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Immuno-analyse & Biologie spécialisée 17 (2002) 238–241

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Stratégies d’exploration fonctionnelle et de suivi thérapeutique

À propos de l’exploration de la fonction Lactotrope


Concerning exploration of prolactin axis
C. Coussieu *
Laboratoire de biochimie médicale, Hôtel Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France
Reçu le 27 février 2002; accepté le 15 mai 2002

Résumé

Le collège national de biochimie des hôpitaux français a rédigé un document très utile sur les protocoles d’exploration en biochimie.
La CORATA, soucieuse de participer aux actions de formation continue, a voulu contribuer à cette initiative en confiant à des spécialistes
la rédaction d’une introduction physiopathologique aux chapitres correspondant à ses domaines de prédilection.
Dans ce numéro l’auteur a tenté de résumer les données essentielles concernant la recherche d’une hyperprolactinémie. © 2002 Éditions
scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

In France, the College National de Biochimie des Hôpitaux has edited an useful publication dealing with dynamic assays in clinical
chemestry.
CORATA, willing to share initiatives in the field of continuous education and, as far as she is concerned by the selected topics, has decided
to assume a partnership and to leave with specialists the writing of a path physiological introduction.
In this issue, the author has tried to summarize the milestone of prolactin assays. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.
All rights reserved.

Mots clés: Formation continue; CNBH; Prolactine; Macroprolactine

Keywords: Continuous formation; CNBH; Prolactin; Macroprolactin

1. Prolactine contrôle d’un tonus inhibiteur exercé par la dopamine


hypothalamique. La TRH (Thyrotropin Releasing Hor-
1.1. Structure mone), au contraire, est un facteur hypothalamique stimu-
lant la synthèse et la sécrétion de la prolactine.
La prolactine est une hormone peptidique de 199 acides
aminés. Elle présente une structure en trois boucles, cha- 1.3. Formes circulantes, catabolisme et demi-vie
cune d’entre elles étant fermée par un pont disulfure [1].
Il existe plusieurs formes circulantes de prolactine : la
1.2. Lieu de synthèse et régulation prolactine (PLT) monomérique (mPLT) de 23 kDa ; les
prolactines glycosylées de 25-27 kDa, la big-prolactine
La prolactine est synthétisée par les cellules lactotropes (bPLT) (50-60 kDa) mélange de dimères et de trimères de
de l’antéhypophyse. Sa sécrétion est essentiellement sous le prolactines glycosylées et la big-big prolactine (bbPLT ou
macroprolactine) (>150 kDa) constituée d’une prolactine
liée à une IgG.
* Auteur correspondant. La demi-vie de la mPLT est de l’ordre de 30 minutes,
Adresse e-mail : christiane.coussieu@htd.ap-hop-paris.fr (C. Coussieu). celle de la bbPLT est plus longue.
© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
PII: S 0 9 2 3 - 2 5 3 2 ( 0 2 ) 0 1 1 9 9 - 7
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1.4. Rôle physiologique dû au prélèvement. Aussi, si celui-ci n’a pas été


