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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti452 - Opérations unitaires. Génie de la réaction chimique

Opérations unitaires : extractions


luide/luide et luide/solide

Réf. Internet : 42332 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)
composé de  :
Industrialisation des procédés et usine du futur Réf. Internet : 42602

Thermodynamique et cinétique chimique Réf. Internet : 42323

Transfert de matière en génie des procédés Réf. Internet : 42326

Opérations unitaires : agitation et mélange Réf. Internet : 42486

Catalyse et procédés catalytiques Réf. Internet : 42325

Électrochimie Réf. Internet : 42322

Réacteurs chimiques Réf. Internet : 42330

Chimie en flux continu Réf. Internet : 42682

Opérations unitaires : séparation Gaz-Liquide Réf. Internet : 42324

Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/ Réf. Internet : 42332


solide

Opérations unitaires : techniques séparatives sur membranes Réf. Internet : 42331

Opérations unitaires : séparation de phases, décantation Réf. Internet : 42484


et filtration

Opérations unitaires : évaporation et séchage Réf. Internet : 42316

Opérations unitaires : tri et traitement des liquides et des Réf. Internet : 42446
solides

Opérations unitaires : traitement des gaz Réf. Internet : 42485

Modélisation en génie des procédés Réf. Internet : 42328

Innovations en génie des procédés Réf. Internet : 42487

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)

dont les exper ts scientifiques sont  :


Jean-Claude CHARPENTIER
Professeur et directeur de recherches CNRS au Laboratoire Réactions et Génie
des Procédés à l'ENSIC-Nancy, Ancien directeur de l'ENSIC-Nancy, de l' ESCPE
Lyon et du département Sciences pour l'ingénieur du CNRS, Past-président de
la Fédération européenne de génie chimique (EFCE)

Jean-Pierre DAL PONT


Président de la SFGP (Société française de génie des procédés), Secrétaire
général de l'EFCE (Fédération européenne du génie chimique), Président de la
SECF (Société des experts chimistes de France)

Jean-François JOLY
Ingénieur de l'École supérieure de chimie industrielle de Lyon, Ingénieur-
docteur de l'Université de Lyon, Directeur expert à l'IFP Énergies Nouvelles

Julien LEGROS
Directeur du Groupement de recherche sur la Synthèse en flux continu (GdR
CNRS 2053 Synth_Flux)

Olivier POTIER
Responsable du Groupe Thématique de la Société Française de Génie des
Procédés (SFGP), Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (CNRS UMR
7274, Université de Lorraine, Nancy), École Nationale Supérieure en Génie des
Systèmes et de l'Innovation (ENSGSI - Université de Lorraine)

Marie-Odile SIMONNOT
Professeur en Génie des procédés à l'Université de Lorraine (Nancy)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Gino BARON Marie-Hélène MANÉRO Natacha ROMBAUT


Pour l’article : J2731 Pour l’article : J2730 Pour l’article : J2775

Béatrice BISCANS Francis MEUNIER Hélène


Pour l’article : J2788 Pour l’article : J2731 ROUX de BALMANN
Pour l’article : J2786
Nicolas BRODU Jean-Paul MOULIN
Pour l’article : J2730 Pour l’article : J1073 Victor SANCHEZ
Pour l’article : J2786
Arnaud BUCH Hervé MUHR
Pour l’article : J1078 Pour l’article : J2798 Moncef STAMBOULI
Pour les articles : J1073 –
Farid CHEMAT Dominique PAREAU J1078
Pour l’article : J2775 Pour l’article : J1073
Lian-Ming SUN
Gérard COTE Michel PERRUT Pour l’article : J2731
Pour les articles : J2760 – Pour les articles : J2770 –
J2761 – J2762 J4950 Alain VALLAGEAS
Pour l’article : J2775
Jean-François JOLY François PUEL
Pour l’article : J2775 Pour l’article : J2710 Stéphane VEESLER
Pour l’article : J2710
Marie Mohamed RAKIB
LE PAGE MOSTEFA Pour les articles : J1073 – François DE DARDEL
Pour l’article : J2798 J1078 Pour les articles : J2783 –
J2784 – J2785
Jean LEYBROS Njara
Pour les articles : J2764 – RAKOTOMANOMANA
J2765 – J2766 Pour l’article : J2775

Denis MANGIN Vincent RAPINEL


Pour l’article : J2710 Pour l’article : J2775

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VI
Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/
solide
(Réf. Internet 42332)

SOMMAIRE

1– Extraction liquide-liquide Réf. Internet page

Extraction liquide-liquide. Présentation générale J2760 11

Extraction liquide-liquide. Bases physico-chimiques des procédés J2761 15

Extraction liquide-liquide. Déinition du procédé - Réactifs industriels J2762 19

Extraction liquide-liquide. Description des appareils J2764 23

Extraction liquide-liquide. Modélisation des colonnes J2765 27

Extraction liquide-liquide. Choix, calcul et conception des appareils J2766 31

Transfert de matière. Extraction liquide-liquide J1073 35

Transfert de matière. Extraction liquide-liquide avec réaction chimique J1078 39

Extraction par luide supercritique J2770 41

Applications industrielles des luides supercritiques et équipements de mise en oeuvre J4950 45

Gaz liquéiés comme solvants alternatifs appliqués à l’éco-extraction du végétal J2775 47

2– Cristallisation Réf. Internet page

Cristallisation. Aspects théoriques J2710 53

Cristallisation en solution. Procédés et types d'appareil J2788 57

Cristallisation en milieu fondu. Procédés et mises en œuvre J2798 63

3– Adsorption Réf. Internet page

Adsorption. Aspects théoriques J2730 71

Adsorption. Procédés et applications J2731 77

4– Échange d'ions Réf. Internet page

Échange d'ions. Principes de base J2783 85

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VII
Échange d'ions. Mise en oeuvre J2784 91

Échange d'ions. Applications J2785 99

Électrophorèse préparative J2786 105

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Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/
solide
(Réf. Internet 42332)


1– Extraction liquide-liquide Réf. Internet page

Extraction liquide-liquide. Présentation générale J2760 11

Extraction liquide-liquide. Bases physico-chimiques des procédés J2761 15

Extraction liquide-liquide. Déinition du procédé - Réactifs industriels J2762 19

Extraction liquide-liquide. Description des appareils J2764 23

Extraction liquide-liquide. Modélisation des colonnes J2765 27

Extraction liquide-liquide. Choix, calcul et conception des appareils J2766 31

Transfert de matière. Extraction liquide-liquide J1073 35

Transfert de matière. Extraction liquide-liquide avec réaction chimique J1078 39

Extraction par luide supercritique J2770 41

Applications industrielles des luides supercritiques et équipements de mise en oeuvre J4950 45

Gaz liquéiés comme solvants alternatifs appliqués à l’éco-extraction du végétal J2775 47

2– Cristallisation

3– Adsorption

4– Échange d'ions

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Extraction liquide-liquide
Présentation générale

par Gérard COTE
Professeur
Institut de Recherche de Chimie Paris, PSL Research University, Chimie ParisTech – CNRS

1. Principes de la méthode d’extraction liquide-liquide................ J 2 760v2 - 2


2. Définitions et nomenclature ............................................................. — 3
3. Classification des systèmes d’extraction ..................................... — 3
3.1 Extractions non compensées.................................................................. — 3
3.1.1 Extractions simples ........................................................................ — 3
3.1.2 Extractions par solvatation............................................................ — 5
3.1.3 Extractions par réactions acide-base............................................ — 6
3.2 Extractions par échange d’ions .............................................................. — 6
3.2.1 Extractions par échange de cations.............................................. — 6
3.2.2 Extractions par échange d’anions................................................. — 8
4. Physico-chimie et phénomènes de coordination ........................ — 9
5. Caractéristiques et contraintes d’un système industriel ......... — 10
6. Conclusion ............................................................................................. — 11
7. Glossaire ................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 2 760v2

’extraction liquide-liquide est une technique de séparation largement


L utilisée à l’échelle industrielle, dans des domaines aussi variés que l’hydro-
métallurgie classique, l’industrie nucléaire, la pétrochimie, l’industrie
pharmaceutique ou encore l’industrie agroalimentaire. Bien que le principe de
cette technique soit relativement simple, les séparations qu’elle permet de réa-
liser sont en réalité le résultat de la conjonction d’un grand nombre de
phénomènes physico-chimiques.
La classification des systèmes d’extraction proposée dans ce premier
article [J 2 760] sur l’extraction liquide-liquide repose sur une approche macros-
copique des transferts de masse utile dans une vision procédés : extractions non
compensées, extractions avec échanges de cations ou échanges d’anions.
Cependant, au-delà de cette classification, l’attention du lecteur est attirée sur
l’importance des phénomènes de coordination sur lesquels repose largement la
formation de nombreuses espèces extractibles d’intérêt. En particulier, dans le
cas de l’extraction des métaux en hydrométallurgie, l’importance relative des
interactions en sphère interne et en sphère externe au sein des entités formées
en phase organique est discutée dans le cadre d’une approche unificatrice souli-
gnant la continuité des phénomènes entre les échelles moléculaire et
supramoléculaire. Cela permet d’identifier les leviers dont dispose l’ingénieur
pour concevoir des systèmes d’extraction sélectifs vis-à-vis d’ions cibles, mais
également d’appréhender les verrous qui s’y opposent.
L’article [J 2 761] est centré sur les aspects thermodynamiques et cinétiques
des transferts de matière entre deux phases liquides non miscibles.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 2 760v2 – 1

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ________________________________________________________________________________________________________

L’article [J 2 762], quant à lui, donne quelques éléments sur la définition d’un
procédé d’extraction liquide-liquide, mais il est surtout consacré à la présenta-
tion des réactifs industriels disponibles pour formuler un solvant d’extraction.
Les articles suivants [J 2 765] et [J 2 766] concernent plus particulièrement
les aspects pratiques, la mise en œuvre et le développement industriel. Enfin,
l’article [J 2 770] est entièrement axé sur les séparations par extraction à l’aide


de fluides supercritiques.
Le lecteur pourra également consulter les articles [P 1 425] et [J 2 780].

Principales notations
Extrait Solvant
Symbole Unité Description
Activité de l’espèce i, activité de
l’eau
Soluté
[A], C, Ci mol · L–1 (M)
mol · kg–1 Concentration
kg · m–3 Raffinat Solution
d’alimentation
CMC mol · L–1 (M) Concentration micellaire critique
Figure 1 – Schéma de principe de l’extraction liquide-liquide
Rapport de distribution
D (souvent appelé coefficient de
distribution)
En pratique, un étage d’extraction liquide-liquide requiert deux
Fraction extraite (rendement opérations successives :
E %
d’extraction) – une mise en contact intime des deux phases liquides durant
un temps suffisant à l’obtention de l’équilibre ou d’un état proche
HL Extractant acide de l’équilibre et pendant lequel le ou les solutés sont transférés de
la phase d’alimentation dans le solvant. À l’équilibre, le rapport
KD Rapport de partage
des concentrations du soluté dans l’extrait et dans le raffinat,
αA/B Facteur de séparation de A et B appelé rapport (ou coefficient) de distribution, donne une
mesure de l’affinité relative du soluté pour les deux phases ;
Le surlignage est utilisé pour désigner les espèces se trouvant en phase – après leur contact, une séparation ultérieure des deux
organique ou les grandeurs se rapportant à la phase organique. L’absence liquides (extrait et raffinat) sous l’effet de la gravité naturelle
de surlignage indique que l’on a affaire à des espèces présentes en phase
aqueuse ou, si cela est précisé, à l’interface. auquel peut s’ajouter dans certains cas la mise en œuvre d’autres
forces : force centrifuge, champ électrique, etc.
Depuis les années 1960, l’extraction liquide-liquide est largement
utilisée dans l’industrie au même titre que d’autres techniques de
1. Principes de la méthode séparation dont la distillation, l’échange d’ions, la précipitation et
plus récemment les techniques membranaires. Ce sont les indus-
d’extraction liquide-liquide tries nucléaire et pharmaceutique qui permirent ses premiers déve-
loppements industriels au cours des années 1940-1950, puis
l’industrie pétrolière et pétrochimique au cours des années
1955-1965. C’est à partir de 1960 qu’elle a connu un réel essor dans
L’extraction liquide-liquide constitue une opération uni-
le domaine de l’hydrométallurgie en permettant la récupération de
taire du génie chimique et du génie des procédés. Elle doit son
métaux contenus dans des solutions aqueuses variées (cuivre, ura-
origine à la chimie analytique dont les méthodes d’identifica-
nium, gallium, terres rares, etc.).
tion des espèces en solution sont fondées sur des techniques
de séparation. Plus précisément, l’extraction liquide-liquide est Actuellement, ce procédé de séparation des constituants d’un
un procédé qui permet la séparation de deux ou plusieurs mélange et/ou de concentration est tout particulièrement utilisé
constituants d’un mélange en mettant à profit leur distribu- lorsque les conditions technologiques ou physico-chimiques lui
tion inégale entre deux liquides pratiquement non miscibles. sont favorables, comme c’est le cas pour :
– la séparation des composés à températures d’ébullition voi-
Généralement, on met en contact intime une solution d’ali- sines (séparation de certains hydrocarbures aromatiques et
mentation, contenant les constituants à séparer (solutés) avec aliphatiques) ;
une seconde phase liquide appelée solvant souvent composée – la séparation d’azéotropes eau-acides minéraux ;
d’un extractant et d’un diluant, voire d’un modificateur de – la séparation de composés thermosensibles ou instables
phase, qui extrait préférentiellement un ou plusieurs des solutés. (obtention des antibiotiques) ;
Le solvant qui contient alors le ou les solutés est désigné sous le – la concentration et la purification de solutions relativement
terme d’extrait, la solution d’alimentation ayant perdu la majeure diluées (cas des solutions diluées de sels métalliques tels que
partie de ces mêmes constituants est appelée raffinat (figure 1). cuivre, uranium, vanadium) ;

J 2 760v2 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

– la substitution à la cristallisation fractionnée (séparation relativement fragiles comme des protéines et des enzymes. Il est
tantale-niobium) ; néanmoins logique de présenter une analyse détaillée des bases
– la séparation d’éléments ayant des propriétés chimiques voi- de l’extraction liquide-liquide dans le cadre de la chimie minérale
sines [séparation uranium-vanadium, hafnium-zirconium, terres choisi ici. En effet, c’est là qu’elles apparaissent à l’état le plus pur
rares, actinides(III)-lanthanides(III)] ; sans trop d’interférences externes, et par ailleurs qu’elles sont
– l’obtention de produits de haute pureté (sels d’uranium de illustrées par des succès aussi importants que variés.
pureté nucléaire, sels de terres rares destinés à l’industrie optique
ou électronique) ;
– des séparations devant être effectuées de manière automatisée
dans un environnement hostile (traitement des combustibles
nucléaires usés).
2. Définitions Q
L’application industrielle de l’extraction liquide-liquide passe par et nomenclature
l’exploitation de connaissances relevant de domaines traditionnels
et divers du génie chimique et du génie des procédés (thermody-
namique et cinétique de l’échange de matière, hydrodynamique, Les définitions et la nomenclature utilisées dans la présente
résistance et corrosion des matériaux sous contrainte), mais aussi série d’articles ([J 2 760] [J 2 761] et [J 2 762]) sont conformes aux
de domaines plus récents dont elle a suscité ou accompagné le recommandations de l’IUPAC énoncées dans le Compendium of
développement, comme : Chemical Terminology – Gold Book [version 2.33 en date du
24/02/2014) (cf. liste des sigles, notations et symboles en début
– l’hydrodynamique et la coalescence des émulsions et des dis- d’article et le glossaire (§ 7)].
persions diphasiques ;
– la spéciation en phase aqueuse qui est encore assez mal
connue dans certains milieux (uranium(VI) dans l’acide phospho-
rique concentré, niobium(V) et tantale(V) en milieux alcalins, etc.) ;
– la physico-chimie du tri ionique (reconnaissance moléculaire et 3. Classification des
conception d’extractants) ;
– la physico-chimie supramoléculaire qui s’intéresse à la struc- systèmes d’extraction
ture des phases organiques laquelle est à l’origine de phénomènes
pénalisants comme la formation de troisièmes phases ; De manière schématique, on peut remarquer que le transfert
– la physico-chimie des interfaces liquide-liquide et des sys- d’un soluté d’une phase d’alimentation dans un solvant peut
tèmes micellaires ; nécessiter un transfert réciproque de matière (c’est-à-dire du sol-
– la modélisation moléculaire, etc. vant vers la phase d’alimentation) ou ne pas en nécessiter. On peut
De façon pragmatique, il convient d’apporter une solution aux ainsi distinguer deux grands types de processus d’extraction :
problèmes concernant : – les extractions par échange d’ions dans lesquelles la phase
– le choix d’un système de phases liquides fondé sur des don- d’alimentation reçoit généralement une nouvelle espèce ou s’enri-
nées physico-chimiques ; chit en une espèce déjà présente (par exemple des ions H+) paral-
– la sélection et la définition d’un diagramme de procédé ; lèlement à l’extraction du soluté enjeu du procédé ;
– le choix et le calcul d’un appareillage ; – les extractions non compensées avec simplement transfert
– l’insertion de cet appareillage dans des unités industrielles d’une molécule ou d’un agrégat d’ions globalement neutre et
d’extraction liquide-liquide et ses aspects particuliers : appauvrissement de la phase d’alimentation.
• conduite et instrumentation,
• choix des matériaux de structure, En fait, chacun de ces deux grands types de processus peut faire
l’objet d’une classification plus fine traduisant des situations
• compatibilité avec l’environnement et respect de la réglemen-
variées (figure 2).
tation.
Un très grand nombre de travaux couvrant tous les aspects
(théoriques, expérimentaux et industriels) de l’extraction
liquide-liquide ont été publiés durant ces dernières décennies. Le
3.1 Extractions non compensées
but de la présente série d’articles [J 2 760] [J 2 761] et [J 2 762] est
de donner une vision synthétique des aspects théoriques de 3.1.1 Extractions simples
l’extraction liquide-liquide, avec le souci d’apporter le recul néces-
saire permettant d’identifier les facteurs essentiels pour sa mise en Dans le cadre des extractions non compensées, les extractions
application avec succès dans les procédés industriels. Dans ce simples de molécules (extractions du type 1a, figure 2) corres-
contexte, il faut souvent se reporter à des références bibliogra- pondent à la situation la plus banale dans la mesure où les forces
phiques sélectionnées pour approfondir certains points. Il faut par motrices du transfert sont de nature purement physique et
ailleurs noter que les articles de cette série sont très centrés sur le où les solutés possèdent le plus souvent la même structure molé-
domaine de la chimie minérale. Les concepts et les principaux culaire dans les deux phases. Industriellement, les extractions
paramètres restent certes les mêmes quand les techniques simples de molécules sont mises à profit à grande échelle, par
d’extraction liquide-liquide sont appliquées en pétrochimie, en exemple pour séparer les composés aromatiques (benzène,
chimie organique fine, en biochimie (extraction de moûts, purifica- toluène et aromatiques en C8) des composés aliphatiques (typique-
tion d’antibiotiques) ou encore dans le domaine des biotechnolo- ment en C6 et C7) initialement présents dans certaines coupes
gies. Cependant, les solvants d’extraction et, le cas échéant, les pétrolières [1] [2].
agents relargants, peuvent y être choisis plus en fonction des
nécessités d’une ou plusieurs réactions chimiques ultérieures que
des critères uniquement relatifs à l’efficacité de l’extraction. En Exemple
particulier, les systèmes biphasiques « phase aqueuse/phase Dans le procédé Union Carbide, c’est le tétraéthylène glycol qui est
organique » sur lesquels est centré l’exposé qui suit peuvent utilisé comme solvant d'extraction. La régénération de ce dernier est
alors devenir des systèmes biphasiques « phase organique/phase assurée par une désextraction consistant en un transfert des compo-
organique » quand il s’agit par exemple de séparer certains hydro- sés aromatiques considérés dans du dodécane. Ces composés
carbures ou, à l’opposé, des systèmes « phase aqueuse/phase peuvent finalement être récupérés individuellement par une série de
aqueuse » lorsque l’on s’intéresse à la séparation de composés distillations tandis que le dodécane est recyclé.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés J 2 760v2 – 3

QS
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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ________________________________________________________________________________________________________

Notations Extractants
A– anion Mextral® CLX50 pyridine disubstituée commerciale
complexe métallique
Ma Xbp − HDEHP acide bis(2-éthylhexyl)phosphorique
anionique
HL extractant acide HDNNS acide dinonylnaphtalène sulfonique


L– base conjuguée de HL TBP tri(n-butyl)phosphate
Mn+ cation métallique TOPO oxyde de trioctylphosphine
Q+ cation organique lipophile
Pour plus de détails sur ces extractants, se reporter à Extraction
R, R′ groupes alkyle
liquide-liquide – Définition du procédé – Réactifs industriels [J2762]
S extractant solvatant
Les espèces chimiques surlignées sont en phase organique, celles non surlignées en phase aqueuse.
1. EXTRACTIONS NON COMPENSÉES
1a. Extractions simples de molécules
Exemples :
– iode dans le système eau/tétrachlorure de carbone
– benzène/toluène/xylène (BTX) dans les systèmes essences-kérosènes/sulfolane
- (procédé Shell/UOP)
– GeCl4 dans le système HCl 8 à 9 M/tétrachlorure de carbone
1b. Extractions de sels ou d’acides à l’aide d’extractants solvatants
Exemples: :
UO22+ + 2NO3− + 2 TBP ⇔ UO2 (NO3 )2 (TBP)2
iH+ + i NO3− + j TBP + h H2O ⇔ (HNO3 ) i(TBP) j (H2O)h avec [i, j, h] = [0,1,1], [1,1,0], [1,2,1], [2,1,0], etc.
CuCl2x− x + (2 − x )Cl− + 2Mextral TM CLX50 ⇔ CuCl2 (Mextral TM CLX50)2
1c. Extractions d’acides à l’aide d’extractants basiques
Exemple :
H+ + HSO4− + 2RR′NH ⇔ (RR′NH+2)2 , SO24−
2. EXTRACTIONS PAR ÉCHANGE D’IONS
2a. Extractions par échange de cations
2a1. Échange simple de cations (liaisons ioniques)
Mn + + (H+ , L− )x ⇔ (Mn + , [x − n] H+)(L− )x + nH+
Exemple :
Th4+ + (H+ , DNNS− )x ⇔ (Th4 + ,[x − 4] H+) (DNNS −)x + 4H+ structures micellaires avec x = 5 à 12 environ
2a2. Échange de cations avec formation simultanée de complexes simples ou de chélates :
n +m
Mn + + (HL)x ⇔ MLn (HL)m + nH+
x
Exemples :
2+
* Cu + 2 HL ⇔ CuL2 + 2H
+
avec HL = hydroxyoxime

2+ 2+m
* Zn + (HL)2 ⇔ ZnL2 (HL)m + 2 H + avec HL = HDEHP et m = 0, 1 ou 2
2

2a3.1 Échange de cations dans un système à extraction synergique


n +m
Mn + + (HL)2 + p S ⇔ MLn (HL)m Sp + nH+
2
Exemple :
UO22+ + 2(HL)2 + TOPO ⇔ UO2L2 (HL)2 (TOPO) + 2H+ avec HL = HDEHP
2a3.2 Échange de cations dans un système à extraction synergique de type micellaire

Mz ++ n(HX)2 + p (HD)m ⇔ M(X2 nH2n +mp −zDmp ) + zH+

Exemple :
UO22+ + 2(HX)2 + (HD)m ⇔ UO2 X 4H2+ mDm +2H+ avec HX = acide 2-éthylhexyl phényl phosphonique et HD = HDNNS
2b. Extractions par échange d’anions
Ma Xbp − + p (Q + , A − ) ⇔ p(A)− + (Q + )p , Ma Xbp −
Exemples :
CoCl24− + 2R 3NH+ , Cl− ⇔ (R3 NH+ )2 , CoCl24− + 2 Cl−

UO2 (SO4 )22− + 2 (R3NH+ )2 , SO24− ⇔ (R3NH+ )4 , UO2 (SO4 )43− + SO24−

Figure 2 – Classification des systèmes d’extraction liquide-liquide

J 2 760v2 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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Extraction liquide-liquide
Bases physico-chimiques des procédés
par Gérard COTE

Ingénieur de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris (ESPCI)
Docteur d’État ès sciences physiques
Directeur de recherche au CNRS
Professeur à l’ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris)

1. Aspect thermodynamique ...................................................................... J 2 761 – 3


1.1 Miscibilité des phases .................................................................................. — 3
1.2 Données thermodynamiques relatives au partage de solutés ................. — 3
1.3 Modélisation des équilibres de partage au sein
des systèmes d’extraction ........................................................................... — 3
1.3.1 Modélisation des systèmes à interactions purement physiques
(simple partage)................................................................................... — 3
1.3.2 Modélisation des systèmes à interactions chimiques...................... — 4
1.4 Propriétés tensioactives des réactifs d’extraction ..................................... — 7
1.4.1 Généralités ........................................................................................... — 7
1.4.2 Caractère tensioactif de divers réactifs d’extraction ........................ — 8
2. Aspect cinétique ....................................................................................... — 8
2.1 Généralités .................................................................................................... — 8
2.2 Acquisition des données cinétiques ........................................................... — 10
2.3 Régimes et modèles cinétiques .................................................................. — 10
2.3.1 Identification du régime cinétique ..................................................... — 10
2.3.2 Modèles cinétiques ............................................................................. — 10
2.4 Accélération des transferts de masses en système liquide-liquide ......... — 12
2.4.1 Catalyse des réactions d’extraction ................................................... — 13
2.4.2 Utilisation d’un solvant d’extraction ayant la structure
d’une microémulsion .......................................................................... — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc J 2 763

ans l’article précédent [J 2 760] auquel le lecteur est invité à se reporter, ont
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@QYYX@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQX

D été exposés :
— le principe de la méthode ;
— un certain nombre de définitions qui s’y rattachent ;
— une classification des systèmes d’extraction ;
— les principales contraintes imposées par l’exploitation industrielle de cette
technique.
Le présent document est centré sur la description des phénomènes physico-
chimiques qu’il convient de connaître et de maîtriser pour réaliser des sépara-
tions optimales par extraction liquide-liquide. En effet, bien que l'extraction
liquide-liquide puisse apparaître de prime abord comme une technique relative-
ment simple, les séparations qu'elle permet de réaliser, notamment à l'échelle
industrielle, sont en réalité le résultat de la conjonction d'un grand nombre de
phénomènes physico-chimiques. Le but de cette partie n'est pas de faire une
description détaillée de l'ensemble de ces phénomènes, mais de sensibiliser le
lecteur à leur existence et de montrer comment il est possible d'en tirer profit
pour optimiser un procédé industriel.

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

Le concepteur de procédés dispose aujourd'hui d'un choix étendu d'extrac-


tants [J 2 762]. Le plus souvent, son rôle consistera à exploiter les propriétés de
ces composés de la façon la plus judicieuse, sans se préoccuper de l’origine phy-
sico-chimique de ces dernières. Malgré cela, il n’est pas inutile de rappeler com-
ment un réactif d’extraction est conçu. De manière générale, pour réaliser une
séparation dans des conditions optimales, il faut, dans un premier temps, sélec-


tionner un groupement chimique fonctionnel qui satisfasse les conditions de
sélectivité recherchée, c’est-à-dire qui présente des interactions fortes avec cer-
tains constituants du mélange à séparer, et faibles avec d’autres. Dans un
second temps, il faut adjoindre un squelette hydrocarboné au groupement fonc-
tionnel précédent pour que l’ensemble devienne une molécule d'extractant.
Pour ce qui est de la sélection d'un groupement fonctionnel répondant aux cri-
tères de sélectivité requis, diverses approches sont possibles. Au cours des pre-
mières années du développement de l’extraction liquide-liquide, les extractants
ont souvent été développés à partir de réactifs spécifiques bien connus en ana-
lyse. Par exemple, la partie active de la molécule de KELEX® 100 n'est autre que
la 8-hydroxyquinoléine. Le réactif LIX® 54-100 s'inspire de l’acétylacétone. Plus
récemment, dans les années 1990, la recherche de groupements fonctionnels spéci-
fiques a trouvé une assistance efficace dans l’utilisation des techniques de modélisation
moléculaire [27] à [30]. Ainsi les ionophores du type calix[4]arène-couronne-6 et
calix[4]arène-bis-couronne-6 qui présentent une sélectivité remarquable en
faveur des ions césium vis-à-vis des ions sodium sont typiquement le fruit d'une
recherche assistée par modélisation moléculaire [29].
Quant au squelette hydrocarboné qu’il faut adjoindre au groupement fonction-
nel pour que l'ensemble devienne une molécule d’extractant, il est le plus sou-
vent constitué d'une (voire deux) chaîne(s) alkyle. Le nombre d'atomes de
carbone ainsi que le degré de ramification sont des paramètres essentiels pour
assurer à la fois une hydrophobie globale suffisante (c’est-à-dire des pertes par
solubilité en phase aqueuse réduites) et une balance lipophile-hydrophile per-
mettant une bonne adsorption à l’interface liquide-liquide où se situe souvent
l’étape limitante du processus de transfert (cas de l'extraction des ions métalli-
ques) (§ 1.4 et 2). Là encore, la recherche d’une configuration optimale peut être
grandement facilitée par l’emploi des techniques de modélisation moléculaire
[31]. De fait, on peut penser que la mise au point de nouveaux extractants béné-
ficiera de plus en plus de ces techniques.
De nombreuses données thermodynamiques et cinétiques pourront être trou-
vées dans la série des actes des congrès ISEC (International Solvent Extraction
Conference) [32] à [41], dans les actes de divers autres congrès [42] à [44], dans
certaines compilations de données [45, p. 15-9]; [46] à [51], ainsi que dans divers
ouvrages spécialisés [3] à [6], [9, 15, 19, 22, 25] [52] à [58]. Par ailleurs, un grand
nombre d’articles se rapportant à l’extraction liquide-liquide paraissent réguliè-
rement dans des revues plus ou moins spécialisées (Cf. liste des références).
Enfin, il est vivement recommandé de consulter des banques d’informations
comme les Chemical Abstracts ou des services plus spécialisés comme la ban-
que de données SOLVEX développée par le groupe MIRO (Mineral Industry
Research Organisation).

Voir aussi les articles [P 1 425] du traité Analyse et Caractérisation et [J 6 630] et [J 2 780]
du traité Génie des procédés.

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___________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

1. Aspect thermodynamique présence de dextran (polymère) et de poly(éthylène glycol). La sépa-


ration des protéines et des aminoacides sont deux exemples repré-
sentatifs de ce type de séparation [53, 60].

1.1 Miscibilité des phases


1.2 Données thermodynamiques relatives
au partage de solutés
La question de savoir si deux phases liquides peuvent coexister
dans un système donné et, lorsque cela est le cas, comment les
composés qui y sont impliqués se partagent entre ces deux phases, Pour étudier les caractéristiques thermodynamiques du partage

est essentielle pour la mise au point d’un procédé de séparation par d'un soluté, il faut mesurer sa concentration dans divers couples de
extraction liquide-liquide. La littérature nous fournit un certain nom- phases après que celles-ci aient été mises intimement en contact
bre de données relatives aux domaines de miscibilité des mélanges jusqu’à équilibre, puis séparées soigneusement. C’est un travail fas-
binaires, ternaires et quaternaires [47, 59], mais celles-ci sont sou- tidieux lorsqu’il est réalisé par simple équilibre en pots, surtout dans
vent fragmentaires et donc insuffisantes face à un problème con- le cas des systèmes à solutés multiples pour lesquels de nombreu-
cret. ses mesures sont nécessaires. On peut toutefois obtenir ces
résultats à l’aide d’un appareil automatique appelé AKUFVE et com-
■ Dans le domaine de l’hydrométallurgie, la phase d'alimentation mercialisé par la société suédoise MEAB [61].
est toujours aqueuse tandis que le solvant d’extraction est toujours
de nature organique. Pour des raisons économiques, il n’est prati-
quement jamais permis de modifier la phase aqueuse ; par suite, le
travail du chimiste est essentiellement axé sur la formulation de la 1.3 Modélisation des équilibres
phase organique. Comme nous l’avons dit plus haut [J 2 760, § 4], de partage au sein des systèmes
celle-ci est typiquement composée d’un diluant, d’un (voire deux)
extractant(s) et le cas échéant d’un ou plusieurs modificateurs. d’extraction
De nombreux diluants organiques sont peu solubles dans l’eau et
inversement l’eau y est peu soluble, et peuvent donc être utilisés Dans le cas d’un soluté unique, dont la distribution n’est pas
comme constituant de base d’un solvant d’extraction. Par exemple, influencée par d'autres composants du système, il existe, à tempé-
la solubilité du n-dodécane et celle du p-xylène dans l’eau sont res- rature et à pression constantes, une relation univoque entre la con-
pectivement égales à 0,04 µg.L–1 et 156 mg.L–1, à 25 °C [25, p. 31]. centration C org du soluté dans la phase organique et sa
Une liste de diluants organiques industriels utilisables en hydromé- concentration C aq en phase aqueuse :
tallurgie est donnée en [J 2 762].
Dans un grand nombre de cas, l’adjonction d’un extractant au sys- C org = f ( C aq )
tème eau-diluant ne modifie pas le caractère diphasique de ce sys-
Cette relation définit la courbe de distribution.
tème. Il y a simplement distribution de l’extractant entre les deux
phases préexistantes. Avec les extractants industriels dont la liste est Dans de nombreux systèmes, il y a compétition et/ou interaction
également donnée en [J 2 762], une telle distribution s’effectue avec entre plusieurs solutés, notamment compétition entre le métal à
un coefficient de partage très élevé en faveur de la phase organique, extraire et les ions H+ de la phase aqueuse [J 2 760, tableau 2, équa-
ce qui permet de limiter dans des proportions acceptables les pertes tion du type 2a]. L’équilibre est alors représenté par une fonction
de réactifs par solubilité. Il arrive toutefois qu’en présence d’un univoque du type :
extractant, il y ait dans certaines conditions apparition brutale d’une
troisième phase liquide ou, plus rarement, solide. Ce phénomène est C 1, org = f ( C 1, aq , C 2, aq , …, C i, aq )
en particulier observé lorsque des acides ou des sels concentrés
sont extraits de leurs solutions aqueuses par des solutions de réac- où C 1, org, C 1, aq, C 2, aq, ..., C i, aq représentent respectivement la
tifs organiques (esters phosphorés, amines à longue(s) chaîne(s), concentration du soluté 1 en phase organique et celles des solutés
etc.). Par exemple, une solution de KELEX® 100 à 100 g.L–1 dans le 1, 2, etc., en phase aqueuse. Cette dernière relation définit une sur-
dodécane démixe (le système comprend alors trois phases liquides) face de distribution dans un espace à i + 1 dimensions.
dès sa mise en contact avec une solution aqueuse fortement acide La connaissance de la courbe ou de la surface de distribution
(HCl 2 M, H2SO4 2 M, etc.). Une telle démixtion est le résultat de la caractérisant un système d’extraction donné est essentielle pour
protonation de la substance active (8-hydroxyquinoléine substituée) l’optimisation et la conduite d’un procédé industriel. C’est pourquoi
de l’extractant et de l’extraction d’acide qui l’accompagne. Dans le on cherche à en faire une représentation mathématique aussi fiable
cas de l’extraction de l’argent(I) ou du palladium(II) par le CYA- que possible. Dans ce but, divers types de modèles peuvent être
NEX® 471X, c’est un problème de précipitation des complexes développés selon la nature des interactions à prendre en considéra-
métalliques formés que l’on rencontre lorsqu’on utilise un diluant tion.
aliphatique.
En général, on cherche à éviter ces phénomènes difficiles à gérer 1.3.1 Modélisation des systèmes à interactions
dans les réacteurs de séparation en ajoutant un modificateur au
diluant si ce dernier est aliphatique et que l’on souhaite conserver
purement physiques (simple partage)
cette option ou, le cas échéant, en s’orientant vers des diluants aro-
Pour les systèmes de distribution à molécules simples, de nom-
matiques (SOLVESSO® 150, SOLVANTAR® 340, SHELLSOL® AB,
breuses corrélations ont été établies à partir de considérations pure-
etc.) qui ont un meilleur pouvoir solvant que les diluants aliphati-
ment thermodynamiques [6, p. 3 à 35] ; [45, p. 4-52 à 4-91] ; [55] ;
ques. Dans le cas du KELEX® 100 évoqué ci-avant, les alcools à lon-
[62] à [66] [J 1 028] :
gue(s) chaîne(s) (décanol, octanol, etc.) sont des modificateurs
efficaces. Pour ce qui est du CYANEX® 471X, l’adjonction de nonyl- — modèle de Heil ;
phénol ou de HDEHP est recommandée. — modèle de Wilson ;
— modèle de Guggenheim ;
■ Dans le domaine de la biologie et des biotechnologies, où l’on a — modèle de Scatchard et Hildebrand ;
affaire à des molécules fragiles, on utilise souvent des systèmes — équation NRTL (Non random two liquids : deux liquides ordon-
aqueux/aqueux. L’existence de deux phases peut être assurée par la nés) ;

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Extraction liquide-liquide
Définition du procédé – Réactifs
industriels Q
par Gérard COTE
Professeur
Institut de Recherche de Chimie Paris, PSL Research University, Chimie ParisTech – CNRS,

1. Définition du procédé ................................................................................. J 2 762v2 - 2


1.1 Principes généraux ..................................................................................... — 2
1.2 Méthodes utilisées ...................................................................................... — 2
2. Réactifs industriels nécessaires à la formulation d’un solvant
d’extraction ................................................................................................. — 3
2.1 Extractants ................................................................................................... — 3
2.1.1 Principaux extractants commerciaux ............................................... — 3
2.1.2 Perspectives de développement dans le domaine
des extractants ............................................................................................ — 3
2.2 Diluants industriels ..................................................................................... — 8
2.3 Modificateurs de phase .............................................................................. — 9
3. Conclusion ................................................................................................... — 9
4. Glossaire ...................................................................................................... — 9
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. J 2 762v2

ans les deux articles précédents « Extraction liquide-liquide – Présentation


D générale » [J2760] et « Extraction liquide-liquide- Bases physico-
chimiques des procédés » [J2761] ont été exposées les bases fondamentales
de l’extraction liquide-liquide.
Le présent article revient à des considérations plus concrètes en donnant
quelques éléments sur la définition d’un procédé d’extraction liquide-liquide et
en présentant les principaux réactifs industriels, c’est-à-dire, les extractants, les
diluants et les modificateurs de phases, disponibles aujourd’hui sur le marché
pour formuler un solvant d’extraction dans le domaine de l’hydrométallurgie. Il
est à noter que les sociétés qui commercialisent des extractants ont connu ces
quinze dernières années un certain nombre de restructurations, la dernière en
date (décembre 2015) étant l’acquisition de Cytec par le groupe Solvay, tandis
qu’il est apparu sur le marché des sociétés, souvent chinoises, qui proposent
des extractants que l’on peut qualifier de « génériques » (par exemple la série
des Mextral® commercialisée par KopperChem (Chine)). Une telle situation
élargit naturellement l’offre d’extractants mais appelle à la prudence, quant à
la qualité et la disponibilité à long terme de ces produits. Par ailleurs, ces
sociétés peuvent être à même de produire des extractants à façon, hors cata-
logue, ce qui peut avoir un intérêt dans certaines situations. La littérature décrit
de très nombreux extractants proposés par un grand nombre de laboratoires à
travers le monde pour des applications variées allant de l’hydrométallurgie pri-
maire au recyclage des ressources métalliques, en passant par le nucléaire.
Cependant, rares sont les molécules qui ont réellement vocation à dépasser le
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQV

stade des études fondamentales, de sorte qu’au final l’inventaire des extrac-
tants commerciaux a peu évolué ces dernières années. Il en va de même pour

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ________________________________________________________________________________________________________

les diluants et les modificateurs de phase, même si on voit apparaître des


lignes de produits, comme la série des diluants ELIXORE®, spécifiquement for-
mulés pour l’extraction liquide-liquide. Ainsi, pour terminer, le présent article
analyse rapidement les perspectives de développement de nouveaux extrac-
tants et diluants, y compris l’utilisation de liquides ioniques.


