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LA RATIONALITÉ DES COMPORTEMENTS ADDICTIFS : SIGNIFICATION,

PORTÉE ET LIMITES

Christian Schmidt

Érès | « Journal français de psychiatrie »

2016/1 n° 43 | pages 104 à 119


ISSN 1260-5999
ISBN 9782749252162
DOI 10.3917/jfp.043.0104
Article disponible en ligne à l'adresse :
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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

La rationalité
des comportements addictifs :
signification, portée et limites
Christian Schmidt *

e
n 1988, Garry Becker, Prix Nobel de sciences économique (1992),
rédigeait avec son collègue kevin Murphy la première formulation
d’une théorie de l’addiction rationnelle. Depuis lors, les différentes
hypothèses avancées par Becker sur lesquelles repose sa thèse ont été analy-
sées, testées, et discutées par différents économistes et quelques addicto-
logues. Plus récemment, plusieurs travaux de recherche en neurosciences sont
revenus sur cette thématique, en esquissant une nouvelle interprétation de la
rationalité des comportements addictifs, fondée, cette fois, sur des ressorts
naturels. Cet article se propose de faire le point sur les perspectives ouvertes
aujourd’hui par cette approche de l’addiction conçue comme une manifesta-
tion paradoxale de la rationalité. après un rappel historique de la construction
de Becker, la première partie est consacrée à une analyse critique de la raison
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addictive. une deuxième partie approfondit de manière plus détaillée trois
de ses composantes majeures à la lumière des nouvelles connaissances du
fonctionnement cérébral : la perception temporelle et les biais perceptifs de
la temporalité, l’attente et les mécanismes de prise de risque qui l’accompa-
gnent, les ambiguïtés qui entourent la notion de choix. Les principales ques-
tions posées par cette appréhension des addictions sont enfin soulevées avec
leurs conséquences dans une brève partie conclusive
* Professeur
émérite, À la recherche de la raison addictive
université
Paris-Dauphine,
président de Le modèle de l’addiction rationnelle : une proposition dérangeante
l’Association
européenne de La publication en 1988 dans le journal of Political Economy du célèbre
neuroéconomie. article de Becker et Murphy intitulé « a theory of rational adddiction » fait

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suite à une série de travaux présentés et discutés ling, 1984) et des travaux des économistes de
à l’université de Chicago au cours de la seconde tendance behavioriste sur les biais cognitifs et
partie des années 1980 1. L’objectif affiché par les incohérences temporelles (Shefrin et thaler,
ses auteurs consiste à montrer que les compor- 1981 ; Lowenstein et Prelec, 1992).
tements addictifs sont non seulement compa- Ce que Becker présente comme une théorie
tibles avec le cadre général d’analyse des choix de l’addiction rationnelle résulte en réalité de la
rationnels, mais que le recours à cette approche construction d’un modèle d’addiction ration-
se révèle éclairant pour expliquer plusieurs nelle, directement dérivé de celui des choix
mécanismes caractéristiques des addictions. rationnels en économie, que certains qualifient
Faire ainsi rentrer l’analyse des phénomènes aujourd’hui de standard. or, d’un strict point de
d’addiction dans le moule d’une théorie des vue épistémologique, un modèle permet l’inter-
choix rationnels basée sur la maximisation de prétation d’une théorie, mais ne se confond
l’utilité des sujets avait cependant de quoi sur- jamais avec la théorie qu’il interprète. Par
prendre. Les économistes d’abord, puisque le ailleurs, même si Becker propose dans la der-
paradigme économique initial des choix ration- nière partie de son article et dans sa conclusion
nels fait intervenir plusieurs hypothèses simpli- quelques applications de son modèle, en parti-
ficatrices fort éloignées, au moins en apparence, culier au traitement des addictions au tabac et à
des comportements observés chez les sujets en l’alcool, il ne livre aucune véritable validation
proie aux addictions : information supposée empirique de celui-ci.
parfaite, libre choix du sujet individuel dicté par en dépit de ses limites, le modèle de l’addic-
le seul calcul maximisateur, cohérence inter- tion rationnelle conçu par Becker et ses col-
temporelle des préférences. étendre aux com- lègues, et développé par la suite dans différentes
portements addictifs le paradigme économique directions, mérite l’attention des addictologues
des choix rationnels tend ainsi à remettre en pour deux raisons principales. en premier lieu,
question le socle logique sur lequel il s’est il devance beaucoup d’autres approches, en
construit. quant aux psychologues et aux thé- recherchant l’origine des addictions au niveau
rapeutes, ils éprouvaient quelque peine à assi- d’une analyse des comportements individuels et
non pas dans la nature des produits dont les indi-
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miler à un choix l’acte de consommation
correspondant à une addiction et plus encore à vidus sont dépendants. Le modèle de l’addiction
considérer que cet acte résulte d’un calcul rai- rationnelle de Becker ne fait ainsi aucune diffé-
sonné. L’originalité de la contribution de Becker rence conceptuelle entre les addictions avec et
à l’analyse de l’addiction tient précisément au sans produit. il anticipe, à ce titre, la nouvelle
fait qu’elle s’inscrit dans le cadre strict de la catégorisation des addictions du DSM, qui n’est
théorie économique des choix rationnels, sous
réserve d’en élargir la portée (Stigler et Becker,
1977). Pour Becker, comme nous le montre-
rons, la pratique addictive résulte d’un choix
1. on mentionnera, en particulier, les travaux de Pollack sur
personnel et le choix de l’addict est parfaite- la formation des habitudes et leur impact sur la dynamique de
ment cohérent. Sur ces deux points, la théorie la demande (Pollack, 1970 ; 1976), et ceux de Boyer qui intè-
proposée par Becker pour en rendre compte se grent la formation des habitudes dans la théorie des choix
rationnels (Boyer 1978 ; 1983), sans oublier le Working Paper
distingue à la fois des recherches de Schelling de Becker, Grossman et Murphy sur l’addiction au tabac, pré-
sur les limites de la rationalité des choix (Schel- senté en 1987.

