guiard [Gui93] reprise dans [MGBF] en


appliquant notre analyse aux différentes conditions expérimentales. La tâche
expérimentale est une tâche de Fitts simple où l'on doit atteindre avec un pointeur deux
cibles de tailles W et de distance D. En fonction des conditions les DL ne sont pas les
mêmes. Quatre conditions ont été testées, dont deux unimanuelles, une bimanuelle et
une dyade. Dans les conditions unimanuelles les variables de position sont soit la
position du pointeur soit la position des cibles et inversement pour la référence de
position. Mais il n'y a toujours qu'un moteur en action. Les deux autres conditions sont
plus complexes car elles ont un DL de plus que les conditions unimanuelles. En effet,
on peut bouger à la fois le pointeur et la cible. Ces conditions font donc intervenir deux
moteurs. Leur assemblage est-il sériel ? En fait la différence est subtile. Prenons
l'exemple d'une tâche avec un assemblage sériel souhaitable : navigation et pointage.
Nous avons deux sous-tâches avec chacune une variable de position et une position de
référence avec une dépendance d'une référence par rapport à la variable de position.
Dans la tâche de Guiard [Gui93], il n'y a qu'une tâche de pointage à réaliser mais il y a
deux moteurs. En fait pour chacun des deux, la position de référence dépend de la
variable de position de l'autre. Nous introduisons alors un nouvel assemblage :
l'assemblage croisé, voir Figure 75;

130
RP1 VP1
Moteur1

RP2 VP2
Moteur2

Figure 75. Assemblage Croisé

Les sujets n'ont pas obtenu des performances significativement différentes pour
les quatre conditions bien que dans les conditions avec 2 DL les sujets bougeaient les
deux moteurs en même temps. Il est intéressant de constater qu'il n'est pas utile
d'augmenter le nombre de DL pour réaliser la même tâche pour améliorer l'interaction.

V.3.3 Résumé

De l'analyse précise des variables et références de plusieurs coordinations mises


en places dans différents travaux, notre investigation nous a amené à trouver des
assemblages supplémentaires à ceux de Guiard. Ces assemblages sont tous simultanés
sauf l'assemblage sériel qui a plutôt tendance à être plus séquentiel. Ils se différencient
par les liens ou l'absence de lien entre les variables de position et les positions de
références. S'il n'y a pas de lien, le système est symétrique indépendant. S'il y a un lien
entre les références ou s'il y a un lien entre les variables, nous avons des systèmes
symétriques dépendants. S'il y a dépendance entre une variable et un repère, le système
est asymétrique dépendant. Pour l'assemblage croisé, il est difficile de dire si on a
affaire à un système symétrique puisque les deux tâches sont identiques et réalisent le
même pointage ou si le système est asymétrique car il y a dépendance entre les variables
et les références. Nous présentons au Tableau 8 les différents assemblages.

131
Tableau 8. Résumé des assemblages

Asseblem
Orthogonal Parallèle Convergent Sériel Croisé
blage
Système Symétrique Symétrique Symétrique Asymétrique Unidimensionel
Actions Simultanées Simultanées Simultanées Séquentielles Simultanées
Pointage
Édition de Toolglass Navigation
Exemple - réciproque
rectangle [KBS94] Pointage
[Gui93]
PR1 = PR2 PR2 lié à VP1
Liens Absence PR1 = PR2 PR2 lié à VP1
VP1 = VP2 PR1 lié à VP2
Nb.
2 1 2 2 1
pointages

V.4 Principes d'implémentation de la coordination


bimanuelle

Nous avons vu au début de ce chapitre les différents bénéfices de la coordination


bimanuelle. Mais nous avons compris par les analyses des résultats que ces bénéfices
sont fonction de l'interaction bimanuelle implémentée. En effet, il existe plusieurs
interactions bimanuelles et elles ne sont pas toutes équivalentes face à une tâche précise.
Nous pouvons résumer l'étude réalisée avec les quatre principes suivant :

Le premier principe est qu'il est nécessaire de comprendre la tâche, pour pouvoir
choisir au mieux la coordination adéquate.

Deuxième principe : la coordination symétrique est réalisable par les sujets, les
deux mains sont aussi performantes l'une que l'autre. De plus on obtient un gain de
performance grâce à la réalisation de sous tâches simultanément.

Troisième principe : il ne faut pas contredire les principes du modèle de Guiard


lorsque l'on a une coordination asymétrique, c'est-à-dire que la main préférée dépend de
la main non préférée et non l'inverse.

Quatrième principe : la disponibilité de DL supplémentaires grâce à l'interaction


bimanuelle n'apporte pas nécessairement une augmentation de performance.

132
V.5 Avantages de la coordination bimanuelle

Les avantages de la coordination bimanuelle sont multiples mais pas


nécessairement présents dès qu'il y a une coordination bimanuelle. Il est donc
intéressant de connaître les avantages avant d'établir une interface bimanuelle. Il y a
trois avantages important liés à la coordination bimanuelle, mais ils ne sont pas toujours
présents si on ne respecte pas les principes décrits dans la section précédente.

Le premier avantage est que la coordination bimanuelle est une coordination


naturelle chez l'homme. Elle ne demande pas un apprentissage plus important que pour
une interaction unimanuelle.

Le deuxième avantage est lié aux systèmes orthogonaux. Pour réaliser deux tâches
indépendantes avec une seule souris, on doit les réaliser séquentiellement, mais une
coordination bimanuelle orthogonale permet de réaliser deux tâches indépendantes en
même temps. On peut donc théoriquement diviser le temps par deux. De plus on note
que dans ces conditions les deux mains ont les mêmes performances.

