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Bioindication : des outils pour évaluer l’état écologique des milieux aquatiques
Perspectives en vue du 2e cycle DCE – Eaux de surface continentales

Book · April 2013

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Yorick Reyjol
UMS PatriNat (OFB-MNHN-CNRS)
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Synthèse

Bioindication :
des outils pour évaluer
l’état écologique des
milieux aquatiques
Perspectives en vue du 2e cycle
DCE – Eaux de surface continentales

Synthèse des journées « DCE et bioindication »


du séminaire « Méthodes d’évaluation de l’état des eaux –
Situation et perspectives dans le contexte de la directive
cadre sur l’eau », Paris 19 et 20 avril 2011, complétée des
réflexions du groupe de travail DCE-ESC durant l’année 2012.

Yorick Reyjol, Vassilis Spyratos et Laurent Basilico


Bioindication : des outils
pour évaluer l’état écologique
des milieux aquatiques
Perspectives en vue du 2e cycle
DCE – Eaux de surface continentales
Synthèse des journées « DCE et bioindication »
du séminaire « Méthodes d’évaluation de l’état des eaux –
Situation et perspectives dans le contexte de la directive
cadre sur l’eau », Paris 19 et 20 avril 2011, complétée des
réflexions du groupe de travail DCE-ESC durant l’année 2012.

Yorick Reyjol (Onema, DAST),


Vassilis Spyratos (MEDDE, DEB) et Laurent Basilico (Journaliste)

Avec la contribution de :

Virginie Archaimbault, Christine Argillier, Vincent Bertrin,


Sébastien Boutry, Christian Chauvin, Olivier Delaigue, François Delmas,
Alain Dutartre, Muriel Gevrey, Christophe Laplace-Treyture, Maud Menay,
Soizic Morin, Didier Pont, Juliette Rosebery – Irstea
Philippe Usseglio-Polatera et Cédric Mondy – Université de Lorraine
Agnès Bouchez, Thierry Caquet, Frédéric Rimet et Marc Roucaute – INRA
Olivier Monnier - MNHN
Stéphane Stroffek – Agence de l’eau Rhône, Méditerranée et Corse
Brigitte Genin – DREAL Rhône-Alpes
Préambule
© Alain Dutartre - Irstea

Le séminaire « Méthodes Avec l’adoption de la directive cadre sur l’eau (DCE) en 2000, les
d’évaluation de l’état des bioindicateurs ont été institués comme les véritables « juges de
eaux – Situation et pers-
paix » de l’état écologique des masses d’eau : leur développe-
pectives dans le contexte
de la DCE » a été orga- ment et leur mise en compatibilité avec le texte de la DCE a induit
nisé par l’Office national une mobilisation sans précédent de la communauté scientifique
de l’eau et des milieux
en hydrobiologie.
aquatiques (Onema) assisté
par l’Office international de
l’eau (Oieau). Il s’est tenu Alors que les outils et règles d’évaluation actuels de l’état des eaux
les 19 et 20 avril 2011, à
s’appliquent pour le 1er cycle de gestion de la DCE (2010-2015),
Paris.
l’année 2011 a vu l’aboutissement de nombreux travaux de
Le groupe de travail DCE - Eaux de surface continentales (DCE- recherche visant à améliorer les outils existants et à les rendre
ESC) est piloté par le Ministère de l’écologie, du développe-
pleinement DCE-compatibles en vue du 2e cycle de gestion (2016-
ment durable et de l’énergie (MEDDE), avec l’appui de l’Onema.
2021). C’est dans ce contexte que se sont réunis à Paris les 19 et
Cette synthèse centrée sur les journées « DCE et bioindication » 20 avril 2011 plus de 200 scientifiques et gestionnaires des
est consultable sur le site de l’Onema (www.onema.fr
milieux aquatiques, afin de faire un point sur l’avancement du
rubrique Publications). Elle est référencée sur le portail national
« Les documents techniques sur l’eau » (www.documentation. développement de ces méthodes pour la France métropolitaine.
eaufrance.fr).
Cet ouvrage constitue une synthèse des contributions scien-
tifiques apportées à cette occasion et des discussions qui en
ont découlé durant l’année 2012 au sein du groupe de travail
DCE - Eaux de surface continentales (DCE-ESC). Après un
rappel des principes de la bioindication et des concepts régissant
Contacts son utilisation dans le contexte de la DCE (chapitre 1), il propose
un tour d’horizon actualisé des éléments présentés lors de ce
Yorick Reyjol
Coordinateur de la mission séminaire, pour les cours d’eau (chapitre 2) et les plans d’eau
« Bioindication et fonctionnement (chapitre 3).
des écosystèmes aquatiques »
Onema, DAST
yorick.reyjol@onema.fr
3 4
Sommaire
I – Bioindication et DCE : éléments de contexte

1.1 – La bioindication, un outil privilégié pour l’évaluation


de l’état écologique des milieux . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 – La bioindication à l’heure de la DCE . . . . . . . . . . . . . 10
1.3 – Développement d’une méthode de bioindication
« DCE-compatible » : les principales étapes . . . . . . . . 16

II – Bioindicateurs pour les cours d’eau

2.1 – Phytobenthos : vingt ans de travaux sur les diatomées


aboutissent à l’IBD2007 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.2 – Phytoplancton en grands cours d’eau :
le début d’un développement . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3 – Macrophytes : l’IBMR rendu DCE-compatible . . . . . . . 26
2.4 – Macroinvertébrés benthiques : de l’IBGN à l’I2M2 . . . . . 29
2.5 – Poissons : l’IPR+ plus performant que l’IPR . . . . . . . . 34

III– Bioindicateurs pour les plans d’eau

3.1 – Phytoplancton : l’IPLAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42


3.2 – Phytobenthos : vers une adaptation de l’IBD2007 . . . . 44
3.3 – Macrophytes : l’IBML . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.4 – Macroinvertébrés benthiques : l’IMAIL. . . . . . . . . . . . 46
3.5 – Poissons : l’IIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Perspectives à moyen terme : vers le développement


d’indicateurs de fonctionnement et d’outils « diagnostics » . . . . 50

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

5 6
1 Bioindication et DCE :
éléments dePartie
contexte

Les activités humaines exercent des pressions se traduisant par des


impacts multiples sur les milieux aquatiques. En Europe, le dévelop-
pement de l’industrie depuis la seconde moitié du 19e siècle et de
l’agriculture intensive depuis la seconde moitié du 20e ont entraîné,
et entraînent encore, le rejet d’un grand nombre de molécules
toxiques. Cette pollution chimique s’est intensifiée en parallèle
à une anthropisation croissante des territoires provoquant de
nombreuses modifications des milieux aquatiques : chenalisation,
artificialisation des berges, altération des régimes hydrologiques
naturels, exploitation de granulats, drainage des terres et des zones
humides. Ces altérations hydromorphologiques ont profondément
transformé certains habitats, fragilisant le continuum fluvial et, au
final, altérant le fonctionnement global des écosystèmes dans leurs
différentes dimensions : longitudinale, latérale et verticale.

Régis par des interactions complexes et souvent mal connues, les


impacts de ces cumuls de pressions ne peuvent pas être étudiés
sur la seule base de la connaissance de la composition chimique
des eaux : le meilleur reflet de l’état de santé d’un milieu
est fourni par les caractéristiques biologiques des commu-
nautés qui y vivent. Pour être efficacement exploitées dans une
optique de bioindication, les caractéristiques de ces commu-
nautés doivent être analysées en termes d’écart à un état de
référence : celui d’un milieu équivalent, mais exempt de
pressions anthropiques ou soumis à des pressions de très
faible intensité. Telle est l’idée fondatrice du concept de
bioindication, dans le contexte de la DCE.

6 © Nicolas Poulet - Onema 7


1.1 – La bioindication, un outil privilégié pour l’évaluation Concernant les plans d’eau, un
outil d’évaluation multicritères a vu Une métrique de bioindication est
de l’état écologique des milieux une grandeur calculée qui décrit cer-
le jour au même moment, dénommé
tains aspects de la structure, de la
« Diagnose rapide des plans d’eau »,
Les méthodes de bioindication ont gique global (IQBG) en 1976, puis fonction ou de tout autre caractéris-
et prenant en compte des indices tique des assemblages biologiques
fait leur apparition dans la littéra- à l’indice biologique global (IBG) biologiques basés sur les mol- et qui change de valeur en réponse
ture scientifique européenne dès le en 1985. Cet indice a ensuite été lusques, les oligochètes et le phyto- à une modification de l’impact des
début du 20e siècle avec la parution, normalisé en 1992 sous le vocable plancton (Barbe et al. 1990, 2003). activités humaines.
en Allemagne, d’une série d’articles d’indice biologique global norma- Au niveau international, les années
consacrés à l’étude de la qualité lisé (IBGN). Au développement 80 ont vu l’avènement de la notion
de l’eau en relation avec les rejets de cet indice, qui a connu un suc- d’intégrité biotique et le déve- Oberdorff et al. 2001, 2002).
urbains par la méthode dite des cès considérable pour détermi- loppement des premiers outils de L’application d’indices multimé-
« saprobies » (Kolkwitz et Marsson ner l’état de santé « général » bioindication dits « multimétriques » triques s’est progressivement éten-
1908, 1909), basée sur la descrip- d’un milieu, a succédé dans les an- (c’est-à-dire basés sur plusieurs due à d’autres organismes biolo-
tion des exigences écologiques des nées 80 la mise au point d’indices caractéristiques taxonomiques ou giques, notamment les invertébrés
espèces vis-à-vis de la pollution basés sur les communautés végé- fonctionnelles d’un compartiment benthiques, et ils sont progressive-
organique. tales. Ces travaux ont donné nais- biologique considérées simultané- ment devenus des outils majeurs de
sance à l’indice de polluo-sensibilité ment). Ce type d’approche a été pro- la biosurveillance des milieux aqua-
En France, le véritable essor de la spécifique (IPS ; Coste 1982) puis à posé en premier lieu par Karr (1981) tiques dans différents pays euro-
bioindication a eu lieu dans les années l’indice biologique diatomées (IBD ; et Karr et al. (1986) pour les commu- péens ainsi qu’aux Etats-Unis.
70, avec la mise au point du premier Lenoir et Coste 1996, Coste nautés de poissons de cours d’eau La nécessité mise en avant par la
indice basé sur les macroinverté- et al. 2009) ainsi qu’à l’indice nord-américains. Ces travaux fonda- DCE d’évaluer l’état écologique
brés benthiques (l’indice biotique IB, GIS (Haury et al. 1996) puis à l’in- teurs ont donné lieu au développe- du milieu dans une perspective
Verneaux et Tuffery 1967, qui a dice biologique macrophytique en ment d’un premier indice multimé- intégrée, c’est-à-dire reflétant l’en-
abouti à l’indice de qualité biolo- rivière (IBMR ; Haury et al. 2006). trique pour les poissons en France, semble des impacts biologiques liés
l’indice poissons rivière (IPR ; aux pressions pesant sur le milieu,

Larve d’invertébré benthique (Perlidae)


indicatrice d’un milieu en bon état Truite commune (Salmo trutta), espèce indicatrice de bonne qualité écologique des
écologique. milieux aquatiques.

