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TANYA IZQUIERDO PRINDLE

Ce livre est dédié à tous les autistes Asperger et à tous ceux qui
désirent en savoir plus sur cette différence neurologique, que ce
soit par simple curiosité, par désir d’aider un proche ou
simplement parce qu’ils se sentent interpellés par cet état
neurologique qu’est le syndrome d’Asperger.

Aussi, pour mon grand garçon Loik qui m’épate tous les jours. Ta
différence représente mon espérance.
Ce livre sympathique introduit un dialogue et crée un rapprochement.
Tanya Izquierdo, une femme Asperger, parle aux autres Asperger et elle
parle aux neurotypiques. Elle est à l’aise avec l’un et l’autre groupe. Elle
leur parle en même temps et ensemble, dans la même langue. Son discours
émouvant construit le pont qui réunit deux rives. Sa voix porte, le message
retentit, vibrant car il tient du témoignage vécu et devient un ferment de
proximité humaine à son exemple.
Le livre n’est pas un ouvrage de science et il contient possiblement des
inexactitudes. Peu importe, l’énorme vérité que l’exposé sert, à savoir que
la condition Asperger se décline comme une forme vive et familière de
pensée et de sentiment, tient d’une valeur supérieure. Les inexactitudes ne
m’ont pas convaincu de refuser l’invitation à préfacer l’ouvrage, au
contraire j’y vois une contribution utile, une aide à mon travail d’éveil et de
confirmation, à mon travail d’accompagnement surtout, car il faut que les
Asperger nouvellement identifiés, nouvellement parvenus à l’étapeoasis de
leur quête identitaire, soient rassurés. Le but de l’auteure étant de réunir et
de convaincre, ce n’est pas tant d’instruire de façon savante. D’autres écrits
s’en chargent. Le but pour Tanya est de faire aimer une forme de vie tout
humaine, l’autisme de haut niveau, le profil Aspie, voisine d’une autre,
souvent inhumaine: le monde ordinaire. Ce livre rassure, il annonce de
bonnes nouvelles à des gens trop facilement éprouvés. L’ignorance est leur
pire ennemi.
Tanya a voulu présenter son travail comme un guide, un asperguide. J’y
vois un guide de survie, pour l’Asperger, opérant en neurotypie; j’y vois un
guide pour le neurotypique côtoyant un frère, une sœur Aspie. Même
famille, mais des ethnies multiples et finalement croisées, plurielles.
Les Asperger viennent d’une transformation de l’humanité. Ce qu’ils en
font dépend d’eux, de leurs talents, mais dépend aussi des autres, les
nontransformés par l’autisme résiduel que portent leurs frères. Les fruits de
leur transformation dépend de l’accueil qu’elle reçoit. Ces frères Aspies,
ces amis et proches, sont des géants aux pieds d’argile. Avec d’énormes
moyens. Je rêve, en période de lassitude, de lever une armée d’Asperger
pour aider l’humanité souffrante, l’humanité en difficulté. Et de m’en
remettre à leur leadership. Ils le peuvent. Ils le feront peut-être. Entre-
temps, je retiens ce mot sublime d’Antoine de Saint-Exupéry, des paroles
que me citait un homme d’affaires brillant, Asperger.
«La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais de
collaborer, elle s’assemble et devient temple.»
Que le lecteur ne se méprenne point sur le sens de ces mots. Les
Asperger ont beaucoup de cœur. Ils ont l’émotion forte. Mais courte. Mais
dans un monde de chaos émotionnel, de foisonnement débridé et exacerbé,
ils se cherchent, pataugent. Le livre de Tanya apportera confiance à ceux
qui doutent, et apaisement à ceux qui souffrent.

Dr Normand Giroux, Psychologue


Clinique Autisme & Asperger de Montréal
Voici quelques définitions pour ceux et celles qui ne sont pas familiers
avec les termes gravitant autour du syndrome d’Asperger. Leur
compréhension vous sera utile tout au long de la lecture de
l’ASPERGUIDE.

Aspie: Personne présentant le syndrome d’Asperger.

Neurodiversité: Diversité neurologique.

Neurotypique: Personne non autiste, sans différence neurologique.

QI: Quotient intellectuel.

SA: Diminutif de syndrome d’Asperger.

Syndrome d’Asperger: Forme d’autisme dite de haut niveau.


Je suis autiste Asperger. À quoi pensez-vous? Avez-vous pitié? Laissez-
moi vous rassurer: la vérité est que j’ai deux yeux, un nez, une bouche,
deux poumons; mes organes internes fonctionnent tous très bien; mes sens
sont tous parfaitement développés et un peu trop d’ailleurs; mes organes
reproducteurs sont tous fonctionnels (la preuve: j’ai deux enfants!); j’ai un
lobe frontal, un lobe occipital et même des neurones! J’ai des passions, des
rêves, et j’ai même plein d’amis. D’accord, j’ai menti: j’ai deux amis… J’ai
encore menti, vous m’avez eue: j’ai une amie! Et c’est mon écureuil de
compagnie. C’est une blague: ma seule amie est humaine.
J’ai toujours eu de la difficulté à dire que je suis une femme, une adulte
ou une amie. J’ai toujours eu un grand malaise à me considérer ainsi,
puisque c’est comme si je n’éprouvais pas de sentiment d’appartenance par
rapport à ce que représentent ces mots. En fait, constatant ma différence par
rapport aux autres adultes, femmes ou amis, je ne peux affirmer que je me
sens interpellée par ces termes. Après la naissance de mon aîné, j’ai mis du
temps à m’adapter à la nouvelle identité de mère que je portais
soudainement. Au moment où l’on se parle, le seul mot de nature générale
qui sert à décrire une personne à laquelle je peux m’identifier, par rapport à
laquelle aucune ambiguïté ne règne, est le mot Asperger. Pourquoi?
Simplement parce que ce mot définit, en partie, ce que je suis: il représete
ma différence, une différence qui est la base du sentiment de solitude dans
ce monde que j’éprouve depuis ma plus tendre enfance. Oui, même
entourée, je me suis toujours sentie seule. En fait, ironiquement, plus il y a
de gens autour, plus je me sens seule. Pourquoi? Parce que c’est à ce
moment que je constate et ressens ma différence le plus intensément.
Et tout aussi ironiquement, si on parle de cette différence, souvent, les
gens ont peine à comprendre et à éprouver de la compassion. Alors, on se
sent encore plus seul puisqu’on croit être incompris, seul dans notre
tourment intérieur, sans personne pour y entrer et constater la complexité du
monde intérieur qui nous régit depuis la naissance. Personne pour explorer
avec nous notre univers si complexe, un monde qu’on aimerait tant
expliquer aux autres pour se sentir compris, aimé… mais trop souvent en
vain. Le syndrome d’Asperger est un handicap invisible chez plusieurs
autistes Asperger, en partie parce qu’on a appris à s’adapter, à vivre avec
l’autisme. On a appris à communiquer, à socialiser. Cela dit, chaque fois
que l’on communique et que l’on socialise, cela prend énormément
d’énergie, car ce n’est pas naturel pour nous de le faire; et bien que l’on
évolue, ce ne sera jamais naturel comme ce l’est pour un neurotypique.
Pour ma part, ce n’est pas que je n’aime pas les humains ou que je
n’aime pas socialiser. C’est simplement qu’il est rare que je rencontre des
gens qui ont les mêmes champs d’intérêt que moi, ou avec qui je peux me
sentir à l’aise d’être qui je suis. J’ai toujours eu beaucoup de difficulté à
créer des liens à cause de ce décalage. Ce n’est pas que je ne veux pas et
que je suis antisociale, loin de là. C’est plutôt que j’ai du mal à trouver des
gens avec qui je me sens bien, et avec qui je sens que ma différence ne
causera pas plus de problèmes que de bien-être. Avec le temps et beaucoup
d’introspection, j’ai réussi à complètement assumer la personne que je suis
devenue, et cela, parce que j’ai compris pourquoi je suis comme je suis.
Cependant, j’ai la chance d’avoir été plongée dans l’univers du tennis dès
l’âge de 5 ans. Le tennis est une zone de confort pour moi depuis toujours.
Enfant, mon intérêt spécifique était le tennis, je ne pensais qu’à jouer et
c’est là que je trouvais ma confiance en moi et mon épanouissement. Pour
moi, c’est devenu naturel d’être entourée de joueurs de tennis. En fait, je ne
suis à l’aise que dans deux contextes sociaux: avec les joueurs de tennis que
je côtoie de façon durable et avec ma famille proche.
Pour ce qui est du reste, je préfère être seule et demeurer moi-même
plutôt que d’être entourée de gens, mais enchaînée par les codes sociaux et
devoir me transformer pour tâcher de plaire à des gens qui ont de la
difficulté à accepter ma différence. Bien que je fasse des efforts depuis
toujours pour m’intégrer à la société, pour comprendre les gens et les
accepter tels qu’ils sont, souvent je ne ressens malheureusement pas le désir
des autres de me comprendre, moi, et de m’accepter telle que je suis. Après
tout, nous entretenons des relations sociales pour nous sentir bien et si cela
devient une tâche laborieuse qui nous plonge dans le tourment, ce n’est plus
sain.
Toutefois, il ne faut pas perdre espoir puisqu’il y a des gens qui seront
ouverts à la différence, qui poseront les bonnes questions et qui essaieront
réellement de comprendre notre situation. Des gens qui voudront
comprendre au lieu de juger. Seulement, il faut les trouver et, pour cela, il
faut d’abord garder un certain contact avec le monde autour de nous, c’est-
à-dire continuer d’essayer de socialiser et de s’ouvrir autant que possible.
Pour ma part, j’ai la chance d’avoir une famille extraordinaire: bien qu’ils
aient toujours eu du mal à me comprendre, ils m’ont toujours acceptée et
aimée telle que je suis.
Quand j’ai eu mon diagnostic d’autisme Asperger, j’ai enfin été
convaincue que je ne venais pas d’une autre planète et que je n’étais pas
folle… pas pour ça en tout cas. J’ai su que je n’étais pas seule et que
d’autres humains sur la planète Terre vivaient ce que j’ai vécu, enfant,
adolescente et hier encore. Du coup, on se sent… moins seul. J’ai éprouvé,
bizarrement, pour la première fois un sentiment d’appartenance, même si je
ne connaissais aucun Asperger personnellement.
Depuis l’âge d’environ 15 ans, j’ai développé un intérêt intense pour la
psychologie humaine, sûrement parce que je ressens toujours le besoin de
tout comprendre et que ce mystère, l’être humain, m’était incompréhensible
depuis l’enfance. J’ai ainsi développé une soif de savoir pour me sentir plus
en contrôle du monde autour de moi. J’étais lasse d’être différente et je
voulais tout savoir sur les humains. J’ai commencé à lire sur le langage
corporel, sur la programmation neurolinguistique. J’ai aussi commencé à
poser énormément de questions. J’avais développé cette stratégie pour
socialiser. Oui, quand on pose des questions, l’humain devant soi se sent
spécial puisqu’on s’intéresse à lui. De plus, on peut alors observer et
analyser la manière dont la personne parle afin d’en déduire des choses qui
serviront à notre évolution personnelle.
Ce n’est qu’à l’âge de 28 ans que j’ai commencé à me questionner sur la
possibilité de la présence d’autisme Asperger chez moi. C’était à l’époque
devenu invivable; j’ai vécu une dépression, je n’avais plus la force de faire
semblant. Toute cette énergie à essayer de me faire accepter pour ce que je
n’étais pas, à essayer de m’adapter… J’étais au bout du rouleau, je n’en
pouvais plus. J’ai commencé à m’isoler de plus en plus, à éviter toute
relation sociale à l’exception de ma famille proche. Quand j’ai constaté des
signes d’autisme chez mon fils, je me suis systématiquement questionnée
et, soudainement, ça devenait de plus en plus flagrant: j’étais aussi autiste,
mais j’étais rendue presque indétectable pour mon entourage. Quand j’ai
reçu mon diagnostic d’autisme Asperger, c’était littéralement un moment de
grâce. Alléluia! J’ai vu une lueur d’espoir au bout du tunnel, j’ai vu ma vie
défiler devant mes yeux. J’avais enfin compris pourquoi j’étais si différente,
et pourquoi j’avais vécu de l’intimidation dès la première année du primaire
– ce qui n’excuse en aucun cas l’intimidation, bien entendu. J’avais la vive
impression que des milliers de morceaux d’un casse-tête s’étaient
soudainement mis ensemble pour créer cette image maintenant si claire à
mes yeux. C’était sans doute le plus grand soulagement que j’aie vécu
jusqu’alors (quoique je vive à peu près le même niveau de soulagement
chaque fois que l’hiver arrive étant donné que les abeilles disparaissent,
mais ça c’est une autre histoire).
Réalisant que mon fils s’enlignait vers ce diagnostic, un sentiment
protecteur me dictait de tout faire afin de lui faciliter l’entrée dans ce monde
souvent peu réceptif à la différence. Automatiquement, je suis devenue
obsédée par ce sujet. Je pouvais lire à ce propos deux ou trois heures par
jour: des études, des textes pertinents et des forums. J’ai aussi beaucoup
cogité pour essayer de comprendre et d’expliquer les choses à ma façon.
J’ai toujours cru que ne se fier qu’à un seul type de lecture empêche de
penser par soi-même et que cela rend le cerveau paresseux. L’idéal, selon
moi, est d’équilibrer le temps que l’on passe à lire et le temps que l’on
passe à générer nos propres réflexions. Je ne trouvais parfois pas les
réponses à mes questions dans mes lectures. Pour parvenir à apporter des
idées innovatrices dans le but de faire avancer encore plus la sensibilisation
et la compréhension de la personne Asperger, j’ai commencé à développer
ma propre vision des choses en combinant mes connaissances, mes
observations et mon expérience personnelle en tant qu’Asperger et maman
d’un petit Aspie. Alors, comme ce fut le cas pour la plupart des talents que
j’ai acquis au courant de ma vie, je me suis autoéduquée par rapport à ce
sujet qui m’interpellait tant.
Dans ce livre, je veux au moins essayer d’apporter une vision d’une
personne autiste Asperger, la mienne, dans le but de sensibiliser et d’aider
ceux qui sont touchés par le SA, que ce soit la famille d’un Asperger, un
adulte ou un adolescent présentant le syndrome. Certes, le syndrome
d’Asperger existe depuis longtemps, mais il y a encore beaucoup de choses
à démystifier, à comprendre et aussi beaucoup de mythes à radier. C’est ma
façon de contribuer à la sensibilisation et à la compréhension des gens qui
sont touchés par le syndrome d’Asperger.
Les spécialistes du syndrome d’Asperger consacrent leur vie
professionnelle à nous aider, à sensibiliser la population à notre différence
neurologique pour démontrer que le syndrome d’Asperger n’est pas une
maladie mentale, mais simplement une différence neurologique contribuant
à la diversité neurologique. Afin d’aider ces spécialistes, il faut, nous,
humains Asperger dans l’âme, les aider en partageant notre point de vue,
puisque chacun de nous est expert de son syndrome d’Asperger, surtout si
nous avons de belles capacités d’introspection. Chacun est à sa façon une
clé pour aider à mieux comprendre le SA. Plusieurs réponses se trouvent à
l’intérieur de nous et, dans ce livre, je vais dévoiler ma vision des choses en
tant qu’experte de mon syndrome d’Asperger et en tant que témoin et
passionnée du syndrome d’Asperger.
Vue d’ensemble
sur le syndrome
d’Asperger

Le syndrome d’Asperger n’est pas quelque


chose que j’ai, ou dont je suis «atteinte».
Je suis simplement… Asperger.

— Tanya Izquierdo

Afin de nous mettre en contexte, je vais donner une vue d’ensemble du


syndrome d’Asperger. Le SA est complexe, mais si nous procédons
stratégiquement dans son explication, il le devient beaucoup moins. Il est
selon moi important d’avoir du moins une compréhension minimale de
certaines définitions et aussi une idée de la provenance de l’appellation
autisme Asperger, afin de bien saisir le livre dans son intégralité. Comme
une maison a besoin d’une fondation, eh bien, dans ce cas-ci, pour bien
bâtir votre idée de ce que c’est que de vivre avec le syndrome d’Asperger, il
faut comprendre certaines nuances et définitions qui représentent la
fondation de la maison. Sans quoi la compréhension du SA dans votre
cerveau sera en désordre tout comme la maison le serait sans fondation.

Autiste Asperger, mais c’est quoi?


Être autiste Asperger, c’est être autiste de haut niveau; être autiste de haut
niveau, c’est être autiste; et être autiste, c’est être un humain, comme un
autre, mais programmé différemment sur le plan neurologique. Je
représente, ils représentent… la neurodiversité.
Commençons par illustrer le continuum du spectre de l’autisme afin
d’établir où se trouve le syndrome d’Asperger par rapport aux différentes
formes d’autisme. Pour ce faire, nous allons utiliser la courbe de Gauss (la
représentation la plus connue de la loi normale) comme point de repère.
En psychologie, on utilise souvent un continuum pour expliquer la
normalité versus la marginalité de plusieurs facteurs psychologiques. Par
exemple, la courbe de Gauss de la page qui suit illustre le continuum pour
le quotient intellectuel (QI).

À gauche complètement, on a les gens qui présentent une déficience


intellectuelle; au centre, on a la moyenne des gens en termes de QI; et à
droite, ceux qui présentent un haut quotient intellectuel. Chaque trait
psychologique d’un humain peut être représenté par cette courbe afin de
distinguer la normalité de la différence.
Maintenant, pour représenter l’autisme, nous retrouvons à gauche du
continuum les autistes profonds (autistes de Kanner), au centre, les autistes
de haut niveau, et à l’extrême droite, les autistes Asperger. Ce continuum se
nomme plus précisément le fameux spectre de l’autisme. Bien que le
quotient intellectuel ne soit pas corrélationnel de façon absolue avec les
niveaux d’autisme défilant sur le continuum, l’indice est tout de même
quelque peu proportionnel et pertinent. C’est-à-dire que les autistes de
Kanner ont effectivement souvent une déficience intellectuelle en termes de
QI, tandis les autistes de haut niveau et les autistes Asperger ont souvent un
QI moyen à supérieur. Cependant, il faut demeurer prudent, car il ne s’agit
pas d’un identifiant précis et sûr de l’intelligence en lien avec les types
d’autisme. L’intelligence est subjective et le QI tel qu’il est défini, c’est-à-
dire par des tests normalisés, est loin de prendre en considération toutes les
facettes du potentiel intellectuel. Cela donne tout de même une idée plutôt
réaliste du lien entre les types d’autisme et l’intelligence.
Le QI étant subjectif, il n’est pas pertinent pour comprendre
intégralement l’intelligence d’une personne, autiste ou non. Bien qu’un
autiste de Kanner puisse avoir un QI représentant la déficience, il a
certainement des forces et une intelligence différente qui ne peut être
associée aux tests de QI tels qu’on les connaît. Ici, nous parlons de QI
simplement dans le but de faire la nuance entre l’autisme de haut niveau et
l’autisme à la gauche du continuum, puisque c’est une nuance importante
afin de bien comprendre cette différence.
En fait, chez les humains neurotypiques, le QI varie grandement: certains
ont un QI très élevé, d’autres ont un QI moyen et d’autres encore ont un QI
inférieur; pour la même raison que chez les neurotypiques, le QI varie aussi
chez les autistes. C’est pareil.

Le terme HAUT NIVEAU


Le terme haut niveau représente un haut niveau de fonctionnement par
rapport aux autistes les moins fonctionnels du continuum du spectre de
l’autisme, soit à gauche du continuum.
Le QI est indicatif jusqu’à un certain degré et il ne faut pas définir
intégralement l’autisme selon le quotient intellectuel, ce serait impertinent.
Le QI n’est ni plus ni moins qu’un indice d’intelligence parmi d’autres, et
ce, autant pour les neurotypiques que pour les personnes autistes.

Les différentes formes d’autisme


Bien qu’une distinction importante à comprendre et à considérer entre les
types d’autisme soit bien présente, tous ont un tronc commun.
En fait, les différents types d’autisme pourraient être représentés par
l’analogie suivante: un neurochirurgien et un urologue. Bien que les deux
spécialistes possèdent un tronc commun qui est le doctorat en médecine,
tous deux sont très différents considérant leurs spécialités postdoctorales.
L’autiste de haut niveau et l’autiste Asperger, de leur côté, ont tous deux un
tronc commun à la base de leur fonctionnement, mais comme les deux
spécialistes, ils sont relativement différents.
Il est essentiel de comprendre la nuance entre les deux étant donné leurs
besoins différents quant à l’éducation et à la compréhension des difficultés
avec lesquelles ils vivent. Revenons à notre comparaison avec les médecins
spécialistes: si le neurochirurgien avait la même formation que l’urologue,
il aurait beaucoup de mal à opérer le cerveau d’un patient. Disons que je ne
voudrais pas être le patient qui a besoin d’une chirurgie pour une hernie
discale cervicale et qui se fera opérer par le neurochirurgien formé tel un
urologue. Je ferais certainement une crise cardiaque mortelle avant mon
opération. Bref, ce type de neurochirurgien ne serait pas très efficace.
Cette citation d’Albert Einstein met en perspective l’idée évoquée ici:

«Si on juge un poisson par sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa


vie à croire qu’il est stupide.»
Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme, dite de haut niveau. Le
terme haut niveau semble cependant générer une confusion pour beaucoup
de gens. En fait, ce terme, en d’autres mots, veut dire «hautement
fonctionnel» et non le contraire. Il ne veut pas dire non plus «génie
intemporel», à la Rain Man. Le terme haut niveau veut simplement dire
«hautement fonctionnel considérant le continuum du spectre de l’autisme».
C’est-à-dire hautement fonctionnel considérant la définition autistique en
général en faisant un lien avec les autres formes d’autisme. C’est la forme
d’autisme où les gens sont le plus fonctionnels dans la vie de tous les jours.
Somme toute, pour dissoudre l’ambiguïté, il faut comprendre que
haut niveau ne veut pas dire:
1. personne supérieure et génie intemporel;
2. ni autiste profond avec déficience intellectuelle.

À NOTER QUE…
Tout Asperger est autiste de haut niveau, mais tout autiste de haut
niveau n’est pas nécessairement Asperger.

Le syndrome d’Asperger se perd parfois dans la définition de l’autisme


en général, alors il est important de comprendre à quel point le spectre de
l’autisme est vaste afin de maîtriser la différence entre un autiste de Kanner,
par exemple, et un autiste Asperger.

SAVIEZ-VOUS QUE…?
Un fait très intéressant qui vient mettre en perspective l’autisme en
général est l’origine du mot autisme. Ce mot a été forgé par le
psychiatre suisse Eugen Bleuler à partir du terme grec soi-même.
Alors, comme le dit le dérivé du mot, il s’agit d’une condition où les
gens qui sont sur le spectre de l’autisme sont plus repliés sur eux-
mêmes, contrairement au neurotypique qui, lui, est généralement
beaucoup plus ouvert aux gens autour de lui dans sa vie de tous les
jours.

Cela dit, les autistes Asperger ont un fonctionnement neurologique


différent des gens neurotypiques. En d’autres mots, leur cerveau est
programmé différemment. L’autisme est une autre forme d’intelligence et,
ainsi, la personne autiste Asperger représente une variante de la diversité
neurologique, au même titre qu’une personne noire et qu’une personne
blanche représentent d’autres variantes de la diversité biologique.

Degrés de sévérité du syndrome d’Asperger


Tous les Aspies fonctionnent et évoluent de façon différente. Il faut
garder en tête que chaque personne autiste est avant tout un être humain
muni d’une individualité et d’une personnalité qui n’a rien à voir avec le
SA. Certains semblent éprouver plus de difficultés que d’autres dans divers
aspects de leur vie. Cela ne veut pas dire pour autant que l’un souffre moins
que l’autre. En effet, il est difficile de comparer la souffrance et les
difficultés vécues par deux personnes Asperger, puisque les difficultés de
chacun se situeront dans différents domaines. Ainsi, la souffrance et le
handicap de l’un peuvent être beaucoup moins visibles bien que tout aussi
intenses. Chaque personne Asperger a ses forces et ses faiblesses ainsi que
des capacités d’adaptation différentes face à chacune de ses difficultés. Il
est aussi important de mentionner que plusieurs Asperger ont, de plus,
d’autres diagnostics. C’est ce que l’on appelle la comorbidité, j’y reviendrai
au chapitre 9.
Les niveaux de sévérité du syndrome d’Asperger varient de léger à
sévère, mais il faut faire attention aux apparences. Ce n’est pas parce
qu’une personne semble bien fonctionner, vue de l’extérieur, qu’elle a
moins de difficultés que celle qui démontre, sans le vouloir, sa différence et
ses difficultés. Certains Asperger auront appris leur vie durant à imiter les
autres, à sembler normal, à se fondre tel un caméléon. Pour ces Asperger,
l’énergie que cela prend est incommensurable, mais invisible aux yeux des
autres.
Cela dit, il faut comprendre que chaque Asperger présente ses propres
niveaux d’intensité dans ses difficultés, étant donné son individualité.

DÉFINITION
Quand on parle ici de handicap et de personne handicapée, il est
implicite que cela entend que la personne en question vit une difficulté
par rapport à certains aspects de sa vie. On peut être handicapé par
des bruits stridents, par exemple, ou être handicapé par les relations
sociales difficiles. Handicapé est seulement le terme qui désigne une
difficulté avec laquelle on vit et avec laquelle on doit apprendre à
vivre de façon non naturelle. Un neurotypique, par exemple, pourrait
être handicapé par une peur des abeilles. Il y a aussi plusieurs
niveaux d’intensité de handicap.