Le troisième avantage est le fait de pouvoir contrôler avec une coordination


bimanuelle plus de DL qu'avec une action unimanuelle. En contrôlant deux objets en
même temps, il n'est donc pas nécessaire de changer de mode pour contrôler
successivement l'un ou l'autre. On peut ainsi supprimer deux à trois actions motrices.

V.6 Applications à l'IHM

Nous venons de définir des règles pour implémenter la coordination bimanuelle et


nous venons aussi d'identifier ses bénéfices. Nous allons maintenant l'intégrer à
l'interaction homme-machine de façon structurée. Notre but est de fournir des
interactions intuitives et plus performantes.

Nous avons compris avec les différentes analyses qu'une interaction bimanuelle
ne s'implémente pas facilement en attribuant les DL aux deux mains. Pour que les
interactions bimanuelles soient intuitives, nous allons nous inspirer des actions
quotidiennes dans le monde réel où l'on utilise souvent nos deux mains pour agir sur
notre environnement et plus précisément des actions relatives à la manipulation sur un

133
bureau de travail. Sur un bureau de travail, on manipule plusieurs outils, des documents
et on les édite. La manipulation bimanuelle est présente par exemple lorsque l'on peint :
le pinceau est dans la main droite et la palette de couleurs est dans la main gauche. En
reprenant les mêmes types d'interactions que dans la vie réelle nous ferons en sorte de
respecter les règles que nous avons fixées à la section V.4.

Pour que les interactions soient performantes, nous tirons parti des avantages
décrit à la section V.5. Nous ferons en sorte que le nombre de pointages soit le plus
faible possible. Si le pointage ne peut pas être évité, on tentera de diminuer la difficulté
de la tâche. Enfin nous essayerons de supprimer des sous-tâches lors du changement
d'une propriété, du changement de contexte comme l'outil en cours, le document actif,
etc … En résumé, on doit garder à l'esprit que la main gauche peut être à tour de rôle et
sans préférence soit équivalente à la main droite soit une aide à l'action de la main
droite.

En diminuant le nombre de sous-tâches, certains éléments sont directement


accessibles par la main gauche. Il n'est donc plus nécessaire de sélectionner certains
outils de l'interface avec la souris droite, ils deviennent donc obsolètes. Par exemple,
dans les logiciels d'Adobe, il n'est plus nécessaire d'avoir l'outil "petite main" dans la
palette d'outil. Cette modification sur le changement de contexte permet de simplifier et
changer les interfaces graphiques voire de créer de nouveaux concepts comme les
ToolGlass [BSPBDeR93].

Nous allons reprendre nos travaux et les différents travaux qui ont été réalisés sur
l'interaction bimanuelle. Nous allons en faire une compilation dans un seul système
d'interaction. Jusqu'ici les différents travaux ont eu pour sujet une tâche en particulier
où l'interaction bimanuelle était mise en valeur, ou bien les travaux ont fait l'étude de
l'implémentation de l'interaction bimanuelle dans un programme spécifique. Nous
faisons dans notre étude une implémentation de l'interaction bimanuelle dans l'ensemble
de l'interaction homme-machine, les différents types de tâches manuelles sont étudiés
dans les paragraphes suivants.

134
V.6.1 Action bimanuelle dans une fenêtre

Dans une fenêtre, quel que soit son contenu, nous faisons avec la souris
généralement soit un pointage simple, soit une sélection rectangulaire, soit nous
dessinons des figures simples. Lorsque la vue n'est pas adéquate, il nous arrive de
naviguer dans le document. Pour un pointage simple comme le clic sur un bouton,
l'interaction bimanuelle a peu d'intérêt. Mais pour les autres actions comme l'édition de
rectangle ou la navigation-pointage, l'interaction bimanuelle peut apporter une
simplification de l'interaction.

En ce qui concerne une sélection rectangulaire dans la fenêtre ou bien le tracé


d'une forme géométrique simple, par exemple un rectangle, nous avons vu que
l'interaction bimanuelle permet de gagner du temps puisque l'on peut avec cette
méthode faire deux mouvements en même temps. Il est à noter que l'organisation du
travail la plus adéquate pour gérer des DL semblables est celle d'un système symétrique.
On peut contrôler aussi d'autres DL que des DL semblables : nous avons testé dans
notre étude le tracé d'un rectangle avec deux points de la figure, mais on peut imaginer
aussi que l'on ait comme DL la position de la figure et son orientation.

Pour la navigation du contenu de la fenêtre, l'interaction bimanuelle s'inspire de la


posture de l'écriture, où la main gauche déplace la feuille alors que la main droite écrit
sur la feuille. Le premier apport est donc cognitif, puisque l'on adapte à l'IHM une
interaction connue de l'utilisateur. Le deuxième apport de l'interaction bimanuelle dans
la navigation du contenu d'une fenêtre est le gain de temps par la suppression du
changement de contexte entre la navigation et le pointage que l'on doit réaliser avec une
interaction à une seule souris. Avec les interfaces actuelles, pour passer en mode
navigation, on a le choix entre l'utilisation des barres de défilement ou bien de l'outil de
navigation qui est représenté par exemple par une "petite main" dans les logiciels
d'Adobe. On doit tout d'abord acquérir l'outil de navigation, ensuite après la navigation,
on doit revenir en mode édition, ces sous-tâches de pointage pour changer de mode ne
sont plus nécessaires avec l'interaction bimanuelle. La WheelMouse de Microsoft
apporte à peu près les mêmes avantages avec une seule souris sauf que la roulette
s'utilise soit en mode contrôle de position et l'on ne peut naviguer que dans une seule
dimension, soit en mode contrôle de vitesse où l'on peut naviguer selon deux
dimensions. D'après les résultats de nos travaux et de différentes autres recherches

135
[ZBS97a] et [ZBS97b], l'interaction bimanuelle est équivalente à ces interactions
unimanuelles où le temps de changement de contexte est réduit considérablement. Donc
pour une tâche de navigation-pointage, l'interaction bimanuelle n'est pas l'unique
réponse pour une nouvelle interaction plus performante que l'interaction classique. En
revanche, l'interaction bimanuelle serait indispensable si on attribuait à la main gauche
d'autres DL que ceux de la navigation, car sur la souris droite, on ne peut pas ajouter
beaucoup plus de boutons que les deux boutons et la roulette. On pourrait, par exemple,
en augmentant l'ensemble des DL contrôlés par la main gauche, naviguer comme nous
venons de le voir selon les deux dimensions X et Y, et aussi naviguer selon les Z, c'est-
à-dire changer le facteur de zoom. Cette technique donnerait accès aux diverses
interactions que propose Pad++ [BH94].