Un bioindicateur peut se définir


comme une espèce ou un groupe
d’espèces végétales ou animales
© Nicolas Poulet - Onema

© Nicolas Poulet - Onema


dont les caractéristiques observées
(occurrence, abondance, biomasse,
caractéristiques ou « traits » biolo-
giques) fournissent une indication
sur le niveau de dégradation du
milieu.

8 9
Figure 1. Principe de
conduit de plus en plus souvent au dé- années 70 ont concerné essentielle- l’évaluation du bon état d’une
veloppement d’indices dits multimé- ment les cours d’eau. Les exigences masse d’eau superficielle
selon la DCE. Dans le cas des
triques. Les outils de bioindication récentes de la DCE concernant masses d’eau fortement
en général et les outils multimé- l’évaluation de l’état écologique de modifiées (MEFM) et des
triques en particulier ont l’avantage l’ensemble des masses d’eau (water masses d’eau artificielles
(MEA), l’objectif requis n’est
d’opérer une triple intégration : bodies) ont conduit depuis quelques pas l’atteinte du « bon état
intégration de la variabilité naturelle années à la mise en œuvre de tra- écologique », mais du
du milieu dans l’espace, intégration vaux pour l’ensemble des catégories « bon potentiel écologique »,
qui se décline en quatre
de la variabilité naturelle du milieu de masses d’eau superficielles. classes d’état (Bon – Moyen –
dans le temps, intégration de l’im- Médiocre – Mauvais), la notion
de Très bon état n’étant
pact des différentes pressions
pas pertinente.
anthropiques.
Les différentes catégories de
masses d’eau superficielles sont
En dehors de la diagnose rapide des les cours d’eau, les plans d’eau,
plans d’eau proposée par Barbe et les eaux de transition (estuaires et (CTO) liées au maintien des usages en particulier aux États membres
al. (1990), les outils de bioindication lagunes) et les eaux côtières. à l’origine de la désignation en MEA de mettre au point, pour chaque
développés en France depuis les ou MEFM. catégorie de masses d’eau super-
ficielles, un outil de bioindication
La DCE impose aux États membres pour chacun des éléments de
1.2 – La bioindication à l’heure de la DCE des exigences radicalement nou- qualité biologiques (EQB) listés
velles en termes de prise en compte dans le tableau 1. Ces exigences
Directive donnant un cadre à la Pour les eaux superficielles, cet des différents compartiments biolo- se sont traduites par un effort sans
politique de l’eau à l’échelle objectif n’est atteint qu’à la double giques et de fiabilité à atteindre dans précédent pour le développement
européenne, la DCE a fixé des ob- condition de justifier d’un bon état l’évaluation de l’état écologique. de méthodes de bioindication.
jectifs ambitieux pour la préserva- chimique et d’un bon état éco- L’annexe V de la directive demande Pour les organismes de recherche
tion et la restauration de l’état des logique (Figure 1). L’état des eaux
eaux superficielles et souterraines. souterraines est quant à lui évalué
Elle a pour objectif l’atteinte d’ici en référence à leur état chimique et Tableau 1. Éléments Eaux continentales Eaux littorales
de qualité biologiques
2015 du « bon état » de l’ensemble quantitatif. Dans le cas des masses (EQB) requis par la Cours d’eau Plans d’eau Transition Eaux côtières

des masses d’eau, pour la métro- d’eau fortement modifiées (MEFM, DCE pour l’évaluation
de l’état écologique
Phytoplancton X X X X
pole comme pour les départements par ex. les cours d’eau chenalisés,
des différentes catégo- Macrophytes &
d’outre-mer. Des dérogations argu- les retenues) et des masses d’eau ries de masses d’eau phytobenthos X X
mentées peuvent cependant être artificielles (MEA, par ex. les lacs superficielles (eaux
Macroalgues &
demandées, sachant que les masses artificiel, les canaux), l’objectif requis continentales : cours Angiospermes X X
d’eau et plans d’eau ;
d’eau doivent nécessairement at- n’est pas l’atteinte du bon état éco- eaux littorales : eaux
teindre un état au moins « bon » en logique, mais du « bon potentiel de transition (estuaires,
Invertébrés
benthiques X X X X
lagunes) et eaux
2027, à la fin du 3e cycle DCE des écologique », tenant compte des
côtières). Source : Poissons
X X X
bassins hydrographiques. contraintes techniques obligatoires annexe V de la DCE.

10 11
chargés de la mise au point de le classement d’une masse d’eau Vers la prise en compte milieux aquatiques. D’ici la fin de
ces méthodes d’évaluation, l’enjeu dans une classe d’état donnée. Par de nouveaux indicateurs ? l’année 2013, l’examen des seuils de
est double : il s’agit bien sûr de exemple, un cours d’eau peut être classes pour ces indicateurs, ainsi
construire, ex nihilo ou sur la base de classé en très bon état au titre de Rythmé par les cycles de gestion de que pour les éléments de soutien à
méthodes préexistantes, des outils la faune benthique invertébrée si la directive, le défi scientifique que la biologie, eu égard à la connais-
de bioindication pertinents au plan et seulement si « la composition constitue le développement des mé- sance des pressions s’exerçant sur
scientifique et adaptés à une mise en et l’abondance taxonomiques (de thodes de bioindication pour l’éva- les masses d’eau, permettront de
œuvre à grande échelle, mais aussi cette communauté biologique) cor- luation de l’état des eaux s’inscrit décider des modalités de prise
d’assurer la compatibilité de ces respondent totalement ou presque dans un calendrier précis. Alors que en compte de ces nouveaux
méthodes avec le cadre précis im- totalement aux conditions non les règles d’évaluation fixées par l’ar- indicateurs dans le cadre des
posé par la DCE (conditions norma- perturbées ». Il peut être considéré rêté du 25 janvier 2010 s’appliquent futures règles d’évaluation.
tives de l’annexe V et exercice d’in- en bon état si l’on y observe seu- pour le premier cycle (2010-2015), la
ter-étalonnage ou intercalibration). lement de « légères modifications préparation du 2e cycle DCE (2016- Intercalibration :
dans la composition et l’abondance 2021) exige en parallèle l’évolution des résultats d’évaluation
Ratios de qualité des taxons d’invertébrés ». des méthodes : il s’agit d’intégrer les comparables entre Etats
écologique, conditions résultats issus du second cycle d’in- membres
normatives et règle de L’évaluation de l’état écologique tercalibration et d’améliorer la per-
l’élément déclassant d’une masse d’eau s’effectue ensuite tinence et la « DCE-compatibilité » Les méthodes de bioindication pro-
selon le principe de l’élément dé- des méthodes de bioindication au posées par les États membres pour
Pour chacun des EQB de chaque classant (one out, all out) : pour que regard des connaissances nouvel- l’évaluation DCE doivent respec-
catégorie de masse d’eau, les in- la masse d’eau soit classée en bon lement acquises, notamment des ter l’ensemble des conditions de
dices de bioindication mis au point (ou très bon) état écologique, il faut relations entre pressions anthro- « DCE-compatibilité » (conditions
doivent pouvoir être exprimés en que chacun des EQB donne lui-même piques et état écologique. L’enjeu normatives de l’annexe V, relations
« ratios de qualité écologique » une évaluation bonne (ou très bonne) de la connaissance des relations statistiquement significatives entre
(EQR ou Ecological Quality de l’état. Cette condition est par ail- entre pressions et état est consi- pressions et état, calcul d’un écart
Ratios) permettant de rendre leurs nécessaire mais pas suffisante : dérable. Il doit permettre d’enga- à la référence par type, etc.), mais
compte d’un écart à la référence. la DCE indique également des élé- ger des investissements mieux aussi être dotées de seuils d’état
Ceci peut par exemple être réalisé ments de qualité pour un ensemble ciblés et de restaurer les milieux de suffisamment proches pour four-
en calculant le rapport entre la valeur de paramètres physico-chimiques manière plus efficace (augmenter nir une information comparable
prise par l’indice sur un site donné soutenant la biologie (température, la probabilité d’effets sur le milieu) entre États membres (Figure 2
et la médiane de l’indice calculée acidification, bilan oxygène, nutri- et plus efficiente (optimiser les page suivante).
sur des sites dits « de référence ». ments, etc.), également soumis au investissements).
Il revient ensuite aux différents États principe de l’élément déclassant. Des Les exigences associées au proces-
membres de fixer, pour chaque in- paramètres hydromorphologiques Dans cette perspective, la fin de l’an- sus d’intercalibration sont telles que
dice, des limites de classes d’état en soutien à la biologie sont égale- née 2011 a constitué une échéance la borne supérieure de la classe de
exprimées en EQR. L’établissement ment à prendre en compte, mais seu- clé : à cette date, de nombreux indi- bon (et très bon) état pour chaque
© P. Baran - Onema