Résumé des caractéristiques formant le tronc


commun des personnes autistes Asperger
On trouve généralement chez les personnes autistes les caractéristiques
suivantes.

• Troubles de la communication
La façon de communiquer est très différente chez un autiste Asperger et
un neurotypique, et c’est en partie ce qui crée le «trouble». En fait, ce n’est
pas un trouble en soi, mais le problème apparaît quand on essaie de
communiquer avec une personne qui n’est pas comme nous. C’est un
trouble qui se manifeste lorsque nous additionnons une seconde variante
(un interlocuteur neurotypique). Si nous étions tous Asperger, il n’y aurait
aucun problème.

• Troubles de socialisation
Encore, la socialisation est un concept difficile à maîtriser pour un autiste
Asperger étant donné la différence sur le plan de la communication en
général. Tout comme les «troubles» de la communication, le problème
survient lorsque l’Asperger est en contact avec un ou des neurotypiques.

• Atteintes neurosensorielles
Chez les personnes Asperger, les sens sont souvent surdéveloppés. Il
arrive aussi que certains sens soient sous-développés (hyposensibilité).
Ceux ayant des sens surdéveloppés – ce qui est le cas de la majorité des
Asperger –, c’est-à-dire ceux ayant des hypersensibilités sensorielles au
son, à la lumière, à l’odorat ou au toucher, deviennent très vulnérables à une
surcharge sensorielle, ce qui vient systématiquement affecter la socialisation
et la communication.

• Champs d’intérêt spécifiques intenses


Les autistes Asperger ont tendance à avoir certains champs d’intérêt
spécifiques qui sont très intenses. Certains peuvent en avoir plusieurs et
d’autres peuvent n’en avoir qu’un ou deux. Au lieu de focaliser leur énergie
sur la socialisation et plusieurs domaines de façon plus épurée, comme les
neurotypiques, les autistes Asperger concentreront leur énergie
majoritairement sur ces champs d’intérêt spécifiques.
Selon moi, ces caractéristiques sont toutes interreliées étant donné que
chacune d’entre elles affecte l’autre, et elles peuvent varier grandement en
intensité d’un individu Asperger à l’autre. Les personnes Asperger sont
avant tout des êtres humains. Il est important de rappeler que de la même
façon que les humains neurotypiques sont tous différents, les gens Asperger
sont tous des individus uniques qui ont des forces et des faiblesses
variables, dépendantes et indépendantes du SA. Ils ont aussi tous des
capacités différentes à gérer ces difficultés et à les apprivoiser. Bien que ces
caractéristiques représentent le tronc commun en ce qui concerne les
difficultés éprouvées par les Aspies, tous se développent et évoluent selon
l’individualité qui leur est propre.

D’où provient l’appellation Asperger?


Le concept du syndrome d’Asperger a été développé par Hans Asperger,
un pédiatre autrichien, dans les années 1940. Il publiera la première
définition du syndrome en 1944. Hans Asperger surnomme les enfants
possédant le syndrome «des petits professeurs» à cause de leur habileté à
parler de leurs sujets favoris d’une façon si détaillée que c’en est fascinant.
Il détermine un schéma de comportements qu’il appelle «la psychopathie
autistique». Le regard positif de Hans Asperger sur les autistes Asperger
fera significativement avancer les choses quant à la compréhension des
personnes qu’ils sont. Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Hans
Asperger ouvre une école pour les enfants autistes qui sera éventuellement
bombardée. Ainsi, une grande partie de ses travaux seront perdus. Cet
événement tragique retardera malheureusement la compréhension de cette
condition qu’est le trouble du spectre de l’autisme, plus précisément le
syndrome d’Asperger. Hans décède avant d’avoir pu faire connaître le
syndrome, mais en 1981, Lorna Wing popularisera le syndrome d’Asperger
et redonnera naissance aux travaux du docteur Asperger. C’est en 1990 que
ses écrits commenceront à gagner de la popularité et, aujourd’hui, le
syndrome d’Asperger est reconnu pratiquement partout dans le monde.

SAVIEZ-VOUS QUE…?
Hans Asperger a effectué la majorité de ses travaux sur les enfants
autistes, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Bien que ses
recherches sur l’autisme et le syndrome d’Asperger aient été très
positives, l’ambiance à cette époque, elle, était loin de l’être. Les nazis
avaient comme but ultime d’éliminer les «maillons faibles» de la
nature – et les autistes profonds faisaient partie de cette catégorie à
leurs yeux. Les autistes profonds présentant un handicap très visible et
incontestable, il était impossible de les dissimuler, et essayer de
convaincre les nazis de leur intérêt aurait certainement enlevé de la
crédibilité à Asperger. Il avait également à sa clinique plusieurs
enfants qu’il avait identifiés comme étant autistes Asperger. Pendant
ces mêmes années, il a fait des conférences et a milité pour tenter de
démontrer aux nazis que même s’ils étaient différents, ces enfants
autistes de haut niveau étaient une force de la nature et non une
faiblesse. Ceci dans le but ultime qu’ils ne soient pas euthanasiés.
Témoin de l’exécution de six médecins qui refusaient de collaborer
avec le gouvernement nazi, le Dr Asperger n’a eu d’autre choix que de
se conformer aux mesures extrêmes mises en place par les nazis,
malgré ses tentatives d’éviter que l’irréparable se produise. Pour lui,
refuser de remettre les enfants lourdement handicapés aux nazis pour
qu’ils se fassent euthanasier impliquait que non seulement il se ferait
exécuter, mais que TOUS les enfants de sa clinique seraient
potentiellement éliminés. Des preuves irréfutables ont récemment fait
surface (dans le livre In a Different Key-The Story of Autism écrit par
John Donvan et Caren Zucker), démontrant que Hans Asperger a
effectivement signé une entente avec les nazis et qu’il a dû faire le
terrible choix de remettre aux forces nazis des enfants, notamment les
plus lourdement handicapés, afin de pouvoir sauver des centaines
d’autres enfants de leurs griffes. Il est évident que lorsqu’une
personne se trouve dans une telle situation, quel que soit le choix qu’il
fera, des critiques fuseront de toutes parts. Ce qui me frappe chez le
docteur Asperger, c’est que cet homme qui militait pour faire
reconnaître la diversité neurologique a continué, sous le règne nazi, à
faire des conférences pour sensibiliser la population au fait que les
enfants autistes Asperger étaient un atout pour la société plutôt
qu’une nuisance, même si à cette époque tenir ce type de propos le
plaçait dans une position précaire tant pour la poursuite de ses
travaux que pour sa propre vie.
Par quoi le syndrome d’Asperger est-il causé?
Tout Asperger s’est déjà demandé s’il venait d’une autre planète.
Cependant, je n’aborderai pas le sujet ici étant donné le peu de preuves qui
expliquent cette possibilité, et étant aussi pleinement consciente que mes
rêves ne constituent pas des faits.
Il existe plusieurs théories sur la provenance de l’autisme. Parmi ces
théories, il semble demeurer que la source initiale serait l’hérédité.

Héréditaire
Depuis la fin des années 70, plusieurs études ont démontré une
corrélation flagrante entre l’autisme et l’hérédité. Nous ne savons pas
encore quels gènes sont à la base de ce transfert héréditaire, mais nous
savons que plus d’un gène en serait responsable. Les études les plus
fructueuses pour démystifier le syndrome d’Asperger sont celles menées
auprès de jumeaux monozygotes (jumeaux identiques, provenant de la
division d’un seul œuf fécondé) et dizygotes. La première étude à
démontrer une corrélation héréditaire fut celle de Susan Folstein et Michael
Rutter, en 1977. L’étude a été menée auprès de 11 jumeaux identiques et 10
jumeaux non identiques, dont au moins un était autiste. Bien que l’étude
soit d’ordre plutôt minimal, elle fut en mesure de générer le premier indice
sérieux que l’autisme pourrait être génétique. Depuis cette étude pionnière,
plus d’une douzaine d’études ont été menées sur des jumeaux et ont
confirmé cette observation innovatrice. Des études ont aussi révélé que les
gènes liés à l’autisme corrèlent fortement avec ceux liés au talent de
comprendre des systèmes complexes: les physiciens, mathématiciens et
ingénieurs, par exemple, ont une forte tendance à avoir un ratio élevé
d’autisme parmi leurs proches.
Cela dit, il y a effectivement une corrélation flagrante entre le syndrome
d’Asperger et les facteurs génétiques; cependant, le pattern génétique
régissant cette corrélation est toujours inconnu à ce jour.
SAVIEZ-VOUS QUE…?
Les études scientifiques sont bien entendu primordiales pour
comprendre les liens entre les facteurs génétiques régissant l’autisme.
Il n’empêche qu’un fait remarquable que l’on ne peut ignorer est que
plusieurs adultes commencent à se questionner sur une possibilité
d’autisme chez eux lorsqu’ils commencent à apercevoir des signes
d’autisme chez leurs enfants biologiques.

Bien que tout enfant autiste n’ait pas nécessairement un parent


autiste, c’est tout de même le cas pour plusieurs. Ce qui, en soi, parle
énormément.

Aussi, il est très commun que les diagnostics entre consanguins et


consanguines démontrent une corrélation héréditaire flagrante. Sur
trois enfants issus des mêmes parents, par exemple, deux peuvent être
autistes et le dernier, surdoué, ou chez un frère et une sœur, l’un peut
être surdoué et l’autre Asperger et surdoué.

Biologique
Plusieurs facteurs et indices biologiques font l’objet d’études depuis
longtemps. Le développement du cerveau est en fait l’aspect biologique qui
intéresse le plus les scientifiques. Ces derniers essaient de trouver les
différences entre certaines régions du cerveau des personnes autistes et des
neurotypiques qui pourraient expliquer les comportements autistiques. Les
comportements complexes cognitifs, langagiers et sensoriels des autistes
rendent la tâche d’autant plus compliquée, car il devient difficile de pointer
une partie du cerveau spécifiquement. Il y a de plus en plus d’évidences
suggérant que le cerveau des personnes autistes, pendant les deux premières
années de vie, se développerait différemment de celui des neurotypiques. Il
existe une multitude d’études confirmant cette corrélation. Dont celle
effectuée par Heather Cody Hazlett, Ph. D., Michele D. Poe, Ph. D. et
Guido Gerig, Ph. D., qui se nomme Surcroissance précoce du cerveau chez
les autistes associée à l’augmentation de la surface corticale avant l’âge de
2 ans (Early Brain Overgrowth in Autism Associated with an Increase in
Cortical Surface Area Before Age 2). Ils ont observé un élargissement
généralisé du cortex cérébral avant l’âge de 2 ans chez les individus du
spectre de l’autisme, comparativement aux enfants neurotypiques.
Bien que ceci puisse expliquer biologiquement l’autisme, il demeure que
l’hérédité serait la source du développement atypique cérébral.

Environnemental
Pendant les dernières décennies, plusieurs études substantielles ont révélé
que certains facteurs de l’environnement peuvent contribuer à l’autisme.
Cependant, aucun facteur environnemental précis n’a encore confirmé cette
hypothèse. Une observation intéressante est que ce ne sont pas tous les
individus exposés aux facteurs environnementaux ciblés qui développeront
de l’autisme. Cela pourrait s’expliquer par le bagage génétique de deux
personnes qui ferait en sorte que leur corps répond différemment à un même
facteur environnemental. La personne qui naît autiste peut ainsi être plus
vulnérable que le neurotypique à certains facteurs environnementaux.

Psychologique
Durant les années 1960, il était de croyance populaire que l’autisme et le
syndrome d’Asperger, par association, étaient le résultat d’un
comportement maternel froid. La théorie de «la mère froide» a été décrite
en premier lieu par le psychanalyste autrichien Bruno Bettelheim, fidèle
disciple de Sigmund Freud. Entre autres, il avançait que les mères d’enfants
autistes étaient froides, distantes et qu’elles adoptaient un comportement de
rejet envers leurs petits, privant ainsi leurs bébés d’avoir la chance de
«s’attacher adéquatement». Vous pouvez imaginer la souffrance que les
mères d’enfants autistes de cette époque ont dû endurer à cause de cette
théorie extrêmement dévalorisante, et surtout fausse, qui voulait expliquer
l’autisme à une période où si peu d’études avaient été menées. Enfin, vers la
fin des années 1970, cette théorie ainsi que son souteneur furent discrédités
et l’attention fut réorientée vers les facteurs génétiques au lieu des facteurs
psychologiques, grâce à une étude menée par Susan Folstein et Michael
Rutter, en 1977, auprès de jumeaux. Grâce à leurs travaux sur le sujet,
l’autisme passa d’un trouble psychologique provoqué par des facteurs
environnementaux familiaux à l’enfance à un des troubles psychologiques
les plus héréditaires de l’époque (Infantile Autism: A Genetic Study of 21
Pairs).

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Être autiste Asperger, c’est être un humain comme un autre,
simplement programmé différemment sur le plan neurologique.

• Autiste de haut niveau ne veut pas dire «génie intemporel» ni


«déficient intellectuel»; cette appellation sert à situer le caractère
hautement fonctionnel de cette forme d’autisme.

• Les autistes Asperger sont avant tout des êtres humains régis par
une individualité indépendante du syndrome d’Asperger.

• Plusieurs théories existent quant aux causes du syndrome


d’Asperger, mais l’hérédité semble être à la base de tout.

• Les gens sur le spectre de l’autisme partagent tous un tronc commun


représenté par les caractéristiques autistiques.
Gens célèbres
confirmés et réputés
comme étant
Asperger

Le syndrome d’Asperger ayant gagné de la popularité dans la dernière


décennie, nous connaissons maintenant plusieurs gens célèbres qui ont
confié être Asperger. Des chercheurs ont mené des études afin d’analyser
les profils de certaines personnes – et même de personnages fictifs – d’une
grande notoriété dans une multitude de domaines pour tenter de discerner la
présence du syndrome d’Asperger chez elles. Pourquoi? Sûrement parce
que ces gens étant souvent internationalement reconnus, leur cas est
susceptible d’attirer l’attention du public et d’ainsi aider à comprendre ce
type d’autisme en utilisant la communication de masse.
De plus en plus d’émissions et de films mettent en vedette des
personnages fictifs et parfois réels ayant plusieurs traits Asperger, et
certains de ces personnages fictifs semblent être présentés sous forme assez
complète et juste.
Une telle médiatisation de personnages Asperger peut contribuer
positivement à la sensibilisation à l’autisme en atténuant les tabous, en
normalisant, si on veut, la diversité neurologique grâce aux médias. Bien
que cela puisse aussi générer des mythes si le public ne fait pas la part des
choses quant à la représentation fictive du syndrome d’Asperger, je crois
que les côtés positifs pèsent davantage dans la balance. Ceci peut aider
aussi à renforcer l’estime de soi des gens autistes en les faisant se sentir
ironiquement plus… normaux plutôt que laissés pour compte.

Gens célèbres
Albert Einstein et Sir Isaac Newton
Dans l’article nommé «Scientifiques singuliers», écrit par Ioan James de
l’université d’Oxford, l’auteur a évalué les traits de personnalité d’Albert
Einstein et d’Isaac Newton afin de voir s’ils présentaient les caractéristiques
clés du SA. Dans cet article, Ioan James affirme s’être entretenu avec
Simon Baron-Cohen, professeur de psychopathologie du développement
attaché à l’Université Cambridge, qui, lui aussi, semble convaincu quant à
la présence des caractéristiques du SA chez Einstein et Newton.

Dans cet article édifiant, voici, entre autres, ce que Ioan James déclare:
«Les personnes autistes éprouvent un profond sentiment d’être seules dans
le monde. Par exemple, l’enfance d’Isaac Newton a été décrite comme étant
solitaire et sans amour. Einstein aussi était un solitaire: “Je ne suis pas
beaucoup avec les gens”, a-t-il déclaré. Enfant, il était timide, solitaire et
retiré du monde. Un de ses biographes remarqua qu’il n’avait jamais
vraiment besoin de contacts humains. Il s’est délibérément libéré de plus en
plus de toute dépendance émotionnelle pour devenir entièrement
autosuffisant.» (Professor I. M. James de l’Institut mathématique de
Oxford, J R Soc. Med. 2003 Jan; 96(1): 36–39.)

Tanya Izquierdo
Je ne suis pas une célébrité… mais pour ma défense, je suis Asperger et
j’ai déjà rêvé que j’étais célèbre.
Daniel Tammet
Savant autiste Asperger et auteur de plusieurs livres de non-fiction,
Daniel Tammet a fait un passage à l’émission Tout le monde en parle en
2016. C’est la mémoire exceptionnelle de cet homme qui est à la base de sa
célébrité. Il possède le record mondial pour la récitation du nombre pi
(3,1416…) de mémoire et a été en mesure de réciter sur un laps de temps de
cinq heures 22 514 chiffres après la décimale du nombre 3 du fameux pi. Il
est sans doute un des savants autistiques les plus accomplis et connus de
notre époque.

Susan Boyle
Chanteuse écossaise qui est apparue le 11 avril 2009 au programme TV
Brittain’s got talent en chantant «I dreamed a dream» des Misérables, Susan
Boyle a vu naître son premier album en 2009; il est devenu un best-seller en
2009. C’est en 2012 que son diagnostic fut posé et elle en a fait part au
monde entier lors d’une entrevue à la chaîne BBC en décembre 2013. Les
analyses ont démontré qu’elle possédait une intelligence supérieure à la
moyenne et qu’elle était en effet bel et bien Asperger.

Satoshi Tajiri
Plusieurs ont confirmé que le fondateur de Pokémon, Satoshi Tajiri, est
Asperger. Bien que lui-même ne semble pas l’avoir confirmé, ses tendances
solitaires et ses comportements excentriques poussent plusieurs
psychologues à croire qu’il est Aspie. Jeune, il était obsédé par les insectes,
il les prenait en captivité et quand il a constaté qu’ils s’entretuaient une fois
en captivité, il a mis fin à ce loisir. Il était aussi tellement obsédé par les
jeux vidéo qu’il en séchait ses cours pour se consacrer à cette passion.

Dre Temple Grandin


Cette femme admirable, militante de l’autisme, docteure en sciences
animales et conférencière renommée, croit que son état Asperger est en fait
un atout. Elle soutient que les gens sur le spectre de l’autisme sont les
grands innovateurs de notre époque. Temple Grandin est d’ailleurs à
l’origine de cette fameuse et merveilleuse citation qui parle en soi: «Si je
pouvais claquer des doigts et devenir non autiste, je ne le ferais pas.
L’autisme fait partie de moi.» (Thinking in Pictures, Expanded Edition: My
Life with Autism, Temple Grandin, P.50)

Bill Gates
Depuis un certain temps, ce pionnier des ordinateurs modernes est
soupçonné d’être autiste Asperger à cause de son manque de compétences
sociales, de sa difficulté à regarder les gens dans les yeux, de sa tendance à
se balancer en avant en arrière et de son obsession des technologies.
D’ailleurs lors de son apparition en cour en 1998 pour le dossier «Microsoft
Antitrust Lawsuit», nous pouvons observer Bill Gates se balancer de façon
évidente. Selon moi, ce comportement agissait comme un mécanisme pour
contrer son anxiété dans un moment où il se trouvait dans une position
extrêmement précaire quant à l’avenir de son empire.

Personnages fictifs soupçonnés d’être sur le spectre


de l’autisme
Ici, il est à noter que ces analyses sont strictement basées sur des
personnages fictifs de films et de téléséries. Pourquoi est-il intéressant de
les examiner? Étant donné la notoriété de ces personnages, si bien exécutés,
ils peuvent donner espoir aux Asperger et les aider à se sentir moins seuls, à
rire de leurs excentricités et à les accepter en constatant que ces
personnages si aimés par des millions de personnes dans le monde sont un
peu comme eux. Cela peut donner une idée à la société de la réalité de
l’Asperger et détruire les tabous s’y rattachant. Il est important de noter que
ce ne sont que des analyses basées sur ce que l’on voit d’eux à la télévision.
Il est implicite qu’il faut relativiser, car certaines de ces représentations de
personnes dites Asperger au travers d’un personnage fictif sont très
idéalistes et non réalistes, ce qui peut nuire à la perception que les
neurotypiques ont des personnes Asperger.
M. Spock (Star Trek)
M. Spock possédait indubitablement plusieurs traits Asperger, et ce, à
l’extrême. On était frappé par son détachement émotionnel, son manque de
réciprocité sociale, sa persistance à la systématisation, ainsi que son
manque d’intérêt marqué et son incompréhension totale pour les sentiments
des autres. Évidemment, il est important de mentionner que M. Spock, tel
qu’il était représenté dans l’émission, était moitié humain et moitié vulcain
(espèce extraterrestre), le portant à être constamment tiraillé entre la
logique, provenant de son origine vulcaine (paternelle), et son côté émotif,
provenant de son origine humaine (maternelle). Pour ma part, je peux
définitivement me sentir interpellée par une telle contradiction intérieure
opposant logique et émotions, qui luttent l’un contre l’autre. Il faut dire que
la logique l’emporte quasiment tout le temps.

Dr Sheldon Cooper
Le Dr Sheldon Cooper, dans The Big Bang Theory, joue le rôle d’un
génie scientifique qui fait de la recherche dans une université en tant
qu’astrophysicien théorique. Bien que son personnage soit très caricatural,
il illustre très bien certains aspects des personnes Asperger. Je dis bien
certains aspects. Sheldon Cooper est très maladroit socialement, a tendance
à devenir obsessif et à focaliser sur les détails. Il adopte un comportement
très rigide quant à son besoin de routine. Évidemment, les producteurs de
l’émission soutiennent que le Dr Cooper n’est pas Asperger, mais l’acteur
lui-même, Jim Parsons, mentionne dans plusieurs entrevues que, oui,
beaucoup de caractéristiques de son personnage sont en effet autistiques.
Que le Dr Sheldon Cooper soit devenu un personnage si louangé partout
dans le monde et qu’il soit reconnu comme présentant plusieurs traits des
autistes Asperger, voilà qui contribue à sensibiliser à l’autisme et qui peut
aider les gens Asperger à se reconnaître et ainsi à se sentir moins seuls.
Cela dit, il est évident qu’il s’agit d’un personnage fictif qui ne représente
pas de façon réaliste l’autiste Asperger. Premièrement, le fait que le Dr
Cooper possède un QI de 187 est évoqué pour donner du punch à
l’émission. Sans oublier qu’il possède une mémoire eidétique – il est
capable de mémoriser tout ce qu’il voit –, ce qui est extrêmement rare.
Ainsi, il faut savoir faire la part des choses.
Les caractéristiques autistiques qui, selon moi, sont relativement bien
représentées sont le besoin de routine, la systématisation et la difficulté à
faire des câlins et à se laisser toucher et aussi à gérer la proximité corporelle
avec ses amis et même sa copine. Une chose qui selon moi ne cadre pas est
l’aspect social de sa vie: le Dr Cooper est constamment entouré de ses amis,
on le voit rarement seul, ce qui va à l’encontre du besoin de solitude des
personnes Asperger.

Rain Man
Dans ce long-métrage qui fût le premier à aborder le thème de l’autisme,
Dustin Hoffman incarne un savant autistique. Rain Man, cependant, nous
livre une image extrêmement caricaturale de l’autisme et ne représente pas
la grande majorité des personnes autistes. Selon moi, Rain Man est aux
autistes ce que Marilyn Monroe est aux femmes et ce qu’Elvis Presley est
aux hommes. Je ne crois pas avoir besoin d’expliquer ces comparaisons…

Dr House
Dr House est un médecin spécialiste qui cherche un réconfort dans sa
discipline, la médecine. Il a peu d’intérêts pour les émotions des gens et il
présente une grande persistance à la systématisation. Dr House évite les
relations sociales et n’a pas peur de blesser les gens en citant des faits
observables. Cette tendance à dire la vérité en étalant des observations
logiques, sans se soucier de la réaction des gens, corrèle effectivement avec
le syndrome d’Asperger. Encore un personnage caricatural, mais qui peut
rappeler l’autisme Asperger, entre autres, à cause de sa persistance à la
systématisation, sa tendance à dire la vérité, son obsession marquée pour sa
profession et sa rigidité quant à ses valeurs et opinions.

Dre Temperance Brennan (Bones)


La Dre Brennan fait de l’évitement quant aux relations sociales. Elle
hésite à identifier et à expliquer ses émotions. Elle déteste la psychologie
humaine et elle fuit ainsi toute tentative de son entourage pour l’aider à se
mettre en harmonie avec ses émotions. C’est dans la rationalité de sa
discipline anthropologique qu’elle trouve réconfort et bien-être. Tout
comme dans le cas du Dr Sheldon Cooper, bien qu’il ait déjà été déclaré que
la Dre Temperance Brennan était basée sur une personne ayant le syndrome
d’Asperger, cela n’a jamais été confirmé par l’auteure. Cette tendance à ne
pas officialiser le diagnostic des personnages s’explique par le fait que si les
auteurs le faisaient, ils seraient limités sur le plan de la création. La Dre
Brennan a du mal à comprendre les expressions langagières et les messages
subtils dans la communication avec ses pairs; même chose pour les
traditions sociétales, comme les échanges de cadeaux durant le temps des
fêtes. Tout cela corrèle bien avec les gens qui présentent un syndrome
d’Asperger. Cette influence Aspie sur son caractère contribue également à
expliquer son extrême rationalité, sa tendance à la systématisation, ainsi que
certaines de ses difficultés sociales.