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Ce serait, intervenue qu’en 2013 2. Bien plus, il existe pour Becker de « bonnes » addic-
tions à côté des « mauvaises ». il inclut, par exemple, le sport et le travail dans
selon Becker, les objets possibles d’une pratique addictive. il a même dirigé une thèse de
doctorat qui étend le domaine des pratiques addictives aux participations à des
au niveau de la rites religieux 3. Si leurs conséquences peuvent diverger, il n’en demeure pas
moins que, dans le modèle de Becker, elles relèvent toutes conceptuellement
transformation de la même analyse. en second lieu, selon ce modèle, l’addiction n’est pas en
elle-même une pathologie, ce sont plutôt les conditions dynamiques particu-
du souvenir lières dans lesquelles elle se déroule qui en font la pathologie, à condition tou-
tefois de prendre en compte une durée suffisamment longue. Grâce à cet
instantané éclairage singulier porté sur l’addiction, le modèle de Becker anticipe plusieurs
en attente travaux ultérieurs, en provenance notamment de la neuropsychiatrie, qui
concernent, comme nous le verrons, le rôle des déformations de la perception
immédiate que temporelle dans l’enclenchement du processus addictif. Ce serait, selon
Becker, au niveau de la transformation du souvenir instantané en attente immé-
se jouerait diate que se jouerait la conduite addictive, lorsque la consommation d’un pro-
duit, ou la participation à une activité, entraîne une envie plus forte de
la conduite consommer tout de suite ce produit, ou de participer tout de suite à cette acti-
vité. L’identification de ce trait révélateur, que Becker nomme « consommation
addictive, lorsque adjacente », permettrait ainsi de repérer des addictions à l’état potentiel chez
certains sujets. il nous faut maintenant examiner de plus près les principales
la consommation composantes de ce modèle.
d’un produit, ou
la participation
Comment faut-il interpréter la rationalité de l’addiction ?
La signification de la notion de rationalité sur laquelle repose le modèle
à une activité, de Becker requiert quelques éclaircissements. Dans son acception la plus élé-
mentaire, il s’agit d’un principe selon lequel, au terme d’un calcul, le moyen
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entraîne une le plus économique pour satisfaire au mieux les préférences du sujet se trouve
retenu. Sa première application à l’économie concerne évidemment le choix
envie plus forte du consommateur. C’est précisément sur cette base que Becker a étendu son
champ à l’addiction, en traitant l’addiction comme une forme particulière de
de consommer consommation. Pour y parvenir, il introduit sous le terme de « consommation
adjacente » l’idée que la consommation d’un produit (ou d’une activité)
tout de suite exerce une attractivité plus ou moins grande sur la consommation future du
ce produit, même produit (ou activité). Lorsque cette attractivité disparaît, on parle de

ou de participer
tout de suite
2. Dans la 5e édition du DSM, les addictions sans produits ont fait leur entrée à l’intérieur d’une caté-
gorie plus générale désormais intitulée « Désordres addictifs avec ou sans produits ».
3. Becker a notamment dirigé la thèse de iannaccone, soutenue à l’université de Chicago en 1984,
à cette activité. consacrée au rôle des habitudes dans la consommation appliquée aux pratiques religieuses. iannaccone
a étudié dans cette perspective les ressorts de la satiété et de l’addiction (iannaccone, 1986 ; 1990)

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satiété. Dans le cas de la consommation addic- deux simples coefficients, soit α > ı pour la
tive, au contraire, non seulement ce mécanisme consommation adjacente et σ > ı, pour le taux
de satiété ne fonctionne pas, mais l’attractivité d’actualisation traduisant une préférence pour
de la consommation du produit s’accroît à le présent. Des développements récents ont
mesure de sa consommation. il est clair que, cependant permis d’endogénéiser ces deux
dans ces conditions, le comportement d’un sujet variables et de les faire dépendre des effets de
addict au produit coïncide avec le résultat d’un la mémorisation des sujets sur leur perception
calcul rationnel. temporelle subjective, en accord, comme nous
La question se complique dès que l’on fait le verrons, avec les approches neurobiologiques
intervenir, comme le propose Becker, une prise actuelles de l’addiction (Perali, Piccoli et wan-
en compte de l’inter-temporalité dans le gen, 2015). Le formalisme mathématique donné
modèle. Si l’on admet que les préférences d’un à l’ensemble de la construction assure en tout
sujet ne sont pas indépendantes de sa perception cas la cohérence logique de ce modèle de calcul.
du temps, le comportement du sujet addict, qui il confirme d’abord que la rationalité des com-
manifeste, en la circonstance, une forte préfé- portements addictifs qui ont été décrits s’inscrit
rence pour le présent immédiat, correspond éga- dans un modèle logique et donc, lui-même,
lement au résultat d’un calcul rationnel. Ce rationnel. Mais ce n’est pas tout. Le recours à
traitement se révèle logique face aux modifica- des fonctions continues dérivables empruntées
tions subjectives de la perception temporelle des à la théorie économique du choix du consom-
sujets. il met de cette manière en évidence, mateur permet d’identifier plusieurs caractéris-
comme on le montrera dans la deuxième partie, tiques intéressantes de la dynamique des
une caractéristique majeure du fonctionnement addictions. il révèle d’abord la pluralité des
mental des sujets addicts. il faut observer tou- états d’équilibre du système et montre leur
tefois que la « consommation adjacente » et instabilité dès que s’accroît le paramètre qui
l’attraction exercée par le « présent immédiat » mesure la consommation adjacente. Cela per-
sont traitées comme deux variables indépen- met d’expliquer rationnellement les discontinui-
dantes dans le modèle de Becker. ainsi, les tés observées chez beaucoup de consommateurs
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sujets éprouvant l’effet attractif de la « consom- addicts. on démontre ainsi qu’à terme, un tel
mation adjacente » pour un produit (ou une acti- système tend vers une distribution binomiale
vité) déterminé(e) ne font pas nécessairement des états, qui correspondent respectivement à
preuve d’une impulsivité générale le plus sou- une consommation en croissance permanente et
vent, associée à une forte préférence pour le pré- à un arrêt total de la consommation. Cette mise
sent immédiat (« maintenant, tout de suite »). en évidence de la logique du système permet
en sens inverse, les sujets impulsifs qui privi- d’éclairer l’orientation des thérapies, en suggé-
légient le présent immédiat ne sont pas fatale- rant de privilégier ce que les auteurs américains
ment addicts à tel ou tel produit (ou activité). nomment le « cold turkey » lorsque l’intensité
Le choix de Becker de considérer ces deux de l’addiction présente un niveau élevé.
paramètres comme des variables indépendantes Le recours à cette acception économique de
s’explique d’abord parce qu’il estime que leur la rationalité pour expliquer les comportements
connaissance échappe au champ de l’analyse qualifiés d’addictifs ainsi explicité soulève
économique même élargi. Cela facilite ensuite néanmoins plusieurs questions. elle implique
leur traitement mathématique au moyen de tout d’abord que l’addiction se manifeste à l’oc-