Pour pallier cet inconvénient, l’extrapolation des résultats du
1. Définition du procédé calcul du nombre d’étages idéaux s’opère de la manière suivante :
– pour les extracteurs à étages individualisés, on définit expéri-
mentalement un rendement pratique de l’étage réel (efficacité de
1.1 Principes généraux Murphree) que l’on utilise pour obtenir le nombre des étages réels
à partir du nombre d’étages idéaux ;
– pour les contacteurs différentiels, on définit, presque toujours
Se reporter également aux articles Transfert de matière- expérimentalement, une hauteur d’appareil équivalente à un étage
Extraction liquide-liquide [J1073] et Transfert de matière. Opé- idéal (hauteur équivalente à un plateau théorique HEPT) qui, multi-
rations à contact permanent [J1077] pliée par le nombre nécessaire d’étages idéaux, donne la hauteur
recherchée de l’appareil.

L’extraction liquide-liquide est une opération unitaire de


génie chimique qui permet la séparation de deux ou plusieurs 1.2 Méthodes utilisées
constituants (solutés) d’un mélange en mettant à profit leur dis-
tribution inégale entre deux liquides pratiquement non mis- Pour des systèmes d’échange à contre-courant, à alimentation
cibles : la phase d’alimentation et le solvant d’extraction. et à reflux multiples, le plus souvent utilisés dans la pratique
industrielle, on obtient les données nécessaires à l’établissement
du diagramme de procédé à l’aide de trois types de méthodes :
La phase d’alimentation est souvent imposée par l’amont d’un les unes graphiques, les autres mathématiques à l’aide de calcula-
procédé, par exemple la lixiviation de minerais en hydrométallur- teurs numériques et, à défaut des précédentes, des méthodes
gie, avec peu de marge de manœuvre pour en modifier les carac- expérimentales.
téristiques. Par contre, le solvant d’extraction doit être formulé Les méthodes de construction graphique sont les mêmes que
avec soin car la (les) séparation(s) souhaitée(s) repose(nt) princi-
celles utilisées pour les distillations, à savoir :
palement sur les propriétés de ses constituants, généralement un
extractant, moteur du transfert sélectif de phase du ou des solutés – la méthode de Ponchon et Savarit, qui utilise un diagramme
visé(s), un diluant et, le cas échéant, un modificateur de phase. d’équilibre triangulaire, applicable à un soluté unique et deux
phases à miscibilité variable avec la concentration du soluté. Cette
Le soluté et son système liquide-liquide étant choisis, la réalisa- méthode concerne essentiellement les systèmes à interactions
tion d’un atelier industriel requiert la détermination d’un diagramme purement physiques [1] ;
de procédé conforme au bloc-diagramme type présenté dans
– la méthode de McCabe et Thiele qui s’applique à un système
l’article [J2760] Extraction liquide-liquide – Présentation générale. Ce
de deux phases pratiquement non miscibles et qui utilise l’iso-
diagramme de procédé définit les conditions opératoires, c’est-à-
therme de distribution du soluté considéré et la droite opératoire
dire les flux entrants et sortants des appareils ainsi que leurs débits
et compositions. Il est établi à partir des données indispensables caractéristique du système pour déterminer le nombre d’étages
suivantes : nécessaires pour réaliser l’extraction [2]. Cette seconde méthode
se rapporte à tous les systèmes à interactions chimiques de
– le nombre d’étages nécessaires aux séparations, pour chaque l’hydrométallurgie, mais son domaine d’application est relative-
étape du procédé (extraction, lavage et désextraction du soluté) ; ment restreint car elle est sensible à la variation du rapport des
– le rapport du volume des phases dans chaque contacteur ; volumes des phases dans les divers étages du procédé (dans cer-
– les performances des séparations, caractérisées par : tains systèmes l’extraction d’un soluté s’accompagne de variations
• la teneur en soluté du raffinat ; notables des volumes des phases – c’est typiquement ce qui se
passe lors de l’extraction de l’acide phosphorique par le diisopro-
• la teneur en soluté de l’extrait avant et après lavage éven- pyléther modifié par du tributylphosphate dans le cadre du pro-
tuel ; cédé PRAYON [3]) – et surtout elle n’est pas adaptée au cas de
• les coefficients de séparation des solutés, notamment des plusieurs solutés interférant dans la distribution.
impuretés du composé principal à traiter. Les méthodes mathématiques reposant sur l’emploi de calcula-
À partir des diagrammes d’équilibre, on ne peut accéder par teurs numériques sont de plus en plus utilisées et faciles à utiliser.
le calcul qu’au nombre d’étages idéaux. Dans la pratique, sur- Elles sont fondées sur une mise en équations plus ou moins com-
tout dans le cas des systèmes à cinétique lente, l’équilibre ther- plète des systèmes étudiés. Actuellement, on peut considérer que
modynamique n’est jamais atteint. Le degré d’approche de cet l’on dispose à la fois de fondements théoriques et de capacité de
équilibre est caractéristique du système chimique étudié, du calcul satisfaisants pour modéliser les aspects thermodynamiques
type de contacteur et des conditions opératoires (intimité et et hydrodynamiques d’un procédé d’extraction liquide-liquide. Par
durée des contacts). Un calcul rigoureux du nombre d’étages contre, les aspects cinétiques nécessitent encore des développe-
réels nécessiterait la connaissance du pseudo-équilibre réel des ments sachant que peu d’études cinétiques sont publiées dans la
appareils, auquel on ne peut accéder dans le cas général et mal- littérature. Selon le but poursuivi, on peut se contenter d’une
gré les progrès récents de la simulation qu’expérimentalement modélisation relativement simple se situant dans le prolongement
et a posteriori. immédiat des méthodes graphiques [4] ou, au contraire, utiliser

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________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

des codes de calculs spécialisés couplés avec des bases de don- au développement d’unités d’extraction liquide-liquide répondant
nées spécifiques et, le cas échéant, avec des codes de spéciation. à des besoins spécifiques.

À titre d’exemples, on peut citer les codes MINCHEM®/MEUM™, Par exemple, en 2011, Solvay a lancé une activité de recyclage des
PAREX [5][6], UsimPac, etc. terres rares contenues dans les ampoules basse consommation (projet
Coléop’terre), mais a décidé d’y renoncer fin 2016, faute de rentabilité.
Dans le cas où les méthodes graphiques et mathématiques ne
sont pas utilisables par manque de données suffisamment com- Un champ d’application dans lequel l’extraction liquide-liquide
plètes, il est encore possible d’obtenir au laboratoire les résultats
expérimentaux nécessaires à l’établissement du diagramme de
procédé par exemple à l’aide d’une batterie de mini mélangeurs-
a probablement encore de beaux jours devant elle, surtout en
France, est celui du nucléaire. Aujourd’hui les combustibles
nucléaires usés sont traités, quand ils le sont, ce qui n’est toujours

décanteurs ou, mieux, d’un micropilote. le cas, par le procédé PUREX qui met à profit les propriétés
extractives du phosphate de tributyle (TBP) [BN3652] [9]. À ce
jour, le procédé PUREX permet de séparer l’uranium et le pluto-
nium contenus dans les combustibles nucléaires usés en vue de
2. Réactifs industriels leur réemploi possible, respectivement sous forme d’uranium de
retraitement et de combustible MOX (combustible nucléaire
nécessaires à la formulation constitué d’environ 8,5 % de plutonium et 91,5 % d’uranium
appauvri, en masse). Une telle séparation permet de réduire l’acti-
d’un solvant d’extraction vité et le volume des déchets nucléaires, tout en valorisant la
valeur énergétique de ces deux éléments, malgré certaines limita-
tions comme le mono-recyclage du plutonium et de l’uranium lié
2.1 Extractants à la physique des neutrons lents. Depuis plusieurs décennies, de
nombreux travaux sont menés pour concevoir des systèmes plus
performants et plus sûrs, notamment vis-à-vis des risques de pro-
2.1.1 Principaux extractants commerciaux lifération (par exemple évolution du procédé PUREX vers le
Depuis longtemps, l’industrie pétrochimique utilise à grande concept COEXTM qui revient à ne plus isoler totalement le pluto-
échelle des procédés d’extraction liquide-liquide notamment nium mais à y laisser une fraction d’uranium). Divers scénarios
pour séparer des composés aromatiques de bases huileuses plus avancés ont été étudiés, en particulier dans la perspective du
(huiles lubrifiantes) ou de bases plus légères comme essences déploiement des réacteurs à neutrons rapides qui rendent pos-
et kérosènes (carburants et combustibles) [7][8]. Ici, la force sible le multirecyclage du plutonium. Dans ce cadre, une grande
motrice d’extraction trouve son origine dans des interactions variété d’extractants (monoamides, diamides, diglycolamides, bis
de nature purement physique. Parmi les solvants d’extraction triazinyl pyridines, bis triazinyl bipyridines, etc.) a été imaginée,
les plus utilisés on peut citer, pour la production d’huiles lubri- mais aucune molécule n’est à ce jour exploitée industriellement
[10][11][12][13].
fiantes :
Dans le domaine de l’hydrométallurgie classique, il y a peu de
– le furfural ;
nouveaux extractants à proprement parler, il s’agit plus de nouvelles
– la N-méthyl-2-pyrrolidone ; formulations, comme le CYANEX® 572 ou le CYANEX® 600 dévelop-
et pour la production de carburants et combustibles : pés respectivement pour l’extraction des terres rares et celle du
molybdène. De manière plus innovante, de nouveaux ligands
– le sulfolane (1,1-dioxyde de tétrahydrothiophène) (procédé bifonctionnels de type amido-phosphonate ont été développés et
Shell / UOP) ; synthétisés pour l’extraction sélective de l’uranium U(VI) avec des
– le tétraéthylène glycol (procédé Union Carbide) ; coefficients de distribution élevés et une sélectivité très prononcée
vis-à-vis du fer Fe(III) en milieu acide phosphorique (5M). En particu-
– la N-méthyl-2-pyrrolidone associée au glycol comme anti-sol-
lier, le DEHCNPB (1-(N, N-diéthylhexylcarbamoyl)nonylphosphonate
vant (procédé AROSOLVAN) ;
de butyle) pourrait rapidement s’affirmer comme un extractant
– la N-formylmorpholine (procédé Morphylex – Krupp-Koppers). industriel de référence pour la récupération de l’uranium contenu
Pour les besoins de la chimie minérale, de nombreux extractants dans l’acide phosphorique [14][15] (brevet WO 2013/167516 A1 –
ont été commercialisés. Les principaux sont présentés dans le PCT/EP2013/059352). Une autre catégorie de composés qui suscite
tableau 1. Certains extractants comme le LIX® 1104, le LIX® 54-100, beaucoup d’intérêt est celle des liquides ioniques. Il s’agit de sels
le KELEX® 100 ou le CYANEX® 302 ne figurent plus aux catalogues possédant une température de fusion inférieure à 100 °C et souvent
des fournisseurs historiques ou des sociétés qui les ont rachetés. même inférieure à la température ambiante [16]. Le nombre de
Malgré tout, en cas d’intérêt, il ne faut pas hésiter à prendre contact combinaisons possibles anions-cations permettant d’accéder à des
avec ces fournisseurs qui peuvent le cas échéant répondre à la sels ayant une telle propriété et pouvant être potentiellement syn-
demande. Par ailleurs, des extractants « génériques » sont apparus thétisés devrait être de l’ordre du trillion, soit un milliard de milliards
sur le marché : Mextral® 54-100 pour le LIX® 54-100, Mextral® 100K (1018), ce qui offre un champ d’étude quasiment infini [17]. Cytec
pour le KELEX® 100, etc. propose une série de liquides ioniques (famille des CYPHOS®) qui
suscitent beaucoup d’intérêt en extraction liquide-liquide, notam-
ment en raison du caractère « vert » qu’on leur attribue eu égard à
2.1.2 Perspectives de développement leur très faible volatilité. En fait, ces composés sont souvent utilisés
dans le domaine des extractants en solution dans un diluant classique comme le toluène ou le Shell-
Sol A150 et se comportent alors comme des échangeurs d’ions
Dans le secteur de la chimie inorganique, l’extraction liquide- liquides au même titre que l’Aliquat® 336 par exemple, classé
liquide peut être considérée comme une technique mature pour jusqu’à présent dans la famille des échangeurs d’anions liquides.
laquelle on ne peut attendre que des investissements relativement Dans ces conditions, ils perdent évidemment leur caractère « vert »
limités. La période de construction des grandes unités comme mais ils peuvent offrir des propriétés échangeuses d’ions intéres-
celles spécialisées dans la production du cuivre est aujourd’hui santes [18][19]. Les liquides ioniques sont aussi parfois utilisés seuls
révolue. L’avenir se situe dans des créneaux spécifiques caractéri- ou après ajout d’un extractant classique, mais sans dilution dans un
sés par des contraintes économiques et/ou environnementales diluant classique [20][21][22][23]. Des fonctions complexantes
particulières. Ainsi, les activités de recyclage pourront donner lieu peuvent être greffées sur les cations ou anions des liquides ioniques

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J 2 762v2 – 3

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Extraction liquide-liquide
Description des appareils
par Jean LEYBROS

Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Organique et Minérale (ESCOM)
Ingénieur-Chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique

Mise à jour de l’article [J 2 756] de Christian LORRAIN paru en 12/1983 dans le présent traité

1. Classification des appareils d’extraction liquide-liquide.............. J 2 764 - 2


2. Extracteurs liquide-liquide à étages individualisés........................ — 2
2.1 Mélangeurs-décanteurs .............................................................................. — 3
2.1.1 Mélangeurs ......................................................................................... — 3
2.1.2 Décanteurs .......................................................................................... — 3
2.1.3 Mélangeurs-décanteurs industriels .................................................. — 5
2.2 Pompes-décanteurs..................................................................................... — 6
2.3 Extracteurs centrifuges ............................................................................... — 6
2.3.1 Hydrocyclones .................................................................................... — 7
2.3.2 Contacteurs centrifuges mécaniques................................................ — 7
3. Extracteurs liquide-liquide différentiels
(à étages non individualisés) ................................................................ — 8
3.1 Colonnes gravitaires.................................................................................... — 9
3.1.1 Colonnes à pulvérisation (ou atomisation) ...................................... — 9
3.1.2 Colonnes à garnissage ....................................................................... — 10
3.1.3 Colonnes à plateaux perforés............................................................ — 10
3.1.4 Colonnes à garnissages orientés (Sulzer)......................................... — 10
3.2 Appareils à agitation mécanique................................................................ — 10
3.2.1 Colonnes agitées ................................................................................ — 10
3.2.2 Colonnes pulsées................................................................................ — 12
3.3 Appareils centrifuges .................................................................................. — 14
3.3.1 Contacteur Westfalia........................................................................... — 15
3.3.2 Contacteur Podbielnak ....................................................................... — 15
3.3.3 Contacteur Alfa-Laval ......................................................................... — 15
3.3.4 Contacteur Quadronic ........................................................................ — 16
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 2 764

’extraction par solvant est la seconde opération unitaire en génie chimique


L après la distillation. Cependant, définir la technologie d’un procédé d’extrac-
tion reste encore de nos jours une entreprise délicate, en raison de la difficulté
qu’il y a de prédire le résultat de la mise en contact de phases entre lesquelles
s’établit un transfert de matière, avec réaction chimique ou non.
L’utilisateur se trouve en effet confronté à un grand nombre de problèmes,
compte tenu de la diversité des paramètres à considérer, allant des propriétés
hydrodynamiques (écoulements complexes) jusqu’aux propriétés interfaciales
des systèmes liquide-liquide mis en jeu.
En premier lieu, il convient de choisir le type de contacteur qui paraît le mieux
adapté au problème posé. Ensuite, il s’agit de concevoir et de dimensionner le
contacteur retenu.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPPT

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

L’objet de ces trois articles est d’apporter au lecteur différents éléments lui per-
mettant d’appréhender la démarche qui conduit à la mise en œuvre d’un pro-
cédé d’extraction liquide-liquide :
Le fascicule [J 2 764] s’intéresse essentiellement à la description des princi-
paux appareils connus ;
Le fascicule [J 2 765] décrit les principaux modèles de dimensionnement des


appareils différentiels continus ;
Le fascicule [J 2 766] est centré sur les aspects liés au choix, au calcul et à
l’exploitation d’un équipement.

1. Classification des appareils


(0)

Tableau 1 – Classification des extracteurs liquide-liquide


d’extraction liquide-liquide industriels
Mode de
Contacteurs à étages
dispersion Contacteurs différentiels
Les appareils utilisés dans les procédés d’extraction par solvant individualisés
des phases
sont des contacteurs liquide-liquide dans lesquels le mélange
intime des deux phases crée une aire interfaciale à travers laquelle Colonnes à plateaux Colonnes à pulvérisation
le soluté peut se transférer. Pesanteur perforés
On distingue deux grandes classes d’appareils : Mélangeurs statiques Colonnes à garnissages
— les contacteurs à étages individualisés ; Colonnes RDC (Escher)
— les contacteurs à étages non individualisés ou contacteurs dif- Colonnes Kühni
Agitation Mélangeurs-décanteurs
férentiels. mécanique Colonnes ARD (Luwa) Colonnes Oldshue-Rushton
Colonnes Scheibel
Dans les premiers, une phase est dispersée dans l’autre et ame- Contacteur Graesser
née à l’équilibre dans le mélangeur, puis les phases sont séparées
par décantation et envoyées à contre-courant dans les étages adja- Colonnes à garnissage
Colonnes à plateaux perfo-
cents. Pulsation Mélangeurs-décanteurs rés
Dans les seconds, généralement constitués de colonnes vertica- Colonnes pulsées a pla-
les, une phase est dispersée dans l’autre qui circule à contre-cou- teaux alternatifs
rant, l’extraction s’effectuant en permanence dans la colonne, où Pompage Pompes-décanteurs
l’on s’efforce de maintenir un profil idéal de concentrations. Les Mélangeurs statiques
phases ne sont séparées ensuite qu’aux extrémités de l’extracteur.
Contacteurs Wetsfalia
Dans chaque classe, on distingue des familles d’appareils caracté- Contacteurs Robatel
Force Mélangeurs-décanteurs Extracteur Podbielnak
risés par le mode d’apport de l’énergie de dispersion des phases : Extracteur Alfa-Laval
pesanteur, agitation mécanique, pulsation, pompage, force centri- centrifuge centrifuges
Contacteurs à empile- Extracteur Quadronic
fuge ou champ électrique (tableau 1).
ment d’hydrocyclones
Champ Contacteurs à champ
électrique électrique
2. Extracteurs liquide-liquide RDC Rotating Disc Contactor
ARD Asymetric Rotating Disc
à étages individualisés
Le lecteur se reportera utilement aux articles spécialisés des
Dans ce type d’appareil, l’aire interfaciale d’échange du volumes J2, J3, J4 Opérations unitaires du traité Génie des procé-
mélangeur est créée soit par agitation mécanique dans un réservoir dés auxquels il sera fait de fréquents renvois.
agité, soit par tout autre dispositif de mélange tel que des Pour obtenir une bonne efficacité d’échange de matière, il faut
mélangeurs statiques, des mélangeurs à jets ou à buses, qui utili- une grande aire interfaciale caractérisée par une dispersion à gout-
sent l’énergie de perte de charge des fluides en mouvement dans tes fines (100 à 200 µm). Au contraire, une séparation mécanique
une tuyauterie. des phases, facile et économique, requiert une dispersion de forte
granulométrie (0,5 à 1 mm). Les solutions industrielles sont toujours
Dans le décanteur, la séparation ultérieure des phases mélangées
un compromis technico-économique entre ces deux exigences
est réalisée soit par décantation gravitaire dans des réservoirs vides
contradictoires.
ou équipés de dispositifs accélérateurs de la coalescence (garnissa-
ges, lits fibreux, électrocoalesceurs), soit par décantation centrifuge Par mélange de deux phases non miscibles, il est possible d’obte-
dans des hydrocyclones ou des décanteurs centrifuges. nir deux types d’émulsions, de caractéristiques fondamentalement
différentes, selon la phase qui constitue la dispersion dans l’autre
En théorie, toutes les combinaisons d’un dispositif mélangeur et
phase continue.
d’un dispositif séparateur sont possibles. Dans la pratique indus-
trielle, on s’en est tenu longtemps aux réservoirs agités et aux Exemple : en hydrométallurgie, on réalise des émulsions de type
décanteurs gravitaires. Quelques procédés hydrométallurgiques aqueux continu (gouttes de phase organique) ou organique continu
ont ensuite utilisé des mélangeurs statiques et des décanteurs (gouttes de phase aqueuse). Ces deux types d’émulsion se différen-
centrifuges. Les décanteurs gravitaires sont presque toujours cient par leurs caractéristiques de décantation et les entraînements
équipés de systèmes coalesceurs. d’une phase dans l’autre après coalescence.

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___________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

L’émulsion en phase aqueuse continue produit, après décantation En pratique, les plages de stabilité correspondent à d’importantes
de l’émulsion primaire, une phase organique claire et une phase variations du rapport des débits de phases.
aqueuse entraînant des gouttelettes très fines (< 50 µm) d’une émul-
Exemple : on peut, pour un système donné, obtenir une phase
sion secondaire. L’émulsion en phase organique continue se com-
aqueuse continue stable pour toutes les valeurs du rapport des débits
porte de manière inverse. Il est ainsi souhaitable, dans un procédé
organique/aqueux inférieures ou égales à 3 et une phase organique
industriel, de maintenir, dans l’étage de sortie de l’extrait, un régime
continue stable pour toutes les valeurs supérieures ou égales à 5.
aqueux continu et, dans la phase de sortie du raffinat, un régime
organique continu. De plus, les émulsions du premier type coales-


Il existe une vitesse minimale, pour un agitateur donné, corres-
cent généralement beaucoup plus vite que les secondes. pondant à une dispersion homogène, sans stratification de liquide.
Des corrélations relatives aux différents types de turbines (hélices,
turbines à aubes centrifuges, à pales droites ou inclinées) ont été
On contrôle leur nature par leurs différences de résistivité
proposées [4] [5].
électrolytique (quelques 10 Ω · cm pour les phases aqueuses
continues et 103 à 104 Ω · cm pour les phases organiques conti- Le réservoir agité est un mélangeur utilisable pour des systèmes
nues). pouvant atteindre de fortes viscosités (750 Pa · s) et ajustable à des
temps de contact très variables (30 s à 30 min), convenant pratique-
ment à toutes les cinétiques.

2.1.1.2 Mélangeurs statiques


2.1 Mélangeurs-décanteurs
Il existe plus de trente variantes commerciales de ce type d’équi-
pement [6] qui a connu, depuis 1960, un essor comme contacteur
Une batterie de mélangeurs-décanteurs est constituée d’étages liquide-liquide. Ils sont constitués d’un segment de tuyauterie ali-
montés en série, comprenant chacun : menté par deux phases circulant à cocourant, où le mélange est
assuré par un garnissage qui crée une turbulence. Ils réalisent un
— un mélangeur où est créée la dispersion nécessaire au trans- réacteur piston tubulaire, dont le temps de séjour, à débits spécifi-
fert de matière ; ques et efficacité constants, est très inférieur à celui d’un réservoir
— un décanteur qui réalise la séparation mécanique des phases agité [1]. Les temps de contact peuvent être très courts (1 à 30 s) et
précédemment dispersées ; sont parfaitement adaptés aux transferts à cinétique rapide.
— un réseau de liaison assurant le transfert à contre-courant des Dans ces mélangeurs (figures 1 et 2), des garnissages créent une
phases coalescées. dispersion par une succession de divisions axiales des flux incidents
et un mélange radial des flux partiels géométriquement décalés.
Ces contacteurs liquide-liquide possèdent l’intéressante propriété
2.1.1 Mélangeurs de fournir des émulsions d’aire interfaciale bien définie puisque la
distribution des tailles de leurs gouttes ([J 2 766] § 3.1.1), très resser-
rées, ne dépend que des vitesses des phases. Leur temps de contact
Si, dans la pratique industrielle, on a utilisé presque exclusive- est ajustable par le choix du nombre de leurs éléments et sa con-
ment des réservoirs agités, on a conçu, dans les années 1970-1980, naissance précise à permis la séparation cuivre-nickel par un chéla-
d’autres systèmes pour quelques applications importantes : tant, en jouant sur la différence de leurs cinétiques d’extraction
(Procédé NUTOX) [1].
— mélangeurs statiques dans l’industrie du cuivre et du nickel
[1] ; Pour éviter des inversions de phase, le choix de la phase continue
impose la nature lipophile ou hydrophile de leur matériau. On réa-
— pompes de mélange dans le raffinage de l’uranium aux États- lise des mélangeurs statiques de toutes dimensions (3 à 1 200 mm
Unis [2] et la pétrochimie [3]. de diamètre).

2.1.1.1 Mélangeurs à agitation mécanique


2.1.2 Décanteurs
Ce sont des réservoirs parallélépipédiques ou cylindriques, à
pales antivortex, équipés des tubulures d’arrivée pour les deux pha- 2.1.2.1 Décanteurs gravitaires
ses, d’un réservoir d’émulsion et d’un agitateur, dont la turbine
mélange les deux phases non miscibles. Leurs caractéristiques sont Ce sont des bacs parallélépipédiques ou cylindriques, pratique-
adaptées pour obtenir une combinaison optimale de l’effet dispersif ment de même hauteur que le mélangeur, équipés :
de cisaillement-turbulence et de son effet de pompage. — d’une alimentation en émulsion ;
Dans un mélangeur, la phase continue de la dispersion sera celle — des déversoirs de sortie des phases aqueuses et organiques
qui entoure la turbine de l’agitateur au repos, avant démarrage. En respectivement dans leurs parties inférieure et supérieure ;
marche continue, les conditions opératoires délimitent des plages — d’un distributeur de l’émulsion ;
de fonctionnement pour lesquelles un seul type d’émulsion est sta- — de déflecteurs ou de garnissage coalesceurs.
ble et une plage d’ambivalence où les deux types sont également À l’arrivée d’une émulsion dans le décanteur, la partie primaire
stables et où des inversions de la phase continue peuvent appa- (gouttes de taille supérieure à 100 µm) forme une bande de disper-
raître. sion qui est composée d’une zone très dense de gouttes de la phase
dispersée, séparée de la même phase coalescée pure par une inter-
Les paramètres qui contrôlent cette plage d’ambivalence, à éviter
face active (front de coalescence), et d’une zone plus diluée qui la
autant que possible dans les unités industrielles, sont :
sépare de la phase continue par une interface passive [7] (figure 3).
— la direction du transfert de masse entre la phase dispersée et la La partie secondaire (gouttes de 1 à 80 µm) forme un brouillard qui
phase continue ; ne coalesce qu’au bout de temps très longs (plusieurs heures). Ces
fines, qui ne représentent que 0,1 à 1 % de la phase dispersée, cons-
— le rapport des débits des phases entrant dans le mélangeur, tituent des entraînements qu’il convient de réduire pour des raisons
ajustable par recyclage de l’une ou l’autre phase ; économiques ou de rejets dans l’environnement. Elles ne peuvent
— les conditions initiales, au démarrage de l’unité. être arrêtées par des garnissages.

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

Entrée du second fluide

des deux fluides


Élément en N Tube enveloppe

l'émulsion
Entrée du

Sortie de
premier
fluide
Q 1. coupe transversale

Entrée du second fluide

des deux fluides


a mélangeur statique Bran et Lubbe

l'émulsion
Entrée du

Sortie de
premier
fluide
2. division des veines liquides (vue en coupe transversale)

1. coupe transversale
Entrée du second fluide

des deux fluides


l'émulsion
Entrée du

Sortie de
premier
fluide
3. division des veines liquides (vue de dessus)

2. éléments diviseurs hélicoïdaux

4. éléments diviseurs SMV 5. éléments diviseurs SMX


3. divisions des flux (régime turbulent) (régime laminaire)
b mélangeur statique Kenics a mélangeur statique CCM Sulzer

Figure 1 – Mélangeurs statiques

Pour des émulsions à fortes teneurs en phase dispersée (plus de


15 % en volume), la coalescence à l’interface est toujours beaucoup
plus lente que la sédimentation des gouttes et détermine la surface
et le volume du décanteur. Dans les appareils industriels, la bande Élément diviseur Tube enveloppe
de dispersion a une épaisseur de 200 a 1 000 mm et représente
80 % du volume du décanteur. Pour des dispersions plus diluées, la b mélangeur statique Prematec
vitesse de sédimentation des gouttes devient prépondérante par
rapport à celle de coalescence. Figure 2 – Mélangeurs statiques
Les facteurs qui déterminent la coalescence primaire sont les sui-
vants [8] :
— nature de la phase continue de l’émulsion ; — des garnissages (IMI) ;
— taille et répartition des gouttes de phase dispersée ; — des lits fibreux ou granulaires (Degrémont) ;
— différence de masse volumique et de viscosité des phases ;
— des fils tissés en grillage ou matelas (Davy Powergas).
— tension interfaciale des phases ;
— rétention de phase dispersée de l’émulsion ; Des recommandations pour l’utilisation de ces divers coalesceurs
— température. ont été proposées [9]. Ils nécessitent des phases propres et stables.
Les systèmes dont le matériau est mouillé par la phase dispersée
2.1.2.2 Coalesceurs sont les plus efficaces. Les garnissages de mouillabilité mixte, tels
qu’un mélange de fils d’acier inoxydable et de polypropylène (mate-
On accélère la coalescence dans les décanteurs par action d’un las type DC Knitmesh de Davy Powergas) sont les plus efficaces [10].
champ électrique ou au contact de parois solides telles que : Dans les garnissages, il existe une hauteur optimale (quelques cen-
— des plaques perforées horizontales ou verticales (IMI, Lurgi) ; taines de millimètres) et une vitesse de passage maximale 1 m · s−1.
— des tôles ondulées (système Fram) ; Tous ces dispositifs ne sont applicables que pour des gouttes d’un

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Extraction liquide-liquide
Modélisation des colonnes
par Jean LEYBROS

Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Organique et Minérale (ESCOM)
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique

1. Introduction............................................................................................... J 2 765 – 2
2. Modèles de détermination du diamètre ............................................ — 2
3. Modèles simples de détermination de la hauteur .......................... — 6
3.1 Contacteurs à étages réels discrétisés....................................................... — 6
3.2 Contacteurs différentiels ............................................................................. — 7
3.3 Limitation des modèles simples................................................................. — 7
4. Modèles de mélange. Hauteur des appareils différentiels ........... — 7
4.1 Nature du mélange axial............................................................................. — 7
4.2 Modèle piston-diffusion .............................................................................. — 10
4.2.1 Hypothèses du modèle ...................................................................... — 10
4.2.2 Dérivation des équations ................................................................... — 10
4.2.3 Profils de concentration ..................................................................... — 11
4.3 Modèle des débits en retour....................................................................... — 12
4.3.1 Hypothèses du modèle ...................................................................... — 12
4.3.2 Dérivation des équations ................................................................... — 12
4.3.3 Profils de concentration ..................................................................... — 13
4.4 Solutions particulières ................................................................................ — 14
4.4.1 Facteur d’extraction E = 1,0................................................................ — 14
4.4.2 Mélange axial dans une seule phase ou aucune ............................. — 14
4.5 Solutions simplifiées ................................................................................... — 14
4.5.1 Relation d’équilibre linéaire ............................................................... — 14
4.5.2 Relation d’équilibre non linéaire ....................................................... — 15
5. Corrélations généralisées ...................................................................... — 16
5.1 Débit spécifique à l’engorgement .............................................................. — 16
5.2 Taille des gouttes et taux de rétention....................................................... — 16
5.3 Coefficients de transfert de matière ........................................................... — 18
5.4 Coefficients de dispersion axiale................................................................ — 18
Références bibliographiques ......................................................................... — 18

e présent article présente une procédure de dimensionnement des appareils


L d’extraction liquide-liquide, de type colonne, dont l’objectif est la prévision
des deux paramètres quasi indépendants que sont la section de passage (le dia-
mètre pour les colonnes) adaptée aux débits du procédé et la longueur ou le
nombre d’étages réels nécessaire pour atteindre une efficacité de séparation suf-
fisante. Le premier dépend essentiellement des caractéristiques hydrodyna-
miques du système de phase. Le second impose une bonne connaissance des
données d’équilibres thermodynamiques et de cinétique de transfert de matière
(cf. l’article [J 1 073] et suivants).
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPT

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

Notations et symboles Notations et symboles (suite)

Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

Ꮽ m2 · m−3 Aire interfaciale Nok Nombre d’unités de transfert relatif


à la phase k
kg · m−3


ck Concentration de la phase k
Pek Nombre de Péclet relatif à la phase k
c*
k kg · m−3 Concentration de la phase k si elle
était à l’équilibre avec l’autre phase Re Nombre de Reynolds

D m Diamètre de colonne Uk, Uke m · s−1 Vitesse de la phase k, à l’engorgement

Dax,k m−2 · s−1 Coefficient de dispersion axiale relatif


à la phase k U0 m · s−1 Vitesse caractéristique des gouttes

d, d32 m Diamètre de goutte, de Sauter Us m · s−1 Vitesse de glissement

d m Dimension caractéristique Ut m · s−1 Vitesse terminale de chute


d’un garnissage des gouttes

E Facteur d’extraction X, Y Concentration adimensionnée

H m Hauteur Z Longueur adimensionnée

h m Hauteur caractéristique d’un élément β, βe Taux de rétention, à l’engorgement


de colonne
σ kg · s−2 Tension interfaciale
kok m · s−1 Coefficient de transfert global relatif
à la phase k
µ Pa · s Viscosité dynamique
ᏺA kg · m−2 · s−1 Flux massique de A
ρ kg · m−3 Masse volumique

1. Introduction rupture et la coalescence. Des modèles plus récents prennent en


compte des variations locales de taille et de rétention. De plus, de
nombreuses corrélations pour prédire le taux de rétention dans diffé-
rentes colonnes ont été proposées. Une compilation récente liste un
Un appareil d’extraction liquide-liquide correctement calculé, ensemble de modèles adaptés à différents types d’extracteurs [1].
qu’il s’agisse d’un appareil à étages discrétisés ou d’un appareil dif-
férentiel, doit :
— assurer le traitement d’un débit fixé de charge ;
— fournir des produits (extrait et raffinat) répondant à certaines
spécifications de pureté tout en respectant un certain taux de
2. Modèles de détermination
récupération. du diamètre
La première de ces obligations est liée à la capacité limite de
l’appareil (engorgement), qui dépend de phénomènes hydrodyna-
miques, la seconde dépend de la difficulté de la séparation, c’est-à- Il existe de nombreuses corrélations pour le calcul des débits
dire des phénomènes liés à la cinétique de transfert de matière d’engorgement des colonnes d’extraction qui partent toutes du
(temps de séjour) et des défauts d’écoulement liés aux phénomènes modèle semi-empirique d’écoulement à deux couches développé
de mélange axial. Dans le cas d’appareils différentiels, la caractéri- par Thornton, dans lequel les deux phases sont considérées comme
sation de l’engorgement conduira à la connaissance de son diamè- continues et circulant en écoulement piston (figure 1). Le fonde-
tre et celle des profils de transfert de matière à celle de sa hauteur. ment du modèle (Pratt [2] - Thornton [3]) repose sur la définition
Les premiers modèles de colonne d’extraction étaient très sim- d’une vitesse de glissement (Slip velocity) entre la phase continue
ples. Les deux phases étaient supposées continues et circuler en (c) et la phase dispersée (d), ou vitesse relative de la phase disper-
contact différentiel. La phase dispersée a tout d’abord été traitée sée Us définie par la relation :
comme une pseudo-phase homogène, puis représentée plus fine-
ment sous la forme de population de gouttes de taille unique, puis de Ud Uc
tailles multiples soumises à des phénomènes de rupture et de coa- U s = ------- + -----------------
lescence. Ces populations de gouttes sont décrites de façon statis- β (1 – β)
tique au moyen du diamètre de Sauter : d32 (cf. § 3.1.1 [J 2 766]). La
concentration de la phase dispersée est supposée constante dans avec 0,0 < β < 1,0, β étant le taux de rétention volumique en phase
une portion donnée de l’extracteur en admettant un équilibre entre la dispersée.