V.6.2 Interaction avec les palettes

Dans de nombreux logiciels, on trouve maintenant des palettes flottantes et des


barres d'outils. Elles ont pour but de donner un accès rapide à des commandes, des
outils, ou des propriétés qui sont souvent utilisées. Le défaut est identique à celui de la
navigation traitée à la section précédente. Ces palettes ou ces barres obligent l'utilisateur
à faire de nombreuses actions motrices en pointant les palettes puis en revenant sur le
document. Par exemple si un utilisateur est en train de dessiner et qu'il veut gommer un
trait, pour passer du mode crayon au mode gomme et revenir au mode crayon, on
rajoute à l'unique action de gommage quatre pointages. Sur certains logiciels, on a des
raccourcis claviers pour passer d'un outil à l'autre, Adobe Photoshop propose H pour
navigation, B pour le pinceau et E pour la gomme. Ces commandes sont généralement
réalisées par la main gauche qui est sur le clavier alors que la main droite a toujours la
souris. C'est déjà une forme d'interaction bimanuelle. Mais ces raccourcis sont limités
pour certains outils. On ne peut pas commander toutes les palettes par ce moyen.

Bier, Stone Pier, Buxton et DeRose ont proposé une interaction bimanuelle plus
poussée et utilisant une interaction avec un périphérique de pointage pour la main
gauche : Toolglass et Magic Lenses [BSPBDeR93]. Ces techniques se servent de la
capacité de l'interaction bimanuelle à proposer le contrôle d'un plus grand nombre de
DL. Ces techniques proposent que l'on déplace les palettes avec la main gauche sans les
acquérir, et que l'on sélectionne l'outil désiré avec la main droite. Cette interaction

136
permet de supprimer l'acquisition de la palette par le pointeur classique, pour pouvoir la
déplacer. Elle permet aussi de diminuer la distance de pointage entre le pointeur et la
palette lors de la sélection d'une commande ou d'un outil de la palette. En effet, la main
gauche se charge d'amener la palette à proximité du pointeur. Le nombre de sous-tâches
ainsi que les difficultés de pointages qui leur sont propres sont diminués en fonction des
cas et des implémentations. Généralement on diminue le nombre d'actions motrices en
obligeant les sujets à amener la Toolglass sur la position du début de mouvement de
l'édition. Par exemple si l'on veut dessiner une forme, on doit cliquer "à travers" la
palette pour commencer le tracé. On a donc supprimé l'action de retour sur la zone de
travail que l'on doit faire à la suite de la sélection de l'outil. Mais il reste encore l'action
de déplacement de la palette vers le pointeur (et la zone de travail). L'interaction
proposée par Adobe en proposant de commander le choix de l'outil par la frappe d'une
touche au clavier est alors plus performante dans ce sens que la technique de la
Toolglass.

V.6.3 Fenêtres et Applications

Les fenêtres sont un des éléments de bases des interfaces graphiques. En fonction
des utilisateurs et des contextes, il y a souvent plusieurs fenêtres ouvertes à l'écran en
même temps. Du fait de leur taille, les fenêtres se superposent, et très souvent il est
impossible d'atteindre certaines fenêtres sans déplacer, modifier la géométrie ou réduire
celles qui se trouvent en avant-plan. Les applications proposent assez souvent un menu
« Fenêtres » qui donne la possibilité d'accéder à une fenêtre cachée de l'application sans
agir sur les autres fenêtres. La complexité de la tâche de navigation entre les fenêtres
augmente s'il y a plusieurs applications ouvertes. D'ailleurs le problème de bascule entre
deux fenêtres se retrouve entre deux applications. Pour passer d'une application à l'autre
les solutions existent, mais diffèrent d'une interface graphique à l'autre. Sur les systèmes
MacOS et Windows, il existe un raccourci clavier qui fait office de bascule. À nouveau
nous voyons qu'un raccourci clavier qui utilise par défaut la touche tabulation sur ces
systèmes est une sorte d'interaction bimanuelle.

Nous proposons de faire cette navigation avec les deux DL d'un périphérique de
pointage confié à la main gauche. Il y a deux possibilités d'interactions. La première
possibilité est que la main gauche contrôle le déplacement d'un pointeur à l'écran. Ainsi