effectué après pose d’un cathéter suivi d’un repos de 20
Parmi les multiples actions physiologiques décrites pour minutes, est-il nécessaire d’en tenir compte dans l’in-
la prolactine, la plus importante chez l’homme est celle terprétation des résultats ? Il est cependant risqué
qu’elle exerce sur la lactogènèse. La prolactine est indis- d’attribuer au seul « stress » une hyperprolactinémie
pensable à toutes les périodes de développement de la supérieure à 30 ng/ml (confirmée sur 2 prélèvements)
glande mammaire : croissance de la glande, induction et et de ne pas entreprendre la recherche d’un processus
entretien de la sécrétion lactée. Outre son action sur la tumoral par IRM.
glande mammaire, la prolactine exerce un rôle modulateur
sur la pulsatilité du Gn-RH (Gonadotropin Releasing Hor- 2.2. Chez la femme
mone).
En fait, dans l’immense majorité des cas, la prescription • Variations au cours du cycle menstruel. La prolactine
d’un dosage de prolactine n’est effectuée que dans un seul est à peine plus élevée en phase lutéale qu’en phase
objectif : rechercher une éventuelle hyperprolactinémie (pa- folliculaire. Elle augmente un peu au cours de la
ragraphe 6). période péri-ovulatoire ;
• variations au cours de la grossesse : elle peut atteindre
350 ng/ml à terme ;
• variations après la ménopause. La prolactine diminue
faiblement après la ménopause.
Faut-il d’abord définir ce que l’on entend par « hyper-
prolactinémie » (paragraphe 5). Cela nécessite tout
d’abord de prendre en compte l’ampleur des variations
physiologiques de la prolactinémie (paragraphe 2) et des 3. Variations iatrogènes : thérapeutiques
variations d’origine iatrogène (paragraphe 3). Compte- hyperprolactinémiantes
tenu de ces variations, des conditions strictes de prélè-
vement doivent être respectées (paragraphe 4). Ce n’est
3.1. Les principes actifs
qu’en tenant compte de ces facteurs que l’on peut
vraiment parler d’hyperprolactinémie et l’explorer (para-
graphe 6). Les principes actifs (PA) qui peuvent entraîner une
hyperprolactinémie ont les modes d’action et/ou les proprié-
tés pharmacologiques suivantes : analgésique à action cen-
trale, anorexigène, antiasthmatique, antidépresseur, antié-
métique, antiépileptique, antihypertenseur, antimigraineux,
antiparkinsonien, antiulcéreux, anxiolytique, hypnotique,
neuroleptique, prévention contre les bouffées de chaleur,
2. Variations physiologiques
désintoxication.
Il faut noter que les contraceptifs oraux œstro-
2.1. Chez l’homme et chez la femme
progestatifs 3e génération n’élèvent que très faiblement la
prolactinémie, seules les spécialités contenant de fortes
2.1.1. Variations au cours du nycthémère doses d’œstrogènes peuvent provoquer une hyperprolacti-
L’acrophase (concentration maximum) est située entre 4h némie.
et 10h. Le nadir (concentration minimum) est situé entre
23h et 3h. L’amplitude est comprise entre 4 et 17 ng/ml.
3.2. L’ampleur de l’hyperprolactinémie varie suivant
le principe actif
2.1.2. Autres variations
• Font augmenter la prolactinémie d’un facteur > 1,5
dès la 30e minute : un repas riche en protéines, un L’hyperprolactinémie varie considérablement en fonc-
exercice physique intense, un état d’hypoxie, certains tion : du mécanisme d’action du PA, de son mode d’admi-
examens (gastroscopie, proctoscopie, etc.), un rapport nistration, de la quantité administrée et du temps pendant
sexuel très proche du prélèvement (!) ; laquelle elle a été administrée, du temps écoulé entre la
• fait augmenter la prolactinémie d’un facteur > 3 : la dernière prise du PA et le moment du prélèvement.
palpation des seins. Cette augmentation est maximum Certains PA ne modifient que le rythme nycthéméral de la
5 minutes après l’examen, le retour à la normale PLT, d’autres ne modifient que la réponse aux tests dyna-
s’effectue en > 20 minutes ; miques (TRH, métoclopramide ou autres). Des associations
• fait augmenter la prolactinémie en moyenne de 10 % de PA peuvent conduire à potentialiser ou à inhiber l’effet
(très exceptionnellement jusqu’à 80 %) : le « stress » hyperprolactinémiant de l’un d’eux.
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3.3. L’ampleur de l’hyperprolactinémie varie suivant 25 ng/ml doit être contrôlée. Supérieure à 25 ng/ml, il existe
le patient une hyperprolactinémie dont il convient de rechercher
l’étiologie.
La même quantité d’un même PA par la même voie Point important : ces valeurs seuil doivent être adaptées à
d’administration ne conduit pas au même niveau d’hyper- la technique utilisée : en effet, les contrôles de qualité
prolactinémie chez tous les sujets (facteur 1 à 6) : la démontrent qu’une prolactinémie peut varier d’un facteur 2,
prolactinémie peut être multipliée jusqu’à un facteur 10 lors sur un même échantillon suivant la technique utilisée
de certaines thérapeutiques associant plusieurs P.A. hyper- (novembre 2001).
prolactinémiants.

