Vous êtes sur la page 1sur 106

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/330912159

David un homme selon le coeur de Dieu ?

Research · February 2019


DOI: 10.13140/RG.2.2.15597.03042

CITATIONS READS

0 14,646

1 author:

Hélie Brouchet
HEC Paris
1 PUBLICATION   0 CITATIONS   

SEE PROFILE

Some of the authors of this publication are also working on these related projects:

Le Roi David View project

All content following this page was uploaded by Hélie Brouchet on 06 February 2019.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


BROUCHET ECOLE BIBLIQUE ET ARCHEOLOGIQUE
HÉLIE DE JERUSALEM

ANNÉE 2015

MEMOIRE

DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU ?

TUTEUR : ETIENNE NODET


PROFESSEUR A L’ECOLE BIBLIQUE ET ARCHEOLOGIQUE DE JERUSALEM
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ............................................................................................................. 4
INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE ................................................................................................. 4
VUE D’ENSEMBLE DE L’ETUDE ............................................................................................................. 6
Comment aborder le récit de David ? ........................................................................................................ 6
Introduction aux parties ........................................................................................................................... 7
Ce que l’on pourra retenir de l’étude .......................................................................................................... 9
1 QUE PEUVENT BIEN VOULOIR DIRE LES DEUX INTRIGANTS ET
BIENHEUREUX DERNIERS CHAPITRES DE LA VIE DE DAVID ? ....................... 11
1.1 UNE ETRANGE FIN DE VIE POUR DAVID, CAR SON HISTOIRE SEMBLE SE REPETER :
CES REPETITIONS SONT-ELLES FORTUITES, OU INDIQUENT-ELLES UN DENOUEMENT ? .......11
1.1.1 L’histoire de David se répète dans ces deux chapitres, mais prend une tournure favorable ..........12
1.1.2 Les promesses faites à David semblent s’y réaliser, et les punitions annoncées prendre fin...........23
1.1.3 La justice est rendue en faveur de David, sans qu’il n’intervienne .............................................28
1.1.4 Conclusion ..............................................................................................................................29
1.2 LES LIVRES DE SAMUEL SONT IMPREGNES DE REPETITIONS SIMILAIRES : CE RYTHME
BINAIRE EST-IL INTENTIONNEL ? .......................................................................................................31

1.2.1 Un rythme binaire chez les personnages de 1&2 S...................................................................32


1.2.2 Un rythme binaire dans différents scenarii et scènes de 1&2 S .................................................34
1.2.3 Un rythme binaire dans les épisodes de 1&2S .........................................................................43
1.2.4 Un rythme binaire dans des motifs et détails ............................................................................46
1.2.5 Un rythme binaire dans la rédaction des épisodes......................................................................46
1.2.6 Conclusion sur les rythmes binaires, ou répétitions ....................................................................50
1.3 QUE PEUVENT METTRE EN VALEUR CES REPETITIONS DANS LA VIE DE DAVID ?....51
1.3.1 De manière générale, ces répétitions transmettent un message .....................................................51
1.3.2 L’auteur semble inviter en 1R1&2, par ce procédé littéraire, à chercher l’élément déclencheur du
dénouement de la vie de David ................................................................................................................51
2 L’HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU A-T-IL PU EVOLUER,
PROGRESSER, GRANDIR ? SI OUI, PAR QUEL BIAIS ? ........................................... 53
2.1 LE RAPPORT ENTRE DAVID ET DIEU RESSEMBLE A CELLE D’UN FILS A SON PERE...54
2.2 ALORS, COMMENT DAVID EVOLUE-T-IL PRECISEMENT AU COURS DE SA VIE ?.........55
2.2.1 L'enfance de la foi de David : 1S16-2S9 ................................................................................55
2.2.2 La chute 2S11-12 : David connaît le péché .............................................................................60
2.2.3 Le vide, l'incompréhension, le désert : 2S12-2S14 ...................................................................68
2.2.4 Le début de la compréhension et la multiplication des épreuves : 2S15-2S19 ............................69
2.2.5 La douloureuse souffrance et le calme après la tempête : 2S19-23 .............................................72
3 LE SOMMET DE L’HISTOIRE DE DAVID SEMBLE SE SITUER EN 2S24 : Y
TROUVE-T-ON L’HOMME A L’IMAGE DU CŒUR DE DIEU ? .............................. 81
3.1 PAR BIEN DES MANIERES, DAVID SEMBLE ILLUSTRER L’HOMME SELON LE CŒUR DE
DIEU EN 2 S24 ........................................................................................................................................81
3.1.1 Un péché pour commencer ........................................................................................................81
3.1.2 Pourquoi un péché incompréhensible ? ......................................................................................82
3.1.3 La connaissance de Dieu, l'enfant qui connaît le père ...............................................................84
3.1.4 David va alors plus loin : la connaissance de Dieu qui mène au don de soi. 2S 24,17 ..............85
3.1.5 Le retournement : une odeur d'accomplissement ........................................................................86
3.1.6 L’emplacement particulier du sacrifice ......................................................................................87
3.1.7 Le chapitre 24, le sommet de l'histoire de David ? ...................................................................87

2/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.1.8 Conclusion de la partie ............................................................................................................88


3.2 L’HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU A L’ECLAIRAGE DU CORPUS BIBLIQUE..............90
3.2.1 L'éducation paternelle de Dieu envers ceux qu’il aime, est un thème qui traverse la Bible ..........90
3.2.2 Le thème de la circoncision du cœur, du « bon holocauste », à l’honneur dans les livres de
Samuel, traverse aussi la Bible................................................................................................................98
CONCLUSION ET OUVERTURE ................................................................................ 104

3/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

INTRODUCTION

Introduction et problématique
Il est dit à deux reprises dans la Bible que David est un homme selon le cœur de Dieu :

- En 1S13,14 : YHWH s'est cherché un homme selon son cœur et il l'a institué chef de son peuple
- En Ac 13,22 : Dieu suscita pour eux David comme roi. C'est à lui qu'il a rendu ce témoignage : J'ai
trouvé David, fils de Jessé, un homme selon mon cœur, qui accomplira toutes mes volontés

Cette dernière citation est tirée d’une exhortation de Paul dans la synagogue d’Antioche de Pisidie
(public averti de l’histoire d’Israël). Dans son discours, Paul y fait un long rappel de toute l’histoire
d’Israël. Il le termine en citant David, et directement après, Jean-Baptiste et Jésus.

C’est étonnant de voir que le rédacteur des Actes des Apôtres ne cite aucun autre personnage entre
David et la génération de Jésus Christ. Il est pourtant clair que les textes bibliques relatent beaucoup
d’évènements entre la mort de David et Jésus Christ (règne de Salomon, exil, les grands prophètes,
etc…). Cela n’indiquerait-il pas combien David était considéré comme le sommet de l’histoire
d’Israël dans la pensée des juifs du temps de Jésus ?

On retrouve David hissé comme le sommet de l’histoire d’Israël dans bien d’autres corpus
bibliques. C’est le cas par exemple dans le livre des Rois, le Psaume 78 ou le livre de l’Apocalypse.
Voici comment David y est décrit :

Pour commencer, dans le premier livre des Rois (chap. 11) : après la mort de Salomon Dieu divise
Israël à cause de sa mauvaise conduite, et de l’idolâtrie de Salomon. Mais Il sauve toutefois une
partie d’Israël, en souvenir de David :
32 Il aura une tribu, en considération de mon serviteur David […] il [Salomon] n'a pas suivi mes voies,
[…], comme son père David. 34 Mais ce n'est pas de sa main que je prendrai le royaume, car je l'ai établi
prince pour tout le temps de sa vie, en considération de mon serviteur David, que j'ai élu et qui a observé
mes commandements et mes lois ; […] 36 Pourtant je laisserai à son fils une tribu, pour que mon serviteur
David ait toujours une lampe devant moi à Jérusalem. […] 38 Si tu obéis à tout ce que je t'ordonnerai, si
tu suis mes voies et fais ce qui est juste à mes yeux, en observant mes lois et mes commandements comme a
fait mon serviteur David, alors je serai avec toi et je te construirai une maison stable comme j'ai construit
pour David.

Mais encore, dans le Psaume 78, d’anamnèse de l’histoire d’Israël (v. 70-72) :
70 Il élut David son serviteur,
il le tira des parcs à moutons,

4/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

71 de derrière les brebis mères il l'appela


pour paître Jacob son peuple
et Israël son héritage ;
72 il les paissait d'un cœur parfait,
et d'une main sage les guidait.

Enfin, dans l’épilogue du livre de l’Apocalypse, la clôture de la Bible, David trouve toujours sa
place d’honneur (5 versets avant la fin du livre), car Jésus se présente de la manière suivante (Ap
22, 16) : Moi, Jésus, j'ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Églises. Je suis le rejeton
de la race de David, l'Étoile radieuse du matin.

Qui est alors David pour avoir une telle place dans l’histoire d’Israël ? Qu’a-t-il bien pu
faire ?

A première vue, sans connaître son histoire, on pourrait l’imaginer en roi riche, parfait, , plein de
sagesse, juste, bon, généreux, au règne stable, plein de conquêtes, constant, sans péché, etc. Si, de
plus, il est un homme selon le cœur de Dieu, alors David a dû être un ange ! Pourtant celui qui se
penche bien sur l’histoire de David, découvre tout autre chose.

Les livres de Samuel - dans lesquels la vie de David est détaillée – décrivent en effet David comme
un homme plein de ruse, pleinement impliqué dans son monde. Il n’a par exemple ni peur d’être
guerrier, ni de tuer. Mais surtout, on découvre que David est un homme pécheur ! Son péché avec
Bethsabée est sans appel (2S 11), d’ailleurs la Bible y consacre un chapitre entier (!) : David y est
menteur, meurtrier et adultère.

Et que dire de son règne ? Il n’a rien de glorieux ! Il est l’un des plus désordonnés d’Israël ! Son fils
Salomon aura par exemple un règne bien plus stable.

Alors, comment un homme aussi glorifié par l’histoire, peut-il être aussi médiocre et pécheur ?
Comment expliquer ce paradoxe : David est un homme pécheur, au règne très perturbé, et pourtant
un homme selon le cœur de Dieu, présenté comme le sommet de l’histoire d’Israël ?

Il y a derrière cette situation paradoxale, une chose fondamentale à comprendre : qu’est-ce qu’un
homme selon le cœur de Dieu ? Qu’est-ce que l’histoire de David dit du cœur de Dieu ? Finalement,
à travers l’histoire de David, peut-on découvrir ce qu’attend réellement Dieu, pour être selon son
cœur ?

5/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Vue d’ensemble de l’étude

Comment aborder le récit de David ?

En premier lieu, le lecteur est invité à changer son regard pour lire l’histoire de David. En effet,
son récit commence avec un évènement singulier, qui donne une clé de lecture sur les livres de
Samuel et l’histoire de David, en 1S 16, 1-12 :

1 YHWH dit à Samuel : “Jusques à quand resteras-tu à pleurer Saül, alors que moi je l'ai rejeté et qu'il
n'est plus roi sur Israël ? Emplis d'huile ta corne et va ! Je t'envoie chez Jessé le Bethléemite, car j'ai vu
parmi ses fils le roi que je veux.” […] tu oindras pour moi celui que je te dirai.” […]
6 Lorsqu'ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : “Sûrement, pour YHWH c'est son oint.” 7
Mais YHWH dit à Samuel : “Ne considère pas son apparence ni la hauteur de sa taille,
car je l'ai écarté. Il ne s'agit pas de ce que voient les hommes, car ils ne voient que
les yeux, mais YHWH voit le cœur.” […]
10 Jessé fit ainsi passer ses sept fils devant Samuel, mais Samuel dit à Jessé : “ YHWH n'a choisi aucun
de ceux-là.” 11Samuel dit à Jessé : “Les jeunes gens sont-ils au complet ?”, et celui-ci répondit : “Il reste
encore le plus jeune, il fait paître le petit bétail.” Alors Samuel dit à Jessé : “Envoie-le chercher […]’’. :
il était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et YHWH dit : “Va, donne-lui l'onction : c'est
lui !”

Cette introduction semble être une interpellation de l’auteur envers le lecteur. Il lui dirait : « ne
regarde pas l’histoire de David selon les apparences, mais selon ce qui est caché. Ne regarde pas
avec les yeux des hommes (et leur manière de penser la réussite), mais avec les yeux de Dieu, qui
regarde le cœur. »

Le reste de la vie de David n’en témoigne-t-il pas aussi ? Bien que ses premiers récits sont glorieux
aux yeux du monde (exploit contre Goliath, conquête de Jérusalem, promesse de la construction
de la « maison de Dieu », etc.), sa vie est ensuite chaotique, et n’a rien de l’histoire d’un roi tout
puissant : ses fils se rebellent contre lui, il est jeté hors du royaume, insulté, humilié par les siens, il
perd des batailles, il est envoyé en exil, remis sur le trône par des étrangers, etc.

Et effectivement, comme évoqué précédemment, David reste aujourd’hui un pilier du judaïsme et


le roi saint par excellence. Il est surtout décrit par Dieu lui-même comme « un homme selon Son
cœur ».

L’étude cherchera donc à répondre à cet appel à analyser la vie de David avec un autre regard.
Comment s’organisera-t-elle ?

6/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Introduction aux parties

Tout d’abord (Partie I), il faudra commencer par la fin ! En effet, la fin du règne de David
est étrange. Les deux premiers chapitres du livre des rois, qui peuvent paraître insignifiants et flous,
sont une sorte de répétition des évènements et personnages tragiques de la vie de David. Il est
auprès d’une belle femme, Abishag, qui fait penser à Bethsabée, la femme de l’adultère. Un de ses
fils, Adonias, reproduit la tentative de coup d’Etat d’Absalom, mais échoue, etc. Et malgré tous ces
désordres, toute l’histoire de David semble en fait rentrer en ordre. Le passage reprend un grand
nombre de thèmes et d'intrigues du récit des livres de Samuel, mais leur dénouement est en faveur
de David, contrairement au passé. Pourquoi la vie semble-t-elle tout à coup lui sourire ?

Pourquoi ? L’étude cherchera à montrer que cela ne semble pas du tout fortuit, mais bien une
invitation de l’auteur à montrer qu’il s’est passé quelque chose de très important pour David à la
fin de sa vie, qui lui vaut ce dénouement bienheureux. Comme si l’auteur mettait en valeur que la
bonne clé a été trouvée pour résoudre tous les problèmes antérieurs de David. L’étude cherchera
à le montrer à l'aide de l'outil du rythme binaire (ou répétition, reprise). Ce rythme binaire sera exposé
dans la première partie.

Ensuite (Partie II), l’étude cherchera à montrer que la vie et le règne perturbés de David
semblent n’être que l'autre face de l'éducation paternelle de Dieu, en vue de circoncire le cœur de
David. Dieu agirait-il dans l’histoire et à travers les évènements de la vie de David pour le convertir,
et lui faire découvrir son amour ?

Une éducation signifierait qu’il y ait une progression dans l'histoire de David et ses réactions face
aux épreuves qui lui surviennent (qui pourraient être vues comme des punitions ou malédictions
infligées par Dieu). Ce qui soulève une question fondamentale pour l’étude : « l'homme selon le
cœur de Dieu » est-il un saint qui agit de manière uniforme, constante, et linéaire durant toute sa
vie, ou un homme qui change, se laisse éduquer par son Père, et ainsi se transforme ? L’étude se
penchera sur cette question lors de la deuxième partie.

Cette progression met en valeur l’éducation de Dieu qui fait petit à petit changer David.

Pour le comprendre, l’étude se focalisera sur certains éléments phares de sa vie, mis en valeur par
le texte et son auteur.

Mais alors (Partie III), si David change, et est éduqué par Dieu au cours de sa vie, que
devient-il à la fin ? A quoi aboutit la progression ?

7/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Nous découvrirons que tout laisse à penser que le sommet de l’histoire de David se situe au dernier
chapitre des livres de Samuel, en 2S24. C’est le tournant de sa vie qui mène à sa bienheureuse fin
(1R1&2), où tous ses problèmes se règlent. Le chapitre 24 des livres de Samuel est comme encadré
(ou pris en sandwich), par ce dénouement du livre des Rois, et ce mouvement progressif d'évolution
de David.

J’étudierai donc les particularités du chapitre 24 qui semble être la pierre angulaire et le sommet du
récit.

Qu’y découvrira-t-on ? L’apogée de la vie de David, l’homme selon le cœur de Dieu. Dans ce
chapitre, David apparaît comme un homme pétrit par la vie qui, montre un cœur, certes toujours
pécheur, mais circoncit, figure et prototype du véritable Roi et Messie de Dieu.

8/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Ce que l’on pourra retenir de l’étude

L'histoire de David se révèle être celle de la maturation de sa foi. Elle n’est pas l’histoire
d’un homme parfait aux yeux du monde, mais celle d’un homme qui se laisse modeler par Dieu.
Un homme qui, à travers ses souffrances et ses combats, s’est laissé peu à peu transformer par les
évènements de son histoire. Car Dieu agit à travers l’histoire et les évènements.

David progresse, comme une œuvre d’art progresse dans les mains de l’artiste. L’homme selon le
cœur de Dieu apparaît être celui qui est assez mou pour se laisser pétrir, se laisser éduquer par sa
vie, par les évènements qu’il ne choisit pas, et finit par accepter et aimer sa vie, avec ses aspérités.
L’histoire de David semble dire qu’être selon le cœur de Dieu, c’est accepter de devenir cette argile
humide qui se laisse modeler et corriger par l’Artiste.

Pourquoi dit-on qu’il s’agit d’un homme selon le cœur de Dieu, bien qu’il soit très imparfait et
pécheur ? Peut-être, parce que, contrairement à Adam (qui, après le péché originel, a s’est caché et
a accusé sa femme d’être la cause de sa chute), David a su dire « j’ai péché » (2S 12, 13). David
montre une flexibilité et une simplicité fascinante face à son Créateur, il n’a pas peur de s’humilier
(d’humus, terre), et d’ouvrir l’oreille et les yeux à l’éducation que lui fait son Père.

Nous chercherons à voir comment David a été modelé toute sa vie par Dieu pour passer
du messie « humain » au messie « divin ». Il est passé de l’homme qui sauve sa nation par la force
(il sauve des ennemis comme Goliath), à l’homme qui donne sa vie pour son peuple. Et le messie
qui a la figure du Christ. On passe donc du messie vu avec les yeux des hommes (Saül, le beau, le
fort, le guerrier), au messie vu avec les yeux de Dieu, qui regarde le cœur. Dieu a ainsi modelé
David par les évènements de sa vie, pour le faire devenir un vrai messie d’Israël. Israël a demandé
un roi à Dieu, et Dieu leur a donné la figure du roi qu’Il désire, un roi selon son cœur.

Le premier David (avant Bethsabée), serait ainsi la jonction entre le messie à l’image des hommes
(Saül, le beau, le fort), au messie de Dieu, homme véritable, fils de Dieu. Un adage juif dit d’ailleurs
que David est roux (1S16,12), rouge (adom) comme l’argile (Adama), dans laquelle a été modelé le
premier homme, Adam. Il est l’homme, de la souche d’Adam, d’où va être tiré le nouvel Adam.
Or, Adam, s’écrit des trois lettres hébraïques « Aleph, Daleth, Mêm » (ADM, car les langues
sémitiques n’écrivent pas les voyelles), que l’on pourrait comprendre comme l’acronyme pour
Adam, David, Messie.

Ainsi le personnage de David enseigne qu’être selon le cœur de Dieu, c’est continuer à se
laisser modeler, c’est devenir cette bonne terre. C’est accepter son péché, au plus profond de soi-

9/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

même, et les conséquences de son péché. Alors on devient une terre meuble pour Dieu, de l’argile
malléable pour que Dieu y modèle un homme véritable, à la figure de son Messie (Christ en grec).

Pour plus de précisions, voir la conclusion page 104.

10/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1 QUE PEUVENT BIEN VOULOIR DIRE LES DEUX INTRIGANTS ET

BIENHEUREUX DERNIERS CHAPITRES DE LA VIE DE DAVID ?

Ce que je veux montrer :

Les deux premiers chapitres du livre des Rois, qui sont aussi les deux derniers chapitres du long
récit de la vie de David, sont bien intrigants. On y voit en effet David malade, presque léthargique,
pris au milieu d’une multitude d’évènements dont les thèmes, les personnages, et les situations
semblent être des rappels des moments forts de son histoire. Et bien que ces événements avaient
pu prendre une tournure tragique, voire catastrophique au cours de sa vie, ils semblent cette fois-
ci tourner en sa faveur.

Que veulent dire ces répétitions ? Pourquoi arrivent-elles au terme de sa vie ?

Tous ces éléments de rappel sont-ils simplement la suite de l'histoire de David, ou un procédé
littéraire ? Témoignent-ils d’un dénouement à identifier ?

J'aimerais effectivement montrer que cette manière de rédiger n'est pas accidentelle, mais
volontaire. La reprise de tous ces thèmes, motifs et personnages, ont pour intention de mettre en
valeur un grand dénouement dans la vie de David. Et non simplement la suite accidentelle de son
histoire mouvementée.

Pour montrer que ces reprises de la vie de David dans les deux chapitres (1R 1 et 2) n’est pas
anodine, je verrai d’abord que l’on retrouve ces répétitions dans reste des livres de Samuel. Ils
reprennent ce procédé littéraire de « reprise binaire », « répétition binaire », ou « rythme binaire ».
Dans cette analyse, j’analyserai les correspondances et les différences dans ces reprises avec les
livres de Samuel. J’aimerais montrer que chaque similitude semble être un rappel d’une situation
(un ré-ancrage) qui a eu lieu dans les livres de Samuel, et la différence par rapport à la situation
initiale a pour intention de montrer une évolution, ou une amélioration.

1.1 Une étrange fin de vie pour David, car son histoire semble se répéter : ces répétitions
sont-elles fortuites, ou indiquent-elles un dénouement ?

Le récit deux premiers chapitres du livre des rois est-il la simple suite de l'histoire de David, ou
porte-t-il en lui le dénouement de la vie de David, dans des procédés littéraires bien choisis ?

11/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

J'aimerais montrer combien ces chapitres portent en eux la trace d'un fort dénouement dans
l'histoire de David. Ils semblent être la preuve d'un retournement qui a lieu chez David et dans son
histoire. Si le passage paraît mouvementé, comme le reste de la vie de David, toutes ces intrigues
semblent montrer des retournements dans la vie de David et son histoire. Ce n’est pas anodin.
Pourquoi ?

J'aimerais le montrer en trois points.


- Tout d'abord car le récit porte des traces claires d'une répétition d'intrigues, de
personnages et de scénarii précis de la vie de David.
- Dans un deuxième temps car il s’y accomplit des promesses annoncées dans les livres de
Samuel, dans des conditions qui ne sont pas fortuites.
- Enfin, car un certain parachèvement de l'histoire de David semble s'accomplir à travers la
destinée des personnages présentés dans ces chapitres.

Ces éléments réunis semblent dès lors montrer que les deux premiers chapitres du livre des rois ne
sont pas la simple suite de l'histoire du règne de David, mais bien l'accomplissement de sa vie et le
dénouement d'intrigues majeures de son règne.

1.1.1 L’histoire de David se répète dans ces deux chapitres, mais prend une tournure
favorable

En premier lieu, le lien fort entre les deux premiers chapitres du livre des rois et les livres de Samuel
s'observe dans la répétition des histoires et des intrigues de la vie de David mais à chaque fois avec
une différence particulière. Dans la continuité du style des livres de Samuel, marqué par un rythme
binaire.

Voici quelques passages d’analyse :

1.1.1.1 Les péchés de chair : Abishag - Bethsabée - Tamar : 1R1, 1-4

Les quatre premiers versets mettent en scène Abishag, David, et ses serviteurs. Or, leur mise en
scène semble emprunter à deux histoires marquantes de la vie de David : l'adultère commis avec
Bethsabée en 2S 11, et le viol incestueux de Tamar par Amnon, fils de David. L'histoire se répète
d'une telle manière, que l'on pourrait croire que David est remis dans la situation que son péché de
chair. Mais cette fois-ci, la suite de l'histoire est changée. David ne connaît pas Abishag, il ne s’unit
pas à elle. Que faire de ces détails ? Sont-ils contingents et anodins ?

12/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1 Le roi David était un Analogies avec les 1&2 Samuel


vieillard avancé en âge ; on le On retrouve ici une belle jeune fille vierge :
couvrait de vêtements sans qu'il - Situation de David correspond à la situation d'Amnon en 2S13. Il
pût se réchauffer. est dans son lit, malade.
2 Alors ses serviteurs lui dirent - Abishag a les mêmes caractéristiques que Tamar (2S13,1s) : jeune
: “Qu'on cherche pour fille, belle et vierge. Et que Bethsabée, par sa beauté.
Monseigneur le roi une jeune - La mise en situation de "tentation" de David, correspond à
fille vierge qui assiste le roi et l'intrigue avec Bethsabée, voire en plus fort. David se trouve avec
qui le soigne : elle couchera sur une belle femme (sûrement nue) à ses côtés. 2S11.
ton sein et cela tiendra chaud à
Monseigneur le roi.” Différences avec 1&2 Samuel :
3 Ayant donc cherché une belle Dans cet épisode, David est mis dans une situation où sa chair est
jeune fille dans tout le territoire tentée, sans pour autant avoir le tort des épisodes de Tamar et
d'Israël, on trouva Abishag de Bethsabée. Sa situation pourrait être perçue comme une tentation
Shunem et on l'amena au roi. d'autant plus grande :
4 Cette jeune fille était - Par rapport à l'épisode de Tamar et Amnon : David ne feint pas
extrêmement belle ; elle soigna la maladie. Abishag n'est plus seulement "très jolie", mais la plus
le roi et le servit, mais il ne la belle vierge d'Israël. Et elle est mise directement dans son lit.
connut pas. - Pour l'épisode de Bethsabée : Abishag n'est pas liée à un autre
homme (Urie), et ce n'est pas lui qui demande à ses serviteurs d'aller
la chercher (2S 11,4), mais ses serviteurs qui lui amènent dans son
lit.
- David ne connaît pas Abishag. Contrairement à David avec
Bethsabée, et Amnon avec Tamar.
Pourquoi ce détail est-il donné ?
Faut-il balayer ce détail comme le font les commentateurs, à savoir
en disant que David est simplement sénile ?

Les quatre premiers versets du livre des rois reprennent donc les thèmes du grand péché de David
de 2S 11, et des grands scandales qui y sont liés. Les situations du sommet des péchés du deuxième
livre de Samuel sont reprises. Les conditions pour répéter ces deux scènes de l'adultère de David
et du viol de Tamar sont remises en place, mais cette fois-ci, il ne se passe rien. David ne connaît
pas Tamar alors qu'il est dans une situation "légale/licite".

13/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Pourquoi dire que David ne connaît pas Tamar, si c'est seulement pour dire qu'il est sénile ?
D'autant plus dans ce cadre mis en place ?

N'est-ce pas plutôt une manière de montrer un retournement de situation ? N'est-ce pas pour
montrer un changement intérieur profond de David ? Lui qui avait succombé à la tentation en
voyant Bethsabée.

Pourquoi choisir la plus belle femme vierge d'Israël ? Pourquoi un tel détail plein de sens ? Pourquoi
ensuite dire qu'il n'a pas connu la plus belle femme vierge d'Israël ?
Le scénario est fort : on présente à l'Oint de Dieu la plus belle vierge d'Israël, et il la garde près de
lui sans la connaître. Elle est comme sa fiancée pure qu'il ne touche pas. Et cette fiancée porte
pourtant en elle la souillure de deux femmes (par analogie des présentations dans la narration)
Bethsabée et Tamar.
La vierge d'Israël, épouse de l'Oint de Dieu, que l'époux ne connaît pas. Abishag reste auprès de
David comme une fiancée qui reste vierge et est non épousée, qui reste en relation avec l'Oint de
Dieu.