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___________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

P l’intensité de l’agitation pour les colonnes


D agitées (la vitesse de rotation N dans une
colonne à éléments rotatifs ou le produit
Uc amplitude-fréquence AF de la pulsation).
■ Une grande variété d’équations (tableau 1) existe pour relier les
vitesses superficielles des phases et la rétention en phase dispersée.
1–β β De telles équations sont utiles pour estimer la capacité maximale


d’un extracteur colonne et pour corréler la rétention à faible capa-
Ud cité. L’ensemble des équations proposées dans le tableau 1 montre
qu’il est possible, dans la majorité des cas, d’utiliser une relation de
la forme :

Figure 1 – Représentation de l’écoulement piston (modèle Us = U0 (1 − β)m


de Thornton)
pour β < 0,3, conditions opératoires classiques pour la plupart des
procédés, et où les valeurs de m sont de l’ordre de 0 < m < 4.
Les valeurs de m sont fonction du nombre de Reynolds (Re) de la
La vitesse Us est reliée à la vitesse caractéristique, ou vitesse phase continue :
moyenne des gouttes U0, par la relation proposée par Pratt :
ρ c DU 0 n
Us = U0(1 − β) m = C  -----------------
- = CRe 0n
 µc 
Cette vitesse caractéristique est définie comme étant la limite de
Les résultats de Godfrey et Slater [4] sont donnés dans le
la vitesse de glissement quand le taux de rétention tend vers zéro.
tableau 2.
■ Les corrélations existantes donnent la valeur de la vitesse carac- Ces corrélations (tableaux 3 et 4) ont souvent été obtenues en
téristique des gouttes pour de nombreux appareils, elles sont de la négligeant l’échange de matière et on a montré que leur application
forme : peut conduire à des écarts importants avec les résultats expérimen-
taux, sauf dans le cas des colonnes RDC (Rotating Disc Contactor)
f { U 0, [ Ᏸ ], P, [ Ψ X ] } = 0 pour lesquelles existe un modèle amélioré et éprouvé [5].
(0)
avec [Ᏸ] l’ensemble des paramètres géométriques
Tableau 2 – Résultats de Godfrey et Slater [4]
permettant de définir la colonne (le diamètre D
mais aussi le garnissage ou les caractéristiques pour les différentes colonnes
des internes). En général, par souci de Type de colonne C n
normalisation, on ramène les dimensions des
internes au diamètre D de la colonne et c’est Colonnes à garnissage ....................................... 0,007 1
pourquoi D constitue le paramètre essentiel, Colonnes RDC (1) ................................................ 0,19 0,5
[ΨX] l’ensemble des propriétés physico-chimiques du Colonnes pulsées à plateaux perforés .............. 0,16 0,66
système de phases considéré (ρ masse Colonnes Kühni................................................... 0,15 0,8
volumique, µ viscosité, σ tension interfaciale...), (1) RDC : Rotating Disc Contactor
(0)

Tableau 1 – Corrélations pour la vitesse de glissement pour différents types de colonne


Auteurs Équations Type de colonne
Pratt [2] Us = U0(1 − β) Colonne garnie, RDC, pulsée à plateaux perforés

Harmathy [6] Us = Ut [(1 − β)/(1 + β0,33)]0,25 Colonne à pulvérisation : fort Ret et β < 0,2 ;
Ut : vitesse terminale de chute des gouttes
Colonne RDC, ARDC : valeurs a liées à l’aptitude
Misek [7] Us = U0(1 − β)exp− aβ à la coalescence du système (− 10 < a < 10)
Letan et Kehat [8] Us = U0(1 − β)exp− bβ Colonne à pulvérisation : lit dense (fortes rétentions)

Cermak [9] Us = 0,24Ut [(1 − β)/β]0,61 Colonne pulsée à plateaux perforés (0,09 < β < 0,40) ;
Ut : vitesse terminale de chute des gouttes
Marr [10] Us = U0(1 − 0,959β0,67)/(1 − β) Colonne RDC
Tout type de colonne : c > 0 pour traduire l’influence
Slater [11] Us = U0(1 − β)m(1 + cβ) de la coalescence

1 – β  0 ,917 g∆ ρ
Hartland [12] U s = U 0  ---------------------
- , U0 = 2 ,725d ----------- Colonne à pulvérisation
 1 + β 0 ,33 ρc
Thornton [12] Us = 6,19 × 10−4(AF)−0,87(1 − β)0,64 Colonne pulsée à plateaux perforés

U0 ( 1 – β ) n µ d + 0 ,4 µ c Colonne à plateaux vibrants


5  --------------------------- 6
Prochazka [14] U s = ------------------------------------------------- , n = 1 + --- - , m = --- ( n – 0 ,5 ) ρ[...] : fonction de la taille des gouttes et des proprié-
1 + ρ [ ( 1 – β )m – 1 ] 2  µd + µc  7 tés physiques

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RY
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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

■ La vitesse caractéristique des gouttes U0 peut être corrélée à leur si d < dcrit :
vitesse terminale de chute Ut à condition de la corriger par le
facteur CR : U t = 17 ,6 ρ c– 0 ,55 ∆ ρ 0 ,28 µ c0 ,1 σ 0 ,18
U 0 = C R Ut
si d > dcrit :
avec CR coefficient de restriction (0,0 < CR < 1,0) qui
traduit l’effet de ralentissement dû à la géométrie U t = 38 ,3 ρ c– 0 ,45 ∆ ρ 0 ,58 µ c– 0 ,11 σ 0 ,7
de la colonne et à l’agitation et qui peut être

Q assimilé, en première approche, au taux de vide


d’un garnissage en vrac ou à la transparence
axiale des plateaux.
● Systèmes à haute tension interfaciale (P > 107 – Vignes [17]) :

g∆ ρ 2 / 3 ρ 1 / 3
La vitesse terminale de chute des gouttes est reliée à leur d
U t = --------  -----------  -----c  1 – E
------
0
diamètre d par diverses corrélations empiriques dont le choix fait 4 ,2  ρ c   µ c  6
intervenir le nombre hydrodynamique P dont la formulation est :
g∆ ρ d 2
ρ c2 σ 3 avec E 0 = ------------------ (nombre de Eotvos)
P = ------------------ σ
g∆ ρµ c4
■ La condition d’engorgement correspond à la valeur maximale du
■ Parmi ces corrélations, on pourra retenir les suivantes. taux de rétention ou encore aux vitesses superficielles maximales
5
● Systèmes à basse tension interfaciale (P < 10 , Grace [15]) : pour lesquelles le taux de rétention n’augmente plus. De l’expres-
sion de la vitesse de glissement :
µ c P 0 ,149
U t = --------------------- ( J – 0 ,857 ) Us = U0(1 − β) = CRUt(1 − β)
ρc d
on tire :
Ω = 3 ,56 E 0 P 0 ,149 µ c– 0 ,14
(1 − β)Ud + βUc = CRUtβ(1 − β)2
Ω > 59,3 ; J = 3,42Ω0,441

et Ω < 59,3 ; J = 0,94Ω0,757 β


U d = – ----------------- U c + C R U t β ( 1 – β )
● Systèmes à moyenne tension interfaciale (105 < P < 107, Klee et (1 – β)
Treybal [16]) :
1–β
et U c = – ------------ U d + C R U t ( 1 – β ) 2 (0)
d crit = 0 ,3 ρ c– 0 ,14 ∆ ρ – 0 ,43 µ c0 ,3 σ 0 ,24 β

Tableau 3 – Exemple de corrélations pour la vitesse caractéristique U0 pour différents types de colonnes
Auteurs Corrélations Type de colonne

U0 µc D S 2 ,3 h c 0 ,5 D R 2 ,6 Colonne RDC :
∆ ρ 0 ,9 g −1) DR, DS diamètres du rotor et du stator
Logsdail [18] ------------- = 0 ,012  ------
-  --------------2-  -------  -------  ------- (N en s
σ  ρ c   D N   D R  D R  D C DC diamètre de colonne
R
hc hauteur d’un compartiment
a p ρ c – 0 ,5
U 0 = C  -----3- ----------- Colonne à garnissage :
 ε g∆ ρ C = 0,683 pas de transfert
Laddha [19] C = 0,637 transfert c → d
avec ap aire spécifique du garnissage, C = 0,820 transfert d → c
ε taux de vide du garnissage
β Colonne à pulvérisation :
U or 2 2
σ ∆ ρ g – pas de transfert et c → d :
U 0 = α 2  ----------------  --------------
- α2 = 1,088
 2gd or  ρ 2 
Laddha [20] c β2 = − 0,082
d→c:
avec dor diamètre de l’orifice de la buse de – transfert
α2 = 1,42
pulvérisation β2 = + 0,125
1 ,01 0 ,25 Colonne pulsée à plateaux perforés :
U0 µc ∆ ρ 1 ,8 µ d 0 ,3 µ c4 g d or ρ c σ 0 ,9  ρ c σ 4 C0 = 0,6 (coefficient d’orifice)
------------- = 0 ,6  ------
-  ------  -------------3-  -----------------
-
 µ 2   Ψµ 5 
------------
σ  ρ c   µ c   ∆ ρσ  εp taux de transparence des plateaux (surface des
c c
Logsdail et Slater [21] orifices/section colonne)
π 2 ( AF ) 3 ( 1 – ε p ) 2 hc hauteur d’un compartiment
Ψ = --------------------------------------------
- dor diamètre des orifices de plateau
2 ε p2 C 02 h c AF produit amplitude-fréquence (m · s−1)
Colonne à plateaux pulsés :
Lo, Baird et Rama Rao [22] U0 = d32[g2∆ρ2/ρcµc]1/3K−2/3
K constante dépendant du type de colonne
Sens du transfert de matière : c → d de la phase continue vers la phase dispersée et d → c de la phase dispersée vers la phase continue

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SP
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Extraction liquide-liquide
Choix, calcul et conception des appareils
par Jean LEYBROS

Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Organique et Minérale (ESCOM)
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique

1. Généralités................................................................................................. J 2 766 - 2
2. Choix d’un appareil d’extraction liquide-liquide............................. — 2
2.1 Critères de choix .......................................................................................... — 2
2.2 Avantages et inconvénients des différents types d’appareils.................. — 5
2.2.1 Mélangeurs-décanteurs ..................................................................... — 5
2.2.2 Extracteurs centrifuges ...................................................................... — 5
2.2.3 Colonnes à contre-courant................................................................. — 5
3. Calcul des appareils ................................................................................ — 6
3.1 Calcul des mélangeurs-décanteurs............................................................ — 6
3.1.1 Mélangeurs à agitation mécanique................................................... — 6
3.1.2 Mélangeurs statiques ......................................................................... — 6
3.1.3 Décanteurs gravitaires ....................................................................... — 7
3.1.4 Décanteurs centrifuges ...................................................................... — 7
3.2 Calcul des appareils différentiels de type colonne ................................... — 8
3.2.1 Diamètre .............................................................................................. — 8
3.2.2 Hauteur ................................................................................................ — 8
3.3 Calcul des appareils différentiels centrifuges ........................................... — 12
4. Essais pilotes et extrapolation ............................................................. — 13
4.1 Procédures d’essais pilotes ........................................................................ — 13
4.2 Procédures d’extrapolation......................................................................... — 13
5. Conception et exploitation des unités industrielles d’extraction
liquide-liquide ........................................................................................... — 14
5.1 Conduite et instrumentation des unités industrielles............................... — 14
5.1.1 Contrôle et instrumentation des unités industrielles
à étages individualisés ....................................................................... — 15
5.1.2 Contrôle et instrumentation des appareils différentiels .................. — 15
5.2 Matériaux utilisés pour la construction des unités industrielles ............. — 15
5.3 Problèmes d’environnement liés à l’exploitation des unités
industrielles.................................................................................................. — 16
5.4 Économie des procédés d’extraction liquide-liquide ............................... — 16
5.4.1 Coût des équipements ....................................................................... — 16
5.4.2 Coût des procédés .............................................................................. — 16
6. Applications industrielles de l’extraction liquide-liquide ............ — 17
6.1 Applications en chimie minérale ................................................................ — 17
6.2 Applications en chimie organique.............................................................. — 17
7. Conclusion ................................................................................................. — 17
Références bibliographiques ......................................................................... — 18

es deux articles précédents ([J 2 764] et [J 2 765]) ont été consacrés à la des-
L cription des appareillages et à leur modélisation. Le présent fascicule, indis-
sociable des deux précédents, a pour objet les problématiques liées au choix
d’un équipement, à son dimensionnement et à sa mise en œuvre industrielle.
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPT

Outre son efficacité à réaliser un transfert de matière, l’intérêt économique d’un


appareil industriel sera proportionnel à son débit spécifique (volume traité par
unité de surface de la section droite de l’extracteur). Cependant, bien qu’il
paraisse logique de maximaliser les trois paramètres qui l’influencent (coefficient

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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

de transfert, aire interfaciale et potentiel de transfert), il n’existe aucun appareil


qui puisse modifier séparément l’un quelconque de ces paramètres.
Pour satisfaire ces objectifs, on a assisté à l’apparition d’une grande diversité
d’appareils. On estime qu’il existe au moins une vingtaine de types différents
d’appareils en activité industrielle. Cette diversité conduit l’ingénieur, lors de la
conception d’un atelier d’extraction par solvant, à des décisions qui peuvent


être délicates et au mieux subjectives en l’absence d’expérimentation à
l’échelle pilote sur le système considéré.
Le problème fondamental d’un calcul économique et optimisé des extrac-
teurs liquide-liquide à partir de données purement théoriques n’a toujours pas
reçu de solutions totalement satisfaisantes. Aussi, sauf dans quelques cas où
l’on dispose de corrélations empiriques, le recours à des essais prototypes
s’impose dans le cas quasi général et les progrès les plus récents ont abouti
essentiellement à définir des règles plus fiables d’extrapolation de ces essais
au dimensionnement des appareils industriels.

1. Généralités Ainsi, l’énergie qu’il est nécessaire d’apporter au système pour


obtenir la dispersion des phases accroît l’aire interfaciale par
réduction de la taille des gouttes et améliore le transfert par agi-
Le matériel pour mettre en œuvre un procédé d’extraction a tation turbulente dont l’efficacité est supérieure au transfert diffu-
essentiellement pour objet d’assurer le transfert efficace du soluté sionnel. Cependant, des gouttes trop fines se comportent en
à travers l’interface de deux liquides non miscibles, en contact sphères rigides, ce qui tend à freiner le transfert de matière, et elles
intime. Lors de la conception d’un extracteur de type colonne plus circulent moins rapidement, ce qui réduit le débit admissible dans
particulièrement, on recherche souvent un compromis (figure 1) l’appareil (engorgement). Par ailleurs, l’augmentation de l’agitation
entre l’efficacité et la capacité de celui-ci, sans pour autant pouvoir se traduit par une augmentation des phénomènes de dispersion
garantir ultérieurement la stabilité et la reproductibilité des perfor- axiale. Une dispersion efficace devra réaliser une distribution opti-
mances du contacteur employé. misée des tailles de gouttes et être obtenue avec un minimum
d’énergie.
Le débit massique Q de soluté, transféré à travers une surface
d’aire interfaciale, est donné par la relation générale : Outre la résolution du compromis évoqué précédemment, deux
raisons principales justifient la diversité des appareils.
Q = kᏭV ( c – c* ) La première, et la plus évidente, est que l’extraction liquide-liquide
avec k le coefficient de transfert global (m · s–1), est un procédé de séparation très largement utilisé dont les équi-
pements doivent être adaptés aux caractéristiques spécifiques de
Ꮽ l’aire interfaciale par unité de volume (m2 · m–3), chaque procédé qui sont par exemple :
V le volume de l’appareil de contact (m3), — le nombre d’étages de séparation nécessaire (1 à 100) ;
(c – c *) le potentiel de transfert entre la concentration du — la mise en contact des phases : une forte agitation est néces-
soluté à l’instant t considéré et sa concentration à saire pour les systèmes à fort écart de densité ou à forte tension
l’équilibre (kg · m–3). interfaciale ;
— la séparation des phases : elle peut être difficile avec les sys-
Le coefficient de transfert de masse traduit les résistances diffu- tèmes à faible différence de densité ou à faible tension interfaciale ;
sionnelles au transfert de soluté, qu’elles soient de nature chimi- — la présence de solides en suspension ;
que ou purement physique.
— la radioactivité, corrosion, inflammabilité.
La seconde raison est historique. De nombreux extracteurs ont
été développés, à l’origine, pour un procédé particulier à l’intérieur
d’une société. De tels extracteurs continuent à être utilisés dans
Internes Agitation ces sociétés par tradition ou savoir-faire propre.
Mélange axial Exemple : les colonnes Karr à plateaux pulsés doivent leur origine à
l’industrie pharmaceutique, alors que les colonnes RDC ont été déve-
Mélange axial
loppées pour l’industrie pétrolière.
Temps de séjour

Rupture
2. Choix d’un appareil
Aire interfaciale
Efficacité
d’extraction liquide-liquide
Capacité Capacité
Efficacité 2.1 Critères de choix
Compromis Compromis
Bien que la tentative ne soit pas aisée, dégager des critères de
choix, reposant sur des fondements objectifs, apparaît souhaitable
Figure 1 – Compromis efficacité-capacité quand bien souvent le choix reste guidé soit par des idées plutôt

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___________________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

Procédé

Oui
Volume réduit Extracteur centrifuge


Non
Oui Colonne pulsée
Émulsion stable
Extracteur Graesser
Non
Étages théoriques Oui
NET < 5
Oui Mélangeurs-décanteurs
Faible hauteur
Extracteur centrifuge
Non Non
Oui Colonne tout type
Faible surface
Extracteur centrifuge
Étages théoriques Oui
NET > 5
Oui Mélangeurs-décanteurs
Faible hauteur
Extracteur Graesser
Non
Oui
Faible surface

Colonne pulsée à plateaux Oui Oui Grande capacité


Gamme étroite
Colonne Karr (> 50 m3/h)
Non
Colonne RDC Oui Non
Gamme étendue
Colonne ARDC

Colonne pulsée Oui Oui Petite capacité


Colonne Karr Gamme étendue
(< 50 m3/h)
Non
Colonne Scheibel
Colonne Oldshue-Rushton Oui
Gamme étroite
Colonne Khüni

NET nombre d’étages théoriques requis


Figure 2 – Organigramme de présélection
d’un extracteur liquide-liquide

subjectives, soit dans le meilleur des cas par des considérations nécessaires ou quand l’espace disponible est réduit, pour des sys-
fondées sur l’expérience acquise dans un atelier avec un type tèmes liquide-liquide présentant une tendance à l’émulsification ou
donné de contacteur. une faible différence de densité. Ils ne conviennent pas pour des
On trouve dans la littérature des essais de compilation des fortes charges en solides et pour des systèmes où le transfert de
divers appareils sur la base de classification, des organigrammes matière est contrôlé par une réaction homogène lente. De plus, ce
d’aide à la sélection (figure 2) ou encore des tableaux comparatifs n’est pas une solution très économique.
dans lesquels des notes sont attribuées à chaque type d’appareil Les mélangeurs-décanteurs sont sans nul doute la meilleure
en fonction de leur aptitude à répondre à certains critères. Ces solution quand un grand nombre d’étages et/ou des charges et des
grilles d’évaluation ont le mérite incontestable de présenter de temps de séjour importants sont requis. Ils ne conviennent pas
manière unifiée l’ensemble des appareils et de dégager des ten- pour des systèmes qui tendent à émulsifier. Leur conception ne
dances, permettant, sinon d’orienter l’utilisateur vers un appareil nécessite pas d’études préliminaires très poussées et, la plupart du
donné, du moins d’éliminer ceux qui ne seraient pas du tout adap- temps, il est possible d’ajuster leur fonctionnement de façon à
tés au problème posé. La liste des critères ne prétend pas être s’affranchir de tous problèmes imprévus.
exhaustive et peut être complétée au gré des impératifs (souplesse Bien que les colonnes soient souvent la solution la plus éco-
des arrêts-démarrages par exemple, ou encore quantité de solvant nomique, leurs avantages ne ressortent pas de manière évidente.
immobilisée). Les critères généralement retenus sont donnés dans En particulier, leur utilisation est mise en doute dans les cas où on
l’encadré 1. a besoin d’un grand nombre d’étages théoriques, de charge élevée,
L’examen de ces critères conduit à un certain nombre de ou d’un rapport de phase extrême.
remarques. Il est vrai que, bien souvent, la HEET (hauteur équivalente à un
La gamme d’application des extracteurs centrifuges porte sur étage théorique) pour une colonne est considérée comme étant de
des charges modérées, quand des temps de séjour courts sont l’ordre du mètre. Il faut souligner que ce résultat décevant n’est

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SS
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EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE ___________________________________________________________________________________________________________

Encadré 1 — Critères retenus pour le choix d’un extracteur liquide-liquide

1. Capacité 6. Rapport de débits des phases


La plus petite gamme de capacité retenue (< 0,25 m3 · h–1) corres- Une faible valeur de Ud /Uc a pour effet de réduire le taux de
pond à des colonnes de 100 mm de diamètre au plus, ce qui est la rétention de la phase dispersée et par conséquent l’aire interfa-
taille typique des appareils pilotes de laboratoire. Chaque incré- ciale. D’un autre côté, de fortes valeurs peuvent conduire à une

Q ment correspond à un facteur d’échelle de 10 et on considère les


capacités pouvant atteindre 250 m3 · h–1. Cette gamme suffit à
englober la majorité des procédés connus de l’industrie chimique
augmentation du mélange axial de la phase continue. Dans les
deux cas, les performances en souffrent. Les mélangeurs-décan-
teurs, grâce à leurs possibilités de recyclage interne, constituent
ou pétrolière, bien que des unités de plus forte capacité aient été une importante exception.
utilisées, notamment pour l’extraction du cuivre à partir de solu-
tions diluées.
7. Faibles temps de séjour
2. Nombre d’étages théoriques requis (NET) Il est quelquefois nécessaire, avec certains produits sensibles, de
minimiser le temps de contact entre les phases pour limiter les
Pour certains extracteurs, la hauteur requise pour une opération pertes en produit. Les extracteurs centrifuges sont les plus aptes à
donnée croît avec le diamètre ; il en est ainsi, par exemple, pour une répondre à ce critère.
colonne agitée rotative mécanique, en raison de l’augmentation de
la hauteur des compartiments quand on augmente le diamètre, ou
pour des colonnes pulsées à plateaux, en raison de la diminution 8. Aptitude à traiter des solides
des performances observée quand le diamètre augmente. La hau- Certains extracteurs sont très sensibles à la présence de solides
teur de la majorité des extracteurs verticaux tend à devenir exces- qui peut nécessiter leur démontage pour nettoyage. L’ensemble des
sive si plus de 15 ou 20 étages sont nécessaires. Cette limitation ne appareils de type colonne supporte généralement bien des quan-
s’applique pas aux mélangeurs-décanteurs pour lesquels est prise tités de solides qui peuvent être importantes.
en considération la surface au sol.

3. Propriétés physiques du système 9. Tendance à l’émulsification

Pour les colonnes à garnissage, le diamètre de Sauter, d 32 , aux Les appareils non agités conviennent généralement pour le traite-
faibles taux de rétention est donné par : ment de systèmes faiblement émulsifiables (systèmes biologiques
généralement). Par contre, les extracteurs agités, à l’exception des
γ appareils centrifuges, produisent des dispersions très fines et la
d 32 = 0,92 ------------- = 0,92 K séparation peut devenir impossible.
∆ρg
Le paramètre K, qui inclut la tension interfaciale et la différence de 10. Encombrement
masse volumique des phases, apparaît pertinent pour tout type
d’extracteur. Ainsi, pour un contacteur non agité, des valeurs À partir de cinq étages théoriques, des limitations, en hauteur ou
K > 0,6 conduisent à des gouttes de fortes tailles et à une mauvaise en emprise au sol, peuvent apparaître. La seule particularité est
efficacité. Pour un contacteur agité, les conséquences d’une valeur l’extracteur centrifuge qui, par sa compacité, répond à la fois aux
élevée de K peuvent être atténuées par l’augmentation de l’intensité deux critères.
de l’agitation. La séparation des phases peut être lente et le niveau
de l’interface difficile à contrôler quand la différence de densité des 11. Matériaux spécifiques
phases est dans le domaine 30 à 50 kg · m–3. Avec des valeurs infé-
rieures à 30 kg · m–3, il est généralement conseillé de prendre en La mise en œuvre de matières corrosives nécessite l’utilisation de
considération les extracteurs centrifuges. La forte viscosité matériaux adaptés, comme des alliages spéciaux ou des matières
(> 0,02 Pa · s) de l’une ou l’autre phase peut avoir des effets nota- plastiques. Les alliages métalliques sont utilisables dans la totalité
bles sur les performances. Toutefois, aucune règle simple n’est dis- des contacteurs, alors que les matières plastiques ne peuvent pas
ponible pour évaluer ces effets, et chaque cas doit être étudié toujours convenir dès que certains éléments mécaniques sont
expérimentalement. nécessaires.

4. Réaction hétérogène lente 12. Radioactivité


Une réaction lente à l’interface réduira toujours la vitesse du La plupart des extracteurs sont utilisables en présence d’une
transfert de matière et par conséquent augmentera la hauteur faible radioactivité alpha ou bêta, les appareils à mécaniques
requise d’une colonne ou diminuera l’efficacité d’étage. Cet effet complexes doivent cependant être évités si des nettoyages fré-
peut être réduit en augmentant l’aire interfaciale par un accroisse- quents sont nécessaires. En présence d’une forte radioactivité,
ment de l’intensité de l’agitation qui entraîne une réduction de milieux rencontrés dans l’industrie nucléaire, la pérennité des équi-
capacité. L’indice de référence proposé correspond à une réaction pements doit être telle que seuls les appareils les plus simples sont
du 1er ordre de constante cinétique k voisine de 4 × 10–5 m · s–1, qui à considérer a priori.
réduirait la vitesse globale du transfert de 50 % environ.
13. Facilité de nettoyage
5. Réaction homogène lente
Ce critère suppose un besoin régulier de nettoyage pour l’élimi-
Ce type de réaction se traduit généralement par une augmenta- nation de matières solides ou d’autres contaminants.
tion de la vitesse de transfert, puisqu’elle a lieu dans le film inter-
facial. Cependant, si cette réaction est lente, elle peut se poursuivre
14. Faible maintenance
partiellement à l’extérieur de la zone interfaciale et le temps de
séjour peut devenir insuffisant pour que la réaction soit complète Ce critère concerne essentiellement la maintenance mécanique,
au sein de chaque étage. De telles réactions sont rares en extraction roulements, joints, garnitures, mécanismes de pulsation... en
liquide-liquide. dehors des effets liés à la corrosion.

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ST
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jQPWS

Transfert de matière
Extraction liquide-liquide

par Jean-Paul MOULIN
Ingénieur de l’École centrale Paris
Docteur ès sciences
Professeur de génie chimique à l’École centrale Paris
Dominique PAREAU
Ingénieur de l’École centrale Paris
Docteur ès sciences
Professeur à l’École centrale Paris
Mohammed RAKIB
Ingénieur de l’École centrale Paris
Docteur ès sciences
Chef de travaux à l’École centrale Paris
et Moncef STAMBOULI
Ingénieur de l’École centrale Paris
Docteur ès sciences
Chef de travaux à l’École centrale Paris

1. Représentation des équilibres .............................................................. J 1 073 – 3


1.1 Diagrammes décrivant totalement l’équilibre ........................................... — 3
1.2 Diagrammes ne décrivant pas totalement l’équilibre ............................... — 4
2. Opérations simples et opérations successives à courants
croisés — 5
2.1 Extraction simple ......................................................................................... — 5
2.2 Extraction à courants croisés, dite antiméthodique.................................. — 6
3. Opérations à contre-courant ................................................................. — 7
3.1 Bilans matière pour une unité de temps .................................................... — 7
3.2 Calcul et construction graphique de Ponchon-Savarit.............................. — 7
3.3 Méthode de MacCabe et Thiele .................................................................. — 8
3.4 Limitations des performances .................................................................... — 8
3.5 Calcul, à rapport de débits et nombre d’étages imposés ......................... — 9
3.6 Calcul, à nombre d’étages et fuite imposés............................................... — 9
4. Schémas avec plusieurs extractions à contre-courant.................. — 9
4.1 Extraction à deux alimentations ................................................................. — 9
4.2 Extraction-désextraction.............................................................................. — 11
5. Extraction de mélanges multicomposants........................................ — 12
5.1 Un seul constituant majeur ......................................................................... — 12
5.2 Plusieurs constituants majeurs ................................................................... — 12
6. Extraction avec réaction chimique...................................................... — 13
7. Pertinence du modèle. Conclusion...................................................... — 13
Références bibliographiques.......................................................................... — 13

’extraction liquide-liquide est une opération qui fait intervenir le transfert de


L matière d’un soluté entre deux phases liquides non totalement miscibles
entre elles.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPPR

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TRANSFERT DE MATIÈRE ________________________________________________________________________________________________________________

Contrairement à la distillation, le soluté ne change pas d’état au cours de son


transfert ; les phénomènes thermiques ne jouent donc, le plus souvent, qu’un
rôle négligeable.
Considérons une solution binaire (A–B) que l’on doit séparer par extraction
liquide-liquide : cette opération nécessite l’introduction d’un tiers corps C appelé
solvant qui extrait préférentiellement l’un des deux constituants de la solution


considérée, A par exemple. Après contact et séparation, on obtient deux phases :
l’extrait, phase riche en solvant, enrichie en soluté transféré, et le raffinat, solu-
tion de départ, épuisée en soluté.
Ce mode de séparation a deux domaines principaux d’application : la grande
industrie chimique organique d’une part, l’hydrométallurgie et l’industrie
nucléaire d’autre part. L’extraction liquide-liquide permet, en effet, de séparer
des composés de températures d’ébullition voisines (hydrocarbures aliphati-
ques ou benzéniques) grâce à leurs propriétés physico-chimiques différentes (la
distillation, du fait des pressions de vapeur très voisines, exigerait un appa-
reillage beaucoup plus important, donc plus coûteux).
Dans le cas de produits instables ou thermosensibles telle la pénicilline,
l’extraction liquide-liquide permet des séparations rapides et non dégradantes.
Enfin, l’hydrométallurgie est son domaine de prédilection : séparation de
métaux en solution, traitement des combustibles nucléaires irradiés, concentra-
tion de solutions sans apport d’énergie trop important (contrairement à la dis-
tillation ou à l’évaporation).

Principaux symboles et notations Principaux symboles et notations


Symbole Définition Symbole Définition

A masse (ou débit massique) du corps A [Mi] masse réduite d’un mélange (A + B)Mi
dans un mélange
Mi Mj longueur du segment M i M j
B masse (ou débit massique) du corps B
dans un mélange n nombre d’étages

C masse (ou débit massique) du corps C qM débit volumique de la solution M


dans un mélange
ᑬE taux de reflux du côté de l’extrait
c nombre de constituants indépendants
(calcul de la variance) R débit massique du raffinat R
CM concentration volumique de A dans le mélange M
Si débit massique de phase solvant à l’étage i

CM concentration volumique de A’ dans le mélange M
v variance
Cµ concentration de l’espèce µ A
xM =  -------------- abscisse du mélange M
 A + B M dans le diagramme de Janecke
C*
M concentration de la solution organique
en équilibre avec la solution aqueuse A
de concentration CM XM =  ------------------------- fraction massique de A
 A + B + C M dans le mélange M
D coefficient de distribution
A
XM =  ---- fraction massique réduite de A
 B M dans le mélange M
Dapp coefficient de distribution apparent
C
Ᏹ facteur d’extraction yM =  -------------- ordonnée du mélange M dans le
 A + B M diagramme de Janecke
E débit massique de l’extrait E
YM fraction massique de B ou de S dans M
Ki constante d’équilibre apparente d’une réaction
chimique à l’étage i ZM fraction massique de C dans M
Li débit massique de phase aqueuse à l’étage i
∆ débit massique du point opératoire
M, Mi points représentatifs des mélanges M, Mi
µ espèce métallique
M, Mi masses totales (ou débits massiques)
des mélanges M, Mi ϕ nombre de phases

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________________________________________________________________________________________________________________ TRANSFERT DE MATIÈRE

1. Représentation A A
des équilibres (10% B )
(20% C )
B (70% A )
M' A
Cette étude est limitée au cas des systèmes ternaires.
40% A


L’effet de la pression sur les équilibres liquide-liquide est en géné- M
60% B M2
ral négligeable. Nous nous limiterons donc ici à la représentation
des phases liquides. Les seules variables à prendre en compte sont C
la température et les compositions [1]. M1 M3
Un système ternaire peut être totalement décrit à l’aide d’un dia- B C
gramme tridimensionnel. Les sections de ce prisme à température
constante sont soit des diagrammes triangulaires (§ 1.1.1), soit des C
diagrammes de Janecke (§ 1.1.2). B

D’autres diagrammes déduits des précédents, qui ne décrivent Figure 1 – Diagramme triangulaire
pas totalement l’équilibre, sont fréquemment employés pour le cal-
cul des opérations d’extraction liquide-liquide (diagramme de distri-
bution, diagramme de sélectivité). A

1.1 Diagrammes décrivant totalement


l’équilibre

M K
1.1.1 Diagramme triangulaire
(à température et pression constantes) L

1.1.1.1 Représentation d’un mélange ternaire B C


à l'intérieur de la courbe : zone de démixtion
Le triangle considéré peut être quelconque. Si les trois consti-
tuants jouent des rôles symétriques, on lui préférera un triangle
équilatéral, ou bien, en privilégiant certains constituants, on adop- Figure 2 – Diagramme d’équilibre liquide-liquide
tera un triangle rectangle présentant l’avantage de projections
orthogonales (cf. figure 4). Chaque point du triangle représente un
mélange ternaire de composition donnée. masse totale : M 3 = M 1 + M 2
masse de A : M 3 X M3 = M 1 X M1 + M 2 X M2
Nous limiterons notre étude au triangle équilatéral ; les raison- masse de B : M 3 Y M3 = M 1 Y M1 + M 2 Y M2
nements exposés sont valables pour le triangle rectangle [2][3]. masse de C : M 3 Z M3 = M 1 Z M1 + M 2 Z M2
Chaque sommet A, B, C est représentatif d’un des trois corps Ces relations traduisent le fait que le point M3 est le barycentre
purs considérés. Chaque côté représente le mélange binaire des des points M1 et M2 affectés de coefficient égaux aux masses totales
deux corps indiqués aux sommets correspondants. On peut sur des mélanges correspondants.
chaque côté représenter la fraction (massique ou molaire) de
l’un des deux corps. Nous raisonnerons sur les masses ; tous les Le point M3 est donc situé sur la droite M1M2 et sa position est
résultats obtenus par la suite seront, bien sûr, applicables au donnée par la relation :
nombre de moles. Par exemple, sur le côté AB, on lira la teneur M3 M1 M
en B dans le sens A (0 %) vers B (100 %) ; la teneur en A se lira - = -------2-
----------------
dans le sens opposé. M3 M2 M1

avec M3 Mi longueur du segment M 3 M i .


Sur la figure 1, le point M est représentatif d’un mélange de A
Si les trois composants d’un mélange sont miscibles en toutes
(40 %) et B (60 %). De même, la teneur en C se lit sur le côté AC ou
proportions, le système est inutilisable en extraction liquide-liquide.
le côté BC. Dans le cas d’un mélange ternaire, tel celui représenté
Au contraire, les systèmes présentant deux phases liquides dans cer-
par le point M ’, on lit ses teneurs en A, B, C en projetant parallèle-
taines zones de compositions ont de l’intérêt. Il en résulte sur leur
ment aux côtés BC, AC et AB respectivement. Ainsi M ’ est un
diagramme triangulaire un domaine de démixtion (ou zone de non-
mélange de A (70 %), B (10 %) et C (20 %).
miscibilité) limité par une courbe appelée courbe binodale (figure 2).
Nota : la possibilité de représenter sur un diagramme triangulaire la composition d’un Tout mélange M dont le point représentatif est à l’intérieur de ce
mélange ternaire résulte de propriétés géométriques que nous ne démontrerons pas.
domaine se sépare en deux phases liquides représentées par les
points L et K situés sur la courbe binodale et de compositions diffé-
1.1.1.2 Relations barycentriques rentes de celle de M. La phase K est ici plus riche en A que la phase L.
Soient deux points quelconques M1 et M2 situés dans le dia- La règle de la variance s’écrit dans ce cas v = c – ϕ , car tempéra-
gramme triangulaire : ils représentent deux mélanges M1 et M2 de ture et pression sont fixées. Le nombre de constituants indépen-
composition donnée ; si on note XMi, YMi et ZMi les fractions massi- dants c est égal à 3 et le nombre de phase ϕ à 2. La variance v est
ques en A, B et C du mélange Mi et Mi sa masse totale, la position alors égale à 1.
du point M3 qui représente le mélange de M1 et M2 est donnée par Pour une phase saturée donnée, L par exemple, il existe une seule
les bilans matière suivants : phase liquide K en équilibre avec elle.

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Transfert de matière
Extraction liquide-liquide
avec réaction chimique Q

par Arnaud BUCH


Docteur de l’Université Paris VI
Maître de conférences à l’École Centrale Paris ECP
Mohammed RAKIB
Ingénieur ECP
Docteur d’État ès Sciences physiques
Professeur à l’École Centrale Paris
et Moncef STAMBOULI
Ingénieur ECP
Docteur d’État ès Sciences physiques
Professeur à l’École Centrale Paris

1. Mise en équation du phénomène ......................................................... J 1 078 - 2


1.1 Mise en équations ........................................................................................ — 2
1.2 Signification des nombres adimensionnels .............................................. — 3
1.3 Résolution dans un cas simplifié ................................................................ — 4
2. Régimes de transfert en présence de réaction chimique ............. — 4
2.1 Régime de réaction lente (Ha < 0,3)............................................................ — 4
2.2 Régime de réaction modérément rapide (0,3 < Ha < 3) ............................ — 5
2.3 Régime de réaction instantanée (Ha > 3) ................................................... — 6
3. Exemple d’application : partition uranium – plutonium................ — 6
3.1 Cas simplifié : impact sur le dimensionnement du contacteur
liquide-liquide............................................................................................... — 6
3.2 Cas réel : impact sur le choix des réactifs .................................................. — 7
4. Conclusion.................................................................................................. — 8
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 078

e transfert de matière entre deux phases avec réaction chimique dans une
L des phases est un phénomène qui joue un rôle considérable dans les opé-
rations d’absorption gaz-liquide (absorption d’un gaz acide par une solution
basique et vice versa), ainsi qu’en hydrométallurgie (retour sélectif d’une
espèce métallique du solvant vers la phase aqueuse par changement d’état
d’oxydation en présence d’un oxydant ou d’un réducteur approprié).
Lorsque l’espèce transférée est consommée par une réaction chimique, on
observe une accélération du transfert de matière : l’action sur le facteur poten-
tiel se conçoit aisément. L’analyse du problème montre qu’il y a également
action sur le coefficient de transfert dans certains cas.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPPY

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TRANSFERT DE MATIÈRE _____________________________________________________________________________________________________________

1. Mise en équation Remarque : comme le cas de l’absorption gaz-liquide est déjà


étudié (cf. [J 1 079]), nous avons choisi de traiter le cas de la
du phénomène désextraction. Pour alléger les notations, nous ne faisons plus
figurer l’indice 2 relatif à cette phase aqueuse. Au besoin, nous
introduirons les indices a (phase aqueuse) et s (phase solvant).

Compte tenu de l’impossibilité de traiter le problème dans


toute son ampleur, nous nous limitons à un exemple de por-
tée générale dans lequel une espèce M est transférée de la 1.1 Mise en équations
phase 1 (gaz ou solvant) vers la phase 2 (phase aqueuse), où
elle est consommée par une réaction irréversible :
Nota : les valeurs surlignées sont relatives au cœur du
liquide, et les valeurs comportant l’exposant i sont relatives à
M + B → M′
l’interface.

Cette réaction suit la loi de vitesse : Pour établir l’expression du flux molaire de M à l’interface ΦM ,
considérons un volume de couche limite de section unité, du côté
rM = k 0 CMCB de la phase liquide aqueuse (figure 1). Écrivons les bilans relatifs à
M et B pendant une unité de temps dans une tranche élémentaire
avec CM(mol · m–3) concentration volumique de M dans la de ce volume, comprise entre les cotes z et z + dz, (0 ⭐ z ⭐ δ ) :
phase 2,
CB(mol · m–3) concentration volumique de B dans la  dC   dC 
phase 2, − DM  M  = − DM  M  + k 0 CMCB dz
 dz  z  dz  z +dz
rM(mol · m–3 · s–1) vitesse de la réaction dans la phase 2,
et (1)
k0(mol–1 · m3 · s–1) constante de vitesse.
 dC   dC 
− DB  B  = − DB  B  + k 0 CMCB dz
Hypothèses simplificatrices  dz  z  dz  z +dz
– Nous supposons que B et M′ ne sont solubles que dans la avec DM(m2 · s–1) coefficient de diffusion de M dans la
phase 2. phase aqueuse,
– Nous utilisons le modèle de la couche limite, qui permet un DB(m2 · s–1) coefficient de diffusion de B dans la
allégement considérable de l’appareil mathématique par phase aqueuse,
comparaison avec les modèles de la pénétration ou du renouvel-
ΦM(mol · m2 · s–1) flux molaire de M.
lement, et qui mène, ce qui est plus surprenant, à des résultats très
voisins, voire identiques, dans un grand nombre de cas. In fine, Il vient :
nous supposons que le régime stationnaire de concentrations est  d2 CM  
établi et le transfert est infiniment rapide à l’interface (équilibre DM  = k 0 CMCB 
atteint à l’interface).  dz 2  z 
 (2)
 d2 CB 
= k 0 CMCB 
– Compte tenu de la consommation de M par la réaction
DB  
chimique, nous admettons que la concentration de M dans la phase  dz 2  z 

2 est suffisamment faible pour que l’on puisse confondre le flux
molaire NM de M rapporté à un point fixe et le flux molaire JM de avec les conditions aux limites suivantes :
M rapporté à l’écoulement moyen du fluide.
 Ci
i = M1
– Nous supposons également que le coefficient de distribution à CM = CM
l’équilibre Déq de M entre les deux phases 1 et 2 est constant z =0  Déq (3)
(cf. [J 1 075, § 1.3.3]). Cette hypothèse, le plus souvent vérifiée, 
ΦB = 0 ; car B ne quitte pas la phase liquide
permet de calculer des coefficients globaux de transfert.
et :
CB = CB
On rappelle que le coefficient de distribution à l’équilibre est z =δ  (4)
défini comme étant le rapport des concentrations (au sens CM = CM
générique du terme) de M entre les deux phases 1 et 2 à
l’équilibre :
C  i
Déq =  M1 
 CM2  équilibre
1 2 CB
i
CM

En extraction liquide-liquide (cf. [J 1 076]), CM1 et CM2 sont des CM1


concentrations volumiques (ou molarités, exprimées en mol · m–3)
du soluté M respectivement dans les phases solvant et aqueuse ; Déq
est le coefficient de partage ou de distribution utilisé. L’utilisation des i
CM1
concentrations volumiques se justifie par le fait que le soluté M est CM
généralement à l’état de traces de telle sorte que l’on puisse considé- CBi
rer les coefficients d’activité comme à peu près constants. z z + dz z
En revanche, dans le cas de l’absorption gaz-liquide
(cf. [J 1 079]), CM1 correspond alors à la pression partielle pM dans δ′ δ
la phase 1 gazeuse et CM2 est la fraction molaire de M dans la
Figure 1 – Profils de concentration dans les deux phases
phase liquide 2 ; Déq est identique à la constante de Henry H. dans le cas d’un transfert en présence d’une réaction chimique

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J 1 078 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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Extraction par fluide supercritique

par Michel PERRUT



Ancien élève de l’École polytechnique
Docteur ès sciences
Président-directeur général de SEPAREX

1. État supercritique ..................................................................................... J 2 770 - 2


2. Extraction et fractionnement................................................................ — 3
2.1 Architecture générale des procédés d’extraction/fractionnement ........... — 3
2.2 Mise en œuvre des procédés d’extraction/fractionnement ...................... — 3
2.3 Cinétique d’extraction solide-fluide (batch) ............................................... — 3
2.4 Applications de l’extraction solide-fluide ................................................... — 4
2.5 Applications du fractionnement liquide-fluide .......................................... — 7
2.6 Fractionnement chromatographique.......................................................... — 8
3. Éléments économiques ........................................................................... — 9
3.1 Investissement.............................................................................................. — 9
3.2 Fonctionnement............................................................................................ — 9
3.3 Annexes......................................................................................................... — 9
4. Applications non conventionnelles ..................................................... — 9
4.1 Réactions en milieu supercritique............................................................... — 9
4.2 Élaboration de poudres................................................................................ — 10
4.3 Revêtements et peintures ............................................................................ — 11
4.4 Imprégnation ................................................................................................ — 11
4.5 Expansion-Moussage-Aérogels .................................................................. — 11
4.6 Applications biologiques ............................................................................. — 11
5. Développements futurs........................................................................... — 12
Bibliographie ....................................................................................................... — 12

es fluides supercritiques et principalement le dioxyde de carbone CO2


L sous pression (100-400 bar) et à température voisine de l’ambiante (30-60 °C)
font l’objet d’un très vif intérêt car leurs propriétés physico-chimiques parti-
culières permettent d’envisager des applications dans de nombreux domaines :
— l’extraction à partir de produits solides et le fractionnement de charges
liquides sont surtout utilisés en vue d’applications dans les industries alimen-
taires, l’industrie pharmaceutique et la cosmétologie où les qualités exception-
nelles du dioxyde de carbone conduisent à de nombreux développements. On
notera également que des installations de traitement de déchets liquides et
solides à grande échelle sont opérationnelles ou en développement ;
— la chromatographie avec éluant supercritique apparaît comme un com-
plément presque indispensable aux chromatographies en phase gazeuse et en
phase liquide à haute performance alors que le développement industriel du
procédé à l’échelle préparative est en cours ;
— le domaine des matériaux connaît actuellement des développements mul-
tiples : transformation et purification/fractionnement des polymères, fabrication
de poudres très fines, de fibres, de liposomes, microencapsulation, revêtements
et peintures, milieux poreux (mousses, aérogels, céramiques), imprégnation de
matrices diverses (polymères, papier, bois,...) ;
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@QYYY

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EXTRACTION PAR FLUIDE SUPERCRITIQUE __________________________________________________________________________________________________

— plusieurs réactions chimiques sont d’ores et déjà opérées à très grande


échelle dans des conditions supercritiques et la mise en œuvre de réactions
biochimiques dans un solvant supercritique ouvre de nombreux horizons aux
réactions enzymatiques ;
— des applications surprenantes des fluides supercritiques sont utilisées en
biologie : lyse de cellules, stérilisation, inactivation virale.