de ces seuils doit en outre respec- lement pour l’évaluation du très bon cateurs en voie de finalisation sur le pays ne doit pas être supérieure
ter les conditions normatives défi- état écologique. plan scientifique ont été présentés d’un quart de classe à la moyenne
nies par la DCE (Annexe V) pour aux gestionnaires de l’eau et des (ou médiane) calculée pour les diffé-
12 13
sur les différents EQB de chacune Confiance et précision : de
des catégories de masses d’eau nouveaux besoins de R&D
(ex : poissons en rivières, inver- et de transfert
tébrés en lacs, etc.). Ces équipes
scientifiques se sont rencontrées au La DCE comporte également un volet
sein de groupes d’intercalibration « confiance et précision », qui de-
géographiques (GIG), qui corres- mande aux Etats membres d’attribuer
pondent à de grandes régions bio- un niveau de confiance de l’évalua-
géographiques européennes regrou- tion de l’état écologique, afin de limi-
pant des ensembles faunistiques et ter les risques de mauvais classement.
floristiques relativement homogènes. Celui-ci doit être attribué pour chaque
Compte tenu de sa situation géo- masse d’eau, tous éléments de qua-
graphique, la France est concernée lité confondus, selon trois classes
par trois de ces groupes : les GIG (bon, moyen, mauvais). En France,
central-baltique, alpin et méditer- l’approche actuelle repose largement
ranéen. Le 2e round de l’intercalibra- sur l’expertise et s’appuie sur la
tion s’est achevé à la fin de l’année cohérence des résultats d’évaluation
2011, et a permis de disposer de obtenus entre les données « pressions
Figure 2.
Principes de l’intercalibration européenne. seuils intercalibrés pour l’ensemble » et les données « milieux » (biologie et
Les différents États membres d’un « groupe d’intercalibration géographique » (GIG) des méthodes actuellement dispo- physico-chimie soutenant la biolo-
donné sont symbolisés par les lettres A à G. Les carrés bleus représentent la valeur nibles pour les cours d’eau (IBD2007,
de limite de classe de bon état pour un EQB donné (ex : poissons) et les barres verti- gie). Un ensemble d’actions R&D
cales correspondent à l’intervalle de confiance (plus ou moins un quart de classe) de IBMR, IBGN, IPR). Au cours du pre- s’avère maintenant indispensable
chacune de ces limites. mier round d’intercalibration, seuls pour approfondir cette analyse. Dans
Source : Didier Pont, Irstea, séminaire « Evaluation », avril 2011.
l’IBD2007 et l’IBGN avaient pu béné- ce contexte, le biais inter-opéra-
ficier de seuils intercalibrés. teurs est un facteur majeur d’incerti-
rents Etats membres. Si celle-ci est parallèlement pour les seuils de bon tude. Sa réduction mobilise déjà des
au-dessous de la moyenne, l’état état et de très bon état, l’objectif équipes pour le développement de
membre doit obligatoirement modi- de non dégradation s’appliquant Pour un indicateur donné, une normes et de guides de bonnes
fois les valeurs-seuils fixées et les pratiques, la mise en place de
fier ses seuils de classes (son indice aux masses d’eau en très bon état classes d’état établies, la procédure
de bioindication est trop laxiste par comme aux masses d’eau en bon statistique d’intercalibration com- formations ainsi que celle de la dé-
rapport aux autres pays ; cas ici de état. prend deux conditions majeures marche qualité en hydrobiologie.
de faisabilité (feasability checks) :
B et de G). Si elle est au-dessus la première s’assure d’un niveau suf-
de la moyenne définie au niveau Pour veiller au respect de cette Une étude consacrée au biais inter-
fisant de réponse de l’indicateur aux
européen (son indice est plus sévère double condition, la commission pressions anthropiques ; la seconde opérateurs pour le protocole de pré-
s’assure de l’harmonisation de la dé- lèvement des invertébrés benthiques
que la moyenne), l’état membre est européenne a organisé au cours
finition des conditions de référence
libre de modifier ou non ses seuils de des 10 dernières années un nombre (Archaimbault et al. 2012), a par
et des limites de classes d’état entre
classe correspondants. L’exercice considérable de réunions regroupant Etats membres. exemple permis la mise en évidence
d’intercalibration doit être réalisé les équipes scientifiques travaillant de difficultés particulières quant à la

14 15
réalisation de certains prélèvements, axes de travail concernent à l’heure
et l’adaptation en conséquence de la actuelle la prise en compte des incer-
formation dédiée à l’usage de ce pro- titudes statistiques liées à la phase

© Philippe Usseglio - Université de Lorraine


tocole (Figure 3). Une étude parallèle de modélisation mise en œuvre pour
réalisée sur les diatomées (Roussel et le développement de certaines mé-
al. 2010) tend également à mettre en thodes, ainsi que celle de la variabi-
évidence un biais inter-opérateurs et lité naturelle des communautés liée
confirme la nécessité de poursuivre et aux fluctuations saisonnières et inter-
de développer l’effort de formation annuelles.
dans les années à venir. Les autres

Figure 3. Pourcentage de conformité des plans d’échantillonnage réalisés par les


opérateurs par rapport aux exigences de la norme d’application du protocole I2M2
avant (2009) et après (2010) la mise en place d’une formation spécifique.
Source : V. Archaimbault et al. (2012), rapport technique Irstea.

Prélèvement d’un échantillon de macroinvertébrés benthiques.

La DCE fait de la normalisation un enjeu majeur. A l’échelle nationale, une


méthode normalisée, c’est-à-dire décrite précisément par des documents de
référence, est compréhensible et utilisable par tous les acteurs de manière
homogène et partagée. Elle est par ailleurs bien plus aisée à promouvoir sur
la scène européenne.
Ces documents de référence concernent d’une part les protocoles d’échan-
tillonnage in situ, et d’autre part le traitement des prélèvements en labora-
toire pour obtenir des données biologiques brutes. Elles peuvent plus rare-
ment concerner l’outil de bioindication en tant que tel (exemple de la norme
concernant l’indice poissons rivière ou IPR).
1.3 – Développement d’une méthode de bioindication En France, une politique de normalisation volontariste a été mise
en place et conditionne les travaux de la commission T95F « Qualité
« DCE-compatible » : les principales étapes écologique des milieux aquatiques » de l’AFNOR. Cette commission
rassemble des représentants du Ministère en charge du développement du-
La nécessité d’une évaluation éco- Même si de nombreuses variations rable, des DREAL, de l’Onema, des agences de l’eau, des organismes de
recherche, ainsi que des laboratoires issus du domaine privé. Les travaux
logique de plus en plus robuste et existent entre les méthodes utili-
réalisés au sein de la T95F ont permis de doter, en quelques années, une part
l’obligation règlementaire de l’inter- sées à travers l’Europe (près de 200 significative des protocoles développés pour la DCE de normes françaises,
calibration entre les différents Etats méthodes ont été recensées pour de guides d’application et de référentiels de bonnes pratiques. Ces docu-
membres a nécessité la standardi- les cours d’eau et les plans d’eau ; ments homologués par l’AFNOR constituent autant d’outils pour promouvoir
sation de plus en plus forte des Birk et al. 2012), certaines étapes les travaux français en vue de la définition des normes européennes par le
procédures de développement cruciales s’avèrent récurrentes. comité européen de normalisation (CEN), auquel la France participe.

des méthodes de bioindication.


16 17
sites affectés par différents types de
La mise en place d’un La définition de conditions
pressions anthropiques (chimiques,
réseau d’échantillonnage de référence
hydromorphologiques), à différents ni-
Le développement d’un outil de bioin- veaux d’intensité (on parle de gradient
dication nécessite en premier lieu la d’intensité de pression), et situés dans La deuxième étape correspond à la
mise en place d’un réseau de sites des contextes géographiques variés. définition de conditions de réfé-
d’échantillonnage, c’est-à-dire d’un La DCE requiert en outre la définition rence caractéristiques des sites
ensemble de stations représentatives d’une typologie de masses d’eau non perturbés ou très faible-
des milieux dont on souhaite éva- pour chaque catégorie de masses ment perturbés par des pressions
luer l’état écologique. Pour mettre d’eau, et impose la déclinaison de anthropiques, regroupés sous la
en œuvre des analyses statistiques conditions de référence pour chacun dénomination de « sites de référence ».
appropriées, il convient de choisir des types définis. Lorsque de tels sites ne sont pas
autant que faire se peut un panel de disponibles, on peut, sous certaines
conditions, avoir recours à des pro-
Illustrations de différents types de cours d’eau. cédures de modélisation appuyées
par du dire d’expert pour définir ces
conditions de référence. Celles-ci
doivent être définies par type de
masses d’eau, suivant la typologie

© Nicolas Poulet - Onema


utilisée. Dans le cas des cours d’eau,
un réseau de sites de référence a
été mis en place au cours des der-
nières années (Mengin et al. 2010)
suite aux travaux réalisés par le pôle
Onema-Irstea de Lyon. Ce réseau a
vocation à être suivi chaque année
pour l’ensemble des éléments de
qualité biologique, et permettra
d’actualiser les conditions de
référence au début de chaque nou-

© Christine Argillier - Irstea.


veau cycle DCE. Il permettra éga-
© Nicolas Poulet - Onema

lement de mettre en évidence la


dérive des peuplements du fait du
réchauffement climatique en cours
(migration des espèces d’eau froide
vers les régions les plus apicales des
bassins versants).

18
Exemple de plan d’eau de référence. 19
La collecte de données L’étude des relations Figure 4. Illustrations des liens
statistiques entre pressions
biotiques, abiotiques et de pressions/état anthropiques et métriques de
pression bioindication.
L’étape suivante, essentielle car Dans cet exemple, la métrique 1
serait susceptible d’être intégrée
Une fois les sites d’échantillonnage c’est elle qui détermine fortement à un outil de bioindication, ce qui
et les sites de référence identifiés, la sensibilité et la robustesse de n’est pas le cas de la métrique 2.
trois types de données doivent être la méthode, concerne l’étude des C’est en multipliant le nombre
de métriques testées vis-à-vis
collectés pour permettre le dévelop- liens entre pressions anthro- de différentes pressions que
pement d’une méthode de bioindica- piques et état écologique. Ces l’on peut développer des outils
tion. Elles concernent d’une part les relations pressions/état, classique- de bioindication dits « multi-
métriques ». A titre d’exemple,
caractéristiques environnementales ment représentées sous forme de plusieurs centaines de métriques
en termes d’habitat disponible et de régressions linéaires – intensité de potentielles ont été testées pour
la pression en abscisse et valeur de le développement de l’IPR+ et de
physico-chimie générale du milieu
l’I2M2.
(profondeur, vitesse d’écoulement de la métrique testée en ordonnée – Source : Y. Reyjol, séminaire
l’eau, turbidité, type de substrat, tem- conditionnent le choix des mé- Evaluation, avril 2011.
pérature, concentration en oxygène, triques constitutives du futur indice :
etc.), d’autre part les communautés la préférence se portera en effet
biologiques présentes (occurrence sur les métriques les plus sen-
des espèces, abondance, biomasse, sibles à une pression donnée
etc.), et enfin les différentes pres- (Figure 4). Afin d’assurer la DCE-
sions anthropiques s’exerçant sur compatibilité de l’indice, les mé-
le milieu, ainsi que leurs intensi- triques retenues doivent en outre
tés respectives (occupation du sol, suivre les prescriptions données en
degré de chenalisation, présence annexe V de la DCE.
de barrages, concentration en nutri-
ments et en micropolluants, etc.). L’agrégation des métriques
L’exploitation statistique de ces don-
nées et la mise au point d’outils de Il reste alors à finaliser l’indice en
bioindication robustes exigent l’utili- construisant les règles d’agrégation
sation de protocoles standardisés de des métriques retenues et à s’assu-
collecte et de saisie, harmonisés à rer que l’indice obtenu réponde éga-
l’échelle du réseau d’échantillonnage. lement de manière satisfaisante aux
pressions. L’outil de bioindication
ainsi obtenu doit enfin être testé sur
des bases de données autres que
celles qui ont servi à son élaboration ;
c’est ce qu’on appelle la phase de
validation de l’indice.