Pour aller plus loin :


Cette transformation, ce passage de Bethsabée et Tamar à Abishag, pourrait-il être rapproché de la
prophétie d'Ez 16, 6-14 ? Ce passage de deux femmes souillées et saignantes (comme Tamar), qui
sont maintenant présentées comme la plus belle vierge d'Israël, immaculée.
Ne fait-elle pas penser à cette fiancée vierge pure présentée au Christ est qui n'est pas connue et
dont parle Saint Paul en 2 Co et Ep 5,27 ?
2 Co 11, 1-4
Oui, de ma part, vous allez le supporter,
à cause de mon amour jaloux
qui est l’amour même de Dieu pour vous.
Car je vous ai unis au seul Époux :
vous êtes la vierge pure que j’ai présentée au Christ.
Mais j’ai bien peur qu’à l’exemple d’Ève
séduite par la ruse du serpent,
votre intelligence des choses ne se corrompe
en perdant la simplicité et la pureté qu’il faut avoir à l’égard du Christ.

Ep 5, 25-30
25 Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle,
26 afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d'eau qu'une parole accompagne ;

14/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

27 car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et
immaculée.
28 De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c'est s'aimer
soi-même.
29 Car nul n'a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C'est justement ce
que le Christ fait pour l'Église :
30 ne sommes-nous pas les membres de son Corps ?

1.1.1.2 Le coup d'État du fils : Adonias - Absalom : 1R 1

S'ensuit un autre épisode semblable aux conséquences de son péché avec Bethsabée. Son fils
Adonias cherche à renverser son père du trône, comme Absalom. Or, ce personnage est présenté
avec beaucoup de caractéristiques en commun avec Absalom. Nous avons donc deux personnages
ressemblants, deux intrigues sont analogues (le fils de David qui veut prendre le pouvoir), deux
scénarios de prise de pouvoir ressemblantes, mais une fin différente (le coup d'État d'Adonias
échoue lamentablement, sans guerre ni violence toutefois). Est-ce anodin ? Est-ce la simple suite
de l'histoire, ou le texte cherche-t-il à nous en dire plus ?

Les points de convergences particuliers entre Absalom et Adonias :

5 Or Adonias, le fils de Analogies avec 1&2 Samuel


Haggit, jouait au prince en Adonias a le même comportement qu'Absalom en 2S 15
disant : “C'est moi qui v.1 : Il arriva après cela qu'Absalom se procura un char et des chevaux, et
régnerai !” Il s'était procuré cinquante hommes couraient devant lui.
char et attelage et cinquante Adonias joue au prince tandis qu'Absalom en 2S 15, 3-6 amadouait et
hommes qui couraient devant séduisait la population aux portes de la ville en jouant au bon juge.
lui. 2S15,2-6.

Différence avec 1&2 Samuel


Il n'est pas dit qu'Adonias vient critiquer le jugement de son père
pour amadouer la population, comme le faisait Absalom.
6 De sa vie, son père ne Analogies avec 1&2 Samuel
l'avait contrarié en disant : - Absalom s'est plaint en étant à Jérusalem de ne pas avoir été jugé
“Pourquoi agis-tu ainsi ?” Il par son père. Il vient même demander à son père de le juger : 2S14,32
avait lui aussi très belle "Je veux maintenant être reçu par le roi et, si je suis coupable, qu'il me mette à

15/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

apparence et sa mère l'avait mort". Or David ne lui dit rien de plus, si ce n'est l'embrasser.
enfanté après Absalom. Absalom n'a donc pas non plus été réprimandé par son père. Comme
c'était aussi le cas pour Amnon pour lequel aucun jugement de son
père n'est mentionné.
- Adonias est beau comme Absalom, en 2S14 v.25 : Dans tout Israël,
il n'y avait personne d'aussi beau qu'Absalom, à qui on pût faire tant d'éloges :
de la plante des pieds au sommet de la tête, il était sans défaut.

Autre passage sur l'analogie entre Absalom et Adonias :

Adonias : 1R 2, 17 Absalom : 2S 16, 21-23


1R2, 17 : Il reprit : "Dis, je Analogies avec 1&2 Samuel :
te prie, au roi Salomon - car - Absalom et Adonias demandent à prendre les concubines de leur
il ne te rebutera pas - qu'il me père.
donne Abishag de Shunem 2S16,21-23 : "Approche toi des concubines de ton père, qu'il a laissées pour
pour femme." garder le palais : tout Israël apprendra que tu t'es rendu odieux à ton père et le
courage de tous tes partisans en sera affermi." | On dressa donc pour Absalom
une tente sur la terrasse et Absalom s'approcha des concubines de son père aux
yeux de tout Israël.

Différences avec 1&2 Samuel :


- Adonias ne connaît pas Abishag (la concubine de son père) et est
même tué pour cette raison. Ce sera le prétexte de Salomon pour
faire justice à David.
- La requête faite à Absalom en 2S semble être un ordre divin donné
par Ahitophel, d'après 2S16,23 : Le conseil que donnait Ahitophel en ce
temps-là était comme un oracle qu'on aurait obtenu de Dieu ; tel était, tant pour
David que pour Absalom, tout conseil d'Ahitophel. Contrairement à la
requête d'Adonias qui semble être tout sauf un ordre divin, d’après
la réaction de Salomon 2R 2, 23 Et le roi Salomon jura ainsi par Yhwh :
"Que Dieu me fasse tel mal et y ajouter encore tel autre, si ce n'est pas au prix
de sa vie qu'Adonias a prononcé cette parole !

Que faut-il voir à nouveau dans cette différence ? Un


accomplissement ? Une démonstration que ce qui s'est passé en 2S
était de l'ordre des punitions infligées à David ? Ou une simple suite
logique historique ?

16/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Pourquoi remettre en scène un Absalom, via Adonias, qui cependant échoue cette fois-ci sa prise
de pouvoir ?
Est-ce une simple continuité de l'histoire ? Ou est-ce pour montrer un retournement particulier
dans l'histoire de David ? Ses fils continuent à vouloir prendre le pouvoir, mais cette fois-ci c'est
sans succès, si ce n'est qu'Adonias permet à David de laisser sa place à Salomon.

Suivent deux autres exemples particuliers qui reprennent des motifs des livres de Samuel.

1.1.1.3 Les personnages présentés dans 1R 1&2 :

Les personnages présentés dans les deux premiers chapitres sont-ils anodins ? J'aimerais montrer
qu'ils concentrent en eux des personnages ayant joué un rôle clé dans le règne de David sur Israël.
Leur présence n'est ainsi pas neutre et vient amener dans ces deux chapitres l'ensemble du récit de
David.

Sont présents, par typologie ou par nomination réelle, les personnages ayant joué un grand rôle
dans le récit de la vie de David entre 1S12 et 1S19 :

- Natân et Bethsabée (2S12) par leur nomination réelle : 1R1, 11


- Amnôn (2S13) par typologie avec David en 1R1,1
- Tamar (2S13) par typologie avec Abishag, en 1R1,3
- Absalom (2S13-19) par typologie avec Adonias en 1R5
- Joab (2S14) en 1R1,7 et sa "paire" (en 2S8, 16ss) Benayahu, chefs de l'armée de David
- Ébyatar (2S15,24) en 1R1,7 et sa "paire" Sadoq en (2S15,24)
- Shiméï (2S16) en 1R1,8

Analyse de quelques personnages dont la présence ne semble particulièrement pas anodine :

1.1.1.3.1 Joab/Benayahu et Ébyatar/Sadoq

7 Il s'aboucha avec Joab fils Analogies avec 1&2 Samuel :


de Çeruya et avec le prêtre Pourquoi Joab et Ébyatar ? Ces deux personnages en jeu ont un
Ébyatar, qui se rallièrent à la passé particulier dans les livres de Samuel.
cause d'Adonias ; - Joab est un personnage controversé depuis le début des livres de
Samuel. Il donne l'impression d'être un mercenaire. Il ne suit pas les
conseils de David (il tue Abner, fait revenir Absalom, puis tue
Absalom et tue Amasa à chaque fois contre l'ordre de David). En

17/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

même temps, il reste le fidèle général qui fait gagner des batailles à
David.
- Ébyatar, fils d'Ahimélek (1S23,6), fils d'Ahitub (frère d'Ikabod, né
après l'annonce de la perte de l'Arche en 1S4,21), fils fils de Pinhas, fils
d'Éli (1S14,13), et père d'Ahimélek (2S 8, 17), au premier abord, a
plutôt profil du bon prêtre, fidèle à David, dont la famille a toujours
été derrière David. Il est un prêtre rescapé du massacre Nob de Saül
en 1S 22,19-20. Il est donc étrange qu'il se rallie à Adonias. On
apprendra toutefois à la fin qu'il était membre de la famille
sacerdotale d'Éli, contre laquelle une parole de Dieu avait été
prononcée en 1S 2, 30-33.

Justice sera pourtant rendue en 1R 2, par leur mort. Joab, qui s'était
toujours échappé des mailles de la justice en filou mercenaire, finira
par être tué, ainsi qu'Ébyatar. On pourra comprendre le sort
d'Ébyatar lors de son exclusion du sacerdoce. Il était en effet
descendant de la famille d'Éli, et il accomplit ce qui avait été dit par
Dieu en 1S3 :
1R 2 : 26 Quant au prêtre Ébyatar, le roi lui dit : “Va à Anatot dans ton
domaine, car tu mérites la mort, mais je ne te ferai pas mourir aujourd'hui, car
tu as porté l'arche de YHWH en présence de mon père David et partagé toutes
les épreuves de mon père.” 27 Et Salomon exclut Ébyatar du sacerdoce de
YHWH, accomplissant ainsi la parole que YHWH avait prononcée contre la
maison d'Éli à Silo. (En 1S2, 30-33)
Ce serait donc encore un signe d'accomplissement de la parole de
Dieu, dénouement des livres de Samuel.

8 mais ni le prêtre Sadoq, ni Analogies avec 1&2 Samuel


Benayahu fils de Yehoyada, - Sadoq, paire d'Élibyatar
ni le prophète Natân, ni - Benayahu, paire de Joab (2S 8, 16ss), chef des Kérétiens et des
Shiméï et ses compagnons, ni Pelétiens. Un des plus illustres des "Trente" preux de David, dont la
les preux de David, n'étaient louange est faite en 2S 23, 20-22. Et un des trois chefs de la bataille
avec Adonias. contre Absalom au-delà du Jourdain

18/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1.1.1.3.2 Natân et Bethsabée


La nomination de Bethsabée 1R1,11 renforce le renvoi au péché d'adultère de David en 2S11, qui
a marqué une véritable rupture dans le règne de David. Et surtout qui est le début de l'ensemble
des punitions qui lui seront infligées, et qui avaient été annoncées par l'intermédiaire de Natân en
2S12 et dont on retrouve les thèmes dans 1R1&2.

Pour rappel, voici les sentences annoncées par Nathan, et leurs réalisations (colonne de
droite) après le péché de David avec Bethsabée en 2S 12 :

2 S 12 : texte Réalisation des paroles


10 Maintenant l'épée ne se détournera plus jamais de ta Meurtre d'Amnôn par Absalom
maison, parce que tu m'as méprisé et que tu as pris la
femme d'Urie le Hittite pour qu'elle devienne ta femme.
11 “Ainsi parle YHWH : Je vais, de ta propre maison, Viol incestueux de Tamar (2S13)
faire surgir contre toi le malheur. Je prendrai tes femmes Absalom renverse David (2S15-16)
sous tes yeux et je les livrerai à ton prochain, qui Absalom prend les concubines de David
couchera avec tes femmes à la vue de ce soleil. (2S16)
12 Toi, tu as agi dans le secret, mais moi j'accomplirai Absalom couche avec les concubines de David
cela à la face de tout Israël et à la face du soleil !” sur la terrasse du palais (2S16, 20-23)

13 David dit à Natân : “J'ai péché contre YHWH !”


Alors Natân dit à David : “De son côté, YHWH
pardonne ta faute, tu ne mourras pas.
14 Seulement, parce que tu as outragé YHWH en cette Mort de l'enfant en 2S12
affaire, l'enfant qui t'est né mourra.”

La nomination de Natân est aussi particulière. Le prophète n'a plus été cité depuis 2S12. Et à la fin
de 2S24, la dernière prise de parole d'un prophète a été faite par Gad (2S24,11), et non par Natân.
Il est donc surprenant de le voir réapparaître à ce moment de l'histoire. Sa présence réactualise les
deux prophéties importantes qu'il avait réalisées auprès de David : la promesse d'une descendance
en 2S7 et l'annonce du châtiment divin en 2S12. Il est aussi le prophète qui a donné un nom à
Salomon après sa naissance en 2S12.

L'intrigue de Natân et Bethsabée concoctant un plan pour négocier la montée de Salomon sur le
trône pourrait aussi rappeler la négociation de Joab pour le retour d'Absalom en 2S14.

19/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1.1.1.3.3 Shiméï
Il est surprenant de le voir cité dans la liste de ceux qui ne sont pas invités par Adonias, en 1R1, 8.
Il est plutôt attendu comme étant du parti de ceux qui trahiront David. Toutefois, il ne manquera
pas de commettre un faux-pas en 1R2.
La présence de Shiméï ne semble pas non plus anodine. Il est en effet un personnage important
dans la liste des humiliations et punitions subies par David après l'annonce du châtiment de 2S12.
C'est en effet lui qui a humilié David lors de sa fuite vers le Jourdain après l'avancée d'Absalom
vers Jérusalem (2S16, 5-14).

Sa présence concorde une fois de plus avec l'hypothèse d'une écriture des deux premiers chapitres
du livre des Rois comme étant un concentré du règne de David.

1.1.1.4 Les thèmes abordés

Les thèmes abordés par ces deux chapitres laissent aussi penser que ces deux chapitres reprennent
les grands thèmes des livres de Samuel.

Les livres de Samuel sont en effets pétris par la question de l'éducation père fils et de la relation
père/fils. Nous le verrons un autre moment de l'étude. 1&2 rois prolongent ce thème de la
paternité. Nous pouvons le voir déjà dans l'intrigue entre le fils Adonias qui tente de prendre le
pouvoir de son père, mais encore dans la parole adressée par David à son fils Salomon en 1R2, 2-
4, sommet de leur relation filiale.

Nous pouvons particulièrement relever un détail qui nous fait revenir au début des livres de Samuel
et à l'épisode d'Éli et ses fils. Il s'agit du verset 1R1, 6 et de la relation entre David et son fils
Adonias.

La question de l'éducation paternelle ratée :


6 De sa vie, son père ne Analogies avec 1&2 Samuel
l'avait contrarié en disant : - Adonias n'est pas contrarié, ce qui signifie qu'il n'est pas éduqué. C'est
“Pourquoi agis-tu ainsi ?” Il un thème du début des livres de Samuel avec le prêtre Éli et ses fils
avait lui aussi très belle (Hophni et Pinhas) non corrigés. 1S3,13 : Je lui ai annoncé que je jugerai
apparence et sa mère l'avait sa maison pour toujours ; parce qu'il savait que ses fils insultaient Dieu et qu'il
enfanté après Absalom. ne les a pas corrigés.

Pourquoi donner à nouveau ce détail à propos d'Adonias, fils de David non éduqué par ce dernier
? Ce détail semble être un nouveau rappel pour dire combien l'environnement de David reste le

20/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

même que dans les livres de Samuel. Les pères n'éduquent pas leurs fils, les fils se rebellent et font
chuter leurs pères (Éli, Samuel et David).

Concentrons-nous maintenant sur 1R 1, 41-48 : en se penchant sur ces versets d'annonce de


l'onction de Salomon à Adonias, on retrouve encore des traces d'accomplissement des livres de
Samuel. Nous analyserons particulièrement deux motifs : le son du cor, et l'annonce du messager.

1.1.1.5 L'annonce de l'onction à Adonias : 1R 1 41-53 : le renversement de situation

1.1.1.5.1 Analogie du motif du son du cor : 1R1,41

En 1R1, 41, le cor retenti, de la même manière que pour la proclamation de la royauté d'Absalom
à Hébron. Mais, cette fois-ci, c'est pour bouter Adonias.

2S15,10 1R1, 41
Absalom envoya des émissaires à toutes les tribus Adonias et tous ses convives entendirent le bruit ; ils
d'Israël pour dire : “Quand vous entendrez le son du avaient alors fini de manger. Joab entendit même le son
cor, vous pourrez dire : Absalom est devenu roi à du cor et demanda : “Pourquoi cette rumeur de la ville
Hébron.” en émoi ?”
Le son du cor annonce la prise de pouvoir Le son du cor annonce la prise de pouvoir de
d'Absalom (prince rebelle) et enclenche la fuite Salomon (roi régulier), et enclenche la fuite
de David (roi régulier) d'Adonias (prince rebelle)

C'est de plus Joab qui entend le son du cor. Lui qui l'avait fait sonner lors de la mort d'Absalom en
2S 18,16.

1.1.1.5.2 Reprise du motif du messager et du personnage de Yonatân : 1R1,42s

42 Comme il parlait encore, voici qu'arriva Yonatân, le fils du prêtre Ébyatar, et Adonias dit : “Viens ! car tu es
un honnête homme et tu dois apporter une bonne nouvelle.” 43Yonatân répondit : “Ah oui ! notre seigneur le roi
David a fait roi Salomon !

Analogies avec 1&2 Samuel :

• Le motif personnage du messager est repris. Il est très présent dans les livres de Samuel :
o 1S 4, 12-18 : un messager benjaminite annonce à Éli la mort de ses fils et la perte de
l'Arche
o 2S 1, 1-16 : un messager amalécite annonce la mort de Saül et Jonathan à David

21/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

o 2S 4, 5-12 : Rékab et Baana annoncent la mort d'Ishboshèt à David


o 2S 18, 19-31 : Ahimaaç et le Kushite annoncent la victoire du camp de David et la
mort d'Absalom à David
• Plus particulièrement, le thème du messager qui pensait annoncer une bonne nouvelle et en
apporte une mauvaise est repris.
o 2S 4, 5-12 : deux messagers d'une mauvaise nouvelle qu'ils pensent bonne : Rékab et
Baana apportent la tête d'Ishboshèt à David. Ils meurent tous les deux, c'était une
mauvaise nouvelle pour David.
o 2S 18, 31-32 : le Kushite annonce la victoire du camp de David et la mort d'Absalom,
très mauvaise nouvelle pour David, alors que le Kushite pensait qu'elle était bonne.
• Le personnage de Yonatân n'est pas neutre. Il était déjà messager pour David en 2S17,21 (il
est appelé Yéhonatân et était avec Ahimaaç). Il avertissait David en 2S17 de franchir le Jourdain
face à l'arrivée d'Absalom.

Les différences dans ces analogies montrent que, cette fois-ci, il y a un retournement en vue du
"bon".

Différences :
• Alors que le thème de la fausse bonne nouvelle, s'est répétée dans le deuxième livrede Samuel.
Cette fois-ci, la bonne nouvelle pour le camp de David en est une mauvaise pour le camp
adverse.
• Yonatân qui était annonceur de mauvaise nouvelle pour David en 2S17,21 devient annonceur
de bonne nouvelle pour le camp de David : Salomon est roi.
• Yonatân annonçait l'arrivée d'Absalom. Cette fois-ci il annonce l'onction de Salomon que l'on
peut opposer à Absalom et Adonias (fils fidèle contre fils rebelles).
• Yonatân annonce de la chute du règne d'Adonias, alors qu'il annonçait la montée en puissance
du règne d'Absalom en 1S17.

Ainsi, la rédaction du premier chapitre du livre des rois ne semble pas ignorer le passé de David,
et bien au contraire, il remet en valeur bien des aspects forts de la vie de David. Peut-on alors
vraiment croire à une simple suite de l'histoire face au grand nombre d'analogies ? La rédaction de
ces chapitres est-elle neutre ou cherche-t-elle à nous transmettre un message ?
De plus, toutes ces intrigues se déroulent de manière différente. On constate un retournement
"positif" des situations données, en la faveur de David.

22/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David semble ainsi mis dans un monde qui est semblable à celui des livres de Samuel. À la seule
différence que les dénouements de chaque situation semblable sont différents et pour le bien de
David.

1.1.2 Les promesses faites à David semblent s’y réaliser, et les punitions annoncées
prendre fin

La logique de la recherche de preuves qu'un dénouement a lieu dans 1&2R reste la même dans
cette deuxième partie. L'analyse portera cette fois-ci sur la suite du premier chapitre du livre des
rois. Elle semble en effet aussi être marquée par un dénouement fort. Non plus par analogie des
situations/personnages/intrigues etc. mais par la réalisation des promesses faites par Dieu à David
dans les livres de Samuel. Ces promesses participent au dénouement de son histoire.

Est-ce un hasard que ces promesses se réalisent après avoir montré les retournements de situation,
à condition équivalente, dans les premiers versets du livre des Rois ? Leurs conditions de réalisation
sont elles aussi un pur déroulement historique, ou faut-il y voir un procédé littéraire qui veut nous
renvoyer à l'histoire de David ?

Comme cela avait été noté plus tôt (analogie dans la reprise des personnages), la réapparition de
Natân dans ce chapitre, ne semble pas neutre. Le prophète n'avait plus été cité depuis 2S 12. Par
sa présence, il réanime ainsi ses prophéties.

Or, ses prophéties (promesses et châtiments faits à David) semblent tout à fait d'actualité dans ce
chapitre.

L'objet de cette partie est donc de montrer que ces prophéties se réalisent dans ces chapitres.

1.1.2.1 La réalisation des promesses de Dieu de 1S7 : simple suite de l'histoire, ou preuve d'un
dénouement particulier ?

Rappel des promesses faites en 1S7 par l'intermédiaire de Natân :


- Promesse d'une descendance : 2S 7,12 Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec
tes pères, j'élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de tes entrailles, [...]
- Promesse de l'affermissement de la royauté de sa descendance : 2S7,12 [...] et j'affermirai sa
royauté.

23/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Leur réalisation :
Elle a lieu dans ce premier chapitre du livre des rois.
- Salomon est mis sur le trône 1R 1, 38-40.
- La royauté de Salomon est affermie :
1R 2, 46 Le roi fit commandement à Benayahu fils de Yehoyada ; il sortit et frappa Shiméï qui mourut.
La royauté fut alors affermie dans la main de Salomon.
- Le contexte réactualisé de 2S7 : dans cette prophétie, Dieu avance à David que c'est Lui
qui fait tout pour David, et non David qui fait pour Dieu. David propose en effet à Dieu
de Lui construire un Temple, mais le Seigneur lui rappelle que c'est Lui qui l'a pris quand
il était berger pour le mettre sur son trône. Dans la réalisation de cette promesse, il est
intéressant de constater qu'une fois de plus, David n'a rien à faire pour Dieu, si ce n'est
qu'écouter Natân et Bethsabée. Il n'a pas eu à réfléchir à sa descendance, car l'opportunité
d'oindre Salomon s'est imposée à lui.

Il serait aussi possible de d'ajouter la réalisation de l'annonce faite par Samuel à Éli en 1S2 sur le
sort de sa famille, par l'exclusion d'Ébyatar du sacerdoce (1R2, 27).

1.1.2.2 Les conditions de réalisation des promesses reprennent aussi des thèmes très bibliques
et liés aux livres de Samuel.

Le choix de Salomon comme roi, et l'intrigue de sa mise sur le trône sont-ils anodins ?
Dans tous les cas, ils soulèvent des questions, car une promesse faite par David à Bethsabée (1R1,
13 & 29-30) est mentionnée, et pourtant elle n'apparaît nulle part dans les livres de Samuel.
Comment expliquer alors un tel choix ?

J'aimerais montrer que ce récit reprend un thème très présent dans les livres de Samuel, et qu'il
transpire d'un esprit biblique très présent aussi dans les livres de Samuel : c'est du péché que vient
le salut, et de la mort, nait la vie.

La montée sur le trône Salomon est la résultante d'un double péché/faute :


- Le péché de David avec Bethsabée et Urie. C'est à la suite de ce péché que Bethsabée
donne un deuxième fils à David, Salomon
- Le péché d'Adonias qui essaye de renverser la royauté de son père

C'est donc du péché de David et du péché d'Adonias que provient la vie, l'accomplissement des
promesses de Dieu et le salut d'Israël.

24/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Dieu utilise une fois de plus les faiblesses des hommes et ses fautes pour parvenir au salut. Ce que
fait l'homme sur Terre, Dieu le vit au ciel. Et Dieu modifie ses plans de salut à partir de ce que fait
son peuple (ce que lie les hommes sur terre est lié au ciel, et Dieu révise constamment les plans de
l'histoire du salut ; c'est la preuve même d'un Dieu vivant1). Dieu ne condamne plus l'humanité et
son peuple comme au temps du déluge. C'est arrivé une fois et depuis Dieu a fait la promesse à
Noé de ne plus le faire. Mais Dieu au contraire vient utiliser ce que fait son peuple pour se faire
connaître. Il va même utiliser ses fautes pour se faire connaître.

Ce mouvement est particulièrement visible lors des évènements bibliques suivants (liste loin d'être
exhaustive…) :
- Isaac et le peuple hébreu sort du sein stérile de Sara (Gn 21)
- La mort de Rachel donne Benjamin (Gn 35)
- Le renvoi de Joseph par ses frères dans la Gn mène au sauvetage du peuple lors de la
famine (Gn 37-47)
- L'esclavage en Égypte mène à la libération d'Israël (Ex 1-14)
- ...
Pour arriver aux livres de Samuel, tout aussi pétris de cet esprit :
- La "mort" intérieure d'Anne (sa stérilité) donne Samuel, consacré à Dieu (1S 1-3)
- La faute d'Éli et de ses fils élève Samuel en tant que prophète (1S 2-3)
- La demande du peuple d'avoir un roi donne Saül, puis David (1S 8)
- La faute de Saül donne David (1S 13.15.16)
- Le péché de David donne Salomon (1S 11-12)
- La faute d'Adonias met Salomon sur le trône et réalise la promesse faite à David d’avoir
une descendance (1R 1)

Nous pouvons donc constater que la nomination de Salomon se fait dans un contexte qui paraît
mouvementé au premier abord, donc presque incohérent par rapport à la notion
d'accomplissement (que l'on pourrait penser plus paisible). La faute d'Adonias semble au premier
abord une nouvelle malédiction. Et les discussions entre Bethsabée et Natân ressemblent aussi à
un complot. D'autant plus en raison de l'absence de traces de la promesse de David à Bethsabée
pour mettre Salomon sur le trône dans les livres de Samuel.

Toutefois, l'analyse de ce mouvement perpétuel, très biblique, de mort qui donne la vie semble
donner une vraie cohérence à la nomination de Salomon. Est-ce vraiment une coïncidence ou doit-
on y voir une fois de plus un procédé littéraire ? Un nouvel accomplissement dans le dénouement
?

1 Cf. Annexe : point sur l'histoire des Gabaonites et de l'ancrage au ciel de ce qui se fait sur Terre

25/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1.1.2.3 Que dire des châtiments annoncés par Natân ?

Nous venons de voir l'accomplissement des promesses de Dieu à David en 1S7 dans ces chapitres
du livre des Rois. Que peut-on dire cependant de l'accomplissement des châtiments que ce Natân
a aussi annoncés en 1S12 ? Sont-ils toujours effectifs dans ces chapitres du livre des Rois ?