1. État supercritique à des pressions « acceptables » (de 8 à 20 MPa) ; bon marché et
abondant, le CO2 présente en plus l’avantage décisif d’être non
toxique, non combustible et « naturel ». Ce sera donc un solvant de
choix pour les applications dans les industries alimentaires, phar-
Les corps purs peuvent se trouver soit à l’état solide, soit à l’état maceutiques, cosmétologiques..., où l’extraction et le fractionne-
liquide, soit à l’état gazeux ; dans le diagramme température-pres- ment doivent être conduits à des températures aussi voisines que
sion (figure 1), les régions correspondant à ces trois états sont sépa- possible de l’ambiante afin d’éviter toute dégradation thermique et
rées par les courbes de changement d’état concourantes au point exigeant l’élimination de toute trace de solvant « chimique » dont
triple. Il se trouve que la courbe de vaporisation (liquide-gaz) pré- l’innocuité est toujours sujette à caution.
sente un point d’arrêt dit point critique (PC) correspondant à un cou-
ple de pression-température (pc , Tc) assez facile à atteindre pour la
plupart des composés organiques simples.
Au-delà de ce point critique ( p > p c et T > T c ), un seul état existe :
le fluide est dit supercritique et présente des propriétés très particu-
Point critique
lières sur lesquelles vont reposer les procédés de mise en œuvre. En pc PC
p
effet, les fluides supercritiques et les liquides « subcritiques »
( p > p c mais T < T c ) sont généralement utilisés dans un domaine de
pression allant de 0,9 à 1,2 Tc , où ils ont une masse volumique voi- s l
sine de celle des liquides, une viscosité à peine supérieure à celle
des gaz, une diffusité comprise entre celle des liquides et celle des Solide Liquide
gaz comme le montre le tableau 1. De plus, on peut facilement faire
varier très fortement leur masse volumique et leur pouvoir solvant −
par exemple par une détente isotherme comme indiqué sur la
figure 2 ( D → A ou D′ → A′ ) . g

Gaz

Tableau 1 – Ordres de grandeur de la masse volumique ρ, Point triple


de la viscosité η et du coefficient d’autodiffusion D PT Tc
pour les gaz, les liquides et les fluides supercritiques
T
ρ η D
(kg · m−3) (cP) (cm2 · s−1) Figure 1 – Diagramme du corps pur
Gaz
1 atm, 15 à 30 °C 0,6 à 2 (1 à 3) · 10−2 0,1 à 0,4
Fluide supercritique
Tc , pc 200 à 500 (1 à 3) · 10−2 0,7 · 10−3 Tr = 0,8 D
Tc , 4pc 400 à 900 (3 à 9) · 10−2 0,2 · 10−3 C
ρr
Liquide (solvants Tr = 1
organiques - eau) D'
1 atm, 15 à 30 °C 600 à 1 600 0,2 à 3 (0,2 à 2) · 10−5
1 PC Tr = 1,2

Ces propriétés font des fluides supercritiques des solvants « à


géométrie variable » : excellents solvants dans les conditions
supercritiques, très mauvais solvants à l’état de gaz comprimés. B
Ainsi on peut citer, à titre d’exemple, la solubilité du naphtalène A A'
dans le CO2, qui varie considérablement avec la masse volumique 1
du fluide, c’est-à-dire, à température constante, avec sa pression p pr
pr = p
comme présenté sur la figure 3. r
ρr = ρ
Précisons tout d’abord que le véritable intérêt du dioxyde de ρr
carbone CO2 comme fluide supercritique est lié à ses propriétés
notamment ses coordonnées critiques (Tc = 31 °C, pc = 7,38 MPa) qui Figure 2 – Variation de la masse volumique réduite ρr d’un corps pur
permettent son emploi à une température voisine de l’ambiante et en fonction de ses coordonnées réduites

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J 2 770 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés

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__________________________________________________________________________________________________ EXTRACTION PAR FLUIDE SUPERCRITIQUE

Ajoutons que, dans des cas particuliers comme les procédés


Fraction molaire de naphtalène (x 10 4) d’extraction/fractionnement d’arômes, la récupération dans la cou-
rant de CO2 des arômes composant l’extrait constitue la difficulté
T = 55 C principale : la dilution des molécules aromatiques dans le CO2 est
500
considérable (de 0,1 à 0,5 % masse) et la méthode habituelle de
séparation CO2 − extrait par décompression du CO2 et décantation
400 (gravitaire ou cyclonique) de l’extrait se révèle insuffisante, car la
solubilité des arômes dans le CO2 à « basse pression » ( ∼ 50 bar


300 T = 45 C ∼ 30 °C) est bien trop importante pour permettre un taux de récupé-
ration satisfaisant. Dans ce cas, plusieurs méthodes sont utilisables :
200 la « distillation » du CO2 liquéfié contenant l’extrait (méthode breve-
tée CEA), le piégeage dans la neige carbonique (une méthode utili-
T = 35 C sable seulement au laboratoire selon nous), l’adsorption sur
100 charbon actif suivie d’une régénération par CO2 à haut pouvoir sol-
vant (méthode que nous recommandons).

0 100 300 500 700 900


200 400 600 800 La quasi-totalité des procédés reposent sur le concept, énoncé
Masse volumique du CO2 (kg . m–3) précédemment, consistant à réaliser l’opération d’extraction,
fractionnement, élution ou réaction à relativement haute pres-
Figure 3 – Solubilité du naphtalène dans le dioxyde de carbone sion ( > 1,2 fois la pression critique le plus souvent) et l’opéra-
tion finale de séparation fluide/extrait à basse pression
( < 0,7 fois la pression critique le plus souvent).
D’autres corps purs peuvent être envisagés (propane, N2O, hydro-
carbures halogénés...), mais aucun ne présente tous ces avantages. Le recyclage du fluide peut se faire selon deux méthodes :
En revanche, nous verrons ci-dessous que certaines applications — la compression directe par un compresseur ; il en résulte une
nécessitent la mise en œuvre de mélanges, le CO2 étant additionné augmentation de température qui peut être très importante
d’un « entraîneur » ou d’un « modificateur polaire », afin de renfor- ( > 50 °C parfois > 100 °C ), nécessitant un refroidissement du
cer son pouvoir solvant vis-à-vis de certaines molécules. fluide à la température choisie pour l’opération principale ;
— la liquéfaction du gaz comprimé suivie d’un pompage du gaz
liquéfié et du réchauffage à la température choisie pour l’opération
principale.
2. Extraction La mise en œuvre de chacune de ces deux méthodes est très dif-
férente, et chacune présente des avantages et des inconvénients
et fractionnement tant en termes techniques qu’économiques.

2.1 Architecture générale des procédés 2.2 Mise en œuvre des procédés
d’extraction/fractionnement d’extraction/fractionnement

■ Unité d’extraction supercritique


L’originalité des fluides supercritiques est liée au fait qu’il est
Sur la figure 4, nous présentons le schéma de principe d’unités-
facile de mettre en œuvre une variation continue de leur pou-
pilotes dotées d’autoclaves d’un volume de 1 à 50 litres et opérées
voir solvant, ce qui permet de réaliser des opérations de fraction-
manuellement (figure 5). Sur la figure 6 est présenté le schéma de
nement très complexes : ainsi, on peut utiliser la variation de la
procédé d’une unité industrielle doté de plusieurs autoclaves
solubilité des produits dans le solvant supercritique en fonction de
d’extraction permettant un fonctionnement plus souple avec
la température à pression constante au sein du contacteur et en
conduite entièrement automatisée et soutirage automatiques des
fonction de la pression à température constante lors de la décom-
extraits.
pression.
■ Unité de fractionnement supercritique
■ Lorsque l’on doit fractionner un mélange liquide contenant deux
Le schéma présenté sur la figure 7 est celui d’une installation
molécules (ou deux familles de molécules) très voisines, on utilise
pilote automatisée permettant principalement le fractionnement
un contacteur très performant mettant en œuvre un contact multi-
d’une charge liquide en continu, mais également l’extraction en
étagé à contre-courant ; on augmente fortement la sélectivité de la
batch sur charge solide en utilisant l’un ou/et l’autre des récipients
séparation en utilisant un reflux d’extrait ; ce reflux d’extrait peut
de décompression du raffinat comme autoclave(s) d’extraction.
être un reflux « interne » obtenu en imposant un gradient thermique
le long du contacteur ou en disposant une tête de condensation
dans la partie supérieure du contacteur ; ainsi le (ou les) composé(s)
le(s) moins soluble(s) dans le solvant va (vont) changer de phase et 2.3 Cinétique d’extraction solide-fluide
provoquer ce reflux ; on peut aussi réaliser un reflux externe en
séparant tout ou partie de l’extrait entraîné par le solvant en sortie (batch)
du contacteur et en en renvoyant une partie dans la partie supé-
rieure du contacteur.
La cinétique d’extraction dépend des conditions opératoires
■ Lorsque l’extrait entraîné par le solvant est un mélange (pression, température, débit et composition du fluide) et de la
complexe, il est souvent possible de fractionner cet extrait lors de la nature et de la granulométrie du produit à traiter.
séparation du solvant ; pour cela, on réalise la décompression en Certaines extractions ne sont limitées que par la solubilité de
plusieurs étapes. l’extrait dans le solvant. C’est en particulier le cas dans nombre

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Applications industrielles des fluides


supercritiques et équipements
de mise en œuvre
par Michel PERRUT

SEPAREX (Champigneulles)

1. Traitement de produits naturels ......................................................... J 4 950 - 2


1.1 Extraction supercritique (SFE) ................................................................... — 2
1.2 Fractionnement supercritique (SFF) .......................................................... — 2
1.3 Imprégnation supercritique (SFI)............................................................... — 3
2. Décontamination par fluide supercritique....................................... — 3
2.1 Élimination de composants potentiellement dangereux......................... — 3
2.2 Décontamination biologique...................................................................... — 4
3. Applications pharmaceutiques et biomédicales ............................ — 4
4. Élaboration de matériaux innovants.................................................. — 6
5. Applications comme milieux réactionnels....................................... — 7
6. Applications en dépollution et recyclage ........................................ — 8
7. Quelles perspectives .............................................................................. — 9
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 4 950

’utilisation des fluides supercritiques (FSC), et particulièrement du CO2 et


L de l’eau, suscite un immense intérêt à mesure que les contraintes régle-
mentaires se durcissent (comme la récente directive « REACH » édictée par
l’Union européenne) et que les exigences des consommateurs se font plus
pressantes en vue d’obtenir des produits exempts de composés chimiques
résiduels potentiellement dangereux.
Aujourd’hui, les applications les plus nombreuses à l’échelle industrielle
consistent à utiliser les fluides supercritiques comme solvants en vue
d’extraire, de fractionner ou de purifier des produits naturels provenant de
l’agriculture (algues et végétaux) et de la pêche (huiles de poisson) pour
obtenir des produits variés : ingrédients alimentaires, parfums et arômes,
produits nutraceutiques, cosmétiques et pharmaceutiques. Mais bien d’autres
applications sont aujourd’hui étudiées, principalement en vue de la synthèse,
du traitement et de la mise en forme des matériaux à haute performance
(céramiques, mousses et aérogels, poudres, fibres et tissus, matériaux nano-
structurés, composites et polymères) dans des secteurs industriels comprenant
la pharmacie (formulation des médicaments), la microélectronique, les revête-
ments et peintures, l’isolation thermique et phonique, la mécanique, etc. De
même, l’utilisation des fluides supercritiques comme milieux de mise en
œuvre de réactions chimiques ou biochimiques suscite un vif intérêt.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQQ

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APPLICATIONS INDUSTRIELLES DES FLUIDES SUPERCRITIQUES ET ÉQUIPEMENTS DE MISE EN ŒUVRE _____________________________________________

1. Traitement de produits
naturels
Le CO2 est considéré comme le solvant « vert » par excellence,
ininflammable, non toxique (hormis le risque d’asphyxie à haute
concentration), largement disponible dans le monde entier à bas

Q prix (de l’ordre de 0,15 à 0,20 €/kg en Europe) et à haute pureté.


Solvant non polaire, il présente toutefois un pouvoir solvant relati-
vement limité vis-à-vis des composés peu ou non polaires (hydro-
carbures, lipides, arômes, etc.) en comparaison avec celui des
solvants liquides non polaires classiques, mais une sélectivité
beaucoup plus élevée, permettant de fractionner des mélanges de
façon très efficace. Plus généralement, les solvants supercritiques
– à l’exception du diméthyl éther qui est très rarement employé –
ne sont donc susceptibles de se substituer que partiellement aux
solvants liquides.

On retiendra que le CO2, éventuellement additionné d’étha-


nol, peut donc remplacer avantageusement les solvants orga-
niques non ou peu polaires (hydrocarbures aliphatiques et
cyclohexane, acétate d’éthyle), mais pas les solvants Figure 1 – Unité industrielle SFE : 2 extracteurs de 500 litres – Débit
polaires comme les alcools (méthanol, éthanol, isopropanol), CO2 : 3 000 kg/h (cliché HITEX & NOVELECT par Philippe Baudet)
ou les mélanges hydroalcooliques.
À grande échelle, le recyclage du fluide s’impose toujours, étant
donné les valeurs fréquemment élevées du rapport fluide/produit
1.1 Extraction supercritique (SFE) nécessaires dans les procédés supercritiques (10 à 100 en extrac-
tion/fractionnement). Les équipements d’extraction supercritique
(figure 1) sont maintenant disponibles jusqu’à des dimensions très
L’extraction supercritique vise à extraire des composés d’une importantes (extracteurs d’un volume unitaire allant de quelques
matière solide par percolation d’un fluide supercritique : dans dizaines de litres à 10 m3) fonctionnant à des pressions de plus en
l’immense majorité des cas, le CO2 ou le CO2 additionné d’un plus élevées (antérieurement vers 300-350 bar – actuellement de
cosolvant polaire, le plus souvent l’éthanol. Il s’agit d’un pro- 400 à 600 bar, voire 1 000 bar !) afin de mieux tirer parti de l’aug-
cédé fonctionnant en batch, car il n’existe pas de technique mentation du pouvoir solvant du fluide avec la pression, ce qui
prouvée pour introduire et décharger une charge solide dans diminue fortement le taux de solvant et compense ainsi, en partie,
un récipient sous haute pression en continu (à l’exception le surcoût d’investissement. La conception d’unités industrielles à
d’une unité de décaféination de café vert de très grande capa- partir des résultats obtenus sur pilote est également bien maîtri-
cité). Ceci implique inévitablement des moyens techniques et sée, mais une attention toute particulière doit être apportée au pré-
humains conséquents pour gérer ces mouvements de charges traitement de la charge et, en particulier, à son broyage et à son
solides. tamisage afin d’éviter le colmatage des filtres par de fines particu-
les et/ou l’agglomération avec formation de zones mortes et de
chemins préférentiels ; ce phénomène est souvent observé lors du
L’extraction de très nombreux produits a été étudiée dans des
traitement de produits à forte teneur en huiles et cires, nécessitant
dizaines de laboratoires et une abondante bibliographie est dispo-
parfois l’adjonction d’un produit inerte ou une pelletisation.
nible aujourd’hui. Il faudrait un livre entier pour les analyser : sont
citées ci-dessous les applications connues à l’échelle industrielle,
sachant que plusieurs fabricants proposent de longues listes
d’extraits CO2 et que les unités se multiplient surtout en Asie 1.2 Fractionnement supercritique (SFF)
(Chine, Taïwan, Corée, Inde) :
– produits alimentaires : décaféination du café et du thé, huile de Le fractionnement supercritique permet de séparer en
sésame, traitement du riz, déshuilage de la lécithine dans des ins- continu les différents composants d’un mélange liquide en
tallations de très grande taille (extracteurs de 1 à 10 m3) ; tirant pleinement parti de la haute sélectivité du fluide dont on
– produits diététiques : huiles de germe de blé, de pépins de rai- peut « régler » le pouvoir solvant de façon très précise en
sin, de sésame ; jaune d’œuf délipidé ; jouant sur la température et la pression, à la différence de
– ingrédients alimentaires, colorants et arômes : houblon, arômes l’extraction par solvant liquide. En combinant cette sélectivité
pour vermouth, épices (baies roses, poivre, gingembre, curcuma, avec une mise en œuvre dans un contacteur à contre-courant
paprika, piment, coriandre, céleri, cardamome, etc.), romarin (arôme multiétagé avec reflux d’extrait, on peut arriver à des résultats
et anti-oxydant), thym, vanille, colorants alimentaires, thé vert, etc. ; tout à fait étonnants, impossibles à obtenir par d’autres
– parfums : jasmin, baies roses, iris, santal, tabac, etc. ; procédés ! En outre, on peut ainsi traiter des produits lourds et
thermolabiles, à la différence des procédés concurrents que
– nutraceutiques/phytopharmaceutiques : pollen, argousier, camo-
sont la distillation extractive et la distillation moléculaire.
mille, millepertuis, tagète (lutéine), souci, gingko biloba, ginseng
(élimination des pesticides) ; huiles polyinsaturées et phospholipi-
des d’origine marine (algues, krill, etc.) ; De nombreux produits naturels peuvent être ainsi fractionnés ou
– principes actifs cosmétiques et dermatologiques : argousier, purifiés, et je citerai les applications suivantes qui me paraissent
huiles de cassis, d’onagre, de bourrache, lipides « rares » ; les plus avancées :
– principes actifs pharmaceutiques d’origine naturelle : saw pal- – raffinage des huiles végétales et marines (désodorisation,
metto (Serenoa repens), artémisinine ; décoloration, élimination des acides gras libres), raffinage d’huiles
– insecticides naturels : neem, pyrèthre. de friture usagées ;

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Gaz liquéfiés comme solvants


alternatifs appliqués à l’éco-extraction
du végétal

par Vincent RAPINEL
Ingénieur – Doctorant
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France
Celsius SARL, 184 Chemin du Bouray, Villette de Vienne, France

Natacha ROMBAUT
Docteur en génie des procédés
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France

Njara RAKOTOMANOMANA
Maı̂tre De Conférences
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France

Alain VALLAGEAS
Ingénieur, Gérant
Celsius SARL, 184 Chemin du Bouray, Villette de Vienne, France

et Farid CHEMAT
Professeur des Universités
Université d’Avignon, INRA, UMR408, GREEN Extraction Team, Avignon, France

1. Gaz liquéfiés : terminologie et principe ..................................... J 2 775 – 3


1.1 Classification ...................................................................................... — 3
1.2 Principaux types de gaz liquéfiés et leurs utilisations ...................... — 3
2. Gaz liquéfiés en tant que solvants d’extraction ....................... — 3
3. Mise en œuvre à l’échelle industrielle ........................................ — 5
3.1 Systèmes avec compresseur ............................................................. — 5
3.2 Extraction par gaz liquéfiés vs extraction par fluide supercritique .. — 7
3.3 Systèmes isobares ............................................................................. — 7
3.4 Transfert de solvant cuve à cuve ....................................................... — 9
3.5 Étape de séchage final ....................................................................... — 10
4. Applications ..................................................................................... — 10
4.1 Extraction de composés odorants ..................................................... — 10
4.2 Extraction d’huiles ............................................................................. — 11
4.3 Extraction de molécules bioactives ................................................... — 13
5. Étude économique .......................................................................... — 13
6. Sécurité et réglementations ......................................................... — 13
6.1 Sécurité des produits et des opérateurs ........................................... — 13
6.2 Réglementation .................................................................................. — 14
7. Empreinte écologique .................................................................... — 15
8. Conclusion et perspectives........................................................... — 15
9. Glossaire ........................................................................................... — 16
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 2 775

a première utilisation connue des gaz liquéfiés comme solvant d’extraction de


L produits naturels remonte à 1930 aux USA avec un procédé breveté par E. R.
EBENEZER pour l’extraction d’huiles à partir de graines oléagineuses. En France,
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQX

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GAZ LIQUÉFIÉS COMME SOLVANTS ALTERNATIFS APPLIQUÉS À L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

les gaz liquéfiés ont été utilisés la première fois en 1940 pour l’extraction de com-
posés odorants à partir de matières premières fragiles, en particulier des fleurs.
Le n-butane a été le premier gaz liquéfié à avoir été mis en œuvre car son point
d’ébullition (- 1  C) permet de le liquéfier aisément sous faible pression pour
extraire des molécules lipophiles, mais sans pour autant laisser de trace dans le
produit final une fois évaporé. Depuis, de nouveaux gaz liquéfiés ont été testés et
de nouvelles applications sont apparues, principalement liées à l’extraction d’hui-


les végétales et d’extraits odorants. Bien qu’efficaces et ne laissant aucune trace
dans l’extrait final, ils ont été délaissés pour des raisons économiques au profit
d’autres solvants liquides organiques pétrochimiques (hexane, benzène, toluène,
dichlorométhane…) alors plus simples à mettre en œuvre industriellement.
Cependant, l’intérêt croissant du marché des ingrédients vers des produits
d’origine naturelle de qualité supérieure, associé au durcissement de la réglemen-
tation visant à protéger notre environnement mais surtout la santé des opérateurs
et des consommateurs, ont poussé les industriels à rechercher des alternatives
plus en phase avec les principes de la chimie verte. La recherche académique et
industrielle a permis de trouver plusieurs solvants alternatifs, néanmoins aucun
d’entre eux n’a pour l’instant réussi à supplanter l’hexane dans l’industrie. L’alter-
native la plus sérieuse est l’utilisation de procédés d’extraction au CO2 supercri-
tique, qui permet d’extraire efficacement des composés lipophiles à des tempéra-
tures généralement modérées (de 30 à 70  C) et sans laisser de traces dans
l’extrait. Néanmoins, les pressions nécessaires pour atteindre l’état supercritique
(entre 100 et 1 000 bar, selon la température du procédé) limitent son utilisation à
des produits à très haute valeur ajoutée du fait du coût d’investissement impor-
tant pour une installation industrielle. Ce frein au développement des procédés
au CO2 supercritique a permis aux gaz liquéfiés de devenir des alternatives tout
à fait crédibles aux solvants existants, puisqu’ils permettent eux aussi d’extraire
des composés lipophiles à température ambiante, sans laisser de traces dans le
produit final, avec une faible consommation énergétique et pression modérée
(1-10 bar) qui facilite sa mise en œuvre à l’échelle industrielle.
Il n’existe en 2018 que très peu d’études traitant de l’utilisation des gaz liqué-
fiés comme solvants d’extraction à l’échelle industrielle. Afin de permettre aux
lecteurs mieux appréhender le procédé de façon globale, cet article présente :
– les principaux types de gaz liquéfiés et en quoi ils sont potentiellement de
bons solvants ;
– comment ces gaz liquéfiés sont mis en œuvre industriellement pour extraire
des composés d’intérêt ;
– les applications existantes et potentielles ;
– les impacts en termes de sécurité, de réglementation et d’empreinte envi-
ronnementale.

Sigles, notations et symboles Sigles, notations et symboles (suite)

Symbole Description Symbole Description

Chlorofluorocarbure, molécule composée HFO-1234ze 1,3,3,3-tétrafluoropropène


CFC
d’atomes de carbone, chlore et fluor
HFO-1234yf 2,3,3,3-tétrafluoropropène
Hydrofluorocarbure, molécule composée
HFC
d’atomes de C, H, F TG Triglycéride ou triacylglycérol

Hydrofluorooléfine, molécule composée log P Logarithme du coefficient de partage octanol/eau


HFO d’atomes de C, H, F et possédant une double
liaison covalente C = C. PRG100
Potentiel de réchauffement global sur 100 ans
(éq. CO2)
Gaz de pétrole liquéfié, un mélange propane /
GPL
butane majoritairement Tc ( C) Température critique

DME Éther diméthylique (dimethyl ether) Pc (bar) Pression critique

R134a 1,1,1,2-tétrafluoroéthane DHvap (kJ/kg) Enthalpie massique d’évaporation

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– GAZ LIQUÉFIÉS COMME SOLVANTS ALTERNATIFS APPLIQUÉS À L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL

1. Gaz liquéfiés : terminologie 1.2.3 Gaz propulseur pour aérosol


À partir de 1940 et l’invention des sprays aérosols, les gaz liqué-
et principe fiés sont employés comme gaz propulseurs pour la dispersion de
différents liquides (insecticides, laque, peinture etc.). Jusqu’en
1989, les CFC étaient majoritairement utilisés, mais ils ont été pro-
gressivement remplacés par des gaz liquéfiés de moindre impact
1.1 Classification environnemental : les HFC, les alcanes légers (propane, n-butane,
isobutane) ou l’éther diméthylique DME (dimethyl ether).


On recense actuellement plus de 200 gaz utilisés en industrie [1].
Si certains sont stockés en phase gazeuse, beaucoup sont d’abord
liquéfiés par compression ou refroidissement afin d’être plus facile-
1.2.4 Autres applications
ment transportés et stockés dans des bouteilles, réservoirs, contai- Les autres applications des gaz liquéfiés incluent la découpe, la
ners sur des semi-remorques ou cargos méthaniers. Dans un pre- soudure, la conservation alimentaire (stérilisation), la congélation, le
mier temps, il est nécessaire de distinguer deux catégories de gaz nettoyage de pièces métalliques et la micronisation. L’utilisation de
liquéfiés : gaz liquéfiés est également reportée dans des réactions chimiques
– les liquides cryogéniques : ces gaz ont une température d’ébul- (média de réaction ou intermédiaire de réaction). Plus récemment,
lition inférieure à - 90  C et sont transportés à des températures les gaz liquéfiés sont employés en tant que solvants d’extraction.
inférieures à leur température d’ébullition afin de limiter la pression
dans le container. On peut citer comme exemples l’azote, l’hélium,
le méthane…
– les gaz liquéfiés, stockés liquides à température ambiante à des 2. Gaz liquéfiés en tant que
pressions modérées (comprises entre 1 et 100 bar). Ces composés
ont des températures d’ébullition comprises entre - 90  C et 10  C. solvants d’extraction
Dans un contenant pressurisé, ces gaz sont liquéfiés sous leur pro-
pre pression de vapeur ; le gaz à l’état liquide est alors en équilibre
avec sa phase gazeuse. On peut citer comme exemples le propane, L’utilisation de gaz liquéfiés dans un procédé qui puisse être faci-
le butane… lement transposable à l’échelle industrielle implique quelques critè-
res de sélection liés à des considérations techniques. Les deux cri-
tères thermodynamiques suivants sont en particulier essentiels
1.2 Principaux types de gaz liquéfiés pour qu’ils soient utilisables en industrie :
et leurs utilisations – une température d’ébullition à pression atmosphérique com-
prise entre - 30  C et la température ambiante (+ 20  C), afin de per-
e
L’utilisation des gaz liquéfiés dès le début du XIX siècle en tant mettre de condenser le gaz à des températures raisonnablement
que réfrigérants, carburants et gaz propulseur pour aérosols [1] a atteignables à l’échelle industrielle ;
été facilitée par : – une pression de vapeur inférieure à 10 bar à température
ambiante afin de limiter le coût d’investissement des équipements
– l’émergence de solutions techniques liées à la mise en œuvre
sous pression.
de fluides sous pression (vannes, raccords, compresseurs…) ;
– les conditions de transport et de stockage relativement modé- Ces critères permettent de sélectionner un nombre limité de sol-
rées (pressions inférieures à 100 bar à température ambiante). vants (tableau 1) duquel il faut éliminer les gaz toxiques pour
l’homme ou l’environnement ainsi que les gaz à effet de serre ou
Bien que la nature des gaz liquéfiés impliqués dans ces applica- appauvrissant la couche d’ozone. Au final, seuls moins d’une
tions ait évolué depuis pour des raisons technologiques et régle- dizaine de gaz liquéfiés sont raisonnablement utilisables comme
mentaires, ces applications restent actuelles. Les propriétés de solvant d’extraction à l’échelle industrielle.
quelques gaz liquéfiés sont présentées dans le tableau 1.

1.2.1 Réfrigérants Parmi ces derniers, les plus fréquents sont le propane, le
n-butane, l’éther diméthylique DME et le 1,1,1,2-tétrafluoroéthane
Lorsqu’ils se vaporisent, les gaz liquéfiés absorbent de grandes R134a (remplacé d’ici 2020 par le 1,3,3,3-tétrafluoropropène
quantités de chaleur (enthalpie de vaporisation). Ce phénomène est HFO-1234ze et le 2,3,3,3-tétrafluoropropène HFO-1234yf) dont les
mis à profit dans les circuits d’équipements réfrigérants. Bien que courbes de pression de vapeur sont présentées figure 1.
tous les gaz liquéfiés puissent être potentiellement utilisés à des fins
de réfrigération, les gaz fluorés de type chlorofluorocarbures (CFC),
À l’état liquide, les gaz liquéfiés ont des propriétés proches de
puis hydrofluorocarbures (HFC) ont été le plus fréquemment utilisés
celles des liquides usuels en termes de masse volumique, de visco-
depuis 1930. Depuis, la mise en œuvre des CFC puis des HFC est res-
sité et de diffusivité comme le montre le tableau 2 [2] [3] [J 2 770].
treinte voire interdite à cause de leur effet négatif sur la couche
Leur plus faible viscosité et leur meilleur coefficient d’auto-diffu-
d’ozone et de leur impact élevé sur l’effet de serre. Plus récemment,
sion en font même théoriquement de meilleurs solvants d’extrac-
les hydrofluoroléofines (HFO) ont été développés en tant que gaz
tion en favorisant le transfert de matière.
réfrigérants de seconde génération pour remplacer les CFC et HFC
(tableau 1). Les principaux avantages des gaz liquéfiés par rapport aux autres
solvants conventionnels tels que les fluides supercritiques et les
solvants liquides (eau et solvants organiques), se situent dans leur
1.2.2 Source d’énergie mise en œuvre :
Autre application connue des gaz liquéfiés, le stockage en bou- – à basse température ; de par leur bas point d’ébullition, les gaz
teille de propane, butane, ou un mélange des deux, permet liquéfiés peuvent être évaporés à des températures modérées,
d’avoir un combustible portatif d’appoint et les utilisations domes- généralement comprises entre 20  C et 50  C, sans pour autant ris-
tiques sont devenues courantes à partir des années 1910. Le GPL quer d’entraı̂ner les molécules d’intérêt, même volatiles, et sans
(gaz de pétrole liquéfié) – mélange essentiellement composé de laisser de traces de solvant résiduel ;
propane et butane – est également utilisé en tant que carburant – à pression modérée ; par comparaison aux fluides supercriti-
dans le secteur automobile. ques, les gaz liquéfiés sont généralement mis en œuvre à des

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GAZ LIQUÉFIÉS COMME SOLVANTS ALTERNATIFS APPLIQUÉS À L’ÉCO-EXTRACTION DU VÉGÉTAL –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Tableau 1 – Comparaison des propriétés de quelques gaz liquéfiés communs


Pression de
Masse Température Enthalpie de
vapeur à PRG100
Gaz liquéfié Formule molaire log P d’ébullition vaporisation
20  C (kg CO2)
(g/mol) ( C) (kJ/mol)
(kPa)

Propane C3H8 44 2,3 - 42 953 16,2 20

Q Gaz de
n-butane C4H10 58 2,9 -1 243 22,0 20

Isobutane C4H10 58 2,7 - 12 351 20,0 20


pétrole
Pentane C5H12 72 3,4 36 68 27,0 11

Néopentane C5H12 72 3,1 10 171 22,4 20

1,1-Difluoroéthane C2H4F2 66 0,8 - 25 514 24,4 120

1,1,1,2-Tétrafluoroéthane C2H2F4 102 0,9 - 26 665 20,6 1430

1,1,1,3,3-Pentafluoropropane C3H3F5 134 1,8 8 149 24,6 950

1,1,1,2,3,3,3-Heptafluoropropane C3HF7 170 2,1 - 16 467 22,3 3 500

Gaz fluorés 1,1,1,3,3-Pentafluorobutane C4H5F5 148 1,1 40 43 (à 25  C) 27,0 840



Octofluorocyclobutane C4F8 200 0,4 0,4 265 (à 25 C) 23,4 10 300

HFCO-1233zd C3H2CIF3 131 2,6 19 109 (à 25 C) 25,6 5

HFO-1234yf C3H2F4 114 2,2 - 29 673 21,0 5

HFO1234ze C3H2F4 114 2,0 - 19 498 22,3 6

Diméthylamine C2H7N 45 - 0,4 7 202 26,0 ND


Gaz
Triméthylamine C3H9N 59 0,2 3 214 22,9 ND
organiques

Éther diméthylique C2H6O 46 0,1 - 24 592 (à 25 C) 27,2 1

Dioxyde de soufre SO2 64 ND - 10 400 23,0 ND


Gaz
inorganiques
Ammoniac NH3 17 - 1,4 - 33 999 20,0 0

PRG100 : Potentiel de Réchauffement Global sur 100 ans


ND : donnée non disponible.
P : coefficient de partage octanol/eau

pressions beaucoup plus basses, entre 1 et 10 bar, ce qui limite les en tant que solvant pour des molécules hydrophiles ou lipophiles.
coûts d’investissement ; Au regard de leur structure chimique (figure 2a) et de leur valeur de
– inerte chimiquement ; dans les conditions « normales » d’extrac- log P (P étant ici le coefficient de partage octanol/eau), la majorité
tion solide/liquide, la majorité des gaz liquéfiés est chimiquement des gaz liquéfiés sont de bons candidats pour l’extraction de molécu-
inerte. les lipophiles, même si certains d’entre eux (éthers, amines…) sont
susceptibles d’extraire également des molécules plus hydrophiles.
Néanmoins, il est important de noter que la plupart des hydro-
carbures (propane, butane, éther diméthylique, ammoniac, Il est à noter que le DME (éther diméthylique) se différencie des
ainsi que certains gaz fluorés) sont inflammables et doivent autres gaz liquéfiés puisqu’il présente à l’état liquide un domaine
être manipulés dans un environnement adapté à l’écart de de miscibilité avec l’eau : le DME à l’état liquide à 25  C (592 kPa)
toute source de chaleur, en utilisant des équipements spécifi- est miscible avec l’eau jusqu’à 34 % (g/g), soit une solubilité dans
ques, certifiés selon la directive européenne ATEX (ATmosphe- l’eau de 515 g/L, tandis qu’à l’inverse, l’eau est miscible dans le
res EXplosibles) 2014/34/UE. Cette contrainte, outre le danger DME jusqu’à hauteur de 7 % (g/g) [4]. Cette particularité permet
qu’elle représente vis-à-vis des opérateurs, engendre un sur- au DME de co-extraire l’eau de constitution des matières premiè-
coût lors de l’achat du matériel qu’il convient de prendre en res, qui agit alors comme un co-solvant pour l’extraction de
compte lors du choix du solvant d’extraction. molécules plus hydrophiles. De plus, la miscibilité eau/DME, cou-
plé à sa capacité à dissoudre les phospholipides membranaires,
facilite grandement l’extraction des composés d’intérêt localisés
Selon leur structure chimique, les gaz liquéfiés présentent des pro-
dans le milieu intra-cellulaire.
priétés de solvatation particulières qui vont conditionner leur choix

J 2 775 – 4 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

UP
Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/
solide
(Réf. Internet 42332)

1– Extraction liquide-liquide R
2– Cristallisation Réf. Internet page

Cristallisation. Aspects théoriques J2710 53

Cristallisation en solution. Procédés et types d'appareil J2788 57

Cristallisation en milieu fondu. Procédés et mises en œuvre J2798 63

3– Adsorption

4– Échange d'ions

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Cristallisation
Aspects théoriques

par François PUEL


Docteur Université Claude Bernard Lyon 1 – Ingénieur CPE Lyon
Professeur des Universités à CentraleSupélec, Université Paris Saclay,
Laboratoire de Génie des Procédés et Matériaux EA4038

Stéphane VEESLER
Docteur Université Aix Marseille – Ingénieur CPE Lyon
Directeur de Recherches au Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille
CINaM-CNRS, Aix-Marseille Université, Campus de Luminy F-13288 Marseille
et Denis MANGIN
Docteur Institut National Polytechnique de Grenoble – Ingénieur ENSIC Nancy
Professeur des Universités à l’Université Claude Bernard Lyon 1,
Laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés LAGEP – CNRS UMR 5007

1. Concentration et sursaturation ........................................................... J 2 710 - 3


1.1 Unités de concentration et activité en solution ........................................ — 3
1.2 Définitions de la sursaturation ................................................................... — 3
1.3 Introduction au phénomène de cristallisation .......................................... — 4
2. Nucléation.................................................................................................. — 5
2.1 Généralités ................................................................................................... — 5
2.2 Nucléation primaire..................................................................................... — 5
2.3 Nucléation secondaire................................................................................. — 7
2.4 Comparatif des mécanismes et des cinétiques de nucléation................. — 8
3. Croissance.................................................................................................. — 8
3.1 Généralités ................................................................................................... — 8
3.2 Faciès et morphologie................................................................................. — 9
3.3 Croissance en milieu pur ............................................................................ — 9
3.4 Transfert de matière et croissance ............................................................. — 10
3.5 Description globale de la croissance ......................................................... — 11
3.6 Croissance en présence d’impuretés ou d’additifs................................... — 12
4. Évolution de la suspension ................................................................... — 13
4.1 Transitions de phases et polymorphisme ................................................. — 13
4.2 Agglomération et brisure............................................................................ — 14
4.3 Mûrissement ................................................................................................ — 15
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPPU@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQU

Références bibliographiques ......................................................................... — 16

es cristaux produits industriellement dans de très nombreux domaines


L (agroalimentaire, chimie de spécialité, pharmacie, microélectronique, etc.)
doivent répondre à des spécifications bien déterminées comme la phase cris-
talline, le faciès, la pureté, la solidité, la taille, etc. La cristallisation est donc
pour l’industrie une opération unitaire de génie chimique très importante car
c’est à ce stade que les cristaux acquièrent leur qualité physique requise pour
l’application. L’homme de développement ou d’exploitation de procédés doit
donc posséder de bonnes bases théoriques sur les processus de génération et
de développement des cristaux.
La cristallisation est un changement d’état qui conduit, à partir d’une phase
gazeuse ou liquide (solution ou bain fondu), à un solide appelé cristal, de

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© Techniques de l’Ingénieur J 2 710 − 1

US
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CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________

structure régulière et organisée. Dans ce qui suit, nous traiterons de la cristal-


lisation en solution bien que les mécanismes de cristallisation en phase vapeur
et en bain fondu soient similaires.
Nous verrons en première partie que les mécanismes sont régis par deux para-
mètres de base : la concentration et la sursaturation. Puis nous détaillerons en
seconde partie les divers mécanismes de naissance des cristaux appelés
nucléation en précisant lesquels prédominent lors d’une cristallisation donnée.
La troisième partie est dévolue à la croissance cristalline. Les effets des impu-
retés ou des additifs y sont décrits. Enfin la dernière partie est consacrée à l’évo-
lution ultérieure des cristaux en suspension, que ce soit par transition de phase,
par agglomération et brisure ou par mûrissement.