20 21
2 Bioindicateurs
pour les cours d’eau
Partie

Avec plus de 270 000 km de ruisseaux, de rivières et de fleuves,


et une diversité naturelle au niveau géologique et climatique, les
cours d’eau français sont riches d’une grande diversité de milieux
naturels, impactés par un large panel de pressions anthropiques.

Les efforts entrepris de longue date pour la surveillance de la qualité


de leurs eaux se sont traduits dès les années 80 par le développement
de méthodes de bioindication basées sur les diatomées et les
macroinvertébrés benthiques.

Chargé par le Ministère en charge du développement durable de


la mise en compatibilité DCE des méthodes existantes pour les
eaux douces, et dans certains cas du développement de nouvelles
méthodes, Irstea joue en France un rôle moteur dans ce nouvel
essor de la bioindication.

Cette partie dresse un état des lieux des travaux entrepris pour les
cours d’eau, pour chaque élément de qualité biologique.

22 © Nicolat Poulet - Onema 23


2.1 – Phytobenthos : vingt ans de travaux sur les
diatomées aboutissent à l’IBD2007

Figure 5. Profils écologiques pour une espèce sensible (Achnanthidium biasolettianum)


Le développement de méthodes de ficultés de mise en œuvre de l’IBD.
et pour une espèce tolérante (Fistulifera saprophila).
bioindication basées sur les commu- Les principaux problèmes recensés Source : J. Rosebery, séminaire « Evaluation », avril 2011.
nautés de diatomées benthiques a concernaient l’applicabilité de l’IBD
fait l’objet d’efforts importants depuis aux milieux acides et saumâtres, la

© Olivier Monnier - CRPGL


plus de 30 ans. Ces recherches, qui difficulté de détermination de cer-
ont inspiré de nombreux travaux tains taxons, et les profils de sensi-
en Europe, ont abouti en France bilité/tolérance à la pollution de cer-
à la mise au point successive de taines espèces (Nitzschia paleacea,
l’indice de polluo-sensibilité spéci- Eolimna minima, etc.). Un travail
fique (IPS), de l’indice diatomique d’amélioration de l’indice initial a
générique (IDG) et de l’indice biolo- donc été réalisé à partir de 2004 dans
gique diatomées (IBD puis IBD2007). le but de mettre en place une nou-
Basée sur une étude inter-agences velle version tenant compte de ces
de l’eau organisée de 1994 à 1996, difficultés. Ainsi, la base de données
notamment dans l’optique de dis- biologiques et physico-chimiques
poser d’une méthode plus simple servant à la mise au point de l’in-
que l’IPS qui requiert l’identification dice a été enrichie, les sept classes
de tous les taxons, la mise au point de qualité de l’eau sur lesquelles se
de l’IBD s’est appuyée sur plus de basent les profils écologiques des
1 300 inventaires biologiques reliés taxons redéfinies, les profils revus
à 14 paramètres physico-chimiques, en conséquence, la notion de taxons
permettant l’établissement de profils appariés supprimée et le nombre
écologiques pour plus de 200 taxons d’espèces prises en compte dans
(Figure 5). L’IBD est officiellement né le calcul de l’indice augmenté. Ces
en 2000 sous forme d’une norme améliorations ont permis le déve- Classiquement, les diatomées en des métriques spécifiques basées
AFNOR (NF T90-354), accompagnée loppement d’une nouvelle version général et l’IBD2007 en particulier sur les traits biologiques (formes
d’outils de calcul spécifiques tels que de l’IBD (Coste et al. 2009), norma- sont utilisés pour l’évaluation de la de vie, guildes écologiques) répon-
Tax’IBD et Omnidia v3. lisée NF T90-354 en 2007. Par rap- dégradation de la qualité physico- dant à des contaminations par des
En février 2003, à l’initiative du port à son prédécesseur, l’IBD2007 chimique générale de l’eau (en métaux et des pesticides. Ces tra-
Groupement d’Intérêt Scientifique s’appuie sur un nombre très supérieur particulier vis-à-vis des teneurs en vaux pourraient permettre, à terme,
« Diatomées des eaux continen- de taxons (plus de 800) et environ matière organique et des concen- de disposer d’un indice diatomées
tales », une enquête a été proposée deux fois plus de relevés, dont une trations en nutriments). En parallèle multimétrique sensible à la fois à
à une quarantaine d’utilisateurs du partie couvre des régions et bassins à ces travaux, des programmes de la physico-chimie générale de l’eau
logiciel Omnidia afin de mettre en peu documentés dans la version recherche sont en cours au sein et à des pollutions chimiques plus
évidence les points faibles et les dif- précédente. d’Irstea et de l’INRA afin d’identifier spécifiques.

24 25
2.2 – Phytoplancton en grands cours d’eau : le début d’un L’IBMR bénéficie d’un protocole sta- proche de celle suivie dans le cadre
bilisé, permettant un relevé exhaustif du développement de l’IBD2007.
développement
(AFNOR 2003). Il prend en compte Comme l’IBD2007, l’IBMR montre
Le phytoplancton, bien que requis tionale (Phytobase) permettant d’or- plus de 200 taxons et intègre des don- une sensibilité particulière à la
pour les cours d’eau en général, ganiser ces données afin de pouvoir nées qualitatives (cotes spécifiques dégradation de la qualité phy-
n’est pertinent que pour les grands centraliser l’information et faciliter de niveau de trophie, coefficients de sico-chimique générale (niveau
cours d’eau et les canaux. Le déve- leur traitement a été créée en 2011. sténoécie informant sur l’amplitude trophique global du milieu et concen-
loppement d’une méthode d’éva- écologique des espèces), pondé- tration en nutriments, Figure 6).
luation d’état écologique pour ces Compte tenu de la répartition géo- rées par des coefficients d’abon- Comme pour l’IBD2007, on peut
types de milieux a débuté en 2009. graphique des données, de l’ab- dance. La philosophie générale de considérer que l’IBMR est un outil
Il a commencé par une standardi- sence de données sur le réseau mise au point de cet indice est assez de bioindication monométrique.
sation de l’échantillonnage et, en de référence, du manque de répli-
2010, par la diffusion d’un protocole cats d’opérations de contrôle et du
commun au sein du réseau d’acteurs manque de données environnemen- Figure 6. Boîtes à moustaches (boxplots) représentant la distribution des valeurs de
l’indice biologique macrophytique en rivière (IBMR) exprimé en ratio de qualité
DCE (Laplace-Treyture et al. 2010). tales et de physico-chimie (dont les
écologique (EQR), en fonction des classes d’état physico-chimique général.
Des données exploitables et compa- teneurs en chlorophylle) associées La boîte représente les valeurs de l’indice comprise entre les 1er et 3e quartiles de la
rables à l’échelle nationale ont ainsi aux listes floristiques disponibles, il a distribution. Les moustaches représentent l’étendue de la distribution des valeurs
d’indice, hors valeurs extrêmes (outliers). La ligne noire horizontale représente la
été obtenues depuis 2011. D’autres été considéré comme prématuré de
médiane de chaque distribution. Les points noirs représentent les outliers.
données, dites « historiques », anté- commencer le développement d’un Source : C. Chauvin et al. (2011), séminaire « Evaluation », avril 2011.
rieures au protocole standardisé, ont indice phytoplancton pour les grands
également été recueillies pour faire cours d’eau et les canaux. Celui-ci
l’objet d’une analyse permettant de est envisagé dans l’optique du
déterminer celles susceptibles d’être 3e cycle DCE (2022-2027).
valorisées. Une base de données na-

2.3 – Macrophytes : l’IBMR rendu DCE-compatible


Normalisé en 2003 sous la référence les indices anglo-saxons ont été tes-
NF T90-395, l’indice biologique tés sur le territoire métropolitain au
macrophytique en rivière (IBMR) est début des années 90. Les résultats
issu des travaux coordonnés par de ces tests et l’expérience acquise
J. Haury (INRA) dans le cadre du GIS par les équipes françaises ont permis
« Macrophytes des eaux continen- de proposer en 1996 un outil reposant
tales », sur la base des travaux menés sur la base d’un relevé de la végéta-
en Grande-Bretagne et en Allemagne tion aquatique et supra-aquatique :
à partir des années 70. Afin de définir l’indice GIS, précurseur de l’IBMR
les conditions de développement de (Haury et al. 1996).
méthodes comparables en France,
26 27
Des travaux sont d’ailleurs en cours phytiques observés dans les cours 2.4 – Macroinvertébrés benthiques : de l’IBGN à l’I2M2
actuellement afin de mettre en évi- d’eau français a été réalisée par
dence des métriques complémen- analyse de l’ensemble des résultats
taires sensibles aux pressions hy- acquis sur les sites du réseau natio- Parmi les différents compartiments L’IBGN : un outil historique
dromorphologiques (chenalisation, nal de référence. Le rattachement biologiques pris en compte par la souffrant de certaines
artificialisation des berges) dans typologique de tous les types de DCE, les macroinvertébrés ben- limites
l’optique du troisième plan de ges- cours d’eau à ces biotypes a posé les thiques bénéficient d’une longue
tion DCE. bases du calcul d’un EQR pour toutes histoire en matière d’outils de L’IBGN présente un certain nombre de
les mesures réalisées sur cet élément bioindication. En effet, depuis les limites vis-à-vis des prescriptions de la
Le principal développement abou- biologique en France métropolitaine. premiers essais d’utilisation des DCE. Parmi celles-ci, on peut notam-
tissant à la mise en compatibilité de Complétée par la définition de bornes invertébrés dans l’identification ment citer :
l’IBMR avec les préconisations de la de classes sur cette échelle exprimée des pollutions organiques au début - l’absence de prise en compte
DCE a consisté à définir les valeurs en EQR, cette approche permet du 20e siècle (méthode des sapro- explicite de l’abondance et de la
de référence de cet indice pour les maintenant de disposer d’une mé- bies de Kolkwitz et Marsson 1908, diversité des taxons ainsi que de
différents types de cours d’eau du thode pleinement DCE-compatible 1909a,b), ces organismes sont de- l’abondance relative des taxons sen-
réseau hydrographique métropoli- pour l’évaluation de l’état écologique venus le maillon biologique le plus sibles par rapport aux taxons résis-
tain. L’identification de huit biotypes des cours d’eau par les peuplements couramment utilisé au niveau inter- tants (prescription de l’annexe V de la
regroupant les peuplements macro- macrophytiques. national pour l’évaluation de l’état DCE) ;
écologique des milieux aquatiques. - l’absence de prise en compte
Portion de cours d’eau en bon état physico-chimique (A) et soumise à une forte En France, l’indice biologique glo- explicite de la typologie des cours
eutrophisation (B). bal normalisé (IBGN), fait suite à une d’eau dans la construction de l’indice ;
Ces différences dans l’état des cours d’eau peuvent être mises en évidence de succession d’indices : IB, IQBG et
manière particulièrement robuste par les indices de bioindication basés sur les - l’absence de calcul d’écart à un
communautés végétales (IBD, IBMR). IQBP, IBG. L’IBGN détermine l’état état dit de référence, véritable pierre
écologique d’un système à partir angulaire de la DCE.
de deux informations : le groupe Outre ces limites principales, l’IBGN
faunistique indicateur, qui évalue le présente une faible sensibilité à cer-
niveau maximum de polluo-sensi- taines catégories de pression an-
bilité globale (c.-a-d. tous types de thropique (notamment les pressions
pression confondus) des taxons pré- hydromorphologiques). Enfin, il s’ap-
sents en effectif significatif au sein puie sur un protocole d’échantillon-
© Christian Chauvin - Irstea.