Dans le cadre d'un dénouement, doit-on s'attendre à ce que ces châtiments ne se réalisent plus ?
J'aimerais montrer au contraire l'importance du ré-accomplissement des châtiments annoncés en
1S12. Ils donnent en effet d'autant plus de poids au dénouement. Le dénouement doit avoir lieu
dans un contexte qui est le même que celui du règne de David. Et ces deux chapitres concentrent
bien les châtiments annoncés. Bien que leur accomplissement doive être différent.

Annonce 2S12 Réalisation en 2S Actualisation en 1&2R


10 Maintenant l'épée ne se Meurtre d'Amnôn par Mort d'Adonias, tué par ordre
détournera plus jamais de ta Absalom de son frère Salomon
maison, parce que tu m'as méprisé
et que tu as pris la femme d'Urie
le Hittite pour qu'elle devienne ta
femme.
11 “Ainsi parle YHWH : Je vais, - Viol incestueux de Tamar - David et Abishag dans la
de ta propre maison, faire surgir (2S13) situation de Tamar et Amnôn
contre toi le malheur. Je prendrai - Absalom renverse David - Adonias veut prendre le
tes femmes sous tes yeux et je les (2S15-16) pouvoir
livrerai à ton prochain, qui - Absalom prend les - Adonias veut prendre
couchera avec tes femmes à la vue concubines de David (2S16) Abishag
de ce soleil.
12 Toi, tu as agi dans le secret, mais Absalom couche avec les - Adonias demande Abishag,
moi j'accomplirai cela à la face de concubines de David sur la concubine de son père
tout Israël et à la face du soleil !” terrasse du palais (2S16, 20-23)

Nous comprenons donc d'après le tableau que les châtiments annoncés à David sont toujours
effectifs. Toutefois, leur conséquence n'est plus la même pour David. Quelque chose semble
neutraliser les châtiments autour de lui car leurs conséquences ne sont plus les mêmes. David n'est
plus bousculé de son palais. Adonias ne prend plus ses femmes. Mais en dehors de lui, les
châtiments ont toujours lieu sur sa famille : Adonias se rebelle bien contre son père, il continue à
convoiter les femmes de son père, et ses fils s'entre-tuent (Salomon tue son frère Adonias).

26/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Que voir derrière le ré-accomplissement de ces châtiments ?


La continuité de ces châtiments et leur neutralisation autour de David ne recentre-t-elle pas le
dénouement de l'histoire autour du personnage de David ? Si le dénouement avait lieu pour toute
sa famille, les châtiments n'auraient-ils pas été neutralisés aussi chez Adonias et Salomon ?

N'est-ce pas une indication qui invite à se concentrer sur la personne de David ? Quelque chose
semble s'être passé chez lui particulièrement, car le contexte autour de David reste le même
qu'auparavant (climat de révolte, de rébellion, etc.).

Pour aller plus loin :


Cette indication ne pourrait-elle pas nous laisser croire à une transformation intérieure de David ?
David pourrait avoir vécu une conversion. Car le propre d'une conversion n'est-ce pas de
transformer intérieurement, sans toucher à l'extérieur ?
La conversion n'est pas la transformation extérieure du monde (la parole de Dieu reste la même,
le monde reste le même), mais bien une transformation intérieure qui donne une autre réalité
extérieure par l'action du converti en réaction au monde.
Nous comprendrions alors la réaction de David face à Abishag : David continue à être tenté par
les femmes. Le monde extérieur reste le même. Toutefois, la grâce de la conversion permet à David
de ne plus succomber aux tentations de sa chair. Et David agit ainsi différemment. La conversion
ne change pas le monde, mais elle change le fond du cœur. La grâce agit pour David gratuitement,
et sans effort.

27/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

L'étude s'est pour l'instant principalement concentrée sur 1R 1. Toutefois, des éléments importants
se déroulent dans 1R 2 et continuent à aller dans le sens d'un dénouement dans la vie de David. Le
voile se lève sur le fond du cœur des "mauvais" personnages de la vie de David. Ils tombent tout
seul. La destinée d'Adonias, Joab et Shiméï semble reprendre le Psaume 37 (36) :

20 Cependant les impies périront,


les ennemis de YHWH ;
ils s'en iront comme la parure des prés,
en fumée ils s'en iront.
[...]
35 J'ai vu l'impie forcené
s'élever comme un cèdre du Liban ;
36 je suis passé, voici qu'il n'était plus,
je l'ai cherché, on ne l'a pas trouvé.

1.1.3 La justice est rendue en faveur de David, sans qu’il n’intervienne

J'aimerais montrer qu'un dernier élément important clos l'histoire de David dans 1R 1&2 : le sort
de personnages controversés du règne de David. Une vérité semble être jetée sur le fond du cœur
de Joab et Ébyatar (1R1), Shiméï et Adonias (1R2). Chez ces quatre personnages, le même constat
peut être fait :
- Adonias « se tire une balle dans le pied » et meurt
- Joab « se tire une balle dans le pied » et meurt
- Shiméï « se tire une balle dans le pied » et meurt
- Ebyatar « se tire une balle dans le pied » et est exclu du sacerdoce

En quelque sorte, justice est rendue à David de manière autonome, indépendamment de l’agir de
David. Hasard, ou providence ? Hasard, ou choix de l’auteur ?

1.1.3.1 Joab et Ébyatar

Cf. partie sur les personnages Joab/Benayahu ; Sadoq/Ébyatar

La révolte d'Adonias en 1R1 a permis de jeter le voile sur le fond du cœur des personnages
d'Ébyatar et Joab :

28/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

- Joab se trahit, lui qui avait toujours été fidèle à David en apparence, et dans les guerres,
mais meurtrier et trois fois allant à l'encontre de la volonté de David (meurtre d'Abner,
meurtre d'Absalom et meurtre d'Amasa). Joab révèle toute son infidélité et son inquiétude
à l'issue de la nomination de Salomon montre bien le mauvais fond de son cœur.
- Ébyatar, dont on ne connaissait pas l’infidélité à David, le trahit aussi en prenant le parti
d'Adonias. On comprend qu'il est de la famille d'Éli. Son exclusion du sacerdoce, à l'issu
de la deuxième faute d'Adonias (demande d'Abishag), est alors justifiée par ce dernier lien
filial.
Peut-on alors parler de "bienheureuse" faute ?

1.1.3.1.1 Adonias

Le fils rebelle de David qui n'avait jamais été puni, et chez qui la menace de Salomon pesait depuis
1R 1 52 (Salomon dit : “S'il se conduit en honnête homme, pas un de ses cheveux ne tombera à terre, mais si on le
trouve en défaut, alors il mourra.”) se trahit à nouveau lui-même en demandant Abishag pour femme
par l'entremise de Bethsabée. C'est sa manière de « se tirer une balle dans le pied et de mourir. »
Il entraîne avec lui Joab et Ébyatar, permettant ainsi au testament de David de s'accomplir. Mais
une nouvelle fois, de manière juste, car Adonias et Joab se sont trahis tout seuls.

1.1.3.1.2 Shiméï

Le traître, humiliant David, se tue aussi lui-même en désobéissant à Salomon 2R2, 36-46. Rendant
ainsi justice, tout seul, à l'épisode d'humiliation infligé en 2S 16 5-13.

Ainsi, les ennemis de David tombent les uns après les autres, selon ses volontés annoncées dans
son testament. N'est-ce pas une autre preuve d'un dénouement fort et clair, dans la vie de David ?

Ces justices rendues jusqu'à la fin de 1R 2 s'ajoutent à beaucoup de preuves qui laissent penser que
ces deux chapitres sont un véritable dénouement. Même l'aspect "mouvementé" du récit (morts,
coup d'État d'Adonias etc.), plus qu'être un scénario catastrophe, semble plutôt participer la
réalisation du dénouement.

1.1.4 Conclusion
Les deux premiers chapitres des livres des Rois répètent donc une multitude de situations, scénarios
et types de personnages de la vie de David. Ils concentrent en eux des éléments clés des livres de
Samuel. On compte, entre-autre, des références :

29/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

- 1S2 : au châtiment annoncé avec le prêtre Éli


- 2S7 : à la prophétie Natân Temple et suite de David
- 2S11 : au péché de David avec Bethsabée
- 2S12 : à la naissance Salomon
- 2S13 : au viol de Tamar par Amnon
- 2S15 : à la prise pouvoir Absalom)
- 2S16 : à l’humiliation de David par Shiméï
- 2S19 : au retour de Shiméï, et à la mort d'Amasa

Ces répétitions de situations et de personnages sont-elles fortuites, ou un procédé littéraire voulu ?


Leur accumulation est telle que soutenir le caractère anodin des répétitions semble difficile. Nous
prenons le parti de dire que le récit cherche à nous montrer qu’il s’est passé quelque chose
d’important dans la vie de David.

30/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1.2 Les livres de Samuel sont imprégnés de répétitions similaires : ce rythme binaire est-
il intentionnel ?

Nous venons de voir que 1R1&2 sont construits en étant une répétition de beaucoup de
thèmes et d'épisodes des livres de Samuel. L'histoire des livres de Samuel se répète, mais leur
dénouement est différent. La question était de savoir si c'était l'intention de l'auteur, ou non, de
reprendre toutes ces histoires.

J'aimerais montrer maintenant que ce style de répétition (dans tout type de domaine littéraire) est
déjà très présent dans les livres de Samuel eux-mêmes. La présence est si marquée qu'il est difficile
de croire ce style soit accidentel.

1R 1&2 sont donc rédigés dans la continuité des livres de Samuel, et laissent donc penser que ce
style de rédaction n'est pas neutre. Donc que les répétitions ont bien été choisies
intentionnellement. Donc qu'il y a des messages à comprendre et interpréter derrière ces
répétitions. Donc ces analogies ont de l'importance. Une intention de l'auteur. Donc la théorie du
dénouement est fort probable.

La lecture des livres de Samuel au complet permet, en effet, de constater de forts parallèles, ou
répétitions, fréquentes entre :
- Deux personnages,
- Deux situations,
- Deux scenarii
- Deux scènes
- Deux actions,
- Deux narrations,
- Deux intrigues
- etc.

Ces parallèles ont une telle ressemblance que l'on pourrait parler d'un rythme (au moins) binaire
dans ces livres. Ce que l’on pourrait appeler aussi « répétition binaire », « reprise binaire »,
« doublons ». Les types de narration, de personnages, fonctionnent souvent sur deux pieds. Un
premier appelant un deuxième. Un deuxième rappelant un premier. L'exemple de binarité le plus
criant étant l'existence de deux rois, Saül et David dans 1&2S. Ce type de répétition à deux pieds
se retrouve non seulement chez les personnages, mais aussi dans les scénarii, narrations, motifs
littéraires etc. Nous verrons aussi (notamment avec les personnages) que ce rythme binaire existe

31/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

par similarité, et par oppositions : on trouve par exemple des personnages qui se ressemblent, ou
qui s’opposent.

Ce type de rédaction vient appuyer le fait que la rédaction des deux premiers chapitres du livre des
rois en tant que reprises de thèmes du règne de David n'est pas neutre.

Le travail ci-dessous n'est pas exhaustif, mais vise à sensibiliser à ces parallèles et répétitions. Il
s'agit ici de montrer que ce rythme binaire peut se constater à tous les niveaux de la narration.

1.2.1 Un rythme binaire chez les personnages de 1&2 S

1.2.1.1 Un rythme binaire chez les grands personnages de 1&2 S

On a pour le cas des personnages deux types de rythmes binaires :


• L'un par opposition : les personnages se correspondent
• L'autre par similarités : les personnages s'opposent

1.2.1.1.1 Rythme binaire par similarité/analogie/ressemblance :

Personnage 1 Personnage 2
Éli, le mauvais prêtre, précurseur du bon Saül, le mauvais messie, précurseur du
prêtre qui agit selon le cœur de Dieu2 (Samuel) messie selon le cœur de Dieu3 (David)
Les deux mauvais fils d'Éli (Hophni et Les deux mauvais fils de Samuel (Yoël et
Pinhas4) qui lui valent d'être exclu par Dieu Abiyya5)qui lui valent d'être exclu par le
peuple qui veut se susciter un roi
Éli, premier prêtre de YHWH Samuel, deuxième prêtre de YHWH
Saül, premier roi d'Israël David, deuxième roi d'Israël
Abner (2S 2,8 => 4,1). Général de Saül Amasa (2S 17,25 ; 2S19,14 ; 2S20,4-13).
rival de David, détesté et tué par Joab Général d'Absalom, rival de David, détesté
et tué par Joab

En ajoutant les livres des Rois, nous avons de plus :

2 1S 2, 35 : je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira selon mon cœur et mon désir
3 1S 13, 14 : YHWH s'est cherché un homme selon son cœur et il l'a institué chef de son peuple
4 1S 1, 3 : là se trouvaient les deux fils d'Éli, Hophni et Pinhas, prêtres de YHWH
5 1S 8, 2 : Son fils aîné s'appelait Yoël et son cadet Abiyya ; ils étaient juges à Bersabée

32/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Absallom, le fils de David qui veut prendre Adonias, le fils de David qui tente aussi de
la place de David (2S 15) le renverser (1R 1)
Tamar / Bethsabée Abishag de Shunem

1.2.1.1.2 Rythme binaire par opposition

Personnage 1 Personnage 2
Pennina, mauvaise femme féconde 1S 1 Anne, bonne femme stérile 1S 1
Éli, prêtre infidèle 1S2-4 Samuel, prêtre fidèle qui agira selon le cœur de
Dieu 1S3
Saül, roi d'Israël dont la royauté ne tiendra David, selon le cœur de Dieu (1S13, 14), dont
pas 1S13,14 la royauté tiendra
Saül "mauvais messie" avec bon fils David, "bon messie" avec de mauvais fils
(Jonathan) (Absallom et Adonias)

1.2.1.2 Un rythme binaire chez les petits personnages : les porteurs de bonnes et mauvaises
nouvelles

Un exemple de petit personnage qui se retrouve à deux reprises (au moins) dans des situations très
semblables : le messager qui annonce une mauvaise nouvelle.

Messagers Homme de Benjamin. Mauvaise Amalecite. Mauvaise nouvelle


nouvelle pour Éli pour David.

Destinataires du Éli David


message
Champs 1S 4, 12-18 2S1, 1-16
Analogies dans Défaite d'Israël contre les Défaite d'Israël contre les
l’annonce Philistins Philistins
Mort des fils d'Éli, perte de Mort de Saül et ses fils
l'arche
Situations Le messager de mauvaise Le messager a tué Saül. Mort
nouvelle tue Éli par son d'un oint.
annonce. Mort d'un oint.

33/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Descriptions du - vêtements déchirés et la tête - vêtements déchirés et la tête


messager couverte de poussière (v. 12) couverte de terre
- A couru hors des lignes (v. 12) - v. 3 Je me suis échappé du camp
et v. 16 “C'est moi qui arrive des d'Israël
lignes, je me suis enfui des lignes
aujourd'hui”
Les annonces du 16 [...] celui-ci [Éli] demanda : “Que 4 David demanda : “Que s'est-il
message s'est-il passé, mon fils ?” passé ? Informe-moi donc !” L'autre
17 Le messager répondit : “Israël a fui dit : “C'est que le peuple s'est enfui
devant les Philistins, ce fut même une de la bataille, et parmi le peuple
grande défaite pour le peuple ; tes deux beaucoup sont tombés et sont morts.
fils sont morts, Hophni et Pinhas, et Même, Saül et son fils Jonathan sont
l'arche de Dieu a été prise !” morts !”

La deuxième partie de la description du messager de David se retrouve ensuite chez les messagers
de la mort d'Ishboshèt. Ils meurent. Comme l'Amalécite meurt.

Il y a d'autres rythmes binaires que l'on peut retrouver chez les messagers dans les livres de Samuel.
Notamment à propos des intrigues autour des messagers (ceux qui annoncent une mauvaise
nouvelle, ceux qui pensent annoncer une bonne nouvelle mais qui s'avère mauvaise etc.). Nous
avons comme autres messagers de 1&2 S :

- 2S 18, 19-31 : Ahimaaç fils de Sadoq (premier porteur de bonne nouvelle, sans dire la
mauvaise) et le Kushite (annonce la mort d'Absalom : mauvaise nouvelle en pensant que
c'en est une bonne)
- 2S4, 5-12 : d'autres messagers d'une mauvaise nouvelle qu'ils pensent bonne à David :
Rékab et Baana en lui apportant la tête d'Ishboshèt. Ils meurent tous les deux.

1R 1 reprend ce thème du messager (cf. Yonatân).

1.2.2 Un rythme binaire dans différents scenarii et scènes de 1&2 S

1.2.2.1 Scénario : reniement de Saül en 1S13 et reniement d'Éli en 1S3 annoncés par Samuel

34/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Un rythme binaire est aussi à constater dans la réalisation de certains scenarii. Comme ici la manière
dont se passent les exclusions d'Éli et de Saül, respectivement de leur sacerdoce et de leur royauté.
L'histoire de répète de la même manière en beaucoup de points.

Exclusion d'Éli Exclusion de Saül


Nombre de 3 temps : 3 temps :
temps 1- 1S 2, 27-36 : annonce de 1- 1S 13, 10-14 : annonce directe de
l'homme de Dieu Samuel
2- 1S 3, 10-21 : annonce de Dieu à 2- 1S 15, 10-27 : annonce de Dieu à
Samuel, puis de Samuel à Éli Samuel, puis Samuel à Saül
3- 1S 4, 12-18 : annonce par 3- 1S 28,16-19 / 1S31 : sorcière d'En
l'homme de Benjamin de la mort d'Or et bataille de Gelboé, puis sa mort
de ses fils, puis du sort de l'arche à après le combat contre les Philistins et sa
la suite d'une bataille contre les défaite prophétisée par Samuel en 1S28.
Philistins. Puis mort.
Analogies 1er 1S 2, 27-36 : annonce de l'homme 1S 13, 8-14 : annonce de Samuel.
temps de Dieu.

Cause : Cause :
Sacrifices et offrandes mal faites, Un sacrifice d'holocauste et communion
détournement du commandement (v.9-10). Mais pas très clair (voir suite).
prescrit (v.29-30) : Pourquoi piétinez- Surtout de ne pas avoir gardé le
vous mon sacrifice et mon offrande que commandement prescrit (v. 13) : tu as agi
j'ai prescrits dans la Demeure ? en insensé ! Tu n'as pas gardé le commandement
Pourquoi honores-tu tes fils plus que moi, que YHWH ton Dieu t'avait prescrit.
en vous engraissant du meilleur de toutes
les offrandes d'Israël, mon peuple ?

Conséquence : (v. 35) Conséquence : (v.14)


Je me susciterai un prêtre fidèle qui agira YHWH s'est cherché un homme selon son cœur
selon mon cœur et mon désir, je lui bâtirai et il l'a institué chef de son peuple, parc que tu
une maison stable et il marchera toujours n'as pas gardé ce que YHWH t'avait prescrit
en présence de mon oint.

Analogies 2ème 1S 3, 10-21 : 1S 15, 10-27 :


temps Annonce directe de Dieu à Annonce directe de Dieu à Samuel, puis
Samuel, puis de Samuel à Éli Samuel à Saül

35/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Contexte : Contexte :
Annonce de Dieu nocturne à Annonce nocturne de Dieu à Samuel
Samuel (vv. 2-3) (vv. 10-11 et v.16)
Puis annonce matinale à Éli Puis annonce matinale à Saül (v.12)
(vv.15-18)

Cause : Cause : n'avoir pas fait tout l'anathème.


vv. 13-14 : parce qu'il savait que ses fils Et s'être rué sur le butin (v. 19).
insultaient Dieu et q qu’il ne les a pas vv. 24 : J'ai péché en transgressant l'ordre de
corrigés. | C'est pourquoi - je le jure à la Yhwh et de tes paroles, parce que j'ai eu peur
maison d'Éli - ni sacrifice ni offrande du peuple et je lui ai obéi.
n'effaceront jamais la faute de la maison Donc il y a une histoire de désobéissance
d'Éli à Dieu et d'avoir pris ses parts au butin
Il y a ici une désobéissance aux qui appartient à Dieu.
ordres de Dieu, ses fils ayant pris
part à ce qui appartenait à Dieu.
Conséquence :
Conséquence : Transfert de la fonction royale
Transfert de la fonction vv.28 : Aujourd'hui, YHWH t'a arraché la
sacerdotale royauté sur Israël et l'a donnée à ton voisin, qui
v. 20 : tout Israël sut, depuis Dan est meilleur que toi
jusqu'à Bersabée, que Samuel était David sera oint quelques lignes plus tard.
accrédité comme prophète de Yhwh Mais Saül reste en place jusqu'à sa mort.
Mais Éli reste en place jusqu'à sa
mort Saül sait que David est le prochain :
1S23, 17
Éli sait que Samuel est le prochain [Jonathan à David] Il lui dit : “Sois sans
: 1S 3, 20 crainte, car la main de mon père Saül ne
Tout Israël sut, depuis Dan jusqu'à t'atteindra pas. C'est toi qui régneras sur Israël
Bersabée, que Samuel était accrédité et moi je serai ton second ; mon père Saül lui-
comme prophète de YHWH même le sait bien.”
Analogies 3ème 1S 4, 12-18 : 1S 28,16-19 :
temps Annonce par l'homme de Annonce via sorcière d'En d'Or, puis par
Benjamin de la mort de ses fils, Samuel de son rejet et de sa mort, de la
puis du sort de l'arche à la suite mort de ses fils et de la défaite contre les
Philistins à Gelboé

36/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

d'une bataille contre les Philistins.


Puis mort d'Éli.
Contexte :
Contexte : Bataille contre les Philistins
Bataille contre les Philistins Idolâtrie/divination avec la sorcière
Idolâtrie avec l'Arche utilisée par le d'En d'Or.
peuple comme une idole (1S4, 3)

Conséquences : Conséquences :
Défaite contre les Philistins Défaite contre les Philistins à Gelboé
Mort d'Éli et de ses deux fils (1S31)
Plus d'arche, mais il reste Samuel Mort de Saül et de ses trois fils.
dans les parages. Plus de roi, mais il reste David dans les
parages

Les deux cas de rejet de la fonction sacerdotale ou royale se réalisent donc de manière identique,
en trois temps.

1.2.2.2 Scénario : institution et destitution de la royauté de Saül (en trois temps)

Cette sous-partie a été écrite avec l'aide de Gérard Massonat qui m'a confirmé le rythme ternaire
pour l'institution et l'exclusion de Saül. Selon lui la troisième répétition est à considérer comme une
confirmation. Ce qui explique le temps d'attente entre le deuxième rejet de Saül et sa destitution
(sa mort).

L'institution de la royauté de Saül ainsi que son exclusion fonctionnent de manière similaire, en
trois temps et présentent des correspondances frappantes. L'histoire s'écrit de la même manière.

Institution de la royauté de Saül Exclusion de Saül


Nombre de 3 temps : 3 temps :
temps 1- 1S 10, 1 : Samuel prit la fiole d'huile, 1- 1S 13, 10-14 : annonce directe de
la versa sur la tête de Saül Samuel
2- 1S 10, 22 : Saül désigné par le 2- 1S 15, 10-27 : annonce de Dieu à
sort Samuel, puis Samuel à Saül
3- 1S 28,16-19 / 1S31 : sorcière d'En
d'Or et bataille de Gelboé, puis sa mort

37/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3- 1S11, 12-15 : sacre de Saül par après le combat contre les Philistins et sa
le peuple après la victoire contre défaite prophétisée par Samuel en 1S28.
les Ammonites
Analogies 1er 1S 10, 1 : 1S 13, 8-14 : annonce de Samuel.
temps Samuel prit la fiole d'huile, la versa sur
la tête de Saül

Qui consacre ? Qui destitue ? Samuel seul.


Sacre de Saül par Samuel seul.

Qui est présent ? Dieu, Samuel et Qui est présent ? Samuel et Saül
Saül

Contexte : Contexte :
1S9 un sacrifice pour le peuple (v. Un sacrifice d'holocauste et de
12 il y a aujourd'hui un sacrifice pour le communion à Gilgal (v.9-10). Mais pas
peuple sur le haut lieu) offert par très clair (voir suite). Il est reproché à
Samuel sur un mont. Le contexte Saül de ne pas avoir gardé le
est ensuite exploré par Philippe commandement prescrit (v. 13) : tu as agi
Lefebvre. en insensé ! Tu n'as pas gardé le commandement
que YHWH ton Dieu t'avait prescrit.

Analogies 2ème 1S 10, 22 : 1S 15, 10-27 :


temps Saül désigné par le sort Annonce directe de Dieu à Samuel, puis
Samuel à Saül

Qui consacre ? Sacre de Saül par le Qui destitue ? Dieu prend la parole et
sort, donc par Dieu. parle à Samuel. C'est donc Dieu.

Qui est présent ? : le peuple, Qui est présent ? On ne sait pas. Peut-
Samuel et Saül. être le peuple car c'est pendant la
bataille...

Contexte : Contexte :
Réunion de tout le peuple à Miçpa. Bataille contre les Amalécites.
On tire au sort. Saül se cache dans Saül n'a pas voué à l'anathème tous les
les bagages (peur du peuple ?). Amalécites, ni tué Amalek.

38/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Puis acclamation du peuple. Mais Il a eu peur du peuple et a écouté sa voix.


on se moque de lui quand même.
Analogies 3ème 1S11, 12-15 : 1S 28,16-19 :
temps Victoire contre les Ammonites Annonce via sorcière d'En d'Or, puis
menée par Saül. Le peuple va faire par Samuel de son rejet et de sa mort, de
Saül roi. la mort de ses fils et de la défaite contre
les Philistins à Gelboé

Qui consacre ? Sacre de Saül par le Qui destitue ? Samuel, via la sorcière
peuple après la victoire contre les d'En d'Or (représentante du peuple ?)
Ammonites

Qui est présent ? En présence de Qui est présent ? La sorcière, Samuel, et


Samuel, Dieu (via holocaustes et Dieu
sacrifices de communion) et Saül.

Contexte :
Bataille contre les Ammonites à Contexte :
Yabesh de Galaad. Bataille contre les Philistins à Gelboé.

On constate donc des analogies dans les destitutions d'Éli et de Saül, et l'institution de Saül à propos
des personnes qui en sont en charge.
L'institution de Saül et les destitutions d'Éli et Saül se font :
• 1er temps : par le prophète
• 2ème temps : par Dieu, lui-même
• 3ème temps : par le peuple ou un de ses représentants (homme de Benjamin, sorcière d'En
d'Or ou le peuple lui-même pour l'institution de la royauté).

1.2.2.2.1 L'onction particulière de David à la lumière des analogies constatées ci-dessus.


Se passe-t-il la même chose pour David ? A-t-on le même mouvement binaire ?

On peut identifier :
- L'institution de la royauté par le prophète en 1S 16
- L'institution de la royauté par le peuple lui-même en 2S 2,4 (Hébron) puis en 2S 5,3 (Israël)

39/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Mais on ne peut pas identifier le troisième point, avec Dieu. Comment l'expliquer ? Serait-ce que
le troisième point (l'onction publique) a été faite dès le début en présence de ses frères ? Ou serait-
ce seulement que Saül et Éli sont à comparer, mais pas Saül et David ?

Institution de la royauté de Saül Institution de la royauté de David


Nombre de 3 temps : 2 ou 3 temps ?
temps 1- 1S 10, 1 : Samuel prit la fiole d'huile, 1- 1S 16, 13 : Samuel prit la corne d'huile et
la versa sur la tête de Saül l'oignit au milieu de ses frères.