R Cet article est une mise à jour de la version initiale de Jean-Paul Klein, Roland
Boistelle et Jacques Dugua.
L’application de ces connaissances aux procédés fera l’objet des articles
[J 2 711] et [J 2 712], dans le présent traité.

Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

a mol · l–1 Activité


K ps mol n · L–3n Produit de solubilité
a m Longueur d’une molécule dans L m Taille du cristal
la lisière Ṁ kg · m–2 · s–1 Flux massique de transfert
A [nb] · m–3 · s–1 Paramètre cinétique de M kg · mol–1 Masse molaire
nucléation
MT kg · m–3 Concentration des cristaux en
C mol · m–3 Concentration de soluté en suspension
solution
n ....................... Nombre de molécules dans un
Ci Variable Concentration de soluté à germe
l’interface solide/liquide
n0 [nb] · m–2 Nombre de molécules
C* Variable Concentration à saturation adsorbées par unité de surface
da m Diamètre de l’agitateur Ni, N j [nb] · m–3 Concentrations en nombre des
dm m Diamètre moléculaire particules de tailles i et j
D m2 · s–1 Coefficient de diffusion Na tr · s–1 Vitesse de rotation de
moléculaire l’agitateur
Ds m2 · s–1 Coefficient de diffusion R 8,314 J · mol–1 · K–1 Constante molaire des gaz
superficielle Re p ....................... Nombre de Reynolds des
EG J · mol–1 Énergie d’activation de la particules
croissance r m Rayon d’un germe
fi ....................... Facteur d’activité de l’ion i ri, j [nb] · m–3 · s–1 Cinétique d’agglomération
f ....................... Facteur géométrique d’affinité Sc ......................... Nombre de Schmidt
entre le germe et le substrat
Sh ....................... Nombre de Sherwood
f ....................... Facteur de forme de la spirale
t s Temps
g ....................... Ordre cinétique global de
croissance T K Température
thermodynamique
G m · s–1 Vitesse de croissance du cristal
Tc K Température de cristallisation
h m Hauteur d’un gradin de cristal
u m · s–1 Vitesse latérale de
J [nb] · m–3 · s–1 Fréquence de nucléation déplacement des gradins
k 1,38 × 10–23 J · K–1 Constante de Boltzmann Vm m3 Volume d’une molécule dans
K ij [nb]–1 · m3 · s–1 Constante cinétique un germe
d’agglomération v m · s–1 Vitesse normale de croissance
kD m · s–1 Coefficient de transfert global d’une face
kG variable Coefficient cinétique de xs m Libre parcours moyen
croissance globale Y m Équidistance entre gradins
kI variable Coefficient cinétique de α ....................... Angle de contact du germe et
croissance par intégration du substrat

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UT
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_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION

Notations et symboles Liste des indices

Symbole Unité Définition a agitateur


β ....................... Degré de sursaturation c cristallisation, cristal
γ J · m–2 Énergie libre de surface (ou crit critique
interfaciale)
g, l germe, liquide
δ m Épaisseur de la couche de
diffusion hét hétérogène
δa m Épaisseur de la couche hom homogène
d’absorption


i, f initial, final
ε W · kg–1 Puissance transmise par
l’agitateur lim limite
λ J · m–1 Énergie de lisière s, g substrat, germe
ν m2 · s–1 Viscosité cinématique
s, l substrat, liquide
ρc kg · m–3 Masse volumique des cristaux
surf surfacique
σ ....................... Sursaturation relative
ΦS ....................... Facteur de forme surfacique S de surface
ΦV ....................... Facteur de forme de volumique V de volume
∆C variable Sursaturation absolue
∆G J · mol–1 Enthalpie libre ; Énergie
d’activation de germination
Liste des exposants
∆µ J · mol–1 Différence des potentiels
chimiques dans les phases
sursaturée et saturée crit critique

1. Concentration À partir de là, il est possible de définir la sursaturation de diffé-


rentes manières. La façon la plus pertinente est peut-être d’utiliser
et sursaturation les quantités sans dimension :
le degré de sursaturation β = C/C * (3)
1.1 Unités de concentration ou la sursaturation relative σ = (C – C *)/C * (4)
et activité en solution avec σ = β – 1 ≈ ln β lorsque β est proche de 1.
β et σ présentent l’avantage d’être normés par rapport à la solubilité
Pour exprimer la teneur en soluté, on utilise les définitions clas- C * et de permettre des comparaisons plus faciles entre différents
siques de la concentration C, de la fraction massique (parfois systèmes. Elles ne sont cependant pas tout à fait indépendantes des
exprimé en g/100 g de solution) et de la fraction molaire. expressions et unités choisies pour C et C * (fractions molaires,
Pour les solutions électrolytiques, il n’est pas toujours suffisant molarités, etc.), et les représentations graphiques en fonction de ces
d’utiliser les concentrations, la thermodynamique nécessitant variables en seront donc affectées.
l’usage des activités ai . Celles-ci sont en fait des concentrations Par ailleurs, la définition de la sursaturation la plus communément
(exprimées en moles par litre) multipliées par un certain coefficient utilisée dans l’industrie est la différence : C – C *, dite sursaturation
appelé facteur d’activité (fi ), de sorte que pour toute espèce i : absolue. Il est alors évident que la valeur de cette différence va
a i = fi C i (1) dépendre énormément des unités choisies. Ainsi, la variation de
C – C * pour C croissant n’est pas la même selon que l’on exprime
les concentrations en kg/m3, en mol/m3 ou en fractions molaires ou
massiques. Dans les lois en puissance du type K (C – C *)n qui sont
1.2 Définitions de la sursaturation parfois utilisées pour exprimer les cinétiques de nucléation et de
croissance, cela se traduira par des exposants n et des coefficients
Si C est la concentration de la solution avant que la cristallisation K différents.
n’ait lieu, ou qui se maintient tout au long de la cristallisation, et si
C * est la concentration à saturation c’est-à-dire la solubilité, alors Un point oublié trop souvent est qu’une même valeur de β peut
la force motrice ∆ µ de la cristallisation, par molécule, est la diffé- être obtenue dans des domaines de concentration très différents si
rence des potentiels chimiques µ d’une molécule du cristal dans les la solubilité croît rapidement avec la température (ou le pH, la
phases mères sursaturée et saturée respectivement : composition, etc.). À fortes concentrations, le nombre de molé-
cules de soluté présent étant plus importants, les cinétiques de
C nucléation et de croissance sont plus rapides. Les cinétiques
∆ µ = k T ln ---------- (2) seront toujours plus rapides dans les milieux plus concentrés à un
C*
même degré de sursaturation ␤ .
avec k = 1,38 × 10–23 J/K constante de Boltzmann, Dans le cas des solutions électrolytiques où les molécules se dis-
T (K ) température thermodynamique. socient, le calcul de la sursaturation doit passer par le calcul des

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CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________

β pH C


ili
ab
t
as
6 β 3 ét

re
m

li b
de

ui
ite

éq
Lim Zone

d’
4 2 NP métastable
Cf M
pH be
2 1 C ur
Nucléation Co
spontanée NS

R 0
0 20 40 60 80
[H2SO4] (mmol/L)
0

Cf
B
A

Figure 1 – Effets de la concentration d’acide sulfurique sur le pH


d’une solution à 70 mmol/L de salicylate de sodium et augmentation
Tf Tc T* Ti T
correspondante de la sursaturation ␤ en acide salicylique

La nucléation primaire a lieu en NP


Les stades suivants sont :
activités des ions en solution. Il y a à cela plusieurs raisons : la dis- - la croissance (C),
sociation est plus ou moins complète ; il y a formation de - la nucléation secondaire (NS),
complexes solubles qui piègent l’un des constituants du cristal ; il - l'agglomération (A),
y a déplacement des équilibres chimiques avec le pH à cause d’un - la brisure (B).
apport excédentaire d’un constituant du cristal ou d’un apport Cf et Tf conditions en fin de cristallisation
d’impuretés.

Exemple : pour illustrer l’influence du pH, considérons la précipi- Figure 2 – Évolution de la concentration en solution
tation de l’acide salicylique par action de H2SO4 sur son sel de sodium, au cours d’une cristallisation obtenue par abaissement de la température
réaction que l’on peut écrire :
2 R Na + H2SO4 → 2 R H + Na2SO4
partir des seules concentrations. Il apparaît donc aussi que les
R H précipite, Na2SO4 restant en solution. La sursaturation en acide impuretés influencent la cristallisation d’abord en agissant sur la
salicylique est définie ici comme le rapport : sursaturation, et cela indépendamment des effets d’inhibition qui
β = a R– a H+/K ps peuvent survenir au moment de la nucléation et de la croissance
(cf § 2.2.1 et § 3.6).
Le produit ionique au numérateur se réfère aux activités des ions
libres a R– et a H+ , K ps étant le produit de solubilité de l’acide salicy-
lique. Si la température est constante, β va dépendre des concen-
trations respectives en R Na et H2SO4 mais aussi du pH puisque 1.3 Introduction au phénomène
a H+ = 10–pH. La figure 1 montre l’évolution de la sursaturation et du pH de cristallisation
d’une solution (70 × 10–3) M en salicylate de sodium, à laquelle on
ajoute des quantités croissantes d’acide sulfurique, le calcul étant fait
à 20o C. Prenons l’exemple d’une cristallisation par refroidissement.
Lorsque l’on refroidit la solution initialement caractérisée par la tem-
Exemple : pour illustrer l’influence des impuretés sur la sursatu- pérature T i et la concentration C i (point M sur la figure 2), on se
ration, on peut considérer la cristallisation de l’oxalate de calcium déplace sur une horizontale et cela, aussi longtemps que les cristaux
CaC2O4 , H2O pour lequel : n’apparaissent pas. Après franchissement de la courbe d’équilibre
(ou courbe de solubilité), les cristaux apparaissent très brutalement,
β = a Ca 2+ a 2– 冫 K ps à une température T c qui représente la limite de la zone métastable
C2 O4
et qui correspond à une sursaturation initiale parfois très forte. Une
Ce sel est extrêmement peu soluble. Si la solution aqueuse est différence entre température de cristallisation T c et température
(0,3 × 10–3) M en calcium et en oxalate, la valeur de β est de 20,6 et la d’équilibre T * de l’ordre de 10 oC n’est pas rare. Cette apparition bru-
cristallisation est immédiate. Si la solution contient du chlorure de tale de cristaux se fait par nucléation primaire. Une fois les cristaux
sodium à raison de 10–2 mol/L, β ne serait que de 13,9 (effet de l’aug- nés, ils vont grossir par croissance, générer éventuellement de nou-
mentation de la force ionique de la solution). Si la saumure contenait veaux germes par nucléation secondaire à la surface de cristaux ou
10–3 mol/L de chlorure de magnésium, β tomberait à 7,6 car la force par chocs des cristaux entre eux ou avec une paroi du cristallisoir,
ionique croît encore un peu, mais surtout parce que Mg réalise des s’agglomérer, se briser, parfois changer de phase cristalline et éven-
complexes solubles avec l’ion oxalate. Enfin, si cette solution contenait tuellement mûrir jusqu’à la température finale T f .
aussi 10–3 mol/L d’acide citrique, β ne vaudrait alors seulement que 2.
La cristallisation de l’oxalate de calcium devient ainsi de plus en plus Souvent, le terme cristallisation est réservé à la formation des
difficile. cristaux par variation de température ou de pH, alors que le terme
précipitation concerne davantage la formation de cristaux par
mélange de solutions contenant les réactifs appropriés. Dans ce
Ces deux exemples illustrent bien la difficulté rencontrée lorsque qui suit, nous ne ferons pas cette distinction, les deux termes
l’on veut connaître de façon précise la valeur de la sursaturation. signifiant indistinctement production de cristaux à partir de la
Dans le second exemple, il serait même impossible de calculer β à solution.

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Cristallisation en solution
Procédés et types d’appareils

par Béatrice BISCANS


Docteur de l’Université de Toulouse. Ingénieur de génie chimique ENSIGC, Toulouse
Directeur de recherche CNRS au laboratoire de génie chimique UMR 5503 de Toulouse

Directrice du laboratoire de génie chimique de Toulouse

1. Place de la cristallisation dans le procédé industriel .................... J 2 788v2 - 3


1.1 Chaîne du solide : cristallisation, filtration, séchage................................. — 3
1.2 Propriétés des cristaux ................................................................................ — 4
2. Modes de création de la sursaturation .............................................. — 7
2.1 Procédés thermiques ................................................................................... — 7
2.2 Procédés chimiques ou physico-chimiques .............................................. — 9
3. Calcul du rendement théorique de cristallisation........................... — 10
4. Contrôle de la sursaturation ................................................................. — 11
4.1 Contrôle de la vitesse de création de la sursaturation.............................. — 11
4.2 Ensemencement........................................................................................... — 11
5. Choix d’un cristallisoir............................................................................ — 11
5.1 Informations requises pour le choix........................................................... — 12
5.2 Mode de fonctionnement ............................................................................ — 12
5.3 Types de contacteurs ................................................................................... — 12
6. Cristallisoirs agités .................................................................................. — 14
6.1 Rôle de l’agitation ........................................................................................ — 14
6.2 Type d’appareils........................................................................................... — 15
7. Cristallisoirs à lit fluidisé ....................................................................... — 16
7.1 Vitesse de fluidisation.................................................................................. — 16
7.2 Type d’appareils........................................................................................... — 16
8. Contrôle de la distribution de taille des cristaux............................ — 17
8.1 Bilan de population ...................................................................................... — 17
8.2 Cas du MSMPR............................................................................................. — 18
9. Calcul des installations de cristallisation ......................................... — 19
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQS@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQY

9.1 Cristallisation discontinue par refroidissement......................................... — 20


9.2 Cristallisation continue MSMPR ................................................................. — 20
10. Conclusion.................................................................................................. — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 2 788v2

a cristallisation à partir d’une solution est un procédé de base pour de


L nombreux secteurs industriels. Les cristaux peuvent être produits dans des
tailles très variables allant de quelques dizaines de nanomètres à plusieurs mil-
limètres, sous forme de particules individuelles ou d’agglomérats structurés de
particules. Les exemples les plus connus sont les cristaux pour la chimie fine et
leurs intermédiaires comme les sels, carbonate de sodium, les zéolites, les
céramiques, les détergents, les fertilisants, les principes actifs pharmaceuti-
ques ou les pigments. En conséquence, le tonnage et la gamme de cristaux

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est strictement interdite. – © Editions T.I. J 2 788v2 – 1

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CRISTALLISATION EN SOLUTION _______________________________________________________________________________________________________

produits sont très larges. Les productions peuvent atteindre plusieurs cen-
taines de tonnes par jour pour des produits courants tels que l’acide adipique
ou le sulfate d’ammonium. D’autres productions sont de quelques dizaines de
tonnes par jour comme l’aspirine ou le paracétamol. Des quantités encore plus
faibles sont obtenues pour certains composés pharmaceutiques par exemple.
La valeur économique, les bénéfices sur la société ou les progrès techniques
des produits cristallins et des procédés associés ne cessent de croître, en parti-
culier dans des secteurs mettant en œuvre des produits à haute valeur ajoutée.
Cette place très centrale de l’opération de cristallisation et les contraintes de
qualité exigées sur les cristaux, tout en incluant les critères de sécurité et de
préservation de l’environnement, conduisent les scientifiques et les ingénieurs
à développer des produits et des procédés innovants. La cristallisation est dont

R une opération en plein développement.


La maîtrise de la phase solide, en particulier sous forme particulaire, est un
enjeu industriel de plus en plus pressant. Les solides divisés interviennent en
tant que véhicules ou support de substances actives ou consommables, en tant
que précurseurs de matériaux plus élaborés, comme produits finis ou
semi-finis.
L’industrie a de plus en plus, besoin de « synthétiser des propriétés » en vue
d’applications spécifiques. Cette remarque concerne de nombreux domaines :
chimie de base, chimie fine, pharmacie, alimentaire, matériaux, pigments, cata-
lyseurs... Les besoins actuels sont surtout d’améliorer la fabrication des solides
divisés sur le plan de la répétabilité des propriétés, et de développer de nou-
velles fabrications à l’échelle commerciale.
En tant que stade de génération des cristaux, la cristallisation en solution
joue un rôle déterminant sur la qualité du produit final. L’objectif des études
est d’établir les interactions entre le procédé et les propriétés d’usage des cris-
taux. Ces interactions sont difficiles à établir car la qualité d’usage peut être
une combinaison de plusieurs autres propriétés plus élémentaires telles que la
taille et la forme des cristaux, leur état d’agrégation, leur structure cristalline
ou leur pureté.
La cristallisation est l’apparition de particules solides (cristaux) dans une
solution sursaturée par rapport au produit à cristalliser. Cette sursaturation
peut être créée par voie thermique (refroidissement de la solution ou évapora-
tion du solvant) ou bien par voie physico-chimique ou chimique (addition d’un
composé qui provoque la cristallisation ou réaction chimique).
Pour dimensionner un cristallisoir, il est nécessaire de posséder un certain
nombre d’informations. Ces informations concernent :
– la substance à cristalliser (nature, système cristallin, quantité à produire,
taille souhaitée des cristaux) ;
– la solution initiale (concentration, température, propriétés physiques, dia-
grammes des phases susceptibles de cristalliser dans cette solution ou courbe
de solubilité de ces phases) ;
– les cinétiques de nucléation et de croissance (en masse de substance
déposée par unité de temps et de volume) ;
– le type de cristallisoir (agité, fluidisé, continu, discontinu).
Il est donc indispensable de maîtriser l’opération de cristallisation à la fois en
termes de bilans de matière et thermique, mais aussi en termes de bilan de
population qui permet de prédire la distribution de taille des cristaux. Par
ailleurs, le procédé de cristallisation doit être intégré dans l’ensemble de la
chaîne de traitement et de conditionnement du solide (filtration, séchage).

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_______________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION EN SOLUTION

Principaux symboles Principaux symboles (suite)


Sym- Sym-
Unité Définition Unité Définition
bole bole
AB m2 surface de transfert thermique kg
Y rendement théorique maximal
cristaux
Ap m2 surface projetée de la particule
∆C = sursaturation absolue
cD coefficient de traînée C – C* (kg de soluté anhydre/kg de solvant)
concentration de la solution φ fraction volumique en solides
C
(kg de soluté anhydre/kg de solvant)
ψ facteur de sphéricité
concentration de la solution
enthalpie massique d’évaporation


C*
à saturation à l’équilibre λv kJ · kg–1
à une température donnée du solvant
(kg de soluté anhydre/kg de solvant) λc kJ · kg–1 enthalpie massique de cristallisation
capacité thermique massique m2 s–1
Cp kJ·kg–1 ·K–1 ν · viscosité cinématique de la solution
moyenne de la solution
η Pa · s viscosité du fluide
D m diamètre du mobile d’agitation
ρℓ kg · m–3 masse volumique du liquide
Dp m diamètre d’une particule
ρ kg · m–3 masse volumique moyenne
F N force de traînée
ρc kg · m–3 masse volumique des cristaux
g m·s–2 accélération de la pesanteur
σ degré de sursaturation (C – C*)/C*
G m·s–1 vitesse de croissance linéaire
τB s durée du batch
ka facteur de forme de surface
kv facteur de forme de volume
L m taille caractéristique des cristaux
MT kg·m–3 densité de la suspension 1. Place de la cristallisation
Ms kg masse de solution
dans le procédé industriel
densité de population par unité
n nbre·m–1 ·m–3
de taille caractéristique des cristaux
n nbre·m–1 densité de population 1.1 Chaîne du solide : cristallisation,
vitesse minimale d’agitation filtration, séchage
N s–1 à laquelle les particules sont
en suspension
nombre total de cristaux La cristallisation est à la base de la fabrication de
NT
de la distribution nombreuses substances utilisées dans la vie courante : médica-
Ps produit de solubilité ments, produits alimentaires, produits chimiques. Le schéma
puissance consommée pour mettre classique d’une production de cristaux consiste à enchaîner les
PS W · kg–1 opérations de cristallisation ou précipitation (production de
les particules en suspension
cristaux en suspension), filtration, lavage et séchage (obtention
nombre de puissance de l’agitateur de la poudre). En tant qu’étape de génération de particules, la
PV
choisi cristallisation conditionne la qualité chimique et physique du
rapport entre les masses molaires du produit et influence les étapes ultérieures de filtration et de
R
soluté hydraté et du soluté anhydre séchage. La cristallisation est donc à l’origine de la future
RG kg · m–2 · s–1 vitesse de croissance massique qualité d’usage de la poudre. Mais il faut savoir que les
procédés ultérieurs de filtration et de séchage ont aussi une
nombre de Reynolds de la particule
Rep influence sur la conception du cristallisoir lui-même.
(Rep = ρuDp/η)
constante adimensionnelle
s dépendant du type d’agitateur C’est à travers l’interaction procédé-produit que les propriétés des
et de sa géométrie cristaux telles que la taille et la distribution de taille, la forme, la
sp m2 surface d’une particule pureté, la structure cristalline (polymorphisme)... sont gérées. Or
souvent, le contrôle de ces propriétés nécessite des approches et
S = C/C* rapport de sursaturation
des conditions opératoires différentes de celles consistant unique-
T oC température de la solution ment à gérer un rendement. Par exemple, la liqueur mère dans
vitesse limite de chute laquelle les cristaux se sont formés peut contenir des impuretés qui
u0 m · s–1 risquent de se retrouver au sein des cristaux. Les spécifications de
d’une particule
u m · s–1 vitesse de la particule pureté exigées pour les cristaux peuvent donc conditionner le choix
d’un filtre ou d’une centrifugeuse. Elles peuvent aussi nécessiter des
coefficient de transfert thermique glo-
U W · m–2 · K–1 étapes de lavage des cristaux ou de remise en suspension dans un
bal non-solvant pur après une première filtration, voire de recristallisa-
vp m3 volume d’une particule tion. Par ailleurs, les cristaux retiennent une petite quantité de
masse de solvant évaporé liqueur mère à leur surface par adsorption et une quantité bien plus
V importante due à de l’attraction capillaire, dans les vides interparti-
(kg/kg de solvant initial)
culaires présent dans la couche de filtration. Ainsi, des cristaux
W kg masse initiale de solvant
petits et irréguliers peuvent retenir plus de 50 % de liqueur mère
X fraction de solides dans le réacteur dans la masse cristalline. Dans le cas où l’efficacité de filtration est

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CRISTALLISATION EN SOLUTION _______________________________________________________________________________________________________

Produit Cristallisation
en solution Recristallisation Matières premières
Solvant
Énergie

Filtration Déchets de solvants

R Lavage
sur filtre
Effluents de lavage
Solvant frais ou recyclé

Redissolution Solvant frais ou recyclé


Énergie
Particules dans l’air
Produit Séchage Solvants
Énergie

Figure 1 – Schéma de formation de produits solides par cristallisation-filtration-séchage et ressources associées

limitée par des problèmes de piégeage de solvant entre les cristaux (phases actives en catalyse), micrométriques (pigments, principes
ou la formation d’un gâteau colmatant sur le filtre, il faut envisager actifs pharmaceutiques, halogénures d’argent dans les émulsions
de filtrer le gâteau sous pression ou d’augmenter la vitesse de cen- photographiques) à des tailles de plusieurs millimètres (sel, sucre,
trifugation. Toutefois, il faut noter que si il est important d’utiliser le diamant), depuis les systèmes colloïdaux jusqu’aux produits plus
type de filtre le plus efficace, il est aussi essentiel d’essayer de pro- « grossiers ». La taille et la distribution de taille des cristaux ainsi
duire des cristaux de forme régulière, afin d’éviter la rétention de que leurs formes sont des propriétés essentielles qui déterminent la
liqueur mère dans les irrégularités. facilité et l’efficacité des étapes ultérieures de filtration et de
De même, si la distribution de taille des cristaux visée est très séchage ainsi que les propriétés de « processabilité » des cristaux
étroite, il faut peut-être envisager une étape de criblage après secs telles que leur « coulabilité » lors de leur manipulation ou
séchage et de recyclage des cristaux sortant de la gamme de taille l’ensachage ou leur aptitude au mottage lors du stockage.
recherchée. De même, pendant l’opération de cristallisation, la distribution
La charge thermique d’un séchoir peut être estimée par de taille des cristaux en suspension a une influence sur le niveau
l’expression suivante : de sursaturation au sein du cristallisoir et a donc un impact sur les
vitesses de nucléation et de croissance des cristaux, sur leur
Vitesse d’évaporation × enthalpie d’évaporation pureté et leur morphologie, sur le phénomène d’encroûtage sur les
Charge thermique = (1) parois du cristallisoir et sur la stabilité de l’opération.
efficacité thermique
Pour une particule sphérique ou cubique, il est facile de définir
Pour des séchoirs convectifs, on peut espérer des efficacités ther- une taille car une seule grandeur suffit dans ce cas : le diamètre de
miques dans la gamme 0,4-0,7, les valeurs les plus basses s’appli- la sphère ou l’arête du cube. Les cristaux industriels sont rarement
quant à des produits thermosensibles qui imposent une température cubiques ou sphériques, et plusieurs dimensions les caractérisent.
d’air de séchage inférieure à 100 oC. Les séchoirs sous vide peuvent C’est pourquoi, pour se ramener à une seule dimension, il est fait
monter à des efficacités de 0,9, mais leur coût est élevé. référence à une taille caractéristique pour décrire des particules de
L’étude du procédé doit donc prendre en compte les aspects formes plus complexes. Cette taille caractéristique est souvent
granulométriques et morphologiques, au niveau de l’opération de définie comme le diamètre d’une sphère équivalente, de même
cristallisation mais aussi au niveau des opérations qui la suivent. volume, ou bien de même surface, ou de même résistance à un
Ainsi, la conception d’un cristallisoir ne peut être considérée de écoulement donné ou de même vitesse terminale de chute..., que
façon isolée et doit être intégrée dans une chaîne la particule considérée. Cette dimension caractéristique ne corres-
cristallisation-filtration-séchage [1]. La figure 1 est une illustration pond donc pas à une dimension réelle de la particule. La seule
de la succession de ces opérations et montre l’intégration des possibilité pour atteindre les dimensions réelles de la particule est
contraintes environnementales dans les choix opératoires : de faire une analyse d’image au microscope. Ces mesures restent
réduction des déchets, recyclage des solvants. lourdes à effectuer et on reste aujourd’hui sur la notion de taille
équivalente pour caractériser un cristal. Toutefois, afin de prendre
en compte l’irrégularité de forme de la particule et son écart à la
1.2 Propriétés des cristaux forme sphérique, on introduit un facteur de sphéricité :

a particule
Surface de la sphère de même volume que la
1.2.1 Taille, distribution de taille ψ= (2)
Surface de la particule
Dans l’industrie, selon les produits considérés, le procédé de cris-
tallisation peut conduire à l’obtention de particules possédant des Pour une sphère ψ = 1, tandis que pour les autres particules
gammes de taille très larges allant de dimensions nanométriques ψ < 1.

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_______________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION EN SOLUTION

Pour une particule sphérique de diamètre Dp le rapport entre sa


surface sp et son volume vp est : Pourcentage
de particules
 sp  (πDp2 ) 6
  = = (3)
 v p  sphère (πDp3 / 6) Dp

6  vp 
d’où ψ=   (4)
Dp  sp 
particule

Exemple : estimer la sphéricité d’un cube d’arête a.


Le volume du cube est : vcube = a3
Taille des particules

La surface du cube est : scube = 6a2 Figure 2 – Histogramme de taille de particules solides donnant
le pourcentage de particules en nombre ou en masse en fonction
D’où en appliquant l’équation (4) : d’intervalles de tailles définis par l’appareil de mesure

6  a3  a
ψ= =
Dp  6a 2  Dp
Nombre cumulé N
Comme on considère la sphère de même volume que la particule
(le cube) :
πDp3
= a3 soit Dp =1241
, a
6

et a
ψ= = 0,806
1241
, a

À la sortie du cristallisoir les cristaux ne possèdent pas tous les


mêmes dimensions car ils sont nés à des instants différents,
évoluent à des vitesses différentes. La population de cristaux doit
donc être représentée par une distribution de tailles. La mesure de
la distribution de tailles des particules sur un échantillon représen- Taille caractéristique L
tatif de la production, conduit à un histogramme tel que celui
représenté sur la figure 2. La gamme de taille est divisée en inter- Figure 3 – Distribution de taille des particules en pourcentage
valles dans lesquels se répartissent les pourcentages de particules cumulé
en nombre ou en masse. La granulométrie dépend du découpage
en classes de taille et plus le nombre de classes est élevé plus la
précision est importante, à condition de garder dans chaque classe cristal si sa structure est connue. En effet, les informations de
un nombre de particules suffisant pour que la mesure reste structure fournissent les contraintes de symétrie et la position des
pertinente. On peut aussi représenter la distribution de taille des coordonnées de tous les atomes dans la structure. Les vitesses de
cristaux en additionnant les pourcentages dans chaque tranche de croissance relatives des faces du cristal et donc le faciès du cristal,
taille (figure 3). On a alors la fonction de distribution cumulée. sont obtenues en calculant les énergies de liaisons des unités de
croissance sur les différentes faces [3] [4].
Nota : pour plus de détails, se reporter à l’ouvrage [2] ou à l’article [J 2 251].
Toutefois, la nature de ces liaisons moléculaires de surface
signifie que la morphologie du cristal est fortement influencée par
1.2.2 Faciès cristallin des facteurs extérieurs tels que le niveau de sursaturation, la
température, le solvant dans lequel il grossit et la pureté de la
solution. La vitesse de croissance d’une face peut dépendre de
La forme globale d’un cristal souvent appelé faciès ou façon non linéaire de la sursaturation. Cela peut conduire au
morphologie est un paramètre crucial pour déterminer la viabi- croisement des courbes de vitesse de croissance de deux faces
lité à la fois du procédé de cristallisation et du produit. Il faut dis- d’un même cristal en fonction de la sursaturation.
tinguer la morphologie d’équilibre de celle de croissance. La
morphologie d’équilibre est la forme qu’un cristal adopte quand Exemple (figure 4) : le résultat de ce croisement pour les faces
il rejoint un état d’équilibre dans son environnement et corres- numérotées [010] et [001] est qu’à faible sursaturation c’est la face
pond à la minimisation de l’enthalpie libre de surface du cristal, [001] qui avance et des cristaux en forme d’aiguilles sont produits tan-
tandis que la morphologie de croissance est la forme qu’un cris- dis qu’à sursaturation élevée les cristaux sont bipyramidaux.
tal développe pendant sa croissance quand la cinétique domine.

L’influence de la température sur la forme des cristaux intervient


La morphologie est déterminée par deux facteurs, la symétrie de à travers l’expression de la vitesse de croissance qui augmente avec
la structure interne du cristal et les vitesses relatives des faces la température selon une loi d’Arrhenius. La croissance tend donc à
limitant le cristal, vitesses qui sont reliées à l’énergie d’attache- devenir contrôlée par la diffusion lorsque la température augmente.
ment des molécules ou des ions à la surface de ce cristal. En prin- Cela conduit à cette règle qui consiste à avoir des cristaux plus iso-
cipe, il est possible aujourd’hui de prédire la morphologie d’un tropes dans leur forme quand ils croissent à haute température.

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Cristallisation en milieu fondu


Procédés et mises en œuvre

par Marie LE PAGE MOSTEFA


Maı̂tre de Conférences à l’École Nationale Supérieure des Industries Chimiques /
Université de Lorraine – Docteur en Génie des Procédés et des Produits de l’Université de

Lorraine – Ingénieur ENSCR
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés – CNRS UMR 7274 – Nancy – France

et Hervé MUHR
Directeur de Recherche CNRS – Docteur en Génie des Procédés de l’Institut National
Polytechnique de Lorraine – Ingénieur ENSIC
Laboratoire Réactions et Génie des Procédés – CNRS UMR 7274 – Nancy – France

1. Notions fondamentales, définitions ........................................... J 2 798 – 3


1.1 Principe de la cristallisation en milieu fondu .................................... — 3
1.2 Sécurité et développement durable .................................................. — 4
1.3 Bases thermodynamiques ................................................................. — 4
2. Déroulement d’une cristallisation en milieu fondu ................. — 8
2.1 Étapes du procédé.............................................................................. — 8
2.2 Grandeurs déterminantes .................................................................. — 10
3. Procédés discontinus. Cristallisation en couche sur paroi
froide ................................................................................................. — 11
3.1 Principe ............................................................................................... — 11
3.2 Mode statique..................................................................................... — 11
3.3 Mode dynamique ............................................................................... — 12
3.4 Comparaison des modes statiques et dynamiques .......................... — 13
3.5 Intensification ..................................................................................... — 14
4. Procédés continus. Cristallisation en suspension ................... — 14
4.1 Principe ............................................................................................... — 14
4.2 Réacteur simple .................................................................................. — 15
4.3 Cascade de réacteurs ......................................................................... — 17
5. Mises en œuvre industrielle.......................................................... — 17
5.1 Comparaison discontinu / continu .................................................... — 17
5.2 Limitations de la cristallisation en milieu fondu............................... — 19
5.3 Complémentarité avec d’autres procédés de séparation /
purification ......................................................................................... — 20
5.4 Procédés de solidification et de mise en forme ................................ — 20
6. Conclusion........................................................................................ — 22
7. Glossaire ........................................................................................... — 22
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 2 798

es procédés de cristallisation consistent à produire des solides à partir de


L milieux liquides ou gazeux. Parmi ces procédés, la cristallisation en milieu
fondu repose sur les différences de propriétés physico-chimiques à l’état solide
de composés à séparer, tout comme la distillation permet une séparation
p。イオエゥッョ@Z@ュ。ゥ@RPQY

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CRISTALLISATION EN MILIEU FONDU ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

de produits basée sur les différences de propriétés d’évaporation du mélange.


En effet, le principe de la cristallisation en milieu fondu repose sur le refroidis-
sement d’un mélange liquide impur en produisant une phase solide cristalline
purifiée contenant le produit d’intérêt.
Les avantages de la cristallisation en milieu fondu font de ce procédé une
alternative intéressante aux procédés de purification, de séparation et de
mise en forme. En effet, en comparaison avec l’opération de distillation, la cris-
tallisation en milieu fondu est peu énergivore. Par ailleurs, opérant sans sol-
vant et à bas niveau thermique, ce procédé s’inscrit dans la démarche d’éta-
blissement de procédés plus respectueux de l’environnement et plus
économiques. De plus, cette méthode de purification est parfois la seule tech-


nique capable de séparer des constituants, tels que des mélanges d’isomères
ou des mélanges azéotropiques.

Symbole Description Unité

Concentration massique de l’impureté kg.m-3 ou


Ci,j
i dans la phase j kg.L-1

Taille des gouttelettes produites –


d m
Prilling

Coefficient de distribution du
Ki –
composé i

l Longueur d’onde m

m Masse kg

m Viscosité Pa.s

r Masse volumique kg.m-3

S Solide (diagramme de phases) –

s Tension de surface J.m-2


T Température C ou K

G crist Taux de cristallisation –

G ressuage Taux de ressuage –

h Rendement –

Titre massique du composé i dans la


wi,j –
phase j

Indices
crist : phase cristalline
eb : ébullition
fus : fusion
initial : mélange initial à purifier
liquide : phase liquide produite à l’issue de l’étape de
refroidissement
ressuage : phase liquide produite à l’issue de l’étape du ressuage
solide : phase solide produite à l’issue de l’étape de
refroidissement

J 2 798 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CRISTALLISATION EN MILIEU FONDU

1. Notions fondamentales, dont le contrôle et la séparation des constituants sont basés sur les
caractéristiques physico-chimiques d’un mélange liquide-vapeur.
définitions Il existe, parmi les procédés de cristallisation, deux types de
techniques :
– avec solvant : c’est la cristallisation en solution,
1.1 Principe de la cristallisation en milieu – sans solvant, on parle alors de cristallisation en milieu fondu.
fondu Alors que la cristallisation en solution s’apparente à l’opération
La cristallisation en milieu fondu est un procédé basé sur le dia- inverse de la dissolution, en faisant intervenir un mélange ternaire
gramme de phases liquide-solide d’un mélange à séparer, comme {solvant ; soluté ; impuretés}, la cristallisation en milieu fondu peut
indiqué figure 1. Ce procédé pourrait être comparé à la distillation, être comparée à l’opération inverse de la fusion et le milieu à puri-
fier est alors un binaire {produit noble ; impuretés}.


La cristallisation en milieu fondu est basée sur le refroidissement
d’un mélange impur de manière à produire une phase solide, riche
Température

en produit d’intérêt, alors que les impuretés se concentrent au fur


et à mesure dans la phase liquide. Ce procédé peut être utilisé dans
Vapeur Teb,B une large gamme de température variant de - 70 à 350  C, bien que
dans la majorité des cas pratiques, la température de fonctionne-
Procédé de ment soit comprise entre 0 et 150  C [1].
Vapeur distillation
+ Liquide Les procédés de cristallisation en milieu fondu peuvent s’opérer
de manière discontinue ou de manière continue.
La cristallisation en couche sur paroi froide, correspond au mode
Teb,A Liquide discontinu, procédé dans lequel la couche cristalline croı̂t sur les
parois de refroidissement du réacteur de cristallisation alors que
Tfus,A la phase liquide est mise en mouvement par :
– convection naturelle, on parle alors de procédé réalisé en mode
Tfus,B statique ;
A(s) Procédé de
+ Liquide cristallisation
– convection forcée, la cristallisation s’effectue alors en mode
B(s) + Liquide
en milieu fondu dynamique.

La cristallisation en suspension, permet de travailler en régime


Solide
continu, en faisant intervenir, selon les besoins, un réacteur simple
0%B Titre en B 100 % B de cristallisation à surface raclée ou une cascade de réacteurs à sur-
face raclée.
Figure 1 – Diagramme de phases Solide-Liquide-Vapeur et procédés La figure 2 rappelle l’ensemble des procédés de cristallisation,
de séparation selon le régime de fonctionnement (batch ou continu).