Alan Turing (The imitation game – Une vraie


histoire)
Ce long-métrage biographique nous présente la vie d’Alan Turing,
mathématicien devenu célèbre, entre autres, pour avoir décrypté la machine
Enigma utilisée par les Allemands durant la Deuxième Guerre mondiale
pour communiquer entre eux. Les créateurs du film ont utilisé les critères de
Gillberg pour décrire la présence du syndrome d’Asperger chez Alan
Turing. Une combinaison de six caractéristiques devant être intégralement
présentes chez une personne afin qu’un diagnostic du syndrome d’Asperger
puisse être posé et confirmé. Ils concluent ainsi que les six critères étaient
bel et bien rencontrés (O’Connell, H. et M. Fitzgerald (2003). Alan Turing
a-t-il le syndrome d’Asperger? Journal irlandais de médecine
psychologique, 20 (1), 28-31).

Voici les six critères de Gillberg:


1. Déficience sérieuse dans la réciprocité des interactions sociales (au
moins deux des éléments suivants)
(A) incapacité d’interagir avec les pairs
(B) manque de désir d’interagir avec les pairs
(C) manque de compréhension des signaux sociaux
(D) comportement socialement et émotionnellement inapproprié
2. Intérêt étroit absorbant tous les temps libres (au moins un des éléments
suivants)
(A) exclusion d’autres activités
(B) adhérence répétitive
(C) plus de mémorisation encyclopédique que de compréhension
profonde
3. Imposition de routines et de champs d’intérêt (au moins l’un des
suivants)
(A) sur soi, dans tous les aspects de la vie
(B) sur les autres
4. Problèmes de langage et de parole (au moins trois des éléments suivants)
(A) développement retardé
(B) langage expressif parfait mais superficiel
(C) langage formel et pédant
(D) prosodie déroutante, caractéristiques vocales particulières
(E) atteinte à la compréhension comprenant les interprétations erronées
des significations littérales / implicites
5. Problèmes de communication non verbale (au moins un des éléments
suivants)
(A) utilisation limitée des gestes
(B) langage corporel maladroit
(C) expression du visage limitée
(D) expression inappropriée
(E) regard rigide
6. Maladresse motrice: basse performance à l’examen
neurodéveloppemental.
Source: Gillberg & Gillberg (1989), Diagnostic Criteria for Asperger’s
Syndrome.

Juliet Madyson
Juliet Madyson est le personnage principal du roman Les confessions de
Juliet Madyson, qui est en fait le roman que j’ai écrit en 2015 en
m’inspirant de mes traits Asperger et de ma personnalité atypique. Parfois
caricatural, certes, mais aussi grandement réaliste en ce qui a trait au tronc
commun des personnes autistes Asperger. En voici des exemples:

• Juliet est obsessive au sujet de ses champs d’intérêt;


• elle a recours à la systématisation, et ce, en tout temps;
• elle a un grand sens de la justice;
• elle est socialement très maladroite;
• elle démontre une grande rigidité;
• elle possède des hypersensibilités sensorielle.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Il faut demeurer vigilant lorsque nous regardons des personnages
fictifs à la télévision; il faut savoir faire la part des choses pour ne
pas créer de confusion quant aux réelles caractéristiques des
personnes Asperger.

• Ces personnages fictifs et ces personnalités de grande notoriété qui


représentent le SA peuvent aider à briser les tabous et à faire sentir
les gens autistes Asperger moins seuls.
Les caractéristiques
de l’autiste
Asperger

Les autistes Asperger ont un tronc commun qui représente leur différence
par rapport aux neurotypiques. Ce tronc commun est défini par plusieurs
caractéristiques. Chaque autiste Asperger étant différent, ces
caractéristiques, bien que présentes, peuvent se manifester de façon
différente selon l’intensité et, simplement, la forme.

Chaque autiste représente une forme d’autisme


unique
Certes, il faut respecter ce tronc commun qui est partagé par les
personnes autistes Asperger, mais il est d’autant plus important de respecter
le fait qu’au-delà de cet élément, il existe une individualité propre
simplement humaine chez tout Asperger. Chaque individu étant finalement
le résultat de ce tronc commun additionné au résultat de son individualité
qui n’a aucun lien avec l’autisme.
Si, par exemple, le tronc commun représente le nombre 5 et que
l’individualité de la personne Asperger représente un nombre aléatoire entre
1 et 100, mais avec 5 décimales obligatoires, et que le résultat de l’addition
de l’individualité de la personne Asperger et du tronc commun représente
une forme d’autisme, eh bien, il est clair que chaque autiste obtiendra un
résultat différent.

Par exemple:
Personne 1: 5 + 45,37265 = 50,37265
Personne 2: 5 + 64,94593 = 69,94593
Le résultat ne sera jamais identique.

Les champs d’intérêt spécifiques


Les champs d’intérêt spécifiques chez les autistes Asperger sont
représentés par des obsessions pointant vers des sujets précis. Ces
obsessions peuvent se manifester de plusieurs façons. Certains peuvent
collectionner des bandes dessinées, tandis que d’autres peuvent accumuler
des connaissances sur des sujets variés, par exemple les trains, l’astronomie
ou le droit (ex.: connaître par cœur des articles du Code civil); certains
peuvent se rappeler les paroles de chansons de façon impressionnante.
Certains ont des passions dominantes comme les mathématiques et
l’astrophysique, tandis que d’autres cumulent une plus grande variété de
champs d’intérêt spécifiques. Plusieurs Asperger semblent souvent passer
du coq à l’âne quant à certaines de leurs passions. C’est le cas en ce qui me
concerne et ce que j’en déduis, c’est que quand on se met à tout absorber
sur un sujet dans un petit délai, on peut devenir ennuyé très rapidement si ce
sujet cesse de nous intéresser. Les neurotypiques prendront plus de temps à
maîtriser les notions sur un sujet qui les interpelle. Étant donné sa nature
obsessionnelle, l’Asperger se rend rapidement compte si un sujet en
particulier le passionne ou l’ennuie, puisqu’il absorbera beaucoup
d’information sur le sujet en très peu de temps. C’est pourquoi, selon moi,
ils passeront d’une chose à l’autre rapidement. Le neurotypique, lui,
semblera plus stable étant donné qu’il met beaucoup plus de temps à se
rendre compte de son intérêt réel envers un sujet en particulier.
C’est comme si le temps était accéléré. Notre cerveau n’arrête jamais.
Nous absorbons tellement d’informations en très peu de temps lorsqu’un
sujet nous passionne que cela crée une illusion d’instabilité. En fait, c’est
simplement que dans notre cerveau, il peut passer en un mois des
informations qui prendront six mois à se frayer un chemin dans le cerveau
du neurotypique.

Troubles sensoriels
L’hypersensibilité sensorielle
Le filtre du cerveau des gens neurotypiques est représenté par une porte-
fenêtre en verre; les autistes Asperger, eux, n’ont qu’une moustiquaire pour
filtrer les stimuli de l’environnement.

— Tanya Izquierdo
Beaucoup d’autistes Asperger voyagent dans la vie sans filtre sensoriel.
Ils entendent tout, voient tout, ressentent tout, sentent tout, et ce, à
l’extrême. Les sens peuvent être surdéveloppés de façon variée d’un
Asperger à l’autre. Certains peuvent être handicapés par les odeurs, le bruit
ou la lumière, tandis que d’autres peuvent l’être par le toucher. Cette
hypersensibilité sensorielle devient un réel handicap et une surcharge
sensorielle envahit rapidement la personne Asperger. Socialement, cela
représente un vrai défi, puisque plus il y a de stimuli autour, moins on arrive
à les gérer et à en faire abstraction. Il devient alors plus difficile de
socialiser, de communiquer, de se concentrer et même simplement… d’être.
Pendant que les parents applaudissent, les enfants sont tout fiers lors de leur spectacle de
finissants. Remarquez le petit à droite, les mains sur les oreilles. Petit Aspie de 5 ans (Loik), il
est agressé par les applaudissements et les cris et il se bouche les oreilles parce que le bruit lui
fait mal.

Cette image représente justement la nuance si importante entre ne pas


aimer le bruit et être handicapé par le bruit. Elle représente le continuum
des caractéristiques et le point auquel les hypersensibilités deviennent
significatives sur le plan de la qualité de vie d’un humain.
Par exemple, le jeune Asperger qui est en salle d’examen, pendant qu’il
tente de se concentrer, entend le tic-tac de l’horloge, les reniflements des
élèves, les crayons qui gribouillent sur le papier, les pages qui se tournent,
les bruits dans le couloir, l’eau qui passe dans l’œsophage de son voisin, le
pied d’un élève qui cogne sur le plancher ou sur le bureau. Tous ces bruits
viennent simultanément se fracasser dans son cerveau et l’envahissent. Le
neurotypique aussi peut entendre ces sons, mais il les entendra à travers une
porte-fenêtre, tandis que nous, on les entend à travers une moustiquaire.
Cela devient un réel cauchemar que d’essayer de se concentrer; ces bruits
nous hantent et nous crispent en dedans de nous. Un simple examen devient
un immense défi pour la personne Asperger à cause de ses sens
surdéveloppés.
L’hyposensibilité sensorielle
Il arrive qu’une personne Asperger présente aussi des hyposensibilités –
c’est-à-dire qu’elle ne réagit que peu ou pas du tout aux stimuli –, en plus
des hypersensibilités. Par exemple, une personne Asperger pourrait être
hypersensible aux sons et à la lumière, mais hyposensible quant au toucher.
Il faut encore ici garder en tête que pour chaque autiste, l’autisme varie.

Les émotions
Nous, Asperger, avons une palette d’émotions beaucoup plus étroite que
celle des neurpotypiques, qui ont une grande quantité de nuances quant aux
émotions qu’ils vivent couramment. C’est comme les couleurs. Des nuances
de couleurs, il y en a des milliers, mais il n’y a que trois couleurs primaires.
Magenta, cyan et jaune. Pour nous, il en est ainsi des émotions. Ce n’est pas
que nous n’en avons pas, c’est simplement que la gamme d’émotions est
plus restreinte et que nous les vivons différemment. Ce n’est pas non plus
parce que nous ne reconnaissons pas les émotions que nous ne les vivons
pas. Je crois fermement que les neurotypiques non plus ne sont pas aptes à
reconnaître toutes les nuances d’émotions qu’ils ressentent. Quand on passe
sa vie à penser rationnellement et à systématiser, on est beaucoup moins
enclins à développer une variété d’émotions et, pour cette raison, il devient
un défi que de reconnaître et d’apprivoiser nos émotions. En ce qui me
concerne, il est rare que je sois très joyeuse ou que j’aie un gros sourire
simplement parce que je suis heureuse. Soit je suis très heureuse
momentanément puisque, par exemple, je viens d’apprendre une bonne
nouvelle ou, inversement, je suis très triste ou très en colère pour une raison
spécifique à un moment spécifique. Il faut comprendre que ce n’est pas
signe que nous ne sommes pas des êtres heureux, mais simplement que
notre ressenti par rapport aux émotions est différent. Pour nous, la
rationalité prend souvent le dessus, notre tête est quasiment toujours en
contrôle. Nous avons la capacité de ressentir, sauf que nous ressentons
différemment. Par exemple, quand quelqu’un me demande «ça va?» et que
je réponds «bah… oui…», ça ne veut pas dire que «ça pourrait aller mieux»
ou que «je me sens ordinaire». Non, ça veut juste dire que ça va, et je suis
bien ainsi, je n’ai pas besoin de plus pour être heureuse, comme on dit. La
définition du bonheur m’apparaît très irrationnelle. Pour moi, être heureux,
tel que je le perçois dans ma vie et la façon dont moi j’aspire à être
heureuse, c’est tout bonnement d’être bien, épanouie et libre. Ça ne signifie
pas de sauter de joie constamment et de sourire chaque fois que je croise
quelqu’un. La notion d’être heureux telle qu’elle est perçue et définie dans
notre société est, selon moi, illusoire et superficielle. D’ailleurs, je suis
d’avis que ceux qui sourient le plus sont les plus malheureux.

L’hypersensibilité émotionnelle
Nous, Asperger, n’avons souvent, comme mentionné précédemment, pas
de filtre pour les aspects sensoriels et il en est souvent de même pour les
émotions. Cependant, il y a une nuance entre ressentir une émotion et la
reconnaître. Je crois que plusieurs Asperger sont vulnérables aux émotions
et que, pour cette raison, ils tentent de les éviter, puisqu’ils ont peut-être une
capacité plus grande à ressentir de fortes émotions. C’est mon cas. En
regardant quelqu’un dans les yeux, nous ressentons l’émotion de l’autre,
mais souvent il s’agit d’une émotion que nous ne comprenons pas. Notre
cerveau capte l’émotion de l’autre à cent milles à l’heure, mais notre
cerveau n’étant pas nécessairement familier avec l’émotion en question,
nous avons du mal à en comprendre le sens et à l’assimiler. Ce qui fait peur
et devient envahissant socialement. C’est quelque chose de très intime pour
moi que de regarder dans les yeux, autant que de toucher quelqu’un.
Parallèlement, certaines situations qui peuvent sembler banales pour un
neurotypique nous affectent beaucoup plus émotionnellement. Par exemple,
les injustices dans ce monde nous perturbent à un point assez
extraordinaire. Enfants, nous avons été étiquetés comme dramatiques et
nous le sommes parfois encore à l’âge adulte. Cependant, dire que nous
sommes dramatiques nous porte préjudice. Ces émotions fortes, nous les
ressentons réellement, nous les vivons et il y a une raison derrière chaque
émotion. Certaines situations nous frappent à 100 km/h, tandis que pour
d’autres, ça les frappe à 10 km/h. Moi, par exemple, j’évite de lire les
journaux et d’écouter les nouvelles, puisque lorsque j’y vois une injustice
(que ce soit de la violence mentale ou physique faite aux humains ou même
aux animaux), cela me perturbe pendant des jours, jusqu’à en faire des
cauchemars. Les neurotypiques peuvent en être affectés, mais pas au point
de les perturber et d’hypothéquer leur qualité de vie. Il y a toujours cette
nuance d’intensité qui définit la normalité versus la marginalité, c’est-à-dire
l’Asperger comparé au neurotypique.

Décalage émotionnel
Il y a souvent un décalage sur le plan émotionnel chez les personnes
Asperger. Étant donné que nous ne vivons pas une grande variété
d’émotions dans la vie de tous les jours, il est difficile d’apprendre à les
gérer. Quand on ressent une émotion, c’est souvent à l’extrême, puisque ce
qu’il y a entre les extrémités pour nous, ce n’est que se sentir normal, ni
plus ni moins. Quand nous ressentons une émotion, elle est souvent
extrême, alors comme nous ne gérons pas nos émotions autant qu’un
neurotypique (qui le fait une centaine de fois par jour), il nous faut plus
d’efforts et de temps pour apprendre à le faire. Cela dit, je réitère que les
Asperger sont tous des individus à part entière et ceux qui font beaucoup
d’introspection, comme moi-même, sont en mesure d’apprendre à mieux
gérer et repérer les émotions, et ainsi nous en sommes moins handicapés.

Émotions face aux injustices


L’intolérance aux injustices est si omniprésente chez les personnes
Asperger qu’il est important de s’y attarder. La vérité est que les Aspies ont
souvent des valeurs très fortes, ils ont aussi un besoin insatiable que justice
soit rendue. Les injustices les perturbent au plus haut point, peu importe à
qui elles sont faites. C’est ainsi à partir de la plus tendre enfance pour les
autistes Asperger. À la lumière de cette caractéristique, on comprend
d’autant plus que l’intimidation faite envers les autistes Asperger peut être
extrêmement nocive à long terme. L’intimidation est nocive pour tout être
humain, j’en conviens. Dans le cas des autistes Asperger, cependant, je
crois que la vulnérabilité face à l’intimidation est inestimable étant donné
cette perception de l’injustice et des émotions intenses qu’elle peut
provoquer.

Une communication atypique


Oui, bien sûr, tout humain, qu’il soit Asperger ou non, apprend en
observant: c’est l’apprentissage vicariant. Cependant, pour la personne
Asperger, il n’y a rien de la socialisation qui vienne naturellement, c’est
pourquoi, en partie, enfant, il est plus facile de détecter la différence et
qu’adulte, plusieurs autistes Asperger sont devenus si doués pour faire
semblant que certains s’avèrent pratiquement indétectables. Les
neurotypiques naissent avec certaines aptitudes à socialiser et à
communiquer du moment qu’ils commencent à entrer en contact avec les
autres, le processus d’apprentissage de la socialisation s’enclenchant
naturellement. Leur apprentissage se fait de façon naturelle en observant les
autres et en aiguisant ainsi les aptitudes sociales qui sont innées en eux.
Nous, les autistes Asperger, avons besoin de plus de temps, de ressources et
d’aide afin d’apprendre les règles de socialisation et de communication, ces
fameux… codes sociaux.

Difficulté à déceler le sarcasme et les blagues


Il est bien connu que l’autiste Asperger a du mal à comprendre les
blagues et le sarcasme. Cette affirmation n’est pas un mythe et il y a une
raison très logique à cela. L’autiste Asperger a tendance à fixer son attention
sur les détails et ainsi a plus de difficulté à percevoir l’idée générale derrière
les choses. Lorsque quelqu’un raconte une blague, on analyse chaque détail.
Pour nous, c’est une phrase, composée de mots, de syllabes, d’intonations,
et en analysant la blague tel un système, nous n’avons pas ce réflexe initial
qu’ont les neurotypiques que de simplement écouter et apprécier le concept
général évoqué par la blague. En analysant si méthodiquement la blague,
évidemment, ce n’est plus drôle, même si on la comprend. Pour nous, tout
doit être logique et avoir du sens, c’est ainsi que notre neurologie
fonctionne, par systématisation. Les blagues, on s’entend, ne sont pas
toujours logiques et munies de réalisme. Alors, il arrive souvent que ce ne
soit pas la blague en soi que l’on ne comprend pas, mais la raison pour
laquelle elle est censée être drôle.
Pour ce qui est du sarcasme, en fait, ce n’est pas qu’on ne le comprend
pas. On sait ce que c’est, on connaît la définition et même comment
l’utiliser, cependant pour saisir quand quelqu’un use de sarcasme, il faut
savoir déceler l’émotion et le ton sur lequel la personne dit la phrase
sarcastique et c’est là qu’est le problème. On a du mal à percevoir le «ton
sarcastique». Il faut aussi tenir compte du fait que les Asperger prennent les
choses littéralement, au premier degré. La combinaison de ces deux facteurs
génère la difficulté à décrypter le sarcasme.
Les autistes Asperger sont des gens qui adorent rire, comme les
neurotypiques. Cependant, leurs blagues pencheront plus vers des faits et
seront en lien avec la réalité. Si une blague, par exemple, ne comporte
aucune contradiction et pas trop de détails analysables et discutables, il y a
plus de chances que l’autiste Asperger la trouve drôle, puisqu’il y a moins
de risques qu’il y trouve des failles et des détails incohérents.
Bref, les autistes Asperger étant programmés différemment
neurologiquement, il va de soi que leur sens de l’humour est influencé par
cette différence neurologique. Ce qui ne veut absolument pas dire qu’ils
n’ont pas le sens de l’humour, mais tout bonnement que leur sens de
l’humour est… différent. D’ailleurs, beaucoup d’humoristes et comédiens
dans le monde sont autistes Asperger. Il faut faire la part des choses, ils ont
simplement tendance à avoir un humour divergent des neurotypiques.

Regarder dans les yeux


Pour l’humain neurotypique, la modulation du regard fait partie de sa
façon de communiquer et ça se fait naturellement. Mais comme on l’a vu
précédemment, pour les autistes Asperger, ceci représente tout un défi. Il
faut trouver des façons de regarder notre interlocuteur sans nécessairement
le fixer dans les yeux. En fait, pour plusieurs d’entre nous, et surtout les
enfants Aspies, regarder droit dans les yeux nous déconcentre. Quand mon
fils regarde droit dans les yeux, son regard est fixe et n’a aucune
modulation. Pour nous, la communication n’est pas efficace au travers de
cette modulation du regard qui régit les échanges entre les neurotypiques.

Socialisation
Quand on est Asperger, on a tendance à dire… la vérité. Pour nous, elle
n’est jamais mauvaise à dire. Alors, on peut vexer les gens sans le vouloir et
ça devient angoissant de socialiser, en partie à cause de cela. Évidemment,
il faut faire la nuance entre dire des choses pour blesser, porter des
jugements et simplement dire des choses que l’on l’observe. On peut aussi
poser des questions embarrassantes, un peu comme un enfant le ferait, sans
réaliser que c’est inapproprié selon les codes sociétaux, puisque pour nous
ces règles ne sont pas les mêmes que pour les neurotypiques. Mais les
Aspies n’ont pas de mauvaises intentions, loin de là, alors ça devient
perturbant pour nous de constater que nous pouvons offusquer des gens
sans vraiment comprendre pourquoi. Ainsi, il arrive que des Asperger
évitent les situations sociales justement parce que leurs valeurs et leurs
perceptions leur apparaissent trop divergentes de celles établies par la
société.

Voici ce que moi j’ai appris au courant des


dernières années
Ne jamais…
• Dire à quelqu’un qu’on ne l’a pas reconnu en raison de sa prise de
poids.
• Dire à une personne qu’elle fait du déni.
• Dire à une femme que sa grossesse lui va à merveille sans être
certain qu’elle est effectivement enceinte.
• Sortir la citation suivante d’Einstein pour faire sentir bien quelqu’un
qui refait la même erreur à répétition, car même si vous n’êtes que le
messager, l’humain risque de mal le prendre:

La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et


d’attendre des résultats différents.

– Albert Einstein

Ce qui me rend le plus perplexe est que, pourtant, ces choses que les
Aspies disent sont preuve de leur intégrité. En fait, ce que j’observe, c’est
que le problème réside dans la perception de la personne qui se sent vexée
par un propos. Souvent, les gens entendent ce qu’ils veulent au lieu
d’entendre ce que l’on dit réellement. Pour nous, c’est perturbant de
constater à quel point, pour vivre en société, il faut apprendre à mentir et à
cacher la vérité même quand cette vérité explique la réalité.

Des questions, des questions et encore des questions


L’autiste Asperger voit les concepts tel un paléontologue voit une fraction
d’un fossile enterré. Il ne sera satisfait que lorsque chaque petit cm carré
de surface sera complètement déterré.

Oui, c’est vrai, nous posons beaucoup de questions. Que ce soit en réponse
à un commentaire, à une blague, à une directive ou même… à une question!
Pourquoi? Pour plusieurs raisons. Mais il est important de mentionner que
nous nous posons des questions encore plus que nous en posons aux autres.
Premièrement, les autistes Asperger sont des personnes insécures et
anxieuses dans ce monde imprévisible et, pour ma part, on dirait que plus
j’en sais, mieux je me sens, plus je me sens en contrôle et plus mon niveau
d’anxiété diminue. Par exemple, un rendez-vous chez le médecin peut être
assez pénible pour le docteur – il sera bombardé de questions! – et ce sera
pire pour le commis au rayon électronique chez Best Buy.
Tout semble ambigu à nos oreilles étant donné qu’il y a tellement de sens
possibles à tous les mots, à tous les ensembles de mots. Pour que les choses
aient du sens, je dois tout savoir, tout comprendre, sinon il m’est impossible
de réellement analyser ce que l’on me dit. Nous avons des fixations sur les
détails, et chaque mot, chaque virgule est analysé, alors lorsque nous
écoutons quelqu’un, nous avons du mal à entendre la phrase entière; elle est
plutôt entendue de façon décousue, un mot à la fois, une virgule à la fois et
pour chacun de ces aspects, il y a plusieurs avenues possibles. Nous avons
peur de la généralisation d’un concept, car ça nous laisse croire que l’on
pourrait manquer un détail important.
De plus, il semble que la phase de questionnement que chacun traverse
étant enfant n’ait pas de cesse chez les Asperger. En fait, notre soif de
savoir s’amplifie au lieu de s’atténuer. Chaque question que nous posons,
nous la posons parce que nous voulons réellement savoir. Nous avons
besoin de savoir, même si ça peut sembler inutile de poser telle ou telle
question aux yeux des neurotypiques. Pour nous, chaque détail est
important. Quand je parle aux gens, souvent ils ne comprennent pas
l’importance de connaître tous ces détails… Mais pour moi, c’est normal!
Je dois connaître chaque variable de l’équation afin de bien l’assimiler. Il
est intolérable pour moi de me faire lancer une information sans qu’elle
s’accroche à d’autres concepts dans mon cerveau. Un peu comme un casse-
tête, je dois être en mesure de caser le morceau à sa place pour me sentir à
l’aise avec l’information que je viens de recevoir.

ANALOGIE
Notre façon de traiter l’information reçue est comparable à la façon
dont on traite des équations algébriques. C’est-à-dire que si
l’information représente une variable A faisant partie de l’équation A
+ AB + C = X, eh bien, nous devons savoir ce que représentent les
variables B et C afin d’arriver à la conclusion qui est X. Nous ne
pouvons pas nous contenter de connaître la réponse X et une seule
variable, à moins que nous soyons en mesure de procéder par
déduction grâce à un nombre suffisant de variables connues.