2- 1S 10, 22 : Saül désigné par le sort 2- 2S 2, 4 : Sacre de David à Hébron


2bis ou 3- 2S 5, 3 : Sacre de David
3- 1S11, 12-15 : sacre de Saül par le comme roi sur Israël
peuple après la victoire contre les 3 ou 4- 2S 19, 10-15 ?
Ammonites
Analogies 1er 1S 10, 1 : 1S 16, 13 :
temps Samuel prit la fiole d'huile, la versa sur la Samuel prit la corne d'huile et l'oignit au milieu
tête de Saül de ses frères.

Qui consacre ? Qui consacre ?


Sacre de Saül par Samuel seul. Sacre de David par Samuel seul.

Qui est présent ? Dieu, Samuel et Qui est présent ? Dieu, Samuel, David et
Saül ses frères
Parole de YHWH : Parole de YHWH :
1S 9 v. 17 : Voilà l'homme dont je t'ai v. 12 : Va donne-lui l'onction : c'est lui !
dit : C'est lui qui tiendra mon peuple en
main

Contexte : Contexte :
1S9 un sacrifice pour le peuple (v. Même contexte de sacrifice, ici utilisé
12 il y a aujourd'hui un sacrifice pour le pour donner l'occasion à Samuel de
peuple sur le haut lieu) offert par rencontrer Jessé et ses fils (vv. 2-3)
Samuel sur un mont. Le contexte
est ensuite exploré par Philippe
Lefebvre.

40/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Pas de mention de l'immolation du Pas de mention du sacrifice. On ne sait


sacrifice. Mais on a mangé quelque pas s'il a été immolé
chose.

1S 10, 10 : L'esprit de Dieu fondit sur v. 13 L'esprit de Yhwh fondit sur David à partir
lui de ce jour-là et pour la suite
Analogies 2ème 1S 10, 22 : ?
temps Saül désigné par le sort On n’a pas ici de référence à une onction
"divine". Sauf si elle est directement
Qui consacre ? Sacre de Saül par le comprise dans 1S16, quand Dieu
sort, donc par Dieu. s'adresse tout de suite à Samuel pour lui
dire que c'est bien David dont il s'agit, v.
Qui est présent ? : le peuple, Samuel 12 : Jessé l'envoya chercher : il était roux, avec un
et Saül. beau regard et une belle tournure. Et Yhwh dit :
"Va, donne-lui l'onction : c'est lui !"
Contexte :
Réunion de tout le peuple à Miçpa.
On tire au sort. Saül se cache dans
les bagages (peur du peuple ?). Puis
acclamation du peuple. Mais on se
moque de lui quand même.
Analogies 3ème 1S11, 12-15 : 2- 2S 2, 4 : Sacre de David à Hébron
temps Victoire contre les Ammonites 2bis ou 3- 2S 5, 3 : Sacre de David
menée par Saül. Le peuple va faire comme roi sur Israël
Saül roi. 3 ou 4- 2S 19, 10-15 : retour de David
parmi son peuple

Qui consacre ? Sacre de Saül par le Qui consacre ? Le peuple. Samuel est
peuple après la victoire contre les mort. Il n'y a pas de prophète cité.
Ammonites

Qui est présent ? En présence de Qui est présent ? Le peuple et David. Il


Samuel, Dieu (via holocaustes et n'y a pas de prophète. Et Dieu non plus
sacrifices de communion) et Saül. n'est pas cité dans ces passages. Il n'y a ni
holocauste, ni parole divine particulière.

41/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Comment interpréter ces différences entre David, Saül et Éli dans le déroulement des institutions
ou destitutions de postes sacerdotaux ou royaux (des postes d'Oint) ? Hypothèses :
• Faut-il absolument aller chercher dans les détails s'il n'y a pas les mêmes temps dans
l'onction de David ? Est-ce qu'il y aurait un troisième temps "caché" ? Ou y aurait-il un
prophète quelque part ?
• Est-ce plus simplement une manière de dire que David est différent ? Comme ce fut
différent pour Samuel ? Est-ce que David est alors à rapprocher de Samuel ?
• Ou faut-il croire que la première onction est valable pour toutes les onctions, ou au moins
deux, car on aurait à la fois Dieu (qui dit à Samuel qui il faut nommer et qui est présent
par l'holocauste), une sorte de tirage au sort avec les 7 frères qui passent devant lui, Samuel
(qui verse la corne d'huile) et les frères de David (qui représentent le peuple) ?

Cette dernière hypothèse est difficile à croire. Vu la grande évidence des parallèles entre Éli et Saül,
peut être vaut-il mieux avoir pour seule certitude que l'onction de David est différente. Comme
sera aussi celle de Salomon dans le livre des Rois.

1.2.2.3 Reprise dans un scenario : la destinée de l'Arche et de David


D'un point de vue plus général/macro, on peut aussi constater des similarités dans
certaines destinées et les actions de grande envergure (sur plusieurs chapitres). C'est le cas pour la
question de la remontée de l'Arche en Israël (après que les Israélites l'ont perdue en la traitant
comme un objet) et la remontée de David au pouvoir d’Israël (il remonte tout seul après que son
peuple l'a rejeté).

Analogie dans les scénarii entre David et l'Arche de Dieu :


- La chute de l'Arche (1S4) et sa remontée, toute seule, depuis chez les Philistins jusqu'à
Qiryat-Yéarim (1S 5-6-7)
- La chute de David jusque derrière le Jourdain (2S 15-16-17) remonte aussi tout seul au
pouvoir, sans rien faire comme l'arche (1S 18-19), après avoir été envoyé au-delà du
Jourdain par Absalom. Il n'est pas maître de ce qu'il fait, ce sont ses hommes et ses
serviteurs qui le remettent au pouvoir.

D'ailleurs, d'un point de vue topographique, dans les deux cas on constate une chute. La perte de
l'Arche la fait descendre des hauteurs, pour arriver au niveau de la mer. Et la chute de David aussi,
le fait descendre des monts de Jérusalem, jusqu'en bas, aux bords de la mer morte. Puis on constate
la même remontée de l'Arche vers Jérusalem.

42/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1.2.3 Un rythme binaire dans les épisodes de 1&2S

1.2.3.1 Épisodes du franchissement du Jourdain lié au renouvellement de la royauté de Saül et


David
On observe deux passages du Jourdain par les rois dans les livres de Samuel.

Saül David
Champ Aller-retour : 1S11, victoire contre Aller : 1S17, 17-29
les Ammonites. Retour : 1S19, 16-24

1ère analogie Messie d'Israël en difficulté qui est Messie d'Israël en difficulté qui se fait
dans les encore raillé et n'a pas l'accord de sortir de son poste par son fils
situations tout le peuple
2ème analogie Vient de se faire humilier et se tait Vient de se faire humilier, et se tait 2S
dans les 1S 10,27 16, 7-14
situations
Contexte Saül vient d'être nommé roi. Le David est bouté hors de chez lui par
particulier peuple n'est pas encore bien Absalom qui vient de prendre le
rassemblé derrière lui. pouvoir sur Hébron, a pris Jérusalem
et les concubines de David
Analogie dans Bataille au-delà du Jourdain. Bataille au-delà du Jourdain.
l'action : Yabesh de Galaad est au-delà du David contre son fils, Absalom. Mais
Jourdain (le Jourdain n'est pas lui ne combat pas. Ses serviteurs
mentionné). combattent à sa place
Saül contre Nahas (le serpent) Parti de David contre Amasa, petit fils
l'Ammonite de Nahas.

- Saül gagne en divisant ses troupes - David gagne en divisant sa troupe en


en trois 1S 11, 11 trois 2S 18, 2
Analogies dans - Saül renommé roi par le peuple - David renommé roi par le peuple,
les v.11,14-15, royauté renouvelée (royauté renouvelée), et a l'assurance
conséquences - Unification d'Israël autour de d'être roi sur Israël 2S19,23
Saül à Gilgal v.15 - Réunification d'Israël autour de lui
(après séparation avec Juda) à Gilgal 2S
- Les railleurs arrêtent de railler v. 19,16
12

43/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

- Les railleurs ne sont pas tués, - Les railleurs arrêtent de le railler


miséricorde du roi le jour de la (Shiméï au Jourdain v. 16-21)
victoire v12-13 - Les railleurs ne sont pas tués,
miséricorde du roi le jour de la victoire
2S 19, 22-24

Il est possible aussi d'ajouter le personnage de Nahas, le serpent en hébreu, dans les deux épisodes.
Saül bat Nahas le serpent au-delà du Jourdain, tandis que Nahas est présent par l'intermédiaire
d'Amasa, fils d'Abigayl, fille de Nahash (même racine que le serpent) en 2S17, 25.

On développera dans un papier à part la question du franchissement du Jourdain par les messies d’Israël, et de la
victoire contre Nahas le serpent, en lesquels on peut voir des références au baptême et à la royauté.

1.2.3.2 Épisodes de la réaction des rois à l'annonce de leur péché


De fortes ressemblances dans le scénario de la réaction des deux rois à un de leurs grands péchés
sont à noter. Elles montrent à nouveau un rythme binaire au sein des livres de Samuel.

Chez Saül : 1S 15 Chez David : 2S 12


Faute Épisode de l'anathème Amalécite Épisode de l'adultère avec Bethsabée
Annonce Prophète Samuel Prophète Natân
Sentence v.23 Parce que tu as rejeté la parole de - v.14 Seulement, parce que tu as outragé
YHWH, il t'a rejeté ; tu n'es plus roi YHWH en cette affaire, l'enfant qui t'est né
mourra
- v. 15. YHWH frappa l'enfant que la femme
d'Urie avait enfanté à David, et il tomba
malade
Réaction à Saül implore en vain son pardon : David implore en vain son pardon :
la sentence - v.25 Maintenant je t'en prie, pardonne - v. 16 David implora Dieu pour le garçon : il
mon péché et reviens avec moi, que je me jeûnait strictement, rentrait chez lui et passé la
prosterne devant YHWH nuit couché par terre
- v. 27 Comme Samuel se détournait pour
partir, Saül saisit le pan de son manteau,
qui fut arraché
Effectivité v.28 Aujourd'hui, YHWH t'a arraché la v. 19 L'enfant est-il mort ? et ils répondirent :
de la royauté sur Israël et l'a donnée à ton voisin "Il l'est."
sentence qui est meilleur que toi

44/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Réaction Saül se prosterne devant Dieu David se prosterne devant Dieu


après v.31 Samuel revint en compagnie de Saül et v.20 Alors David se leva de terre, se baigna, se
l'effectivité celui-ci se prosterna devant YHWH parfuma et changea de vêtements. Puis il entra
de la dans la maison de YHWH et se prosterna
sentence

1.2.3.3 Reprise dans l’épisode de l'humiliation du roi

Humiliation de Saül par des vauriens au Humiliation de David par Shiméï 2S16
moment de sa deuxième nomination en tant lorsqu'il est bouté hors de la Terre Promise.
que roi d'Israël 1S10, 27. Saül ne dit rien. David ne dit rien.
1S 10, 27 1S16, 7-14
Mais des vauriens dirent : “Comment celui-là nous 7 Voici ce que Shiméï disait en le maudissant : “Va-
sauverait-il ?” Ils le méprisèrent et ne lui offrirent pas t'en, va-t'en, homme de sang, vaurien ! 8 YHWH a fait
de présent, mais lui il garda le silence. retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, dont
tu as usurpé la royauté ; aussi YHWH a-t-il remis la
royauté entre les mains de ton fils Absalom. Te voilà
livré à ton malheur, parce que tu es un homme de sang.”
9 Abishaï, fils de Çeruya, dit au roi : “Faut-il que ce
chien crevé maudisse Monseigneur le roi ? Laisse-moi
traverser et lui trancher la tête.”
10 Mais le roi répondit : “Qu'ai-je à faire avec vous, fils
de Çeruya ? S'il maudit et si YHWH lui a ordonné :
“Maudis David”, qui donc pourrait lui dire :
“Pourquoi as-tu agi ainsi ?””
11 David dit à Abishaï et à tous ses serviteurs : “Voyez
: le fils qui est sorti de mes entrailles en veut à ma vie.
À plus forte raison maintenant ce Benjaminite !
Laissez-le maudire, si YHWH le lui a commandé.
12 Peut-être YHWH considérera-t-il ma misère et me
rendra-t-il le bien au lieu de sa malédiction
d'aujourd'hui.”
13 David et ses hommes continuèrent leur route. Quant
à Shiméï, il s'avançait au flanc de la montagne,

45/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

parallèlement à lui, et tout en marchant il proférait des


malédictions, lançait des pierres et jetait de la terre.

1.2.4 Un rythme binaire dans des motifs et détails


Cette répétition à deux pieds dans les livres de Samuel se note aussi dans des motifs et des détails
plus petits. Tous les niveaux de détails sont donc représentés. Deux exemples ci-dessous.

1.2.4.1 Motifs : La mort de Saül et la mort d'Absalom tête pendue et transpercés


• Mort de Saül transpercé et tête pendue aux remparts de Bet Shéan : 1S31, 4-5 puis 1S31,10
• Mort d'Absalom tête pendue à un arbre et transpercé : 2S19, 9 puis 2S19, 14

1.2.4.2 Le roi arrache le pan du manteau de son prédécesseur

Saül arrache le pan du manteau de Samuel : David arrache le pan du manteau de Saül :
1S15,27 1S24,4
Comme Samuel se détournait pour partir, Saül saisit Les hommes de David lui dirent : “Voici le jour dont
le pan de son manteau, qui fut arraché, YHWH t'a dit : Voici que je vais te livrer ton ennemi
entre tes mains et tu agiras envers lui comme bon te
semblera.” David se leva et coupa furtivement le pan
du manteau de Saül.

1.2.5 Un rythme binaire dans la rédaction des épisodes

Le rythme binaire se remarque dans le fond, mais aussi dans la forme et particulièrement la
rédaction de certains épisodes de 1&2 S. On peut le remarquer dans les deux exemples ci-dessous,
à petite et plus grande échelle.

1.2.5.1 L'introduction des situations d'Elqana et de Qish


Les récits d'introduction d'Elqana et de Qish (respectivement les pères de Samuel et père de Saül)
se ressemblent fortement dans leur manière de présenter la situation. On a un homme, sa
provenance, ses ancêtres, et ses intrigues. La structure de l'introduction est la même.

46/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1S 1, 1-3 1S 9, 1-3
1 1
Il y avait un homme de Ramatayim-Çophim, de Il y avait un homme de Benjamin qui s'appelait
la montagne d'Éphraïm, qui s'appelait Elqana, Qish, fils d'Abiel, fils de Çeror, fils de Bekorat,
fils de Yeroham, fils d'Élihu, fils de Tohu, fils de fils d'Aphiah, fils d'un Benjaminite, un homme
Çuph, un Éphratéen. vaillant.
2 2
Il avait deux femmes : l'une s'appelait Anne, Il avait un fils nommé Saül, homme jeune et
l'autre Peninna ; mais alors que Peninna avait des beau. Nul parmi les Israélites n'était plus beau
enfants, Anne n'en avait point. que lui : de l'épaule et au-dessus, il dépassait tout
3
Chaque année, cet homme montait de sa ville le peuple.
3
pour adorer et pour sacrifier à YHWH Sabaot à Les ânesses appartenant à Qish, père de Saül,
Silo – là se trouvaient les deux fils d'Éli, Hophni s'étant égarées, Qish dit à son fils Saül : “Prends
et Pinhas, prêtres de YHWH. avec toi l'un des jeunes gens. Lève-toi, pars à la
recherche des ânesses.”

1.2.5.2 Narration : les récits d'introduction de Saül et de Jonathan : 1S9 et 1S14. Rythme binaire
par opposition.
À plus grande échelle, on remarque une structure narrative ressemblante dans les récits
d'introduction de Saül et de Jonathan.
Introduction de Saül 1S9, 3-14 Analogies Introduction de Jonathan 1S14, 1-14

3 Les ânesses appartenant à Qish, père Qish demande à 1 Un jour le fils de Saül, Jonathan, dit à
de Saül, s'étant égarées, Qish dit à son Saül de partir. Et son écuyer : “Viens, traversons jusqu'au
fils Saül : “Prends avec toi l'un des Jonathan part sans poste des Philistins qui est de l'autre côté”,
jeunes gens. Lève-toi, pars à la recherche que son père ne lui mais il n'avertit pas son père.
des ânesses.” demande.
Tous les deux
partent à deux,
avec un serviteur.

47/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

4 Il traversa la montagne d'Éphraïm, il Suite de l'intrigue... 2 Saül était assis à la limite de Gibéa, sous
traversa le pays de Shalisha sans rien le grenadier qui est à Migrôn, et le peuple
trouver ; il traversa le pays de Shaalim qui était avec lui était d'environ six cents
et elles n'y étaient pas ; il traversa le pays hommes.
de Benjamin sans rien trouver. 3 Ahiyya, fils d'Ahitub, frère d'Ikabod, fils
de Pinhas, fils d'Éli, le prêtre de YHWH à
Silo, portait l'éphod. Le peuple ne savait
pas que Jonathan était parti.
4 Parmi les passages que Jonathan cherchait
à traverser pour attaquer le poste des
Philistins, l'un d'eux avait une dent de
rocher d'un côté et une dent de rocher de
l'autre ; l'une s'appelait Boçèç, et l'autre
Senné.
5 L'une des dents se dresse au nord, face à
Mikmas, l'autre au sud, face à Géba.

48/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

5 Lorsqu'ils furent arrivés au pays de Saül demande quoi 6 Jonathan dit à son écuyer : “Viens,
Çuph, Saül dit au jeune homme qui était faire à son traversons jusqu'au poste de ces incirconcis.
avec lui : “Allons ! Retournons, de peur serviteur. C'est son Peut-être YHWH agira-t-il pour nous, car
que mon père cesse de penser aux ânesses serviteur qui l'aide rien n'empêche YHWH de donner la
et qu'il ne s'inquiète pour nous.” et le fait avancer. victoire, qu'on soit beaucoup ou peu.”
6 Mais celui-ci lui répondit : “Voici Alors qu'ici, c'est 7 Son écuyer lui dit : “Fais tout ce que tu
qu'un homme de Dieu se trouve dans Jonathan qui prend veux. Suis ton penchant. Je t'accompagne.
cette ville. C'est un homme réputé : tout les initiatives vis à Comme tu veux !”
ce qu'il dit arrive sûrement. Allons-y vis de son 8 Jonathan dit : “Voici que nous allons
donc, peut-être nous renseignera-t-il sur serviteur. Et son nous diriger vers ces hommes et nous laisser
le voyage que nous avons entrepris.” serviteur qui découvrir par eux.
7 Saül dit au jeune homme : “Si nous y accepte. Il y a donc 9 S'ils nous disent : “Restez immobiles
allons, qu'apporterons-nous à l'homme inversion des rôles jusqu'à ce que nous vous rejoignions”, nous
de Dieu ? Le pain a disparu de nos sacs dans les scènes. resterons sur place et nous ne monterons pas
et nous n'avons pas de présent à apporter vers eux.
à l'homme de Dieu. Qu'avons-nous ?” 10 Mais s'ils nous disent : “Montez vers
8 Le jeune homme répondit à Saül et lui nous”, nous monterons, car YHWH les
dit : “Voici j'ai en ma possession un aura livrés entre nos mains : cela nous
quart de sicle d'argent, je le donnerai à servira de signe.”
l'homme de Dieu et il nous renseignera
sur notre voyage.”
9 Autrefois en Israël, on parlait ainsi
lorsqu'on allait consulter Dieu : “Allons
donc chez le voyant”, car le prophète
d'aujourd'hui on l'appelait autrefois “ le
voyant”.
10 Saül dit au jeune homme : “Tu as
bien parlé, allons donc !” Et ils allèrent
à la ville où se trouvait l'homme de Dieu.

49/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

11 Comme ils gravissaient la montée de Saül et Jonathan 11 Ils se laissèrent donc découvrir tous les
la ville, ils rencontrèrent des jeunes filles montent vers ce deux par le poste des Philistins. Les
qui sortaient pour puiser l'eau et ils leur qu'ils cherchent. Et Philistins dirent : “Voici des Hébreux qui
demandèrent : “Le voyant est-il ici ?” ce sont ensuite les sortent des trous où ils se cachaient.”
12 Elles leur répondirent en disant : “Il troisièmes 12 Les hommes du poste, s'adressant à
y est ; le voici devant toi. Hâte-toi protagonistes (d'un Jonathan et à son écuyer, dirent : “Montez
maintenant : il est venu aujourd'hui en côté les femmes vers nous, que nous vous apprenions quelque
ville, car il y a aujourd'hui un sacrifice qui puisent de l'eau chose.” Alors Jonathan dit à son écuyer :
pour le peuple sur le haut lieu. et de l'autre côté les “Monte derrière moi, car YHWH les a
13 Dès que vous entrerez en ville, vous gardes Philistins) livrés aux mains d'Israël.”
le trouverez avant qu'il ne monte au haut qui demandent de 13 Jonathan monta en s'aidant des mains
lieu pour le repas. Le peuple ne mangera continuer à et des pieds, et son écuyer le suivit ; ils
pas avant son arrivée, car c'est lui qui monter. tombaient devant Jonathan et son écuyer les
doit bénir le sacrifice ; après quoi, les achevait derrière lui.
invités mangeront. Maintenant, montez, 14 Ce premier coup porté par Jonathan et
car lui, vous le trouverez sur-le-champ.” son écuyer frappa une vingtaine d'hommes
14 Ils montèrent donc à la ville. Comme sur environ la moitié d'un champ de labour,
ils entraient dans la ville, Samuel sortait un arpent de terre.
à leur rencontre pour monter au haut
lieu.

Il y a donc à la fois un rythme binaire par analogie dans les situations entre Saül et Jonathan,
qui partent tous les deux dans une quête avec leur serviteur. Et à qui un groupe de personnes
(femmes ou gardes) donne l'ordre de continuer à monter/"gravir".

Mais il y a aussi un vrai rythme binaire par opposition dans le rôle que joue Saül et celui que joue
Jonathan dans leur duo formé avec leur serviteur. Saül est passif et son serviteur décide, ce qui est
le contraire pour Jonathan qui est entreprenant et prend les décisions.

1.2.6 Conclusion sur les rythmes binaires, ou répétitions

Les deux premiers chapitres du livre des Rois nous montraient donc déjà des reprises
nombreuses de personnages, situations et scénarii entre 1 Rois 1 et 2, et 1 et 2 Samuel. Et les livres
de Samuel nous confirment cette tendance à la reprise et la répétition dans les livres de Samuel.
Sont répétés deux fois : des personnages, des scénarii, des scènes, des épisodes, des motifs, des
détails et des constructions de narratives.

50/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Ces répétitions sont-elles des accidentelles ? Vu leur nombre, c’est peu probable. Leur utilisation
est-elle alors intentionnelle, pour souligner et établir un lien fort entre deux situations ? Est-ce
l’intention du récit de nous souligner une transformation, ou un évènement particulier de
l’histoire ?

1.3 Que peuvent mettre en valeur ces répétitions dans la vie de David ?

1.3.1 De manière générale, ces répétitions transmettent un message

Ces rythmes binaires sont autant de bornes dans le récit qui permettent de lier deux
évènements ou deux personnages de 1&2 Samuel. Ces liens ne sont pas aléatoires et l'étude des
similarités et des différences de chaque situation de binarité permet, selon moi, de comprendre
l'évolution du récit. À toute situation semblable et rythme binaire, il y a des différences. Le rythme
binaire (par analogie ou par opposition) donc est aussi une invitation à l'étude des contrastes. Ce
rythme est une indication claire du texte et une invitation pour le lecteur à comprendre l'articulation
entre deux évènements. La deuxième occurrence peut être perçue comme un miroir de la première
situation. Elle porte en elle même la première occurrence. Elle est une mise en abyme de la première
occurrence.

1.3.2 L’auteur semble inviter en 1R1&2, par ce procédé littéraire, à chercher l’élément
déclencheur du dénouement de la vie de David

La partie d'analyse de 1R 1&2 a permis de montrer une importante corrélation entre les
évènements, personnages, thèmes et scènes de ces chapitres et des livres de Samuel. Et
particulièrement leur corrélation avec le règne de David. Or, cette dynamique de répétition est aussi
présente intrinsèquement aux livres de Samuel. Il est donc difficile de croire que ce style soit
accidentel dans 1R 1&2.

Ce type de rédaction n'est donc pas neutre et nous invite bien à donner de l'importance à ces
répétitions dans 1R 1&2. Cela confirmerait l'hypothèse que ces répétitions sont intentionnelles, et
qu’elles mettent en abyme le récit de 1&2S pour en montrer la transformation. Ainsi, cela rend plus
que probable l'hypothèse d’un dénouement de l'histoire de David dans les deux premiers chapitres
des livres des Rois.

Or, qui dit dénouement, appelle à connaître l'action qui l’a déclenché. Si tous les anciens problèmes
du règne de David tombent un à un (le péché avec Bethsabée, la tentation charnelle de David, puis

51/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

le viol de Tamar, la première conséquence de son péché), quelque chose a bien dû bien basculer
dans la vie de David avant ces deux chapitres (1R 1&2).

La deuxième partie de l'étude cherchera alors à comprendre quelle est cette dynamique. Une
progression chronologique apparait effectivement chez David dans les livres de Samuel, et qu'elle
culmine au chapitre 24, sommet du récit, et lieu du basculement de la vie de David. L’étude visera
à montrer comment ce chapitre provoque le dénouement qui vient d’être étudié.

52/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

2 L’HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU A-T-IL PU EVOLUER, PROGRESSER,

GRANDIR ? SI OUI, PAR QUEL BIAIS ?

Nous venons de voir qu’il y a un véritable retournement de situation dans la vie de David en
1R 1&2. Ces deux chapitres peuvent être considérés comme le dénouement du récit. Or, un
dénouement a une cause, un facteur déclencheur. Lequel est-il ?

Nous allons découvrir dans cette partie que la vie de David peut se lire comme un récit, qui
progresse et évolue de manière chronologique avec son personnage principal. La vie de David est
longue : du chapitre 16 du premier livre de Samuel (1S, 16), passant par les 24 chapitres du 2ème
livre de Samuel, et se prenant fin au chapitre 2 du premier livre des Rois (1R, 2). Soit 41 chapitres
en tout.
Et sa vie est bien surprenante quand on la lit dans son ensemble. David est en effet d’abord un
jeune homme multipliant les miracles et les actes d’héroïsme grâce à Dieu, puis un roi très glorieux
au début de son règne, mais tout à coup au péché inexplicable en 2S11. Sa vie est loin d'être lisse.
Comment peut-on expliquer une telle incohérence dans la violence de ce péché par rapport à son
début de règne magnifique ?

Faut-il segmenter la vie de David et n'en prendre que la partie glorieuse jusqu'à son péché ? Serait-
ce lui, le David selon le cœur de Dieu ?

Et que faire alors des quinze autres chapitres qui suivent le péché de David avec
Bethsabée ? Nous allons découvrir que le récit de la vie de David nous invite à choisir l’ensemble
de sa vie, à regarder son évolution, et non à en piocher uniquement ses phases séduisantes.

Les livres de Samuel révèlent en effet une progression de David dans son rapport à Dieu. La vie
de David est un parcours jalonné de crises et de périodes plus calmes, qui le font grandir.
L'évolution du rapport de David à Dieu peut s'apparenter à l'évolution du rapport d'un enfant à
son père entre son enfance et l'arrivée à l'âge adulte. Cette partie vise à montrer que le parcours de
la vie de David aboutira à un sommet dans la foi de David, au chapitre 24.