137
l'utilisateur doit acquérir la fenêtre quand elle est visible, soit il peut sélectionner la
fenêtre dans le menu prévu à cet effet. Mais il nous paraît peu intuitif que l'on puisse
accéder aux menus et lancer des actions avec la main gauche. La deuxième possibilité
repose sur une interaction où la main gauche ne déplace pas un pointeur, mais où
l'interaction se base sur un feed-back adéquat. Comme dans la plupart des interactions
dont on a fait l'analyse dans ce chapitre, cette navigation d'une fenêtre à l'autre se fait
sans pointeur pour la main gauche. On peut ainsi accéder à des éléments de l'interface
qui ne le sont pas pour le pointeur de la souris droite. L'interaction permet, de plus, de
naviguer entre les fenêtres et les applications. Les déplacements selon l'axe des Y
correspondent à un parcours des fenêtres comme si on sélectionnait un élément dans le
menu "Fenêtre". Le feed-back est le passage successif de chaque fenêtre qui se trouve
en avant-plan en dernière position derrière toutes les fenêtres de l'application. En fait la
liste que l'on parcourt est une liste circulaire. Il en est de même pour l'axe des X et les
applications. Chaque mouvement vers la droite fait passer l'application qui se trouve en
avant-plan derrière toutes les applications et faire apparaître celle qui était en deuxième
position. Un mouvement vers la gauche réalise l'opération inverse, c'est-à-dire que
l'application en arrière plan passe en avant-plan. Ce genre de pointage est simplifié par
le fait qu'ici il ne s'agit pas d'un vrai pointage avec un mouvement pour atteindre une
cible avec une certaine erreur. Du moins on contrôle les gains et les limites plus
facilement que pour un pointage graphique. En effet si la main gauche contrôlait un
pointeur sur l'écran, la tâche de pointage serait contrainte par le graphisme de
représentation. Pour accéder à une fenêtre, il faudrait pointer sur le nom de la fenêtre
dont le texte aurait une certaine taille en pixel et parmi une liste de fenêtres. La tâche
serait donc dépendante de l'affichage. Pour faciliter la tâche on pourrait agrandir la
police, mais cela ne serait peut-être plus adapté à l'interface. En supprimant tout
affichage on contrôle plus facilement la difficulté de la tâche de sélection. La tâche
pourrait être aussi simple que le raccourci clavier que l'on utilise pour passer d'une
application à l'autre sur les systèmes MacOS et Windows.

Nous venons de voir une méthode de sélection d'une fenêtre avec un périphérique
de pointage pour la main gauche qui évite de nombreuses manipulations à la main droite
et qui les remplace par un geste simple avec la main gauche. Mais la main droite, dans
une interface classique, ne fait pas que sélectionner les fenêtres, en fonction des
situations, elle peut changer leur position et leurs dimensions, les fermer et les

138
minimiser. Par l'ajout d'un bouton sur le périphérique de pointage gauche on peut ainsi
avoir la possibilité de naviguer entre les fenêtres. En appuyant sur ce bouton, on passe
en mode « changement de position de la fenêtre ».

On notera que lorsque l'utilisateur tient deux périphériques de pointage, il n'a plus
la possibilité de faire des raccourcis claviers. Or ceux-ci sont très utilisés lors de la
manipulation de fenêtres comme la fermeture de la fenêtre ou bien la commande
"annuler" pour sortir d'une boîte de dialogue que l'on réalise par l'appui sur la touche
"esc" du clavier. Il faut donc prévoir dans les modes du périphérique gauche ces
quelques interactions.

V.6.4 Un périphérique d'entrée idéal pour la main gauche

Dans les trois sections précédentes, nous avons décrit différentes tâches qui dans
les interfaces classiques sont réalisées par la souris droite. Reprenons la liste de ces
tâches : nous avons décris l'édition ou la sélection dans une fenêtre à la section V.6.1, la
gestion des outils pour l'édition, des propriétés des objets graphiques et bien d'autres
applications que nous avons vu à la section V.6.2 sur les palettes et nous avons vu à la
section V.6.3 les différentes manipulations sur les fenêtres et sur les applications. Nous
avons décrit des interactions bimanuelles pour le contenu d'une fenêtre (édition,
navigation-pointage), pour la manipulation de fenêtres (gestion du bureau de travail), et
les éléments externes aux fenêtres comme les palettes (ensemble d'actions possibles).
Nous nous apercevons que ces tâches touchent tous les niveaux des interfaces
graphiques (contenu, fenêtre, palette). Pour toutes ces tâches, nous avons trouvé une
interaction bimanuelle adaptée. L'interaction bimanuelle peut donc être une aide à la
gestion et la manipulation des interfaces graphiques actuelles.

Nous proposons ici un prototype de périphérique pour la main gauche qui


rassemble toutes les interactions bimanuelles que nous avons proposées. Le
périphérique d'entrée doit permettre un pointage selon deux dimensions pour faire des
pointages comme le tracé d'un rectangle, ou bien déplacer une fenêtre. La première
caractéristique du périphérique est qu'il est un périphérique de pointage à deux
dimensions. Tout type de périphériques de pointage peut convenir : souris, stylet,
trackball ou trackpad.

139
Le périphérique d'entrée n'a pas que cette fonction de pointage, il permet de
parcourir la liste des fenêtres d'une application, la liste des applications et aussi de gérer
les palettes. Nous devons donc rajouter des boutons à ce périphérique, et parfois
plusieurs boutons seront enfoncés en même temps. Le périphérique d'entrée adéquat
pour la main gauche pour notre prototype est une souris classique à trois boutons pour
pouvoir passer d'un mode à l'autre.

Pourquoi trois boutons et quels sont leur rôle ? Nous avons vu que la souris
gauche pouvait être utile dans les fenêtres, sur les palettes et sur les fenêtres, c'est-à-dire
à trois niveaux de l'interface. La réalisation d'une souris avec trois boutons dont chacun
donne accès à niveau est envisageable. Mais nous préférons attribuer aux boutons des
actions plus génériques. Ainsi, chacun des trois boutons correspond à un type d'action
motrice : pointage, sélection d'un élément, ou l'activation d'un mode.

Nous avons vu que la souris gauche permet de faire un double pointage en aidant
la souris droite. Le premier bouton permet de faire des actions de type déplacement,
changement de position. Ce mode sert donc à modifier la position d'un coin d'un
rectangle que l'on dessine ou bien d'un rectangle de sélection, et si l'on veut que la
souris gauche propose des actions génériques, ce mode permettra aussi de modifier la
position d'une fenêtre ou bien d'une palette. En résumé lorsque l'on enfonce ce bouton,
on peut utiliser la souris gauche pour modifier le X et le Y de l'objet courant. Nous
appelons ce bouton : bouton Position.