Cristallisation

Cristallisation Cristallisation
en milieu fondu en solution
{produit noble ; {solvant ; soluté
impuretés} impuretés}

Cristallisation
Cristallisation
en couche
en suspension
sur paroi froide

Mode Réacteur Cascade


Mode statique
dynamique simple de réacteurs

Procédé PROABD Procédé MWB Sulzer Procédé Phillips Procédé Brodie

Figure 2 – Présentation des principaux procédés de cristallisation

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CRISTALLISATION EN MILIEU FONDU ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1.2 Sécurité et développement durable – Le procédé est plus aisément mis en œuvre de manière discon-
tinue qu’en régime continu. De même, le procédé est plus « souple »
Bien que moins répandue que la cristallisation en solution, la en mode fermé qu’en continu, avec le passage d’un produit à un
cristallisation en milieu fondu présente de nombreux avantages : autre plus aisé.
– procédé peu énergivore de par une consommation énergétique – Il est nécessaire de retraiter les fractions intermédiaires produi-
bien inférieure à celle engagée dans les procédés de distillation, tes au cours du procédé, afin de produire et d’atteindre les produc-
par exemple. En effet, la chaleur latente de fusion des composés tivités visées, complexifiant alors le procédé.
organiques est de 2 à 7 fois moins élevée que la chaleur latente
de vaporisation [2] [3], rendant ainsi cette technique de purification
plus économique et écologique ; 1.3 Bases thermodynamiques
– procédé sans solvant, ce qui permet d’éliminer tous risques de
contamination du produit par le solvant, dispense de toute unité Les courbes de solubilité constituent la base thermodynamique
d’opération de retraitement de solvant et répond donc aux exigen- nécessaire à la conduite d’un procédé de cristallisation en solution.
Pour la cristallisation en milieu fondu, l’élément clef est la connais-


ces écologiques et économiques des procédés d’une chimie plus
respectueuse de l’environnement ; sance du diagramme de phases liquide/solide du système à puri-
– procédé applicable à plus de 72 % des composés organiques ; fier. En effet, la cristallisation en milieu fondu consiste à séparer
en effet, 72,2 % des molécules organiques ont leur température de des composés issus d’un mélange à l’état liquide par refroidisse-
fusion comprise entre 0 et 200  C, une gamme de température faci- ment selon l’équilibre liquide-solide du système initial à purifier.
lement accessible, comme le montre la figure 3 [3] [4] ; Tout comme le point azéotropique constitue une limite thermo-
– procédé de très haute sélectivité ; pour des mélanges ne for- dynamique en distillation, les points eutectique ou péritectique
mant pas des solutions solides, une pureté théorique de 100 % délimitent la zone dans laquelle le procédé de cristallisation en
peut être atteinte en une seule étape de cristallisation (seulement milieu fondu peut s’opérer.
14,1 % des systèmes binaires forment des solutions solides) [4] [5] ;
– procédé à faible coût d’investissement et de maintenance, dans
la mesure où aucune étape de filtration, lavage et séchage n’est Le point eutectique E est un point du diagramme de phases
nécessaire [2] ; liquide-solide dont la composition correspond à un mélange se
– procédé ne faisant pas intervenir de phase gazeuse, critère de comportant comme un corps pur en se solidifiant à la tempéra-
définition des procédés « verts » [2] ; ture de liquidus localement la plus faible du diagramme de pha-
– procédé fonctionnant à bas niveau thermique ; en comparaison ses, à température constante.
avec la distillation, la cristallisation en milieu fondu est effectuée à
basse température ; ainsi, elle convient particulièrement aux com- E(solide) → E(liquide)
posés thermosensibles ;
– procédé permettant la séparation d’isomères, des composés de
structure chimique très proche [6] et difficilement séparables par
les procédés classiques de purification. Par exemple, le p-dichloro-
Un composé péritectique P est un mélange se comportant
benzène et le o-dichlorobenzène sont purifiés par cristallisation en
comme un corps pur, qui, lorsqu’il passe de l’état solide vers
milieu fondu, tout comme les isomères du xylène (cf. exemple
l’état liquide, fond en formant une nouvelle phase solide S’ et
§ 1.3.2 et 5.3) [7].
une phase liquide.
Cependant, ce procédé de purification présente quelques
inconvénients. P(solide) → Liquide + S(′solide)
– Plusieurs cycles de purification peuvent être parfois nécessaires
afin d’atteindre le rendement et la pureté souhaités, en particulier si
le mélange à purifier forme une solution solide. 1.3.1 Équilibres des phases liquide-solide
– De par la nécessité d’un refroidissement lent et progressif afin
de produire des cristaux purs, le temps d’opération varie de quel-
ques heures à quelques dizaines d’heures, rendant le volume des 1.3.1.1 Structure des diagrammes de phases
réacteurs élevé, en fonction de la productivité visée. La figure 4 représente un diagramme de phases liquide-solide
– Si le refroidissement du système à purifier s’opère à des tem- d’un mélange binaire constitué d’un composé A et d’un produit B
pératures inférieures à la température ambiante, la production des avec Tfus,A et Tfus,B les températures de fusion des composés purs
frigories requiert une quantité d’énergie plus importante. respectifs. La composition de la phase liquide à une température T

300 1,70 % 2,20 %


Nombre de composés

250
8,40 %
15,50 % de –170 à –100 ºC
200
organiques

de –100 à 0 ºC
150 de 0 à 100 ºC
35,40 % de 100 à 200 ºC
100
36,80 % de 200 à 300 ºC
50 de 300 à 350 ºC

0
–170
–140
–110
–80
–50
–20
10
40
70
100
130
160
190
220
250
280
310
340

Température de fusion (ºC)

Figure 3 – Distribution des températures de fusion des composés organiques

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CRISTALLISATION EN MILIEU FONDU

d’un système à l’équilibre liquide-solide est donnée par la courbe 1.3.1.2 Cristallisation en milieu fondu et diagramme
de liquidus. De la même manière, le solidus indique la composition de phases
de la phase solide. Dans le cas du binaire A + B, représenté figure 6, le diagramme
Le diagramme de phases présenté en figure 4 comporte un point de phases présente un point eutectique délimitant un large
péritectique et un point eutectique. domaine où le composé B cristallise de façon pure.
Le diagramme de phases permet, grâce à la règle du levier ou Un mélange liquide binaire A + B à purifier de composition ini-
des segments inversés, de déterminer, à partir d’un mélange tiale w0, représenté par le point M0 est refroidi. La phase solide
liquide initial de composition connue et de la température finale ainsi formée contient d’après le diagramme de phases 100 % de B,
du milieu, la proportion de phase solide par rapport à la quantité alors que la phase liquide s’enrichit en A. La force motrice de la
de phase liquide résiduelle, comme le montre la figure 5. Cela est cristallisation est la sursaturation qui est directement liée à l’écart
particulièrement utile pour déterminer la température finale à qui existe entre la température du mélange à l’équilibre thermody-
atteindre afin d’obtenir le taux de cristallisation fixé. namique et celle du milieu.

La sursaturation est le paramètre permettant de quantifier


l’éloignement d’un système à l’équilibre thermodynamique. R
Température

Ainsi, en une seule étape, il est possible, thermodynamiquement,


Point péritectique de produire une phase solide totalement pure. Ce cas de figure est
Liquidus valable pour les binaires dont le diagramme de phases liquide-
Tfus_A solide ne présente pas de solution solide, soit pour les diagrammes
Mélange de type A, B et C, représentant 85,9 % des équilibres liquide/solide
liquide solide Liquide Point
eutectique répertoriés, comme le montre la figure 7 [4] [5].
A(s) + liquide
Solidus Tfus_B 1.3.2 Exemple de la purification des isomères
P(s) + liquide B(s) + du xylène
liquide
Solidus Comme le montre cet exemple, alors que la distillation peut
A(s) + P(s)
s’avérer difficile et énergivore pour séparer des composés dont les
P(s) + B(s) températures d’ébullition sont très proches, la cristallisation en
Titre en A
milieu fondu peut s’avérer être une technique de choix permettant
Titre en B d’isoler chacun des isomères. Le tableau 1 présente les caractéristi-
100 % A ques physicochimiques des isomères du xylène.
0%A
0% B
100 % B Cette analyse permet de mettre en évidence les propriétés voisi-
Composition Composition Composition nes de ces isomères en distillation. En revanche, les températures
de la du composé de la de fusion diffèrent de manière significative. Par ailleurs, l’enthalpie
phase solide péritectique P(s) phase liquide de vaporisation est en moyenne 2,6 fois plus importante que celle
de fusion.
La figure 8 présente la séparation de l’o-xylène par distillation, à
Figure 4 – Exemple de diagramme de phases liquide-solide d’un partir d’un mélange de xylènes et autres dérivés aromatiques.
mélange binaire présentant un point eutectique et un point Le p-xylène forme des eutectiques avec les autres isomères, per-
péritectique mettant ainsi, par cristallisation en milieu fondu, de solidifier le p-
xylène avec une pureté de 99,9 %.
Température

Mélange A + B
Température

liquide à t = 0
M0
Liquide Tfus,B
Règle du levier
msolide s la
DE du de
Tfus_A mliquide = CD q ui ion de
Li sit qui
po li
A(s) + liquide o m ase
C ph
liquidus T
Liquide Tfus,A Mf
C D E
B(s) + liquide
Tfus_B A(s) + liquide
Solidus
P(s) + liquide Composition
A(s) + P(s) B(s) + Point de phase solide
liquide eutectique
P(s) + B(s)

0 A(s) + B(s)
Titre massique en B
Cette règle permet de prévoir la quantité de phase solide par rapport
0 ωliq ω0 ωs = 1
à la masse de milieu fondu résiduel, à partir du diagramme de phases
liquide-solide. Titre massique ω en B

Figure 6 – Illustration d’un diagramme de phases liquide-solide


Figure 5 – Illustration de la règle du levier ou des segments inversés et application à la cristallisation en milieu fondu

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Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/
solide
(Réf. Internet 42332)

1– Extraction liquide-liquide

2– Cristallisation

3– Adsorption Réf. Internet page

Adsorption. Aspects théoriques J2730 71

Adsorption. Procédés et applications J2731 77

4– Échange d'ions

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Adsorption
Aspects théoriques

par Lian-Ming SUN


Directeur technique Ligne de Produits Standard Plants
Air liquide Global E&C Solutions France SA, Champigny-sur-Marne, France
Francis MEUNIER
Professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers
Directeur honoraire de l’IFFI (Institut Français du Froid Industriel), Paris, France S
Nicolas BRODU
Maître de Conférences, Université de Rouen-Normandie/INSA-Rouen, Laboratoire
de Sécurité des Procédés Chimiques (LSPC), Saint-Étienne-du-Rouvray, France
et Marie-Hélène MANERO
Docteur-ingénieur
Professeur des Universités
IUT A – Université Paul Sabatier
Laboratoire de génie chimique, Université de Toulouse, CNRS, INPT, Toulouse, France

1. Adsorption et adsorbants .................................................................. J 2 730v2 - 3


1.1 Adsorption................................................................................................ — 3
1.2 Adsorbants ............................................................................................... — 4
2. Isothermes d’adsorption .................................................................... — 6
2.1 Isothermes d’adsorption des corps purs ............................................... — 7
2.2 Isothermes d’adsorption de mélanges .................................................. — 8
2.3 Isothermes d’adsorption pour les surfaces hétérogènes ..................... — 9
2.4 Modèles moléculaires ............................................................................. — 10
3. Transferts dans les adsorbants ........................................................ — 11
3.1 Mécanismes de transfert......................................................................... — 11
3.2 Importance relative des différents transferts ........................................ — 13
3.3 Approche simplifiée de LDF.................................................................... — 13
3.4 Transferts de chaleur............................................................................... — 14
4. Dynamique d’adsorption dans un adsorbeur ............................... — 14
4.1 Influence des isothermes d’adsorption.................................................. — 14
4.2 Effets de la limitation cinétique .............................................................. — 15
4.3 Effets de la dispersion ............................................................................. — 16
4.4 Effets thermiques..................................................................................... — 17
4.5 Considérations hydrodynamiques dans un lit d’adsorbant ................. — 18
4.6 Utilisation de lits d’adsorbants pour atténuer des brusques
variations de charge ................................................................................ — 18
5. Conclusion ............................................................................................. — 18
6. Glossaire ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 2 730v2

a technologie de séparation par adsorption constitue une des technologies


L de séparation les plus importantes, en particulier parmi les technologies
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQV

qui ne sont pas basées sur l’équilibre vapeur-liquide. Elle est largement utilisée
pour la séparation et la purification des gaz et des liquides dans des
domaines très variés, allant des industries pétrolières, pétrochimiques et

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chimiques, aux applications environnementales et pharmaceutiques. Les appli-


cations industrielles typiques sont :
– la production des gaz industriels (oxygène, azote, hydrogène) ;
– la séparation des hydrocarbures (paraffines linéaires et ramifiés, par
exemple) ;
– les traitements de l’air, des eaux et des effluents pour l’élimination de pol-
luants (pesticides, solvants chlorés, composés soufrés, odeurs, COV, métaux
lourds...) ;
– le séchage, la production de médicaments, etc.
La séparation par adsorption est basée sur une adsorption sélective (soit
thermodynamique, soit cinétique) des différents constituants gazeux ou
liquides par des adsorbants grâce à des interactions spécifiques entre les sur-
faces des adsorbants et les molécules adsorbées. Une des caractéristiques
essentielles de la technologie d’adsorption réside dans son fonctionnement
transitoire et généralement cyclique puisque, après une phase d’adsorption,

S les adsorbants doivent être régénérés partiellement ou complètement pour


une prochaine utilisation. Les performances de séparation dépendent, d’une
manière non triviale, non seulement des propriétés thermodynamiques, mais
également des propriétés cinétiques et hydrodynamiques.
Les différents aspects des procédés d’adsorption font l’objet de deux articles
séparés. Dans le premier article sont présentées les considérations théoriques
des procédés d’adsorption tels que les adsorbants, la modélisation des iso-
thermes d’adsorption, les phénomènes de transfert dans les grains d’adsorbant
et les comportements dynamiques d’un lit (fixe) d’adsorbant. Les aspects plus
pratiques des procédés d’adsorption sont traités dans l’article [J 2 731].

Sigles, notations et symboles Sigles, notations et symboles (suite)


Symbole Unité Description Symbole Unité Description
Coefficient cinétique de LDF pour les Coefficient de transfert de matière à
ac s–1 kf m · s–1
transferts microporeux la surface des grains

ap s–1
Coefficient cinétique de LDF pour les K –/Pa–1 Constante de Henry/Pente initiale
transferts macroporeux
L m Longueur d’un lit d’adsorbant
A m2 Surface d’adsorption
Constante caractéristique des
b m3 · mol–1 Constante de Langmuir m interactions entre l’adsorbat et
l’adsorbant
b′ m3 · mol–1 Constante du modèle de Toth
Concentration en phase fluide dans M g · mol–1 Masse molaire
c mol · m–3
les espaces intergranulaires Quantité volumique adsorbée
n mol · m–3
Concentration en phase fluide dans d’adsorbant
cp mol · m–3
les macropores
Quantité volumique d’adsorption
nm mol · m–3
Coefficient de diffusion maximale (à saturation)
Dc m2 · s–1
microporeux
Ns Nombre total de groupes de sites
Coefficient de diffusion
Dp m2 · s–1 p Pa Pression partielle
macroporeux
DL m2 · s–1 Coefficient de dispersion P Pa Pression totale

DM m2 · s–1 Coefficient de diffusion moléculaire Ps Pa Pression saturante

DK m2 · s–1 Coefficient de diffusion de Knudsen q(is) J · mol–1 Chaleur d’adsorption isostérique


DS m2 · s–1 Coefficient de diffusion de surface Rp m Rayon moyen des macropores
Énergie d’activation pour R J· mol–1 · K–1 Constante des gaz parfaits
E J · mol–1
adsorption
Rc m Rayon des cristaux
Coefficient de transfert thermique à
hgrn W · m–2 · K–1
la surface des grains Rgrn m Rayon des grains d’adsorbants

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Sigles, notations et symboles (suite) Sigles, notations et symboles (suite)


Symbole Unité Description Indices

T K Température A alimentation

t s Temps/Constante de Toth c cristaux ou microparticules du grain d’adsorbant


f fluide
u m · s–1 Vitesse d’écoulement superficielle
grn grain d’adsorbant
v m · s–1 Vitesse d’écoulement interstitielle
i constituant i
x Fraction molaire en phase adsorbée
K Knudsen
W m3 Volume molaire d’adsorbat
m maximale ou à saturation
Vitesse de propagation d’un front de
wc m · s–1 M moléculaire
concentration


Coordonnée spatiale dans le lit p pores
Z m
d’adsorbant s site
εp Porosité des macropores S surface du grain d’adsorbant
Porosité totale des espaces * initiale
εt
intergranulaires et des macropores
Exposant
Rapport des tailles des molécules et
λ (0) référence
des pores
λf W · m–1 · K–1 Conductivité thermique du fluide a adsorbat
* seuil
Conductivité thermique des grains
λp W · m–1 · K–1
d’adsorbants

η Pa · s Viscosité de la phase fluide


ρf kg · m–3 Masse volumique du fluide
1. Adsorption et adsorbants
ρs kg · m–3 Masse volumique de l’adsorbant 1.1 Adsorption
Masse volumique des grains
ρgrn kg · m–3
d’adsorbants L’adsorption est le processus au cours duquel des molécules
Masse volumique d’un lit d’un fluide (gaz ou liquide) viennent se fixer sur la surface d’un
ρlit kg · m–3 solide. La phase constituée des molécules adsorbées est appe-
d’adsorbant
lée « soluté » ou « adsorbat » et le solide est nommé
Capacité thermique volumique du « adsorbant ». La surface du solide comprend les surfaces
(ρc)f J · m–3 · K–1 externes et internes engendrées par le réseau de pores et cavi-
fluide
tés à l’intérieur de l’adsorbant.
Capacité thermique volumique d’un
(ρc)grn J · m–3 · K–1
grain d’adsorbant
Il existe deux types de processus d’adsorption : l’adsorption
Pression bidimensionnelle appelée physique ou physisorption et l’adsorption chimique ou
π Pa
la pression d’étalement chimisorption.

µ J · mol–1 Potentiel chimique Dans le cas de l’adsorption physique, la fixation des molé-
cules d’adsorbat sur la surface d’adsorbant se fait essentiellement
Diamètre des molécules du consti- grâce aux forces de Van der Waals et aux forces dues aux interac-
σi m tions électrostatiques de polarisation, dipôle et quadruple pour les
tuant i
adsorbants ayant une structure ionique. L’adsorption physique se
τp Facteur de tortuosité produit sans modification de la structure moléculaire et est parfai-
tement réversible (c’est-à-dire que les molécules adsorbées
Coefficient d’activité égal à l’unité peuvent être facilement désorbées en diminuant la pression ou en
γi
pour une solution idéale augmentant la température).
Nu Nombre de Nusselt : 2 hgrnRgrn /λf Dans le cas de l’adsorption chimique, le processus résulte
d’une réaction chimique avec formation de liaisons chimiques
Pe Nombre de Pecket : 2vRgrn /DL entre les molécules d’adsorbat et la surface d’adsorbant. L’énergie
de liaison est beaucoup plus forte que dans le cas de l’adsorption
Pr Nombre de Prandtl : (ρc)f η/(λf ρf ) physique et le processus est beaucoup moins réversible et même
Re Nombre de Reynolds : 2ρf uRgrn /η parfois irréversible.
Dans la plupart des procédés d’adsorption industriels, l’adsorp-
Sc Nombre de Schmidt : η/(ρf DM) tion physique est largement prépondérante par rapport à la chimi-
sorption, par conséquent seule l’adsorption physique sera
Sh Nombre de Sherwood : 2kf Rgrn /DM abordée dans cet article.

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L’adsorption est un processus exothermique qui se produit donc ou le traitement des eaux usées. Pour ces applications de dépollu-
avec un dégagement de chaleur, ce qui peut conduire à un échauf- tion, l’adsorption sur charbon actif peut être couplée à une oxyda-
fement du solide et à une réduction des quantités adsorbées. Les tion à l’ozone pour traiter les micropolluants réfractaires [1].
variations de température sont souvent importantes dans les pro- Du fait de leur distribution assez large des tailles de pores, les
cédés industriels d’adsorption et peuvent constituer un des princi- charbons actifs ont des sélectivités plutôt faibles pour l’adsorption
paux facteurs de la dégradation de performances. L’exothermicité des molécules de tailles différentes. Pour augmenter les sélectivi-
d’un système d’adsorption est caractérisée par les chaleurs tés, il est possible de préparer des charbons actifs avec une distri-
d’adsorption qui peuvent être mesurées par des techniques calo- bution de pores très étroite par des processus d’activation
rimétriques ou estimées à partir des isothermes d’adsorption à dif- spécifiques, en utilisant par exemple un post-traitement des char-
férentes températures. bons actifs par le craquage ou la polymérisation de certaines
espèces comme le benzène ou l’acétylène sur la surface. Les char-
bons actifs ainsi obtenus sont appelés tamis moléculaires car-
1.2 Adsorbants bonés. C’est ce type de charbons actifs qui est utilisé pour la
production de N2 à partir de l’air avec un procédé de séparation
Les adsorbants utilisés dans l’industrie ont généralement des basé sur des sélectivités cinétiques. Les tailles effectives des
surfaces spécifiques (surface par unité de masse) supérieures à micropores dans les tamis moléculaires carbonés peuvent varier
600 m2/g, atteignant même quelques milliers de m2/g. Ces adsor- entre 0,3 et 0,8 nm.


bants sont nécessairement microporeux avec des tailles de pores
inférieures à 2 nm ou mésoporeux avec des tailles de pores com- Les principales caractéristiques physiques des charbons actifs
prises entre 2 et 50 nm (selon la classification de l’IUPAC). Les sont données dans le tableau 1.
adsorbants les plus utilisés dans l’industrie sont : les charbons
actifs, les zéolithes, les gels de silice et les alumines activées. Les 1.2.2 Zéolithes
zéolithes se distinguent des trois autres types d’adsorbants par
leurs structures cristallines conduisant à des micropores réguliers Ces matériaux existent à l’état naturel mais la plupart des appli-
de taille uniforme. cations industrielles utilisent des zéolithes synthétiques. Les zéo-
lithes sont des alumino-silicates cristallins et poreux, résultant des
enchaînements de tétraèdres de SiO4 et AlO4 . Ces tétraèdres sont
1.2.1 Charbons actifs reliés entre eux par des motifs réguliers grâce à des atomes d’oxy-
Les charbons actifs sont de loin les adsorbants les plus fabriqués gène mis en commun [2]. Cela forme des super-réseaux cristallins
et utilisés industriellement. Ils peuvent être obtenus à partir d’un contenant des pores de tailles moléculaires, formés entre des
grand nombre de matériaux carbonés (bois, charbon, noix de fenêtres, dans lesquels les molécules étrangères peuvent péné-
coco, etc.), par des processus de carbonisation suivis des proces- trer. La structure microporeuse est donc déterminée par les
sus d’activation dûment contrôlés. Les charbons actifs sont com- réseaux cristallins si bien qu’elle est complètement uniforme sans
posés de microcristallites élémentaires de graphite qui sont distribution de taille, contrairement aux trois autres types d’adsor-
assemblées avec une orientation aléatoire. Les espaces entre ces bants.
cristallites forment les pores dont la distribution des tailles est De nombreuses structures différentes de zéolithes existent selon
assez large et va des micropores (< 2 nm) aux mésopores (2 à la manière dont sont arrangées les unités élémentaires (qui sont
50 nm) et aux macropores (> 50 nm). Les charbons actifs utilisés composées des tétraèdres de SiO4 et AlO4) et selon le rapport
pour la séparation en phase liquide ont des tailles de pores distri- Si/Al. Trois des zéolithes les plus courantes sont les zéolithes A,
buées autour ou supérieures à 3 nm tandis que ceux utilisés en les faujasites ainsi que la mordenite.
phase gazeuse ont des tailles de pores inférieures. Les zéolithes ont généralement des structures ioniques en rai-
La surface des charbons actifs est essentiellement non polaire, son de la présence d’aluminium car chaque atome d’aluminium
même si une légère polarité peut se produire par une oxydation de introduit une charge négative qui doit être compensée par un
surface. En conséquence, ils n’ont pas besoin de séchage préalable cation échangeable. Les principaux cations sont des cations alca-
sévère et adsorbent de préférence les composés organiques non lins tels que le sodium (Na+), le potassium (K+), le calcium (Ca2+),
polaires ou faiblement polaires. Ils sont fréquemment utilisés pour le lithium (Li+), etc. La nature des cations ainsi que leur positionne-
la récupération des vapeurs de solvants et d’hydrocarbures, la ment dans les zéolites ont une grande importance sur les proprié-
décoloration de sucres, la purification d’eau, l’élimination d’odeur tés d’adsorption.

Tableau 1 – Principales caractéristiques des adsorbants


Surface spécifique Taille des pores Masse volumique apparente
Adsorbant Porosité interne
(m2 · g–1) (nm) (kg · m–3)
Charbons actifs 400 à 2 500 1,0 à 4,0 0,4 à 0,8 300 à 600
Tamis moléculaires carbonés 300 à 600 0,3 à 0,8 0,35 à 0,5 500 à 700
Zéolithes 500 à 800 0,3 à 0,8 0,3 à 0,4 500 à 750
Gels de silice 600 à 800 2,0 à 5,0 0,4 à 0,5 700 à 800
Alumines activées 200 à 400 1,0 à 6,0 0,3 à 0,6 800 à 950
Adsorbants à base de
100 à 700 4,0 à 20 0,4 à 0,6 400 à 700
polymère
MOF 160 à 8 000 0,3 à 4 0,5 à 0,9 130 à 500
MOF : Metal-Organic-Frameworks (§ 1.2.6).

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Exemple : un cas typique est celui des zéolites A ayant le sodium Les utilisations principales des gels de silice sont le séchage, la
Na+, le potassium K+ ou le calcium Ca2+ comme cations compensa- séparation des composés aromatiques, le traitement du gaz natu-
teurs. La zéolite A avec K+ a les fenêtres partiellement obstruées par rel, etc.
les cations K+ et la taille des fenêtres passe de 0,4 nm (4 Å) à environ Les principales caractéristiques physiques des gels de silice sont
0,3 nm (3 Å) (zéolite 3A). La zéolite A avec Na+ (zéolite 4A) a des données dans le tableau 1.
ouvertures de fenêtres plus grandes en raison de la taille plus faible de
Na+ par rapport à celle de K+. Quant à la zéolite A avec Ca2+, les
fenêtres ne sont pratiquement pas obstruées puisque tous les cations 1.2.4 Alumines activées
sont localisés à l’intérieur des sites (zéolite 5A).
Les alumines activées sont des oxydes d’aluminium obtenues
par déshydratation thermique du trihydrate d’alumine. Les princi-
Il est à noter que les cations affectent les propriétés d’adsorption
pales caractéristiques physiques des alumines activées sont don-
non seulement par obstruction partielle des micropores mais aussi
nées dans le tableau 1. Comme les gels de silice, les alumines
par des interactions spécifiques avec les molécules adsorbées [3].
activées sont très hydrophiles et sont couramment utilisées pour le
Les ions contenus dans les zéolites peuvent être substitués par séchage. Elles peuvent également être utilisées pour éliminer cer-
d’autres types d’ions et cette modification peut changer les pro- taines substances indésirables de l’eau (arsenic, cuivre...).
priétés d’adsorption des zéolites pour les rendre plus adéquates à
des applications spécifiques.


1.2.5 Adsorbants à base de polymères
Les adsorbants à base de polymères organiques ont trouvé des
Exemple : la production d’oxygène par le procédé VSA (Vacuum applications pour l’élimination des composés organiques, la purifi-
Swing Adsorption) utilise la zéolithe LiX obtenue à partir de la zéolite cation des eaux ou la fabrication des médicaments. Les polymères
NaX par échange d’ions. de base sont des polystyrènes, des esters polyacryliques ou des
résines phénoliques. Ce sont généralement des matériaux méso-
Le rapport Si/Al dans les zéolithes est toujours supérieur ou égal poreux. Leurs principales caractéristiques physiques sont données
à 1, mais n’a pas de limite supérieure. En règle générale, une zéo- dans le tableau 1.
lithe riche en aluminium a une grande affinité pour l’eau et
d’autres molécules polaires tandis qu’une zéolithe pauvre en alu-
minium est plutôt hydrophobe et adsorbe de préférence les hydro- 1.2.6 Matériaux organométalliques poreux (MOF)
carbures. La silicalite est une zéolithe particulière, constituée Depuis la fin des années 1980, de nouveaux types d’adsorbants
presque entièrement de silice, avec très peu d’aluminium sont apparus, constitués d’ions métalliques liés par des ligands
(Si/Al = ∞) et sans cation. Cette zéolithe a des comportements simi- organiques et formant des réseaux polymériques. Ces nouveaux
laires à ceux des charbons actifs, mais résiste mieux à l’humidité matériaux organiques/inorganiques, appelés les MOF (Metal-Orga-
et est plus stable thermiquement. nic-Frameworks) semblent promis à un bel avenir. L’utilisation des
Aujourd’hui, il existe d’autres types de zéolithes que les clas- ligands organiques carboxyliques pour réunir des ions métalliques
siques ayant une structure microporeuse organisée : l’industrie permet la formation d’un réseau cristallin ordonné, très stable avec
chimique sait synthétiser des structures silicatées méso- une porosité et une surface spécifique très importantes. Le choix
poreuses ordonnées et les utilise comme adsorbants. Il existe de varié de ligands organiques et d’ions métalliques permet d’obtenir
nombreuses structures différentes, selon le mode de synthèse. Les d’importantes diversités de topologies [5].
matériaux les plus connus sont les MCM-41 et les SBA15. Leur sur-
face spécifique est similaire à celle du charbon activé (autour de Exemple : comme matériau organométallique, on peut citer le
1 000 m2/g). La taille des pores est contrôlée et varie entre 2 à MOF-5, constitué par des ions de Zn2+ et des ligands 1-4 dicarboxyle
30 nm [4]. de benzène.
Les principales caractéristiques physiques des adsorbants à base Les utilisations principales des MOF sont liées à l’adsorption : le
de silicates sont données dans le tableau 1. stockage, la séparation, la purification des gaz (CO2 , H2) et le trai-
Par substitution de phosphore au silicium, ces aluminosilicates tement des eaux usées [6].
ont donné naissance à d’autres tamis moléculaires de type
zéolithique : les aluminophosphates (AlPO) qui, à leur tour ont été 1.2.7 Matériaux en développement
modifiés par incorporation de silicium pour donner les silicoalumi-
nophosphates (SAPO). Certains de ces SAPOs présentent de nou- 1.2.7.1 Nanomatériaux (NM)
velles structures critallines, en revanche d’autres présentent des
structures similaires à celles de zéolithes conventionnelles comme Les nanostructures peuvent être constituées de carbones,
le SAPO-34 qui a la structure de la chabazite ou le SAPO-37 qui a d’oxydes métalliques. Les nanotubes de carbone sont composés
celle de la faujasite. Le SAPO-34 est utilisé comme catalyseur et de feuilles cylindriques de graphite enroulées dans un tube [7].
également dans les systèmes de climatisation thermique à adsorp- Les nanomatériaux sont en plein essor. Ces matériaux sont
tion [BE 9 737]. faciles à produire et ont une surface spécifique plus élevée que
celle des matériaux actuels [7] [8]. Ainsi, les masses de matériaux
nécessaires à l’adsorption sont moins importantes que pour des
1.2.3 Gels de silice adsorptions classiques. De plus, les cinétiques d’adsorption sont
très rapides, permettant de diminuer les temps de contact et donc
Les gels de silice (SiO2.nH2O) peuvent être obtenus par précipi- la taille des adsorbeurs.
tation de silice en faisant réagir une solution de silicate de sodium Pour le moment, leur développement et leur commercialisation
avec un acide minéral (sulfurique ou chlorhydrique). Le gel obtenu dépendent de leur degré de toxicité et de leur efficacité de
est ensuite lavé, séché et activé. La structure des pores est créée régénération [8].
par l’agglomération des microparticules sensiblement sphériques
de dimension à peu près uniforme comprise entre 2 et 20 nm. La
1.2.7.2 Adsorbants bon marché (Low Cost Adsorbents )
surface des gels de silice est rendue polaire par les groupements
hydroxyles et ces gels adsorbent de préférence les molécules De nombreuses recherches visent à valoriser des déchets ou des
polaires comme l’eau et les alcools. ressources locales en les transformant en adsorbants efficaces. On

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Adsorption
Procédés et applications
par Lian-Ming SUN
Expert Groupe, Direction Ingénierie – Air Liquide
Docteur de l’Université Pierre et Marie Curie
Francis MEUNIER
Professeur au CNAM, Titulaire de la Chaire Froid et Climatisation, Directeur de l’IFFI
et Gino BARON
Professeur au Département de Génie Chimique de la Vrije Universiteit Brussel (VUB),
Belgique

1. Généralités................................................................................................. J 2 731 - 2
1.1 Méthodes de régénération.......................................................................... — 2
1.2 Critères de sélection pour les adsorbants ................................................. — 3
1.3 Configurations des adsorbeurs fixes ......................................................... — 3
1.4 Protection des adsorbants .......................................................................... — 4
1.5 Processus pour le développement d’un procédé d’adsorption............... — 4
1.6 Principales applications industrielles......................................................... — 4
2. Procédés de séparation par adsorption modulée en pression .... — 5
2.1 Principe de l’adsorption modulée en pression ......................................... — 5
2.2 Étapes de base dans les cycles de PSA ..................................................... — 6
2.3 Exemples d’application ............................................................................... — 6
3. Procédés de séparation par adsorption modulée
en température ......................................................................................... — 9
3.1 Méthodes de régénération thermique ....................................................... — 10
3.2 Cycles de TSA à lit fixe et à chauffage direct ............................................. — 10
3.3 Exemples d’application ............................................................................... — 11
4. Procédés de séparation par chromatographie................................. — 12
4.1 Modes opératoires (gaz/liquide)................................................................. — 13
4.2 Adsorbants et leurs mises en forme utilisés en chromatographie ......... — 14
4.3 Chromatographie annulaire continue........................................................ — 14
4.4 Applications ................................................................................................. — 15
5. Procédés de séparation à lit mobile ou lit mobile simulé ............ — 15
5.1 Adsorption discontinue en cuve agitée ..................................................... — 15
5.2 Adsorption continue en contre-courant..................................................... — 15
5.3 Lit mobile simulé ......................................................................................... — 16
5.4 Applications ................................................................................................. — 17
6. Autres procédés d’adsorption .............................................................. — 18
6.1 Stockage du gaz naturel .............................................................................. — 18
6.2 Production du froid...................................................................................... — 18
6.3 Déshumidification........................................................................................ — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 2 731

L es procédés d’adsorption sont souples. Ils sont utilisables aussi bien pour
le fractionnement d’un mélange gazeux ou liquide lorsque celui-ci
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPPU

comporte une fraction importante de constituants adsorbables (typiquement


> 10 %) que pour la purification d’un mélange ne contenant que quelques
pour-cent de constituants adsorbables.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
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La séparation par un procédé d’adsorption est, par nature, discontinue avec


une phase d’adsorption suivie d’une phase de régénération destinée à
restaurer les capacités d’adsorption des adsorbants.
En de rares occasions, les adsorbants sont régénérés hors site ou simplement
remplacés avant leur saturation, lorsque plusieurs des facteurs suivants sont
réunis : adsorbants très bon marché, adsorbants très difficiles à régénérer, ou
présence d’impuretés nécessitant une destruction (des dioxines, par exemple).
Dans la majorité des procédés d’adsorption, les adsorbants sont régénérés in
situ en dynamique par modulation de la température, de la pression totale ou
des concentrations. Le fonctionnement de ces procédés est souvent cyclique,
avec l’emploi de plusieurs adsorbeurs fixes (éventuellement accompagnés par
une ou plusieurs capacités de stockage) ou d’un adsorbeur tournant pour
assurer une production continue. Certains procédés fonctionnent cependant en
continu, avec un contact à contre-courant entre le fluide et les adsorbants, uti-
lisant parfois des lits mobiles ou fluidisés, mais le plus souvent des systèmes

S à lit mobile simulé.


L’adsorption peut être utilisée également pour des applications autres que la
séparation, telles que les machines thermiques, le piégeage ou le stockage de
gaz, qui sont basées uniquement sur la capacité des adsorbants à retenir des
gaz et non sur l’adsorption sélective.
Dans ce dossier, nous allons aborder les aspects plus pratiques des princi-
paux procédés d’adsorption. Pour les aspects plus théoriques de l’adsorption
le lecteur se reportera au dossier [J 2 730].

1. Généralités
T1
1.1 Méthodes de régénération
Quantité adsorbée n

nads

Trois méthodes de régénération de base sont employées dans T2 > T1


les procédés d’adsorption (figure 1) : PSA
TSA
— l’augmentation de la température, base des procédés de
PTSA T2
séparation par modulation de la température (TSA – Temperature
Swing Adsorption, voir § 3) ; ndes
— l’abaissement de la pression totale, base des procédés de
séparation par modulation de la pression (PSA – Pressure Swing
Adsorption ), applicables uniquement aux systèmes gazeux (voir
§ 2) ;
— l’abaissement des concentrations (à température et pression
totale constante) avec la circulation d’un fluide désorbant inerte ou Pdes Pads P, c
même plus adsorbable afin de déplacer les impuretés préala-
blement adsorbées, base des procédés de séparation par chroma-
PSA modulation en pression
tographie (voir § 4) et des procédés à lit mobile simulé (voir § 5).
TSA modulation en température
En pratique, il est assez fréquent d’utiliser une combinaison de
PTSA modulation en pression et en température
plusieurs méthodes de régénération dans un procédé d’adsorption.
Exemple : les procédés de prépurification de l’air avant les unités
de séparation cryogénique utilisent simultanément les modulations de Figure 1 – Différentes méthodes de régénération
la pression et de la température (PTSA = PSA + TSA).
La sélection des méthodes de régénération dépend des optimi-
sations technico-économiques pour une application donnée. En envisagée quand un désorbant est disponible et facile à séparer
règle générale, le TSA est plutôt réservé à la purification des sour- des constituants à produire. Elle est couramment employée dans
ces gazeuses ou liquides contenant des impuretés souvent forte- les procédés de séparation par chromatographie (chromatographie
ment adsorbables à faibles teneurs. Le PSA est uniquement d’élution avec un fluide de régénération peu adsorbable ou chro-
applicable à la séparation des gaz et il est particulièrement bien matographie de déplacement avec un fluide de régénération forte-
adapté pour produire des constituants peu ou non adsorbables de ment adsorbable) et dans les procédés de séparation pour les
grande pureté. Enfin, la modulation des concentrations peut être systèmes liquides.

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1.2 Critères de sélection


pour les adsorbants Production

Le choix des adsorbants dépend étroitement des applications


visées. D’une manière générale, l’évaluation des qualités d’un
adsorbant peut être basée sur plusieurs critères (encadré 1).

Encadré 1 – Critères d’évaluation des qualités


d’un adsorbant Adsorbant

● Capacité Adsorbant Adsorbant


Il s’agit des quantités adsorbées des constituants lourds à
éliminer dans les conditions de l’alimentation. Plus ces capa-
cités sont grandes, plus les productivités seront importantes et
moins les coûts d’investissement seront élevés.


Production
● Sélectivité Alimentation Alimentation
Les sélectivités sont des capacités relatives d’adsorption des a adsorbeur à circulation axiale b adsorbeur à circulation radiale
constituants par rapport à d’autres constituants. Plus ces sélec-
tivités sont grandes, plus la séparation sera facile et plus les
procédés seront performants au niveau des rendements ou des
Alimentation
énergies à mettre en jeux mais aussi des productivités.
● Régénérabilité
Pour les procédés avec régénération in situ, les adsorbants
doivent être faciles à régénérer. La régénérabilité d’un Adsorbant
adsorbant affecte directement la respiration (différence entre
les quantités adsorbées à la fin de la phase d’adsorption et à la
fin de la phase de désorption) et détermine la capacité utile
d’un adsorbeur. La régénérabilité d’un système d’adsorption
est essentiellement caractérisée par la forme des isothermes
d’adsorption. Production
c adsorbeur à circulation horizontale
● Cinétiques
La recherche des meilleur s coûts pour les procédés
d’adsorption conduit à l’utilisation de cycles d’adsorption de plus
Figure 2 – Configurations d’adsorbeurs fixes
en plus rapides afin d’augmenter les productivités horaires et de
diminuer les investissements. De ce fait, un bon adsorbant doit
donc posséder non seulement des propriétés thermo-
dynamiques intéressantes mais aussi des propriétés cinétiques d’adsorbant est souvent verticale, mais peut être aussi radiale
satisfaisantes. ou horizontale dans certaines applications en phase gazeuse
(figure 2).
●Résistances mécanique, chimique et thermique
Les adsorbants doivent être résistants à l’attrition, au chan- L’adsorbeur de type vertical à circulation axiale (figure 2a )
gement de conditions opératoires (pression et température), constitue une solution simple, économique et efficace aux problèmes
aux éventuelles attaques des différentes impuretés présentes de maintien de lit (tant que le rapport hauteur/diamètre reste raison-
pour assurer des durées de vie suffisantes. nable) et de volumes morts, et est largement utilisé dans les procédés
industriels d’adsorption. En revanche, dès que le procédé d’adsorp-
● Coûts de fabrication tion utilise des adsorbants à forte perte de charge (par exemple, des
Le coût des adsorbants peut représenter une part importante billes de fine granulométrie) ou des vitesses d’écoulement importan-
de l’investissement global d’un procédé et il peut même tes (dues à des durées de cycle courtes par exemple), la limitation des
devenir un critère primordial dans certaines applications de pertes de charge devient problématique puisqu’elle nécessite une
traitement des eaux. réduction de la longueur de lit et dégrade immanquablement les
autres paramètres de performance de l’adsorbeur (coûts de fabrica-
tion, volumes morts et distribution de fluide).