MISE EN SITUATION
Par exemple, si je parle à une connaissance et qu’elle me dit que son
oncle est décédé, je lui demanderai: «As-tu pleuré?» Pourquoi je pose
cette question? Parce que cette information démontre le genre de
relation qu’elle avait avec son oncle, ça démontre comment elle se sent
par rapport à sa mort, ça démontre aussi comment moi je dois réagir
considérant le niveau de peine qu’elle ressent. Si je ne connais pas ces
détails importants, je suis laissée au dépourvu. Comment est-ce
possible de bien réagir si je ne connais pas sa relation avec son oncle
décédé? Impossible. Simplement impossible.

Pour ma part, poser des questions fait partie des techniques de


socialisation que j’ai développées au courant de ma vie. En posant des
questions, on peut:

• apprendre à connaître et comprendre les gens;


• créer une conversation quand on ne sait pas quoi dire à son
interlocuteur parce qu’on ne partage pas les mêmes champs d’intérêt,
ce qui est le cas pour quasi tout le monde que je rencontre;
• avoir l’air ultra sympathique puisque les humains adorent qu’on leur
donne de l’attention. On a beau ne pas dire un mot sur nous-mêmes et
n’avoir posé que des questions, l’autre dira qu’on est «si
sympathique». Oui, c’est tout un mystère.

Pour résumer, nous posons des questions pour:


1. nous sécuriser;
2. comprendre les choses en profondeur;
3. converser.

Difficulté de passer à autre chose tant que le dossier


n’est pas clos
L’Asperger étant comme un paléontologue, à la différence qu’il déterre
de l’information au lieu des fossiles, il a beaucoup de difficulté à passer à
autre chose tant qu’un dossier est incomplet dans son cerveau. Ceci peut se
manifester comme un comportement obsessif aux yeux du neurotypique
lors d’une conversation ou si on l’observe en train de travailler sur quelque
chose. En fait, l’Asperger continuera d’extrapoler et de travailler sur un
sujet tant qu’il ne sera pas comblé, pendant que le neurotypique, lui, a envie
de mourir si une situation lui semble ne plus avoir de fin.

La fameuse routine
La routine, pour les personnes Asperger, agit comme mécanisme contre
l’anxiété. L’autiste ressent un réconfort dans sa routine et c’est ce qui lui
permet de demeurer sain d’esprit. Elle lui permet de se sentir en contrôle
dans un monde qui lui est imprévisible. Pas surprenant que nous ayons
beaucoup de difficulté à gérer les changements de plans de dernière minute.
La routine est pour nous ce que la «doudou» est à un enfant en bas âge.
Alors, changer les plans serait comparable à arracher la doudou des bras
d’un enfant qui est sur le point de s’endormir.
Cette routine est nécessaire pour la personne autiste Asperger: c’est ce
qui crée un équilibre chez elle.

Les stéréotypies
Comme pour le besoin de routine des autistes Asperger, les stéréotypies
agissent comme mécanismes pour contrer l’anxiété. Ces mouvements
répétitifs (ex. taper des mains ensemble) qui peuvent se manifester
différemment d’un autiste à un autre, viennent l’aider à se recentrer, à
équilibrer son être en contrant l’angoisse. Ces mouvements ont donc un
effet calmant sur sa personne. Ce phénomène est comparable à une
personne qui fait de la méditation. Seulement l’autiste, lui, le fait
couramment et sporadiquement étant donné l’anxiété qu’il vit sans arrêt
dans sa vie de tous les jours. Il est tout à fait normal que les mécanismes
pour contrer l’anxiété chez une personne soient présents de façon
proportionnelle à la quantité d’anxiété qu’elle vit.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Bien que l’on partage tous un tronc commun, une individualité nous
est aussi propre, et chaque autiste Asperger représente une forme
d’autisme différente.

• Les caractéristiques peuvent varier en intensité et en forme d’un


autiste Asperger à un autre.
Les mauvaises
conceptions

Croire que l’autiste Asperger n’a pas d’empathie, c’est être illusionné par
le fonctionnement complexe des autistes Asperger, c’est être mystifié par la
véridique définition de l’empathie et de toutes ses composantes.

— Tanya Izquierdo

Être Asperger, c’est être différent et ainsi systématiquement jugé et


incompris par la société. Trop de mythes et de fausses croyances circulent
dans les médias. Être autiste Asperger, c’est comme être une personne noire
dans les années 50 qui essayait de faire valoir sa différence biologique ou
être gaucher dans les mêmes années et se faire imposer de se conformer à
devenir droitier «comme tout le monde». Excepté que dans notre cas, c’est
notre différence neurologique que l’on doit faire valoir.
Beaucoup de gens parlent du syndrome d’Asperger de nos jours, mais je
constate qu’un grand nombre sont malencontreusement mal informés. Ce
n’est pas en lisant un ou deux articles au hasard sur le web que l’on en vient
à comprendre, même minimalement, ce que c’est que d’être Asperger. Ce
n’est pas non plus en ayant connu une personne Asperger que l’on sait dès
lors tout sur eux et comment ils fonctionnent dans la vie de tous les jours.
Ici, je vais tâcher de clarifier plusieurs mythes et pensées qui viennent
brouiller la compréhension générale de ce que représente le syndrome
Asperger dans notre société.

Les mythes les plus «populaires»


1. L’autisme est une maladie, ce qui implique que
ça se guérit.
Non, on est autiste Asperger comme on est un homme ou une femme. On
n’est pas atteint de masculinité ou de féminité, on est simplement né ainsi,
on est un homme ou on est une femme. Parallèlement, le neurotypique est
aussi simplement neurotypique: il n’est pas malade, il n’est pas atteint de
neurotypie. Pour l’autiste Asperger, c’est pareil. Bien que la sensibilisation
à cette notion si importante continue de croître, il y a encore beaucoup de
travail à faire et ce mythe est selon moi celui portant le plus préjudice aux
personnes autistes. L’autiste Asperger possède une différence neurologique
et non un «trouble» neurologique. Un indice irréfutable de ce que je viens
d’affirmer est que les problèmes surviennent quand on communique… et
pourquoi? Parce que nous sommes différents de ceux avec qui on
communique. Seulement, nous sommes la diversité minoritaire, comme les
Noirs, les gauchers et les homosexuels.
Cependant, il faut continuer de faire valoir nos droits en tant qu’êtres
humains neurologiquement différents. Plus on en parle, plus on se mobilise
et on sensibilise, plus ces normes sociales évolueront dans le même sens
que celles concernant la couleur de la peau. Il faut commencer quelque part
et, aujourd’hui, on continue de conscientiser l’humain à l’importance de la
diversité neurologique.
Il faut dire que l’on peut alléger certaines difficultés liées à nos
caractéristiques autistiques, apprendre à s’adapter, développer des
mécanismes pour contrer l’anxiété et les hypersensibilités sensorielles, mais
on ne guérit pas de l’autisme, au même titre qu’on ne guérit pas de
l’homosexualité ou d’être né avec le sexe féminin ou masculin. C’est ce
qu’on est et on peut évoluer, comme un neurotypique peut évoluer et
travailler sur ses faiblesses. On peut travailler sur nous-mêmes et apprendre
à s’adapter, oui, mais il y a une nuance de taille entre guérir et s’adapter.
Notre but dans la vie n’est-il pas justement d’évoluer selon notre plein
potentiel, autiste ou non? Eh bien, tout comme un neurotypique, l’Asperger
peut évoluer et apprendre à maîtriser ses forces et ses faiblesses.
Somme toute, l’autisme n’est qu’une différence neurologique. Alors,
comme il n’y a rien à guérir, il va de soi que ce n’est pas une maladie.

2. Les autistes n’ont pas d’empathie.


Les neurotypiques sont munis d’une empathie neurotypique, tandis que
nous, autistes Asperger, avons une empathie autistique. L’une ne vaut pas
moins que l’autre, il faut simplement, ensemble, apprendre à se
comprendre.

– Tanya Izquierdo
Ce mythe est l’un des plus courants à notre égard. Je peux comprendre
puisque la notion d’empathie, pour plusieurs, est beaucoup plus complexe
qu’il n’y paraît de prime abord. Je vais décortiquer le concept de l’empathie
chez les autistes Asperger afin d’y voir plus clair et de démontrer pourquoi
il s’agit effectivement d’un mythe.
Il y a l’empathie telle qu’elle est définie par la croyance populaire et la
définition plus intégrale de l’empathie.
Définition courante: avoir des sentiments, sentir de la peine pour les
autres, se mettre à leur place et les faire se sentir mieux…

La définition complète de l’empathie avec toutes


ses composantes:
1. être en mesure de simplement ressentir, capter l’émotion de l’autre;
2. être capable de discerner quelles sont les émotions que l’autre ressent;
3. avoir l’habileté d’imaginer ce que l’autre ressent et se mettre à sa place;
4. être en mesure de démontrer de la compassion et, justement, son
empathie.
Pour l’autiste Asperger, le premier point est en fait, selon moi,
extrêmement développé et je dirais même davantage que chez le
neurotypique. Ayant des hypersensibilités sensorielles et un cerveau sans
filtre, il serait tout à fait logique que cette hypersensibilité sensorielle soit
aussi associée à la capacité de notre cerveau de capter les émotions de façon
extrême au travers du regard. Cependant, il y a une nuance entre capter et
comprendre. J’y reviendrai au prochain mythe.
Le deuxième point représente un défi puisque les émotions sont pour
nous difficiles à comprendre, étant donné notre déconnexion de nos propres
émotions, mais avec le temps certains y arrivent. Le troisième représente
aussi un défi, mais plusieurs autistes Asperger sont capables de le faire,
surtout si l’émotion que l’on capte nous est familière: si elle nous est
connue et que nous l’avons déjà ressentie, il va de soi que nous pouvons
nous mettre à la place de notre interlocuteur. Tout dépend de notre
expérience personnelle, car les émotions sont une question de perception,
aussi. Nous vivons juste ces émotions différemment.
Cependant, ce qui représente le plus gros défi et la raison pour laquelle ce
mythe est si omniprésent est que la personne Asperger communique
différemment du neurotypique. L’Asperger aura plus de difficulté à
démontrer sa compassion au neurotypique, bien qu’il la ressente. Moi, par
exemple, je ressens l’empathie et la compassion, mais je ne sais souvent pas
comment consoler ou rassurer l’autre devant moi; en fait, la rationalité
l’emporte sur les émotions. Alors d’emblée, ma réaction sera de faire de la
systématisation même en parlant d’un sujet rempli d’émotions, puisque
c’est ainsi que mon cerveau fonctionne: une persistance dans la
systématisation de presque tout. Cela dit, si l’idée que l’autiste Asperger a
du mal à démontrer sa compassion persiste, il est aussi vrai de dire que le
neurotypique a du mal à discerner la démonstration de compassion venant
de l’Asperger.
Somme toute, ce mythe qui soutient que les Apserger n’ont pas
d’empathie provient des deux côtés, tant de l’autiste Asperger que du
neurotypique. Je crois que personne ne peut contester le fait indubitable que
la communication se fait à deux. Ceci étant dit, bien que l’autiste Asperger
soit l’humain marginal dans l’équation, il demeure qu’un grand manque
d’ouverture quant à cette différence est en partie responsable de ce fossé qui
se crée entre les deux.
Le désir d’aider est présent et le désir de rassurer aussi, seulement nous
les ressentons différemment. Alors, on a du mal à montrer sa compassion à
l’être neurotypique, le montrer de façon que lui soit apte à la ressentir. Et
c’est ce qui crée une illusion de non-empathie aux yeux des neurotypiques.
Bref, je dirais que c’est le neurotypique qui peut avoir du mal à déchiffrer
l’empathie autistique.

3. Les autistes Asperger n’ont pas de contact


visuel.
Celui-ci est en partie vrai et en partie faux. Enfant, ceci représente
relativement bien la réalité, mais adulte, pas tellement. Avec le temps, on
apprend à gérer le malaise qui surgit en nous lorsqu’on regarde quelqu’un
directement dans les globes oculaires.
Mon fils, quand il ne me regarde pas dans les yeux, je le ressens, je le
sais, parce que je ressens la même chose depuis ma plus jeune enfance: il
est mal à l’aise, extrêmement mal à l’aise. C’est que regarder quelqu’un
tout droit dans les yeux l’envahit et le trouble. Il ressent tant de choses qu’il
ne comprend pas, des stimuli «émotionnels» captés dans le regard de son
interlocuteur viennent assaillir son cerveau… Étant donné qu’en tant que
petit Aspie il ressent les stimuli beaucoup plus intensément que le
neurotypique, il en est perturbé et ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est
pourquoi il évite de regarder dans les yeux. À l’âge adulte, cependant, on
apprend à reconnaître les émotions et le contact visuel devient moins
envahissant étant donné que l’on comprend davantage ce que l’on ressent et
que l’on s’y habitue. Mais enfant, c’est un mystère perturbant que de
ressentir de telles choses en regardant un humain dans les yeux.
Ici, je reviens à la définition intégrale de l’empathie vue précédemment.
En réalité, selon mon expérience et en observant les personnes Asperger,
j’ai toujours réellement cru que le problème était plus le contraire quant à ce
fameux mythe de l’empathie. Oui, vous avez bien compris. Que l’on a…
trop d’empathie. Que tous nos sens sont surdéveloppés, incluant la capacité
à ressentir les émotions des autres. Cependant, ne comprenant pas toujours
ces émotions – n’étant pas nous-mêmes naturellement en relation avec les
nôtres –, il devient envahissant et bouleversant de regarder les gens dans les
yeux, car nous ressentons ces émotions sans aucun filtre, comme pour le
bruit et la lumière par exemple. Pour ma part, les événements sociaux sont
épuisants en partie pour cette raison. Les émotions des autres, chaque fois
que je croise un regard, viennent envahir mon cerveau, et chaque fois que je
ressens l’émotion d’un autre, bien que parfois je ne la comprenne pas, elle
prend tout de même une place en moi et m’habite de façon intense.
Heureusement, je ne suis pas la seule à penser ainsi. Les chercheurs
Henry Makram, Kamila Markram et Tania Rinaldi, dans leur article The
Intense World Syndrome – an Alternative Hypothesis for Autism, ont
affirmé des propos soutenant mon idée
(http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2518049/).

Voici un résumé de ce qu’ils disent dans leur article:


Les personnes autistes pourraient finalement n’être ni aveugles des
sentiments ni manquer d’empathie envers les autres, mais plutôt être
hyperconscients des fragments sélectionnés de l’esprit, pouvant être si
intenses qu’ils évitent le contact visuel, évitent les interactions sociales et
cessent de communiquer.

4. Ils n’ont pas d’intérêt pour les humains.


Les gens Asperger sont des êtres intellectuels qui sont munis de tout un
monde fascinant habitant leur cerveau. Tous les humains, neurotypiques et
autistes Asperger, ont des traits de personnalité qui leur sont propres, alors
au SA s’additionne cette personnalité individuelle déterminant à quel point
l’intérêt de socialiser sera présent. Les autistes Asperger étant des gens qui
ont une forte tendance vers la systématisation de tout et de rien et qui ont
tendance à avoir des intérêts spécifiques en lien avec des choses, des
concepts davantage qu’avec des humains, socialiser ne figure pas
nécessairement dans leur liste de priorités. Il se passe tellement de choses
dans leur cerveau qu’en quelque sorte ils sont souvent comblés par eux-
mêmes et n’ont pas besoin de socialiser pour s’épanouir. À moins, bien sûr,
de rencontrer quelqu’un avec qui les conversations sont stimulantes
intellectuellement. Encore, je connais des Asperger qui adorent socialiser et
qui ont fait de la socialisation un de leurs intérêts spécifiques, voilà qui
illustre encore que pour chaque autiste il y a un type d’autisme.
Un autre facteur qui entre en ligne de compte est que les neurotypiques
ont souvent du mal à accepter l’Asperger tel qu’il est. Ce n’est pas que les
Aspies n’aiment pas les gens, mais plutôt qu’il est difficile pour nous de
trouver des personnes qui nous comprennent et nous acceptent tels que nous
sommes, sans juger et sans tenter de nous changer. Vous savez, quand on a
un ami, on veut le faire évoluer pour son bien à lui, mais ce que j’observe
est que les gens tenteront souvent de changer le proche Asperger pour leur
propre bien. Ceux-là manquent d’ouverture et de compréhension devant la
différence neurologique régissant certains aspects de la personnalité et du
comportement des Asperger. D’ailleurs, certains Asperger seront
extrêmement sociables. Mais généralement, ça nous prend beaucoup
d’énergie pour gérer les contextes sociaux… Il y a une grande nuance entre
ne pas aimer quelque chose et devoir affronter un défi en essayant
d’accomplir quelque chose.

5. Asperger est synonyme de Rain Man – tous les


autistes Asperger sont des génies.
Le film Rain Man offre une caricature du syndrome d’Asperger. Il y a de
l’exagération. Bien qu’il soit vrai que beaucoup d’Aspies ont un potentiel
intellectuel au-dessus de la moyenne, tous ne sont pas des Rain Man. Cela
dit, les Asperger ont certainement une intelligence différente qui ne peut
être niée, mais ce n’est pas tant l’intelligence qui rendra un Asperger expert
de l’intérêt qu’il choisira. Une multitude de facteurs sont en jeu, dont la
passion indestructible, la capacité incommensurable à focaliser sur un
même sujet sur de longues périodes et, évidemment, le potentiel intellectuel
souvent au-delà de la moyenne, ce qui n’est pas la même chose que le
savoir. Le potentiel se développera de façon différente chez chaque
Asperger. Le potentiel ne représente en aucun cas une garantie. S’il n’est
pas nourri, il ne se développera pas, tout comme une fleur sans eau ne fait
pas long feu.
6. On devient Asperger.
Nous naissons autistes Asperger et le SA est dit évolutif. On naît autiste
et le syndrome d’Asperger apparaîtra au fur et à mesure de l’évolution du
jeune autiste dans la société, c’est-à-dire lorsque le contexte social prendra
plus d’ampleur dans sa vie. Au début, il est autiste et, tranquillement, il
tombe dans la zone mitoyenne entre le TED-NS (trouble envahissant du
développement-non spécifié) et le syndrome d’Asperger, et ce processus
évolutif continue jusqu’à ce que toutes les caractéristiques apparaissent.

7. Les vaccins causent l’autisme.


Ah! Ce fameux mythe! Je ne vais pas débattre de celui-ci très longtemps
puisqu’il a tendance à me rendre démente et dépressive. Mais pour ceux qui
y croient… comment expliquent-ils alors que le facteur héréditaire soit si
puissant? Tant de familles ont plusieurs enfants autistes. Ils croient que c’est
un pur hasard que, miraculeusement, ces enfants aient tous eu une réaction
à un vaccin? Puisque ceux qui y croient admettent aussi que le vaccin cause
l’autisme dans de rares cas seulement, ils ne disent pas que toute personne
vaccinée deviendra autiste. Comment expliquer que beaucoup d’enfants
autistes ont un parent autiste? Franchement, l’illogisme véhiculé par ce
message de conspiration et d’extrémisme fait faire des courts-circuits à mon
cerveau. Ce mythe est en fait le plus dangereux, et ce, à tant d’égards…

Questions-commentaires suivies de réponses de


niveaux de pertinence égaux
Commentaire:
— Mais… euh… J’ai connu un Asperger, c’était le fils de la tante de la
voisine du prêtre de la sœur du maître du chien de l’ami de mon voisin
Pierre qui allait à l’église et il n’était pas du tout comme toi. Es-tu certaine
de l’être?

Réponse:
— Eh bien, moi… euh… J’ai rencontré une femme un moment donné et
elle avait de beaucoup plus gros seins que toi. Es-tu certaine d’être une
femme?

Commentaire:
— Mais tu sembles si normale!
Réponse:
— Euh… Oui, oui, en effet, j’ai deux yeux, une bouche; je sais parler,
écrire, manger et me laver. Je sais même faire des blagues et je pense la
même chose que toi de Donald Trump.

Commentaire:
— Alors, t’es comme Rain Man!?
Réponse:
— Euh… Non… non, je ne suis pas comme Rain Man…

Commentaire:
—Ah, de nos jours, on dirait que tout le monde veut une étiquette!
Réponse:
— Si ce que tu dis est pertinent dans le contexte actuel et que tu me
mentionnes que tu es une femme, alors je peux te répondre et tu seras
d’accord avec moi: tout le monde semble vouloir une étiquette de nos jours!
Pourquoi veux-tu absolument te catégoriser?

Commentaire:
— Mais serions-nous tous… euh… un peu autistes?
Réponse:
(Ce commentaire me fait littéralement mal au lobe pariétal.)
— NON… non… non, mais NON! Si ton raisonnement est bon, alors les
hommes ont des yeux et des oreilles et du poil sur les jambes, alors moi
aussi j’ai des yeux et des oreilles et j’ai même du poil sur les jambes! Alors,
euh… ben, je suis peut-être un peu un homme?

Commentaire:
— Mais voyons, t’as qu’à essayer de bloquer les bruits au lieu de les
écouter, bah moi non plus, tu vois, je n’aime pas le bruit…
Réponse:
— Moi, j’ai mal dans le dos de temps en temps, mais je n’ai pas des
maux de dos chroniques comme certaines personnes. Ce que tu viens de
dire est l’équivalent de moi qui dirais à une personne qui a des maux de dos
chroniques: «Mais voyons, moi aussi, j’ai mal au dos; il faut juste essayer
de ne pas y penser et de penser au côté positif de la vie!» C’est
incomparable et établir des relations aussi impertinentes, ça banalise
extrêmement la souffrance de la personne autiste qui est intolérante aux
bruits.

Commentaire:
—Arrête de faire des montagnes avec de la poussière, tu te prends la tête
pour rien!
Réponse:
— Tout est une question de perception. À tes yeux, cette montagne
représente un rien, mais à mes yeux, ce rien représente une montagne. Je ne
te dirai jamais: «Arrête de ne faire rien d’une montagne.»
Pour terminer la section des mythes et commentaires (que je ne dirai pas
stupides), j’aimerais souligner l’importance de se rappeler à quel point
l’autisme peut varier d’un autiste à un autre. Rappeler qu’il peut toujours y
avoir des exceptions à la règle et que pour justement tenter de radier ces
mythes et d’éviter que de nouveaux ne soient créés, il faut comprendre que
bien que nous ayons tous un tronc commun, comme on l’a vu au premier
chapitre, la forme de l’autisme telle qu’on la perçoit chez les Asperger peut
varier énormément d’une personne à une autre. C’est du cas par cas.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Il ne faut pas croire tout ce qu’on entend ni tout ce qu’on lit sur le
syndrome d’Asperger.

• Pour être en mesure de comprendre ce que l’autiste Asperger vit, il


faut faire la nuance entre ne pas aimer quelque chose ou en être
réellement handicapé quant à la qualité de vie.
Une souffrance
invisible

Plusieurs personnes sont autistes à l’intérieur, mais neurotypiques à


l’extérieur. Pour expliquer ceci, prenons les vétérans de la guerre. Ils sont
nombreux à dire qu’ils auraient préféré revenir avec une jambe amputée,
puisque bien qu’à leur retour ils semblaient tout à fait normaux de
l’extérieur, ils étaient malheureusement atteints d’un choc de stress post-
traumatique. Ils en souffrent souvent pendant le restant de leur vie, mais
c’est invisible aux yeux des autres. Ainsi, les gens, trop souvent, ne les
comprennent pas et ne considèrent pas cette souffrance. Pour ceux qui ont
des membres amputés, qui ont un handicap visible, bien qu’il s’agisse d’une
situation abominable, c’est ironiquement beaucoup plus facile de recevoir
de la compassion et de se sentir compris étant donné que la souffrance est
visible et tangible pour les autres. J’apporte ce point pour introduire la
notion de handicap invisible et de souffrance invisible chez la personne
vivant avec le syndrome d’Asperger.
Certes, les autistes Asperger sont tous différents. Ce qui les unit entre eux
et qui les différencie des neurotypiques, c’est cette différence neurologique.
Une analogie serait, par exemple, les gens noirs. Les Noirs sont des
humains comme les autres et ne sont pas définis que par la couleur de leur
peau. Ils sont des femmes et des hommes, chacun muni de talents, de
passions et d’aptitudes différents. Cependant, ils représentent tout de même
une diversité biologique: ils ont la peau foncée. Les Asperger, eux, sont tous
uniques et sont aussi munis d’aptitudes, de talents, de rêves différents et
d’une individualité propre, mais ils ont en commun cette différence sur le
plan neurologique. C’est pourquoi nous éprouvons un genre de sentiment de
bien-être et d’appartenance par rapport à notre syndrome d’Asperger. En
effet, bien que les gens ne le voient que rarement, nous, nous le savons, le
sentons et souffrons souvent en société à cause de cette différence qui nous
unit.
Chez plusieurs autistes Asperger, cet état représente une souffrance
invisible, tout comme dans le cas des vétérans de la guerre, principalement
pour les Asperger qui ont réussi à s’adapter et à devenir quasi indétectables.
Oui, puisque les gens autour de nous, même des proches, ne comprennent
pas et ne voient pas l’ampleur de notre souffrance, ils se disent que nous
sommes tout à fait normaux et que nous nous en faisons pour rien.
Cependant, ce qu’ils ne saisissent pas, c’est l’énergie qu’il a fallu déployer
pour en arriver là. De l’énergie nécessaire encore lors de chaque interaction
sociale. Du temps de préparation avant et du temps de récupération après un
événement social ou une simple interaction avec un ami.
Pour nous, autistes Asperger, eh bien, c’est ce que nous vivons depuis
toujours: un tourment intérieur, souvent invisible, et nous le vivons seuls,
puisque, quand nous essayons d’en parler, plusieurs disent que nous
dramatisons ou que nous nous en faisons pour rien.