3.4. En pratique
6. Hyperprolactinémie : origine et conséquences
La « règle des 4 jours » est couramment admise pour
permettre d’évaluer la prolactinémie endogène du patient 6.1. Signes cliniques d’une hyperprolactinémie
sous thérapeutique hyperprolactinémiante. Cela revient à
arrêter le traitement pendant 4 jours et doser la prolactine • Chez la femme : troubles du cycle pouvant aller de la
après. dysovulation à une aménorrhée associée ou non à une
Cette règle est un pis-aller. Elle souffre de nombreux galactorrhée (25 % des cas d’aménorrhée secondaire
inconvénients : il n’est souvent pas possible d’arrêter aussi sont liés à un excès de prolactine circulante). Cela
longtemps la prescription (neuroleptiques par exemple) et le explique que le dosage de prolactine soit un examen de
retour à la « normale » dépend de la demi-vie, de la quantité dépistage systématique dans les troubles menstruels ;
du principe actif, etc. • chez l’homme : baisse de la libido, hypoandrisme,
galactorrhée (sur une gynécomastie préexistante).

4. Conditions de prélèvement 6.2. Causes générales d’une hyperprolactinémie

• Milieu biologique et modalité de recueil. Un prélève- • Hypothyroïdie d’origine basse ;


ment sur tube sec, sans aucun additif est le plus sûr. • insuffisance rénale chronique : l’hyperprolactinémie est
Décanter le sérum dans la demi-journée qui suit le corrigée par la transplantation, est inchangée par la
prélèvement. Conserver le sérum à +4 °C si l’analyse dialyse ;
est réalisée dans la semaine, à –20 °C au-delà ; • cirrhose : 5 à 20 % des cirrhoses donnent une hyper-
• le prélèvement doit être réalisé entre 8h et 10h le matin. prolactinémie ;
Le patient ne doit pas avoir pris de repas riche en • insuffisance surrénale glucocorticoïde : l’hyperprolacti-
protéines depuis la veille au soir. Chez la femme, le némie est corrigée par la substitution glucocorticoïde.
prélèvement est réalisé de préférence en phase follicu-
laire. Il doit être évité en période péri-ovulatoire ;
6.3. Causes tumorales d’une hyperprolactinémie
• la prolactinémie augmente très significativement et
temporairement sous l’effet de certains stimuli physio-
• Hypothalamiques : craniopharyngiome, gliome du
logiques dont il faut s’affranchir pour obtenir un
chiasma, germinomes, métastases, anévrismes de la
résultat fiable. Aussi ne faut-il pas prélever dans les
carotide interne ;
heures qui suivent un examen des seins, un exercice
• infiltration hypothalamique : hystiocytose, sarcoïdose,
physique intense ou un repas riche en acides aminés ?
hémopathie maligne ;
• l’influence du stress dû au prélèvement sera évitée en
• hypophysaires : adénome, hypophysite ;
prélevant 20 minutes après la pose d’un cathéter.
• prolactinome (60 à 70 % des tumeurs hypophysaires).
Prélever sans respecter cette période de repos augmente
la prolactinémie d’environ 10 % dans la très grande
majorité des cas et très exceptionnellement jusqu’à 6.4. Causes réflexe
80 % ;
• des renseignements cliniques doivent être fournis : date • Lésions du sein : mastectomie ;
des dernières règles, prise éventuelle de médicaments, • lésions du thorax : traumatisme, chirurgie, brûlure,
même à titre transitoire (paragraphe 3). zona ;
• lésions de la moelle cervicale.

5. Valeur usuelle 6.5. Autres causes

Il est habituellement admis comme limite supérieure de • Syndromes des ovaires polykystiques (SOPK).
la « normalité » : 20 ng/ml. Une valeur comprise entre 20 et • Dystrophies ovariennes.
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6.6. Présence d’une big-big-prolactine 8. Tests dynamiques