Le deuxième bouton a une action simple, il fait apparaître la palette d'outils ou la


barre d'outils. Mais son action s'arrête à l'apparition, le déplacement de la souris n'a
aucun effet. Nous verrons plus loin comment le combiner avec les autres boutons.
Toutes les techniques publiées dans l'article de Bier, Stone, Pier, Buxton, DeRose
[BSPBDeR93] à propos de la Toolglass et Magic Lenses peuvent être implémentées. Ce
bouton est appelé : bouton Palette.

Le troisième bouton est quant à lui utilisé pour la navigation entre les fenêtres et
les applications. Le mouvement de la souris gauche permet la sélection d'un élément
parmi n, où n représente le nombre de fenêtres ou d'applications. Dans ce mode, il n'y a
pas réellement de pointage avec un pointeur et une cible, la tâche est plus simple, il
suffit de déplacer suffisamment la souris pour faire basculer la fenêtre ou l'application

140
qui est en avant-plan vers l'arrière-plan. Comme pour le Bouton Position, nous étendons
l'ensemble des objets sensibles à ce mode, nous proposons de pouvoir basculer les
fenêtres, les applications et les palettes. Nous appelons ce bouton : bouton Bascule.

Nous présentons un prototype de la souris gauche à la Figure 76.

Bascule
Palette Position

Figure 76. Les boutons de la souris gauche

Pour que les utilisateurs apprécient cette interaction bimanuelle, nous devons faire
en sorte qu'ils aient besoin le moins possible de taper au clavier lors d'une manipulation
de l'interface. En effet, il serait désagréable de devoir faire des va-et-vient entre la souris
et le clavier pour accéder à diverses commandes. Pour cela, nous définissons un
ensemble de combinaisons pour effectuer des tâches que l'on exécute généralement en
utilisant le clavier, comme la fermeture de la fenêtre active. Nous décrivons dans les
paragraphes suivants les différents boutons ainsi que les différentes combinaisons
possibles. La présentation est faite en décrivant chaque bouton à tour de rôle et les
combinaisons dans lesquelles le bouton est enfoncé en premier. Un aspect important de
notre design est que la plupart des actions décrites dans les paragraphes suivants
auxquels nous avons trouvé une interaction bimanuelle, malgré la présence de la
deuxième souris, restent exécutables avec une seule souris. Notre système est assez
souple pour accepter les deux types d'interactions, unimanuelle et bimanuelle. Par
exemple, l'utilisateur peut s'il le désire déplacer le contenu d'une fenêtre via les

141
ascenseurs, s'il le souhaite alors qu'il pourrait utiliser la souris gauche. Cette souplesse
permet un apprentissage progressif de la manipulation de la deuxième souris [ND86].

Le bouton Position

Nous voyons ici toutes les interactions possibles lorsque le bouton position est le
premier des trois boutons enfoncés. Le bouton Position a deux contextes possibles qui
sont fonction de la tâche en cours de la souris droite.

La première situation est lorsque la souris droite est en train d'éditer un objet ou
une sélection. Dans ce cas-là, la souris gauche contrôle des degrés de libertés de l'objet
par exemple le coin opposé à celui de la souris droite comme nous l'avons vu au
Chapitre III. S'il y a plusieurs autres DL, ils peuvent être choisis par un double click sur
le bouton Bascule, pour passer à une autre mode. Prenons l'exemple du tracé d'un
rectangle, par défaut la souris gauche déplace le coin opposé, mais après un double click
sur le bouton Bascule, le mouvement de la souris droite modifie l'angle de rotation du
rectangle autour du coin de la souris gauche. Les exemples sont présentés à la Figure
77.

SG SG

SD

SD

Souris Gauche X,Y -> X,Y Coin opposé Souris Gauche X,Y -> X,Y Coin opposé
Souris Droite X,Y -> X,Y Coin sélectionné Souris Droite Y -> Angle de l’objet sélectionné

Figure 77. Édition de l'objet

La deuxième situation est le cas inverse, c'est-à-dire lorsque la souris droite n'est
pas en mode édition d'un objet ou d'une sélection. Cette situation existe lorsque la souris
droite ne fait rien ou bien lorsqu'elle réalise un glisser déplacer. Dans cette situation, les
mouvements de la souris gauche sont traduits en mouvements pour le contenu de la
fenêtre active, on réalise une navigation comme nous l'avons vu au Chapitre IV. Nous
pouvons rajouter une fonction supplémentaire de navigation : il arrive que l'on veuille
parfois naviguer à travers les échelles, donc lors d'un double click, comme dans la

142
situation précédente, sur le bouton Bascule, on passe d'un déplacement du document à
un changement du zoom. Les deux exemples sont présentés à la Figure 78.

X,Y -> X,Y document : Navigation Y -> Z facteur Zoom

Figure 78. Navigation X,Y ou Zoom

Le synopsis à la Figure 79 présente les différents modes d'interactions possibles


lorsque le bouton Position est le premier bouton enfoncé des trois boutons de la souris
gauche.

Édition d'un objet ou une sélection Acune édition


avec la souris droite avec la souris droite

Bouton Position Bouton Position


SG (X,Y) -> (X,Y) Coin opposé SG (X,Y) -> (X,Y) Contenu fenêtre
ou
SG (Y) -> Z Facteur Zoom

Bouton Bascule Bouton Bascule


D. Click -> Changement de mode D. Click -> Changement de mode
SD (Position <-> Rotation) SG (Position <-> Zoom)

Figure 79. Sypnosis lors de l'appuie du bouton Position en premier.