1.3 Configurations des adsorbeurs fixes L’adsorbeur de type vertical à circulation radiale (figure 2b )
autorise la limitation de ces pertes de charge sans inflation
Un adsorbeur constitue naturellement l’élément de base dans le conséquente du rayon et du coût de l’adsorbeur. L’optimisation du
dispositif d’un procédé d’adsorption. Les fonctions auxquelles doit couple volumes morts/distribution demeure toutefois un point
répondre l’adsorbeur sont bien entendu de maintenir le lit critique pour cette configuration. Coûts de fabrication plus élevés,
d’adsorbant mais aussi de limiter au minimum les éléments préju- volumes morts plus importants, maintien plus difficile du lit
diciables aux performances, c’est-à-dire limiter les pertes de charge d’adsorbant, remplissage plus délicat des grains d’adsorbant si
dans le lit et les circuits environnants, minimiser les volumes morts plusieurs couches d’adsorbants sont nécessaires constituent les
et assurer une bonne distribution des flux fluides à l’entrée et à la autres inconvénients de cette configuration. Les adsorbeurs à
sortie de l’adsorbeur. circulation radiale ont été d’abord employés dans des unités de
grande taille d’épuration de l’air par adsorption et ensuite étendus
La majorité des adsorbeurs fixes industriels sont cylindriques et à des unités de production d’oxygène par adsorption (VSA O2) par
disposés verticalement. La circulation des fluides à travers les lits la société Air Liquide.

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L’adsorbeur à circulation horizontale (figure 2c ) est également 1.5 Processus pour le développement
industriellement employé. Il offre l’avantage de faibles pertes de
charge, tout comme l’adsorbeur à circulation radiale, mais présente d’un procédé d’adsorption
des inconvénients plus importants pour les volumes morts et les
problèmes de distribution. La conception et le développement des procédés d’adsorption
constituent souvent un exercice difficile et de longue durée en
raison de leur complexité. Le processus généralement pratiqué
1.4 Protection des adsorbants comprend différentes phases :
— préétude technico-économique, pour définir les principales
Les adsorbants sont généralement des matériaux relativement spécifications et pour sélectionner un procédé d’adsorption appli-
fragiles qui sont susceptibles d’être désactivés, partiellement ou cable en première approximation ;
complètement, par des impuretés de nature différente contenues — présélection des adsorbants, en se basant sur les connais-
dans les mélanges d’alimentation. Ces impuretés peuvent être des sances préalablement acquises (éventuellement avec des molé-
poussières solides, des gouttelettes liquides (eau, huiles ou autres cules voisines) ;
composés organiques, par exemple), ou simplement des adsorbats — détermination des données thermodynamiques et cinétiques
fortement adsorbables qui sont difficiles, voire impossibles, à des adsorbants sélectionnés ;
désorber (H2O pour la plupart des zéolites, hydrocarbures lourds
— études de procédés à l’aide des données issues de l’étape pré-


pour les charbons actifs, etc.). Dans ce cas, il faut prévoir
d’installer, en amont des adsorbeurs, des dispositifs de protection cédente et d’un outil de simulation, préalablement validé sur des
tels que des filtres ou d’autres types d’adsorbants plus aptes à procédés déjà réalisés. Si les performances de séparation obtenues
arrêter les impuretés. par simulation sont satisfaisantes, on passe à la phase suivante.
Sinon, on revient à la phase de la sélection des adsorbants ;
Dans la pratique, il est courant de placer les adsorbants de
— tests de validation sur maquette. En cas de désaccord avec
protection à l’intérieur d’un adsorbeur en amont immédiat des
les performances attendues, il sera sans doute nécessaire de révi-
adsorbats de séparation, les différents adsorbants étant soumis
ser la modélisation des procédés d’adsorption, la caractérisation
aux mêmes cycles d’adsorption/régénération (configuration
des adsorbants (des expériences supplémentaires dans des
multilits).
conditions de mélange par exemple) et le choix des adsorbants ;
Exemples typiques : l’utilisation d’alumines activées, gels de silice — tests en pilote dans des conditions plus réalistes ;
ou tamis moléculaires pour l’élimination d’H 2 O, CO 2 et autres
— industrialisation si les phases précédentes se sont passées
composés lourds susceptibles de désactiver les adsorbants dans les
avec succès.
procédés de PSA.

La protection des adsorbants constitue également un critère


important pour le choix même des adsorbants et des fluides à 1.6 Principales applications industrielles
traiter et de purge.
Exemple : la combinaison de charbons actifs + température élevée + Le tableau 1 donne, à titre d’exemples, une liste d’applications
présence d’oxygène est à éviter en raison du risque d’oxydation des industrielles pour la séparation et la purification des gaz et des
charbons actifs. liquides par adsorption. (0)

Tableau 1 – Exemples d’applications pour la purification et la séparation par adsorption des gaz et des liquides
(les constituants lourds sont donnés en premier)
Application Séparation Adsorbants

Purification des gaz


Dessiccation H2O/air, gaz naturel, etc. Gels de silice, alumines, zéolites
Décarbonatation CO2/gaz naturel, C2H4 , etc.
Traitement de l’air COV, solvants, odeurs.../air
Désulfurisation Composés soufrés/gaz naturel, H2 , LPG ou GPL...
Fractionnement des gaz
Production d’oxygène N2/O2 Zéolites
Production d’azote O2/N2 Tamis moléculaires carbonés
Production d’hydrogène CO2 , CH4 , CO, N2 , NH3 .../H2 Charbons actifs + zéolites
Séparation des paraffines n-paraffines/iso-paraffines, aromatiques Zéolites
Purification des liquides
Dessiccation H2O/composés organiques Gels de silice, alumines, zéolites
Traitement des eaux Composés organiques, odeurs.../H2O Charbons actifs
Décoloration Odeurs/sirops, huiles végétaux... Charbons actifs
Fractionnement des liquides
Séparation des paraffines n-paraffines/iso-paraffines, aromatiques Zéolites
Séparation des isomères p-xylène/m-xylène, o-xylène Zéolites
Séparation des saccharides Fructose/glucose Zéolites

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2. Procédés de séparation de la société Esso Research & Engineering, même si les notions de
base étaient déjà connues par des travaux antérieurs. L’invention
par adsorption modulée d’Air Liquide a par ailleurs introduit pour la première fois une
régénération sous vide, fondement des procédés VSA (Vacuum
en pression Swing Adsorption ).

Dans un procédé de séparation par adsorption modulée en


pression (PSA : Pressure Swing Adsorption), les adsorbants sont 2.1 Principe de l’adsorption modulée
régénérés en réduisant la pression totale. La pression d’un liquide
étant difficile à modifier, le PSA est uniquement utilisé pour la en pression
séparation des gaz.
Les procédés par adsorption modulée en pression (PSA) sont Pour illustrer le fonctionnement d’un procédé PSA, on considère
véritablement apparus dans les années 1950 avec les dépôts du la séparation d’un mélange binaire dont le constituant 1 est le plus
brevet français de Guérin de Montgareuil et Dominé de la société adsorbable. Pour séparer ces constituants, on va réaliser la
Air Liquide et, un peu plus tard, du brevet américain de Skarstrom séquence suivante (figure 3).

(1) adsorption

Concentration
(2) décompression à contre-courant
(3) élution
(4) recompression
(1)

Position axiale
Concentration

(2)

Position axiale
Concentration

(1) (2) (3) (4) (3)


a schéma procédé

P
Position axiale
Concentration

Pads

(4)
Pdes

(1) (2) (3) (4) t Position axiale

b cycle de pression c évolutions du front de la concentration du composant le plus


adsorbable durant les différentes étapes

Figure 3 – Principe de la séparation par PSA, illustré par le cycle de Skarstrom comprenant quatre étapes

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XR
Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/
solide
(Réf. Internet 42332)

1– Extraction liquide-liquide

2– Cristallisation

3– Adsorption

4– Échange d'ions Réf. Internet page

Échange d'ions. Principes de base J2783 85

Échange d'ions. Mise en oeuvre J2784 91

Échange d'ions. Applications J2785 99

Électrophorèse préparative J2786 105

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Échange d’ions
Principes de base

par François DE DARDEL


Ancien Directeur technique chez Rohm and Haas à Paris, France

1. Structure des divers types d’échangeurs d’ions .......................... J 2 783v2 - 3


1.1 Squelettes .................................................................................................. — 3
1.2 Groupes fonctionnels ............................................................................... — 3


1.3 Résines adsorbantes................................................................................. — 7
1.4 Résines inertes .......................................................................................... — 7
2. Propriétés générales des résines ...................................................... — 7
2.1 Taux de réticulation et porosité du squelette ......................................... — 7
2.2 Capacité d’échange................................................................................... — 8
2.3 Stabilité et longévité ................................................................................. — 9
2.4 Masse volumique ...................................................................................... — 10
2.5 Granulométrie ........................................................................................... — 10
2.6 Rétention d’humidité ................................................................................ — 11
3. Réactions d’échange d’ions................................................................ — 12
3.1 Échange cationique................................................................................... — 12
3.2 Échange anionique ................................................................................... — 12
3.3 Diagramme récapitulatif ........................................................................... — 13
3.4 Équilibre de l’échange d’ions ................................................................... — 14
3.5 Cinétique d’échange ................................................................................. — 16
3.6 Résultats pratiques de l’équilibre et de la cinétique .............................. — 18
4. Conclusion............................................................................................... — 19
5. Glossaire .................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 2 783v2

’échange d’ions est un procédé chimique dans lequel les ions d’une cer-
L taine charge contenus dans une solution (par exemple des cations) sont
éliminés de cette solution par adsorption sur un matériau solide (l’échangeur
d’ions), pour être remplacés par une quantité équivalente d’autres ions de
même charge émis par le solide. Les ions de charge opposée ne sont pas
affectés. Cette technologie a été développée à l’échelle industrielle après la
seconde guerre mondiale, principalement dans les années 1950-1970.
Un échangeur d’ions est un sel, un acide ou une base, solide et insoluble
dans l’eau, mais hydraté, c’est-à-dire gonflé d’eau comme une éponge. La
teneur en eau d’un matériau apparemment sec peut être de plus de 50 % de sa
masse totale et les réactions d’échange se déroulent dans cette eau, dite eau
de gonflement ou d’hydratation, à l’intérieur de l’échangeur.
L’échange d’ions est à la base d’un grand nombre de procédés de l’industrie
ou de laboratoire, qui peuvent se classer en trois catégories principales : subs-
titution, séparation et élimination :
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQU

Substitution : un ion noble (par exemple le cuivre) est récupéré dans la solu-
tion et remplacé par un autre sans valeur. De façon analogue, un ion nocif (par
exemple un cyanure) est retiré de la solution et remplacé par un autre inoffensif.

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Séparation : une solution contenant un certain nombre d’ions différents (par


exemple Li+, Na+, K+, Rb+, Cs+, tous sous forme de chlorures) est passée au
travers d’une colonne de billes de résine. Les ions sont séparés et émergent
par ordre croissant d’affinité pour la résine.
Élimination : en utilisant une combinaison de résine échangeuse de cations
(sous forme H+) et de résine échangeuse d’anions (sous forme OH–), tous les
ions sont enlevés et remplacés par de l’eau (H+OH–). La solution est ainsi démi-
néralisée. Cela est en réalité une variante particulière de la substitution.
Bien que substitution et élimination puissent être réalisées en discontinu
sans agitation, le procédé en colonne compacte de séparation est le plus
souvent adopté pour les trois types d’applications, en raison de la meilleure
efficacité des deux phases du cycle d’échange, à savoir la fixation et l’élution.
L’échange d’ions est une technologie particulièrement adaptée au traitement
de solutions de faible concentration, la plupart du temps inférieure à 1 g/L. Il y
a toutefois des exceptions.
Cet article présente les principes chimiques régissant la fabrication des
résines échangeuses d’ions, leurs propriétés physico-chimiques et les réac-
tions d’échanges les plus couramment utilisées.

T L’article suivant [J 2 784] présente les technologies d’application et la mise


en œuvre industrielle des échanges d’ions.

Encadré 1 – Aperçu historique

Aujourd’hui encore, l’échange d’ions est le seul procédé


Précurseurs capable de produire la qualité d’eau requise pour les chaudières
La découverte de l’échange d’ions date du milieu du XIXe à haute pression et pour la fabrication des semi-conducteurs.
siècle : Thompson [1] et Way [2] remarquèrent que du sulfate
d’ammonium, après percolation à travers un tube rempli de
terre, se transformait en sulfate de calcium. Troisième génération : résines macroporeuses
En 1905, Gans [3] adoucit de l’eau pour la première fois en la Pour faire face à deux problèmes d’exploitation, l’empoison-
faisant passer sur un aluminosilicate de sodium. Celui-ci pou- nement des résines par les acides organiques naturels présents
vait être régénéré avec une solution de chlorure de sodium. En dans les eaux de surface et les contraintes mécaniques prove-
1935, Liebknecht [4] et Smit [5] découvrirent que certains char- nant des débits de plus en plus élevés des installations, trois
bons pouvaient être sulfonés pour donner un échangeur de producteurs indépendants (suite [10] [11] inventèrent des rési-
cations chimiquement et mécaniquement stable. Par ailleurs, nes plus fortement réticulées mais contenant des pores artifi-
Adams et Holmes [6] inventèrent les premiers échangeurs de ciels ouverts, sortes de canaux d’un diamètre allant jusqu’à
cations et d’anions synthétiques, produits de la polycondensa- 150 nm, qui permettaient l’adsorption de molécules de grande
tion du phénol avec du formaldéhyde d’une part, avec une poly- taille. Par convention, on appelle résines macroporeuses celles
amine d’autre part. La déminéralisation devenait alors possible. où le polymère est gonflé artificiellement par addition d’une
Aujourd’hui, les silicoaluminates et les résines formophénoli- substance dite porogène, qui est soluble dans le monomère
ques sont réservés à des cas particuliers et le charbon sulfoné a mais ne polymérise pas (§ 2.1.4). Les autres résines sont dites
été remplacé par le polystyrène sulfoné. de type gel.

Quatrième génération : échangeurs d’anions polyacryliques


Deuxième génération : résines polystyréniques
Entre 1970 et 1972, un nouveau type de résines échangeuses
C’est en 1944 que d’Alelio inventa la première résine à base d’anions à squelette polyacrylique apparut sur le marché. Ces
de polystyrène [7], fabriquée selon le procédé décrit dans le produits ont une résistance exceptionnelle à l’empoisonnement
paragraphe 1. Deux ans plus tard, Mc Burney [8] produisait les organique et une très bonne stabilité mécanique due à l’élasti-
échangeurs d’anions correspondants, par chlorométhylation et cité du polymère et leur utilisation va en augmentant.
amination du même type de squelette.
Les échangeurs d’anions connus jusqu’alors étaient faible- Nouveaux développements
ment basiques et ne fixaient que les acides minéraux. Les nou-
velles résines produites selon le procédé de Mc Burney, de plus La technologie de fabrication des résines a atteint une cer-
forte basicité, permirent l’adsorption des acides faibles tels que taine maturité ; l’effort des fabricants porte aujourd’hui davan-
le dioxyde de carbone ou la silice. On pouvait maintenant démi- tage sur la stabilité des résines et sur l’uniformité de leur
néraliser totalement l’eau et produire une pureté que l’on n’obte- distribution granulométrique (§ 2.5) que sur la recherche de
nait précédemment que par distillation multiple dans du platine. nouveaux polymères ou de groupes fonctionnels inédits.

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___________________________________________________________________________________________________________________ ÉCHANGE D’IONS

1. Structure des divers types


d’échangeurs d’ions CH2 CH2
CH CH
Les différents types de squelette puis les groupes fonctionnels
sont examinés. Styrène Divinylbenzène
(S) (DVB)
CH
CH2
1.1 Squelettes

1.1.1 Squelette polystyrénique S S DVB

La polymérisation du styrène (ou vinylbenzène), sous l’influence


d’un catalyseur d’activation, le plus souvent un peroxyde organi-
que, produit un polystyrène linéaire, matière plastique malléable,
transparente, soluble dans certains solvants, avec une température
de ramollissement définie. Si une certaine proportion de divinyl-
benzène (DVB) est mélangée au styrène, le polymère se réticule et
devient alors totalement insoluble (figure 1).


S S S Polystyrène réticulé
Dans la fabrication des résines échangeuses d’ions, la polyméri-
sation se fait généralement en suspension. Des gouttelettes d’oli-
gomère se forment dans ce milieu et croissent jusqu’à devenir des
billes dures et sphériques de polymère. Figure 1 – Polymérisation du styrène et réticulation
par le divinylbenzène

1.1.2 Squelette polyacrylique


En polymérisant un acrylate, un méthacrylate ou de l’acryloni-
CH2 CH2 CH2 CH2
trile que l’on peut réticuler avec du divinylbenzène (comme le sty-
rène), on obtient par exemple le squelette de la figure 2. CH CH CH CH
H CH2
C + COOCH3 COOCH3
1.1.3 Autres types de squelettes COOCH3
CH CH
Les autres types sont moins courants, mais il faut citer : CH2
Acrylate CH2
– les résines formophénoliques mentionnées dans l’historique ; de méthyle DVB Polyacrylate
de méthyle réticulé
– les résines polyalkylamines obtenues à partir de polyamines
(par exemple la diéthylènetriamine) par condensation avec de
l’épichlorhydrine.
Figure 2 – Exemple de squelette polyacrylique
Dans ce dernier cas, on obtient directement un échangeur
d’anions en une seule étape.

CH2 CH2
CH CH CH
1.2 Groupes fonctionnels H2SO4
Polystyrène
réticulé
1.2.1 Échangeurs de cations sulfoniques (cf. figure 1) SO3H SO3H SO3H
CH2 CH2 CH
ou carboxyliques fortement acides
CH CH CH2 CH
Les billes chimiquement inertes de polystyrène sont traitées par
de l’acide sulfurique ou sulfochlorique concentré.
SO3H SO3H SO3H

On obtient alors un sulfonate de polystyrène réticulé


(figure 3). Ce produit est la résine échangeuse de cations la Figure 3 – Structure de sulfonate de polystyrène réticulé
plus courante.

1.2.2 Échangeurs de cations faiblement acides


Exemples Ceux-ci sont pratiquement toujours obtenus à partir d’un sque-
Amberlite IR120, Dowex Marathon C, Duolite C20, Lewatit S100, lette polyacrylique que l’on hydrolyse. On peut partir de
etc. polyacrylate de méthyle ou de polyacrylonitrile (figure 4).

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ÉCHANGE D’IONS ___________________________________________________________________________________________________________________

H CH2 CH2 CH2 CH2


C CH CH CH
[H2SO4]
CN CN CN CN
Acrylonitrile
CH2 CH2
CH CH CH

COOH COOH COOH

[NaOH]
H CH2 CH2 CH2 CH2
C CH CH CH

COOCH3 COOCH3 COOCH3 COOCH3


Acrylate
de méthyle

Pour simplification, le divinylbenzène n’est pas représenté.

Figure 4 – Préparation d’un échangeur de cations carboxylique

T Exemples
Amberlite IRC86, Dowex MAC3, Lewatit CNP80, Relite CC, etc.
sable. Celles de type 2, de basicité légèrement plus faible, sont
toutefois assez basiques pour éliminer tous les anions et se régé-
nèrent plus facilement à la soude caustique ; elles donnent donc
une capacité d’échange élevée avec un meilleur rendement de
1.2.3 Échangeurs d’anions régénération (§ 3.6.1) ; en contrepartie, elles sont moins stables
chimiquement et produisent une fuite en silice plus élevée que les
1.2.3.1 Polystyréniques résines de type 1.
Des billes de polystyrène réticulé sont traitées avec du chloro- On appelle généralement faiblement basiques les résines dont le
méthyl méthyl éther CH2Cl—O—CH3 , en milieu anhydre en pré- groupe actif est une amine. Cependant, leur basicité peut varier
sence d’un catalyseur, AlCl3 ou SnCl4 . On obtient du polystyrène considérablement : les amines tertiaires sont parfois appelées
chlorométhylé (figure 5). moyennement basiques, alors que les amines primaires, d’ailleurs
Au cours d’une seconde étape, on peut remplacer le chlore du assez rares, ont une basicité très faible.
groupe chlorométhylé par une amine ou même de l’ammoniac.
Selon le réactif choisi, on obtient un échangeur d’anions plus ou
moins fortement basique (figure 6). Alors que les échangeurs de Les résines faiblement basiques les plus utilisées sont celles
cations courants se divisent en deux classes seulement selon leur à fonction amine tertiaire. Elles fixent les acides forts présents
groupe actif : dans la solution à traiter mais ne fixent ni les sels neutres, ni
– fortement acide (groupe sulfonique) ; les acides faibles.
– faiblement acide (groupe carboxylique),
Une variété bien plus grande existe pour les échangeurs
Les fabricants n’indiquent pas toujours la structure chimique
d’anions, dont la basicité peut être choisie sur mesure en raison du
dans leur documentation, même détaillée. Il faut donc se garder de
grand nombre d’amines disponibles. Les échangeurs d’anions
considérer comme chimiquement identiques des résines ayant
représentés dans les réactions de la figure 6 sont classés par ordre
simplement des caractéristiques générales voisines.
de basicité décroissante.
Les résines ayant des groupes ammonium quaternaire sont tou-
Exemples
tes fortement basiques. Par convention, on appelle :
– type 1, les groupes benzyltriméthylammonium, les plus forte- Fortement basiques type 1 : Amberjet 4200, Dowex Marathon A,
ment basiques ; Lewatit Monoplus M500
– type 2, les benzyldiméthyléthanolammonium, dont la basicité Fortement basiques type 2 : Amberjet 4600, Dowex Marathon A2,
est légèrement plus faible. Lewatit Monoplus M600
Les résines de type 1 sont utilisées là où l’élimination totale de Faiblement basiques : Amberlite IRA96, Dowex Marathon WBA,
tous les anions, même ceux d’acides faibles (silice), est indispen- Lewatit Monoplus MP64

CH2 CH2 CH2 CH2


CH CH [AlCl3 ou SnCl4] CH CH
+ 2 CH2CI-O-CH3 + 2 CH3OH

CH2Cl CH2Cl

Figure 5 – Préparation du polystyrène chlorométhylé à partir de polystyrène réticulé

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___________________________________________________________________________________________________________________ ÉCHANGE D’IONS

CH2 Exemples
CH

CH3 Cl
+ N(CH3)3
+ Amberjet
Triméthylamine
CH2 N CH3 4200

CH3 (type 1)
CH2
CH

CH3 Cl
+ N(CH3)2CH2CH2OH
+ Amberjet
Diméthyléthanolamine CH2 N CH2CH2OH 4600
(type 2)
CH3

CH2
CH2 CH
CH
+ NH(CH3)2
CH3
Diméthylamine Amberlite
CH2 N
CH3 IRA 96
CH2 Cl


(tertiaire)
CH2
CH
+ NH2CH3
Méthylamine
CH2 NHCH3
(secondaire)
CH2
CH
+ NH3
Duolite
Ammoniac A 365
CH2 NH2
(primaire)

Figure 6 – Préparation des échangeurs d’anions polystyréniques

1.2.3.2 Polyacryliques plus fréquemment tertiaire. L’amine primaire produit une aminolyse
Leur fabrication, représentée sur la figure 7, est analogue à celle de l’ester du polymère et le transforme en amide, tandis que l’autre
des résines polystyréniques : on prépare des billes à partir d’un extrémité de la polyamine ainsi fixée au squelette forme le groupe
ester acrylique et de divinylbenzène copolymérisés en suspension actif de l’échangeur d’anions. On obtient toujours par cette méthode
avec un catalyseur d’activation par radical libre. Le polyester acryli- un échangeur faiblement basique que l’on peut, par la suite, rendre
que ainsi formé est alors activé par réaction avec une polyamine quaternaire au moyen de chlorure de méthyle ou de sulfate de
contenant au moins une amine primaire et une amine secondaire ou diméthyle pour obtenir un échangeur fortement basique.

H CH2 CH2 CH2


CH3
C Polymérisation CH CH
+ + n NH2CH2CH2N + n CH3CH2OH
COCH2CH3 COCH2CH3 CH3 C CH3
O O n O NHCH2CH2N n
Acrylate d’éthyle Diméthylamino-éthylamine CH3
Polyester acrylique

CH2 CH2
CH + CH3Cl CH −
CH3 Cl
Quaternisation C C
CH3 [ou (CH3)2SO4] +
O NHCH2CH2N O NHCH2CH2N CH3
n n
CH3
CH3
Amine tertiaire faiblement basique Ammonium quaternaire fortement basique
Pour simplification, le divinylbenzène n’a pas été représenté.

Figure 7 – Préparation des échangeurs d’anions polyacryliques

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Échange d’ions
Mise en œuvre

par François de DARDEL


Ingénieur-chimiste de l’École polytechnique fédérale de Zürich
Ancien directeur technique chez Rohm and Haas à Paris, France

1. Mise en œuvre industrielle de l’échange d’ions............................ J 2 784v2 - 2


1.1 Description d’un cycle complet ................................................................ — 2
1.2 Méthodes destinées à surmonter les problèmes d’équilibre................. — 3
2. Construction des installations ........................................................... — 4
2.1
2.2
2.3
Principes de base .......................................................................................
Petites unités ..............................................................................................
Installations industrielles régénérées à cocourant .................................



4
5
6

2.4 Contre-courant compacté à l’air ou à l’eau.............................................. — 6
2.5 Systèmes à colonnes pleines (lits compacts).......................................... — 6
2.6 Plusieurs résines dans la même colonne ................................................ — 8
2.7 Installations en continu ............................................................................. — 10
2.8 Lits mélangés ............................................................................................. — 11
2.9 Finition en lits séparés............................................................................... — 12
2.10 Filtres à précouche de résines en poudre................................................ — 13
2.11 Équipements annexes ............................................................................... — 14
3. Combinaisons d’échangeurs d’ions (chaînages) ........................... — 16
3.1 Prétraitements............................................................................................ — 16
3.2 Adoucissement .......................................................................................... — 16
3.3 Décarbonatation-adoucissement.............................................................. — 17
3.4 Déminéralisation (chaîne primaire).......................................................... — 18
3.5 Finition ........................................................................................................ — 18
3.6 Choix des résines....................................................................................... — 19
4. Calcul d’une installation de traitement d’eau ............................... — 20
4.1 Analyse d’eau............................................................................................. — 20
4.2 Principe du calcul des installations d’échange d’ions ............................ — 22
4.3 Exemple de calcul ...................................................................................... — 23
5. Conclusion ............................................................................................... — 27
6. Glossaire ................................................................................................... — 27
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 2 784v2

appelons tout d’abord la définition du procédé unitaire d’échange d’ions.


R L’échange d’ions est un procédé chimique dans lequel les ions d’une cer-
taine charge présents dans une solution sont éliminés de cette solution par
adsorption sur un matériau généralement solide (rarement un liquide non
miscible) pour être remplacés par une quantité équivalente d’autres ions de
même charge provenant du matériau solide (l’échangeur d’ions).
À la lumière des considérations générales exposées dans l’article « Échange
d’ions. Principes de base » [J 2 783], nous allons d’abord examiner comment,
dans la pratique, les résines échangeuses d’ions sont mises en œuvre, avec en
particulier les méthodes de régénération.
Nous verrons ensuite les différents types de colonnes utilisées en traite-
ment d’eau et dans d’autres domaines, avec certains détails de construction :
colonnes permettant le soulèvement périodique des résines, ou lits compacts
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQV

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ÉCHANGE D’IONS ___________________________________________________________________________________________________________________

qui améliorent le rendement de régénération et la qualité de la solution traitée


(eau ou autre liquide) ; chaînages les plus courants en traitement d’eau ;
colonnes de finition en lit mélangé, etc.
Un calcul complet de déminéralisation d’eau industrielle est proposé, avec
les détails des capacités utiles des résines et des régénérants.
Les procédés spéciaux de traitement d’eau notamment l’élimination des
matières organiques ou des nitrates, le traitement des eaux saumâtres ou des
condensats font l’objet d’un troisième article [J 2 785], contenant également un
vaste tour d’horizon des applications de l’échange d’ions en dehors du traite-
ment de l’eau, avec plusieurs exemples.

Notations et symboles 1. Mise en œuvre industrielle


Grandeur
Unités
habituelles
Définition ou
commentaire
de l’échange d’ions
Capacité d’échange éq/L Dans la résine En utilisation industrielle, la solution à traiter percole au travers

T Charge ionique éq
Ions échangés au cours
d’un cycle
de la résine échangeuse d’ions placée dans une colonne
d’échange, familièrement appelée bidon dans le jargon du métier.
Dans la plupart des cas, la résine épuisée est régénérée et rincée
Volume de liquide par avant de pouvoir être utilisée à nouveau. C’est ce que l’on appelle
Charge volumique h–1 volume de résine et par le cycle d’échange.
heure
Concentration en g/L, mg/L,
masse µg/L, ng/L
Dans la solution 1.1 Description d’un cycle complet
Le degré Brix est le Le cycle se décompose en plusieurs phases :
pourcentage en masse
Concentration de sucre °Bx – la saturation (ou production) ;
de sucre dans la
solution – le détassage (ou soulèvement) ;
– la régénération ;
méq/L = – le rinçage.
Concentration ionique Dans la solution
éq/m3
La figure 1 montre schématiquement ces quatre étapes.
Conductivité électrique µS/cm D’une solution
Saturation. La solution à traiter passe à travers le lit de résine,
Débit m3/h en saturant cette dernière. Au moment où la quantité d’ions fixes
atteint la capacité utile, c’est-à-dire au point de percement où la
Diamètre de la colonne mm fuite ionique (ions non retenus) atteint une valeur limite fixée à
Grammes de réactif pur l’avance, on arrête la phase de production.
Dosage de régénérant g/L
par litre de résine Soulèvement. On détasse alors la résine pendant un quart
Densité d’une bille de d’heure environ par un courant d’eau ascendant, ce qui permet
résine (parfois appelée aussi d’éliminer les particules qui ont pu se déposer à la surface du
Masse volumique kg/L lit ainsi que les éventuels débris de résine. L’expansion du lit doit
densité particulaire ou
densité réelle) être de 50 à 100 % en volume. On laisse ensuite décanter le lit.

Niveau de régénération Grammes de réactif pur


g/L
(≡ dosage) par litre de résine
Dans le cas d’une régénération à contre-courant (§ 1.2.1), le
Différence de pression soulèvement n’est fait que tous les 20 à 50 cycles pour ne pas
Perte de charge kPa, MPa entre le haut et le bas perturber l’agencement des couches de résine.
d’un lit de résine
Rendement de éq de capacité utile par Régénération. On introduit alors la solution régénérante, géné-
%
régénération éq de régénérant ralement concentrée, en la faisant percoler lentement. La durée de
cette opération, ou temps de contact du régénérant, varie de
Inverse de la conducti- 15 à 60 min.
Résistivité électrique MΩ · cm
vité
Rinçage. On déplace ensuite le régénérant par de l’eau, à faible
éq de régénérant par éq débit, jusqu’à ce que le lit de résine n’en contienne plus que des
Taux de régénération %
de capacité utile traces. C’est la phase de déplacement ou rinçage lent. Ensuite, on
Vitesse linéaire de procède à un rinçage rapide à un débit plus élevé de façon à élimi-
m/h ner les dernières traces de régénérant. On mesure la concentration
percolation
de ce dernier à la fin de l’opération et l’on commence le cycle sui-
Volume de liquide L, m3 vant dès que la teneur résiduelle en régénérant a atteint une limite
convenable. En déminéralisation d’eau, on mesure la conductivité
Volume de résine L, m3 électrolytique de l’effluent.

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Eau brute Particules à l’égout Régénérant frais Eau de rinçage

Lit de résine
en expansion
Résine Résine
Résine

Eau traitée Eau de soulèvement Régénérant usé À l’égout


Saturation Soulèvement Régénération Rinçage

Figure 1 – Cycle d’échange en traitement d’eau



1.2 Méthodes destinées à surmonter soulèvement du lit que lorsqu’une augmentation excessive de la
perte de charge l’exige.
les problèmes d’équilibre
1.2.2 Recyclage des eaux de rinçage
1.2.1 Régénération à contre-courant
En déminéralisation, une économie considérable d’eau de rin-
La figure 1, ainsi que la figure 22 de l’article [J 2 783], se rap- çage peut être obtenue en recyclant cette eau pour éliminer les
portent à la pratique ancienne où la résine est régénérée dans le traces de sel ou de régénérant, qui peuvent diffuser lentement de
même sens qu’elle est saturée. C’est ce que l’on appelle une régé- l’intérieur des billes de résine dans la solution traitée et détériorer
nération à cocourant. Pour des quantités de régénérant économi- ainsi la qualité de celle-ci pendant la première partie de la phase
quement acceptables, la base du lit n’est que très partiellement de production. Après un premier rinçage grossier de chacune des
régénérée, ce qui conduit à une fuite élevée au cours du cycle, car colonnes jusqu’à une conductivité égale ou inférieure à celle de la
la solution épurée est en équilibre avec la couche la plus basse du solution d’entrée, l’eau de rinçage est remise en circulation à tra-
lit. Ce phénomène est d’une importance primordiale en déminéra- vers les colonnes en série, en circuit fermé, de sorte que chaque
lisation. Il y a heureusement une solution élégante au problème de résine élimine les traces de régénérant des résines de signe
la fuite : en régénérant dans le sens inverse, de bas en haut, les opposé. Il en résulte une réduction considérable de la consomma-
couches de résine les plus basses atteignent l’équilibre avec de tion d’eau de rinçage et une amélioration de la qualité de la
l’acide frais (non utilisé), donc non contaminé, et sont ainsi conver- solution traitée.
ties totalement sous leur forme régénérée (« zone propre » sur la
figure 2), donnant une fuite permanente minimale au cycle sui-
vant. On appelle ce procédé régénération à contre-courant, 1.2.3 Déminéralisation en lit mélangé
bien que le terme ne soit pas vraiment approprié et qu’il s’agisse
en réalité d’un flux inversé (reverse flow regeneration ). Quand des billes de résines échangeuses de cations RC et
d’anions RA sont mélangées, l’équilibre normal de chaque résine
La différence entre les deux systèmes de régénération et leurs est totalement déplacé :
effets sur la qualité de l’eau traitée sont illustrés sur la figure 2. La
déminéralisation sur deux colonnes avec régénération à
contre-courant produit une eau traitée d’une conductivité d’environ
1,0 µS/cm, souvent moins, même avec une eau brute riche en Le produit de cette réaction est de l’eau.
sodium, et la consommation de régénérant est bien moins élevée Le processus d’échange n’est donc plus réversible et se poursuit
que dans les systèmes régénérés à cocourant. jusqu’à son achèvement. Les résines en lits mélangés, dans des
On voit aussi sur la figure 2 que, dans le cas de la régénération appareils bien conçus, réduisent la concentration en sels dissous
à contre-courant, on désorbe les ions fixés par le plus court che- jusqu’à quelques microgrammes par litre, correspondant à une
min au lieu de leur faire traverser tout le lit et que les couches infé- conductivité de 0,055 µS/cm à 25 °C, égale à celle d’une eau parfaite-
rieures sont en permanence bien régénérées. La figure 2 montre ment pure. La régénération est effectuée après séparation des deux
une fuite de conductivité à la sortie d’une chaîne de déminérali- résines. L’avantage des lits mélangés est, d’une part, de produire
sation d’eau, créée par un échangeur de cations, mais selon les une eau d’excellente qualité en une seule étape et d’autre part, que
applications, un profil analogue serait obtenu pour une fuite en le rinçage final s’effectue très rapidement car les régénérants se
dureté, en nitrate ou en silice. neutralisent mutuellement. Par contre, les capacités utiles des
Il est souvent avantageux (lits flottants, voir § 2.5.1) de saturer la résines sont assez faibles et la fin du cycle (percement) est brutale.
résine de bas en haut et de la régénérer de haut en bas. On distingue deux utilisations principales des lits mélangés.
Pour assurer la qualité de l’eau traitée, la régénération à contre- Lits mélangés de finition (faible charge ionique). Cette
courant dépend étroitement de l’arrangement des couches de technique est appliquée à une eau préalablement déminéralisée
résine dans la colonne, qui ne doivent pas être perturbées d’un sur des colonnes séparées, ou au traitement de condensats de
cycle à l’autre. C’est pour cette raison que l’on n’effectue un turbine.

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ÉCHANGE D’IONS ___________________________________________________________________________________________________________________

Saturation Régénération

Cocourant

Fuite Fuites
Régénéré Saturé Régénéré

Contre-
courant

Zone propre Fuite

T 10
µS/cm Profil de fuite Résine saturée
Résine régénérée
9
Cocourant
8
7
Conductivité

6
5
4
3
2 Contre-courant
1
0
0 20 40 60 80 100 %
Pourcentage du cycle

Figure 2 – Effets des régénérations à cocourant et à contre-courant sur la fuite ionique et représentation des lits de résines en cours de saturation
et de régénération

Lits mélangés de travail (forte charge ionique). On


retrouve cette technique au laboratoire, dans de petites cartouches 2. Construction
non régénérées, dans des systèmes fournis par des prestataires de
service qui échangent les colonnes et les régénèrent à l’extérieur,
des installations
ou encore en aval d’installations d’osmose inverse, où la charge
ionique réduite permet d’atteindre des cycles d’une journée ou 2.1 Principes de base
plus.
La taille de l’installation, le nombre de colonnes, le choix des
Pour les lits mélangés régénérables, il n’est pas raisonnable de résines, les types et les quantités de régénérants sont déterminés
fonctionner avec des cycles inférieurs à une journée environ, en principalement par :
raison de la longueur des régénérations (de l’ordre de 4 h) et du – le débit d’eau traitée requis ;
faible rendement chimique de ces systèmes. – la qualité spécifiée pour l’eau traitée ;
– le coût d’investissement de l’installation ;
– le coût d’exploitation de l’installation.
1.2.4 Filtre tampon
Pour les installations de petite taille, on se préoccupe en général
À la sortie de la chaîne de déminéralisation, la fuite ionique davantage de réduire le coût d’investissement, même si la
finale est constituée de soude et de silice (§ 3.4.3). Le pH est légè- consommation de régénérants est un peu élevée. C’est le cas des
rement alcalin, généralement compris entre 7 et 9. Si l’on veut un déminéraliseurs de laboratoire et des adoucisseurs domestiques.
effluent neutre, on peut fixer cette fuite en soude sur un échangeur Plus la taille de l’installation augmente, plus le coût de fonction-
de cations, le plus efficace étant une résine faiblement acide. C’est nement joue un rôle important dans le choix de la technologie.
ce qu’on appelle un filtre tampon. Il élimine les traces de sodium C’est pourquoi tous les postes de déminéralisation industriels sont
mais pas la silice. Ce système n’est plus guère utilisé. aujourd’hui régénérés à contre-courant, et la plupart utilisent des

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___________________________________________________________________________________________________________________ ÉCHANGE D’IONS

combinaisons de résine faible et forte, au moins pour l’échangeur – celles qui sont complètement remplies de résine ; elles sont
d’anions, permettant d’atteindre un rendement de régénération toujours régénérées à contre-courant.
global (rapport de la capacité utile en éq/L à la quantité de régéné-
rant en éq/L) de l’ordre de 90 %. Pour assurer un flux homogène à travers la résine, divers sys-
tèmes de distribution et de reprise existent (§ 2.11.1).
Par ailleurs, les technologies modernes permettent d’obtenir une
très bonne qualité d’eau (conductivité toujours inférieure à 1 µS/cm)
tout en réduisant au minimum la consommation de régénérants.
2.2 Petites unités
Nous examinons certains détails de construction des installations.
La figure 3 représente une colonne typique, destinée à l’adoucis-
2.1.1 Dimensions sement domestique. Ce genre d’appareil est construit jusqu’à des
diamètres d’environ 50 cm. Le cylindre extérieur est fait de polyester
Le diamètre des colonnes varie de quelques centimètres (au labo- renforcé. L’entrée de l’eau brute et du régénérant ainsi que la sortie
ratoire) jusqu’à 5 m. La hauteur du lit de résine varie aussi de 10 cm de l’eau de soulèvement à contre-courant sont combinées en une
à 3 m, parfois plus. Dans des installations industrielles classiques, la seule grosse crépine, cylindre annulaire de plastique comportant
hauteur de couche de résine ne devrait pas être inférieure à 70 cm. des fentes d’environ 0,2 mm de largeur, au travers desquelles les
La hauteur maximale dépend de la perte de charge tolérable. La plu- billes de résine ne peuvent pas passer. La sortie de l’eau traitée est
part des installations ont des lits de résine de 1 à 2,5 m de hauteur. un tuyau concentrique, avec une autre crépine à la base. Ce type
La difficulté principale à résoudre est l’homogénéité des flux car le d’adoucisseur a un fonctionnement automatique, avec de petites
liquide à traiter et le régénérant doivent être en contact uniforme vannes à plusieurs voies, fixées directement au sommet du cylindre
avec tout le volume de résine et permettre le développement de afin de former un ensemble compact avec les systèmes de tuyaux
fronts horizontaux stables se déplaçant verticalement. d’entrée et de sortie. La figure 3 comporte aussi le bac à sel où l’on


prépare la saumure de régénération de l’adoucisseur.