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casion d’un choix, ou tout au moins d’une décision prise par le sujet concerné.
or, on peut se demander si l’acte qui pousse l’addict à consommer ou à pra-
tiquer ce qui constitue l’objet de son addiction est véritablement le résultat
d’une prise de décision et, si oui, si cette décision émane d’un sujet unique
et pleinement conscient, comme le voudrait la théorie économique. La ques-
tion fait encore aujourd’hui débat, même si certains travaux de neuropsychia-
trie permettent d’avancer dans la voie de son élucidation. D’autre part, la
référence à la rationalité, telle qu’elle a été mise en évidence, montre seule-
ment qu’un calcul rationnel sous les contraintes particulières qui ont été énon-
cées (consommation adjacente, forte préférence pour l’immédiat) aboutit aux
Les troubles manifestations comportementales observées chez l’addict. Pour autant, elle
observés dans ne dit pas que c’est ainsi que procèdent les addicts, même si les neurosciences
fournissent désormais quelques éléments qui permettent de documenter cette
la perception question. enfin, le concept de préférence sur lequel repose cette construction
sert aux économistes à évaluer de manière différentielle l’émotion que les
du temps chez individus éprouvent du fait de la consommation d’un produit, ou de l’exercice
d’une activité. Mais la qualification de cette émotion et plus encore la nature
les sujets addicts de son contenu échappent à sa définition et restent pour cette raison exté-
rieures à cette analyse (jouissance, plaisir ?). Là encore, on commence à dis-
se développent poser de certains indicateurs qui permettraient de combler le vide de cette
référence manquante, pourtant essentielle à l’intelligence de cette rationalité.
ainsi à la faveur La partie suivante, consacrée aux développements récents concernant les
principaux volets qui composent cette théorie de l’addiction rationnelle, four-
d’une nit de premières réponses à certaines de ces questions.
dynamique
de répétition
La thèse de l’addiction rationnelle
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à la lumière des neurosciences
qui s’inscrit La connaissance du fonctionnement cérébral a beaucoup progressé depuis
l’apparition de cette thèse de l’addiction rationnelle dont nous avons rappelé
dans un temps l’origine. Les principales hypothèses sur lesquelles elle repose ont été appro-
long. fondies, étendues et discutées, grâce notamment, mais pas exclusivement,
aux avancées de la neurobiologie et aux informations fournies par les diffé-
rentes techniques de l’imagerie cérébrale. Plus récemment, un rapprochement
s’est opéré entre les sciences économiques et les neurosciences, visant à
mieux comprendre les comportements des individus, en particulier ceux qui
présentent des caractéristiques addictives. C’est ainsi qu’une véritable neuro-
économie des addictions commence à se développer aujourd’hui 4. L’objet de

4. en croisant les approches de la neurophysiologie et de la neurobiologie avec les modélisations


développées par l’économie comportementale. Pour un survey de cette neuroéconomie des addictions,
J. Monterosso, P. Piray, S. Luo « Neuroeconomics and the study of addiction », Biological Psychiatry,
3, 2012.