Les femmes Asperger


Ici, j’aimerais souligner que les femmes autistes Asperger sont
particulièrement touchées par le sujet de ce chapitre, puisque plusieurs
d’entre elles vivent avec le SA depuis toujours tout en passant inaperçues,
comme si tout allait bien. Elles vivent avec cette souffrance invisible à
cause de leurs capacités d’adaptation impressionnantes. Elles sont laissées à
elles-mêmes, indétectables, sans personne pour les comprendre et les faire
se sentir moins seules. Elles vivent une grande partie de leur vie dans un
tourment intérieur invisible à l’œil nu. Leur comportement adapté à la
société génère une impression illusoire de fonctionnement neurotypique, ce
qui les laisse de côté, sans ressources et sans personne pour les soutenir.
Soutenir quoi? Quand une souffrance est invisible, personne ne prendra
l’initiative de soutenir une personne qui à leurs yeux n’a simplement besoin
de rien. Bonne nouvelle: des mouvements de femmes autistes Asperger
émergent depuis quelques années et ainsi la sensibilisation à la femme
Asperger commence à se faire…

Cette image représente l’énergie intérieure nécessaire pour se fondre en


société. La pointe du glacier qui sort de l’eau représente la normalité. Les
gens neurotypiques ont une fondation innée en eux pour socialiser et
communiquer, une fondation qui fait partie intégrante de la pointe du
glacier. Celle-ci est forte et fait partie d’eux. Pour nous, cependant, cette
fondation n’existe pas, n’a rien de naturel et nous devons apprendre à la
dure à socialiser et à communiquer; et bien que nous réussissions, cela ne
deviendra jamais naturel comme pour un neurotypique. L’autiste Asperger
doit constamment tenir sa pointe de glacier au bout de ses bras, doit
constamment forcer et mettre beaucoup d’énergie pour être accepté dans la
société, et c’est pourquoi les situations sociales sont si épuisantes. Tout
comme les muscles de l’homme qui tient le glacier, l’Asperger, après la
socialisation, doit récupérer compte tenu de l’énergie que ça a pris pour se
fondre et soulever la pointe du glacier.

DÉFINITION DE
LA NORMALITÉ
La normalité est une question de perception. Ne pas être normal n’est
pas du tout négatif à la base. Tout ce que cela indique est que quelque
chose sort de la norme. Par exemple, le talent de Roger Federer ou de
tous ceux qui se trouvent au haut du classement international au
tennis constituent des talents hors-normes. Seule la perception qu’ont
les gens d’une caractéristique anormale peut la rendre négative. Le
problème à la base n’est jamais que quelque chose ou quelqu’un n’est
pas normal. La nuance entre la perception de la normalité et la
définition de la normalité est très importante ici.

Certes, pour certains Asperger, il est plus facile d’obtenir de la


compassion, par exemple ceux chez qui c’est plus apparent. Les gens ont
plus de compassion puisqu’ils perçoivent et constatent la difficulté. Peu
importe le degré auquel la difficulté est apparente, il y a toujours deux côtés
à la médaille.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Le syndrome d’Asperger se manifeste différemment d’une personne
à l’autre et parfois il est invisible de l’extérieur.
• Ce n’est pas parce que le syndrome d’Asperger est invisible chez
une personne qu’il est moins important ou souffrant que chez une
autre qui manifeste plus de caractéristiques aux yeux des
neurotypiques.

• Pour la personne autiste Asperger, l’énergie que cela prend pour


s’intégrer à la société et agir selon les codes sociaux et les normes
établies est incommensurable, menant à un grand besoin de repos
après des interactions sociales et à une longue préparation mentale
avant ces interactions.

• L’anormalité telle qu’elle est représentée ici n’est absolument pas


négative. Les gens qui observent sont les seuls responsables de leur
façon de percevoir ce qui est ou n’est pas la norme.
Signes que vous êtes
Asperger, pour
les adultes

Chez les humains, plusieurs traits de personnalité existent et plusieurs de


ces traits colorent l’individualité des gens. Un humain neurotypique, par
exemple, peut aimer être seul, peut aussi être hypersensible au son ou à la
lumière ou aux deux conjointement. Cela dit, la personne Asperger
représente l’extrême dans toutes les caractéristiques faisant partie du tronc
commun décrit au chapitre 1. Il y a une grande différence entre aimer rester
seul et avoir besoin d’être seul pour demeurer sain. Il y a aussi une grande
différence entre ne pas aimer le bruit et être handicapé et perturbé par le
bruit depuis le plus jeune âge. Ces nuances sont d’une extrême importance,
puisque ce sont elles qui font la différence entre un neurotypique et un
autiste Asperger. Ce sont aussi elles qui génèrent une souffrance et un
handicap dans la vie de tous les jours pour l’autiste Asperger.

L’Asperger est un humain comme le neurotypique, alors comme les traits


qu’ont en commun les femmes et les hommes, les neurotypiques partagent
des traits avec les Asperger.
Évidemment, il est impossible de cocher une liste de caractéristiques
appartenant au syndrome d’Asperger et d’en déduire un diagnostic officiel.
Cependant, si on commence à se demander si on pourrait être Asperger, la
première étape à franchir est de s’auto-éduquer sur la réalité des Aspies.
Ensuite, il faut consulter les listes de signes de la présence d’Asperger pour
voir si on se reconnaît dans la majorité. Normalement, ça se fait
naturellement, c’est-à-dire que si on est Asperger, plus on lit, plus on
s’informe, plus on se sent interpellé et plus on ressent le besoin d’aller
chercher plus loin. Il existe plusieurs listes et étant donné que chacune
d’entre elles a été écrite par une personne différente, elles varient. De plus,
les caractéristiques des signes de l’autisme peuvent aussi diverger chez les
hommes et les femmes, alors il est important de prendre le temps d’aller
voir ce qui s’applique à nous individuellement.
Voici ma liste de caractéristiques, les tops 77 signes que j’ai rassemblés
par introspection ou par observation, relativement au syndrome d’Asperger
chez les adolescents et les adultes, tous âges confondus.
N.B. Les signes qui sont spécifiques aux femmes sont indiqués par une
fleur.

1. Des hypersensibilités sensorielles (toucher, ouïe, odorat, goût, vision)


handicapent votre vie quotidienne.
2. Vous éprouvez de la difficulté à créer des liens d’amitié avec de
nouvelles personnes.
3. Vous possédez un ou des intérêts spécifiques auxquels vous
consacrez la majorité de votre temps libre.
4. Vous avez un talent particulier dans l’art, la musique, le chant, les
domaines scientifiques.
5. Assister à des événements sociaux cause chez vous une surcharge
sensorielle ou même émotionnelle.
6. Extérioriser votre compassion lorsque quelqu’un est triste ou a besoin
de soutien vous est difficile.
7. Il vous arrive de blesser les gens avec vos paroles, non
intentionnellement; et vous ne comprenez pas pourquoi.
8. Vous avez du mal à comprendre les blagues.
9. Il vous est difficile de discerner un ton sarcastique.
10. Vous voyez les détails avant l’image générale.
11. Vous préférez les vêtements confortables, c’est le premier critère
d’habillement.
12. Vous avez un look plus jeune dans votre habillement.
13. Vous avez beaucoup de mal à passer à autre chose tant que vous ne
sentez pas que vous avez tout dit ou compris sur le sujet abordé, soit
dans une conversation ou lors d’une activité, ce qui se traduit en
trouble obsessionnel aux yeux du neurotypique.
14. Vous n’aimez pas vous faire toucher, surtout quand vous ne vous y
attendez pas.

15. Vous ne vous êtes jamais vraiment vue comme une «femme»; vous
vous voyez comme une personne, mais ne vous associez pas
nécessairement à la féminité en ce qui à trait à vos processus
cognitifs.
16. Vous avez tendance à mieux vous entendre avec les hommes, c’est
plus simple.
17. Tout est compliqué à vos yeux, même la plus simple des blagues ou
le plus simple des commentaires ou questions.
18. Vous éprouvez un grand besoin de justice, que ce soit envers vous-
même, votre voisine ou le lapin de compagnie du frère de votre
enseignante.
19. Vous avez une soif incommensurable de savoir dès qu’un sujet vous
passionne.
20. Les câlins et la bise sont vos pires ennemis. Si vos parents vous
avaient annoncé que vous déménagiez aux Pays-Bas, là où la norme
est trois bisous sur les joues, vous auriez certainement fugué.
21. Vous avez des phobies.
22. Les choses ambiguës vous rendent fou et, en plus, presque tout l’est,
à vos yeux.
23. Quand on vous interrompt pendant que vous accomplissez une tâche
ou que vous parlez, cela vous irrite au plus haut point.
24. Vous êtes brillant (pas dans le sens de brillance lumineuse).
25. Vous avez la capacité de tomber amoureux aussi rapidement que vous
perdez tout intérêt pour la relation.
26. Vous avez été victime d’intimidation ou l’êtes encore.
27. Vous vous êtes toujours senti «pas à votre place», même parmi un
groupe d’amis.
28. Socialiser est toujours demandant, c’est rarement naturel pour vous.
29. Vous avez appris à socialiser et à communiquer adéquatement grâce à
des lectures, à l’imitation et à l’observation depuis l’enfance.
30. Vous préférez être seul la majorité du temps.
31. Après un long moment de socialisation, vous avez besoin d’un
certain temps pour vous en remettre, pour reprendre le dessus.
32. Vous avez peu d’amis, souvent par choix.
33. Quand vous vivez des émotions intenses, vous avez besoin d’être seul
et surtout que personne ne vous touche, car vous êtes déjà en
surcharge et tout stimulus vient aggraver votre état.
34. Vous avez des fixations sur des détails.
35. On vous dit que vous êtes condescendant ou que vous parlez aux
gens comme à des idiots.
36. On vous accuse de dramatiser depuis que vous êtes tout jeune.
37. Vous avez besoin de conversations profondes et pointilleuses, et vous
êtes incapable de faire du small-talk.
38. Vous posez des questions pouvant gêner l’interlocuteur.
39. On vous reproche d’être trop direct.
40. Enfant, vous vous habilliez comme un tom boy avec des vêtements
lousses puisque c’est ce qui était le plus confortable.
41. Vous avez du mal à porter certaines textures sur votre corps (la laine,
le jeans, etc.).
42. Vous n’avez qu’un nombre restreint de chandails, pantalons, culottes
que vous portez en boucle.
43. Vous peinez à vous adapter à des changements de plans de dernière
minute; ces derniers vous bouleversent totalement.
44. Vous avez beaucoup de mal à gérer les changements dans votre
routine (ex.: nouveau boulot, nouvel horaire d’école).
45. Il est très difficile pour vous de communiquer de vive voix par
moments. Vous avez des trous de mémoire, vous bégayez et
l’angoisse prend le dessus. Vos pensées semblent désorganisées et
trop compliquées à exprimer.
46. Les travaux d’équipes et exposés oraux à l’école ont toujours été
extrêmement difficiles pour vous.
47. On vous dit que vous êtes intense, probablement quand vous parlez
de ce qui vous passionne ou faites ce qui vous passionne.
48. Vous avez du mal à accepter et à comprendre que les gens puissent
agir méchamment ou injustement.
49. Votre cerveau n’a pas de filtre, vous ressentez tout, entendez tout,
voyez tout, ce qui vous mène rapidement à une surcharge sensorielle
lorsque vous n’êtes pas seul.
50. Vous détestez les cadeaux, votre fête, etc. L’effet surprise n’est pas
fait pour vous.
51. Vous détestez les événements comme Noël, les anniversaires et la
Saint-Valentin; vous sentez que ces tendances sont superficielles et
vous ne comprenez pas l’excitation des autres face à ces lubies
sociales.
52. Peu importe vos responsabilités (enfants, famille, boulot, etc.), vous
ne vous sentez pas comme un adulte. Vous êtes juste vous et cette
étiquette qui est censée représenter un état d’âme ou d’esprit vous
rend mal à l’aise, puisque vous constatez que vous n’êtes pas comme
un adulte typique.
53. Votre enfant est autiste Asperger ou présente des signes d’autisme, de
même pour vos parents.
54. Vous réagissez parfois comme un enfant lorsque vous êtes envahi par
une émotion intense.
55. Vous avez des manies qui agissent comme des mécanismes de
défense pour contrer l’angoisse (ronger vos ongles, taper des mains,
etc.).
56. Plus jeune, vous étiez extrêmement naïf: vous ne compreniez pas que
les gens pouvaient agir méchamment et injustement, ce qui a pu
contribuer au fait que vous étiez une cible pour les intimidateurs.
57. Vous avez une mémoire phénoménale pour tout ce qui vous intéresse,
que ce soit une conversation que vous avez eue, un événement que
vous avez vécu ou simplement des informations (paroles de
chansons, numéros de téléphone, dates de fête, etc.).
58. Pour vous, l’intégrité est non négociable.
59. Vous avez du mal à discuter avec quelqu’un qui parle sans connaître
son sujet, cela vous irrite.
60. Plus jeune, vous changiez de boulot comme vous changiez de paire
de bas l’hiver. Il n’est pas rare pour un Asperger d’avoir déjà eu une
trentaine d’emplois différents à l’âge de 25 ans, et pas parce qu’il se
fait mettre à la porte.

61. votre différence a commencé à vous rendre triste et à vous pousser à


essayer de vous faire accepter vers l’âge de la préadolescence. Avant
cela, c’était moins souffrant. vous saviez que vous étiez différente et
vous vous demandiez si vous veniez d’une autre planète, mais sans
que cela vous rende triste pour autant.
62. Vous êtes extrêmement cartésien, rationnel et vous pouvez être très
sage pour votre âge sur le plan des pensées, mais en même temps
immature sur le plan des émotions.
63. Vous vous entendez mieux avec les gens beaucoup plus âgés que
vous, et ce, depuis toujours.
64. Vous passez parfois – ou souvent – du coq à l’âne quant à vos champs
d’intérêt et activités de prédilection.
65. Au courant de votre vie, vous avez été handicapé – ou l’êtes encore –
par des cauchemars, des terreurs nocturnes et des troubles
d’insomnie.
66. Vous aimez bien parler aux gens de vos sujets préférés ou écouter
quelqu’un qui vous apprend des choses, mais discuter pour discuter
en conversation bilatérale et en dialogue, ce n’est pas votre tasse de
thé.
67. Vous avez un haut potentiel intellectuel pouvant expliquer que, plus
jeune, vous étiez davantage en mesure de vous adapter et que ce fut
le cas tout au long de votre vie, retardant ainsi le diagnostic et vous
rendant quasi indétectable.
68. Vous ne vous laissez pas influencer par les modes et tendances.
69. Vous avez une attitude qui peut sembler cynique aux yeux des
neurotypiques.
70. Vous prenez les choses au premier degré. Toujours.
71. Vous avez eu des faux diagnostics auparavant (trouble de la
personnalité obsessionnelle-compulsive, schizoïde, etc.).
72. Vous vous sentez parfois comme un imposteur (syndrome de
l’imposteur).
73. Quand quelque chose n’est pas à sa place ou change soudainement,
votre cerveau fait un court-circuit. Que ce soit la plateforme
Facebook ou un pot de fleurs à la maison.
74. Vous avez de la difficulté à regarder votre interlocuteur dans les yeux
lorsque vous parlez de quelque chose d’important ou que vous devez
être concentré en écoutant quelqu’un.
75. La complexité de vos idées semble parfois dépasser votre capacité à
les expliquer. Quelque chose qui pour vous semble si apparent est
difficile à expliquer à l’interlocuteur.
76. Vous avez souvent l’impression que les gens comprennent de travers
ce que vous dites et cela vous embête.
77. Vous êtes extrêmement sensible du moment que vous ressentez une
injustice.
Un fait important à réitérer est la manifestation des caractéristiques
autistiques chez les femmes Asperger comparativement aux hommes
Asperger. Pour plusieurs raisons, les femmes Asperger sont souvent plus
difficiles à repérer, notamment parce qu’enfant elles tentent davantage de se
fondre parmi les autres et de socialiser. Elles deviennent systématiquement
très douées à imiter les gens qu’elles observent. Encore ici, nous observons
l’effet que notre individualité produit sur la forme de notre syndrome
d’Asperger. De la même façon que les hommes et les femmes
neurotypiques sont différents, eh bien, les femmes et les hommes Asperger
le sont aussi. Ceci peut retarder le diagnostic et c’est pourquoi beaucoup de
femmes ne se font diagnostiquer qu’à l’âge adulte.
Plusieurs professionnels sont spécialisés dans le diagnostic de la femme
Asperger. Plusieurs livres aussi ont été écrits spécifiquement à propos des
femmes qui présentent le SA. De plus, à la clinique Autisme & Asperger de
Montréal, là où j’ai obtenu mon diagnostic, Normand Giroux et Isabelle
Hénault sont des pionniers du syndrome d’Asperger chez la femme et ils ne
sont pas les seuls; il vaut la peine de faire ses recherches pour trouver le
meilleur spécialiste pour nous que ce soit en France, au Mexique ou au
Canada (je ne nommerai pas tous les pays). Alors, si vous êtes une femme
et que vous croyez présenter un syndrome d’Asperger, rassurez-vous:
beaucoup d’informations sont disponibles pour vous aider dans votre quête
d’un diagnostic.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Cocher une liste de caractéristiques ne garantit rien quant au
diagnostic du SA, mais vous aidera sans doute à voir s’il vaut la
peine d’aller plus loin dans votre quête sur le SA si vous croyez en
présenter les caractéristiques.

• Les caractéristiques du syndrome d’Asperger chez les femmes et les


hommes peuvent se manifester de façon très différente, et ce, dès la
jeune enfance, rendant les femmes beaucoup plus vulnérables aux
faux diagnostics et à l’absence de diagnostic.
Le syndrome
d’Asperger chez
les enfants

Le syndrome d’Asperger étant de nature évolutive, il ne peut être


diagnostiqué qu’après un certain âge. Plus l’enfant est jeune, plus il est
difficile d’obtenir un diagnostic précis d’autisme Asperger.

Analogie
L’évolution du syndrome d’Asperger peut être comparée à l’évolution de
la femme. Un bébé fille est destiné à être de sexe féminin, cependant le
bébé ne devient une femme qu’à l’âge de la puberté vers 11 ans. Le
développement de sa féminité est dit évolutif. Lorsqu’un bébé fille vient au
monde, elle ressemble à peine à une fille et plus le temps avance, plus son
visage prend les traits d’une fillette jusqu’à ce qu’elle devienne une femme.
Pour le syndrome d’Asperger, c’est semblable. Le bébé naît autiste
Asperger, mais ce n’est qu’à l’âge où le contexte de la socialisation et de la
communication est plus présent dans la réalité de l’enfant que nous
commencerons vraiment à observer les signes du syndrome d’Asperger.
Plus l’aspect social prendra de la place dans la vie de l’enfant, plus les
signes seront apparents. Par exemple, un enfant de 4 ans qui va se faire
diagnostiquer pourrait à ce moment précis se retrouver dans une zone
mitoyenne entre l’autisme et le profil Asperger étant donné qu’il n’est pas
tout à fait rendu à la fin du processus d’apparition du syndrome d’Asperger.
Inévitablement, l’enfant y arrivera.
La rapidité de ce processus d’évolution dépend de plusieurs facteurs, des
facteurs parfois contrôlables.

Cela dit, il existe tout de même des signes précurseurs indiquant la


possibilité de présence du syndrome d’Asperger chez l’enfant.
Il faut avant tout demeurer à l’affût et être très alerte quant aux
différences et aux difficultés de nos petits. Dans le contexte familial ou à la
garderie, une différence ne représente pas nécessairement une difficulté.
Malheureusement, lorsque le contexte scolaire et social entre en ligne de
compte, la différence peut devenir problématique si elle n’est pas
considérée et comprise par chaque acteur dans la vie de l’enfant et par lui-
même aussi.
Il est selon moi d’une grande importance d’obtenir le diagnostic tôt dans
la mesure du possible, afin de pouvoir donner à nos petits Aspies les outils
nécessaires pour qu’ils s’intègrent adéquatement, et ainsi améliorer les
chances qu’ils s’épanouissent dans toutes les sphères de leur vie à mesure
qu’ils grandiront. Il est important de les éduquer eux-mêmes par rapport à
leur propre différence. Bien que l’on ne puisse contrôler les autres et
éduquer l’entourage de nos enfants comme nous l’aimerions, si nous le
faisons pour nos petits, ils comprendront au moins cet aspect de leur vie et
seront en mesure, peut-être, de l’expliquer aux autres.
Voici quelques signes se manifestant très tôt qui pourraient indiquer la
présence du syndrome d’Asperger chez les enfants:

1. Regard fuyant.
2. Retard de langage ou langage très développé pour son âge.
3. Hypersensibilités sensorielles/hyposensibilités sensorielles.
4. Conversations unilatérales.
5. Si absorbé par ses activités qu’il semble parfois avoir des problèmes
d’audition.
6. Mémoire phénoménale pour ce qui le passionne, pour les faits et les
événements.
7. Grand besoin de routine.
8. Insécurité dans les nouvelles situations, mais capable de s’adapter avec
le temps.
9. Difficulté à comprendre les codes sociaux, par exemple comment
approcher un enfant pour jouer avec lui.
10. Parle de ses sujets favoris tel un petit professeur.
11. Se bouche les oreilles quand il y a beaucoup de bruit.
12. Capable de se concentrer de longs moments sur ce qui le passionne.
13. Il est brillant.
14. Semble parfois dans la lune ou dans «sa bulle» – ils ont tout un monde
intérieur.
15. Crée des liens complexes entre les concepts qu’il connaît et les
nouvelles informations qu’il reçoit.
16. N’a pas une grande variété d’expressions faciales: soit il est normal, très
fâché, très content ou très triste.
17. Motricité globale maladroite.
18. Aime que tout soit à sa place, surtout dans son environnement personnel
(sa chambre).
19. A tendance à avoir des fixations sur certaines parties d’objets, par
exemple les roues de ses petites autos.

MISE EN SITUATION
Loik était passionné et fasciné par les turbines d’avions, il
voulait tout savoir à propos de leur fonctionnement. À 4 ans, il
regardait des vidéos conçues pour les adultes sur leur
fonctionnement.

20. Communique la plupart du temps dans un but utilitaire ou intellectuel et


agit avec ces mêmes buts en tête.
21. A des tendances très solitaires.
22. Fait preuve de rigidité dans sa façon de penser et sa vision des choses,
ainsi que dans sa routine quotidienne.
La fameuse bulle
Le cerveau de l’enfant Aspie, comme celui de l’adulte, n’arrête jamais de
fonctionner. Il tourne sans cesse et parfois les gens se disent: «Mais il est
dans sa bulle, on dirait qu’il n’est pas là.» En fait, c’est une illusion, car ce
moment où vous constatez qu’il n’est plus là avec vous – en fait, vous avez
raison: il n’est plus avec… vous – est celui où son cerveau est en mode
création, en mode «je suis libre». Quand il est «dans sa bulle» pendant qu’il
fait quelque chose ou simplement en regardant au loin, il est dans un état
équivalent à celui d’un joueur de piano en plein milieu de l’interprétation
d’une pièce de Beethoven. Il faut respecter ces moments où il est dans sa
bulle, car c’est là que son cerveau se concentre sur ce qu’il fait de mieux:
être créatif. C’est aussi un moment de détente pour lui, un moment
privilégié avec lui-même. Oui, comme tout enfant neurotypique, un Aspie
peut être tout bonnement fatigué. Je ne dis pas que chaque fois qu’il semble
être dans la lune, il est en train de créer une nouvelle théorie expliquant que
l’Univers est en expansion. Il faut faire la part des choses.

MISE EN SITUATION INTITULÉE


LA FAMEUSE BULLE
Je vous mets en contexte. L’autre jour, je parlais à mon fils de
l’astéroïde qui a heurté la Terre il y a des millions d’années et lui
expliquais que les dinosaures sont disparus à cause de cela. Quelques
minutes plus tard, Loik était dans sa fameuse «bulle» et quelqu’un qui
ne le connaît pas aurait sans doute pensé: «Mais il est fatigué, il a
l’air complètement dans la lune.» Alors, je lui dis: «Loik?» Et là, trois
secondes après, il me dit: «Maman, j’ai une idée. On pourrait inventer
une machine qui lance des fusées sur les astéroïdes qui passent près de
la Terre pour que les astéroïdes changent de direction et nous protéger
d’eux.» Vu que c’était l’heure du dodo, il dit tout de suite après: «Je
vais la dessiner demain matin.» Et il l’a effectivement dessinée le
lendemain matin.
Rendre l’utile au désagréable pour le rendre agréable
Un point intéressant pour ce qui est du SA chez les enfants est en fait le
signe numéro 20 de la liste précédente. Considérant que l’enfant autiste
Asperger fait les choses dans un but habituellement utilitaire, ceci peut être
une donnée intéressante pour trouver des techniques d’encouragement de
comportements que l’on veut qu’il adopte, que ce soit lié à la
communication, à son besoin de routine ou à sa rigidité. En démontrant en
quoi un comportement précis est utile, on laisse l’enfant créer des liens
concrets par lui-même le menant à réaliser son utilité et même à appliquer
ce comportement dans sa vie. Par exemple, regarder quelqu’un dans les
yeux ou dans sa direction peut être utile pour décoder plusieurs choses chez
l’interlocuteur, ce qui peut directement aider l’enfant à obtenir ce qu’il veut
de ce dernier. Finalement, le but est de lui faire constater que le
comportement que l’on désire lui enseigner est utile pour sa personne et lui
sera bénéfique. Ceci peut s’appliquer à n’importe quel savoir que l’on
désire lui transmettre. Si l’Asperger fonctionne avec une pensée utilitaire, sa
façon à lui d’apprendre et d’appliquer éventuellement par lui-même un
comportement est de le rendre utile à ses yeux. Il s’agit donc de rendre
l’utile au désagréable pour rendre le tout… agréable.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Le syndrome d’Asperger chez les enfants est évolutif, ce qui veut
dire que bien qu’un enfant naisse autiste Asperger, l’intégralité des
caractéristiques du SA n’apparaîtra que lorsque l’aspect social
prendra une plus grande ampleur dans sa vie. Ce moment varie
d’un enfant à l’autre.