Voici les grandes lignes du découpage des phases de la vie de David que nous allons étudier :
1. Constance. David à un rapport à Dieu semblable à celui d’un petit enfant à son père : 1S16-
2S10
2. Crise. David connaît le péché : 2S11-12
3. Constance. David rumine dans son péché et ses conséquences. Il agit en homme et en roi,
mais son rapport à Dieu est beaucoup moins marqué. 2S13-14.

53/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

4. Crise. Survient la révolte d'Absalom. David se fait bouter hors de Jérusalem et s'ensuivent
bien d'autres évènements secouants pour lui. 2S15-19
5. Constance. David retourne à Jérusalem où il retrouve son règne et ses différents devoirs de
roi. C'est à nouveau une période plus calme. David traite les affaires du pays comme un
roi. Cependant, son rapport à Dieu semble meilleur. Il se remet par exemple à chanter. 2S
20-23
6. Crise. David retombe une dernière fois dans son péché dans l'épisode du dénombrement
du peuple. À ce moment précis il exprime sa connaissance de la miséricorde de Dieu en
posant un acte fort, en 2S 24

2.1 Le rapport entre David et Dieu ressemble à celle d’un fils à son père

Dans ces différentes phases de la vie de David, on pourrait voir un rapport à Dieu qui
évolue, comme un fils peut évoluer dans son rapport avec son père de l'enfance à l'âge adulte.
Quelles grandes lignes pourrait-on dégager dans ce rapport père/fils ? Ces dernières sont
évidemment bien simplistes ou idéalistes, mais l'idée est de tirer des grands traits au milieu d'une
foule de détails.

Phase 1 - L'enfance.
Admiration et adoration totale de l'enfant vis à vis de son père, élevé parfois au rang d'idole. Amour
inconditionnel et entier. Toutefois, la réaction à la punition est particulière. Un enfant qui se fait
gronder par son père reçoit la punition, pleure, et dès que l'évènement est terminé (après quelques
minutes), tout repart et se remet en ordre.

Phase 2 - La montée vers l'adolescence.


C'est la période où les chutes sont plus grandes. L'enfant commence à faire des bêtises plus graves.
Il est sanctionné par le père, mais la sanction est reçue de manière plus dure. Il ne l'accepte moins
ou ne l'accepte pas. L'enfant ne comprend pas le père, il peut même le juger ou s'énerver en
conséquence. C'est plus dur, mais l'enfant grandi.

Phase 3 - la fin de l'adolescence et la montée vers l'âge à adulte


L'adolescent commence à comprendre que les sanctions reçues de son père sont pour son bien et
accepte sa punition. Alors il se met en chemin en ré-acceptant l'autorité paternelle. Il pressent ou
sent qu'il y a quelque chose de bien au bout de cette punition.

Phase 4 - l'âge adulte

54/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

L'adolescent comprend de plus en plus que l'éducation reçue et les punitions infligées étaient pour
son bien, et qu'elles étaient même l'expression de l'amour de son père pour lui. Ainsi la foule de
punitions n'était qu'une manière d'éduquer. Alors tout change radicalement dans le rapport du père
à l'enfant. L'enfant commence à connaître son père. Il a alors moins peur de lui, et surtout moins
peur des bêtises qu'il va pouvoir faire, donc des punitions, car il sait que son père le reprendra pour
son bien. C'est une phase qui prend du temps. Le fils est alors capable d'aller directement se
remettre entre les mains du père quand il a pu commettre une faute. Car il saura que son père lui
veut du bien. Et le rapport du père au fils se transforme : le père reconnaît le fils en tant qu'homme.

Nous allons voir comment la vie de David révèle ce rapport qu’il a à Dieu.

2.2 Alors, comment David évolue-t-il précisément au cours de sa vie ?

2.2.1 L'enfance de la foi de David : 1S16-2S9

Il est étonnant de constater le rapport à la fois magnifique et naïf que David peut avoir avec Dieu
au début de son histoire. Entre 1S16 et 2S10, David paraît être un exemple de vertu et un saint tant
ses exploits sont nombreux.

L'extrême respect et adoration qu'il a pour Dieu accouche d'un grand nombre de vertus presque
extraordinaires. On pourrait faire une esquisse de liste :
- Courageux : ose affronter Goliath et le met à mort 1S17
- Humble : accepte la poursuite de Saül et de quitter Israël en étant congédié chez les
Philistins
- Juste : ne tue pas Saül à deux reprise (1S24, 1S26), partage le butin avec tous ses
compagnons, même les rebelles
- Libre : danse nu pour Dieu devant l'arche sans s'effrayer de s'humilier
- Fidèle et généreux : bon envers Mephibaal, descendant de Saül, par fidélité envers
Jonathan 2S9
- Miséricordieux : pleure sur la mort de celui qui le persécute 2S1
- Chef de guerre conquérant : est toujours en première ligne dans les combats et gagne
les batailles, et prend Jérusalem
- Pieux et entreprenant : propose à Dieu de lui construire un Temple pour son arche (2S7)
- Simplicité et pragmatisme : épisode d'Abigayl en 1S25. David sait se conformer aux
règles locales et faire valoir son droit
- David est, de plus, musicien, poète etc.

55/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David est donc un homme presque sans reproches dans cette période de sa vie. Il est le très fidèle
et bon serviteur de Dieu. Et cette relation à Dieu lui fait faire des merveilles, il agit en exemple de
vertu.

Cette relation d'amour et d'adoration profonde pour le Seigneur pourrait être comparable à celle
d'un petit enfant vis à vis de son père. Son adoration sans borne lui donne une force sans limite et
explique tous les exploits de David.

Ces vertus liées à son adoration et sa foi en Dieu sont particulièrement visibles dans trois cas
particuliers, ci-dessous.

2.2.1.1 L'épisode de Goliath, 1S17

David ose aller combattre contre Goliath au nom de Dieu, ses arguments sont tranchants
et l'expression d'une foi chevillée au corps. Sa foi est que le peuple d'Israël est protégé de Dieu. Il
agit au nom de Dieu et avec la force de Dieu. Il vient dès le deuxième chapitre après son onction,
remplir son rôle d'Oint de YHWH : sauver son peuple de la main des Philistins.

Dans les arguments pour aller combattre :


1S17, 26 : en questionnant les soldats
26 David dit à ceux qui se tenaient près de lui : “Qu'est-ce qu'on fera à celui qui abattra ce Philistin et qui écartera
la honte d'Israël ? Qu'est-ce que ce Philistin incirconcis pour qu'il ait lancé un défi aux troupes du Dieu vivant ?”
1S 17, 36-37 : en réponse à Saül.
36 Ton serviteur a battu le lion et l'ours, il en sera de ce Philistin incirconcis comme de l'un d'eux, puisqu'il a lancé
un défi aux lignes du Dieu vivant.”
37 David dit encore : “YHWH qui m'a arraché aux griffes du lion et de l'ours m'arrachera de la main de ce Philistin.”
Alors Saül dit à David : “Va et que YHWH soit avec toi !”

Au moment de l'attaque contre Goliath :


1S 17, 45-47 :
45 Mais David répondit au Philistin : “Tu viens vers moi avec une épée, une lance et un cimeterre, mais moi, je viens
vers toi au nom de YHWH Sabaot, le Dieu des lignes d'Israël, à qui tu as lancé un défi. 46 Aujourd'hui, YHWH
te remettra en ma main, je t'abattrai, je te couperai la tête, et aujourd'hui même je donnerai les cadavres du camp
philistin aux oiseaux du ciel et aux bêtes sauvages. Toute la terre saura qu'il y a un Dieu en Israël, 47et toute cette
assemblée saura que ce n'est pas par l'épée ni par la lance que YHWH donne la victoire, car YHWH est maître du
combat et il vous livre entre nos mains.”

56/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

2.2.1.2 Dans sa relation conflictuelle à Saül 1S23-2S1

David, au nom de Dieu, épargne Saül, son persécuteur à deux reprises. Son rapport à l'Oint
de Dieu illustre toute la vénération qu'il a pour Dieu à cette période de sa vie. C'est une vénération
qui lui donne une très grande force. Dont la force d'aimer son ennemi. David se soumet à Saül, et
accepte son sort (être exclu d'Israël, congédié chez les Philistins et persécuté injustement) en
confiance, sans se rebeller. Lui qui sait pourtant qu'il est aussi l'Oint de Dieu.

David épargne une première fois Saül, 1S24 : dans les grottes d'En Guedi, au nom de Dieu :
11 En ce jour même, tes yeux ont vu comment YHWH t'avait livré aujourd'hui entre mes mains dans la grotte. On
a parlé de te tuer, je t'ai épargné et j'ai dit : Je ne porterai pas la main sur mon seigneur, car il est l'oint de YHWH.

David épargne une seconde fois Saül, 1S26 : dans le désert de Ziph
9 David dit à Abishaï : “Ne le fais pas périr ! En effet qui pourrait porter la main sur l'oint de YHWH et rester
impuni ?”
10 David dit : “Par la vie de YHWH, c'est YHWH qui le frappera, soit que son jour arrive et qu'il meure, soit qu'il
descende au combat et qu'il y périsse.
11 Que YHWH m'ait en abomination si je porte la main sur l'oint de YHWH ! Maintenant, prends donc la lance
qui est à son chevet et la gourde d'eau, et allons-nous-en.”

Son cœur ira jusqu'à le faire pleurer la mort de Saül en 2S1.

2.2.1.3 Episode de la danse devant l'arche et Mikal 2S

C'est un des sommets de la dévotion publique de David à Dieu. Il est capable de tout pour
Dieu, même de se mettre à nu devant son peuple. Il ne craint pas l'image qu'il donne de lui tant
que c'est pour le Seigneur, au point que sa femme Mikal en vienne à le mépriser (2S 6, 14-16.20).
À David de se justifier encore par sa profonde dévotion à Dieu.

2S 6, 21-22 :
21 Mais David dit à Mikal : “C'est devant YHWH qui m'a choisi de préférence à ton père et à toute sa maison
pour m'instituer chef sur le peuple de YHWH, sur Israël, c'est devant YHWH que je danse.
22 Je m'abaisserai encore plus, et je serai vil à tes yeux, mais auprès des servantes dont tu parles, auprès d'elles je
serai en honneur.”

57/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

2.2.1.4 La proposition de construire le Temple 2S7 : entre sommet et méconnaissance

Cette dévotion totale et sans limite pour Dieu fait évidemment faire des merveilles à David.
David a installé son pouvoir à Jérusalem et y a fait venir l'arche. À ce moment-là, David va faire sa
proposition de construction d'un Temple à Dieu. Elle est à la fois la proposition la plus éclairée de
son règne, et la première à révéler une méconnaissance de David vis à vis de Dieu. Il à la fois
honoré et repris par Dieu.

2.2.1.4.1 La proposition la plus éclairée de David, un salut pour Israël.

La proposition de David de construire un Temple à Dieu est le sommet de sa première


phase de règne (avant le péché de Bethsabée). David est monté en puissance depuis son onction,
et fait preuve d'une dévotion sans limite pour Dieu. C’est une proposition pleine de bon sens, et
de volonté d’incarner Dieu sur terre, le faire vivre parmi les hommes (Lui proposer une maison, à
Lui qui est le Créateur de toute chose…). Cette proposition a pour conséquence la prophétie de
Natân qui est un salut pour David et pour Israël (cf. 2S7,19 Tu as parlé aussi en faveur de la maison de
ton serviteur pour un temps lointain). En effet, David y apprend la promesse que lui fait Dieu de lui
donner une descendance qui montera sur son trône. C'est cette même descendance qui lui
construira son Temple. David apprend donc que sa royauté tiendra jusqu'à sa mort (contrairement
à celle de Saül).

C'est un salut pour Israël, qui sera divisée en 1R 11, mais dont Salomon ne gardera qu'une partie,
en raison de David et de Jérusalem où le Seigneur s'est installé.
1R 11, 36 Pourtant je laisserai à son fils une tribu, pour que mon serviteur David ait toujours une lampe devant
moi à Jérusalem, la ville que j'ai choisie pour y placer mon Nom.

2.2.1.4.2 Une première reprise de Dieu qui montre une méconnaissance de Dieu chez David

La prophétie de Natân annonce le règne de David à sa mort, la bénédiction de sa maison,


la venue d'un de ses fils sur son trône etc. Mais il annonce aussi que ce n'est pas à David de faire
pour Dieu, mais que c'est Dieu qui fait pour David. Si la proposition de David est bien acceptée
comme un cadeau de David à Dieu, Dieu semble s'empresser de remettre David à sa place : est-ce
David qui va construire une maison à Dieu ? (v. 5) C'est moi qui t'ai pris au pâturage, derrière le troupeau,
pour être chef de mon peuple Israël (v.9). Sous-entendu : c'est Dieu qui dirige et qui donne tout, et David
doit donc rester à sa place. Alors, oui, Dieu accepte son cadeau, mais ce n'est pas David qui va le
faire, mais il lui annonce quand même que c'est apprécié, et qu'il aura ainsi une descendance.

58/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Ne serait-ce ainsi pas une première preuve d'un David qui méconnait Dieu ? Il se fait reprendre et
remettre à sa place de serviteur qui reçoit tout de son maître. On comprend effectivement que si
l'homme essaye de faire à la place de Dieu, il peut très vite se prendre pour Dieu. C'est peut-être
un excès de bonne volonté de la part de David, qui montre un fond qui ne connaît pas encore bien
qui est Dieu.

David est donc à ce stade de sa vie un homme dont la foi et la dévotion à Dieu fait faire des
merveilles et des exploits. Il un homme de décision, un combattant, un guerrier hors pair, un
musicien etc. Il fait la volonté de Dieu et s'attache à ce dernier comme jamais, tout en faisant preuve
d’une naïveté enfantine.

Mais David tombe ensuite de manière surprenante et subite dans un péché de chair (1S11), bien
décalé par rapport à sa piété. Il entre dans un cercle vicieux qui ne semble pas digne du David que
l'on connaissait auparavant.

D'aucuns pourraient dire qu'il s'agit de la fin du David glorieux, serviteur de Dieu, qui a observé
ses commandements et ses lois (cf. 1R 11, 34). Faudrait-il alors ne garder que cette partie de la vie
de David pour comprendre le "grand" David ? Ou faut-il prendre en compte l'ensemble du récit,
et considérer que ce n'est qu'un passage particulier du "grand" David, homme selon le cœur de
Dieu ? Dans ce dernier cas, comment expliquer ce péché subit ?

2.2.1.5 Une première introduction à la chute : 2S10

Ce chapitre 10, semble présenter des premiers détails particuliers sur David, comme des
prémices d'une chute, alors que David reste encore tout puissant et vainqueur des araméens. Cet
épisode peut être perçu comme une introduction lente et progressive vers la chute. Deux détails
peuvent laisser penser cette hypothèse :
- David tente de faire un pacte avec le descendant de Nahash l'Ammonite, lui qui avait été
battu par Saül à Yabesh de Galaad. Or, ce Nahash a pour nom "Serpent" (en hébreu). Ce
nom ne laisse pas indifférent. D'autant plus que Nahash (le serpent) apparait une dernière
fois dans un épisode similaire à celui de Saül, par l'intermédiaire de son petit-fils Amasa en
2S17. Et les deux épisodes de Saül et David sont des victoires contre ces serpents qui leur
permettent de renouveler leur royauté. La symbolique du baptême insiste donc sur le
caractère démoniaque possible de ce Nahash. Dès lors, est-ce anodin de voir David qui
propose au serpent d'agir en fidélité envers lui ? En ce début de chapitre 10, on pourrait
croire que David tente une alliance avec le serpent, le mauvais.

59/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

- Le deuxième détail marquant est que David ne part pas faire la guerre aux Ammonites.
David envoie Joab et toute l'armée des preux (2S10, 7), lui qui semble être toujours en tête
de son armée (comme dans la victoire suivante contre les Araméens). Or, "rester", pour
un roi, quand son armée se bat ne semble pas de bon présage. C'est ce qui est arrivé à Saül
quand Jonathan est allé se battre seul avec son serviteur contre les Philistins (1S14) et ce
qui arrivera à David au chapitre suivant quand il pèchera contre Bethsabée (2S11, 1)

Pour aller plus loin :


Sur Nahash, le serpent. Ce personnage est surprenant. Il est présent à trois moments particuliers
(clés ?) du récit :
- 1S11 : avant le "baptême" de Saül
- 2S10 : avant le péché de David avec Bethsabée. David fait un pacte avec la descendance
de Nahash. C'est étrange...
- 2S17 : avant le "baptême" de David

La chute si rapide de David qui suivra, ne révèle-t-elle pas son côté encore enfantin ? Peut être sa
naïveté ou sa méconnaissance de lui-même ?

2.2.2 La chute 2S11-12 : David connaît le péché

David est roux (admoni), rouge (adom) comme la terre (adama, Gn 2 7) dans laquelle
Adam a été pétri. David est fils d'Adam. David est pécheur.

Comme c'est surprenant de voir David tomber si vite et de si haut. Le roi est sacré roi d'Israël
depuis le chapitre 5 et glisse depuis sur une vague de réussites consécutives : prise de Jérusalem aux
Jébuséens (2S 5, 6-12), victoire sur les Philistins (2S 5, 17-25), remontée de l'arche à Jérusalem qui
avait été laissée depuis 30 chapitres (2S 6), prophétie de Natân qui lui promet une pérennité à la
maison de David (2S 7), guerres successives soumettant Philistins, Moabites, Araméens, Édomites,
Ammonites (2S 8.10) etc. et faisant le bien autour de lui (Méphibaal 2S 9).

David agit donc en Roi d'Israël depuis son sacre. Il libère son peuple des ennemis, soumet les
peuples extérieurs... mais il ne connaît pas le péché. Il ne connaît pas le mal jusque-là. La vie de
David commence à se stabiliser. On peut en tenir pour preuve le premier verset de 2S 11 :

Au retour de l'année, au temps où les rois se mettent en campagne, David envoya Joab et ses serviteurs avec lui ainsi
que tout Israël : ils massacrèrent les Ammonites et mirent le siège devant Rabba. Cependant David restait à
Jérusalem.

60/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David commence à ne plus être au combat (une première fois apparaît en 2S 10, 7), lui qui avait si
souvent été au milieu de ses troupes en tant que vaillant guerrier. David reste à Jérusalem (David
yoshev biyerushalaym). Il reste sans bouger tandis que son armée combat. On pourrait se demander si
c'est le même "yoshev" que celui de Saül en 1S14,2 (Veshaoul ioshev biqtzeh hagibea), quand Jonathan
part faire la guerre, mais que lui reste assis avec ses 600 hommes plutôt que de partir avec les
philistins ? Ou est-ce un simple "siégeait" à Jérusalem ? Dans les deux situations, les deux rois sont
assis pendant que les autres font la guerre à leur place. S’embourgeoisent-ils ?

La logique des choses voudrait que l'on en reste là. David a rempli son rôle, on voudrait
qu'il règne sur Israël, qu'il vive heureux et ait beaucoup d'enfants (dixit Etienne Nodet : les hommes
rêvent toujours de vie qui soit un long fleuve tranquille. Mais ce n'est jamais le cas ! Et bienheureux sommes nous.
Car si les rêves des hommes, d'une vie monotone, sans sursaut et tranquille se réalisaient, ils s'embêteraient bien. Les
hommes rêvent de cimetières). Et ce n'est pas le cas pour David. Son règne semble être installé, et c'est
à ce moment ci qu'il tombe, très fort. Comment faire ? Fermer les yeux, ou essayer de comprendre
ce qui a bien pu se passer chez David ?

Le chapitre 11 est un déchaînement des péchés chez David. Cette description est sans pareil dans
la Bible. Tout le chapitre 11 est une description du péché de David. Sa description est même plus
longue que celle du péché originel. Il ne fait que tomber plus bas à chaque chose qu'il entreprend.
Le roi juste, bon, généreux, devient l'expression du démon. Son péché original le mène à pécher
par trois fois au moins : convoiter Bethsabée le mène à l'adultère, qui le mène à tenter de manipuler
Urie, puis à le tuer en abusant de son pouvoir.

J'aimerais montrer que dans le déroulement de ce chapitre, il apparaît clairement que la foi de David
n'est pas encore enracinée au plus profond de son cœur. Tous ses principes volent en éclat.

2.2.2.1 Le péché avec Bethsabée 2S 11, 2-5

Voici une des manières dont on pourrait décrypter l’attitude de David.


2 Il arriva que, vers le soir, David est sur sa terrasse. Il est donc en position de domination. Il
David, s'étant levé de son lit, regarde de haut, symbole de son pouvoir. David, le petit berger,
alla se promener sur la terrasse siège sur sa puissance. Et du haut de sa puissance, se laisse attirer
de la maison du roi et aperçut, par cette vision.
de la terrasse, une femme qui se
baignait. Cette femme était très
belle.

61/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3 David fit prendre des David est bien prévenu du fait que cette femme est mariée à Urie. Il
informations sur cette femme, et sait clairement qu'il n'est pas en son droit. Mais il semble maintenant
on répondit : “Mais c'est guidé par ses pulsions qui vont le mener à aller à l'encontre de
Bethsabée, fille d'Éliam et l'interdit.
femme d'Urie le Hittite !”
4 Alors David envoya des David est sur son trône qui n'avait jamais été aussi confortable et
émissaires pour la prendre. Elle stable. Il est puissant, tout lui a réussi. Il vient de gagner toutes ses
vint chez lui et il coucha avec elle, batailles. Il est en pleine confiance.
alors qu'elle venait de se purifier Cette confiance se transforme en confiance de l'homme alcoolisé
de ses règles. Puis elle retourna par ses pulsions. Il se pense capable de tout pour posséder. Pour
dans sa maison. prendre l'objet de ses désirs et posséder la beauté de cette femme.
Alors il n'y a plus de Loi, plus de contrainte à ses yeux. Il a des
œillères parfaitement bien positionnées sur sa face, elles sont
impossibles à enlever.
Toute la force de David semble être utiliser pour posséder cette
femme :
- ses serviteurs sont envoyés pour la faire monter (il ne descend pas
faire la cour chez elle).
- elle arrive alors sûrement dans le majestueux palais du roi d'où on
domine la ville.

C'est quand David est au plus fort qu'il devient le plus faible : il
succombe à la tentation de posséder la terre (tentation du Christ qui
voit tous les paysages), depuis sa terrasse. Il cherche à posséder ce
qui n'est pas à lui.
5 La femme conçut. Elle en fit
informer David : “Je suis
enceinte !”

La première phase du péché de David conjugue donc un désir de puissance, de posséder et une
faiblesse de chair. Il commet l'adultère, une faute condamnée dans le décalogue en (Ex 20, 14). Ce
roi, fidèle serviteur de Dieu, expression de toutes les vertus de la foi, tombe donc dans un péché
condamné dans les dix premiers commandements de Dieu. C’est très grossier.

2.2.2.2 David tente de manipuler Urie

62/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David est déjà bien entaché par son péché, mais réalisant l'embarras dans lequel le met la grossesse
de Bethsabée, il continue à creuser son trou dans le péché et tente d'utiliser Urie pour dissimuler
sa faute aux yeux de son peuple.

6 David envoya dire à Joab : “Envoie-moi Où est David ? C'est une question qu'il serait bon de poser.
Urie le Hittite”, et Joab envoya Urie à Face à cet enfoncement dans sa faute, où est le fils de Jessé,
David. homme selon le cœur de Dieu ? Il s’endurcit.
7 Lorsque Urie fut arrivé auprès de lui,
David demanda comment allaient Joab et le David a péché, et sa faute l'emporte complètement. Il
peuple et la guerre. rentre dans un cycle de péché très lourd. Comme un enfant
8 Puis David dit à Urie : “Descends chez qui fait une bêtise dont il a si honte, qu'il s'enfonce dans le
toi et lave-toi les pieds.” Urie sortit de la mensonge plutôt que l'avouer. Où est David ? Comment
maison du roi, suivi d'un présent du roi. David peut connaître Dieu et sa miséricorde s'il réagit en
9 Mais Urie coucha à la porte de la maison s'enfonçant et voulant cacher sa faute de cette manière ?
du roi avec tous les serviteurs de son maître Comment David peut-il connaître l'amour que Dieu a pour
et ne descendit pas chez lui. lui malgré sa faute, quand on le voit réagir ainsi ? N'est-ce
10 On en informa David : “Urie, lui dit-on, pas la preuve d'une foi qui n'est pas enracinée au fond de
n'est pas descendu chez lui.” David son cœur ?
demanda à Urie : “N'arrives-tu pas de
voyage ? Pourquoi n'es-tu pas descendu chez 1- Il n'est pas en guerre alors que son peuple est en
toi ?” campagne.
11 Urierépondit à David : “L'arche, Israël 2- Il regarde la femme de son voisin. Il la convoite. L'invite
et Juda logent sous les huttes, mon maître chez lui et commet l'adultère.
Joab et les serviteurs de Monseigneur 3- Il devient menteur ! Ne reconnaît pas sa faute. Et pense
campent en rase campagne, et moi j'irais réparer sa faute en la camouflant plutôt qu'en l'assumant.
chez moi pour manger, boire et coucher avec Il s'échappe ainsi de ses responsabilités. Il agit en enfant.
ma femme ! Par ta vie, par ta propre vie, je 4- Il tente de faire fauter Urie. Le pousse à s’unir à sa
ne ferai pas cette chose-là !” femme alors que la Loi l’interdit. Il tente Urie, le séduit en
12 Alors David dit à Urie : “Reste encore lui offrant des cadeaux. L'enivre. Essaye de rendre cet
aujourd'hui ici, et demain je te donnerai homme droit, tordu. Le met dans les dispositions pour
congé.” Urie resta donc à Jérusalem ce jour- pécher. Il le trahit d'autant plus.
là et le lendemain. Où est David ? Qui est ce David ? Où est ce Dieu chez
13 David l'invita. Il mangea et il but en sa David ? Dieu n'est plus là. Il n'apparaît plus dans le
présence. David l'enivra. Le soir Urie sortit déroulement de ce chapitre.
et se recoucha sur son lit avec les serviteurs « Quand la borne est franchie, il n’y a plus de limite », dit
de son maître, mais il ne descendit pas chez Alfred Jarry.
lui.

63/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

La deuxième réaction à son péché enfonce un peu plus David et montre combien à l'intérieur de
lui se passe un évènement qu'il ne connaît pas. Il ne connaît pas son cœur ni sa capacité à pécher.
David qui avait sauvé son peuple se trouve maintenant dans la débâcle de son cœur. Et David ne
s'arrête pas là.

2.2.2.3 Le meurtre d'Urie

David est mis au pied du mur face à la droiture d'Urie. Mais cela ne lui suffit toujours pas
pour réaliser son péché. David continue à aller plus loin dans sa faute. Il en vient à demander la
mise à mort d'Urie en abusant de son pouvoir de roi. Par la même occasion, il fait tuer cet homme
juste avec d'autres personnes de son peuple. Tout cela dans le but de camoufler sa faute aux yeux
d'Israël.