(SG = Souris Gauche, SD = Souris Droite, D. Click = Double Click)

Bouton Bascule

Le bouton bascule a comme tâche générique de basculer d'un mode à l'autre ou


d'un contexte à l'autre. Il ne sert pas à faire un pointage à proprement parler. Lorsqu'il
est enfoncé en premier, le bouton Bascule permet de parcourir les listes des fenêtres et
des applications. Chaque coordonnée est attribuée à l'une des deux listes, lorsque l'on

143
déplace la souris gauche horizontalement, on fait passer successivement les applications
au premier plan. Lorsque l'on déplace la souris verticalement, l'effet est le même sur les
fenêtres de l'application courante.

Il arrive souvent que l'on travaille sur deux documents en même temps et que l'on
ait besoin de faire des va-et-vient entre deux fenêtres. Notre système convient
parfaitement à ce genre de situation puisque l'utilisateur parcourt les fenêtres sans
recourir à un pointage difficile avec la souris droite. Mais nous rappelons que notre but
est d'aider et de faire en sorte de minimiser le nombre de pointages tout au long d'une
période de travail sur plusieurs documents. Nous proposons donc que l'utilisateur puisse
revenir sur l'avant dernière fenêtre active au premier plan par un simple double click sur
le bouton Bascule. Ainsi sans déplacer aucune souris, l'utilisateur peut faire des va-et-
vient entre les deux documents sur lesquels ils travaillent. Nous verrons dans la section
suivante un exemple et l'utilité de ce principe lors de la manipulation de fenêtre.

Dans la manipulation des fenêtres, nous proposons de naviguer plus aisément


entre elles avec le bouton Bascule. Il arrive très souvent que nous souhaitions déplacer
la fenêtre active, pour cela nous devons acquérir la barre de titre pour la déplacer. Nous
proposons à nouveau d'éviter cette acquisition grâce au bouton Position. Lorsque
l'utilisateur est en mode gestion de fenêtre par l'appui du bouton Bascule, il peut
appuyer sur le bouton Position, ainsi le mouvement de la souris gauche engendre le
déplacement de la fenêtre.

Enfin la dernière interaction possible en mode gestion de fenêtre que nous


proposons est une action qui correspond à une interaction que l'on retrouve sur
différents systèmes d'exploitation implémentées de différente manière. Sur quasiment
tous les systèmes d'exploitation, les fenêtres peuvent avoir une taille ou une position
particulières. Sur MacOS, les fenêtres peuvent être réduites à leur barre de titre. Sur
Windows, les fenêtres peuvent être masquées, et deviennent alors accessibles par
l'intermédiaire de la barre de tâche. Sur l'interface graphique X-Window, les fenêtres
peuvent être « iconisées ». Cette position ou cette taille particulière est accessible par
notre système par un double click sur le bouton Position.

144
Le synopsis à la Figure 80 présente le mode gestion de fenêtres qui est actif
lorsque le bouton Bascule est le premier bouton enfoncé des trois boutons de la souris
gauche.

Bouton Bascule
SG (X) -> Changement d'Applications
SG (Y) -> Changement de Fenêtres
Double Click -> Fenêtre précédente devient active

Bouton Position
SG (X,Y) -> Position Fenêtre
Double Click -> Minimiser fenêtre active

Figure 80. Synopsis en mode Gestion de Fenêtres (SG = Souris Gauche)

Bouton Palette

Le bouton Palette est attribué à la gestion de la ou des palettes et barres d'outils.


Une pression sur le bouton Palette fait réapparaître la palette d'outil (à sa dernière
position) et la souris droite est alors en mode Palette. L'utilisateur peut ainsi choisir un
outil en cliquant avec la souris droite dans la palette comme avec une interface
classique. Dès le relâchement du bouton Palette, la souris droite n'a plus accès à la
palette, soit parce qu'elle devient invisible soit parce qu'elle devient inactive dans le cas
où elle serait semi-transparente comme la ToolGlass [BSPBDeR93].

Par définition les palettes sont des palettes flottantes. Pour les déplacer,
l'utilisateur peut bouger la souris gauche pour donner le mouvement à la palette tout en
appuyant sur le bouton Position.

Nous venons de voir que l'utilisateur doit cliquer dans ou à travers la palette.
L'utilisateur doit donc faire une tâche de pointage soit en déplaçant le pointeur soit en
déplaçant la palette soit les deux. Nous proposons que la tablette se retrouve
directement sous le pointeur par un simple double click sur le bouton Position. Ainsi la
tâche de sélection de l'outil en devient beaucoup plus simple, par la diminution de la
distance pointeur-cible. Nous pouvons définir aussi que lorsque la palette réapparaît,
elle se trouve directement sous le pointeur : cette fonction pourrait être paramétrable par
l'utilisateur.

145
En général, ces applications ont soit plusieurs palettes d'outils soit aucune palette.
Il existe très rarement d'applications n'ayant qu'une seule palette. Pour continuer, nous
introduisons le concept de palette courante : lorsque l'on appuie sur le bouton Palette, la
palette courante apparaît à l'écran. Il est donc important de trouver un moyen
d'interaction pour pouvoir changer de palette courante. Nous utilisons le bouton Bascule
comme pour le mode gestion de fenêtre, un mouvement vertical change la palette
courante, on parcourt ainsi l'ensemble des palettes proposées par l'application.

Comme pour le mode gestion de fenêtres, il arrive assez souvent qu'il soit
nécessaire de revenir sur la palette précédente, donc un double click sur le bouton
Bascule lorsque l'on est en mode Palette, change la palette courante par la palette
précédente.

Il arrive assez souvent que l'on fasse des va-et-vient entre les outils par exemple :
on clique trois fois successivement dans la palette d'outils pour passer de l'outil crayon à
l'outil gomme puis revenir à l'outil crayon. Pour réduire le nombre d'actions motrices,
nous proposons qu'un double click sur le bouton Palette permette de revenir à l'outil
précédent.