© Christian Chauvin - Irstea.

de l’assemblage faunistique local, et nage dont la philosophie (à savoir éva-


la classe de variété taxonomique qui luer les capacités dites « biogènes »
renseigne sur le niveau de richesse d’une station) est très différente de
du peuplement d’invertébrés. celle adoptée par la plupart des mé-
thodes européennes actuelles de
types AQEM, qui vise d’avantage à
obtenir une image moyenne du peu-
plement d’une station, ce qui est

28 29
d’avantage en accord avec la philoso- définis par la norme XP T90-388). de pression liées à l’hydromorpho- thropiques et présente une efficacité
phie générale de la DCE. Par comparaison avec l’IBGN, logie ou au type d’occupation de de discrimination des situations per-
la mise au point de l’I2M2 permet l’espace), (ii) leur efficacité de discri- turbées beaucoup plus importante
L’I 2M2, un indicateur notamment : mination des peuplements soumis (Figures 7 et 8). Intégré à de nou-
robuste et sensible aux - la prise en compte de 10 catégories à perturbation, (iii) leur stabilité en velles règles d’évaluation de l’état
différentes pressions de pression en relation avec la qualité conditions de référence et (iv) leur des eaux, il devrait notamment per-
anthropiques physico-chimique de l’eau : matière non redondance au sein de la sélec- mettre d’engager des investisse-
organique, matières azotées (hors tion finale de métriques. ments mieux ciblés et de restaurer
Partant de ce constat, un nouvel in- nitrates), nitrates, matières phos- les milieux de manière plus efficace
dice a donc été élaboré au cours des phorées, matières en suspension, Au final, l’indice I2M2 apparaît (augmenter la probabilité d’effets sur
dernières années au sein de l’univer- acidification, métaux, pesticides, comme beaucoup plus sensible le milieu) et plus efficiente (optimi-
sité de Lorraine, l’indice invertébrés HAP, micropolluants organiques ; que l’IBGN aux perturbations an- ser les investissements).
multi-métrique (I2M2). Le calcul de - la prise en compte de sept catégo-
cet indice repose d’une part sur ries de pression en relation avec la
la mise en œuvre d’un protocole qualité de l’hydromorphologie et Figure 7. Boîtes à moustaches représentant la distribution des valeurs prises par
l’indice invertébrés multimétrique I2M2 sur les sites en bon état (boîtes blanches)
d’échantillonnage basé sur la réali- l’utilisation de l’espace (voies de
et perturbés (boîtes grises) pour 10 types de pressions physico-chimiques. Voir la
sation de trois « bocaux » de prélève- communication dans le lit mineur, légende de la Figure 6 pour la définition d’une boîte à moustache.
ments (B1, B2 et B3) réunissant cha- ripisylve, intensité d’urbanisation, Source : C. Mondy et P. Usseglio-Polatera (2011), rapport technique Université de
Lorraine.
cun quatre prélèvements unitaires, risque de colmatage, etc.) ;
et d’autre part sur un protocole de - l’expression des métriques en
traitement des échantillons préle- EQR, afin de permettre (i) la prise
vés (normes XP T90-333 et XP T90- en compte de la typologie et (ii) une
388). L’I2M2 dans sa version actuelle comparaison directe des valeurs de
est composée de cinq métriques métriques pour tous les cours d’eau
basées sur des caractéristiques relevant du protocole normalisé sur
taxonomiques ou fonctionnelles des l’ensemble du territoire métropolitain ;
communautés de macroinvertébrés : - la prise en compte de plu-
- l’indice de diversité de Shannon- sieurs échelles de calcul pour les
Weaver ; métriques candidates à l’intégra-
- la valeur de l’ASPT (Average Score tion dans l’I2M2 (B1, B2, B3, B1+B2,
Per Taxon ; Armitage et al. 1983) ; B2+B3 et B1+B2+B3) ;
- la fréquence relative des espèces - la sélection des métriques les
polyvoltines (c. à d. à plusieurs géné- plus pertinentes à l’intégration
rations successives au cours d’une dans l’indice, notamment sur la
même année) ; base de (i) leur caractère généraliste
- la fréquence relative des espèces (réponse significative à au moins
ovovivipares ; sept des 10 catégories de pres-
- la richesse taxonomique (compte sion liées à la qualité de l’eau et à
tenu des niveaux d’identification au moins à cinq des sept catégories
30 31
Figure 9. Dégradation
Qualité de l’eau
Figure 8. Boîtes à moustaches repré-
Illustration des résultats de l’habitat
obtenus par application de
sentant l’efficacité de discrimination
l’outil de diagnostic associé à
des situations perturbées par rapport
l’indice invertébrés multi-
aux situations de référence pour l’indice
métrique I2M2 sur un site
invertébrés multimétrique I2M2 par
du réseau de contrôle et
rapport à l’IBGN. Voir la Figure 6 pour la
de surveillance (RCS). Le
définition d’une boîte à moustache.
diagramme radar de gauche
Source :
illustre les probabilités pour
C. Mondy et P. Usseglio-Polatera (2011).
le site d’être affecté par
des pressions relatives à la
chimie de l’eau, eu égard aux
caractéristiques biologiques
des espèces présentes. Le
diagramme de droite illustre
la probabilité pour le site
d’étude d’être affecté par des
pressions de type « dégra-
dation de l’habitat ». Plus la P1 = Matières organiques et oxydables ; P2 = Matières azotées
probabilité d’atteinte est éle- (hors nitrates) ; P3 = Nitrates ; P4 = Matières phosphorées ;
vée, plus l’aire représentée en P5 = Micro-polluants minéraux ; P6 = Pesticides ; P7 = HAP ;
Vers le développement benthiques, les probabilités qu’une rouge s’étend vers l’extérieur P8 = Micro-polluants organiques ; P9 = Voies de communication ;
d’un outil de diagnostic masse d’eau donnée, représentée du diagramme (cas de P3, P10 = Ripisylve (corridor 30m) ; P11 = Urbanisation (rayon de 100m) ;
P7 et P8 sur le diagramme P12 = Risque de colmatage ; P13 = Risque d’instabilité
complémentaire à l’I2M2 par le « point de prélèvement » échan- de gauche. Le cercle pointillé hydrologique ; P14 = Rectification.
tillonné, soit affectée par chacun des représente une probabilité Source : C. Mondy et P. Usseglio-Polatera (2011).
Le choix méthodologique ayant per- quatorze types de pressions pris en d’impact égale à 0,5.