• Il faut demeurer à l’affût dès l’apparition des premiers signes


d’autisme chez nos enfants et continuer de voir comment il évolue à
mesure qu’il grandit. Lorsque vous aurez assez de doutes,
commencez la quête vers un diagnostic et, si possible, avant l’entrée
à l’école.
Le diagnostic

Le diagnostic du syndrome d’Asperger est une étape déterminante dans la


compréhension de soi et dans le cheminement de toute personne croyant
présenter un SA, que ce soit le parent d’un enfant, un adolescent ou un
adulte. En fait, la quête d’un diagnostic constitue l’étape cruciale,
quasiment plus que le diagnostic lui-même. C’est de plus une étape très
angoissante pour la majorité des autistes Asperger et des parents d’enfants
Aspies. Se retrouver dans une zone de doute quant à une possibilité si
déterminante pour notre évolution personnelle ou celle de notre enfant, c’est
souvent extrêmement difficile à gérer.
Pour obtenir un diagnostic psychologique, peu importe lequel, il faut que
la qualité de vie du patient ait déjà été ou soit encore affectée par ses
symptômes. Ainsi, dans le cas du diagnostic du syndrome d’Asperger, il
faut que certains aspects de notre vie soient handicapés par les
caractéristiques du SA. Bien que certains puissent mieux s’adapter que
d’autres, bon nombre d’autistes Asperger ont beaucoup de mal à s’ajuster
au monde dans lequel ils vivent. Ce n’est pas quelque chose de banal, où
l’on peut dire: «Bon, moi, je suis hypersensible et j’ai des champs d’intérêt
restreints, alors je suis Asperger.» Il faut comprendre la nuance entre une
caractéristique qui se situe dans la normalité versus la marginalité et
prendre en considération que c’est une combinaison intégrale de
caractéristiques hors-normes qui justifie un diagnostic.
Le terme handicapant peut porter à confusion, même que certaines
personnes peuvent se sentir brimées par ce mot. Selon moi, l’utilisation du
mot handicap est inévitable lorsqu’on parle de diagnostic. Pourquoi obtenir
un diagnostic si nous ne sommes pas handicapés par quelque chose? On
peut être handicapé par quelque chose, mais être tout de même capable de
s’adapter.

DÉFINITION DU MOT
HANDICAP
La loi du 11 février 2005 définit le handicap comme «toute limitation
d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans
son environnement par une personne en raison d’une altération
substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives […]».

Un handicap représente simplement l’aspect d’une personne qui


l’empêche de fonctionner normalement dans la société dans une ou
plusieurs sphères.
Cela dit, pour bien définir le syndrome d’Asperger, il faut parfois avoir
recours à cette terminologie. Il faut aussi ne pas oublier que le handicap,
dans notre cas, est souvent une question de perception relative à la société
dans laquelle l’autiste Asperger évolue. Si la société est peu réceptive à la
différence et n’accepte pas le fait que l’autiste est doté d’une différence
neurologique, on s’entend alors pour dire que l’autiste sera beaucoup plus
handicapé par l’aspect sociétal de la vie. Le handicap survient souvent
lorsqu’on tente de s’intégrer à un environnement peu réceptif à notre
différence.

Attention à l’autodiagnostic!
Voyageant depuis un certain temps dans la communauté Asperger, j’ai
constaté qu’il existe une certaine tendance à l’autodiagnostic. Ceci peut
représenter un enjeu sur plusieurs plans, soit pour la compréhension de la
société envers la personne Asperger ainsi que pour la personne
autodiagnostiquée. En fait, selon moi, le problème vient principalement du
fait que beaucoup d’articles sur le web vulgarisent l’autisme Asperger au
point que plusieurs lecteurs se sentent automatiquement Asperger, sans
l’ombre d’un doute. Certains vont même jusqu’à se proclamer autistes
Asperger haut et fort, après la lecture de ces informations et après avoir
passé quelques tests disponibles sur le web. Seulement, être diagnostiqué
d’autisme Asperger, c’est beaucoup plus délicat et complexe que cocher oui
ou non sur une liste de caractéristiques données et obtenir un score qui
«confirme» l’autisme à un test amateur en ligne. Ce qu’il faut réaliser, c’est
que de se sentir interpellé par ces ouvrages et résultats de tests est ni plus ni
moins représentatif d’une possibilité de présence du syndrome d’Asperger.
Rien d’autre. Bien que ces listes et articles soient très utiles et importants
pour donner une idée préliminaire d’un possible diagnostic d’Asperger, il
faut faire attention, car en aucun cas il n’est possible d’établir un véritable
diagnostic avec ces tests.
La tendance actuelle de se proclamer Asperger autodiagnostiqué
provoque des problèmes. Ils sont nombreux. Peut-être que pour la personne
qui s’autodiagnostique, cela semble anodin, mais en réalité, voici les enjeux
qui s’y rattachent:

• On banalise l’autisme Asperger en créant une illusion que c’est quelque


chose de si ordinaire et simple que l’on peut s’autodiagnostiquer, ce qui
dévalorise la complexité du syndrome d’Asperger et tout ce qui s’y
rattache.

• Une personne se croyant Asperger et qui témoigne de sa vie en se


proclamant Aspie pourrait, sans le vouloir, répandre de fausses croyances
si elle ne l’est pas vraiment. Par exemple, si une personne qui ne détient
pas de diagnostic officiel, et qui se dit Asperger puisqu’elle s’est
autodiagnostiquée, écrit sur des forums qui se penchent sur le SA qu’elle
est Asperger et qu’elle n’a pas d’hypersensibilités sensorielles, mais
qu’au fond elle n’est pas réellement Aspie, elle répand de fausses
statistiques et de fausses idées quant au SA. Ce qui viendrait rendre le
syndrome d’Asperger encore plus incompris qu’il ne l’est déjà.
À ce propos, la solution est de se montrer responsable. Le mot
autodiagnostic, selon moi, est contradictoire, illusoire et non pertinent. Un
diagnostic est le résultat d’un processus minutieux et méthodique effectué
par un spécialiste professionnel formé dans le domaine et, surtout, mandaté.
Dire «je me suis diagnostiqué» n’a aucun sens et est nocif pour la
sensibilisation du public en ce qui concerne les personnes véritablement
touchées par le syndrome d’Asperger.
Il y a un début à tout et cette quête d’un diagnostic du SA commence
justement avec l’idée que l’on se sent interpellé par ce syndrome.
Éventuellement, grâce à nos recherches, nous en venons à l’hypothèse que
l’on pourrait être Asperger. Je suis aussi passée par là. Quand on croit être
Asperger, on peut en parler, se faire conseiller, mais il faut cesser cette
mode d’autodiagnostic. Si on n’a pas accès à un professionnel mandaté, que
ce soit pour des raisons monétaires ou autres, c’est correct de se sentir
interpellé et de dire que l’on croit être Asperger afin de se libérer d’une
certaine souffrance. Il est même recommandé de participer à des forums de
SA. Il est cependant essentiel d’être intègre et transparent quant à l’état réel
de notre diagnostic.

Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel est une méthode de diagnostic où l’on
considère plus d’un diagnostic afin d’éliminer le plus d’incertitudes
possible quant aux résultats obtenus. En fait, pour le syndrome d’Asperger,
beaucoup de caractéristiques peuvent se chevaucher: la douance, le trouble
de déficit de l’attention, la dyspraxie, la dysphasie, les troubles de
l’alimentation, le trouble d’anxiété généralisée, le trouble de la personnalité
obsessionnelle-compulsive, etc.
Par exemple, les surdoués et les autistes Asperger partagent entre
autres:
• une tendance solitaire;
• une tendance à se sentir seul et incompris;
• des hypersensibilités sensorielles;
• une hypersensibilité émotive;
• un décalage émotionnel;
• des émotions extrêmes;
• une soif de savoir;
• des intérêts intenses pour certains sujets;
• des symptômes de TDAH;
• des symptômes du syndrome de l’imposteur.
Bref, la liste est longue et ces symptômes rendent les deux diagnostics
voisins l’un de l’autre, et c’est pourquoi ils coexistent aussi souvent
ensemble. D’autres diagnostics peuvent se chevaucher, comme le TDAH et
la douance. Évidemment, c’est une autre histoire, mais cela explique aussi
que beaucoup d’enfants surdoués auront de faux diagnostics de TDAH.
Cela dit, les symptômes de plusieurs diagnostics peuvent se chevaucher
et peuvent coexister collatéralement. Bref, il est important d’utiliser le
processus de diagnostic différentiel, car plus le diagnostic sera précis et
certain, plus les ressources seront adaptées au patient.

Parlons un peu de douance


Il est à noter que, auparavant, on diagnostiquait la douance dans les cas
où la personne obtenait un résultat de 130 et plus aux tests de QI. Ce n’est
plus le cas. La douance correspond plutôt aux gens qui ont une façon de
penser qui diverge des autres, beaucoup plus qu’au nombre obtenu lors d’un
test. Ainsi, les experts ne portent pas préjudice aux enfants qui ont un
fonctionnement de surdoué, même si leur résultat global se situe en dessous
de 130 à cause de divers facteurs qui tournent autour du test en question.
Bien que le test de QI soit nécessaire pour situer les gens par rapport à
plusieurs niveaux d’aptitudes, il n’est plus le seul déterminant dans le
diagnostic de la douance. Comme plusieurs autistes Asperger, les surdoués
présentent parfois des profils d’intelligence hétérogènes. L’étude intitulée
Profils psychométriques de 60 enfants à haut potentiel au WISC IV,
effectuée par M. Liratni et R. Pry en France en 2010, a d’ailleurs confirmé
ce facteur d’hétérogénéité présent chez beaucoup d’enfants surdoués. Dans
le cadre de l’étude, l’échantillon était formé de 60 enfants à haut potentiel
(surdoués) âgés de 6 à 13 ans. Les résultats ont en effet montré une
hétérogénéité parmi les profils, générant une ininterprétabilité du QI pour
87% des enfants qui ont participé à l’étude. Dans leur conclusion, les
chercheurs déduisent que leurs résultats remettent en question
l’identification du haut potentiel en ne se basant que sur le QI de 130. Ils
suggèrent que l’analyse intégrale du profil est beaucoup plus pertinente que
l’évaluation de la douance selon un seul indice, celui du QI global. Ceci est
intéressant pour démontrer pourquoi douance et SA sont souvent voisins:
leur intelligence diverge de celle des neurotypiques.

Pourquoi aller chercher un diagnostic?


Les raisons pour lesquelles une personne entamera une procédure de
diagnostic sont variées. Plusieurs parents prendront la décision pour leurs
enfants et plusieurs adultes de tous âges le feront pour euxmêmes.
Pour ma part, le diagnostic est venu mettre un mot sur des années de
souffrance, d’intimidation, de sentiment d’incompréhension et de solitude
extrême. C’était comme la réponse à une équation de calcul intégral
interminable. Et cela m’a pris 28 ans pour la trouver.

TRANCHE DE VIE
Depuis mon diagnostic, j’ai appris à accepter certains aspects de ma
personnalité qui auparavant me troublaient au point de me faire
souffrir. Par exemple, ma sensibilité aux injustices. Dernièrement,
j’étais au restaurant avec mon mari et des émotions intenses ont refait
surface. Des émotions reliées à une situation injuste que j’avais vécue
des mois auparavant. L’injustice en question est probablement l’une de
celles m’ayant le plus troublée dans ma vie entière. Ne pouvant plus
contenir les émotions intenses qui remontaient en moi, je suis partie en
pleurant, bouleversée. Auparavant, j’aurais été fâchée contre moi-
même de ne pas avoir été capable de contrôler ces émotions si
intenses. J’aurais été fâchée de me sentir ainsi, je n’aurais pas
compris et j’aurais été en fait encore plus bouleversée par ce refus
d’accepter ma grande sensibilité et même de me juger moi-même si
sensible. Par contre, cette fois-là, c’était différent. Dans la voiture,
j’attendais mon mari et je pleurais, mais j’avais de la compassion
pour moi-même, je comprenais pourquoi je pleurais et surtout
j’acceptais que l’injustice que j’avais vécue des mois auparavant me
bouleverse encore autant. Je pleurais, mais, ironiquement, de façon
saine, et j’acceptais de pleurer et de me sentir vulnérable. Aussi, au
lieu de focaliser sur les variables de cette situation que je ne
contrôlais pas, j’ai canalisé mon énergie sur ce que je peux contrôler,
c’est-à-dire ma vision des choses et mes sentiments. J’ai accepté que
certaines personnes puissent agir méchamment et réalisé que leur
réaction n’a en fait rien à voir avec moi. Cela n’a à voir qu’avec eux-
mêmes et leur perception du bien et du mal. Sachant ceci et
l’acceptant, bien que je sois encore sensible, je suis maintenant en
mesure de m’accepter et de travailler avec moi-même au lieu travailler
contre moi.

Voici une liste de raisons pour aller chercher un diagnostic officiel


quand on pense présenter un SA:

• avoir une meilleure compréhension de soi;


• obtenir des ressources, que ce soit au travail, à l’école ou autre;
• obtenir des mesures d’adaptation sur le plan scolaire ou du travail;
• prévenir une adaptation sociale ou scolaire difficile pour les jeunes
enfants.
Étapes du diagnostic
Premièrement
Voici ce que vous pouvez faire en premier lieu si vous pensez présenter
des signes du syndrome d’Asperger:

1. Lisez des blogues en ligne, des livres et des témoignages sur le SA.
2. Allez consulter des forums de personnes Asperger sur Face-book et
sur le web, il y en a plusieurs.
3. Passez l’Aspie-Quiz en ligne. Ce test est utilisé de façon purement
personnelle et non professionnelle afin de voir s’il vaut la peine
d’aller chercher plus loin. La référence est à la fin du livre.

Deuxièmement
Ça y est, vous êtes prêt. Vous avez décidé de continuer votre quête pour
savoir si vous ou votre enfant présentez réellement un syndrome
d’Asperger.

Deux options s’offrent à vous, soit aller au privé ou


au public.
Cette question revient souvent et bien que la réponse soit simple, la
décision est loin de l’être. Aller au privé, c’est très dispendieux, mais c’est
sans aucun doute la façon la plus efficiente d’obtenir un diagnostic de SA.
Vous obtenez un rendez-vous dans les semaines qui suivent et les
démarches prennent beaucoup moins de temps. Au public, comme certains
le savent, c’est très long. Il y a plusieurs étapes à franchir dans le système
de la santé publique avant même d’avoir un rendez-vous pour passer les
tests diagnostiques préliminaires.
Si vous décidez d’aller au secteur privé, tant qu’à payer, assurez-vous
d’aller voir les meilleurs spécialistes. Prenez donc le temps de faire des
recherches. Le coût de l’évaluation est souvent payable en plusieurs
versements, informez-vous aussi de cela. Suivez votre intuition quant aux
diagnostics possibles et n’hésitez surtout pas à discuter de vos hypothèses
avec les spécialistes que vous rencontrerez. Il est toutefois très important de
garder une belle ouverture aux avenues qui vous seront présentées par le
spécialiste que vous aurez choisi.

La disparition du syndrome d’Asperger dans le


DSM-5
En 2013, l’Association américaine des psychiatres (American Psychiatric
Association ou APA) a apporté un grand changement au DSM, le manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux. Ils ont retiré le syndrome
d’Asperger de ce dernier et l’ont inclus dans une catégorie plus générale,
soit les troubles du spectre de l’autisme, ou TSA (Autism spectrum
disorder).
Il faut comprendre ici qu’il est inclus dans une autre catégorie et non
vraiment retiré. En fait, la seule chose qui est techniquement retirée est
l’appellation Asperger.
Bien que la raison pour laquelle on a fait ce changement demeure
ambiguë, une chose est sûre: l’appellation Asperger demeure utile et on
continue de diagnostiquer l’autisme Asperger. Ceci a forcé plusieurs parents
d’enfants Asperger et plusieurs adultes Asperger à se questionner, et
beaucoup sont devenus inquiets par peur de perdre les services et ressources
associés au SA. Il y a aussi une question de sentiment d’appartenance quant
au terme Asperger.
Ceci étant dit, il ne faut pas s’inquiéter et je vous explique pourquoi. Il
existe plusieurs outils qui servent de références pour les spécialistes. Par
exemple, dans le CIM-10 (Classification internationale des maladies), le
syndrome d’Asperger y est toujours: Syndrome d’Asperger (F84.5). Les
spécialistes continuent aussi d’utiliser le DSM-4-TR pour poser les
diagnostics, dans lequel une distinction précise et nécessaire est présente
quant aux formes d’autisme, dont le SA. En réalité, bien que l’APA ait une
influence majeure internationalement, ses membres ne font que des
recommandations, de sorte que la procédure et le choix des outils
diagnostiques demeurent à la discrétion du spécialiste.
Plusieurs experts pionniers dans le domaine du syndrome d’Asperger ont
affirmé que, selon eux, retirer cette appellation portait effectivement
préjudice aux autistes Asperger de ce monde, et ce, à plusieurs égards. Cette
disparition du SA dans le DSM est de l’avis de plusieurs simplement
illogique et incompréhensible, et la seule chose que l’on peut espérer est
que l’APA revoie cette décision lors de la prochaine mise à jour du DSM.
Voici des exemples de mesures d’adaptation qui s’offrent à nous dans
le contexte scolaire.
1. Plus de temps pour les examens.
2. Un environnement adapté en salle d’examen.
3. Des mesures d’adaptation quant aux travaux oraux et d’équipes.
4. L’accès à des logiciels de correction.
5. La possibilité d’écouter de la musique pendant les examens.
Pour ma part, ces mesures, bien que je n’aie pas pu y avoir recours
puisque j’ai reçu mon diagnostic trop tard, m’auraient été extrêmement
bénéfiques. En fait, à cause des travaux d’équipes, j’ai laissé tomber un
cours à plusieurs reprises, puisque c’était trop difficile à gérer. Parfois, je
parvenais à m’adapter, mais souvent je n’y arrivais pas. L’environnement
adapté en salle d’examen aurait certainement évité que mon cerveau passe
la moitié de l’examen à compter les tic-tac de l’horloge malgré moi et à
anticiper la prochaine fois que le voisin reniflerait, tout en rageant
intérieurement. Disposer de plus de temps pour les examens est un élément
important, je crois. Tout étant compliqué pour nous, les questions d’examen
ambiguës foisonnent. En fait, ce n’est pas qu’on ne connaît pas la réponse;
je dirais plutôt qu’on envisage trop de réponses et qu’il faut trouver une
façon de généraliser, ce qui implique qu’on doit négliger certains détails.
Malheureusement, les cours sont souvent basés sur des concepts généraux
et les questions d’examen aussi. Ce qui pour moi est totalement illogique.
Comment peut-on former des étudiants sans leur montrer l’importance des
détails, même au cégep? Par exemple, des questions dans un cours de
psychologie où il faut arriver à généraliser pour en venir à une réponse,
c’est complètement absurde à mes yeux. Dans le domaine de la
psychologie, toutes les nuances sont importantes et je ne peux comprendre
que les examens soient rédigés en fonction de la généralisation.
RÉSUMÉ
Points à retenir
• Afin de pouvoir évoluer et travailler sur nos difficultés, encore faut-
il les comprendre. C’est pourquoi le diagnostic est si important. On
a beau mettre un pansement sur une blessure, elle reviendra
toujours si on ne va pas à sa source.

• La méthode de diagnostic différentiel est très importante afin de ne


pas passer à côté d’un autre diagnostic et ainsi réduire
significativement les incertitudes quant à ce dernier.

• L’autodiagnostic est à éviter: il nuit à la crédibilité, à la


sensibilisation et à la compréhension des gens présentant un
syndrome d’Asperger. Mais surtout, il n’a pas de valeur.

• La procédure de diagnostic au privé est incomparablement plus


efficiente qu’au public. Cependant, si vous vous y prenez tôt, aller
au public peut être plus envisageable et agréable.

• Malgré le changement au DSM-5, le syndrome d’Asperger existe


toujours. Il est encore diagnostiqué et les mesures qui s’y rattachent
ne sont pas obsolètes.

• Peu importe notre âge, plusieurs mesures d’adaptation en milieu


scolaire s’offrent à nous dès que nous recevons un diagnostic
officiel.
Pronostic et
comorbidité

Pronostic
Le pronostic pour le syndrome d’Asperger est généralement très positif,
mais ceci est très subjectif, exactement pour la même raison que certains
neurotypiques peuvent avoir de la difficulté dans la vie en général. Le
syndrome d’Asperger étant une forme d’autisme dite hautement
fonctionnelle, cela rend cette idée implicite, en fait. Pour être Asperger, il
faut être hautement fonctionnel, ça va de soi.
En fait, le pronostic de la personne Asperger est grandement influencé
par la perception des gens qui graviteront autour d’elle. C’est triste, mais
c’est la réalité actuelle. Je suis persuadée que si plusieurs Asperger
souffrent autant aujourd’hui, c’est en raison d’un manque de compassion
envers leur différence, et ce, depuis le plus jeune âge.
Voici les aspects de la vie d’une personne autiste Asperger qui
pourraient jouer sur le pronostic:
• le diagnostic;
• l’environnement familial;
• l’environnement à l’école;
• la perception des gens gravitant autour de l’Asperger.

Comorbidité
La comorbidité, c’est la coexistence de plusieurs diagnostics chez une
même personne. Le syndrome d’Asperger se trouve souvent en comorbidité
avec d’autres diagnostics. C’est pourquoi il faut faire attention aux faux
diagnostics. Comme on l’a vu précédemment, plusieurs symptômes de
plusieurs diagnostics se chevauchent. Certains professionnels, s’ils ne
connaissent pas bien le syndrome d’Asperger et ne sont pas assez ferrés
pour le reconnaître, pourraient être responsables du fait que des enfants ou
des adultes reçoivent un mauvais diagnostic. C’est pourquoi la méthode de
diagnostic différentiel est très pertinente dans le cas des symptômes du
syndrome d’Asperger.
Par exemple, comme mentionné précédemment, beaucoup de symptômes
communs caractérisent le syndrome d’Asperger et la douance, le trouble du
déficit de l’attention, la dyspraxie, la dysphasie, le trouble de l’alimentation,
le trouble d’anxiété généralisée, etc. Autant ils peuvent se chevaucher,
autant ils peuvent être co-présents chez la même personne.
Dans le cas de mon fils, un léger retard de langage s’explique par sa
dyspraxie verbale. Les autistes Asperger n’ayant souvent pas de retard de
langage et même parfois un vocabulaire beaucoup plus élaboré que les
enfants de leur groupe d’âge, le diagnostic différentiel était de mise,
puisque mon fils a effectivement reçu un diagnostic d’autisme Asperger,
tandis que le retard de langage s’expliquait plutôt par la dyspraxie verbale.
Voilà pourquoi la méthode de diagnostic différentiel est de mise quand on
pense présenter des signes du syndrome d’Asperger, et il en est de même
pour les enfants.
TRANCHE DE VIE
Pour vous donner un exemple concret, je vais vous raconter mon
cheminement diagnostique. En 2013, j’ai consulté une psychiatre dans
le secteur public; elle a pris le DSM et, en une heure, elle a posé le
diagnostic de trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive
accompagné d’un trouble d’anxiété généralisée (TAG). Elle m’a dit
que ces diagnostics combinés à mon haut potentiel intellectuel
pouvaient contribuer à mes difficultés sur le plan social. Elle m’a
prescrit des antidépresseurs pour contrer mon anxiété, soit des
rehausseurs de sérotonine. De prime abord, son diagnostic semblait
bien et, ne connaissant pas encore le SA, j’ai commencé à prendre la
médication; mais plus le temps avançait, plus je réalisais que cela
n’améliorait pas mes relations sociales ni la compréhension de ma
personne et de mes difficultés. En fait, ça expliquait mon
comportement obsessionnel et mon anxiété, mais le reste demeurait un
mystère irrésolu. C’est à ce moment que j’ai commencé à faire des
recherches et, alors, m’attribuer le syndrome d’Asperger devenait de
plus en plus logique; sa description s’appliquait concrètement à ma
vie en général, depuis l’enfance jusqu’au moment présent. J’avais
d’ailleurs lu qu’il était commun que des femmes Asperger obtiennent
un diagnostic de trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive,
tandis qu’elles étaient Asperger. En réalité, ce n’est pas que la
psychiatre n’était pas bonne, mais elle n’était pas ferrée pour
reconnaître le syndrome d’Asperger, surtout chez la femme. Et pour ce
qui est du trouble d’anxiété généralisée, elle avait raison – le TAG
accompagne toujours le SA. Après avoir reçu mon diagnostic de
syndrome d’Asperger, j’ai arrêté les antidépresseurs et, depuis ce
moment, j’ai appris à accepter qui je suis. Ceci est un exemple parfait
de faux diagnostic posé par une psychiatre non spécialiste du SA. Si je
n’avais pas fait mes recherches, je serais encore à prendre des
antidépresseurs, puisque je n’aurais pas obtenu mon réel diagnostic
ainsi que tous les bienfaits venant avec lui.
Je tiens à mentionner que j’avais tenté de revoir cette psychiatre afin
de rediscuter du diagnostic qu’elle avait posé et de parler de la
possibilité de la présence du SA chez moi. Elle a catégoriquement
refusé de me rencontrer. J’ai alors décidé de me prendre en main et,
après de longues recherches effectuées dans le but de ne pas perdre
mon temps en prenant le risque d’obtenir un autre faux diagnostic, je
suis allée voir un spécialiste redoutable du syndrome d’Asperger chez
la femme, le Dr Normand Giroux de la clinique Autisme & Asperger
de Montréal.