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cette partie est de dégager les principaux résul- durant une période de temps suffisamment
tats de cette confrontation, en privilégiant trois longue que se construit le phénomène de l’ad-
ressorts majeurs de l’addiction selon le modèle diction. Cette répétition, inséparable de l’ap-
de l’addiction rationnelle : la perception de la prentissage et de la prise d’habitude, contribue
temporalité et ses déformations, les consé- par elle-même à transformer la perception tem-
quences de l’appréhension du risque sur le porelle du sujet, en augmentant la complémen-
mécanisme décisionnel, le déclenchement de la tarité adjacente qu’il tire de sa consommation
décision avec ses incitations et ses inhibitions. du produit (ou de sa pratique de l’activité), et
Nous verrons que le fonctionnement de ces trois en accroissant, ce faisant, l’exigence de sa pré-
ressorts n’est compréhensible que dans la pers- férence pour le présent immédiat. Les troubles
pective d’une dynamique, ce qui explique le observés dans la perception du temps chez les
rôle déterminant joué par la temporalité et par sujets addicts se développent ainsi à la faveur
sa perception chez les sujets addicts. d’une dynamique de répétition qui s’inscrit dans
un temps long. on connaît du reste les effets de
cette répétition sur la mémorisation surtout non
consciente du sujet, qui se trouve à l’origine de
Dynamique temporelle et perception
ce que l’on nomme ses automatismes.
subjective du temps
Force est de reconnaître d’abord que l’ad- Les hypothèses qui ont été émises ici sur les
diction rationnelle s’inscrit tout entière dans une déformations de la perception temporelle qui
dynamique dont le fonctionnement renvoie aux accompagnent les différentes manifestations de
diverses manifestations de la temporalité. Le l’addiction ont été corroborées par les résultats
fait que Becker ait choisi de traiter l’addiction de plusieurs travaux de recherche, conduits
sur la base d’un modèle de gestion du capital notamment par l’équipe de Bickel. il semble
incluant une actualisation des valeurs n’est donc désormais établi que les sujets addicts manifes-
pas indifférent. Nous avons rappelé que la com- tent une plus forte préférence pour le présent
plémentarité adjacente résulte d’une comparai- immédiat que les sujets qui ne souffrent pas
son entre le « ressenti » provoqué par la d’addiction, quel que soit leur type d’addiction.
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consommation d’un produit (ou la pratique D’abord observé dans le cas des addictions avec
d’une activité) et l’anticipation d’un ressenti produit – tabac , alcool, opioïde, etc. –, ce trait
plus fort qu’engendrerait sa consommation a été plus récemment mis en évidence dans les
immédiatement future. Les deux termes de la addictions sans produit, en particulier chez les
comparaison renvoient ainsi à deux modalités joueurs compulsifs (Mield et coll., 2015). Ce
différentes du temps présent associées au même constat a conduit Bickel à proposer de considé-
produit (ou à la même activité) : l’instant pré- rer le taux d’actualisation (« temporal dis-
sent, déjà passé, et l’instant futur, immédiate- count ») comme un marqueur des addictions
ment attendu. quant au second marqueur de (Bickel et coll., 2013).une précision s’impose
l’addiction, il prend la forme d’une préférence ici. Ce que l’on observe chez les sujets addicts,
exigeante pour le présent immédiat par rapport c’est une élévation, souvent très sensible, de ce
à toute échéance plus éloignée dans le temps. taux d’actualisation par rapport à celui observé
Voici pour le temps court. chez les sujets exempts d’addiction pour qui, en
Mais c’est par la répétition de la consom- règle générale, ce taux est supérieur à celui qui
mation du produit ou de la pratique de l’activité résulterait d’un simple calcul logique. en

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d’autres termes, l’addiction aggrave un penchant naturel à privilégier sensi-


blement le présent immédiat.
L’imagerie cérébrale fournit aujourd’hui des informations supplémen-
taires au niveau neuronal sur le fonctionnement du cerveau qui provoque,
chez les sujets addicts, cette pression exigeante de l’instant présent. L’acti-
vation de plusieurs composants du système limbique, et en particulier cer-
taines régions du striatum, du cortex orbito-frontal, coïncide avec l’attente
de résultats immédiats qui se trouvent ainsi valorisés par les sujets (Mac Lure
Le mécanisme et coll., 2004 ; tanaka et coll., 2007 ; kable et Glimcher, 2007). Leur surac-
tivation se fait alors au détriment d’autres zones cérébrales, comme certaines
mental régions du cortex préfrontal et du cortex pariétal mobilisées pour le calcul et
qui intervient l’anticipation à plus long terme. La préférence prégnante pour le présent
immédiat qui caractérise les comportements addictifs pourrait ainsi être inter-
dans prétée comme la marque d’un déséquilibre entre deux systèmes neuronaux
distincts qui contribuent à la prise de décision : un système de l’impulsion
la perception (« impulsive system »), correspondant aux réactions à l’immédiat, et un sys-
tème de direction contrôlée (« executive system »), associé aux décisions à
temporelle terme (Bickel et coll., 2007). Son résultat peut également s’interpréter comme
une inhibition qui se manifesterait au niveau de l’exécution des décisions
consiste, comme concernant le plus long terme (Schmidt, 2015). Cette interprétation aurait
l’avantage de rendre compte des revirements intervenant dans l’exécution
on l’a vu, d’engagements de ne plus consommer dans l’avenir souvent observés chez
à projeter sur les sujets addicts.
il ne faudrait pas cependant assimiler trop vite les troubles de la perception
l’avenir le retour temporelle qui conduisent le sujet à surestimer le présent immédiat « main-
tenant, tout de suite » à de simples manifestations d’impulsivité. Le méca-
des traces nisme mental qui intervient dans la perception temporelle est, en effet,
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beaucoup plus complexe. il consiste, comme on l’a vu, à projeter sur l’avenir
mémorisées le retour des traces mémorisées laissées par l’expérience passée. or, comme
l’ont montré différents travaux, un lien étroit existe entre l’anticipation du
laissées futur et la mémorisation du passé. ainsi retrouve-t-on chez les addicts dont
par l’expérience l’horizon de projection temporelle est borné un champ de mémorisation éga-
lement très réduit (Bickel et coll., 2010). Nous parlons ici de mémorisation
passée. et non pas de mémoire non consciente. en outre, les mêmes régions du cer-
veau se trouvent prioritairement activées dans les deux cas. enfin, un certain
recouvrement des aires de travail cérébral a été récemment mis en évidence
(wesley et Bickel, 2014). il existerait donc une véritable correspondance entre
un travail de mémorisation lacunaire et une impossibilité de se projeter au-
delà de l’instant présent. Cette découverte ouvre, en tout cas, de nouvelles
perspectives, tant sur la connaissance du phénomène de l’addiction que sur
ses thérapies, puisque l’entraînement de la mémoire pourrait alors permettre
de desserrer la contrainte de l’immédiat.