mis la mise au point de l’I2M2 justi- compte pour le développement de


fie le développement parallèle d’un l’indice I2M2 (Figure 9 ci-contre). En parallèle aux travaux menés pour le développement de l’I2M2, des recherches sont
actuellement menées par l’INRA (T. Caquet, INRA, séminaire évaluation 2011) afin de
outil de diagnostic permettant une
mettre au point des métriques répondant spécifiquement à la pression de type «
identification plus précise des pres- Il est important de noter toutefois
pesticides ». Cette approche repose notamment sur une application de la méthode
sions anthropiques à l’origine des que la pertinence d’un diagnostic SPEAR (SPEcies At Risk), initialement développée par une équipe allemande (Liess
altérations de la qualité écologique ne peut être cantonnée au seul point et al., UFZ, Leipzig ; Liess et von der Ohe, 2005) pour le compartiment des macroin-
détectées par l’I2M2. Cet outil se de prélèvement biologique ; en effet, vertébrés benthiques, et sur le calcul d’indices de diversité fonctionnelle.
base sur l’analyse des modifications un diagnostic, pour être complet, Dans le cas de la méthode SPEAR, les taxons sont classés en deux catégories
(at risk - not at risk) selon un ensemble de traits biologiques et écologiques et leur sen-
des traits biologiques sélectionnés et doit reposer sur une analyse faite à
sibilité aux pesticides. Diverses métriques sont ensuite calculées (nombre de groupes
des stratégies écologiques utilisées différentes échelles spatiales (bas- classés SPEAR, abondance relative des individus classés SPEAR, etc.). Les indices
par les communautés d’invertébrés sin, corridor, tronçon, site). Le futur de diversité fonctionnelle sont calculés à partir des données d’abondance de diffé-
benthiques en réponse aux carac- n’est donc pas uniquement à l’amé- rents groupes taxonomiques caractérisés par divers traits biologiques et écologiques.
téristiques de leur environnement. lioration intrinsèque de la faculté de Les premiers travaux se sont appuyés sur des études menées sur trois cours d’eau
diagnostic des indices, mais égale- pour lesquels des données de pression pesticide ont été acquises en parallèle.
Concrètement, cet outil de dia-
L’étude des relations entre pression toxique d’une part (estimée sous la forme
gnostic permet de calculer, d’après ment à des plateformes permettant
d’unités toxiques calculées à partir des données de concentration en pesticides et de
les fréquences d’apparition de cer- de contextualiser les sites de valeurs toxiques de référence issues des bases de données Agritox et Footprint), et
taines caractéristiques biologiques prélèvements dans les réseaux diverses métriques SPEAR ou indices de diversité fonctionnelle d’autre part, donne
ou d’après les fréquences d’utilisa- au regard des différentes pressions des résultats encourageants qui doivent être encore confirmés. Des outils de ce
tion de certaines stratégies écolo- (chimiques, hydromorphologiques) type devraient être utilisables à terme pour l’évaluation DCE, en complément de
l’I2M2 dans des contextes de pressions toxiques spécifiques.
giques au sein des communautés renseignées.
32 33
2.5 – Poissons : l’IPR+ plus performant que l’IPR au travers de plus de 7 500 opéra- le développement de l’IPR+. Celles-
tions d’échantillonnage. Chaque ci ont tout d’abord été modélisées en
site de pêche a été très précisément fonction de facteurs environnementaux
Développé entre 1998 et 2002 (Ober- remédier à sa sensibilité relativement
décrit en termes d’environnement peu ou pas influencés par les pertur-
dorff et al. 2001, 2002) et utilisé lors limitée aux pressions hydromorpho-
naturel (température, précipitations, bations anthropiques, ce qui a permis
du 1er cycle DCE, l’indice poissons logiques, et à l’absence de prise
caractéristiques hydromorphologiques, une première sélection de métriques
rivières ou IPR a été le premier outil en compte de la taille des individus
etc.), de pressions chimiques et potentielles sur la base de la qua-
multimétrique français construit dans les métriques retenues (pres-
hydromorphologiques (concentra- lité des modèles. Ces métriques ont
par rapport à des relations pres- cription de l’annexe V de la DCE).
tions en nutriments, en toxiques, de- ensuite été triées en fonction de leur
sions/état prenant en compte des
gré de chenalisation, d’artificialisa- sensibilité aux pressions par type
sites dits de référence et des sites Un développement
tion des berges, de fragmentation du de cours d’eau selon la typologie de
perturbés. Malgré ceci, et dans la impossible sans les
milieu, etc.) et de faune piscicole, Huet (zones à truite, ombre, barbeau et
perspective du 2e cycle DCE, il est délégations inter-régionales
avec une prise en compte des tailles brème). La sensibilité a été examinée
apparu nécessaire de le faire évo- et services départementaux
individuelles des poissons. Au plan pour chacune des pressions considé-
luer pour combler certaines lacunes de l’Onema
méthodologique, ces apports ont été rées comme importantes (qualité de
connues, notamment ses difficultés
bonifiés par les acquis liés aux pro- l’eau, modifications hydrologiques,
d’application dans les cours d’eau à Démarré en 2008, le développement
jets européens FAME et EFI+ : opti- altérations morphologiques), ceci afin
faible richesse spécifique (typique- du nouvel indice, l’IPR+, a bénéficié de
misation de techniques statistiques, de capturer l’ensemble des réponses
ment « zone à truite » de la typologie nombreuses données collectées par
développement de métriques fonc- des peuplements aux différentes alté-
de Huet). Il s’agissait également de les services territoriaux de l’Onema,
tionnelles et de métriques basées rations et dans les différents types de
sur les classes de taille, etc. (Pont et cours d’eau. Au final, 11 métriques ont
Echantillonnage par pêche électrique.
al. 2006, 2007). été retenues pour le calcul de l’IPR+ :
- l’abondance relative des juvéniles
Le principe de l’IPR+ de truites (zones à truite et ombre) ;
- l’abondance relative des espèces
Le principe de l’indicateur IPR+ est oxyphiles ;
de comparer la structure fonctionnelle - l’abondance relative des espèces
de la biocénose observée avec la habitat-intolérantes ;
structure fonctionnelle attendue - l’abondance relative des espèces
en l’absence de perturbation à habitat de reproduction lotique ;
© Rodolphe Parisot, Onema.

d’origine anthropique. Cette der- - la richesse absolue des espèces à


nière est obtenue par modélisa- tolérance générale ;
tion à partir de la description des - la richesse absolue des espèces
conditions physiographiques (pente, sténothermes ;
bassin versant drainé, etc.) et cli- - la richesse absolue des espèces à
matiques (température et précipita- habitat de reproduction lentique ;
tions sur le bassin versant). Plus de - la richesse absolue des espèces
200 métriques ont été testées pour omnivores ;

34 35
- la richesse relative des espèces à tion est intégrée au calcul de l’IPR+, - le recours à des méthodes statis- écologique, afin de limiter les risques
intolérance générale ; qui est donc in fine constitué des six tiques permettant l’emploi de mé- de mauvais classement. Celui-ci doit
- la richesse relative des espèces métriques les plus discriminantes triques basées sur des abondances et/ être attribué pour chaque masse
oxyphiles ; parmi les 11 initiales. ou des richesses relatives en complé- d’eau, tous éléments de qualité
- la richesse relative des espèces ment des richesses absolues, d’où une confondus, selon trois classes (bon,
limnophiles. Par comparaison à l’IPR, la mise au meilleure robustesse des modèles moyen, mauvais). L’IPR+ associe à
Les différentes métriques retenues pré- point de l’IPR+ permet notamment : vis-à-vis de la variabilité liée aux la note obtenue une évaluation de
sentent, pour plusieurs d’entre elles, - la sélection des métriques les opérations d’échantillonnage ; l’incertitude ainsi que la probabilité
une sensibilité uniquement à certaines plus sensibles à différents gra- - l’incorporation d’une métrique basée d’appartenance du site considéré à
pressions et ce pour un type de cours dients de pressions, notamment sur la taille afin de bénéficier d’une chacune des cinq classes de qua-
d’eau donné. Il est donc nécessaire, hydromorphologiques (Figure 10). meilleure sensibilité de l’indice dans lité écologique. Ceci a pour vocation
pour un site donné, de ne retenir Ceci a été rendu possible par l’uti- les cours d’eau à faible richesse de permettre à l’utilisateur d’associer
que les métriques présentant les lisation d’un grand nombre de sites spécifique (zone à truite). un niveau de qualité à chaque éva-
plus fortes déviations par rapport couvrant l’ensemble du territoire luation, notamment afin de prendre
à la valeur prédite en l’absence national et pour lesquels les princi- Vers une évaluation des en compte la variabilité temporelle
de perturbation afin d’assurer une pales pressions ont été décrites de incertitudes de l’évaluation de l’évaluation (Figure 11). En outre,
bonne sensibilité à l’ensemble des manière précise en recoupant plu- l’IPR+ prenant en compte les condi-
types de perturbation. Cette sélec- sieurs sources d’information ; La DCE comporte également un tions climatiques pour prédire l’état
volet « confiance et précision », qui considéré comme l’état de référence,
Figure 10. demande notamment aux Etats il sera possible d’évaluer la dérive
Boîtes à moustaches membres d’attribuer un niveau de de cet état de référence dans un
représentant la
distribution des confiance de l’évaluation de l’état contexte de changement climatique.
valeurs prises par le
nouvel indice poissons Figure 11. Boîtes à moustaches représentant la distribution des valeurs prises par le
rivière (IPR+) pour nouvel indice poissons rivière (IPR+) pour différentes années d’échantillonnage. Les
différents groupes cinq classes écologiques sont représentées par les cinq couleurs usuelles. Voir la
de sites caractérisés Figure 6 pour la définition d’une boîte à moustache. Source : D. Pont et al. (2011).
par une intensité
globale de pression
croissante. La zone
bleue correspond au
très bon état. Voir la
Figure 6 pour la
définition d’une boîte
à moustache.
Source : D. Pont,
séminaire « Evaluation »,
avril 2011).

36 37
La prise en compte de la sins versants. Cette métrique, basée permettra de donner des éléments sant concernant ce type d’altération
continuité écologique : la sur les grands migrateurs (saumon, de diagnostic importants concer- du milieu, du fait de leur grande mo-
métrique grands migrateurs aloses, lamproies…), compare les nant l’impact de la fragmentation bilité inhérente à la réalisation de leur
présences historiques et actuelles des cours d’eau par des ouvrages cycle biologique.
En parallèle du développement de des espèces sur les sites d’étude ; transversaux (seuils, digues, bar-
l’IPR+, les équipes d’Irstea (J. Bel- une compilation et un géo-référence- rages). Les poissons migrateurs sont
liard) développent une métrique ment des données historiques dispo- en effet à ce jour le seul élément de
visant à décrire les altérations de nibles ont été nécessaires à cet effet. qualité biologique susceptible d’ap-
la connectivité à l’échelle des bas- Cette métrique « grands migrateurs » porter un niveau d’information suffi-

Tentative de franchissement d’un obstacle à la continuité écologique par un saumon


atlantique (Salmo salar).
L’évaluation de l’état écologique dans les très grands cours d’eau (TGCE)
se heurte à trois limites principales, valables pour l’ensemble des éléments
biologiques :
- il n’existe plus aucun système de type « Très grand cours d’eau » qui puisse
être considéré comme un système clairement de référence en France métro-
politaine, ce qui limite considérablement la mise au point de grilles de qualité
fiables. Dans ce contexte général, c’est probablement l’évaluation des TGCE
sur plaine alluviale et bénéficiant naturellement des milieux péri-fluviaux qui
pose le plus problème. En effet, l’absence de sites de référence est surtout
liée à la très grande rareté de sites où les connexions latérales avec les milieux
péri-fluviaux sont encore présentes ;
- le faible nombre de TGCE disponibles au niveau national limite fortement la
mise au point de modèles statistiques robustes, et ce d’autant plus que les
connaissances disponibles actuellement donnent à penser que chaque grand
fleuve est un cas particulier différant sur le plan du fonctionnement propre
(caractère idiosyncratique de ce type de milieux) ;
- les difficultés d’application des protocoles d’échantillonnage dans les TGCE
par rapport aux zones situées plus en amont affectent la reproductibilité des
protocoles mis en œuvre, limitent la qualité des données disponibles et im-
pactent ainsi négativement la qualité des évaluations qui peuvent être faites.

© Jean-Pierre Borda, Onema.


Ainsi, l’évaluation de l’état écologique dans les TGCE souffre aujourd’hui d’un
manque de protocoles aisément reproductibles, de méthodes de bioindica-
tion spécifiques et de grilles indicielles adaptées permettant une évaluation
robuste de l’état. De plus, la grande majorité (près de 80%) des TGCE sont
aujourd’hui classés en tant que masses d’eau fortement modifiées (MEFM),
complexifiant encore un peu plus leur évaluation. Le chantier TGCE s’annonce
donc comme un enjeu prioritaire pour les prochaines années, en lien avec
l’évaluation des pressions hydromorphologiques.

38 39
3 Bioindicateurs
pour les plans d’eau
Partie

Bien moins importants en nombre que les cours d’eau, les plans
d’eau français – lacs naturels et retenues artificielles – n’en consti-
tuent pas moins un enjeu majeur notamment sur le plan socio-éco-
nomique, et sont soumis aux mêmes obligations règlementaires vis-
à-vis de la DCE, ainsi qu’aux mêmes objectifs environnementaux. Il y
a seulement quelques années, peu d’indicateurs étaient disponibles
pour les plans d’eau, qu’ils soient naturels ou artificiels. Les rares
méthodes existantes n’étaient pas compatibles avec les exigences
de la directive : c’est le cas par exemple de l’indice mollusques
(IMOL) et de l’indice oligochètes de bioindication lacustre (IOBL)
et donc plus largement de la Diagnose rapide des plans d’eau
(Barbe et al. 2003). En effet, ces méthodes ne prennent pas en
compte l’ensemble de la communauté biologique concernée, tel
que requis par la DCE, et souffrent d’une absence de connaissance
statistique robuste des relations entre pressions anthropiques et
état écologique.