2.1.2 Matériau de construction De tels petits filtres, utilisés comme adoucisseurs domestiques,
peuvent être régénérés à contre-courant selon le principe des
Les unités de petites dimensions, jusqu’à un diamètre d’environ colonnes pleines (§ 2.5). Ils sont extrêmement simples, constitués
1 m, sont construites la plupart du temps en polyester renforcé par d’une colonne semblable à celle de la figure 3 mais complètement
de la fibre de verre. Les installations industrielles de déminérali- remplie de résine. Aucun soulèvement complet du lit de résine
sation d’eau sont en général construites en chaudronnerie d’acier n’est possible, mais ces unités fonctionnent néanmoins de manière
ébonité à l’intérieur : une couche protectrice (environ 3 mm) est en satisfaisante, car toute turbidité qui pénètre est filtrée au sommet
effet nécessaire pour que l’acier résiste à l’attaque des acides. du lit puis éliminée pendant la régénération à contre-courant.

Ce principe ne peut pas être appliqué à des grandes installations


2.1.3 Types de colonnes industrielles, car on ne peut éliminer efficacement les particules fil-
trées au sommet du lit sur une grande surface sans procéder à un
On distingue deux catégories principales de colonnes : véritable soulèvement. De nombreux systèmes existent qui conci-
– celles, partiellement remplies, qui permettent un détassage lient la nécessité de maintenir le lit tassé pendant la production et
interne du lit de résine ; elles peuvent être régénérées à cocourant la régénération tout en permettant un soulèvement occasionnel
ou à contre-courant ; prolongé.

Saumure de régénération

Eau dure Eau adoucie


Boîtier de vannes
et horloge
Distributeur
annulaire

Eau de dilution

Résine Flotteur
adoucissante (option)

Pastilles de sel

Plancher à sel
(option)
Saumure saturée
Crépine
collectrice Prise de saumure

Adoucisseur Bac à sel

Figure 3 – Petit adoucisseur d’eau automatique

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2.3 Installations industrielles régénérées


à cocourant Eau brute

La résine remplit environ la moitié de la colonne. Si l’eau Évent


contient des matières en suspension, celles-ci s’accumulent à la Déflecteur
surface du lit de résine, et si leur concentration est élevée, elles
créent une augmentation de la perte de charge. C’est pourquoi on Hublot
procède à un détassage du lit avant la régénération : le soulève- Bord libre
ment par un courant ascendant fluidise la résine et les particules
présentes à la surface du lit sont éliminées à l’égout (voir le cycle Trou d’homme Régénérant
complet de la figure 1). (facultatif)
La colonne est remplie d’eau durant tout le cycle. Le lit de résine
lui-même assure une bonne distribution hydraulique. Il n’y a donc Résine
pas de distributeur d’entrée à proprement dit, juste un déflecteur
pour éviter la formation d’un creux au sommet du lit. La figure 4 Plaque perforée Crépines
montre un exemple d’une telle colonne. et renforcée
On note qu’un distributeur de régénérant est placé juste au-des- Fond bombé
Support
sus du lit de résine. En effet, les colonnes sont remplies en perma-
nence d’eau pendant tout le cycle. Il doit y avoir un espace suffisant
au-dessus du lit de résine pour permettre le soulèvement et l’expan- Régénérant Eau
usé traitée
sion du lit. Si l’on introduisait le régénérant par en haut, il serait


dilué avant d’atteindre la résine. Par contre, lorsqu’il est distribué au
ras de la surface, l’effet de dilution est négligeable en raison de la Figure 4 – Colonne régénérée à cocourant
densité de la solution régénérante concentrée. Certains construc-
teurs font cependant parfois l’économie de ce distributeur.
Le réseau de reprise au bas de la colonne est constitué d’une
Eau brute Air
plaque perforée munie de crépines, qui assure un parfait écoule-
ment de l’eau traitée. Ce dispositif est maintenant majoritairement
utilisé, alors qu’autrefois on trouvait des collecteurs en étoile ou en
râteau (bras principal sur lequel sont vissés des tubes latéraux per-
forés) noyés dans du gravier, de l’anthracite ou du silex. On verra Collecteur du
en fin de chapitre des détails sur les collecteurs et les crépines. régénérant
Résine
inerte
2.4 Contre-courant compacté à l’air
ou à l’eau Régénérant
usé
Il s’agit ici encore de colonnes partiellement remplies de résine,
où le flux se fait de haut en bas en phase de production et de bas
en haut pendant la régénération.
Pour être efficace, l’échange d’ions doit se produire dans un lit
de résine compact, c’est-à-dire non fluidisé : en effet, des ions
doivent pénétrer dans chaque bille de résine tant pendant la phase
de saturation que dans celle de régénération. Dans un lit fluidisé,
les ions pourraient se « faufiler » entre les billes de résine.
En régénérant une colonne de bas en haut, il est donc nécessaire
Eau traitée Régénérant
de compacter le lit pour empêcher sa fluidisation et de collecter le
régénérant usé dans un réseau de reprise noyé dans le lit.
Production Régénération
La figure 5 montre le schéma du compactage à l’air : avant
l’injection du régénérant, l’eau est drainée jusqu’au niveau du
collecteur ; pour éviter que la résine ne se dessèche au contact de Figure 5 – Colonne régénérée à contre-courant avec compactage à
l’air pendant la régénération, ce collecteur est placé juste au-des- l’air
sus du lit, et la résine inerte qui flotte dans le haut de la colonne
tant qu’elle contient de l’eau (c’est un granulé de polypropylène
La figure 7 montre de nombreux détails dans la conception
d’une masse volumique d’environ 0,9 kg/L) se dépose sur le lit de
d’une colonne régénérée à contre-courant — ici avec compactage
résine et couvre le collecteur pendant la régénération.
à l’air.
Dans le cas du compactage à l’eau, il n’y a pas de résine
inerte, mais la résine échangeuse d’ions doit couvrir le collecteur,
comme on le voit sur la figure 6. La couche de résine située
au-dessus du collecteur n’est pas régénérée. Les inconvénients du 2.5 Systèmes à colonnes pleines
compactage à l’eau sont la consommation supplémentaire d’eau et (lits compacts)
le fait que le débit de régénération doit être bas pour maintenir
l’équilibre hydraulique de l’ensemble. Un avantage éventuel est la Ces systèmes ont aujourd’hui supplanté la plupart des instal-
possibilité d’éliminer par soulèvement les matières en suspension lations à compactage d’air ou d’eau. Ils se distinguent par leur
accumulées sur le lit de résine en introduisant l’eau de soulève- simplicité, leur robustesse et leur taille réduite du fait de l’absence
ment par le collecteur, ne soulevant ainsi que la partie de résine d’espace vide dans les colonnes. Ils fournissent en outre une
située au-dessus du collecteur, donc sans déranger l’arrangement excellente qualité de traitement et une consommation réduite de
des couches du bas qui assurent la qualité de l’eau traitée. régénérants.

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Eau brute Vers l’égout Eau de compactage

Particules

Eau
Régénérant usé

Eau traitée Régénérant

Production Soulèvement partiel Régénération

Figure 6 – Colonne régénérée à contre-courant avec compactage à l’eau T


Eau brute

Entrée air Résine inerte


comprimé
Distributeur

Hublot

Bord libre
Régénérant usé
Trou d’homme
Collecteur
Hublot

Résine

Plaque perforée Crépines


et renforcée
Fond bombé
Support

Régénérant Eau traitée

Figure 7 – Colonne régénérée à contre-courant avec compactage à l’air (détails)

2.5.1 Lit flottant peine de bouleverser les couches du lit, et qu’il faut installer une
colonne auxiliaire pour effectuer les soulèvements après y avoir
transféré tout ou partie de la résine, car il n’y a pas de place pour
Le lit flottant (Schwebebett ), mis au point et breveté par Bayer
l’expansion du lit dans la colonne elle-même. La figure 8 schématise
dans les années 1960 [1], est un système à contre-courant inverse :
le fonctionnement d’un lit flottant.
pendant la phase de production, le courant d’eau passe de bas en
haut tandis que la colonne est régénérée de haut en bas. Le filtre est La variante du lit flottant proposée par Rohm and Haas sous
constitué par un compartiment muni de deux planchers à crépines, le nom d’Amberpack [2] n’utilise pas de résine inerte et toutes les
l’un en haut et l’autre en bas. Dans la pratique, le compartiment est installations sont pourvues d’une colonne de soulèvement sépa-
presque totalement rempli de résine, afin d’éviter une fluidisation rée. La figure 9 représente en détail une colonne de ce type. On
trop importante de celle-ci. Une couche de résine inerte légère et voit que l’espace vide (bord libre) est réduit au minimum requis
incassable permet d’éviter que les particules fines ou les débris de pour permettre le gonflement de la résine entre sa forme saturée
résine active ne colmatent les crépines du haut. L’installation est et sa forme régénérée, et que la colonne est munie de deux ori-
très compacte et ce procédé, avec ses variantes, est maintenant fort fices permettant de transférer tout ou partie de la résine vers une
répandu. Les inconvénients inhérents au système sont principale- colonne de soulèvement. Ce dispositif facilite aussi le chargement
ment dus au fait que l’on doit toujours maintenir le lit plaqué vers le initial de la résine et permet en outre d’effectuer des traitements
haut, donc que l’on ne peut arrêter le débit avant la fin du cycle sous externes si nécessaire.

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Échange d’ions
Applications

par François de DARDEL


Ingénieur-chimiste de l’École polytechnique fédérale de Zürich
Ancien directeur technique chez Rohm and Haas à Paris, France


1. Procédés spéciaux d’échange d’ions en traitement de l’eau ... J 2 785 - 2
1.1 Élimination des matières organiques...................................................... — 2
1.2 Traitement des eaux saumâtres .............................................................. — 2
1.3 Traitement des condensats ...................................................................... — 2
1.4 Production d’eau ultrapure ...................................................................... — 4
1.5 Traitement d’eau potable ......................................................................... — 5
2. Applications de l’échange d’ions en dehors
du traitement de l’eau.......................................................................... — 7
2.1 Revue des opérations unitaires ............................................................... — 7
2.2 Résines échangeuses d’ions dans l’industrie du sucre ......................... — 9
2.3 Autres applications dans l’industrie alimentaire.................................... — 11
2.4 Autres applications dans l’industrie chimique ....................................... — 11
2.5 Catalyse...................................................................................................... — 12
2.6 Industrie pharmaceutique ........................................................................ — 13
2.7 Applications diverses................................................................................ — 13
2.8 Construction et exploitation des installations industrielles .................. — 14
2.9 Choix des résines ...................................................................................... — 17
3. Conclusion............................................................................................... — 17
4. Glossaire .................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc J 2 785

es principes de base de l’échange d’ions sont exposés dans


L l’article [J 2 783], et leur mise en œuvre dans l’article [J 2 784], qui décrit en
particulier la construction des colonnes d’échange et les applications les plus
courantes en traitement de l’eau : adoucissement, décarbonatation et déminé-
ralisation qui ne sont donc pas traitées ici.
Bien que l’échange d’ions ait été initialement surtout utilisé en traitement
d’eau, de nombreuses applications dans des industries diverses ont vu le jour
dès les années 1950. Elles consomment aujourd’hui environ la moitié du
volume de résines échangeuses d’ion produites. Nous examinons dans cet
article tout d’abord quelques procédés spéciaux de traitement d’eau : dénitra-
tation, production d’eau ultrapure pour l’industrie des semi-conducteurs et
traitement de condensats. Dans une seconde partie, nous présentons un
aperçu de procédés d’échange d’ions appliqués dans d’autres industries. La
liste de ces applications n’est pas exhaustive.
Tous les procédés mentionnés ici sont mis en œuvre à l’échelle industrielle,
utilisant parfois des volumes considérables de résine. Pour le traitement de jus
sucrés ou l’hydrométallurgie de l’uranium, ces volumes peuvent atteindre des
dizaines de mètres cubes de résine par colonne [1] [2].
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQV

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ÉCHANGE D’IONS ___________________________________________________________________________________________________________________

Grandeurs – Unités – Définitions 1. Procédés spéciaux


Grandeur
Unités
habituelles
Définition
ou commentaire
d’échange d’ions
Capacité d’échange par kg
en traitement de l’eau
Capacité massique éq/kg
de résine sèche
1.1 Élimination des matières organiques
Capacité d’échange par
Capacité volumique éq/L
litre de résine
Le facteur d’empoisonnement N d’une eau a été défini
Ions échangés au cours dans l’article [J 2 784] au paragraphe 4.1.4 comme le rapport
Charge ionique éq
d’un cycle entre la pollution organique de l’eau Org (exprimée en mg
KMnO4 par litre) et la salinité à fixer ST (total des anions, en
Volume de liquide par méq/L) :
Charge volumique h–1 volume de résine et par
heure

Concentration en g/L, mg/L, D’une substance en Dans certaines eaux à faible salinité, ce facteur d’empoisonne-
masse µg/L, ng/L solution ment peut devenir très élevé. Pour protéger les échangeurs
d’anions d’une chaîne de déminéralisation, on peut placer en tête
Le degré Brix est le de la chaîne une colonne de résine spécialement destinée à piéger
Concentration de
°Bx pourcentage en masse les matières organiques. On l’appelle résine scavenger. Il en
sucre
de sucre dans la solution existe principalement de deux types :

T Concentration
ionique
Concentration des ions
méq/L = éq/m3 en équivalents dans la
– le plus courant est un échangeur fortement basique macro-
poreux, styrénique ou acrylique, utilisé sous forme Cl– pour les
eaux neutres ou alcalines et régénéré avec un mélange de sel et de
solution soude ;
Conductivité – assez rare, mais efficace, un échangeur formophénolique faible-
µS/cm D’une solution ment basique, pour les eaux fortement sulfatées, se régénère à la
électrique
soude ; cette résine est aussi capable de retenir certains détergents.
Débit m3/h

Masse volumique
kg/L
Masse d’un litre de résine 1.2 Traitement des eaux saumâtres
apparente
Longtemps, des eaux saumâtres contenant jusqu’à 2 500 mg de
Diamètre de la sels par litre ou environ 50 méq/L de salinité ont été déminérali-
mm, m sées partiellement sur des échangeurs d’ions, par exemple avec
colonne
des couples CF-AM. L’osmose inverse a fait des progrès tels que
Dosage de Grammes de réactif pur l’échange d’ions est pratiquement supplanté par ce procédé pour
g/L les eaux les plus chargées et que la limite économique se trouve
régénérant par litre de résine
maintenant entre 10 et 20 méq/L.
Densité d’une bille de
résine (parfois appelée
Masse volumique kg/L
densité particulaire ou 1.3 Traitement des condensats
densité réelle)

Niveau de Se reporter à la référence [3].


Grammes de réactif pur
régénération g/L
par litre de résine
(≡ dosage)
Les condensats de retour des chaudières à haute pression cou-
Différence de pression plées avec des turbines et un condenseur ne peuvent pas être
Perte de charge kPa, MPa entre le haut et le bas recyclés en l’état pour alimenter ces chaudières. Ils contiennent en
d’un lit de résine effet des produits d’érosion et de corrosion des matériaux de
l’équipement, principalement des oxydes de fer insolubles et des
Équivalent de charge traces de sels de cuivre et d’autres métaux en solution, ainsi que
Rendement
% ionique par équivalent divers sels provenant de fuites minuscules du système condenseur
de régénération
de régénérant permettant l’entrée d’eau de refroidissement.
Le problème des fuites du condenseur est particulièrement cri-
Résistivité
MΩ · cm Inverse de la conductivité tique dans les centrales électriques du littoral, où le condenseur
électrique
est refroidi à l’eau de mer. Les fabricants de chaudières et de tur-
éq de régénérant par bines exigent des normes draconiennes pour la qualité de l’eau
Taux de d’alimentation de leurs installations. Il n’est pas rare que les
% équivalent de capacité
régénération limites de salinité tolérées en sodium et en chlorures soient infé-
utile
rieures à 1 µg/L.
Débit en m3/h divisé par Les condensats bruts eux-mêmes, tant que les fuites du conden-
Vitesse linéaire de
m/h la section de la colonne seur sont faibles, ne contiennent que des teneurs très basses en
percolation
en m2 minéraux dissous ou en suspension, souvent de l’ordre de
quelques microgrammes par litre seulement. Dans les centrales
Volume de liquide L, m3 électriques modernes, les impuretés dans le condensat s’expri-
Volume de résine L, m3 ment de plus en plus en nanogramme par litre, ou ppt (parts per
trillion : 10–12) dans les pays anglo-saxons.

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En période de démarrage ou en cas de fuite sérieuse au conden- – une colonne RA où est transféré l’échangeur d’anions pour y
seur, ces teneurs peuvent augmenter jusqu’à des valeurs de être régénéré ;
l’ordre de 1 à 5 mg/L. Il faut ajouter que le condensat est parfois – une colonne M de mélange et d’attente.
conditionné par de l’ammoniaque, de la morpholine ou par une
Une installation de régénération séparée se justifie particulière-
autre amine pour en élever le pH et en limiter la corrosivité, à une
ment dans les cas où elle peut servir plusieurs lits mélangés LM
concentration variant de 0,1 à 2 mg/L. La filtration et la déminérali-
(jusqu’à huit, notre exemple en montrant trois), par exemple dans
sation de ces condensats posent des problèmes spécifiques en rai-
les centrales thermoélectriques de forte puissance.
son de la pureté à atteindre.
Dans certains cas, le circuit de condensat a une pression élevée,
Il existe deux grandes catégories de procédés : jusqu’à plus de 4 MPa. À cette pression, on utilise des filtres sphé-
– l’un fait appel à des résines classiques et à des installations riques dont un exemple est montré dans l’article [J 2 784] figure 18.
analogues à celles utilisées en déminéralisation ; Pour assurer une fuite ionique très faible, particulièrement à pH
– l’autre fait appel à une boue de résines finement broyées, for- très basique, diverses améliorations ont été apportées à la régéné-
mant un bloc empâté sur des filtres à précouche. ration des lits mélangés, destinées principalement à limiter la
Le tableau 1 donne un exemple de chaque catégorie appliqué au contamination réciproque d’une résine par l’autre au moment de la
traitement du même condensat. régénération.
Citons entre autres :
1.3.1 Résines classiques – le procédé Seprex de Graver, où les résines sont séparées par
différence de masse volumique dans une solution de soude à 15 %
Dans la plupart des installations, les résines sont utilisées en lit environ (en masse) ;
mélangé ([J 2 784], § 2.8). Dans le cas de condensats conditionnés – le procédé Ammonex de Cochrane, où l’on fait circuler une
à l’ammoniaque, le lit mélangé est parfois précédé d’un échangeur solution d’ammoniaque après régénération de l’échangeur
de cations seul, destiné à fixer l’ammoniaque, de sorte que le lit
mélangé ne se sature pas trop rapidement et travaille à pH neutre
où il est plus efficace.
d’anions pour déplacer le sodium de la résine échangeuse de
cations contaminante ;
– le procédé Triobed introduit par Duolite International et repris

sous d’autres noms par d’autres fabricants, où une couche de
Dans les centrales électriques modernes, la régénération des résine inerte de granulométrie et de masse volumique appropriées
résines du traitement de condensat se fait après transfert des se place entre la résine échangeuse de cations, plus lourde, et la
résines dans un poste de régénération externe, pour éviter toute résine échangeuse d’anions, plus légère, au moment de la sépara-
intrusion accidentelle de régénérants dans le circuit du condensat. tion, permet de produire une eau de conductivité théorique
L’installation de régénération est spécialement conçue pour opti- (0,055 µS/cm à 25 °C) grâce à la réduction de la contamination réci-
miser la séparation des résines et le rendement de la régénération. proque des résines ; néanmoins, la résine inerte peut poser des
Sur la figure 1, elle comprend plusieurs colonnes distinctes : problèmes car elle tend à adsorber des traces d’huile, et le procédé
– une colonne de séparation RC servant aussi pour la régéné- Triobed n’est plus en vogue, d’autant que les résines de granulo-
ration de l’échangeur de cations ; métrie uniforme permettent maintenant une excellente séparation ;

Tableau 1 – Comparaison entre deux types de traitement d’un même condensat


Caractéristique Résine en poudre Résine classique
Débit total .........................................................................(m3/h) 3 000 3 000
Nombre d’unités 6 6
Débit unitaire....................................................................(m3/h) 500 500
Surface filtrante unitaire ....................................................(m2) 57 4
Vitesse linéaire.................................................................. (m/h) 8,8 125
55 kg
4 m3
Quantité de résine par unité en matière sèche, soit environ
soit environ 3 200 kg
120 kg de produit tel que livré
2,4 m3 Amberjet 1 500 H
Type de résine Microionex MB 400 +
1,6 m3 Amberjet 4 400 Cl
Hauteur de couche ........................................................... (mm) 6 1 000
Cationique : 75 éq Cationique : 2 650 éq
Capacité de déminéralisation par unité
Anionique : 25 éq Anionique : 960 éq (1)
Capacité de filtration unitaire 4,275 kg soit 75 g/m2 6 kg soit 1,5 kg/m2
Rétention effective................................................................(%) 90 60
Durée de cycle en marche normale.............................. (jours) 21 45
Perte de charge à l’arrêt ................................................... (bar) 1,8 3,5
(1) La capacité anionique est élevée pour les ions « normaux », mais très faible pour la silice.

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ÉCHANGE D’IONS ___________________________________________________________________________________________________________________

Condensat brut

LM LM LM

H2SO4 NaOH

Condensat traité

RC RA M


Circuit condensat
Circuit résine

Figure 1 – Traitement de condensats en lits mélangés à régénération externe

– le système Conesep de Thomson-Kennicott : dans ce système, microscopique sur leur surface peut créer un court-circuit et les
le transfert de résine vers la station de régénération s’effectue par rendre inutilisables.
un cône dans lequel se trouve une sonde de conductivité ; celle-ci
Le tableau 2 donne un exemple de spécification d’eau ultrapure.
réagit au moment où l’échangeur d’anions, transféré en premier,
fait place à un mélange de résines, puis à l’échangeur de cations ;
cela permet d’isoler la partie mélangée et de réduire la contamina- Tableau 2 – Eau ultrapure pour semi-conducteurs
tion réciproque à un niveau extrêmement faible ;
– le procédé Tripol de USF-Permutit, ainsi que le procédé Mul- Paramètre Unité Valeur
tistep de Bayer, comprennent trois compartiments séparés dans une
Résistivité MΩ · cm > 18,2
même colonne, remplis d’échangeur de cations, d’anions et à nou-
veau de cations respectivement ; les hauteurs de couches sont Carbone organique total (COT) µg/L <1
faibles (de l’ordre de 500 mm) et la vitesse de percolation élevée
(120 à 200 m/h) ; les résines ne sont jamais mélangées et permettent Oxygène µg/L <1
néanmoins d’obtenir une eau de pureté extrêmement élevée.
Particules > 0,5 µm L–1 <1
En traitement de condensats, les lits mélangés fonctionnent sou-
vent à des charges volumiques très élevées (100 à 130 h–1) et avec Silice dissoute ng/L < 50
des cycles très longs. De plus, la régénération est souvent faite Ammonium ng/L < 50
après transfert des résines dans une installation spéciale de sépa-
ration et de régénération. Pour ces raisons, il faut des résines très Chlorure ng/L < 20
solides, et on utilise souvent des résines macroporeuses ou des
résines de type gel à forte réticulation. Fluorure ng/L < 30
Nitrate ng/L < 20
1.3.2 Résines en poudre Sulfate ng/L < 20
Des résines broyées hautement régénérées sont floculées et Aluminium ng/L <5
empâtées sur des filtres à bougies. Le principe ainsi que l’illustra-
tion d’un filtre à bougies ont été présentés dans l’article [J 2 784] Bore ng/L <5
au paragraphe 2.10. Calcium ng/L <2
Chrome ng/L <2
1.4 Production d’eau ultrapure Cuivre ng/L <2
Par convention, nous entendons par eau ultrapure UPW (Ultra- Fer ng/L <2
Pure Water ) l’eau requise dans la fabrication de semi-conducteurs
et de divers composants électroniques. Les spécifications de cette Magnésium ng/L <2
eau sont les plus strictes de toute l’industrie et les impuretés se Sodium ng/L <5
mesurent aujourd’hui en nanogrammes par litre (ng/L). La princi-
pale raison de ces exigences provient du fait que les circuits inté- Potassium ng/L <5
grés électroniques portent des conducteurs distants d’une fraction
de micromètre, et que la présence d’une particule ou d’un cristal Zinc ng/L <2

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Eau brute
1 2 3 4 5
Prétraitement F AC IX F

Filtre Échangeur Charbon Adoucisseur Préfiltre


multimédia de chaleur actif de l’osmose

10 9 8 7 6
Déminéralisation
IX DEG UV RO RO
primaire

Lit mélangé Dégazeur Réduction Osmose Osmose


régénérable à membrane du COT inverse 2 inverse 1

11 12 13 14 15
Boucle
UV DEG IX UF
de finition

Réduction
du COT
Refroidisseur Dégazeur
à membrane
Lit mélangé
de finition
Ultrafiltre
final
Point

d’utilisation

Figure 2 – Production d’eau ultrapure (exemple)

Pour obtenir une eau de telle qualité, il faut mettre en œuvre du manque de sélectivité de celles-ci : c’est le cas par exemple du
simultanément plusieurs technologies. Un exemple de circuit de fluorure, du chlorure et de l’arsenic.
production d’eau ultrapure est présenté sur la figure 2. Il existe de
très nombreuses variantes, l’idée étant ici de montrer quelles tech- Les résines utilisées en traitement d’eau potable doivent
niques se combinent pour arriver au résultat souhaité. répondre à des normes spécifiques, qui peuvent varier d’un pays à
l’autre, et se résument principalement à l’absence de substances
Sans entrer dans les détails, nous soulignons seulement pouvant migrer de la résine dans l’eau traitée.
quelques points clés.
– Le charbon actif (AC) doit éliminer le gros des substances
organiques ainsi que le chlore libre. 1.5.1 Élimination des nitrates
– L’osmose inverse (RO), toujours à double passe, élimine le
plus gros de la salinité. Dans de nombreuses régions d’Europe et des États-Unis, on
– Les lampes à ultraviolets (UV) détruisent par photolyse les constate une tendance à l’augmentation des concentrations de
molécules organiques qui restent. nitrates à la fois dans les eaux de surface et dans les eaux souter-
– Les dégazeurs à membrane (DEG) éliminent le gaz carbonique raines, tendance due à une utilisation excessive d’engrais. Une
et l’oxygène. teneur en nitrates supérieure à 50 mg/L d’eau est dangereuse pour
– Les lits mélangés d’échangeurs d’ions (IX) éliminent les der- la santé des enfants et l’on peut utiliser l’échange d’ions pour la
nières traces de substances ionisées. réduire. N’importe quelle résine fortement basique sous forme Cl–
Chacune des étapes de purification requiert des composants de est capable de remplir ce rôle. Malheureusement, leur rendement
très haute qualité, le problème majeur étant d’éviter que ces com- est médiocre car la résine absorbe aussi les sulfates et un peu
posants ne relarguent quoi que ce soit dans l’eau traitée. Cela est d’hydrogénocarbonates, qui sont tous deux présents en concentra-
évidemment valable pour les résines échangeuses d’ions, dont la tions plus élevées que les nitrates. Cela représente un gaspillage
teneur en substances organiques relargables doit être particulière- de capacité et de régénérant et conduit à d’importantes fluctua-
ment basse. tions de la qualité de l’eau traitée en termes de concentrations en
sulfates (pratiquement éliminés), en hydrogénocarbonates
(réduits) et en chlorures (augmentés).
1.5 Traitement d’eau potable Il existe heureusement des résines dont la sélectivité est meilleure
pour les nitrates que pour les sulfates, par exemple Amberlite PWA5
La plupart du temps, les stations municipales de traitement ou Lewatit SR7. De nombreuses installations municipales ont été
d’eau potable ne font pas appel aux techniques d’échange d’ions. construites avec ces résines.
Cependant, la sélectivité du procédé permet dans certains cas
l’élimination de composants indésirables [4] : Si, en régénérant une résine ayant fixé des nitrates, on réintro-
– nitrates ; duit l’éluat de régénération dans des eaux usées, le système n’est
– dureté excessive ; pas écologique globalement. Pour qu’il le devienne, il faut concen-
– borates ; trer cet éluat et le recycler dans la fabrication d’engrais ou le
– métaux lourds ; réduire chimiquement à l’état d’azote.
– matières organiques naturelles. Une réduction massive de l’usage des engrais azotés trop sou-
Citons toutefois pour clarifier le sujet que certains éléments ne vent répandus à des doses excessives permettrait de résoudre
peuvent pas être éliminés sélectivement par des résines en raison complètement le problème des nitrates.

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Électrophorèse préparative

par Hélène ROUX de BALMANN


Chargée de recherches
et Victor SANCHEZ
Directeur de recherches
CNRS-UMR 55-03
Laboratoire de génie chimique
Université Paul-Sabatier, Toulouse

1. Phénomènes de transport ..................................................................... J 2 786 - 3


1.1
1.2
1.3
Mobilité électrophorétique .........................................................................
Effet séparatif ...............................................................................................
Effets dispersifs............................................................................................



3
3
3

1.3.1 Électro-osmose ................................................................................... — 4
1.3.2 Convection .......................................................................................... — 4
1.3.3 Diffusion .............................................................................................. — 4
1.3.4 Électrohydrodynamique..................................................................... — 4
1.3.5 Transfert thermique ............................................................................ — 4
2. De l’analytique au préparatif :
problème de changement d’échelle.................................................... — 5
3. Procédés préparatifs directement
dérivés des techniques analytiques.................................................... — 5
3.1 Électrophorèse sur gel avec récupération des produits........................... — 5
3.1.1 Principe................................................................................................ — 5
3.1.2 Étape de séparation............................................................................ — 5
3.1.3 Récupération des produits................................................................. — 6
3.2 Électrophorèse capillaire (EC)..................................................................... — 6
3.2.1 Principe................................................................................................ — 6
3.2.2 Problèmes liés au changement d’échelle ......................................... — 6
3.3 Autres procédés........................................................................................... — 6
3.3.1 Électrophorèse en colonne ................................................................ — 6
3.3.2 Électrophorèse en lit granulaire horizontal ...................................... — 6
4. Procédés conçus pour leur aspect préparatif.................................. — 7
4.1 Principes généraux de fonctionnement..................................................... — 7
4.2 Problèmes rencontrés ................................................................................. — 7
4.3 Procédés fonctionnant en régime discontinu ........................................... — 7
4.3.1 Procédés de focalisation isoélectrique (IEF) avec recyclage........... — 7
4.3.2 Procédés de focalisation isoélectrique avec recirculation .............. — 8
4.4 Procédés fonctionnant en régime continu ................................................ — 9
4.4.1 Électrophorèse de zone en écoulement continu (EZEC) ................. — 9
4.4.2 Focalisation isoélectrique en écoulement continu .......................... — 9
5. Domaines d’application ......................................................................... — 9
6. Perspectives de développement.......................................................... — 10
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. J 2 786
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@QYYW

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 786 − 1

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ÉLECTROPHORÈSE PRÉPARATIVE _________________________________________________________________________________________________________

e principe de l’électrophorèse, qui est la migration de substances chargées


L sous l’influence d’un champ électrique continu, a été décrit il y a un siècle
par Kohlrausch. Il a fallu attendre jusqu’en 1937 pour que Tiselius montre l’uti-
lité de la méthode à frontière mobile pour séparer les protéines du sérum
sanguin. À l’heure actuelle, l’électrophorèse est devenue la méthode analytique
la plus employée dans le domaine de la biologie en raison de ses performances
et de sa relative simplicité de mise en œuvre. Elle a contribué, ainsi d’ailleurs
que la chromatographie, à de grands progrès réalisés en biochimie et en bio-
technologie, grâce à la détection et à l’analyse des différents constituants d’un
milieu biologique complexe. Là où Tiselius séparait 5 constituants, plus de
1 000 peuvent maintenant être identifiés par électrophorèse bidimensionnelle
sur gel.
Ces progrès considérables ont été accomplis grâce à une avancée scientifique
tant expérimentale que théorique, mais aussi grâce à une instrumentation de
plus en plus sophistiquée.
Les théories sur la mobilité électrophorétique, la migration et la dissociation
des électrolytes ont été étendues à tous les types d’électrophorèse (électro-
phorèse de zone, focalisation isoélectrique, isotachophorèse...). Elles ont permis
de simuler le déplacement des produits. Les effets dispersifs, inhérents à tout


procédé de séparation, ont été mieux perçus et pris en compte dans les équations
de transport. Un effet important, l’électrohydrodynamique, a même été récem-
ment découvert.
Au plan expérimental, des matériaux de plus en plus performants, utilisés
pour constituer des gels ou pour revêtir les parois des chambres d’électro-
phorèse, ont permis de limiter l’adsorption et l’électro-osmose, et d’améliorer
leur durée de vie. De nouvelles méthodes ont été proposées pour caractériser
les produits, les désorber et les recueillir. De nouveaux procédés ont été conçus
et développés, comme l’électrophorèse capillaire qui connaît actuellement un
essor important.
Très performante dans le domaine de l’analyse, l’électrophorèse a donc tout
naturellement suscité un intérêt en tant que méthode préparative. Comment pas-
ser de l’analyse de quelques nanogrammes ou microgrammes à la production
de quelques milligrammes, voire de grammes, tout en conservant la même
finesse de séparation ? Pour apporter des réponses à cette question, des cher-
cheurs ont essayé d’extrapoler et d’améliorer les procédés existant dans le
domaine analytique ou de développer de nouvelles techniques plus spécialement
adaptées aux domaines préparatifs.

Notations et Symboles Notations et Symboles

Symbole Unité Désignation Symbole Unité Désignation

a m rayon de l’ion, double couche P W puissance


comprise
Q C charge électrique
d m épaisseur
t s temps
C kg · m–3 concentration
R,r m rayons
D m2 · s–1 coefficient de diffusion
T K température
e C charge d’un proton (1,6 · 10–19)
u m2 · V–1 · s–1 mobilité
E V · m–1 champ électrique
V V différence de potentiel
I A intensité du courant
v m · s–1 vitesse
K0 W· K–1 · m–1 conductivité thermique
Zi ....................... valence de l’ion i
k J · K–1 constance de Boltzmann
(1,38 · 10–23) x,y,z ....................... coordonnées d’espace
ni ...................... nombre de molécules de l’ion i ε C · V–1 · m–1 permittivité

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_________________________________________________________________________________________________________ ÉLECTROPHORÈSE PRÉPARATIVE

Cette charge peut être différente de celle de l’ion lui-même, telle


Notations et Symboles qu’elle peut être obtenue par exemple par titration. La mobilité est
alors donnée par les relations :
Symbole Unité Désignation
εε 0
u i = ----------- f ( a κ ) (5)
ε0 C · V–1 · m–1 permittivité du vide 6π µ

κ –1 m épaisseur de Debye
Q
χ Ω–1 · m–1 conductivité électrique u i = ------------------------------------- f ( a κ ) (6)
6π µ a ( 1 + a κ )
µ Pa · s viscosité
où f (aκ ) est la fonction de Henry [5], qui varie entre 1 pour des
Ω Ω résistance électrique forces ioniques faibles et 1,5 pour des forces ioniques élevées. La
ζ V potentiel zêta ou potentiel relation (6) montre que la mobilité dépend du rayon, de la charge,
électrocinétique de la force ionique de la solution et des ions présents, ainsi que de
η ...................... taux de vide la viscosité, donc de la température. Pour de faibles écarts de
température ∆T = T 2 – T 1, la variation de mobilité peut être repré-
Φ V potentiel sentée par une relation du type :
uT 2 = uT1 (1 + α ∆T ) (7)
avec α = 0,02 (K–1) pour les solutions aqueuses.
1. Phénomènes de transport La mobilité d’une macromolécule est caractéristique de celle-ci.


Les macromolécules biologiques sont des composés amphotères
dont la charge varie avec le pH et il existe un pH, appelé point iso-
électrique (pI), pour lequel la charge est globalement nulle. Cette
Se reporter au tableau de symboles ci-contre pour la défini- particularité a été exploitée pour mettre au point des techniques de
tion des symboles et leurs unités. purification de molécules biologiques. Dans un milieu à pH constant,
elles sont séparées suivant leur charge : c’est l’électrophorèse de
zone. Dans un gradient de pH, la séparation s’opère en fonction
du pI : c’est la focalisation isoélectrique.
1.1 Mobilité électrophorétique

Considérons un ion sphérique i de rayon ri immergé dans un 1.2 Effet séparatif


volume infini de liquide. Cet ion, qui possède une charge de sur-
face Qi donne naissance à une distribution symétrique de charges
dans le liquide. En linéarisant l’équation de Poisson-Boltzmann, Le système d’axes utilisé est schématisé sur la figure 1. Consi-
Debye et Hückel ont calculé la distribution de potentiel Φ en tout dérons un échantillon de largeur caractéristique  c contenant deux
point extérieur à l’ion, situé à une distance x [3] [4] : espèces de mobilités u1 et u2 . Après un temps t passé dans un champ
électrique E, la distance ∆Y séparant les deux espèces sera :
Φ (x ) = Φ (ri )exp(– κx ) (1)
2 ∆Y = ∆uEt = (u 2 – u1) Et (8)
2 4πe 2
avec κ = ----------------- ∑ n i z i (2)
εε 0 kT i
Les deux espèces seront totalement séparées (résolues) si
∆Y >  c .
Dans un champ électrique E, l’ion chargé se déplace et sa vitesse
tend vers une limite vi pour laquelle la somme des forces coulom-
biennes et de frottement est nulle. La mobilité ui de l’ion est alors
définie par la relation : 1.3 Effets dispersifs
v
u i = -----i (3)
E Conjointement à la migration, qui est l’effet séparatif, de nombreux
phénomènes dispersifs apparaissent, la plupart étant liés à l’appli-
Lorsqu’un ion sphérique se déplace dans un liquide, on considère cation même du champ électrique. Pour obtenir des séparations effi-
en général qu’une fine couche adjacente de liquide (couche de Stern), caces, il convient d’en maîtriser et d’en minimiser les effets.
est fixée sur lui de manière telle que le rayon effectif de l’ion en mou-
vement est alors a > r. Le potentiel Φ (a ) à la surface de contact avec
le solvant est appelé potentiel zêta ou potentiel électrocinétique ζ.
Il est relié à la charge Q de la couche liquide par la relation :
Qi = 4π εε 0 a ζ (1 + aκ ) (4)

Figure 1 – Définition des axes utilisés dans le paragraphe 2

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