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il reste à comprendre comment s’opère cette neuronales du système dopamine énergétique,


transformation de la perception temporelle des qui, tout à la fois, réduit les effets positifs atten-
sujets addicts au cours du développement de leur dus par le sujet et engendre des manifestations
addiction. ici encore, mais sur un autre registre, négatives de tension et d’angoisse. C’est ce
la dynamique temporelle joue un rôle détermi- qu’ont décrit koob et Le Moal sous l’appella-
nant. L’addiction suit à l’origine le cheminement tion d’« anti-circuit de la récompense », qui
classique de l’apprentissage par l’habitude qui se détruit progressivement certains ressorts de la
nourrit, par conséquent, de la répétition. Si, neuroplasticité du cerveau (koob et Le Moal,
cependant, la rencontre avec le produit ou la pra- 2005, 2008). Cet anti-circuit de la récompense
tique provoque chez le sujet une réaction qui prend alors pour le sujet addict la forme d’un
déclenche le mécanisme de la « consommation véritable cercle vicieux : toujours plus, toujours
adjacente », cette répétition contribue elle-même plus vite…, pour toujours moins et le risque du
à la dynamique de l’addiction. Sur ce point aussi manque. un mécanisme dont la signature neu-
les neurosciences fournissent d’utiles informa- rophysiologique a d’abord été mise en évidence
tions. Parmi les régions cérébrales dont l’activa- chez les sujets addicts au tabac et aux opiacés
tion coïncide avec les perturbations de la (Martin-Soelch et coll., 2001), avant d’être
perception temporelle qui accompagnent cet effet retrouvée dans le cas des addictions sans pro-
de « consommation adjacente » (striatum, cortex duits (olsen, 2011). Ces découvertes confortent
orbito-frontal, insula…), on trouve prioritaire- une autre caractéristique du modèle de l’addic-
ment des réseaux dits « dopamine énergétique », tion rationnelle en fournissant une base neuro-
parce qu’ils réagissent à un neurotransmetteur nale à l’instabilité de sa dynamique et permet
bien connu, la dopamine. or, on sait, depuis les d’expliquer ainsi les fréquentes volte-face d’un
travaux de Schultz et de son équipe, qu’un tel moment à un autre qui sont souvent observées
mécanisme dopamine énergétique accompagne chez les sujets addicts.
la projection mentale dans le temps qu’exigent
les prises de décision. il a été décrit sous la forme
imagée d’un « circuit de la récompense », où le
Appréhension du risque
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sujet qui entreprend une action attend un résultat
et mécanique décisionnelle
qui le récompense de son action et du choix de Parmi les nombreuses incidences de la per-
son action (Schultz, 1998). ception du temps sur le comportement des
Ce mécanisme n’est évidemment pas indé- sujets, une place à part doit est réservée à ses
pendant d’une mesure subjective du temps liens avec leur appréhension du risque. De
écoulé entre l’action et son résultat attendu même que le rétrécissement de l’horizon tempo-
(Hollerman et Schultz, 1998). Lorsque l’action rel futur associé à un taux d’actualisation élevé
consiste à consommer un produit, ou à pratiquer s’accompagne d’une réduction du champ du tra-
une activité, qui procure une « consommation vail de la mémoire, il existe également un lien
adjacente », ce délai est perçu par le sujet de entre cette myopie temporelle et l’appréhension
manière de plus en plus insupportable, ce qui le subjective du risque. De très nombreux travaux
conduit à chercher à en réduire les effets en d’économie et de psychologie expérimentale ont
accélérant sa répétition. Mais cette répétition révélé un certain parallélisme entre elles, en
entraîne, à son tour, au bout d’un certain temps, même temps que plusieurs différences. ainsi, le
un phénomène d’affaiblissement des réactions taux d’actualisation qui mesure les préférences

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

Consommer
tout de suite,
c’est à la fois
abolir
la distance
inter-temporelles du sujet et la pondération des probabilités qui mesure ses
temporelle réactions face au risque présentent la même forme mathématique d’une fonc-
et conjurer tion hyperbolique ou quasi hyperbolique. une préférence pour l’instant immé-
diatement présent coïncide donc chez une majorité de sujets avec une
le risque semblable préférence pour le « certain », opposé à l’« incertain. ». Plus pré-
cisément, takahashi a suggéré une intéressante interprétation de cette relation
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de manquer. entre le taux subjectif d’actualisation et l’évaluation tout aussi subjective du
risque. Pour y parvenir, il a recours à la métaphore, classique en économie,
d’une loterie où l’attente pour obtenir un lot peut être estimée d’autant plus
longue que la probabilité de gagner ce lot est faible (takahashi, Han, Naka-
mura, 2012). Ce temps d’attente probable pourrait alors être traité par le cer-
veau comme une échéance temporelle lointaine. on retrouverait ainsi la
déformation de la perception subjective du temps dans une appréhension sub-
jective du risque. Pour takahashi, du reste, cette anomalie dans la perception
du temps pourrait expliquer les effets inattendus des choix rationnels observés
chez des sujets addicts (takahashi, 2011).
quelles informations plus larges peut-on tirer de ces développements pour
la compréhension des comportements addictifs ? on a montré qu’en cas d’ad-
diction, la préférence naturelle pour le présent se trouvait fortement accrue,
entraînant, si l’on suit ce raisonnement, une plus forte aversion au risque. Ce