Le synopsis à la Figure 80 présente le mode gestion de fenêtres qui est actif


lorsque le bouton Bascule est le premier bouton enfoncé des trois boutons de la souris
gauche.

Bouton Palette
Pression Maintenu -> Apparition Palette Courante
Double Clik -> Revenir sur l'outil précédent

Bouton Position Bouton Bascule


SG (X,Y) -> Position de la Palette SG (Y) -> Changement Palette
D. Click -> Position sous le pointeur D. Click-> Palette Précédente

Figure 81. Synopsis en mode Palette (SG = Souris Gauche, D. Click = Double Click)

146
Chapitre VI. Conclusion

VI.1 Résumé

L'application de la coordination bimanuelle est étudiée en Interaction Homme-


Machine depuis l'article de Buxton en 1986 [BM86]. Depuis cet article, divers auteurs
ont fait des travaux sur l'application de l'interaction bimanuelle dans des tâches très
précises. Ils ont montré qu'elle permet d'obtenir des performances meilleures que les
interactions proposées par les interfaces utilisateurs actuelles. Nous avons voulu
reprendre les différentes tâches étudiées dans ces articles pour comprendre et déterminer
quelle est l'influence de la division du travail, et d'identifier quels sont les apports de
l'interaction bimanuelle.

Dans notre première étude, nous avons montré que le facteur division du travail
influe sur les performances et le comportement des sujets. Les sujets ont eu tendance à
ne pas optimiser les mouvements en fonction des conditions, pour les trois conditions,
ils ont agi comme si l'interaction était symétrique. Ce résultat nous suggère que pour
chaque tâche manuelle il y a une interaction qui lui est adaptée. Avant de proposer une
interaction les concepteurs d'interfaces doivent donc analyser la tâche pour en
déterminer la coordination adéquate. Pour cela nous avons dressé une méthode
d'analyse dans le dernier chapitre.

Les résultats de la deuxième expérience montrent que l'interaction bimanuelle


apporte un ensemble de bénéfices d'interaction par rapport à l'interaction classique. Bien
que les sujets aient obtenu de meilleures performances avec l'une des conditions
unimanuelles qu'avec la condition bimanuelle, cela ne remet pas en cause les apports de
l'interaction bimanuelle pour plusieurs raisons. En effet, notre étude portait sur une
tâche précise : la navigation–pointage, une tâche où les mouvements simultanées entre

147
les deux mains sont difficilement envisageables. L'apport de l'interaction bimanuelle
dans une tâche asymétrique dépendante est la diminution du nombre de sous-tâches. Cet
apport est automatique pour l'interaction bimanuelle, et peut l'être pour l'interaction
unimanuelle. Ainsi dans notre expérience, l'une des conditions unimanuelles a bénéficié
des mêmes atouts que la condition bimanuelle grâce à l'utilisation de la pression du
stylet. La WheelMouse de Microsoft propose des caractéristiques similaires grâce à une
roulette insérée entre les deux boutons de la souris de l'utilisateur. Mais ses
caractéristiques ne sont valables que pour la tâche de navigation – pointage. En fait,
l'interaction bimanuelle garde sont intérêt en diminuant le nombre de sous-tâches dues
aux changements de modes ou de contextes, par exemple l'acquisition des barres de
défilement pour la navigation. Elle permet de changer de mode ou de contexte dans
plusieurs situations, là où la WheelMouse le permet uniquement pour la navigation à
travers un document.

Ces conclusions sur nos deux expériences nous font comprendre que pour tirer
profit de l'interaction bimanuelle nous devons analyser la tâche afin de choisir la
division du travail la plus adéquate et que l'interaction bimanuelle n'est pas seulement
un apport de deux mouvements réalisés en même temps mais aussi un moyen de
diminuer le nombre de sous-tâches, notamment de pointage.

Nous avons donc analysé les différents type de tâches de pointage rencontrés dans
les travaux sur la coordination bimanuelle et l'interaction bimanuelle. Guiard [Gui87] a
établi une catégorisation des tâches en fonction des variables de position et des
positions de références ainsi que des liaisons éventuelles entres elles. Cette
catégorisation comprend trois assemblages distincts et dont chacun a ses propres
caractéristiques : orthogonal, parallèle et sériel. Notre étude des divers travaux sur la
coordination bimanuelle et l'interaction bimanuelle nous a amené à compléter cette liste
avec deux autres assemblages : convergent, croisé. Grâce à cette catégorisation, nous en
déduisons un ensemble de principes d'utilisation de la coordination bimanuelle :

- Choisir un des assemblages en fonction de la tâche.

- Si une coordination symétrique est envisageable, dans ce cas la main gauche


et la main droite doivent être considérées comme identiques.

148
- Dans le cas d'un système asymétrique dépendant, ne pas contredire les
principes du modèle de la chaîne cinématique de Guiard [Gui87].

- Rajouter des DL pour introduire une coordination bimanuelle n'améliore pas


la performance.

Si ces principes sont respectés, nous avons identifié les différents avantages que la
coordination bimanuelle apporte à l'interaction homme-machine :

- La coordination bimanuelle est une interaction naturelle.

- Les systèmes symétriques augmentent les performances grâce à la


simultanéité de deux pointages.

- Les systèmes asymétriques augmentent les performances lorsque l'on doit


gérer un ensemble de changements de modes ou de contextes, par la diminution
du nombre de pointages.