Ce constat général a motivé la création, en janvier 2010, du pôle


Onema-Irstea d’Aix en Provence, dédié à l’hydroécologie des plans
d’eau. En très peu de temps, et malgré des données historiques
relativement limitées au niveau national, ce pôle de recherche, en
s’appuyant sur l’équipe CARMA d’Irstea Bordeaux pour ce qui
est des végétaux aquatiques, a réalisé un travail considérable :
à la fin de l’année 2011, les premières versions de bioindicateurs
DCE-compatibles étaient disponibles pour la plupart des EQB listés
par la directive.

40 © Christine Argillier - Irstea 41


3.1 – Phytoplancton : l’IPLAC

Basé sur la mesure de la biomasse indice IPL est apparu inapproprié phytoplancton lacustre). Ce déve- biomasse algale totale (MBA). Ces
chlorophyllienne et des abondances dans le contexte de la DCE, qui loppement a été réalisé à partir de deux métriques sont exprimées
relatives des groupes phytoplanc- demande une évaluation du compar- données disponibles sur plus de 100 sous la forme d’une moyenne pon-
toniques, le premier indice phyto- timent phytoplanctonique prenant plans d’eau (naturels ou artificiels), dérée afin de donner un poids rela-
planctonique (ITP) pour les plans notamment en compte la biomasse complété par des exercices menés tif plus important à la métrique de
d’eau a été doté d’un protocole nor- totale et la composition spécifique sur des jeux de données européens composition spécifique. L’IPLAC est
malisé dès 1990 (Barbe et al. 1990). des peuplements. au cours de du second round de essentiellement sensible à la qualité
Il a été révisé, sous le nom d’indice l’intercalibration. L’IPLAC consiste physico-chimique générale de
planctonique (IPL), dans le cadre du L’équipe Carma d’Irstea Bordeaux, en l’agrégation de deux métriques : l’eau (concentration en nutriments,
protocole de diagnose rapide des en lien avec le pôle Onema/Irstea une métrique de composition spé- Figure 12).
plans d’eau. Basé sur une métrique d’Aix en Provence, s’est donc orien- cifique (MCS) et une métrique de
unique, sans connaissance solide tée vers le développement d’un
des relations pressions/état, cet nouvel indice, baptisé IPLAC (indice
Figure 12. Relation entre l’indice phytoplancton lacustre (IPLAC) et la concentration
Le phytoplancton, un élément de choix pour mettre en évidence l’eutrophisation des moyenne en phosphore total. Le seuil du bon état est représenté par la ligne pointillée
systèmes (espèce illustrée : Pediastrum simplex). jaune. Source : C. Laplace, séminaire « Evaluation », avril 2011.

© Christophe Laplace-Treyture, Irstea


© Nicolas Poulet - Onema

42 43
3.2 – Phytobenthos : vers une adaptation de l’IBD2007 politain pour les plans d’eau dont eutrophisation). Au rang des difficultés
l’amplitude du marnage annuel est rencontrées figure la problématique de
inférieure ou égale à 2 m. Il a été la prise en compte des espèces exo-
Les efforts entrepris pour le dévelop- d’intercalibration, visant à valider
conçu de manière à permettre un exa- tiques envahissantes dans l’évaluation
pement d’un indice basé sur le phy- la typologie de plans d’eau utilisée
men de l’ensemble des communautés de l’état écologique du plan d’eau.
tobenthos dans les plans d’eau sont ainsi que les sites de référence. À
de plantes aquatiques, incluant hé- A noter que, comme pour l’IBMR
encore récents. Une méthode de terme, une adaptation de l’IBD2007
lophytes vrais et hydrophytes, depuis dans le cas des cours d’eau, des
prélèvement a été récemment pro- spécifique aux plans d’eau apparaît
la rive jusqu’aux implantations les travaux sont actuellement en cours
posée par Irstea, qui s’applique sur souhaitable, notamment du fait de
plus profondes. Excluant le recours à pour prendre en compte l’impact
les jeunes pousses d’hélophytes en la non prise en compte de certains
la plongée subaquatique, il préconise des pressions hydromorpholo-
plans d’eau. Elle a été mise en œuvre taxons-clés en plans d’eau et de
des observations directes dans les giques sur les communautés de
au cours de l’été 2007 sur cinq lacs l’ajustement nécessaire d’un cer-
zones de rives peu profondes et à des macrophytes en plans d’eau, ce
aquitains, et testée sur le bassin tain nombre de profils écologiques
prélèvements en aveugle à l’aide d’un afin de disposer à terme d’un outil
RM&C au cours de l’été 2011. Les spécifiques. L’objectif visé est de
râteau à manche télescopique ou d’un multimétrique sensible à différentes
analyses taxonomiques des échan- disposer d’un outil phytobenthos
grappin dans les zones profondes. pressions.
tillons et le calcul de l’IBD2007 sur pour les plans d’eau dans le cadre
Ces observations sont réalisées au
la base de ces données ont donné du 3e cycle DCE (2022-2027).
sein d’unités d’observation compor- Réalisation d’un prélèvement de macrophytes
lieu à des essais préliminaires en zone profonde dans le cadre de l’application
tant un relevé de zone littorale et trois
du protocole relatif à l’indice biologique
profils perpendiculaires. Ce protocole macrophytique en lac (IBML).
fait actuellement l’objet d’une norme
3.3 – Macrophytes : l’IBML expérimentale (XP T90-328).

Il n’y a pas d’historique notable différents protocoles d’échantillon-


Les premières données standardi-
d’outils de bioindication utilisant les nage de terrain ont été utilisés en
sées acquises durant les campagnes
macrophytes aquatiques des plans France au fil du temps, rendant com-
de suivi DCE des plans d’eau ont
d’eau au niveau français. Depuis plexe toute comparaison des don-
servi de base au développement de
plusieurs décennies, la végétation nées à l’échelle nationale. De plus, la
l’indice biologique macrophytique en
aquatique des lacs et étangs a été majorité de ces protocoles ne répon-
lac (IBML). Cet indice est constitué à
principalement étudiée pour amélio- dait pas aux exigences de la DCE ou
ce jour d’une seule métrique, dénom-
rer la caractérisation des structures ne rendait pas compte de l’état des
mée « note de trophie », rendant
des peuplements et la gestion des colonisations végétales au-delà des
compte à la fois de l’abondance et
espèces exotiques à caractère zones aquatiques aux faibles pro-

© Vincent Bertrin - Irstea.


de la composition des communautés
envahissant, ou s’intégrait dans des fondeurs autorisant une exploration
de macrophytes, sur le modèle de
programmes de suivi centrés sur à pied.
ce qui fût développé pour les cours
quelques plans d’eau d’intérêt patri-
d’eau (IBMR). La note de trophie est
monial. Produisant une large gamme Dans ce contexte, la première phase
un indicateur de niveau trophique des
d’interprétation des données ac- des travaux entrepris en 2007 a été
milieux, sensible à la dégradation de
quises, depuis des cartes simplifiées de proposer un protocole standar-
la qualité physico-chimique géné-
de la végétation jusqu’à des analyses disé d’échantillonnage utilisable en
rale de l’eau (pollution organique,
phyto-sociologiques approfondies, routine à l’échelle du territoire métro-
44 45
3.4 – Macroinvertébrés benthiques : l’IMAIL 3.5 – Poissons : l’IIL

Deux indices ont été historiquement entre pressions anthropiques et état


Les poissons ne faisaient pas partie bassin RM&C depuis de nombreuses
développés sur les lacs naturels al- écologique.
des éléments de qualité considé- années. Parallèlement, Irstea d’Aix
pins : l’indice oligochète de bioin-
rés dans le protocole actualisé de la en Provence a, au cours des dix der-
dication lacustre (IOBL) et l’indice A partir des échantillonnages effec-
diagnose rapide des plans d’eau. De nières années, mis en œuvre des tra-
mollusque lacustre (IMOL). Ces tués en zone sub-littorale des lacs
façon plus générale, il n’y a pas d’his- vaux visant à déterminer les facteurs
deux indices basés respectivement des Alpes et du Jura, un indice
torique d’outils de bioindication pour environnementaux responsables de
sur les communautés d’oligochètes macroinvertébrés lacustre ou IMAIL a
les poissons au niveau français pour la structuration des peuplements pis-
et de mollusques des sédiments la- été développé pour ces milieux. Une
cette catégorie de masses d’eau. cicoles des retenues et lacs naturels.
custres, sont des éléments de qualité centaine de métriques a été calculée
Néanmoins, la cellule « plans d’eau » Ces travaux ont posé les bases éco-
considérés dans le protocole actua- à partir des compositions taxono-
de l’Onema s’est investie dans l’ana- logiques du développement de bioin-
lisé de la diagnose rapide des plans mique et fonctionnelle des peuple-
lyse comparative des peuplements dicateurs basés sur les poissons en
d’eau (Barbe 2003). Plus récemment, ments. La tolérance et les métriques
observés dans les lacs naturels du plans d’eau en France.
un nouvel indice, l’indice biotique fonctionnelles ont été construites
lacustre ou IBL, basé sur les com- à partir des traits classiquement
munautés de macroinvertébrés du utilisés pour les macroinvertébrés Echantillonnage des poissons au filet maillant.

sédiment des zones sub-littorales et benthiques en cours d’eau. La com-


centrales des lacs, a été développé binaison de métriques donnant la
(Verneaux et al. 2004). Cet indice meilleure relation avec les pressions
permet de rendre compte de la qua- et répondant aux conditions nor-
lité écologique des lacs naturels du matives (abondance, diversité et
Jura. L’utilisation de ces indices dans espèce sensible) a été retenue. Au
le cadre de la mise en œuvre de la final, l’IMAIL est constitué des trois
DCE se heurte à plusieurs difficultés : métriques suivantes : le pourcen-
l’IMOL et l’IOBL ne répondent pas tage de Tubificinae avec soies, la
aux conditions normatives puisqu’ils densité de Tubificinae sans soies,
ne rendent pas compte de la com- et l’équitabilité. Cet indice répond
position taxonomique de l’ensemble à l’eutrophisation des milieux, et,
de la communauté benthique mais dans une moindre mesure, à l’alté-
seulement d’une fraction de celle- ration physique de la zone littorale.
ci. L’IBL est quant à lui construit sur Pour les autres types de plans d’eau
la base d’un échantillonnage trop ainsi que pour les retenues, les

© Christine Argillier, Irstea.


lourd pour un déploiement opéra- analyses des données françaises
tionnel dans le cadre de réseaux de n’ont pour le moment pas permis
suivi. Enfin, ces différents indices de mettre en évidence de solides
souffrent d’un manque de connais- relations pressions/état compatibles
sance statistique robuste des liens avec les exigence de la DCE.