Cette petite tranche de vie témoigne:


1. de l’importance du diagnostic différentiel;
2. du chevauchement de symptômes d’un diagnostic à l’autre;
3. de l’importance de consulter «le bon spécialiste»;
4. des difficultés rencontrées dans le secteur public de la santé.

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Chez une personne Asperger, il est commun que plusieurs
diagnostics coexistent. C’est ce qu’on appelle la comorbidité.

• Le pronostic quant à la personne Asperger dépend de plusieurs


facteurs dont l’environnement dans lequel il grandira et la
comorbidité. Cet élément peut être positif ou négatif quand les
spécialistes posent un diagnostic. Par exemple, la douance et
l’Asperger combinés donnent généralement un pronostic très positif.
Une autre
intelligence

L’autiste Asperger est un être passionné, au cerveau marginal, qui possède


sa propre culture régie par son intelligence différente.

— Tanya Izquierdo

Les autistes Asperger représentent indubitablement une autre


intelligence. Une intelligence unique très différente de celle des
neurotypiques, un cerveau qui est programmé différemment. Sur la Terre,
nous avons besoin de diversité, qui confère la beauté et la richesse de la vie,
que ce soit la diversité animale, biologique ou naturelle. Les neurotypiques
apportent beaucoup au monde, ils ont souvent une intelligence incroyable,
ils sont capables de changer le monde. Les Aspies aussi: leur intelligence
marginale vient combler la neurodiversité. Nous avons bien sûr besoin de
l’intelligence des neurotypiques. Maintenant, il faut faire comprendre au
monde que l’intelligence unique des autistes Asperger est consubstantielle à
celle des neurotypiques, et peut et doit contribuer à notre société et à tout ce
qui l’entoure, afin, entre autres, de rendre l’évolution de l’être humain
encore plus efficiente. Par exemple, dans une équipe de hockey, le talent
des ailiers et du joueur du centre fait que l’équipe sera en mesure de
compter des buts, mais le talent des défenseurs et du gardien de but fait en
sorte que l’équipe adverse ne compte pas dans leur but. S’ils gagnent, ce
sera ensemble, collectivement, à cause de la diversité des talents. C’est ainsi
qu’il faut voir la différence neurologique des gens autistes Asperger.
J’aimerais aussi inclure les surdoués et les gens présentant un TDAH, car
eux aussi forgent la neurodiversité. Les neurotypiques apportent plusieurs
choses, oui, mais si on combine leurs aptitudes avec celles des autistes
Asperger et de tous ceux qui représentent cette neurodiversité, je suis
persuadée que notre monde évoluera de façon significativement plus
efficiente et saine.
Si on commençait à accepter cette différence, si on arrêtait d’essayer de
conformer les autistes Asperger au moule des neurotypiques dès l’entrée à
l’école, si on réalisait que les forces et les faiblesses de la personne
Asperger créent un équilibre parfait pour contribuer à la société de façon
efficiente, notre monde serait sans doute beaucoup plus riche.
Il faut absolument se conscientiser au fait que quand on essaie de
modifier le comportement d’un autiste qui nous semble… inutilement
marginal, nous portons directement préjudice à une aptitude liée à ce
comportement. Souvent, ce n’est ni plus ni moins qu’une difficulté illusoire
créée par des normes sociétales étroites et intolérantes.
Certes, au Québec, nous sommes relativement chanceux, car plusieurs
enfants autistes Asperger sont bien pris en charge et leur individualité est
respectée, mais il y a place à l’amélioration: cette différence doit représenter
la normalité, celle des autistes Asperger. Malheureusement, en France et en
Belgique, par exemple, il y a beaucoup de travail de sensibilisation et de
conscientisation à faire. Bien qu’au Québec ce soit loin d’être parfait, nous
sommes beaucoup plus fortunés qu’en Europe quant à l’acceptation de la
différence neurologique, celle de l’autisme.

La fameuse bulle
«La bulle des autistes est leur atelier de création, un lieu où ils sont libres
d’imaginer et de créer, librement sans aucune distraction. C’est leur temps
à eux, le seul temps où ils ne sont pas envahis par les milliers de stimuli qui
les entourent.»

— Tanya Izquierdo
La bulle des autistes Asperger fait partie intégrante de leur neurologie et
de leur intelligence différente. Cette bulle, qui de prime abord peut donner
une impression illusoire «d’être dans la lune», est en fait un moment
privilégié que l’autiste Asperger vit avec lui-même. C’est le moment où la
création commence. Doctor Who est une émission du Royaume-Uni qui
met en vedette le Dr Who, un homme incroyable qui voyage dans le temps
à l’aide de son vaisseau qui n’est en fait qu’une boîte bleue ancienne
normalement utilisée pour mettre à l’abri un téléphone public. Ce vaisseau
crée une illusion: les gens pensent que ce n’est qu’une boîte de téléphone,
mais en fait, quand on ouvre la porte, un immense espace se trouve à
l’intérieur avec des machines complexes de tout bord tout côté, un univers
fascinant qui n’est aux yeux des gens qui passent à côté rien de plus qu’une
boîte bleue. Eh bien, la bulle des autistes, vue de l’extérieur, est semblable à
l’extérieur du vaisseau du Dr Who, et l’atelier de création imaginaire dans
lequel l’autiste se retrouve lorsqu’il est dans sa bulle, comparable à
l’intérieur du vaisseau du Dr Who.

Un indice tangible de la présence d’une autre


intelligence chez l’Asperger
Les tests de QI normalisés sont créés par des neurotypiques pour des
neurotypiques.

— Tanya Izquierdo
Les Asperger constituent un genre unique, je suis même portée à dire
qu’ils ont leur propre culture, qu’ils soient nés au Québec, en France ou au
Mexique (je ne nommerai pas tous les pays). Comme on l’apprend en
psychologie, les tests de QI sont très subjectifs à plusieurs égards, dont la
culture.
Selon moi, les résultats obtenus par beaucoup d’autistes aux tests de QI
normalisés représentent un des indicatifs les plus parlants quant au fait que
l’autisme est une autre intelligence. Bien qu’il ne faille pas généraliser
puisque ce n’est pas le cas de tous les Aspies, la corrélation demeure
présente et très pertinente en soi. Un point commun qu’ont les autistes
Asperger est un QI difficilement interprétable en utilisant les tests
normalisés conçus pour la population en général. Par exemple, le WAIS-4
pour les adultes et le WPSII-4 pour les enfants. Certains Asperger auront un
QI simplement impossible à interpréter et d’autres un QI difficilement
interprétable, un résultat discutable si on peut le dire ainsi.
Bref, ce résultat atypique est souvent présent chez les Asperger de tout
âge. Les tests de QI étant divisés en plusieurs sous-tests, cette situation a
lieu lorsque les résultats des sous-tests présentent une grande hétérogénéité
(résultats qui manquent d’uniformité). C’est-à-dire que dans certains sous-
tests, la personne Asperger peut atteindre les 99,7 percentiles et dans
d’autres, à peine les 50 percentiles. Plus le facteur d’hétérogénéité est
grand, plus le QI devient difficilement interprétable. Les neurotypiques
ayant habituellement des champs d’intérêt plus généraux, leurs
connaissances et leurs aptitudes se développent de façon plus linéaire et
homogène. Prenons comme analogie quelqu’un qui s’entraîne: s’il ne
travaillait que les muscles de ses cuisses, eh bien, il y aurait un grand
facteur d’hétérogénéité comparativement au développement des autres
parties de son corps. À l’opposé, quelqu’un qui s’entraîne de façon plus
générale présentera une homogénéité du développement global de ses
muscles. L’autiste Asperger est comme l’athlète qui n’entraîne qu’une
partie de ses muscles, donc il possède une autre intelligence, une
intelligence marginale où ses talents, son savoir et ses aptitudes spécifiques
sont souvent très développés, et ce, de façon souvent impressionnante, bien
qu’ils soient moins diversifiés. Je réitère l’importance de l’idée que chaque
autiste est différent, c’est-à-dire qu’un autiste Asperger pourrait être doué
dans quatre ou cinq domaines et qu’un autre pourrait l’être dans deux ou
trois, et doué à différents niveaux aussi.
En fait, les tests de QI conçus pour la population en général sont souvent
inadaptés pour un bon nombre d’autistes. Dans le passé et encore
aujourd’hui, cette situation a porté et porte préjudice à beaucoup de
personnes autistes, puisque les tests normalisés sous-estiment souvent leur
potentiel intellectuel, à cause du manque de considération du
fonctionnement de leur intelligence différente générée par leur
neurodiversité.
Comme l’ont démontré les spécialistes Isabelle Soulières, Michelle
Dawson, Morton Ann Gernsbacher et Laurent Mottron dans leur article The
Level and Nature of Autistic Intelligence II: What about Asperger
Syndrome?, il existe des tests plus adaptés au fonctionnement neurologique
atypique des personnes autistes, par exemple le test d’intelligence qui se
nomme les Matrices Progressives de Raven (RPM) créé par le docteur John
C. Raven en 1936. Ce test englobe entre autres le raisonnement et les
capacités de résolution de problèmes, ce qui serait, selon les spécialistes,
beaucoup plus efficace pour évaluer leur intelligence adéquatement.

En quoi l’intelligence diffère-t-elle chez les autistes


en termes d’adaptation aux tests de QI normalisés?
• Focalisation sur les détails, difficulté à voir l’image globale, surtout avec
une limite de temps.
• Difficulté à saisir des questions ou directives simples aux yeux des
neurotypiques, puisque pour les autistes, rien n’est simple. À part l’idée
que rien ne soit simple.
• Anxiété généralisée ou de performance.
• Les intérêts pointilleux des autistes Asperger font en sorte qu’ils ont
souvent des connaissances ou un talent démesuré sur un sujet en
particulier et significativement moins de connaissances reliées à d’autres
sujets. Le potentiel intellectuel ne se développe pas de façon générale
comme chez les neurotypiques, mais plutôt de façon pointilleuse, centrée
sur leurs champs d’intérêt spécifiques.
J’ai eu la chance de m’entretenir avec Nathalie Castonguay,
neuropsychologue, et voici ce qu’elle m’a confié quant à la nature de
l’hétérogénéité des résultats obtenus par plusieurs autistes Asperger aux
tests de QI standardisés:

Le syndrome d’Asperger est souvent associé à un profil intellectuel


hétérogène, reflétant d’une part des habiletés spécifiques parfois
supérieures à celles des neurotypiques, d’autre part des faiblesses
inhérentes à la condition. Une atteinte de certaines fonctions non verbales,
comparativement à un rendement adéquat sur le plan verbal, n’est qu’un
exemple parmi tant d’autres de l’hétérogénéité des profils. Accepter et
comprendre cette forme unique d’intelligence s’avère essentiel pour que
l’Asperger puisse exploiter ses forces d’une manière optimale et, ainsi,
mieux s’adapter au monde «neurotypique» qui l’entoure.

— Nathalie Castonguay, neuropsychologue

RÉSUMÉ
Points à retenir
• Les tests de QI normalisés peuvent porter préjudice aux personnes
autistes en sous-estimant leur potentiel intellectuel.

• Les Matrices progressives de Raven sont test d’intelligence ayant


fait ses preuves pour l’estimation de l’intelligence des personnes
autistes.

• Les personnes autistes Asperger ont souvent des résultats


hétérogènes aux tests de QI normalisés, entre autres à cause de leur
tendance à avoir des champs d’intérêt restreints sur lesquels ils
passent la majorité de leurs temps libres.
Des différences à
chérir et à nourrir

Dans ce chapitre, je vais tenter de démontrer en quoi l’autisme Asperger


représente la neurodiversité et, parallèlement, pourquoi il ne faut pas tâcher
d’étouffer les différences ni tenter de conformer les autistes Asperger.

Les Aspies sont les œuvres d’art de Mère Nature, tout comme les grands
artistes ont créé leurs œuvres magistrales. Différents, parfois choquants,
mais d’un genre certainement innovateur muni d’un énorme potentiel.

— Tanya Izquierdo
Les autistes Asperger sont des gens fascinants, pour qui l’intégrité est
primordiale et l’honnêteté aussi essentielle que l’air pur. Voilà des humains
passionnés qui ne s’arrêteront devant rien pour poursuivre leurs passions et
leurs ambitions. Ce qui est représenté comme «intérêt restreint» dans les
caractéristiques des gens Asperger est, selon moi, une de leurs plus grandes
qualités ou aptitudes, une de leurs plus grandes forces. Oui, c’est cela, la
capacité à se concentrer sur un sujet qui les fascine est une aptitude. Avoir
une telle concentration est en réalité une aptitude, celle d’être en mesure
d’absorber tant de données sur un sujet qui les fascine.
Donc, la raison pour laquelle ils sont capables d’accomplir de
grandes choses consiste en une combinaison de deux facteurs:
1. Les personnes Asperger sont des êtres passionnés de leurs champs
d’intérêt.
2. Les Asperger ont une capacité incommensurable de se concentrer sur un
sujet jusqu’au point d’en devenir des pionniers.
Ces deux points, entre autres, forgent l’intelligence différente des autistes
Asperger. Cependant, ils font aussi partie des difficultés présentes chez
nous, puisque le premier nous handicape dans la vie de tous les jours étant
donné que le champ d’intérêt en question prend la majorité de notre temps
et de notre énergie, et il en est de même pour le deuxième point…
Ce phénomène s’observe également chez le neurotypique, mais de façon
inverse. Souvent, le neurotypique met moins de temps et d’énergie sur un
défi donné, ce qui fait que sa vie sociale est plus équilibrée, mais sa mission
intérieure plus stagnante. Estce qu’il faudrait lui demander de changer? Ou
faudrait-il l’obliger à consacrer plus de temps à sa passion pour qu’il
atteigne un résultat plus rapidement? Je ne crois pas. Tout est une question
de priorités et de perception, et il est primordial de respecter ces deux
éléments tant pour les neurotypiques que pour les autistes Asperger. Ce qui
importe est de s’efforcer de donner le plus de ressources possible aux êtres
humains, qu’ils soient Asperger ou non, afin qu’ils deviennent des êtres
équilibrés et épanouis dans leur vie de tous les jours selon leur perception
individuelle.

Un handicap ou une force?


Il y a deux ans, je suis devenue totalement obsédée par les Canons de
Pachelbel, version piano. Je n’avais jamais suivi de cours, je ne savais pas
lire la musique et je n’avais même pas de piano. Malgré tout, j’étais
motivée à apprendre les Canons de Pachelbel et c’est ce que j’allais faire, ce
qui de prime abord peut sembler totalement dément aux yeux de la
personne à qui l’on annonce un tel projet. Mon intérêt spécifique, dans ce
cas-ci, était cette mélodie en particulier. Pas le piano en général,
simplement les Canons de Pachelbel. Normalement, les gens diraient qu’ils
n’ont pas le temps et, techniquement, je ne l’avais pas non plus, mais le
désir était si fort que je devais… prendre le temps. Je mettais des heures par
jour à l’apprendre, je jouais tous les jours et quand j’y manquais, je
devenais anxieuse. Quelques mois après, je jouais les Canons de Pachelbel.
Cet exemple démontre cette aptitude à réaliser quelque chose lorsqu’on
veut vraiment utiliser notre aptitude à focaliser toute notre énergie, et ce, sur
une longue période de temps, sur un même intérêt qui nous passionne, nous
obsède. L’aspect négatif est que j’avais une routine: je devais jouer tous les
matins de 8 h à 10 h, alors quand il arrivait quelque chose d’imprévu où je
devais interrompre cette routine qui régissait ma vie, je devenais
extrêmement angoissée.
C’est pareil pour le premier bouquin que j’ai écrit. J’étais déterminée à
l’écrire et à ce qu’il se fasse publier, je n’avais pourtant aucune formation
en édition ni en littérature. Je devais le faire, mon cerveau refusait de penser
à autre chose tant que ce ne serait pas terminé. Je m’étais complètement
isolée. Pendant deux mois, j’ai fait des recherches interminables sur le
monde de l’édition afin d’augmenter mes chances d’être éditée, j’ai écrit le
bouquin, je l’ai révisé cinq fois et, finalement, mon livre à été publié aux
éditions La Semaine. Une fois de plus, ce processus a eu un impact majeur
sur ma relation avec mon mari, car je ne faisais que cela, j’écrivais, et
quand je n’écrivais pas, mon cerveau était automatiquement bombardé
d’idées en lien avec mon livre et je revenais à l’écriture. Ce projet prenait
quasiment toute la place dans mon cerveau. Là encore, c’est grâce à cette
aptitude que j’ai accompli cette mission, mais aussi en partie à cause d’elle
que ma relation a souffert, et moi aussi d’ailleurs puisque je m’étais
tellement isolée du monde et que je ne vivais que pour le livre et mes
enfants. Tout le reste a pris le bord.
La question est la suivante: est-ce que je changerais cet aspect de ma
personne afin d’en être moins affectée? La réponse est non! Absolument
pas. Rien n’arrive pour rien et bien que mes tendances obsessives soient ma
plus grande faiblesse, elles représentent aussi ma plus grande force et je ne
voudrais pas être autrement. Tout ce que j’essaie de faire, c’est apprendre de
mes erreurs et équilibrer autant que possible toutes les sphères de ma vie.
On ne peut tout avoir dans la vie et j’établis mes priorités selon ma
perception de ce qui en vaut la peine ou pas à un moment précis.
La citation d’Albert Einstein suivante représente bien ce chapitre:

Ce n’est pas que je suis plus intelligent qu’un autre, c’est que je demeure
sur le même problème plus longtemps.

Les difficultés et les forces des Asperger


À chaque faiblesse de l’autiste Asperger est liée une force.

— Tanya Izquierdo
Les plus grandes faiblesses des autistes Asperger sont souvent aussi leurs
plus grandes forces.
Leurs obsessions, par exemple, les rendent plus rigides en ce qui
concerne la communication, leurs occupations et leur besoin de routine,
mais cette même tendance devient une aptitude pour l’apprentissage de
nouveaux concepts et la capacité à devenir de grands innovateurs, créateurs
et visionnaires.
Comme Diane Kennedy, auteure et militante pour le syndrome
d’Asperger, a déjà évoqué: «Ils sont nos visionnaires, scientifiques,
diplomates, inventeurs, chefs, artistes, écrivains et musiciens. Ils sont les
vrais penseur originaux, ceux qui même dans un environnement corporatif
demeurent créatifs. Ils sont de grands penseurs et une force dans notre
culture.» (The ADHD-Autism Connection, P. 147 (2002) Diane M.
Kennedy)
La fixation sur les détails peut rendre la communication difficile et les
tâches plus complexes, mais cette fixation fait d’eux des observateurs
inestimables capables de découvrir des patterns et des choses qu’un
neurotypique aurait peine à comprendre même si on les lui pointait du
doigt.
Dire la vérité, que la vérité, rien que la vérité rend la socialisation parfois
conflictuelle et difficile pour la personne Aspie, mais cette tendance
témoigne aussi de l’intégrité de son caractère.
Les hypersensibilités sensorielles peuvent sans doute nuire à la qualité de
vie de la personne Asperger, mais c’est aussi grâce à elles que son cerveau
demeure vigilant et alerte aux stimuli de l’environnement. S’il y a une fuite
de gaz, les Asperger seront les premiers à réagir; si un aliment est pourri,
même chose.
Étant donné que je ne pouvais écrire un livre sans faire allusion au moins
une fois à l’univers de la physique, l’univers le plus logique qui soit, je vous
présente une petite comparaison avec la troisième loi de Newton qui est la
suivante:

Pour chaque action, il y a une réaction de sens


opposé et de force égale.

Petite histoire intéressante totalement à part…


Je viens tout juste de montrer cette analogie à ma génitrice à qui j’ai dit
ceci:
— Hey, maman, regarde ça. Comment tu trouves l’idée?
Elle répond:
— Tu as cité une loi de Newton? Bon, ok. Je fais quoi, moi, avec ça?
— Bah, tu blagues! Tu ne comprends pas l’allusion, t’es sérieuse? C’est
évident, non?
Un silence glacial s’ensuit.
— Tanya…?
— Oui, maman?
— EXPLIQUE TON ANALOGIE!!!!
Voilà, alors, comme ma génitrice me l’a conseillé, je m’explique. Ici,
j’applique cette merveilleuse loi aux difficultés et faiblesses des autistes
Asperger. Voici ce que ça donne:

Pour chaque difficulté, il y a une aptitude opposée et


de force égale.
Voici une illustration que j’ai déjà entendue dans le but de concrétiser
cette fameuse troisième loi de Newton: Si on creuse un gros trou dans sol,
qu’est-ce qui arrive? Eh bien, évidemment, nous obtenons une grosse
montagne de terre à côté, mais non seulement il y a maintenant une
montagne de terre, il y a aussi un gros trou, un vide.
Revenons aux difficultés et aux forces de l’autiste Asperger. Si on tente
de «régler» une difficulté en l’étouffant, le danger est de créer un vide
ailleurs chez l’autiste Asperger, ainsi cette technique d’étouffement lui porte
préjudice. C’est pourquoi il faut considérer chaque aspect de l’individualité
de la personne Asperger avant de tenter de changer quoi que ce soit. Il faut
prendre garde de ne pas tuer une force liée à une caractéristique Asperger
qui peut sembler être une difficulté aux yeux des neurotypiques, mais qui
régit plusieurs aspects de l’individualité de la personne Asperger.
Tel que mentionné précédemment, la routine peut devenir problématique
si nous avons du mal à la concilier à notre vie, mais si on l’enlève, on vient
d’anéantir l’équilibre dans l’esprit de l’autiste Asperger. Il faut travailler
avec la routine; sans elle, l’autiste se désorganise totalement.
Voici un exemple concret pour illustrer mes propos en utilisant la
caractéristique liée au regard fuyant des enfants Asperger.
Comme on l’a déjà vu, il y a une raison pour laquelle l’enfant a beaucoup
de mal à regarder les gens droit dans les yeux: ça crée un énorme malaise en
lui et une surcharge sensorielle et même émotionnelle, puisqu’en regardant
dans les yeux, l’enfant commence à ressentir des émotions qu’il ne
comprend pas; son cerveau n’ayant pas de filtre, cela l’envahit et peut
réellement le troubler. Cependant, j’admets qu’il est important de regarder
son interlocuteur afin de comprendre plusieurs codes sociaux générés par le
visage de ce dernier. Alors, dans une telle situation, ce que je fais, c’est non
pas obliger mon enfant à regarder dans les yeux, mais plutôt lui donner une
solution de rechange à cette difficulté. Si j’oblige mon enfant à regarder
dans les yeux, je risque d’étouffer quelque chose en lui; il sera certainement
moins attentif et se sentira brimé. On s’entend que regarder dans les yeux
semble banal, mais en fait c’est quelque chose de très intime pour les
autistes Asperger. Je le sais parce que je le vis depuis ma plus jeune
enfance: quand je regarde quelqu’un directement dans les yeux, je deviens
inattentive à ce qu’il dit. Alors si je dois vraiment me concentrer sur ce que
quelqu’un dit, je regarde ailleurs et c’est ainsi que je deviens 100%
attentive.