Nous avons repris en partie les travaux en IHM sur l'interaction bimanuelle afin
de la généraliser à toute l'interface en partant des règles sur l'implémentation de la
coordination et en connaissant les avantages ainsi que leur facteur. Nous avons
catégorisé les interactions unimanuelles dans les interfaces classiques par leur lieu
d'action : le contenu de la fenêtre, les fenêtres elles-mêmes, et les outils ou commandes.
Pour chaque catégorie, nous avons proposé des interactions bimanuelles adaptées.
Ainsi, nous montrons que l'interaction bimanuelle peut être utilisée dans la majeure
partie des interactions avec un ordinateur. Nous avons proposé un périphérique pour la
main gauche permettant trois types manipulations : la mise à disposition de l'ensemble
des commandes et outils du programme (bouton Palette), la sélection d'un élément
parmi n (bouton Bascule), et le pointage (bouton Position). En combinant ces trois
boutons, le périphérique permet de faire des pointages symétriques et de réduire
considérablement le nombre d'actions motrices sans changer les concepts des interfaces
classiques, tout en donnant la possibilité de les simplifier et d'en intégrer de nouveaux
comme les ToolGlass, MagicLenses etc. Le périphérique gauche devient une aide à la
souris classique.

149
VI.2 Perspectives

Nos travaux ont montré que la coordination bimanuelle est exploitable pour la
manipulation d'un ordinateur et de plus elle apporte des avantages certains si l'on
respecte certaines règles. Nous avons donc conçu un concept de souris gauche pour une
manipulation quotidienne avec deux souris d'outil informatique venant de n'importe
quel domaine d'application.

Ce concept de souris gauche n'a pas encore été implémenté sur un ordinateur.
Maintenant nous devons déterminer quel est l'impact d'une telle implémentation sur
l'interface graphique et le système d'exploitation et sur les utilisateurs. Nous supposons
que l'interface graphique n'a besoin d'aucune modification puisque c'était l'un des buts
du concept. Cela permettrait d'implémenter rapidement ce concept sur les différentes
plates-formes. De plus nous évitons le problème d'un deuxième pointeur à l'écran
puisque aucun système n'est prévu pour cela. Il reste à déterminer quelle est la
proportion de modifications entre les systèmes et les applications. En effet, certaines
interactions sont dépendantes du système (navigation entre et dans les fenêtres, position
de fenêtre et de palette, etc) et d'autres sont dépendantes de l'application (modification
du contenu, sélection, etc). Une fois que nous aurons déterminé la proportion de
modifications, nous pourrons alors déterminer les API pour une interaction bimanuelle.

Le concept que nous avons proposé n'est pas l'unique solution pour réaliser toutes
ces interactions. Nous pouvons proposer et étudier d'autres concepts basés sur un autre
ensemble de boutons. Notre prototype était basé sur trois boutons ayant chacun un type
d'actions différentes et dont la combinaison permet d'effectuer un grand nombre de
tâches, le premier bouton est un interrupteur à deux états (Bouton Palette), le deuxième
bouton permet une sélection simple d'un parmi n (Bouton Bascule), le troisième permet
de modifier des positions (Bouton Position). Nous pouvons proposer un autre prototype
basé lui aussi sur trois boutons. Dès que l'un des boutons est enfoncé, on déplace un
élément graphique soit une palette (bouton Palette), soit une fenêtre (Bouton Fenêtre),
soit le contenu (bouton Navigation). Les combinaisons seraient donc différentes du
premier prototype.

Nous pouvons imaginer que ces paramètres soient réglables par l'utilisateur, cela
signifie que les API devraient faire abstraction des boutons et de la souris. Les

150
applications et le système devraient réagir non pas à des évènements comme « click
bouton Position, déplacement Souris Gauche » mais à des évènements plus abstraits
comme « déplacement de la fenêtre active, de X,Y pixels ».

Une étude approfondie des besoins quotidiens par des expériences permettrait de
déterminer quel prototype serait le plus adapté aux tâches, et le plus naturel pour les
utilisateurs. Nous devons créer un ensemble d'applications , représentant les
applications courantes comme un éditeur de texte, un logiciel de dessin, un navigateur
web, qui serait optimisé pour une interaction bimanuelle.

Après que les besoins quotidiens les plus souvent sollicités auront été identifiés,
nous pourrons établir la liste précise des interactions possibles avec une interaction
bimanuelle et ainsi créer un design, une méthode et une API pour implémenter la
coordination bimanuelle à l'interaction homme-machine.

151
Chapitre VII. BIBLIOGRAPHIE

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156
Résumé

L'étude porte sur la coordination bimanuelle et l'interaction homme-machine.


Nous faisons la remarque que l'homme interagit habituellement avec ses deux mains sur
le monde environnant, alors que les interfaces homme-machine actuelles proposent
uniquement des interactions unimanuelles. Nos travaux consistent à comprendre la
coordination bimanuelle pour l'implémenter correctement sur les interfaces graphiques
et proposer ainsi des interactions plus naturelles.

Nous avons étudié la coordination bimanuelle appliquée à deux tâches


informatiques : l'édition graphique et la navigation-pointage dans un document. Les
expériences montrent que la division du travail entre les deux mains influe sur les
résultats. Nous avons conclu que toutes les interactions bimanuelles ne sont pas
équivalentes. Nous avons donc recherché à décrire et à identifier les différentes
coordinations bimanuelles en fonction des actions de pointages. Nous avons ensuite
établi la liste des avantages de la coordination bimanuelle ainsi qu'une liste de principes
à respecter pour utiliser la coordination bimanuelle. Dans la dernière partie de notre
étude, nous reprenons les différents travaux réalisés sur l'interaction bimanuelle pour
concevoir un concept général d'interaction bimanuelle appliquer à toutes les
manipulations de l'interface graphique.

Mots clés

Manipulation symétrique, manipulation asymétrique, interaction unimanuelle,


interaction bimanuelle, périphérique d'entrée, édition graphique,
navigation.

157

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