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

résultat peut sembler contre-intuitif tant les toires. Ce type de risque ne peut plus être perçu
comportements des sujets addicts apparaissent par le sujet comme une manifestation de sa pré-
de prime abord risqués, tout au moins lorsqu’ils férence pour le présent, puisque l’incertitude qui
sont considérés de l’extérieur. Mais la contra- en est la cause se trouve levée dès la fin de la par-
diction disparaît dès que l’on réintroduit l’objet tie (ou du jeu), et que les gains ou les pertes sont
du risque pour l’addict en situation. Le risque, immédiatement réglés. il faut donc chercher
pour lui, est en effet de manquer du produit, ou ailleurs les raisons qui attachent le joueur addict
de se trouver privé de l’activité, qui lui procure à cette prise de risque.
la consommation adjacente et dont il devient Plusieurs travaux de neuroéconomie consa-
dépendant au cours du processus dynamique crés à l’analyse des comportements des agents
qui a été décrit. L’appréhension de ce risque et face au risque financier fournissent de pre-
la forte aversion qu’il provoque chez lui le mières informations intéressantes sur leur fonc-
poussent donc logiquement, au contraire, à tionnement cérébral. on y retrouve le rôle du
consommer au plus vite. Les recherches système dopamine énergétique, aujourd’hui
récentes semblent toutefois montrer que les bien connu, et celui moins bien connu de la
réactions aux délais et au risque, quoique toutes sérotonine (khunen, Samanez-Larkin, knutson,
deux dépendantes de la perception subjective 2011) Le premier active le ventral striatum pour
du temps, renvoient à des systèmes neuronaux l’anticipation des gains et l’insula pour l’antici-
reliés mais distincts, où l’on retrouve, en parti- pation des pertes (khunen, knutson, 2005), de
culier, la signature neuronale de l’insula (Van- telle sorte qu’un équilibre est atteint par l’inter-
dervelt, Green, Meyerson, 2015). on peut médiaire d’une neuromodulation cérébrale.
penser dès lors qu’en cas d’addiction, on assiste C’est cette fonction neuromodulatrice qui se
à un effet cumulatif des deux systèmes, qui se trouve en défaut dans le cas du joueur compul-
traduit par l’exigence du présent immédiat et sif, du fait soit d’une sous-activation de l’insula
par l’angoisse du risque de manquer qui l’ac- (Preuschoff et coll., 2008), soit d’une suracti-
compagne. Consommer tout de suite, c’est à la vation d’une partie du striatum, le nucleus
fois abolir la distance temporelle et conjurer le accumbens. L’existence d’un déséquilibre dans
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risque de manquer. cette neuromodulation se trouve aujourd’hui
Cette grille générale d’analyse permet de confirmée par les travaux de neuropsychiatrie
mieux comprendre le mécanisme particulier qui portant sur les joueurs pathologiques (Van Holst
guide la prise de décision rationnelle dans l’ad- et coll., 2012). Se pose alors la question de
diction. elle révèle également une singularité qui savoir si ce dérèglement concerne l’anticipation
différencie l’addiction aux jeux par rapport aux des joueurs (surestimation des gains, sous-esti-
autres addictions. La relation du joueur addict au mation des pertes) ou plutôt la perception du
risque est en effet beaucoup plus complexe, risque (attraction versus aversion), et comment
puisque l’objet de son addiction est lui-même il apparaît et se développe chez ces sujets. en
une situation d’exposition au risque. Cette dehors des prédispositions génétiques (khunen
dimension risquée des jeux se distingue toutefois et Chiao, 2009 ; Georges, Le Moal, koob,
du risque de manque engendré par toutes les pra- 2012), une hypothèse avancée est celle du rôle
tiques addictives. Dans la plupart des jeux d’ar- joué par les premières expériences, à la faveur
gent, le risque recouvre une incertitude associée desquelles les gains anticipés, parce qu’ils sont
à des gains et à des pertes plus ou moins aléa- risqués, se trouvent surévalués par le sujet. Les

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

explications sont alors à rechercher en priorité dans l’histoire individuelle de


la personne, preuve que cette approche neuroéconomique n’est pas exclusive
et peut être favorablement complétée par d’autres approches, d’inspiration
psychanalytique par exemple.
quant à la répétition par laquelle s’enclenche l’addiction, elle entraîne chez
ces sujets des relations intimes et particulières à la prise de risque, qui peuvent
prendre des apparences contradictoires. Lorsqu’il s’agit de jeux de pur hasard
(loteries, machines à sous…), elle revêt souvent la forme d’une soumission
rituelle au hasard. on retrouve ici ce que Valleur appelle des « conduites orda-
liques » (Valleur, 2005). Dans le cas de jeux stratégiques (poker, bridge…),
Les mauvaises c’est au contraire le sentiment illusoire de contrôler, et par conséquent de maî-
triser et même de dominer le hasard qui l’emporte. quels que soient les registres
addictions psychiques particuliers sur lesquels s’instaure cette relation au risque, il n’en
demeure pas moins que ce qui fait la singularité de l’addiction aux jeux résulte
seraient de la rencontre entre deux risques : le risque qui appartient à l’objet spécifique
de cette addiction et le risque de manque propre à toutes les addictions. il revient
la conséquence à l’addictologue d’analyser plus en détail les conséquences de ce cumul des
risques pour comprendre ce que représente pour le joueur addict la prise de
d’une risque. Mais on peut déjà se demander si l’angoisse qui entoure le risque de
manquer cette occasion de prise de risque ne conduit pas le joueur addict à
dissonance dans transférer sa conduite dans d’autres domaines que le jeu. on observe du reste
la transmission cette forme de porosité chez certains traders qui sont aussi des joueurs de poker
problématiques (Schmidt, 2011). Cette hypothèse pourrait en tout cas éclairer
cognitive d’un certaines confusions qui entourent l’assimilation du comportement des joueurs
addicts à des manifestations d’impulsivité, tout en illustrant l’hypothèse initiale
système naturel d’équilibres instables. Si le risque de ne pas être confrontés au risque du jeu
engendre chez eux de l’impulsivité, il n’en va pas nécessairement de même du
d’adaptation
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risque qui fait partie du jeu lui-même, au moins pour les joueurs des jeux stra-
tégiques, puisque ceux-ci sont souvent de bons joueurs au sens technique.
aux variétés de
l’environnement. Aux origines naturelles des choix rationnels
Les contradictions qui enveloppent l’analyse de la prise de risque chez
les joueurs pathologiques mettent en évidence la complexité qui caractérise
plus généralement la notion de prise de décision de la part des sujets addicts.
on peut y voir une preuve que la portée des résultats obtenus par les
recherches sur cette forme particulière d’addiction dépasse son seul domaine.
on a montré, s’agissant du risque, toujours présent dans la décision de jouer,
que certains joueurs y voyaient l’occasion d’échapper à toute prise de déci-
sion, en s’en remettant au hasard (cas des addicts aux jeux de pur hasard),
tandis que d’autres joueurs se trouvaient, au contraire, incités à prendre cette
décision pour pouvoir dominer le hasard (cas des jeux de stratégie). une