Bref, voici ce que je dis à mon fils dans cette situation particulière:
«Loik, je sais que tu as du mal à regarder dans les yeux et c’est correct. Moi
non plus, je n’aime pas ça. Mais il faut tout de même que tu sois capable de
reconnaître comment l’autre se sent, sinon tu auras de la difficulté avec tes
amis et tes professeurs. Moi, ce que je fais et ce que tu pourrais faire toi
aussi, c’est de regarder le visage de l’autre en face, regarder son nez, son
front, ses lèvres et parfois ses yeux. Ainsi, tu es capable de saisir comment
il se sent et, en même temps, tu n’es pas déconcentré puisque tu ne le
regardes pas directement dans les yeux.»
Ainsi, je respecte sa difficulté, son malaise et je lui donne un outil qui est
adapté à son fonctionnement neurologique individuel.
Ceci est une technique adaptée pour l’enfant autiste Asperger qui ne vient
pas brimer d’autres aspects de sa personne. Chaque outil que l’on donne à
ces enfants devrait être développé et pensé selon les critères de la troisième
loi de Newton appliquée ici. D’ailleurs, il devrait en être de même pour les
autistes Asperger au niveau collégial, universitaire et pour ceux qui sont sur
le marché du travail.
Il ne faut pas tenter de rendre conforme, mais bien offrir des outils
adaptés. Les besoins des neurotypiques sont égaux à ceux des autistes
Asperger. L’équité l’exige, selon moi. Si les neurotypiques ont droit à un
enseignement adapté à leur fonctionnement, eh bien, on y a aussi droit.
L’idée est de créer un équilibre entre ces caractéristiques à double
tranchant afin de maximiser le potentiel des autistes Asperger en tant
qu’êtres humains. Il est important de ne pas étouffer les différences des
autistes Asperger. C’est pourquoi il ne faut pas tenter de les guérir.
Il s’agit de déterminer ces forces et ces faiblesses et d’aider l’autiste
Asperger à les marier afin de maximiser le développement de son potentiel.
Dès leur enfance, les Asperger deviennent absorbés par leurs passions,
obsédés. Et bien qu’enfant cela puisse devenir handicapant sur plusieurs
plans, plus tard, à l’âge adulte, si on leur montre à gérer et à s’adapter ainsi
qu’à apprivoiser cette passion, ils peuvent devenir des pionniers de leurs
domaines, des visionnaires, des innovateurs. Ils peuvent changer le
monde… littéralement. Il ne faut pas étouffer cette différence, mais
simplement donner les ressources aux enfants autistes Asperger afin qu’ils
puissent apprivoiser leurs forces. Leur potentiel est un peu comme un
pouvoir qui pourrait être destructif ou devenir des plus positifs. Je ne
prétends pas que les Aspies ont des dons et qu’ils sont des êtres supérieurs
et magiques, capables de faire bouger un crayon immobile avec leurs yeux.
C’est simplement une analogie pour représenter le couteau à double
tranchant de l’intensité de leurs intérêts. S’ils n’apprennent pas à
apprivoiser leurs obsessions, cela pourrait devenir un problème, mais si
l’enfant est fonctionnel au point de pouvoir utiliser ces ressources et de les
appliquer, cette force pourrait faire une différence dans le monde ou
simplement une différence très positive dans sa vie. Mais encore faut-il
travailler avec l’enfant, l’aider, lui donner des ressources pour le laisser
accéder à cette option.
Les difficultés de l’autiste Asperger sont souvent une illusion créée par
les normes sociales établies par des neurotypiques. Il serait temps de
reformuler les normes sociales en considérant la neurodiversité. Oui, les
difficultés sont bien présentes et plus encore chez certains, mais les
difficultés sont déterminées en comparant le cerveau neurotypique avec le
cerveau neurologiquement différent. C’est une difficulté directe, influencée
par une variable. Seulement, étant donné que ceux qui représentent les
autres facettes de la neurodiversité sont minoritaires, ils sont perçus comme
si c’était eux et non les neurotypiques qui avaient une difficulté.

Après la physique, un peu d’algèbre


Voici mon équation représentant la situation actuelle quant à ce qu’on
tente de faire pour rendre efficace la communication entre autiste et
neurotypique:
X: communication neurotypique
Y: communication autistique
X+Y=X
Ici, on perd la variable Y. Clairement, ça ne fonctionne pas, une variable
ne peut pas simplement être effacée. La communication autistique n’est pas
moins importante que celle des neurotypiques, alors il faut les additionner
tout en considérant les deux quant au mariage de la communication.
Voici maintenant l’équation idéale et logique:
X: communication autistique
Y: communication neurotypique
Z: communication autistique-neurotypique
X+Y=Z
Ici, on ne perd aucune variable et le résultat est une combinaison saine ne
dévalorisant et ne discriminant personne en cours de route.
C’est pourtant si logique! La communication se fait à deux. Que je sache,
le neurotypique est capable de s’adapter lui aussi, non? La réponse est oui.
Les besoins
particuliers

Le système scolaire actuel a été pensé et créé par des neurotypiques pour
des neurotypiques. Il est temps d’unir nos intelligences et de reformuler
l’enseignement en considérant la diversité neurologique comme étant une
partie intégrante, et non à part, de notre société.

— Tanya Izquierdo

Les autistes Asperger sont hautement fonctionnels et de la même façon


que les neurotypiques ont des besoins qui leur sont propres, les autistes
Asperger ont des besoins aussi. Seulement, les neurotypiques ont la chance
de vivre dans une société où ils ne sont pas la minorité visible.
Afin d’évaluer les besoins particuliers des Aspies, pour qu’ils soient en
mesure de mieux fonctionner dans toutes les sphères de leur vie, que ce soit
à l’école, dans leurs relations sociales ou au travail, il faut premièrement
comprendre les difficultés avec lesquelles ils vivent lorsqu’ils sont insérés
dans notre société, une société mise en place par des neurotypiques, pour
des neurotypiques.
Ici, au Québec, nous sommes plutôt chanceux comparativement à nos
copains de l’autre côté de l’océan, soit en France et en Belgique. Bien qu’il
y ait encore beaucoup de travail à faire, il existe tout de même plusieurs
mesures d’adaptation qui s’offrent à nous et à nos enfants Aspies dès la
maternelle. De là, selon moi, l’importance du diagnostic avant l’entrée à
l’école. En effet, si nous vivions dans d’autres circonstances, dans un
monde où nos enfants n’étaient pas lancés dans un système peu réceptif à la
différence dès l’âge de 4 ou 5 ans, si nous étions en contrôle de leurs
fréquentations et de leur environnement, nous n’aurions pas besoin de
diagnostic si tôt. Cependant, dans notre réalité à nous, nos enfants entrent à
la maternelle à l’âge de 5 ans et, rendu là, nous les laissons à eux-mêmes et
nous ne pouvons plus rien pour eux. À la maison, nous avons le pouvoir de
les aider et de revenir sur ce qui s’est passé à l’école, mais il demeure que
l’enfant passe ses journées entières dans un cadre scolaire et qu’il y a une
limite à notre pouvoir en tant que parents. Cela dit, muni d’un diagnostic,
notre enfant a systématiquement accès à des ressources, à des mesures
adaptatives et sa différence sera considérée dès la première journée de
maternelle.

TRANCHE DE VIE
Pour mon garçon Aspie, j’ai pris plusieurs mesures préventives dès
son plus jeune âge pour favoriser une évolution maximale en
considérant ses besoins particuliers. Dès que j’ai constaté sa
différence, j’ai commencé à m’informer, à essayer de comprendre en
premier lieu d’où venait cette différence. Plus je prenais de
l’expérience, plus je pensais et je l’observais, plus je réalisais à quel
point il n’avait pas besoin d’être changé, mais simplement d’être
outillé pour faire face au monde. Je n’avais pas l’intention de
l’envoyer à la garderie, mais c’est à contrecœur que j’ai décidé de le
faire lorsqu’il avait 3 ans. Cela, dans le but de l’aider à s’ouvrir au
monde avant l’entrée à l’école. Je l’ai inscrit à la gymnastique à l’âge
de 2 ans, au patin à 3 ans, pour qu’il travaille sa motricité globale.
Finalement, pour ce qui est du diagnostic, je suis passée par le
système médical public au début, mais les délais étant si ridiculement
longs et les démarches plutôt compliquées et pénibles non seulement
pour moi, mais pour Loik aussi, j’ai décidé de couper dans les
dépenses et d’aller au privé pour obtenir un diagnostic officiel afin
que son entrée à l’école se déroule le mieux possible. Je refusais que
les professeurs passent l’année à se demander pourquoi il était
différent et que Loik soit encore plus angoissé par des rencontres avec
le psychologue et d’autres spécialistes pendant cette première année
d’école qui est déjà assez éprouvante en soi. Je voulais qu’il ait la
chance d’avoir une expérience positive dès l’entrée à la maternelle.

Le potentiel des autistes Asperger


Bien que l’idée que les autistes Asperger soient tous des génies ou des
Rain Man soit fausse, il y a tout de même un aspect de cette idée qui est
pertinent. Cependant, il faut lui apporter une nuance importante. La nuance
entre le savoir et le potentiel.

Le potentiel est plus important que l’intelligence en soi ou le savoir, car le


potentiel est ce qui est à l’origine de tout.

— Tanya Izquierdo
Le savoir, c’est tout ce que l’on sait, que l’on a appris au courant de notre
vie. Le potentiel intellectuel, c’est la capacité, l’aptitude à apprendre et à
comprendre les choses telles qu’elles sont. La capacité à créer des liens
entre les concepts et ainsi à saisir des idées complexes. Aussi, surtout, la
capacité d’être créatif.
La personne autiste Asperger vient au monde avec un potentiel immense
étant donné sa nature passionnée et son intelligence différente.
Parce que, comme vous le savez, j’aime les analogies et la physique, en
voici donc une autre. Utilisons l’exemple du pendule qui démontre le
concept de l’énergie potentielle et de l’énergie cinétique en physique.
Si nous prenons une bille, la suspendons à un fil et que nous la laissons
là, suspendue sans lui donner un élan, elle ne bougera pas. Cependant, si
nous la levons vers le haut tout en gardant une tension dans le fil et que
nous la laissons tomber, nous enclenchons le processus d’utilisation de son
énergie potentielle qui devient de l’énergie cinétique. Si nous ne donnons
pas un élan à la boule, son énergie potentielle ne se générera pas. Le
concept de potentiel chez l’autiste Asperger fonctionne de la même façon,
c’est-à-dire qu’il faut que les conditions dans lesquelles il vit soient
propices au développement de son énergie potentielle. Les conditions
représentent l’élan que l’on donne pour que la bille utilise son énergie
potentielle.
Évidemment, l’autiste ne naît pas avec un savoir impressionnant et hors-
normes. Afin que ce potentiel soit développé et qu’il devienne utile,
l’autiste doit d’abord et avant tout apprendre à utiliser son potentiel. Or,
pour être apte à développer ce potentiel au maximum, plusieurs facteurs
doivent coexister.

Pour que le potentiel de l’autiste Asperger soit


profitable pour lui-même, plusieurs facteurs sont
essentiels:
1. On ne pourra jamais cacher sa différence à la personne Asperger et ce
n’est pas le but non plus. Au contraire, l’autiste saura qu’il est différent
et cela causera un problème seulement s’il sent que sa différence est
jugée ou problématique. Alors, il doit se sentir comme si sa différence
était normale et même un atout. Nous devons lui faire comprendre ceci
dès le plus jeune âge.

2. La personne Asperger doit avoir accès à des ressources et à des mesures


adaptées – en fait, à un enseignement adapté à l’individu qu’il est. Les
neurotypiques, eux, ont droit à un enseignement qui est conçu pour leurs
besoins, eh bien, nous aussi, nous avons droit à cela. C’est en fait de la
discrimination que de ne pas considérer les autres intelligences dans les
types d’enseignement que nous offrons. On doit faire sentir que ces
«mesures d’adaptation» ne sont pas preuve d’un problème chez lui, mais
plutôt d’une différence positive qui fait qu’il est unique et important
dans le monde.

3. Il ne faut pas tenter de le conformer ni d’éliminer des comportements,


mais plutôt tâcher d’aider l’enfant à maîtriser sa différence, son potentiel
unique, en lui donnant des outils pour le faire.

Dès le plus jeune âge, on doit faire comprendre à l’enfant autiste que sa
différence est un atout qu’il doit apprendre à maîtriser, et c’est pareil pour
les adolescents et les adultes.

— Tanya Izquierdo

Mesure d’adaptation ou enseignement considérant la


neurodiversité?
L’expression mesure d’adaptation a selon moi une connotation négative.
Il faut adapter l’enseignement à la neurodiversité, il faut normaliser les
types d’enseignement adaptés. Est-ce que les bâtons de hockey ou de golf
de gauchers sont une mesure d’adaptation? Non, pas du tout, ce sont des
bâtons de hockey et de golf normaux conçus pour les gauchers. Eh bien, ce
devrait être ainsi pour l’enseignement. Le système d’enseignement doit être
reformulé et créé par plusieurs types d’intelligences pour répondre aux
besoins de tous ceux qui forgent la neurodiversité. Les enfants doivent
sentir que leur différence n’est pas problématique et qu’elle est au contraire
normale et utile. Malheureusement, mesure d’adaptation sous-entend que
l’enfant n’est pas adapté au fonctionnement normal. Bien que nous sachions
que ces mesures sont prises pour adapter l’enseignement à l’enfant, il
demeure que ces mesures doivent être prises, puisque le système
d’éducation n’a pas considéré sa différence neurologique. Évidemment,
pour que les choses s’améliorent, ça prendra du temps et beaucoup de
sensibilisation, puisque les professeurs doivent utiliser les ressources qu’on
leur donne. Le changement doit être apporté en haut de la hiérarchie de
l’enseignement. Par exemple, à l’université, les futurs enseignants devraient
suivre des cours consacrés uniquement aux intelligences différentes et non
juste aux enfants qui ont des troubles d’apprentissage, puisque ces troubles
sont souvent créés par l’ignorance quant à la neurodiversité et à tout ce que
cette dernière apporte au monde. Ce n’est pas une coïncidence que ces
troubles apparaissent souvent à l’école… là où l’enseignement a été inventé
pour les neurotypiques.

Ouvrir des portes (expression)


Selon moi, une chose qui pourrait énormément aider l’enfant autiste
Asperger serait de lui ouvrir plusieurs portes. À l’école, il risque de se sentir
différent et seul puisque ce sont des enfants neurotypiques qu’il côtoie.
Cependant, si par exemple vous l’inscrivez au tennis, au badminton ou dans
un club d’échecs et qu’il y développe une passion, même s’il est entouré de
neurotypiques, ceux-ci ont un intérêt en commun avec lui, ce qui l’aidera à
créer des liens et un sentiment d’appartenance. Il se sentira
systématiquement moins seul. Par exemple, si votre enfant autiste est
obsédé par l’astronomie, amenez-le dans des associations d’astronomes
amateurs.
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont ouvert cette porte, ce qui
fait que tout au long de ma jeunesse, même si je me sentais seule et
différente, le tennis m’aidait à me sentir forte: j’étais une joueuse de tennis,
pas juste un humain différent des autres. Je réalise aujourd’hui à quel point
c’était réconfortant, inconsciemment à ce moment-là, bien sûr.
Pour les adultes, cela s’applique aussi. Si on trouve des passions et qu’on
fréquente des gens qui les partagent, nos chances de moins nous isoler
augmenteront systématiquement.
Pour un
futur meilleur

Concentrons-nous sur les forces des autistes et arrêtons de tenter de


réparer ce qui n’est pas brisé. Le potentiel de ces enfants, de ces
adolescents et de ces adultes est beaucoup plus grand et important que
leurs difficultés illusoires générées par nos normes sociétales étroites.

— Tanya Izquierdo

Je ne suis pas un être suprême qui possède la réponse à tout. En fait,


considérant la quantité incommensurable de ce qu’il y a à savoir sur la Terre
et dans l’Univers, je ne connais rien de rien. Je ne suis que moi, humaine,
autiste Asperger qui possède une vision des choses que j’extériorise à
travers ce livre et qui, j’espère, pourra sensibiliser la société à l’importance
de la différence neurologique, surtout pour les futures générations. Pour nos
enfants, nos œuvres d’art. Et vous, gens touchés par le syndrome
d’Asperger et aussi tous ceux représentant la neurodiversité, les surdoués,
ceux qui présentent un TDAH, vous faire sentir comme vous le méritez,
comme ce que vous êtes réellement. Des êtres humains incroyables,
uniques, contribuant à la richesse de la diversité sur Terre, celle de la
neurodiversité, sans quoi notre monde serait incomplet, fade et en grand
manque de substance.
Quand on regarde nos enfants Aspies, fascinés par leurs passions, devenir
des petits professeurs passionnés devant nos yeux, le petit garçon autiste au
bout de la rue qui collectionne des cailloux par passion inébranlable et qui
s’épanouit au sein de cette passion, quand on regarde Daniel Tammet,
Albert Einstein, Susan Boyle, comment peut-on même oser envisager guérir
qui que ce soit présentant des traits autistiques Qui est qui pour dire que ces
gens, ces humains sont brisés? La seule chose qui est brisée, c’est la
solidarité des êtres humains, la compassion et l’acceptation de la différence.
La seule chose qu’il faut envisager de guérir quand on parle de l’autisme,
c’est la perception de la société par rapport à la différence neurologique que
représentent les autistes. L’autiste n’est pas malade, l’autiste est différent et
il n’y a simplement rien à guérir. Il y a un travail sociétal majeur à
accomplir.
Il faut commencer à réaliser que c’est la société qui brise les personnes
autistes. Bien que plusieurs autistes Asperger s’adaptent et évoluent selon
leur plein potentiel, trop d’entre eux sont plutôt enchaînés, brimés,
dévalorisés et laissés pour compte par les normes sociales étroites. Ces gens
ont du mal à vivre, et ce mal apparaît quand ils essaient de vivre et
d’évoluer en société. Peut-être qu’ils auraient eu une meilleure vie si nous
les avions acceptés, si nous les avions traités comme ils le méritent. Peut-
être seraient-ils devenus les astronautes ou les paléontologues qu’ils
aspiraient à être si nous avions cru en leur potentiel au lieu de focaliser sur
leurs difficultés souvent illusoires. Tous n’ont pas la chance non plus
d’avoir un bon entourage et une bonne famille pour les encourager. Tous
ces aspects agissent directement sur le développement et l’évolution de la
personne autiste Asperger. Cela dit, on ne peut décider de la famille dans
laquelle on naît, mais la perception de la société, elle, peut et doit évoluer.
Si nous, en tant qu’adultes, prêchons non seulement l’acceptation, mais
l’importance de la différence neurologique, croyez-moi que cela affectera
aussi les enfants et leur perception quant à la différence, ce qui touchera
directement les enfants différents. Ce qui, systématiquement, réduira les
actes d’intimidation et permettra aux autistes Asperger de s’intégrer sans
avoir à être handicapés et jugés à cause de leur différence.
Il faut admirer cette différence puisque, oui, elle est admirable. Autant
que la nature neurotypique.

Valoriser l’humain neurologiquement différent


La réalité est que les autistes Asperger ont un potentiel immense, tout
comme un jeune de 11 ans qui joue au tennis peut avoir un potentiel qui,
plus tard, le mènera au top du classement mondial aux côtés de Roger
Federer et de Rafael Nadal. Si les parents de Nadal n’avaient pas cru en lui
ou si la société ne lui avait pas donné les ressources pour pratiquer son
sport, croyez-vous qu’il serait devenu le Rafael Nadal tel qu’on le connaît
aujourd’hui? Non, certainement pas. Effectivement, ce ne sont pas tous les
jeunes joueurs qui deviendront des Nadal, mais plus on en encouragera,
plus il y en aura. Et c’est pareil pour les autistes, plus on les encouragera,
plus ils s’épanouiront et maximiseront leur potentiel.
Ça ne sert à rien de regarder en arrière; il faut regarder en avant et militer
pour que ces humains magnifiquement uniques, nos enfants et les vôtres,
qui représentent la neurodiversité, soient accueillis avec dignité, respect,
acceptation et amour.
Comme je l’ai écrit dans mon article intitulé «Le nouveau genre
humain», publié au Huffington Post Québec:
Pourquoi enseignons-nous à nos enfants et louangeons-nous l’idée que
les caractéristiques physiques ne devraient pas avoir d’importance? Nous
ne tentons pas de modifier la grandeur des gens plus grands que la norme
de façon à ce qu’ils correspondent à la grandeur moyenne des gens de leur
communauté. Non, nous reconnaissons leur différence et les encourageons
à devenir des joueurs de basket, de hockey, de volleyball ou de tennis. Nous
les encourageons à utiliser leur différence particulière pour accomplir de
grandes choses. Il y a longtemps que nous avons cessé de punir les enfants
gauchers afin de faire d’eux des droitiers. Au contraire, nous avons
développé une panoplie d’articles pour répondre à leurs besoins
particuliers, et leur différence est parfois un atout reconnu dans plusieurs
domaines.
C’est ainsi qu’il faut voir l’autisme à présent, puisque la réalité demeure
que ce sont des humains à grand potentiel qui sont capables de grandes
choses s’ils évoluent dans un environnement qui est conscient de tout ce
qu’ils ont à apporter et de l’importance de leur cerveau marginal dans ce
monde.
Information et soutien pour les gens touchés par l’autisme

La Fédération québécoise de l’autisme


www.autisme.qc.ca

Salon de l’autisme TSA du Québec


www.salondelautismetsa.com

Autisme Montréal
www.autisme-montreal.com

Autisme France
www.autisme-france.fr

Autism, Apserger’s Syndrome


www.autism-help.org

Prévention du suicide
Suicide action Montréal
1-866-277-3553
www.suicideactionmontreal.org
Diagnostic
ASPIE-QUIZ
www.rdos.net/fr

La clinique Autisme & Asperger de Montréal


www.clinique-autisme-asperger-mtl.ca

L’ordre des psychologues du Québec


www.ordrepsy.qc.ca
AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION (2013).
Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.).
Washington, DC: Author. (American Psychiatric Association, 2013).

CIM-10 International Statistical Classification of Diseases and Related


Health Problems, ICD.

FOLSTEIN, Susan ET RUTTER, Michael.


Infantile Autism: A Genetic Study of 21 Pairs, septembre 1977.

GILLBERG & GILLBERG (1989), Diagnostic Criteria for Asperger’s


Syndrome

GRANDIN, Temple, Thinking in Pictures, Expanded Edition: My Life with


Autism (2006), P.50

JAMES, I. Singular scientists. J R Soc. Med. 2003; 96:36-9.

KENNEDY, Diane M.
The ADHD-Autism Connection: A Step Toward More Accurate Diagnoses
and Effective Treatment P. 147 (2002)
LIRATNI, M. et PRY, R.
Profils psychométriques de 60 enfants à haut potentiel au WISC IV
Laboratoire de psychologie, université Montpellier III, route de Mende,
34199 Montpellier MPEA Peyre Plantade, 34295 Montpellier, France.

SOULIÈRES, Isabelle, Michelle DAWSON, Ann Morton


GERNSBACHER et Laurent MOTTRON. The Level and Nature of Autistic
Intelligence II: What about Asperger Syndrome? PLoS One. 2011; 6(9):
e25372. Published online 2011 Sep 28. doi: 10.1371/journal.pone.0025372
PMCID: PMC3182210

MARKRAM, Henry, Kamila MARKRAM et Tania RINALDI. The Intense


World Syndrome – an Alternative Hypothesis for Autism.
(http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2518049/)

O’CONNELL, H. et M. FITZGERAL (2003) Did Alan Turing have


Aspergers? Journal irlandais de médecine psychologique, 20 (1), 28-31.

DE LA MÊME
auteure
IZQUIERDO, Tanya. Les confessions de Juliet Madyson. Éditions La
Semaine.
Je désire d’abord exprimer toute ma reconnaissance au Dr Normand
Giroux, qui m’a diagnostiquée personnellement et qui a aussi diagnostiqué
mon fils. Un spécialiste pionnier passionné du syndrome d’Asperger, pour
qui j’ai un immense respect et une grande admiration du fait qu’il voue sa
carrière à améliorer les connaissances sur l’autisme. Je serai à jamais
reconnaissante de l’impact positif que ma rencontre avec lui a généré dans
ma vie.
Merci à Annie Tonneau, directrice des Éditions La Semaine, pour sa
confiance et à Nathalie Castonguay, neuropsychologue, pour son
témoignage substantiel.
Je souhaite témoigner ma reconnaissance envers mes parents, Nathalie et
Javier, qui m’ont toujours appuyée dans mes projets, même les plus fous, et
qui, en plus d’être des piliers dans ma vie, me sont une grande source
d’inspiration chacun à sa façon.
Finalement, merci infiniment à mon conjoint Steve de m’accepter telle
que je suis, avec mes forces, mes faiblesses et mes excentricités, et surtout
de m’avoir soutenue jusqu’au bout dans l’écriture de ce livre. Mes enfants,
Ana et Loik, vous êtes ma plus grande fierté.
Tanya Izquierdo
Préface
Remerciements
Définitions
Introduction

1. Vue d’ensemble sur le syndrome d’Asperger


2. Gens célèbres confirmés et réputés comme étant Asperger
3. Les caractéristiques de l’autiste Asperger
4. Les mauvaises conceptions
5. Une souffrance invisible
6. Signes que vous êtes Asperger, pour les adultes
7. Le syndrome d’Asperger chez les enfants
8. Le diagnostic
9. Pronostic et comorbidité
10. Une autre intelligence
11. Des différences à chérir et à nourrir
12. Les besoins particuliers
13. Pour un futur meilleur

Ressources
Références
LES ÉDITIONS LA SEMAINE

Charron Éditeur inc.


Une société de Québecor Média
955, rue Amherst, Montréal H2L 3K4

www.editions-lasemaine.com

Directrice des éditions: Annie Tonneau


Couverture: Echo International
Maquette: Marylène Gingras
Réviseurs-correcteurs: Pierre Richard, Marie Théorêt

Les propos contenus dans ce livre ne reflètent pas forcément l’opinion de la maison d’édition.

Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation du titulaire des
droits.

REMERCIEMENTS
Gouvernement du Québec / Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres / Gestion SODEC

L’Éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec


pour son programme d’édition.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre
du Canada pour nos activités d’édition.

© Charron Éditeur inc.


Dépôt légal: deuxième trimestre 2017
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN: 978-2-89703-374-3
ISBN EPUB: 978-2-89703-397-2
Imprimé au Canada.

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