14 Le matin suivant, David écrivit une lettre On pourrait se demander ici pourquoi Joab joue au
à Joab et la fit porter par Urie. complice ? Est-ce parce qu'il a un cœur ténébreux ou par
15 Il écrivait dans la lettre : “Mettez Urie en obéissance à son roi ? Le personnage de Joab se dévoilera
première ligne, au plus fort de la bataille, au fur et à mesure du récit.
puis reculez derrière lui : qu'il soit frappé et
qu'il meure.” La fin du chapitre est très détaillée sur la manière dont Urie
16 Joab, qui surveillait la ville, plaça Urie à est tué, et l'action du mauvais sur David. Les détails sont
l'endroit où il savait que se trouvaient de si nombreux, qu'il y en aurait presque trop et il serait
vaillants guerriers. désirable de s'arrêter d'énumérer la faute de David. David
17 Les gens de la ville firent une sortie et est clairement pécheur, et nous le savons suffisamment !
attaquèrent Joab. Il y eut des victimes parmi Mais la narration continue. Les détails se multiplient à
la troupe, parmi les serviteurs de David, et propos de l'exécution d'Urie et l'infâme défilement de
Urie le Hittite mourut aussi. David. Jusqu'au bout David est aveugle face à sa faute. Il
18 Joab envoya informer David de tous les n'y a plus de place au doute. David est pécheur jusqu'à la
détails du combat. dernière ligne.
19 Il donna cet ordre au messager : “Quand
tu auras fini de raconter au roi tous les
détails du combat, Il est intéressant de noter la dynamique de dissimulation
la colère du roi s'élève et qu'il te dise : du péché par arrangement et déformation de la réalité dans
20 si

“Pourquoi vous êtes-vous approchés de la cet épisode.

64/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

ville pour livrer bataille ? Ne saviez-vous On a deux étapes :


pas qu'on tire du haut du rempart ? 1) En premier lieu, David regarde avec les yeux de la réalité
21 Qui a frappé Abimélek, le fils de ce qui s'est passé. Il s'emporte contre l'erreur stratégique
Yerubbaal ? N'est-ce pas une femme, qui a de Joab. Il s'agit de la réaction de David v. 22, puis annonce
lancé une meule sur lui, du haut du rempart, du péché v.24, le messager étant dans la réalité.
et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes- 2) Dans un deuxième temps, David déforme la réalité en
vous approchés du rempart ?”, tu diras : sa faveur à cause de son péché. Il n'ose plus regarder avec
Ton serviteur Urie le Hittite est mort lui ses yeux ce qui s'est passé. La déformation de la réalité au
aussi.” v. 25.
22 Le messager partit et vint rapporter à
David ce dont Joab l'avait chargé. David Le cynisme ou l'aveuglement naïf de David est à son
s'emporta contre Joab et dit au messager : comble lorsqu'il épouse Bethsabée. David est
“Pourquoi vous êtes-vous approchés du complètement endurci par son péché. On tue Urie, et on
rempart de la ville pour livrer bataille ? Ne épouse Bethsabée. Il est plus facile d'arranger la réalité en
saviez-vous pas qu'on tire du haut des fonction de ce qu'il veut que de regarder la faute dont il se
remparts ? Qui a tué Abimélek, le fils de cache, comme Adam a pu se cacher de Dieu après avoir
Yerubbaal ? N'est-ce pas une femme qui a goûté du fruit de l'arbre.
jeté une meule sur lui du haut du rempart,
et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes- Le psaume 36 semble approprié pour définir l'action de
vous approchés du rempart ?” David :
23 Le messager dit à David : “Ces hommes 1 Du maître de chant. Du serviteur de YHWH. De David.
l'avaient emporté sur nous et étaient sortis 2 C'est un oracle pour l'impie que le péché
vers nous en rase campagne ; mais nous Au fond de son cœur ;
avons contre-attaqué jusqu'à l'entrée de la point de crainte de Dieu
porte, devant ses yeux.
24 mais les tireurs ont tiré sur tes serviteurs 3 Il se voit d'un œil trop flatteur
du haut du rempart ; certains des serviteurs pour découvrir et détester son tort ;
du roi sont morts et ton serviteur Urie le 4 les paroles de sa bouche : fraude et méfait !
Hittite est mort lui aussi.” c'est fini d'être un sage.
25 David dit au messager : “Tu parleras En fait de bien
ainsi à Joab : “Ne prends pas trop mal cette 5 il rumine le méfait
affaire ! L'épée dévore d'une façon ou de jusque sur sa couche ;
l'autre. Renforce ton attaque contre la ville il s'obstine dans la voie qui n'est pas bonne,
et détruis-la.” Réconforte-le ainsi.” la mauvaise, il n'en démord pas.
26 Lorsque la femme d'Urie apprit que son
époux, Urie, était mort, elle pleura son
mari.

65/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

27 Quand le deuil fut achevé, David l'envoya


chercher et la recueillit chez lui, et elle devint
sa femme. Elle lui enfanta un fils. Mais
l'action que David avait commise déplut à
YHWH.

Le premier péché de David, l'adultère, a donc poussé David à commettre un grand nombre d'autres
péchés tout aussi abominables les uns que les autres. C'est une sorte de réaction en chaîne. "Quand
la borne est franchie, il n'y a plus de limites", tout s'emballe. Les péchés sont multiples et plus
terribles les uns et les autres : mensonges, meurtre, manipulation, abus de pouvoir etc.

2.2.2.4 David reproduit le contexte du péché originel

Le péché de David est à la fois le sommet de l'horreur, et une description tout à fait fidèle
du péché de l'homme. La parole de Dieu adressée à David dresse le même contexte que pour celui
du péché originel : David a tout, comme Adam et Ève avaient tout dans leur Jardin. Dieu avait tout
donné à son Oint : pouvoir, réussite, femmes, richesses (Cf. 2S12, 8 : je t'ai donné la maison de ton
maître, j'ai mis dans tes bras les femmes de ton maître, je t'ai donné la maison d'Israël et de Juda et, si c'est trop
peu, j'ajouterai pour toi n'importe quoi) etc. Or David est venu désirer puis cueillir et posséder la chose
qu'il était interdit de prendre. Bethsabée est cette pomme, et il l'a désirée du haut de sa puissance
et de la terrasse de son palais, il s'est pris pour un dieu.

Le déchaînement des péchés montre que David ne se connaît pas lui-même. Il ne connaît pas son
péché. Il n'est pas capable de mettre une fin à ce déferlement de violences et de mal. Quand David
se rend compte de son péché, il s'en accable et s'en scandalise. N'est-ce pas une preuve qu'il ne se
sait pas pécheur ? La prophétie de Natân lui a même fait dire qu'il devrait mériter la mort (cf. 2S 12,
5 : Par la vie de YHWH il mérite la mort, l'homme qui a fait cela) ! Mais cette faute lui permet aussi de
connaître la première manifestation claire de la miséricorde de Dieu à son égard : Dieu lui pardonne
et ne lui donne pas la mort (Cf. 2S12, 13 : De son côté, YHWH pardonne ta faute, tu ne mourras pas). N'est-
ce pas en raison d'une une relation à Dieu qui restait naïve et simple ? Sa relation était belle,
puissante, mais David ne connaissait pas son cœur. Il est tombé et a creusé profond sa fosse,
comme l'enfant (ou certains adultes d'ailleurs) peut tomber dans une chaîne de péchés et de
mensonges sans jamais vouloir assumer son erreur.

David, en connaissant son péché, et s'en scandalisant sort brutalement du monde de l'enfance dans
son rapport à Dieu. David apprend alors à connaître son cœur et petit à petit la miséricorde de
Dieu.

66/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

2.2.2.5 La réaction de David à la punition divine 2S 12 15-23

La réaction de David à son péché est la confirmation de cette relation encore très naïve et
enfantine qu'il peut avoir avec Dieu. N'est-ce pas un rêve de pouvoir réagir de manière si simple à
un décès et à une "punition paternelle/divine" ?

Dieu rend malade l'enfant de l'adultère et le fait mourir. David alors pleure et implore Dieu de le
faire vivre de manière presque théâtrale6. (16 David implora Dieu pour le garçon : il jeûnait strictement,
rentrait chez lui et passait la nuit couché par terre. 17 Les dignitaires de sa maison se tenaient debout autour de lui
pour le relever de terre, mais il refusa et ne prit avec eux aucune nourriture.)

Or, lorsqu'il apprend sa mort par ses serviteurs, David agit de manière très simple : il se lave, mange
et se prosterne devant Dieu. Puis tout revient à la normale. David a même un enfant avec
Bethsabée. Combien ne rêverions-nous pas d'être capables d'agir si simplement à un décès ou à
une punition de Dieu ?
Au premier abord, on pourrait glorifier David d'avoir une foi si forte et une manière si simple de
vivre sa relation à Dieu et de réagir aux mauvaises périodes de la vie. N'est-ce pas presque surnaturel
et surhumain ? David surpasse ses blessures et les difficultés !

Toutefois, dans la perspective d'un rapport à Dieu et à sa foi encore jeune, cette réaction si simple
peut paraître enfantine. David réagit à la punition divine et à ce décès comme un enfant réagit à
une réprimande paternelle : il pleure, fait mine de ne pas comprendre, peut tout faire pour que son
père prenne pitié de lui, puis quelques minutes plus tard, reprend la vie normalement comme si
l'épisode n'avait pas existé.

Le rôle des serviteurs n'est pas anodin. Ils viennent faire remarquer l'étonnement à la réaction de
David :

21 Ses serviteurs lui dirent : “Que fais-tu donc ? Tant que l'enfant était vivant, tu as jeûné et pleuré, et maintenant
que l'enfant est mort, tu te lèves et tu prends de la nourriture !”

Il y a deux interprétations possibles : mettre David sur un piédestal, et considérer que ses serviteurs
n'arrivent pas à comprendre la grandeur de David, ou au contraire voir que la remarque des

6On pourrait faire la remarque ici que David est encore dans une relation à Dieu utilitaire. Il fait appel à
Dieu quand il peut l'aider à arranger sa réalité. Il pourrait être bon d'étudier justement cette relation à Dieu
dans 1S16-2S10 : comment s'adresse-t-il à lui ? Est-ce toujours pour lui demander service ?

67/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

serviteurs montre une incohérence. Tout lecteur est tenté de choisir la première solution face à
l'envergure de ce roi. Mais les petits personnages ne sont ils pas aussi présents pour révéler des
détails cachés ? (cf. le travail de Philippe Lefebvre sur les petits personnages dans les livres de
Samuel). Ils donnent le bon sens et les bons indices. Donc d'après lui, leur argument n’est jamais à
prendre à la légère. Bien au contraire. Ils ont ce bon sens qui permet de montrer l'endroit où il y a
un grain de sable dans les rouages : quelque chose ne va pas chez David. Et c'est certainement cette
relation qu'il a avec Dieu qui ne lui donne pas encore une grande cohérence intérieure, bien qu'il
ait fait tant d'exploits avec lui. David ne connaît pas encore Dieu7.

2S 11 et 2S 12 sont deux chapitres qui viennent révéler la fébrilité de David. Ils sont un tournant
dans la compréhension du personnage. Ils montrent combien David ne connaît pas le péché et ne
se connaît pas encore. David est encore jeune dans sa foi et sa compréhension de Dieu. Il est un
enfant qui se scandalise pour la première fois du fond de lui-même.

Si ces chapitres sont un tournant pour David. Il passe de l’enfance à l’adolescence. Quelle réaction
aura-t-il en conséquence ?

2.2.3 Le vide, l'incompréhension, le désert : 2S12-2S14

Cette phase qui suit les péchés de 2S11 semble montrer une nouvelle face de David. Il
prend de plein fouet les châtiments annoncés par Natân en 2S12 et a l’air de s'endurcir. David n’est
plus présenté comme le serviteur de Dieu, mais comme un roi et un homme. Cette phase ressemble
à la fois à une commotion à la suite du choc de son péché, et à une phase de constance/plat qui
précède une crise. David n'agit plus. Il se laisse embourber dans ses problèmes sans comprendre.

Successivement dans ces chapitres, le malheur surgit de sa propre maison et « l'épée ne s'en
détourne pas » comme le disait Natân en 2S12 :
- sa fille Tamar se fait violer par son fils Amnôn
- son fils Absalom tue par vengeance Amnôn
- David vit une relation conflictuelle avec son fils Absalom

7 Ne pas connaître Dieu, bien qu'ayant fait des exploits avec lui fait penser à cette phrase du Sermon sur la
Montagne Mt 7 :
(19)
Tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu. (20) Ainsi donc, c'est à leurs fruits que vous les
reconnaîtrez.
(21)
“Ce n'est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur”, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté
de mon Père qui est dans les cieux. (22) Beaucoup me diront en ce jour-là : “Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous
avons prophétisé ? En ton nom que nous avons chassé les démons ? En ton nom que nous avons fait bien des miracles ?” (23)
Alors je leur dirai en face : “Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité”.

68/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David rumine dans son péché, et est plongé dans la réalité terrestre et humaine. Il réagit en homme
à toutes ces intrigues, sans jamais mettre Dieu dans ses problèmes. C'est surprenant de sa part.
Seule une mention de Dieu est faite lorsqu'il répond à une demande de prononcer son nom dans
le cadre d'un serment (2S 14, 11ss).

David subit sa vie. Il accepte le silence sur la question du viol de Tamar, alors que l'on attendrait
une réaction de justice de sa part (lui qui est père et roi).
2S 13, 20s : 20 Son frère Absalom lui dit : “Serait-ce que ton frère Amnon a été avec toi ? Maintenant, ma sœur,
tais-toi ; c'est ton frère : ne prends pas cette affaire à cœur.” Tamar demeura abandonnée, dans la maison de son
frère Absalom. 21 Lorsque le roi David apprit toute cette histoire, il en fut très irrité.

Sa non-réaction engendre la vengeance de son fils d'Absalom envers Amnôn. David laisse Absalom
partir avec Amnon, et s'ensuit l'assassinat d'Amnon.

Le rapport de David à Absalom est alors un rapport de père à fils qui n'a rien de très particulier.
Le David roi d'Israël et homme selon le cœur de Dieu semble agir en homme et en père normal,
mais sans plus. Voire en père incapable de juger ses fils de manière impartiale. La main du fils de
Dieu ne semble pas être présente
- David pleure la mort d'Amnon et cet assassinat (2S13, 36-37)
- David s'emporte contre Absalom, puis le temps semble laisser place à l'oubli (2S13,
39.2S14,1), sans pour autant pardonner (2S 14, 24). David agit de manière humaine au
crime de son fils Absalom. Il ne veut pas le recevoir, il est banni.
- David finit par recevoir Absalom dans son palais grâce à Joab, l'embrasse, mais ne lui dit
toujours rien quant à l'assassinat de son frère. Il ne corrige pas son fils (2S14, 32-33). C'est
la deuxième faute dans sa famille pour laquelle il ne dit rien, lui qui doit pourtant juger
Israël.

David n'agit plus. Il laisse ses deux fils commettre des fautes sans jamais prendre parti ni les juger.
Il abandonne sa place de père et de roi. Et pourtant ce n'est pas faute de lui demander, car Absalom
demande lui-même à David de le juger (2S 14,32). David est donc devenu mou et passif. Il
ressemble à l'enfant adolescent qui veut vivre sa vie seul. Il coupe son rapport avec son Père et
s'enferme dans ses problèmes. Il laisse les choses se faire sans agir. C'est à nouveau une phase de
plat, comme une phase de commotion après le choc, mais qui précède une autre crise.

2.2.4 Le début de la compréhension et la multiplication des épreuves : 2S15-2S19

69/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

À la suite de cette période de plat, durant laquelle David vit passivement, survient une
période de grande crise. Absalom, le fils assassin impuni, commence un coup d'État. Alors,
seulement, David semble commencer à bouger et à changer intérieurement. Il recommence
timidement à avoir un rapport personnel avec Dieu.

2.2.4.1 Le renouement d'un rapport avec Dieu 2S 15

Plusieurs éléments mettent en valeur un renouveau dans le rapport entre David et son Père en 2S15
:
- L'Arche réapparait dans la vie de David. Elle n'était plus mentionnée depuis 2S7. À ce
sujet, David recommence à parler de son rapport avec Dieu. Il remet donc Dieu dans son
histoire en s’adressant de la sorte au prêtre Sadoq : 2S15, 25s « Rapporte en ville l’arche de
Dieu. Si je trouve grâce aux yeux de YHWH, il me ramènera et me permettra de le revoir ainsi que sa
demeure, et s’il dit « tu me déplais », me voici : qu’il me fasse comme bon lui semble. »

- Puis, quelques versets plus loin, David redemande quelque chose à son père. Il se
repositionne donc en tant que fils qui a besoin de son père, et lui demande de l'aide :
2S15,31 « 31 On avertit alors David qu'Ahitophel était parmi les conjurés avec Absalom, et David dit
: “Rends fous, Yahvé, les conseils d'Ahitophel !” »

Le lien entre Dieu et David semblait avoir disparu en 1S14 et 1S15, mais réapparait à présent. La
crise d'Absalom et le choc de devoir partir de Jérusalem ont permis de rétablir cette relation. David
pleure son départ et son sort, mais il remet Dieu dans sa vie.

2.2.4.2 Entre multiplication des châtiments et transformation de David 2S 16-18

La suite de l'épisode est un témoignage encore plus fort de la place qu'accorde David, à Dieu, dans
sa vie.

2.2.4.2.1 L'épisode de Shiméï (2S 16, 5-14)

Cet épisode semble être la preuve d'une première transformation intérieure de David.
David montre, par son comportement, qu’il a l’intuition que Dieu agit à travers les épreuves qu'il
endure.

70/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Shiméï humilie en effet David dans cet épisode. Il le maudit, lui jette de la terre et des pierres, mais
David accepte cette situation. Il y voit même une possible œuvre de Dieu, contre l’avis de tous ses
serviteurs.

9 Abishaï, fils de Çeruya, dit au roi : “Faut-il que ce chien crevé maudisse Monseigneur le roi ? Laisse-moi traverser
et lui trancher la tête.” 10 Mais le roi répondit : “Qu'ai-je à faire avec vous, fils de Çeruya ? S'il maudit et si YHWH
lui a ordonné : “Maudis David”, qui donc pourrait lui dire : “Pourquoi as-tu agi ainsi ?”” 11 David dit à Abishaï
et à tous ses serviteurs : “Voyez : le fils qui est sorti de mes entrailles en veut à ma vie. À plus forte raison maintenant
ce Benjaminite ! Laissez-le maudire, si YHWH le lui a commandé. 12 Peut-être YHWH considérera-t-il ma misère
et me rendra-t-il le bien au lieu de sa malédiction d'aujourd'hui.”

Ce passage semble donc confirmer le tournant intérieur qui s'opère chez David. Il commence à
comprendre que les punitions qu'il endure sont sûrement l'œuvre de Dieu qui cherche à l'humilier.
Le thème d'une présence de Dieu derrière ces humiliations sera abordé plus tard dans l'étude.

2.2.4.2.2 Absalom et les concubines de David 2S 16, 23

Les épreuves de David se multiplient. Absalom prend les concubines de David et


s'approchent d'elles comme l'avait mentionné Natân à David en conséquence de son péché avec
Bethsabée. En 2S16, 23, la mention du conseil d’Ahitophel (le conseil que donnait Ahitophel en ce temps-
là était comme un oracle qu'on aurait obtenu de Dieu) semble nous indiquer qu'il s'agit bien de la punition
divine. Ainsi David est corrigé par Dieu, et confirme que David est bien sur la bonne voie en
supposant que Dieu est présent dans l'humiliation infligée par Shiméï à David.

David a donc réagi en homme responsable à l'arrivée d'Absalom au pouvoir en quittant Jérusalem,
et petit à petit redonne une place à Dieu dans sa vie et son histoire. Il accepte les humiliations et
voit une possible main du Dieu derrière ses épreuves. N'est-il pas entrain de retrouver sa place de
fils vis à vis de Dieu ?

2.2.4.3 La descente aux enfers ? 2S17-18

David, en pleine transformation intérieure, semble alors se laisser guider dans ses épreuves
et non plus les subir. Il continue à accepter l'humiliation, jusqu'à franchir le Jourdain (2S17,24) et
être jeté en dehors de la Terre Promise. Et Dieu, pendant ce temps là, semble retrouver sa place
de Père, qui agit et collabore avec son fils : Hushaï déjoue les plans d'Ahitophel comme l'avait
demandé David. Il rend fou les conseils d'Ahitophel (2S 17,14).

71/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David n'est plus en Terre promise, bouté au-delà du Jourdain, et doit se battre contre son propre
peuple Israël, et le fils de ses entrailles (2S18). Ils veulent sa mort, et il doit défendre son royaume
avec le soutien des étrangers. C'est sûrement une des plus grandes situations de crise de David.

C’est à ce moment-là que se produit un évènement marquant : les serviteurs de David l'empêchent
de combattre (2S 18, 3 : « Tu ne dois pas partir »). David est donc spectateur de la bataille qui a lieu
en son nom. Son fils est tué au combat, contre son ordre, et par son propre général, celui-là même
qui avait tué Urie (à la demande de David en 2S11). David est donc mis au plus profond de ses
enfers : il est très loin du royaume glorieux de 2S10.

Digression : un autre détail étonnant est à mettre à la lumière, je le développe dans un document
annexe : David, retrouve sa royauté par la victoire de son camp, divisé en trois troupes, et repasse
ainsi le Jourdain. On retrouve les symboles/motifs forts suivants : vaincre l’ennemi (ici Amasa,
le petit fils de Nahas, qui signifie serpent en hébreu), pour retrouver la terre promise, par trois
puissances, le passage du Jourdain (ou l’eau), et un combat « sans effort » pour David. Cette
scène est de plus une reprise de forme binaire du combat de Saül en 1S11 contre les Ammonites
(on retrouve aussi tous ces symboles/motifs). Ces motifs rappellent le baptême : le passage dans
l’eau, la présence de la Trinité, la victoire contre la mort (le serpent), le passage dans un nouveau
Royaume (le Terre Promise) et une victoire gratuite sans efforts pour celui qui met sa confiance
en Dieu (la Bonne Nouvelle du christianisme).

Les chapitres 17 et 18 semblent dès lors être le comble des punitions qui lui sont infligées.
Le dernier verset du chapitre 18 étant un dernier coup de couteau, annonçant la mort de son fils
Absalom, celui qu'il n'avait pas corrigé et qui avait fait passer l'épée dans sa famille (meurtre
d'Amnôn). David est en plein dans le tunnel des conséquences de son péché. La victoire de ses
serviteurs annonce tout de même une fin de crise.

2.2.5 La douloureuse souffrance et le calme après la tempête : 2S19-23

Cette partie peut se diviser elle-même en trois sous-parties :


1. Chap. 19-20 : la fin des intrigues du royaume de David : les derniers soubresauts, ou
convulsions, du royaume de David, et les prémices d'un retour en ordre
2. Chap. 21-22 : un retour à l'ordre dans la maison d'Israël et la clôture d'intrigues. Le
dépoussiérage après la bataille.

72/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3. Chap. 22-23 : la montée vers la révélation faite à David

2.2.5.1 Chap. 19-20 : la fin des intrigues du royaume de David : les derniers soubresauts, ou
convulsions, du royaume de David, et les prémices d'un retour en ordre

Le cœur de David se révèle à nouveau saignant à la mort de son fils Absalom. David est
au bout de la conséquence de son péché et son cœur en est meurtri. Il semble à la fin de son
adolescence et de ses multiples crises, mais consent à l'autorité paternelle de Dieu. Il en vient à
pleurer la mort de son fils, mais sans jamais accuser Dieu.

Cette situation d'épreuve semble avoir effectué de profondes transformations dans le cœur de
David. En témoignent ses paroles destinées à son fils Absalom : "mon fils, mon fils Absalom ! que ne
suis-je mort à ta place ! Absalom mon fils ! mon fils !" (2S 19,1).

Ces paroles n’interpelle-t-elles pas ? Quelle est leur portée ? Est-ce seulement le cri du cœur d’un
père pour son fils, ou peut-on leur attribuer une portée bien plus large ? Par exemple, le cri du cœur
d’un roi d'Israël qui cherche à mourir à la place de son fils pécheur. Ou celles d'un père qui préfère
mourir à la place de son fils, pécheur, en conséquence de ses propres péchés. Ces phrases font
résonner des thèmes de grande portée. Voici comment il est possible de lire cette situation :
- Un père qui pleure la mort de son fils
- Un père qui préfère mourir à la place de son fils.
- Un père qui préfère mourir à la place de son fils bien qu'il soit pécheur.
- Un père qui préfèrerait donner sa vie pour son fils malgré sa faute.
- Un père qui fait fi des graves péchés de son fils, et préfèrerait mourir à sa place
- Un père qui se repent de la mort de son fils et s'en sent responsable. Un père qui veut
donc mourir à la place de son fils. Ce père étant roi d'Israël et messie.
- Un père, qui, par amour pour son fils, préfère mourir à sa place.

Le thème du "mourir" à la place des autres apparait ici pour la première fois. Thème aussi du :
mourir à la place des autres, parce que l'on se sait pécheur.

Mais ce chapitre ne s'arrête pas là. Les paroles fortes de Joab en conséquence de son
incompréhension des larmes de David ont une certaine puissance 2S19,6-7 "tu couvres aujourd'hui de
honte le visage de tous tes serviteurs qui ont sauvé aujourd’hui ta vie, celle de tes fils et de tes filles, celle de tes femmes
et celle de tes concubines, parce que tu aimes ceux qui te haïssent et que tu hais ceux qui t'aiment". Les paroles
de Joab ne sont-elles pas celles du monde ? Celles de celui qui ne voit que l’apparence, et non le
cœur ? Car Dieu voit le cœur, et l’homme juge selon l’apparence (1S16, 7). Il est ce mercenaire qui

73/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

vit depuis le début de Samuel pour son propre compte et sert ses intérêts personnels. Joab se
scandalise devant le comportement de son roi. Il ne l'accepte pas. Il rejette ce roi qui ne correspond
pas à ses attentes. Pourtant son témoignage est fondamental, il est la voix du monde. Ses paroles
donnent le sentiment que David recommence à s'humilier devant Israël quand son cœur est en jeu.
Son cœur saigne et pleure, il le mène à aimer ses ennemis et à s'humilier devant son peuple à cause
de ce qu'il voit comme un scandale. Il est une honte aux yeux du monde, mais n’est il pas un trésor
aux yeux de Dieu ?

David, qui est arrivé au fond de ses enfers, est prêt maintenant à s'humilier devant tout son peuple
et à faire ce qui déplait à tout le monde. L'épisode de Shiméï avait été un avant-propos. Cet épisode
semble être une confirmation de ses transformations intérieures.

Cet épisode a pour conséquence le retour en ordre un à un et presque symétriquement de bien des
problèmes liés à la fuite de David :
- La tribu de Juda est la première à se rallier à David (2S19, 10-16), elle qui avait été la
première à se retourner contre lui avec Absalom (2S15 ,10)
- Shiméï retourne sa veste et va porter ses excuses à David (2S19, 17-24), lui qui l'avait
maudit (2S 16, 5-14)
- Mephibaal qui ne s'était pas présenté à David lors de son départ (2S 16, 1-4) tente
d'expliquer ses problèmes avec son serviteur Çiba (2S19, 25-31). L'histoire est confuse,
donc il y a des soucis dans l'air.
- Barzilaï se fait récompenser de sa protection et ses bienfaits (2S 19, 32-40) lors de l'arrivée
de David à Mahanayim (2S 17,27). Son fils semble prendre la place de Mephibaal à la table
du roi.
- Le peuple continue à se comporter comme un enfant en se disputant David et oublie
presque qu'il vient de trahir le roi.

La situation revient donc en ordre et David retrouve sa place de roi. Il est toutefois remarquable
qu'aucune mention de Dieu ne soit faite par David, on ne l'entend pas prier ni s'adresser à lui. Le
nom de Dieu YHWH n'est pas mentionné dans ce chapitre. Ce qui peut laisser penser que David
agit encore et avant tout en homme. Il est cet homme que Dieu modèle petit à petit. Il est remis
tout seul sur son trône, à l'image de l'Arche de 1S4-7 qui est remise toute seule à sa place. David
n'a pas à agir, il est remis tout seul à sa place par ses serviteurs. Peut-être est-ce l’action cachée de
Dieu.