46 47
Au niveau européen, la prise en lacs alpins, l’indice ichtyofaune pour De manière générale, l’arrivée atten- organismes. Ces travaux s’intègrent
compte de l’ichtyofaune en bioin- les plans d’eau ou IIL est constitué de due de données complémentaires dans la perspective d’un nouvel axe
dication lacustre est également ré- deux métriques : le nombre d’indi- permettra d’améliorer l’ensemble de R&D initié par l’Onema dédié au
cente. Initiée en Europe du nord pour vidus capturés par unité d’effort des méthodes développées à ce développement d’indicateurs de
évaluer les conséquences de l’acidi- de pêche et le nombre d’indivi- jour pour les plans d’eau, notam- fonctionnement des écosystèmes,
fication des milieux sur le très grand dus omnivores capturés par unité ment dans le sens d’une meilleure en complément des indicateurs de
nombre de lacs présents dans ces ré- d’effort de pêche. Concernant les prise en compte des fonctionnalités structure mis au point à ce jour. Le
gions, elle s’est peu développée dans lacs naturels hors secteur alpin, un des milieux. Une collaboration est couplage de ces deux types d’indi-
les zones moins septentrionales. indice constitué de trois métriques également en cours entre Irstea et le cateurs permettra d’envisager les
Pour développer les indices pois- (les deux métriques sus-citées et la laboratoire de biogéochimie et éco- écosystèmes aquatiques dans une
sons dédiés à l’évaluation des plans biomasse d’individus capturés par logie des milieux continentaux de perspective plus globale, en lien
d’eau français, le pôle Onema-Irstea unité d’effort de pêche) a été mis au l’école normale supérieure (ENS) en avec la stabilité et la résilience des
d’Aix en Provence s’est appuyé sur point. Ces deux indices rendent prin- vue d’une analyse des structures de milieux.
des bases de données constituées cipalement compte de l’eutrophisa- réseaux trophiques et des tailles des
dans la cadre de l’intercalibration des tion des milieux (Figure 13). Pour les
méthodes de la zone alpine et du pro- retenues, aucun indice n’est encore
jet européen WISER. Concernant les disponible.

Figure 13. Relation entre le pourcentage d’occupation du sol de type « non-naturel »


et l’indice ichtyofaune lacustre (IIL). Les lignes pointillées horizontales représentent
les limites de classes. Source : C. Argillier, séminaire « Evaluation », avril 2011.

48 49
Perspectives à moyen terme

Vers le développement
Outre la finalisation des indicateurs « DCE-compatibles » présentés dans cet ou-
vrage, un certain nombre de pistes restent à étudier dans les prochaines années, en
vue du 3e cycle de gestion (2022-2027).

d’indicateurs de Les indicateurs utilisés actuellement, s’ils permettent d’évaluer l’état écologique
général des masses d’eau, demandent à être améliorés autant que faire se peut afin

fonctionnement et de répondre aux conditions normatives de la DCE, en particulier en ce qui concerne


le lien entre les pressions anthropiques (hydromorphologie, chimie des eaux) et l’état
écologique des masses d’eau. Ils permettront d’engager des investissements mieux

d’outils « diagnostics » ciblés et de restaurer les milieux de manière plus efficace (augmenter la probabilité
d’effets sur le milieu) et plus efficiente (optimiser les investissements).

Dans ce cadre, la mise au point d’indicateurs multimétriques permettant de


répondre à différentes pressions anthropiques reste à privilégier. En effet, outre la
complémentarité évidente entre certains outils de bioindication en tant que tels
(diatomées plus sensibles aux altérations chimiques, poissons plus sensibles à la
dégradation de l’habitat physique), la mise au point d’outils multimétriques pour
l’ensemble des EQB permettra à terme de disposer d’un second niveau de com-
plémentarité, à savoir entre les différentes métriques constitutives des indices (mé-
triques plus sensibles aux altérations de la connectivité, métriques plus sensibles
aux pollutions toxiques, etc.).

La combinaison des informations données par les différents indicateurs et métriques


permettra de disposer d’éléments complémentaires et hiérarchisés rendant les
diagnostics de l’état écologique des milieux aquatiques les plus robustes possibles.

Pour finir, la mise au point de véritables « indicateurs de fonctionnement » des


milieux, davantage en lien avec les fonctionnalités, services rendus et capacités de
résilience des écosystèmes aquatiques, permettra de disposer d’outils plus sen-
sibles aux modifications des milieux, qu’elles soient dans le sens de la dégradation
ou de l’amélioration de leur qualité écologique. C’est vers ce défi collectif que nous
amène maintenant la mise en œuvre de la DCE.

49 50
Références
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l’environnement. NF T90-350 (2004-03-01). Qualité de l’eau - Détermination de l’indice biologique
global normalisé (IBGN)..
GA T90-374 (2006-12-01). Qualité de l’eau - Guide d’application de la norme NF
Documents normatifs cités dans le texte ou d’intérêt général T90-350:2004, IBGN (Détermination de l’indice biologique global normalisé).
XP T90-333 (2009-09-01) : Prélèvement des macroinvertébrés aquatiques en rivières
Phytoplancton peu profondes.
NF EN 15204 (2006-12-01). Qualité de l’eau - Norme guide pour le dénombrement du XP T90-388 (2010-06-01) : Qualité de l’eau - Traitement au laboratoire d’échantillons
phytoplancton par microscopie inversée (méthode Utermöhl). contenant des macro-invertébrés de cours d’eau.
NF EN 15972 (2011-12-01). Qualité de l’eau - Guide pour l’étude quantitative et GA T90-733 (2012-03-01). Qualité de l’eau - Guide d’application de la norme expéri-
qualitative du phytoplancton marin. mentale XP T90-333:2009 (prélèvement des macro-invertébrés aquatiques en rivières
peu profondes).
Diatomées
NF EN 13946 (2003-07-01). Qualité de l’eau - Guide pour l’échantillonnage en routine Poissons
et le prétraitement des diatomées benthiques de rivières. NF EN 14011 (2003-07-01). Qualité de l’eau - Échantillonnage des poissons à
NF EN 14407 (2004-10-01). Qualité de l’eau - Guide pour l’identification et le dénom- l’électricité.
brement des échantillons de diatomées benthiques de rivières, et leur interprétation. NF T90-344 (2004-05-01, révisée 2011-07-01). Qualité de l’eau - Détermination de
NF T90-354 (2007-12-01). Qualité de l’eau - Détermination de l’Indice Biologique l’indice poissons rivière (IPR).
Diatomées (IBD). NF EN 14757 (2005-11-01) - T90-366. Qualité de l’eau - Échantillonnage des poissons
à l’aide de filets maillants.
Macrophytes
NF EN 14962 (2006-09-01). Qualité de l’eau - Guide sur le domaine d’application et la
NF T90-395 (2003-10-01). Qualité de l’eau - Détermination de l’indice biologique sélection des méthodes d’échantillonnage de poissons.
macrophytique en rivière (IBMR).
XP T90-383 (2008-05-01). Qualité de l’eau - Échantillonnage des poissons à l’électri-
NF EN 14184 (2004-04-01). Qualité de l’eau - Guide pour l’étude des macrophytes cité dans le cadre des réseaux de suivi des peuplements de poissons en lien avec la
aquatiques dans les cours d’eau. qualité des cours d’eau.
NF EN 15460 (2008-02-01). Qualité de l’eau - Guide pour l’étude des macrophytes
dans les lacs.
XP T 90-328 (2011-01-18). Echantillonnage des communautés de macrophytes en
plans d’eau.
53 54
Rédaction
Yorick Reyjol (Onema, DAST),
La collection « Les rencontres-synthèses », Vassilis Spyratos (MEDDE, DEB) et Laurent Basilico (Journaliste)
destinée à un public technique
ou intéressé, présente les principaux résultats Contribution
de séminaires organisés, ou co-organisés, par l’Onema. Virginie Archaimbault, Christine Argillier, Vincent Bertrin,
Sébastien Boutry, Christian Chauvin, Olivier Delaigue, François Delmas,
Changement climatique : Alain Dutartre, Muriel Gevrey, Christophe Laplace-Treyture, Maud Menay,
impacts sur les milieux aquatiques Soizic Morin, Didier Pont, Juliette Rosebery – Irstea
et conséquences pour la gestion (février et août 2010) Philippe Usseglio-Polatera et Cédric Mondy – Université de Lorraine
Agnès Bouchez, Thierry Caquet, Frédéric Rimet et Marc Roucaute – INRA
Les mésocosmes : Olivier Monnier - MNHN
des outils pour les gestionnaires Stéphane Stroffek – Agence de l’eau Rhône, Méditerranée et Corse
de la qualité des milieux aquatiques ? (mars 2011) Brigitte Genin – DREAL Rhône-Alpes

Quel(s) rôle(s) pour les instruments économique Edition


dans la gestion des ressources en eau en Europe ? Véronique Barre (Onema/Dast)
Enjeux politiques et questions de recherche (juin 2011)
Remerciements
Captages d’eau potable et pollutions diffuses : Les auteurs tiennent à remercier l’ensemble des participants au groupe de travail
quelles réponses opérationnelles à l’heure DCE-ESC piloté par le Ministère en charge du développement durable
des aires d’alimentation de captage «grenelle» ? (août 2011) avec l’appui de l’Onema.
L’Office international de l’eau est aussi remercié
Mise en oeuvre de la directive cadre sur l’eau. pour le soutien à l’organisation du séminaire, l’édition et la diffusion.
Quand les services écosystémiques entrent en jeu (septembre 2012)

Plan de sauvegarde de l’anguille.


Quelles solutions pour optimiser la conception
et la gestion des ouvrages (novembre 2012)

Mise en oeuvre de la directive cadre sur l’eau. ISBN : 979-10-91047-12-8


Quand les services écosystémiques entrent en jeu (février 2013)
Création graphique : Inzemoon (06 75 24 19 30)
Réalisation : Bluelife (09 66 82 33 55)

Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement par :


Panoply (01 46 94 33 44)

avril 2013
IMPRIMÉ EN FRANCE

10-31-2156

Cette entreprise
a fait certifier sa
55 chaîne de contrôle.
pefc-france.org
Photos de couverture © Nicolas Poulet - Onema

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