• Problème clinique posé par la présence d’une big-big- 8.1. Objectifs


prolactine [2].
La big-big-prolactine est une forme circulante de prolac- Faire le diagnostic différentiel de l’adénome à prolactine
tine liée à une IgG dont la bioactivité chez l’homme est très afin de pouvoir le traiter même s’il n’est pas visible à l’IRM.
inférieure à celle de la mPLT. La liaison de la prolactine à Les principes actifs les plus utilisés pour stimuler la
cette protéine de masse moléculaire élevée provoque une sécrétion de PRL sont la TRH (agent stimulant physiologi-
très forte augmentation de sa demi-vie. Il en résulte une que hypothalamique de la sécrétion de PLT) ou le métoclo-
élévation « artificielle » de la prolactinémie qui conduira pramide (antagoniste dopaminergique qui inhibe l’inhibi-
systématiquement le clinicien à entreprendre inutilement la tion exercée par la dopamine hypothalamique sur la
recherche d’une pathologie tumorale. sécrétion de PLT.
La fréquence de cette « hyperprolactinémie » est impor-
tante (10 % à 35 % de l’ensemble des hyperpolactinémie 8.2. Protocole et Résultats
suivant les études). Elle peut même être associée à une (Voir protocole 3.1 à 3.2 CNBH)
pathologie tumorale. Il est nécessaire de noter que ces tests de stimulation ne
• Problème analytique posé par la présence d’une big- sont toujours discriminants. Ils sont simplement en défaveur
big-prolactine. d’un processus tumoral s’ils sont franchement positifs.
La majorité des immuno-dosages actuellement présents
sur le marché manquent de spécificité et reconnaissent la
bbPLT au même titre que la mPLT . Ils conduisent donc à un 9. Techniques de dosages
faux « diagnostic » d’hyperprolactinémie au sens habituel-
lement donné à ce terme. Ainsi, pour un sérum contenant • La prolactine est dosée aujourd’hui par des méthodes
7 ng/ml de mPLT et 80 % de bb-PLT le résultat de prolac- immunométriques, le plus souvent automatisées [3] ;
tine trouvé peut varier, suivant la technique utilisée, de 22 à • standardisation : le facteur de conversion entre les
143 ng/ml (Travaux de Fahie-Wilson). mUI/l et les ng/ml (ou µg/l) varie suivant la technique
• Conduite à tenir : utilisée. Il est donc indispensable d’inclure systémati-
+ Le clinicien doit tenir compte de cette forme d’hy- quement au rendu du résultat le facteur de conversion
perprolactinémie dans son diagnostic. Devant toute spécifique à la technique utilisée ;
hyperprolactinémie non associée à des signes clini- • la reconnaissance de la big-big prolactine par une
ques concordants, cette étiologie devra être suspec- grande majorité des techniques commercialisées
tée. Elle le sera d’autant plus si un contrôle effectué conduit à surévaluer la prolactinémie. Elle amène le
dans un autre laboratoire ne confirme pas le même clinicien à entreprendre à tort une exploration fonction-
niveau d’hyperprolactinémie ; nelle liée à la présence d’un excès de mPLT alors que
+ Le biologiste doit s’informer de la spécificité vis-à- celui-ci n’existe pas (paragraphe 6.6.)
vis de la bbPLT de l’immunodosage qu’il utilise. S’il
ne peut éviter d’utiliser un immunodosage qui recon-
naît la bbPLT, il doit être particulièrement vigilant Références
devant toute hyperprolactinémie. Il discutera avec le
clinicien s’il y a lieu de faire une recherche ou mieux [1] Touraine P, Kelly P, Morange I, Jaquet P. Prolactine : physiologie et
un dosage de bbPLT. pathologie. In: Luton J-P, Thomopoulos P, Basdevant A, editors.
Endocrinologie, Nutrition et Maladies métaboliques. Collection
Traité de Médecine, Médecine-Sciences, Flammarion. 1999. p.
17–22.

7. Hypoprolactinémie [2] Vallette-Kasic S, Morange-Ramos I, Selim A, Gunz G, Morange S,


Enjalbert A, et al. Macroprolactinemia revisited: a study on 106
patients. J Clin Endocrinol Metab. 2002 Feb;87(2):581–8.
Elles sont rares : pseudohypopituitarisme, destruction [3] Coussieu C. Le dosage de la prolactine aujourd’hui. Immunoanal
hypophysaire. Biol Spec 2000;15:186–90.

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