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

réflexion plus poussée révèle cependant que ces apparaissent et se développent, et de quelles
deux attitudes ne sont pas nécessairement anta- manières ils affectent le modus operandi des
gonistes. Valleur fait observer que, dans le pre- choix, par ailleurs rationnels, des sujets addicts.
mier cas, s’en remettre au hasard, alors appelé Sur la première question, il importe de rap-
« chance », s’accompagne le plus souvent chez peler le rôle joué par le mécanisme neurobiolo-
ces sujets de la conviction de pouvoir en réalité gique qui inclut l’effet de consommation
le maîtriser, grâce, par exemple, à leur don ou à adjacente dans l’apprentissage des habitudes.
leur « bonne étoile » (Valleur, 2011). Certains Cette composante essentielle de toutes les
joueurs pensent même qu’ils sont les seuls à addictions peut donc être considérée comme
détenir une martingale secrète. en sens inverse, « naturelle », dans la mesure où elle fait partie
si le joueur de poker croit maîtriser le risque, ce des modalités naturelles d’acquisition des habi-
n’est pas nécessairement ce qui motive sa déci- tudes dont sont dotés tous les êtres vivants. elle
sion de jouer, ce peut être, plus simplement, est vérifiée, par exemple, dans le cas de la nour-
parce qu’il ne résiste pas au désir de s’en assurer riture, notamment lors d’expériences effectuées
qu’il joue et rejoue. Selon ces deux interpréta- sur des animaux (rats, souris…). on peut donc
tions, la véritable motivation est bien ici de penser, dans une perspective évolutionniste, que
dépasser l’incertitude du jeu, mais en suivant ce mécanisme neurobiologique qui enclenche
des cheminements mentaux différents. Ces la perception d’une consommation adjacente
observations initialement limitées aux compor- participe à l’adaptation des êtres vivants à leur
tements engendrés par le risque dans les jeux environnement. Pour les hommes, cet environ-
peuvent s’appliquer plus largement aux moti- nement est également social, ce qui étend
vations qui poussent les joueurs pathologiques encore le champ d’intervention de ce méca-
à jouer, c’est-à-dire, traduit dans les termes du nisme (Schmidt et Livet, 2014). À ce titre, il
modèle de l’addiction rationnelle, à prendre la semble doté d’une double fonction : celle d’un
décision de jouer. on est dès lors en droit de se renforcement de la réaction positive aux situa-
demander si elles n’éclairent pas, indépendam- tions, par l’intermédiaire de la prise d’habitude,
ment de cette dimension du risque propre au et celle d’une motivation du sujet l’incitant à la
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jeu, la délicate question de la prise de décision reproduire (kelley et Berridge, 2002). une
du joueur que l’on trouve, selon ce modèle, au hyperstimulation des circuits neuronaux corres-
cœur de tout comportement addictif. pondants pourrait ainsi témoigner d’une forme
Pour Becker et les tenants de l’addiction primitive de neuromodulation destinée à facili-
rationnelle, ce sont, comme on l’a vu, des consi- ter l’adaptation aux changements d’environne-
dérations extérieures à l’économie (consomma- ment, qui se révélait alors cruciale pour
tion adjacente, taux d’actualisation hyperbolique) l’alimentation des individus ; d’où la peur de
qui rendent rationnelle la décision répétée par manquer précédemment évoquée. on observera
l’addict de consommer son produit ou de se livrer qu’un tel système d’activation neuronale n’a
à son activité. Les acquis récents des différentes rien d’un simple automatisme, puisqu’il transite
disciplines qui concourent aujourd’hui à la par un signal émotionnel qui motive ensuite la
connaissance du fonctionnement neurobiologique prise de décision des individus. À ce stade, le
du cerveau nous ont appris à quels dysfonction- mécanisme décrit constitue donc le support
nements neuronaux correspondent ces deux phé- naturel d’un choix rationnel, puisqu’il contribue
nomènes. il reste à comprendre comment ils à l’entretien et à la survie de celui qui l’exécute.