Dès lors, tous ces éléments nous indiquent l'aventure intérieure que David vient de vivre.
David a plongé ces derniers chapitres dans les enfers de son péché. Sa relation à Dieu reste très

74/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

discrète. Il subit ce qu'il vit, tout en l'acceptant de plus en plus. Mais il est présenté avant tout en
tant qu'homme.

Le chapitre 20 : un règne toujours mouvementé, mais qui se soigne


- Ils montrent un renouveau une révolte, mais qui se mate de manière plus rapide et plus
simple. C'est une révolte qui touche Israël, mais non Juda. C'est la deuxième révolte de
son règne (sur trois, avec celle d'Adonias). C'est un Benjaminite qui se révolte (même tribu
que Saül). Israël et la division reste un problème.
- David règle les derniers problèmes de la révolte d'Absalom : les concubines sont mises à
part "comme les veuves d'un vivant" (2S20,3)
- Les ordres de David sont à nouveau non respectés par Joab qui assassine Amasa en
l'embrassant. Joab reste un problème.
- Une femme et sa sagesse mettent fin à la révolte, protègent la ville des assauts de Joab et
en font sortir le mauvais. La tête de Shéba est lancée par-dessus les remparts (ce qui
rappelle la mort de Saül en 1S31 qui s'est aussi fait trancher la tête).

Le règne de David est donc encore bien mouvementé. Certaines choses rentrent en ordre, d'autres
non. Des injustices continuent (comme celle de Joab).

2.2.5.2 Chap. 21-22 : un retour à l'ordre dans la maison d'Israël et la clôture d'intrigues. Le
dépoussiérage après la bataille.

Le chapitre 21 montre que David se remet à régler les affaires de Dieu et les affaires du
pays.

Ce chapitre semble bien illustrer la fin de l'intrigue liée au péché de Bethsabée. Les choses
commencent à rentrer en ordre, et David retrouve sa place initiale : être le roi qui sauve le pays de
la main des Philistins. Il règle les dernières questions importantes liées à Saül.
- Une grande famine survient, liée au sang versé des Gabaonites par Saül. David en profite
alors pour régler les affaires de Dieu. La famine fait penser à la peste du chapitre 24. David
règle le problème et montre une nouvelle relation à Dieu. Il rentre en relation avec lui.
- Les gabaonites règlent leurs comptes aux fils de Saül : sept fils démembrés à Gibéa de Saül
devant YHWH
- Les corps de Saül et de Jonathan sont rapportés à bon port, dans le tombeau de Qish. Est-
ce le signe de la véritable fin de l'histoire de Saül ?

75/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

On pourrait en effet croire que ces deux chapitres sont une conclusion du règne de Saül. David
règle les derniers problèmes liés à Saül : la question des révoltes (celle du Benjaminite), la question
des Gabaonites, et enfin la place de leur corps. L'affaire de Saül est close.

C'est, dans ce chapitre, et à la fin de toutes ces péripéties menées par David, que Dieu reprend le
pays en pitié : 2S21,14 : On fit tout ce que le roi avait ordonné et, après cela, Dieu eut pitié du pays.

Alors le pays recommence à vivre et à souffler : Israël bat les Philistins, un nouveau Goliath est tué
(2S21,19), et une relève de jeunes combattants protège le pays et renouvelle les exploits de ses pères
(Yéhonatân et Elhanân). Le fait de battre les Philistins est un signe fort ! Ce n'est plus arrivé
depuis 2S 8,1. Il y a donc un gros tournant. David est à nouveau en marche.

Cela semble sonner la fin des intrigues liées au péché de David. Battre les Philistins à ce moment
de l'histoire n’est pas du tout anodin !

2.2.5.3 2S 22-23 : une introduction à la transformation intérieure de David ? La montée vers la


révélation

2.2.5.3.1 David chante à nouveau : la relation à Dieu retrouvée

Il s'est bien passé quelque chose d'important, un tournant est marqué, et ce chapitre
l'illustre à nouveau. David se remet, en effet, à chanter. Il chante un Te Deum Royal ! Ce psaume
est très similaire au Ps 18 (17).

David chante à nouveau, donc prie à nouveau, ce qui témoigne qu’il retrouve une relation forte
avec Dieu.

Cependant, est-ce le même David qui chante ? Ce n’est plus l’enfant, mais un David plus adulte et
qui retrouve sa relation de fils à Père, d'homme à Dieu ?

En quoi ce psaume semble parler de l'expérience de David ?


Plusieurs phrases sont marquantes :

76/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

22, 17-20 Les grandes eaux sont-elles les grandes eaux de


D'en haut il envoie me prendre la mort de David, donc son péché ?
il me retire des grandes eaux. Le Seigneur a "sorti" David pour "le mettre au
Il me délivre de mon puissant ennemi, large" ? Il l’a en effet envoyé au-delà du
de mes adversaires plus forts que moi. Jourdain, pour le délivrer de ses ennemis.

Ils m'attendaient au jour de mon malheur


mais Yhwh fut pour moi un appui.
En sortant pour me mettre au large,
il me libérera, car il s'est complu en moi.

22, 21-25
YHWH me rendra selon ma justice, On a l'impression ici que David n'a pas péché.
selon la pureté de mes mains il me rétribuera, Sauf quand effectivement on reprend la phrase
car j'ai gardé les chemins de YHWH "tous ses jugements son devant moi" que l'on
et je n'ai pas fait le mal en m'écartant de mon Dieu. pourrait interpréter comme les jugements liés
à son péché qui sont toujours devant lui (cf.
Tous ses jugements sont devant moi 2S12 : l'épée ne s'arrêtera plus de passer dans
et ses décrets je ne m'en écarte pas. sa maison etc.). Ou évoque-t-il son attitude des
Je suis intègre avec lui derniers temps, où il a laissé agir le Seigneur ?
et je me garde du péché. Ou montre-t-il par là tout simplement que le
Seigneur l’a pardonné, a effacé son péché, et
qu’en marchant avec son Esprit, il ne pèche
plus ?

22, 27-28 N'est-ce pas une petite illustration de


avec celui qui est pur tu es pur, l'éducation paternelle de Dieu ?
mais avec le fourbe tu es rusé. Quand David est fourbe et essaye d'agir dans
Tu sauves le peuple pauvre le secret pour le péché de Bethsabée, Dieu
et tes yeux fixent les hautains pour les abaisser rétribue de la même manière. I.e. : il agit avec
ses fils qui lui volent ses concubines, mais aux
yeux de tout Israël.
De même, humiliation par Shiméï quand il veut
se faire grand alors qu'il est tout petit.

77/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

22, 29-30 Ici on pourrait penser au fait que Dieu a mis la


C'est toi, YHWH, ma lampe. lumière sur le péché de David en 2S12 à travers
YHWH illumine ma ténèbre, le prophète Natân. Dieu vient sonder nos
Avec toi j'écrase le rezzou, cœurs pour nous montrer là où nous avons nos
avec mon Dieu je saute la muraille abîmes et où nous devons purifier nos cœurs.

22, 44-45 C'est bien l'histoire de David qui est toujours


Tu me délivres des querelles de mon peuple, entre étranger et Israël. Il est à la frontière
tu me gardes comme chef des nations ; d’Israël, et les étrangers le servent (ex :
des gens que je ne connaissais pas me serviront. Barzilaï). Le messie de Dieu est en effet chef
Des fils d'étrangers se soumettront moi, des nations, et non pas seulement d'Israël. Il
tendant l'oreille, ils m'obéiront. est la lumière qui part du foyer lumineux
(Israël) et vient éclairer les nations. C’est la
vocation chrétienne : être lumière, à partir de
l’Eglise, pour le monde.

2.2.5.3.2 Le chapitre 23 met en valeur un paradoxe entre la perception glorieuse que David a de sa vie, et la
perception terrestre que le lecteur peut en avoir

Ce chapitre semble être une conclusion du règne de David. C'est comme la fin du récit. On résume
quels étaient les preux de David. Comme s'il on voulait s'en arrêter là.

Ce passage confirme que David a bien retrouvé sa relation à Dieu. Mais certaines paroles
interpellent :

23,4 Il est comme la lumière du matin au lever du soleil,


un matin sans nuages,
qui fait briller après la pluie le gazon de la terre.
23,5 N'en est-il pas ainsi de ma maison auprès de Dieu,
car il a établi pour moi une alliance éternelle,
réglée en tout et bien assurée ?
ne fait-il pas germer tout mon salut et tout mon plaisir ?

Quel paradoxe à première vue ! David vient de sortir de grandes crises depuis le chapitre 11. Deux
de ses fils sont morts. L'un tué par l'autre. L'un a violé sa fille, l'autre s'est rebellé contre son père.

78/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David a été exclu d'Israël. Son peuple l'a trahi à plusieurs reprises et a essayé de tuer David. Et
David ose dire que le Seigneur fait germer tout son salut et tout son plaisir ! Comment est-ce
possible ? D'aucuns diront que c'est une question de composition du récit, un psaume qui pourrait
être mal inséré. Mais je n'y crois pas.

Comment ose-t-il dire que Dieu fait germer tout son plaisir, s'il n'a pas compris quelque chose de
plus profond ? Comment peut-il dire cela s'il n'a pas appris à connaître le Seigneur dans toutes ses
épreuves ?

David donne l'impression qu'il ne s'est rien passé de grave dans sa vie, comme si, à l'image de cette
phrase du Dt 8 : le vêtement que tu portais ne s'est pas usé et ton pied n'a pas enflé, au cours de ces quarante ans
! Pourtant combien de personnes du peuple étaient mortes au désert. Combien les épreuves du
Seigneur ont été profondes et dures.
Soit c'est que David est complètement niais et n'ose pas regarder son histoire. Et c'est une
interprétation possible : on vient alors négliger la personne de David et on le prend pour un fou,
comme Joab avait pu prendre David pour un fou au chapitre 19. Soit, c'est qu'il a connu quelque
chose de plus grand dans toutes ses épreuves.

L'expression du « germe » de son salut est importante. Le germe est ce qui vient grandir
petit à petit et lentement. Cela rejoint la notion d'éducation paternelle de Dieu. Petit à petit, David
a-t-il compris que dans ses épreuves qu'il a eue à vivre, Dieu lui a fait connaître son Salut ?

C'est un premier sommet qui annonce la grandeur de ce qui arrivera au chapitre suivant. David,
par cet oracle, montre qu'il a compris quelque chose. Dieu est venu le visiter pour lui montrer
quelque chose de plus grand. David s'est fait visiter par Dieu, ce dernier lui a montré son propre
cœur, et David a compris la miséricorde de Dieu. Cette visite de Dieu au cœur de David est discrète.
Elle n'apparaît aux yeux du lecteur qu'à travers les conséquences qu'elle a sur la vie de David. Les
changements extérieurs de la vie de David témoigneront d'une conversion intérieure.

Ce paradoxe est à mettre en parallèle avec le paradoxe d'Ézéchias, qui, après sa maladie, semble
être soit en plein délire, en montrant tout son trésor aux babyloniens, qui viennent ensuite piller le
Temple en Is 39. Soit, c’est qu’Ezéchias, à travers sa maladie, a expérimenté le Ciel, et un trésor
tellement plus grand, que les trésors terrestres deviennent vain. D’où le cantique d’Ezéchias en Is
40 « consolez mon peuple » (cf. la thèse d’Alexis Leproux).

79/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

De plus, cet oracle n'arrive pas à un moment anodin. Il arrive après un chant de louanges de David.
Or, le psaume ne dit-il pas « Dieu habite la louange d'Israël8 » (cf. Etienne Nodet). C'est un cantique
(Shira), et c'est après un chant de louange que la révélation est faite et se révèle.

A travers cette louange, David semble montrer qu’il a compris l’éducation paternelle que Dieu avait
pour lui. On ne peut pas en effet chanter un chant de louanges après avoir eu une vie chaotique,
sans avoir compris quelque chose de plus grand.

Il est cet enfant qui a enfin compris que les évènements de sa vie lui ont été donnés par amour. Il
comprend que les coupes de vin amère qu’il a dû avaler étaient faites pour son bien. Comme un
enfant qui comprend que les corrections reçues de ses parents étaient pour son bien.

Les chapitres 21, 22 et 23 montrent ainsi une montée vers un sommet. David retrouve son rôle de
messie à la fin du chapitre 21 en battant les Philistins. Puis il se remet à chanter les louanges de
Dieu (chapitre 22), et ces louanges aboutissent à un oracle (Dieu habite la louange d'Israël). Or cet
oracle met en valeur un paradoxe entre la vision glorieuse que David donne à sa vie et à son règne,
et le désastre objectif des évènements terrestres qu'il vient de subir dans son règne. Un Salut semble
s'être révélé à lui. Que peut nous en apprendre le chapitre 24 ?

8 Psaume 22 (21), 4 : « Et toi, le Saint, qui habites les louanges d’Israël »

80/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3 LE SOMMET DE L’HISTOIRE DE DAVID SEMBLE SE SITUER EN 2S24 : Y


TROUVE-T-ON L’HOMME A L’IMAGE DU CŒUR DE DIEU ?

3.1 Par bien des manières, David semble illustrer l’homme selon le cœur de Dieu en 2
S24

J'aimerais montrer que le chapitre 24 est le sommet du récit des livres de Samuel. David
semble avoir compris qui est Dieu, il témoigne de sa miséricorde par la parole, puis par l'acte. Le
chapitre est plein d'indices forts permettant de croire que David a connu Dieu dans son épreuve,
et qu'un réel changement (une conversion) s'est opéré en lui.

Dans un premier temps, l'étude se concentrera sur le péché qui semble incompréhensible de David.
Pour ensuite montrer que ce péché a mené David à être témoin par la parole, de la miséricorde de
Dieu, avant de passer à un témoignage en acte.

3.1.1 Un péché pour commencer

Il est important ici d'aller analyser la nature du péché de David. Son péché n'est pas clair.
C'est la première chose qui saute aux yeux, et nous analyserons ce manque de clarté plus tard.

Nous trouvons au moins trois contradictions qui laissent penser que la faute n'est pas claire :
- v. 1 : Pourquoi la colère de Dieu se manifeste, et demande de faire un recensement
(dénombrement) du peuple ? La colère est étrange.
- Ce recensement est-il la volonté de Dieu (v.1) ou le désir de David (v. 3) comme le dit
Joab ?
- Pourquoi le recensement du peuple d'Israël commence au-delà du Jourdain (v. 5) ?
Le péché de David ressemble à une volonté de puissance. Quand on regarde la manière dont est
dénombré le peuple (v. 5 à v. 9), on se rend compte que David va chercher à dénombrer le peuple
en comptant tous les peuples alentours. La frontière du Jourdain est oubliée. On perd donc de vue
Israël. David semble essayer de "faire à nouveau le roi". David cherche à avoir une grande armée.
Or, se concentrer sur ses forces (ce qui paraît tout à fait normal pour un roi du monde) c'est oublier
Dieu.

81/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Le livre des Chroniques relate l’évènement en parlant d’ailleurs de Satan, et non de colère de YHWH
en 1 Ch 21 : « Satan se dressa contre Israël et il incita David à dénombrer les Israélites ». Ce qui fait
comprendre plus clairement que David a péché.

Ce péché de volonté de puissance (et donc de manque de confiance en Dieu) sera d’autant plus en
contraste avec la fin du chapitre qui montre un sommet de confiance en Dieu. David s’en remettra
en effet aux mains de Dieu et par son sacrifice et accomplira un sommet de confiance en Dieu.
On a donc dans ce chapitre : sommet de manque de confiance en Dieu face à sommet de confiance
en Dieu.

3.1.2 Pourquoi un péché incompréhensible ?

L'incompréhension du péché : paradoxe révélateur d'une intention divine ou du rédacteur ?

Le paradoxe est celui-ci :


- Dieu s'enflamme contre son peuple et demande explicitement à David d'effectuer le
dénombrement du peuple au v. 1 : "Va, dit-il, fais le dénombrement d'Israël et de Juda." (‫הנמ‬,
compter, comme en Gn 13,16 où Dieu annonce que son peuple sera aussi nombreux que
les grains de poussière de la terre)
- David demande donc fermement à Joab de dénombrer le peuple.
- David se repent d'avoir recensé le peuple « C'est un grand péché que j'ai commis !
Maintenant, Yhwh, veuille pardonner cette faute à ton serviteur, car j'ai commis une grande
folie » v. 10. Ce qui donne l'impression que David a été pris au piège !

On peut remarquer au premier abord qu'un grand changement a eu lieu chez David entre cette
faute et la faute de 2S11. En effet, David se rend compte tout seul de sa faute. N'est-ce pas un
indice fort d'une connaissance de son cœur ? Alors qu'en 2S11, il lui avait fallu la parabole de Natân
pour se rendre compte de l'évidence de ses péchés. Sachant d'autant plus qu'il s'était vautré dans
une suite de péchés bien plus évidents que ce dernier (mensonge, manipulation et meurtre).
L'aspect minuscule de son péché pour le lecteur (qui ressemble à un ordre de Dieu), renforce l'idée
que la relation de David à Dieu a profondément évoluée et grandie, elle s'est considérablement
affinée.

Tout commentateur pourrait venir expliquer pourquoi ce péché, est un péché. Mais pour un lecteur
de bonne volonté qui tombe sur ce texte, la situation est bien complexe et bien étrange. Dieu
demande à son messie de compter le peuple, puis se retourne contre lui. Ceci donne l'impression

82/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

d'un piège. Or est-ce de la nature de Dieu que de tendre des pièges ? Je prends le parti de dire que
le péché est incompréhensible à première vue. Et sûrement David devait avoir la même impression.
On ne comprend pas ce qui est reproché. Dieu semble venir frapper David de la faute du peuple
en lui demandant ce dénombrement. Il rend David responsable de la faute de son peuple.

La relation d'éducation d'un père à un fils peut à nouveau jeter une lumière sur cette situation.

On se retrouve dans la situation de Saül en 2S13 (cf. plus loin dans l'étude). Le péché de David
n'est pas compréhensible, mais n’est-ce pas ainsi que l'on réagit quand on est enfant, face à
l'éducation de nos parents ? On peut la trouver incompréhensible !

Dès lors, ce péché incompréhensible (même par le lecteur), n'est-il pas une manière de remettre
David dans sa situation d'enfant qui doit faire confiance à son père ? C'est quand on est dans
l'incompréhension d'une situation que la confiance est la plus difficile. Il faut avancer les yeux
bandés. N'est-ce pas une situation forcée pour des parents vis à vis de leurs enfants pour le faire
grandir ? L'enfant est obligé de faire confiance à ses parents, mais que c'est dur (pour l'enfant et
pour les parents). N'est-ce pas ce qu'est obligé de nous faire vivre le Seigneur pour nous mener au
bien ? Lui dont les pensées sont bien plus élevées que nos pensées (Is 55, 8s) ?

Et face à cette incompréhension, comment réagit David ? Il a effectivement péché, il ne doit pas
comprendre pourquoi, comme le lecteur. Pourtant il va se remettre dans les mains de Dieu. C'est
une preuve qu'il connaît son père.

N.B. Est-ce anodin d'avoir comme péché le dénombrement ? Quand on dénombre, on visite. Le
verbe est d'ailleurs le même que "visiter" lifqod ()‫)דקפ(ל‬. Et c'est justement le même verbe utilisé
pour dire que Dieu visite son peuple en Ex 3,6, pour lui proposer de le sauver. C'est une
supposition. Mais David vient connaître son peuple en le dénombrant.

Dès lors, il y a au moins deux voies pour interpréter ce péché :


- Soit, on prend la voie du livre des Chroniques (1Ch21), et ce n’est pas « la colère de Dieu »,
mais Satan, qui a inspiré David pour faire ce péché
- Soit, on garde la traduction incompréhensible, c’est Dieu qui demande à David de faire le
dénombrement, et David pèche, et on entre dans l’ordre de l’incompréhensible, et du
rapport père-fils, dans l’obéissance

83/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.1.3 La connaissance de Dieu, l'enfant qui connaît le père


David, à la suite du péché, a le choix entre trois sentences (2S24, 13) :
Donc Gad se rendit chez David et lui notifia ceci : "Faut-il que t'adviennent
1. Sept années de famine dans ton pays,
2. Ou que tu fuies pendant trois mois devant ton ennemi qui te poursuivra,
3. Ou qu'il y ait pendant trois jours la peste dans ton pays ?
Maintenant réfléchis et vois ce que je dois répondre à celui qui m'envoie !"

Le choix que Dieu lui propose de faire n'est pas du tout anodin. En plus de la symbolique
des jours qui serait à analyser plus précisément, Dieu semble demander à David s'il le connaît.
Recevoir une proposition aussi libre de Dieu est rare, bien qu'elle soit pour une sentence. L'a-t-on
jamais vu dans la Bible ? En général la parole de Dieu est plus un ordre qu'une question ou un
choix. Et Dieu se confronte alors à la désobéissance des hommes.

Dans son péché, David demande alors de se remettre entre les mains de Dieu et non celles de ses
ennemis. Il choisit de se remettre dans les bras de son père.
2S24, 14 : David dit à Gad : "Je suis dans une grande anxiété... Ah ! tombons entre les mains de YHWH car sa
miséricorde est grande, mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes !"

Comment peut-on se remettre dans les bras de son père pour se faire punir s'il on ne connaît pas
tout l'amour que son père a pour soi ? David connaît Dieu pour de bon, il sait que tout ce qu'il fera
pour lui est pour son bien. Il a expérimenté les réprimandes de Dieu, et il sait qu’elles sont bonnes
pour lui. Il le connaît à tel point qu'il est capable de se donner à lui et de se laisser punir et châtier
par Dieu. Il est prêt à boire la coupe que son père lui propose.

Pour illustrer à nouveau l’évolution de David à travers l'image de l'enfant et de ses parents,
voici ce que l’on pourrait comprendre. A l'adolescence, il y a souvent un moment où l'enfant se
rend compte que ses parents l'aiment et lui veulent du bien. Ainsi, l'enfant comprend que les
différentes punitions que ses parents ont pu lui donner étaient pour son bien. Aussi, l’adolescent
comprend que lorsqu'il a commis le mal vis à vis de ses parents, cela blesse ses parents, car qui
veulent qu'il aille au mieux, et qu'il grandisse. Alors quand l’enfant fait une erreur, il n'a plus peur
d'aller voir ses parents pour leur dire qu'il a fait une bêtise, car il sait que ses parents ne veulent
qu'une seule chose : qu'il aille bien, qu'il grandisse, et qu'il devienne bon. La punition ne fait plus
peur, et elle peut même disparaître.

Ne peut-on pas percevoir ce mouvement chez David ? David ose se remettre entre les mains de
son père, car il a connu sa miséricorde à travers ses épreuves. Et pourtant il avait bien fait une

84/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

bêtise. Mais il connaît son père et l'amour qu'il a pour lui. Il préfère la punition qui dépend
directement de son père, plutôt que la punition qui le remet entre les mains de ses ennemis. Nous
sommes déjà dans un des sommets du récit des livres de Samuel. David montre qu'il a connu son
père et qu'il connaît sa miséricorde.

3.1.4 David va alors plus loin : la connaissance de Dieu qui mène au don de soi. 2S
24,17

Le sommet du récit : la connaissance de la miséricorde aboutit à un acte : le sacrifice de


David. Face aux souffrances de son peuple David se sent solidaire et propose à Dieu de le punir
lui et non son peuple

2 S24, 17 : Quand David vit l'ange qui frappait le peuple, il dit à YHWH : « C'est moi qui ai péché, c'est moi qui
ai commis le mal, mais ceux-là, c'est le troupeau, qu'ont-ils fait ? Que ta main s'appesantisse donc sur moi et sur
ma famille ! »

Or, le châtiment qu'il demande à Dieu, c'est justement le jugement qu'avait eu le Seigneur sur lui et
sa famille à la suite du péché de Bethsabée (2S12 prophétie de Natân). Dieu châtiait alors David et
sa famille. N'est-ce pas une marque que David n'a plus peur de perdre sa vie et perdre sa famille ?
Il saurait en effet que le Seigneur lui voudra de toute manière que du bien.

La connaissance de la miséricorde de Dieu et l'amour de son peuple pousse David à se donner lui-
même, pour la rémission du péché, plutôt que de laisser mourir son peuple. David donne son corps
à Dieu, il se donne lui-même à Dieu. Pourrait-on parler d'une ligature de David ? L'Aqeda de David
?

Face au fléau qui décime son peuple, on peut croire que David, en s'offrant à Dieu, offre sa vie.
Car à rétributions égales et translatées sur David, on peut croire que David s'expose à la mort par
la peste, donc propose sa vie. Le messie d'Israël propose sa vie pour sauver son peuple de son
péché. Le péché est certes celui de David, mais a en effet pour origine un emportement de Dieu
contre son peuple (la colère de YHWH s'enflamme encore contre les Israélites v.1), à cause du péché de son
peuple, et non de David.

David donne donc son corps à la fois en rémission de son péché, mais son péché porte en lui le
péché de son peuple.

85/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

David devient un réel médiateur entre Dieu et son peuple. Il aime son peuple, et connaît l’amour
de Dieu, au point de donner sa propre vie pour sauver son peuple. Par amour, il donne sa vie.
N’est-ce pas l’acte qui détermine réellement la place du messie, le vrai roi « aux yeux de Dieu » et
non aux yeux des hommes ? Ce roi qui n’est pas tout en haut de la pyramide, mais au contraire en
pyramide inversée, tout en bas de la pyramide, pour servir son peuple ? David devient l’image du
messie que veut le Seigneur pour son peuple.

3.1.5 Le retournement : une odeur d'accomplissement

Dieu alors propose un sacrifice. Comme pour Abraham et Isaac9 en Gn 22. Or, la
symbolique du sacrifice est justement que le taureau qui est offert prend la place de celui qui l'offre.
Ce sont des sacrifices d'holocauste et d'expiation (comme le sacrifice raté de Saül) surtout, un
sacrifice pour remettre les péchés. Le sacrifice d'un animal est à la place de sa propre personne.
L'animal est donc tué à sa propre place. Ici, Dieu demande à David un sacrifice d'animal après que
David s'est proposé lui-même en sacrifice. Le bœuf peut être mis à la place de David. Et David est
ainsi, par la symbolique du sacrifice, à la place du bœuf.

David s’est proposé en sacrifice personnel, et Dieu le remplace par un taureau. On est à un stade
plus poussé qu’Abraham. A Abraham, Dieu demandait la vie de son fils Isaac, et a remplacé Isaac
par un bélier. Ici, c’est David qui propose sa vie en sacrifice, et Dieu qui le remplace par un taureau.

Des éléments viennent appuyer la thèse que ce sacrifice est un grand évènement dans l'histoire
d'Israël. Il y a en effet une odeur d'accomplissement, en ce dernier. :
- David fait un sacrifice de communion et d'holocauste, le même que celui que Saül avait
"raté" ce qui lui avait coûté son règne (1S 13, 13). Il était pourtant mis dans la même
situation que lui (péché incompréhensible, pression d'une situation où son peuple est sur
le point de mourir, cf. la suite de l’étude). Le sacrifice de David est cette fois-ci agréé par
Dieu.
- Il est notable aussi que David sacrifie dans le champ d'un étranger. Et l'étranger demande
à Dieu d'agréer le sacrifice de David (Arauna). Il doit même négocier pour acheter le
champ, comme Abraham avait dû négocier l'achat d'une possession funéraire auprès des
fils de Hèt et d'Ephron le Hittite pour enterrer Sara en Gn 23, 1-18. C'est le champ d'Éphrôn,
qui est à Makpéla, vis-à-vis de Mambré, le champ et la grotte qui y est sise, pour 400 cycles d'argent.
- Arauna (‫ )הנורא‬signifie de plus "Je dois crier de joie". N'est-ce pas sous-entendu qu'il y a
une connaissance toute particulière de Dieu qui permet de crier de joie ?