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

en même temps, sa répétition favorise l’effet d’apprentissage rendu possible


par la neuroplasticité du cerveau. C’est donc avec la dérégulation de ce système
complexe de motivation que commence l’addiction. Là encore, on note une
correspondance entre les signaux associés chez l’individu à une attente qui
motive sa prise de décision et les circuits neuronaux activés et désactivés
lorsque l’on passe du « liking » au « wanting ». Cette transformation explique
l’impatience du sujet, qui cherche à réduire la durée écoulée entre sa décision
À quel moment et son exécution et accroît ainsi sa préférence pour l’immédiat. on assiste alors
à une mutation due à la désorganisation qui accompagne cet apprentissage.
et en quel sens Ce phénomène a d’abord été observé dans le cas d’addictions à la nourriture
faut-il (Berridge, 2009), avant d’être généralisé aux autres formes d’addiction (Ber-
ridge, robinson, alridge, 2009). D’une certaine manière, par conséquent, on
considérer peut dire que cette rationalité qui guide ici la décision du candidat à l’addiction
entretient sa dynamique dans les termes où elle a été décrite.
les addictions Les perspectives ouvertes par cette hypothèse d’une addiction « natu-
relle » semblent prometteuses. elles ont du reste donné naissance à une théo-
comme rie de l’addiction naturelle proposée par ses auteurs comme une extension
biologique du modèle de l’addiction rationnelle, où les mauvaises addictions
des pathologies, seraient la conséquence d’une dissonance dans la transmission cognitive d’un
système naturel d’adaptation aux variétés de l’environnement (Smith et tas-
dès lors qu’elles nadi, 2007). Nous présenterons une interprétation quelque peu différente de
prennent leur cette addiction naturelle à la fin de cette partie. Pour saisir son fonctionnement
et comprendre ses relations avec l’addiction rationnelle, il faut d’abord pouvoir
source dans des identifier les différentes modifications intervenues dans des circuits neuronaux
au cours de chaque phase du développement de l’addiction, qui se manifestent
réflexes naturels sur une longue période, et rechercher leur correspondance avec les comporte-
ments décisionnels. Des travaux entrepris dans cette direction ont permis de
et qu’elles sont
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mettre en évidence trois phases successives dans ce processus : 1) l’intensifi-
cation du circuit dopamine énergétique avec ses effets biochimiques. on
entretenues par observe ses conséquences sur les motivations des sujets à travers la montée en
puissance du circuit de la récompense qui pousse les sujets à la consommation ;
la répétition 2) la réduction de la plasticité cérébrale de certains régulateurs neuronaux. elle
de choix s’accompagne, chez les sujets, de la transformation du « liking « en « wan-
ting » ; 3) les fluctuations dans le fonctionnement des médiateurs cérébraux.
rationnels ? elles entraînent des déséquilibres qui se manifestent chez les sujets par des
retournements, souvent brutaux, dans leurs décisions de consommer ou de ne
plus consommer (kalivas et Volkow, 2005).
Mais le plus important est de chercher à expliquer comment s’articulent
les mécanismes naturels d’adaptation neuronale et les prises de décision
rationnelles des sujets au cours de ces différentes phases pour aboutir aux
phénomènes d’addiction. on a d’abord montré comment la consommation
répétée de divers produits (stupéfiants, opioïdes…) provoquait, chez les

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La rationalité des comportements addictifs : signification, portée et limites

humains comme chez les animaux, des altéra- l’incidence de son histoire personnelle et de la
tions dans les circuits de transmission cérébrale, mémorisation non consciente de cette histoire
qui, à leur tour, modifiaient leur morphologie et au cours du processus. De même faut-il s’inter-
réduisaient leur plasticité. on en a alors déduit roger sur les ressorts du mécanisme par lequel
que ces transformations pouvaient être à l’ori- la répétition de la consommation par le sujet
gine des modifications observées dans les addict a pour conséquence de rétrécir l’échelle
mécanismes de prise de décision des sujets de sa perception temporelle, en prospective
addicts. Plus récemment cependant, des modi- comme en rétrospective, au moment de
fications neurophysiologiques de même ordre consommer : automatisation des circuits,
ont été également observées dans le cas d’ad- angoisse de manquer… ? enfin, et de manière
dictions sans drogue (olsen, 2011). Ce constat plus générale, à quel moment et en quel sens
suggère qu’en sens inverse, les mécanismes faut-il considérer les addictions comme des
décisionnels à l’œuvre dans ces addictions peu- pathologies, dès lors qu’elles prennent leur
vent aussi, de leur côté, engendrer à terme des source dans des réflexes naturels et qu’elles sont
déformations neurophysiologiques. Dans les entretenues par la répétition de choix ration-
deux cas, c’est par l’intermédiaire des choix de nels ? C’est sans doute en s’attachant aux che-
l’addict, toujours rationnels au vu de ses moti- minements complexes et variés qu’emprunte
vations, que s’effectue le lien entre la dimension chez chaque sujet la désorganisation d’une
psycho-comportementale et la dimension neuro-
dynamique naturelle de l’apprentissage des
physiologique de l’addiction. Ces données
habitudes que pourront être dégagés des élé-
conduisent à réinterpréter la thèse de l’addiction
ments de réponse à ces questions.
rationnelle comme l’expression d’une dyna-
Cette démarche devrait en tout cas susciter
mique cumulative interdépendante qui fonc-
de nouveaux programmes de recherches inter-
tionne en boucle, où les choix des sujets sont à
disciplinaires reliant étroitement les dimensions
la fois causes et conséquences des altérations de
neurobiologiques, psychologiques et écono-
fonctions adaptatives naturelles que l’on trouve
pourtant à l’origine de ce mécanisme. miques des manifestations qui caractérisent les
différentes formes du phénomène de l’addic-
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tion. Leurs résultats ne manqueront pas de faire
évoluer notre appréhension encore lacunaire de
Nouvelles questions,
nouveaux programmes de recherche ce phénomène, avec ses conséquences, théra-
peutiques, mais aussi économiques et sociales,
racines naturelles, comportements ration-
tant le champ des addictions s’étend à mesure
nels, dynamiques des déséquilibres, tels sont les
que progresse leur analyse. ■
principaux éléments constitutifs des addictions
qui se dégagent de notre enquête. Mais notre
connaissance de chacun d’eux reste encore
imparfaite et les modalités de leur articulation
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