9 Avec l'aide de Nina Hermann quand on en a discuté ensemble début juin

86/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.1.6 L’emplacement particulier du sacrifice

Pour aller plus loin, non pas dans la démonstration, mais dans la signification de ce
sacrifice, on peut s’interroger sur l’emplacement de l’aire d’Arauna. Pour cela, le premier livre des
Chroniques donne une indication de taille. 1 Ch 21 et 22 indique en effet :
L’ange de YHWH dit alors à Gad : « Que David monte et élève un autel à Yhwh sur l’aire d’Ornân
[Arauna] le Jébuséen. […]
A cette époque, voyant que YHWH lui avait répondu sur l’aire d’Ornân le Jébuséen, David y fit un
sacrifice. La Demeure de YHWH que Moïse avait faite dans le désert et l’autel des holocaustes se trouvaient
à cette époque sur le haut lieu de Gabaôn, mais David n’avait pas pu y aller devant Dieu pour s’adresser
à lui, tant l’épée de l’ange de YHWH lui avait fait peur.
Puis David dit : « C’est ici la maison de YHWH Dieu et ce sera l’autel pour les holocaustes d’Israël »

L’aire d’Ornân (Arauna, selon différentes translittérations de l’hébreu) est donc le lieu de la future
construction du Temple. Le livre des Chroniques y ajoute de plus qu’il s’agit du lieu de la ligature
d’Isaac ! En 2Ch 3 1 : Salomon commença alors la construction de la maison de YHWH. C'était à Jérusalem,
sur le mont Moriyya, là où son père David avait eu une vision. C'était le lieu préparé par David, l'aire d'Ornân le
Jébuséen. Le sacrifice de David semble, grâce au livre de Chroniques, d'autant plus directement lié
à la ligature d'Isaac. Dieu envoie alors un bélier à la place d'Isaac en Gn 22, et ici c'est Dieu qui
demande à David un sacrifice d'animal plutôt que sa propre personne. On a donc un même thème
et un même scénario. Mais plus poussé cette fois-ci, car c'est David lui-même qui propose de se
donner avant même que l'on ne parle de sacrifice.

Dieu a choisi de fixer le lieu de sa présence là où son messie s'est sacrifié pour son peuple, là où il
a donné une image fidèle du messie de Dieu, celui qui donne sa vie pour son peuple. Au lieu où
l'homme a donné sa vie, à la suite de la connaissance de Sa miséricorde.

A la lumière de Jésus Christ, de sa Croix glorieuse, nous comprenons d’autant plus pourquoi Jésus
Christ est dit « fils de David », et dernier maillon de la chaîne : après Isaac, David, et Jésus. La
crucifixion de Jésus prend d’autant plus de sens.

3.1.7 Le chapitre 24, le sommet de l'histoire de David ?

Ainsi, l’étude accumule un certain nombre d’indices qui semblent tous converger vers ce chapitre
24: le rythme binaire qui met en valeur le retournement de situation de 1&2R, la montée en

87/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

puissance de David jusqu’au chapitre 24, et ce même chapitre qui semble être un point de symétrie
avec tout le reste de l'histoire de David en 1&2 Samuel.

Ce chapitre 24 semble donc montrer un accomplissement du Messie d’Israël et l’accomplissement


de la vie de David, deuxième et avant dernier Messie d’Israël…

3.1.8 Conclusion de la partie

Dès lors, David a connu Dieu, et toute l'éducation paternelle que Dieu a eue avec lui l'a
mené à être capable de connaître Dieu, au point de donner sa vie à la place du peuple. Il donne son
corps au peuple et sa vie au peuple. Et Dieu a choisi de se révéler sur le lieu du sacrifice. Les
retournements de la fin de sa vie en 1R 1&2 en témoignent. Dieu cherche-t-il alors à donner le
véritable sens et mystère de la vie : donner sa vie pour les autres, à la lumière de l’amour qu’Il a
pour nous ?

David est pécheur jusqu'au bout des livres de Samuel. L'histoire de la conversion de David n'est
donc pas celle d'un homme qui était pécheur, puis qui devient parfait, à la fin de sa vie. En revanche,
c'est un homme qui semble évoluer dans sa réaction au péché. Jusqu'au dernier épisode de sa vie,
alors que l'on pourrait s'attendre à ce que David soit devenu parfait, que sa royauté soit installée
etc. Il continue à pécher avec ce dénombrement du peuple. Or, ce qui change radicalement est la
qualité de sa relation à Dieu en réaction à son péché. En effet, cette fois-ci, Dieu va agir, comme
tout père, avec une punition. Comme ce fut le cas pour le péché avec Bethsabée d'ailleurs. Mais
David lui aura radicalement changé intérieurement. C'est la dynamique d'une conversion : le monde
extérieur reste le même, mais l'intérieur a changé et donne une perception et une réaction à
l'extérieur bien différente.

Aussi, la progression de la connaissance de Dieu de David au cours de sa vie est semblable à celle
de la connaissance d'un enfant de l'amour que ses parents ont pour lui, et de la compréhension de
leur manière d'agir. David à la fin du livre de Samuel, semble avoir connu la miséricorde de Dieu,
son Père. Et l'avoir compris.

L'histoire de David semble donc être une montée en puissance jusqu'au chapitre 24. Ce dernier
chapitre semble être le sommet du récit tant il concentre d'éléments fondateurs en échos de
l'histoire d'Israël (Aqeda de David et fondation du Temple). Cependant, cette montée en puissance
est dissimulée par la narration qui peut donner l'image d'un règne mouvementé et désordonné aux
yeux du monde. La clé est donc de comprendre que ce désordre n'est que l'autre face de l'éducation
paternelle de Dieu envers son roi, David.

88/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Dieu éduque son fils, l'homme selon le cœur de Dieu, pour se faire connaître. À travers le personnage
de David, on peut percevoir le cœur de Dieu. La réaction du fils en conséquence de l'éducation
paternelle de Dieu est de donner sa vie pour son peuple. Cet élément rappelle l'histoire d'Abraham,
et donne évidemment bien plus de fond au destin du Christ, celui qui est tant de fois nommé
comme étant le rejeton de la souche de Jessé. Il s'inscrit effectivement totalement dans la même
lignée.

Après le sacrifice d’Isaac, où finalement Dieu envoie un bouc pour le substituer, David provoque
son propre Aqeda en proposant sa vie en rançon pour son peuple. Mais Dieu demande un bœuf à
la place. Et pour aller plus loin, les Evangiles montrent un Dieu qui envoie son propre fils, qui sera
lui-même l’agneau du sacrifice.

Dès lors, cet évènement n'illumine-t-il pas encore plus ce retournement de situation
constaté dans 1R 1&2 ? Ce dernier devient encore plus évident et serait ainsi dû à un changement
intérieur de David, une conversion de son cœur. Cette conversion est-elle même le résultat d'une
maturation du rapport de David avec son Père. Lui-même résultant d'une éducation paternelle de
Dieu vis à vis de son fils. Et tous les changements qui suivent ont un sens profond et caché ! Ce
sacrifice mène à la renaissance de sa vie. À commencer par l'épisode d'Abishag de Shunem, nouvelle
Bethsabée et nouvelle Tamar. David panse ces épisodes, et les accomplit en même temps : Abishag
devient la vierge non épousée, non connue10. Et David eunuque. Est-ce alors vraiment anodin
qu'elle soit la plus belle vierge d'Israël ? Dans un premier temps, non, car elle marque d'autant plus
la chasteté de David. Mais à un deuxième niveau non plus : serait-elle le type de l'Église. Cette
épouse jamais consommée ?

Pour aller plus loin dans ces thèmes de l’éducation paternelle de Dieu, de la conversion
(circoncision) véritable, du bon sacrifice, étudions ce qu’en disent les livres de Samuel, et plus
largement encore le reste de la Bible.

10 Cf. Discussion avec Henri Vallençon et Yves Molin

89/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.2 L’homme selon le cœur de Dieu à l’éclairage du corpus biblique

Il y a deux grands cris dans les livres de Samuel, et ils ne sont pas accidentels.
• Le premier cri est celui des pères "nous ne savons pas éduquer nos enfants ! Nous ne
savons pas être des pères".
• Le deuxième cri est la question des holocaustes (particulièrement en 1S) : "Nous ne savons
pas faire d'holocaustes" Cf. Éli et Saül. Autrement dit, nous ne savons pas nous conformer
aux désirs de Dieu. L’état de notre cœur ne correspond pas aux attentes de Dieu.

L’histoire de David n’est-elle pas une réponse à ces grands problèmes ? Celle de Dieu, Père, avec
son fils David, qui lui apprend l’éducation paternelle, ainsi que le véritable holocauste ?

Comment savoir si ces thèmes abordés dans l’étude de la vie de David sont cohérents par rapport
au corpus biblique ? Sont-ils uniquement présents dans les livres de Samuel, ou existent-ils aussi
dans les autres livres inspirés ?

Nous allons pour cela chercher les autres traces de l’éducation paternelle de Dieu, et de la question
« du cœur, selon Dieu ». Que nous disent-elles ? Confirment-elles le l’étude sur David ?

Pour traverser la Bible, nous allons utiliser une vieille méthode rabbinique qu’utilisait Saint Paul
dans ses lettres, pour voir si dans chaque corpus biblique, nous pouvons trouver une mention de
ces thèmes. Nous utilisons la division hébraïque de la Bible (Torah, Néviim, Ketuvim) :
1. La Loi (Torah) : le pentateuque
2. Les prophètes : antérieurs (Josué, Juges, Samuel, Rois) et postérieurs (Isaïe à Malachie)
3. Les Ecritures : Les Psaumes, Job, les Proverbes et tous les livres restants

Et nous chercherons aussi une mention faite dans le Nouveau Testament.

3.2.1 L'éducation paternelle de Dieu envers ceux qu’il aime, est un thème qui traverse
la Bible

3.2.1.1 L'éducation paternelle de Dieu pour son peuple Israël

L'éducation paternelle de Dieu est un thème biblique important, en témoigne sa présence dans la
Torah, les Prophètes et les Écritures. Dieu est présenté comme éduquant son peuple comme un
père éduque son enfant. Ce qui vient renforcer l'hypothèse d'une éducation paternelle de Dieu vis
à vis de David tout au long de sa vie, et de l'importance du rapport d'éducation Père-fils dans les

90/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

livres de Samuel. L'enfance est progressive, comme Dieu éduquera David de manière progressive
jusqu'à ce qu'il devienne un homme.

3.2.1.1.1 Dans la Loi, (le Pentateuque, la Torah juive)

Dieu exerce une autorité paternelle envers son peuple au désert et ceux qu'il aime pour convertir
et purifier leur cœur.

Étienne Nodet le précise dans l'Odyssée de la Bible. Selon lui, la période du désert est une longue errance
dans le désert, voulue par Dieu, et entrecoupée de diverses crises exemplaires ; ce n'est pas une punition, mais une
pédagogie, « pour que tu saches qui tu es » (cf. Dt 8). Ce passage donne un fond à l'histoire de Dieu avec
son peuple et l'explication de toutes les épreuves qui le font souffrir. Il en va de même pour les
chapitres 2S13-19 dans l'histoire de David.

Ce passage éclaire donc toute l'incompréhension que l'on peut avoir face à certains évènements.
Elle est la même incompréhension que le peuple d'Israël au désert, et la même que celle d'un enfant
face à la punition de ses parents.
On retrouve d'ailleurs cette incompréhension face à la punition divine dans le comportement de
David dans 2S13-14, durant lesquels David reste quoi et comme paralysé par les horreurs qui se
passent dans sa famille. L'incompréhension peut être vécue de la même manière pour le lecteur
lors du péché relaté en 2S24 (cf. plus haut). Aussi est-ce la même chose pour le péché de Saül en
1S13 que l'on peut retourner dans tous les sans véritablement réussir à accuser Saül. Saül lui-même
ne comprend pas ce qui lui arrive. Mais il est tout de même renié.

Dans le passage du Deutéronome qui suit, un petit jeu avec les différentes traductions de l'hébreu
permettent de comprendre qu'à travers cette éducation et ces épreuves, Dieu cherche à faire
connaître le fond du cœur d’Israël. C’est pourquoi la citation est faite à partir des différentes
traductions.

Dt 8 1-20
Bible Deutéronome chapitre 8 Commentaires
1 Vous garderez tous les commandements que je vous Trad. Bible Segond :
ordonne aujourd'hui de mettre en pratique, afin que Tout le commandement que j'institue pour toi
vous viviez, que vous multipliiez et que vous entriez aujourd'hui, vous veillerez à le mettre en pratique, afin
dans le pays que YHWH a promis par serment à vos que vous viviez, que vous vous multipliiez et que vous
pères et le possédiez.

91/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

entriez en possession du pays que le SEIGNEUR a


promis par serment à vos pères.
2 Souviens-toi de tout le chemin que YHWH ton Dieu Trad. Bible Segond :
t'a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin Tu te souviendras de tout le chemin que le
de t'humilier, de t'éprouver et de connaître le fond de SEIGNEUR, ton Dieu, t'a fait parcourir pendant
ton cœur : allais-tu ou non garder ses ces quarante années dans le désert, afin de t'affliger et
commandements ? de te mettre à l'épreuve, pour savoir ce qu'il y avait dans
ton cœur, pour voir si tu observais ou non ses
commandements.
3 Il t'a humilié, il t'a fait sentir la faim, il t'a donné Trad. Bible Segond :
à manger la manne que ni toi ni tes pères n'aviez Il t'a donc affligé, il t'a fait souffrir de la faim et il t'a
connue, pour te montrer que l'homme ne vit pas nourri de la manne que tu ne connaissais pas set que
seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce tes pères n'avaient pas connue, afin de t'apprendre que
qui sort de la bouche de YHWH. l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que
l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche du
SEIGNEUR.
4 Le vêtement que tu portais ne s'est pas usé et ton Trad. Bible Segond :
pied n'a pas enflé, au cours de ces quarante ans ! Ton manteau ne s'est pas usé sur toi et tes pieds n'ont
pas enflé pendant ces quarante années
5 Comprends donc que YHWH ton Dieu te corrigeait Trad. Bible Segond :
comme un père corrige son enfant, Sache donc bien* que le SEIGNEUR, ton Dieu,
t'instruit** comme un homme instruit son fils

*littéralement : et tu sauras avec ton cœur


**t'instruit ou te corrige
Donc littéralement, le verset donne :
Et tu sauras avec ton cœur que YHWH ton
Dieu te corrigeait comme un père corrige
son enfant,
6 et garde les commandements de YHWH ton Dieu Trad. Bible Segond :
pour marcher dans ses voies et pour le craindre. Tu observeras les commandements du SEIGNEUR,
ton Dieu, en suivant ses voies et en le craignant.
7 Mais YHWH ton Dieu te conduit vers un heureux pays, pays de cours d'eau, de sources qui sourdent de
l'abîme dans les vallées comme dans les montagnes, 8 pays de froment et d'orge, de vigne, de figuiers et de
grenadiers, pays d'oliviers, d'huile et de miel, 9 pays où le pain ne te sera pas mesuré et où tu ne manqueras de

92/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

rien, pays où il y a des pierres de fer et d'où tu extrairas, dans la montagne, le bronze. 10 Tu mangeras, tu te
rassasieras et tu béniras YHWH ton Dieu en cet heureux pays qu'il t'a donné.

11 Garde toi d'oublier YHWH ton Dieu en négligeant ses commandements, ses coutumes et ses lois que je te
prescris aujourd'hui.12 Quand tu auras mangé et tu seras rassasié, quand tu auras bâti de belles maisons et les
habiteras, 13 quand tu auras vu multiplier ton gros et ton petit bétail, abonder ton argent et ton or, s'accroître
tous tes biens, 14 que tout cela n'élève pas ton cœur ! N'oublie pas alors YHWH ton Dieu qui t'a fait sortir du
pays d'Égypte, de la maison de servitude : 15 lui qui t'a fait passer à travers ce désert grand et redoutable, pays
des serpents brûlants, des scorpions et de la soif ; lui qui dans un lieu sans eau a fait pour toi jaillir l'eau de la
roche la plus dure ;
16 lui qui dans le désert t'a donné à manger la manne, On peut d’ailleurs relire l'histoire de David, et
inconnue de tes pères, afin de t'humilier et de même projeter l'histoire de Salomon qui
t'éprouver pour que ton avenir soit heureux ! tombera dans l'idolâtrie, à travers ces derniers
17 Garde toi de dire en ton cœur : “C'est ma force, versets.
c'est la vigueur de ma main qui m'ont fait agir avec
cette puissance.”
18 Souviens-toi de YHWH ton Dieu : c'est lui qui t'a
donné cette force, pour agir avec puissance, gardant
ainsi, comme aujourd'hui, l'alliance jurée à tes pères.
19 Certes, si tu oublies YHWH ton Dieu, si tu suis
d'autres dieux, si tu les sers et te prosternes devant
eux, j'en témoigne aujourd'hui contre vous, vous
périrez.
20 Comme les nations que YHWH aura fait périr
devant vous, ainsi vous-même périrez, pour n'avoir
pas écouté la voix de YHWH votre Dieu.

Un autre passage traite de la paternité divine en Dt 1 29-33.


29 Je vous dis : “Ne tremblez pas, n'ayez pas peur d'eux.
30 YHWH votre Dieu qui marche à votre tête combattra pour vous, tout comme vous l'avez vu faire en Égypte.
31 Tu l'as vu aussi au désert : YHWH ton Dieu te soutenait comme un homme soutient son fils, tout au long de
la route que vous avez suivie jusqu'ici.”
32 Mais en cette circonstance aucun d'entre vous ne crut en Yahvé votre Dieu,
33 lui qui vous précédait sur la route pour vous chercher un lieu de campement, dans le feu pendant la nuit pour
éclairer votre route, et dans la nuée pendant le jour.

93/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.2.1.1.2 Chez les Prophètes

Les prophètes aussi, et notamment Osée (chap. 11), traitent cette éducation paternelle de Dieu
envers son peuple.
Os 11, 1-4 :
1 Quand Israël était jeune, je l'aimai,
et d'Égypte j'appelai mon fils.
2 Mais plus on les appelait, plus ils s'écartaient ;
aux Baals ils sacrifiaient,
aux idoles ils brûlaient de l'encens.
3 Et moi j'avais appris à marcher à Éphraïm,
je le prenais par les bras,
et ils n'ont pas compris que je prenais soin d'eux !
4 Je les menais avec des attaches humaines,
avec des liens d'amour ;
j'étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson
tout contre leur joue,
je m'inclinais vers lui et le faisais manger.

3.2.1.1.3 Dans les Écritures

Les Écritures traitent aussi de ce thème, notamment dans les Proverbes.

Pr 3,11-12 :
Ne méprise pas, mon fils, la correction de YHWH,
et ne prends pas mal sa réprimande,
car YHWH reprend celui qu'il aime,
comme un père le fils qu'il chérit.

David est-il cet homme qui accepte la réprimande du Seigneur ? Il l'accepte mais réagit
humainement. Il ne comprend pas au début. Il agit comme un enfant vis à vis de son père. Il pleure,
se tait, accuse le coup, puis comprend petit à petit : c'est progressif, humain.

Alors on comprend, l'histoire de David et de son épreuve semble révélée ici dans la sagesse de
Salomon : Sg 3,1-9

94/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

1 Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.


Et nul tourment ne les atteindra.
2 Aux yeux des insensés ils ont paru bien morts, David n'a-t-il pas paru mort aux yeux de
leur départ a été tenu pour un malheur Shiméï et d'Israël ?
3 et leur voyage loin de nous pour un anéantissement, Voyage loin de nous : son expédition au-delà du
mais eux sont en paix. Jourdain par Absalom (1S17)
4 S'ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments, Lui est resté en paix. Ex : épisode de Shiméï)
leur espérance était pleine d'immortalité ; Châtiments : Absalom, Amnon, Tamar... 2S13-
19

5 pour une légère correction ils recevront de grands


bienfaits. Effectivement, obtention d'un nom et un
Dieu en effet les a mis à l'épreuve Royaume (cf. promesse de Dieu) et
et il les a trouvés dignes de lui ; connaissance de Dieu
L'épreuve comme purification (Gn22, Gn 22 1
6 comme l'or au creuset, il les a éprouvés, ; Tb 12 13 ; Jb 1 2s ; Ps 66 10 ; Si 2 ; 1P 1 6s.
comme un parfait holocauste, il les a agréés. Et David se donne même en holocauste à la
fin...

7 Au temps de leur visite, ils resplendiront, La visite est un mot particulier qui pourrait
et comme des étincelles à travers le chaume ils courront. bien désigner ce qui s'est passé entre David et
8 Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples, Dieu à la suite de toutes les épreuves qu'a
et le Seigneur régnera sur eux à jamais. endurées David.
9 Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront D'après un commentaire de la Bible de
la vérité Jérusalem, voici ce que l'on peut entendre par
et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans ce mot :
l'amour, Cf. Ex 3 16+, la visite désigne ici une
car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints intervention favorable de Dieu, susceptible de
et sa visite est pour ses élus. coïncider avec un jugement général ou partiel.
L'expression elle-même, qui reproduit litt. Jr 6
15 ; 10 15 (LXX), cf. aussi Is 44 22, indique une
phase ultérieure dans la condition des âmes
justes. Le verbe suivant doit signifier leur
glorification définitive ; si la notion de
“resplendissement” s'applique ailleurs aux élus
ressuscités, Dn 12 3 ; Mt 13 43, cette doctrine

95/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

d'une résurrection corporelle ne s'explicite


nulle part dans le livre.

N'est-ce pas David qui a ensuite un lien


particulier avec les nations ? David qui se
transforme entre 1S11 et 1S24 ?

Et David comprend alors la vérité, comprend


la grâce et la miséricorde de Dieu.

La notion de visite est à reliée à l'analyse de 2S23, plus haut dans l'étude.

3.2.1.1.4 Dans le Nouveau Testament

Dans les évangiles


Nous pouvons tout d’abord noter l’éducation progressive de Jésus, qui vient sur Terre en petit
enfant, passe ensuite 30 ans à Nazareth dans sa famille à méditer les Ecritures et à comprendre qui
est son Père et quelle est sa mission. Ce qui est très différent de l’éducation « de l’instantané » que
l’on peut désirer aujourd’hui. Jésus nous apprend aussi par son attitude que l’on ne devient pas non
plus chrétien d’une seconde à l’autre. C’est un pèlerinage, une éducation.

On le voit dans l’Evangile de Luc, Lc 2, 39-40 :


« Et quand ils eurent accompli tout ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à
Nazareth, leur ville. Cependant l’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu
était sur lui. »

Puis Luc 2, 51-52 :


« Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth ; et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement toutes ces
choses en son cœur. Quand à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes. »
Jésus grandit. C’est bien de cela qu’il s’agit. Jésus passe d’un stade plus petit à un stade plus grand.

96/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Dans les épitres


De la même manière que Jésus, Saint Paul de devient pas Saint Paul d’une minute à l’autre11. Il y a
une évolution. Il est d’ailleurs avant sa conversion un pécheur, et même après sa conversion il se
transforme peu à peu.

Il serait d’ailleurs très grave et dangereux de penser que l’on peut devenir un saint d’une minute à
l’autre. C’est le défaut des écritures : on voit tout de suite « le suc » du saint, sans forcément voir
qu’il y a un itinéraire, une lente maturation, qui a mené le saint à se convertir. Ainsi, on pourrait en
tant que chrétien vouloir connaître tout de suite la croix glorieuse, mais on n’a même pas connu
l’épisode du désert, de la Galilée, etc. Saint Paul tombe quand il a une apparition du Christ. Mais
c’est déjà un Saint Paul préparé par sa vie de pharisien. Et c’est ensuite un Saint Paul qui va
comprendre petit à petit qui est Jésus Christ, et le mystère de son amour.

En plus de la vie des saints, l’éducation paternelle de Dieu est aussi reprise dans les écrits du
Nouveau Testament. Nous le voyons dans l’épitre aux hébreux (He 12, 5-13) et l’Apocalypse (Ap
3, 19)

Epitre aux hébreux 12, 5-13


Avez-vous oublié l’exhortation qui s’adresse à vous comme à des fils : Mon fils, ne méprise pas la correction du
Seigneur, et ne te décourage pas quand il te reprend ? Car celui qu’aime le Seigneur, il le corrige, et il châtie tout
fils qu’il agrée. Crest pour votre correction que vous souffrez. C’est en fils que Dieu vous traite. Et quel est le fils
que ne corrige son père ? Si vous êtes exempts de cette correction, dont tous ont leur part, c’est que vous êtes des
bâtards et non des fils. D’ailleurs, nous avons eu pour nous corriger nos pères selon la chair, et nous les respections.
Ne serons-nous pas soumis bien davantage au Père des esprits pour avoir la vie ? Ceux-là en effet, nous
corrigeaient pendant peu de temps et au juger ; mais lui, c’est pour notre bien, afin de nous faire participer à sa
sainteté. Certes, toute correction ne paraît pas sur le moment être un sujet de joie mais de tristesse. Plus tard
cependant, elle rapporte à ceux qu’elle a exercés un fruit de paix et de justice. C’est pourquoi redressez vos mains
inertes et vos genoux fléchissant, et rendez droit pour vos pas les sentiers tortueux, afin que le boiteux ne dévie
point, mais plutôt qu’il guérisse.

Apocalypse 3, 19 :
« Ceux que j’aime, je les semonce et les corrige. Allons ! Un peu d’ardeur et repens-toi ! »

11 Cf. aussi la thèse d’Etienne Nodet sur l’évolution de Saint Paul

97/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.2.1.2 L'éducation et la paternité, des thèmes important dans les livres de Samuel, en dehors de
la vie de David

Un autre indice vient appuyer l'importance de ce thème de la relation de père à fils entre David et
Dieu : il s'agit de la place donnée à la paternité dans les livres de Samuel. La relation filiale est un
grand problème. Les pères n'arrivent plus à éduquer leurs fils !

Le rapport père à fils est omni-présent dans les livres de Samuel :


• Éli et ses fils
• Samuel et ses fils
• Saül et son fils Jonathan
• David et ses fils (Absalom, Amnôn, Adonias)

En relisant cette liste, il est assez évident que la relation père-fils est un problème pour tous les
pères des livres de Samuel. C'est un problème central. Et ce problème l'est chez tous ses élus ! Éli,
Samuel, Saül et David (qui concentre même tous les problèmes). Les livres de Samuel semblent
être un grand cri vers Dieu : comment éduquer nos fils ?

Comment Dieu alors répond à ce problème d'éducation dans les livres de Samuel ? Si cette relation
père à fils est désastreuse entre les hommes, ces livres ne sont-il pas justement une manière que
Dieu a d'expliquer aux hommes ce qu'est la véritable paternité, à travers son exemple avec David ?
Dieu viendrait répondre aux problèmes des pères en se donnant en exemple avec David (et Saül
dans un premier temps). Alors la relation entre Dieu et David serait aussi une réponse faite aux
hommes. Dieu répond aux problèmes des hommes.

Dieu utilise donc son Messie comme exemple pour Israël. Il devient un miroir pour son peuple
Israël (a les mêmes problèmes que lui), un exemple de relation avec Dieu et un laboratoire
expérimental pour que le peuple comprenne ce qu'est la paternité, et la foi.

3.2.2 Le thème de la circoncision du cœur, du « bon holocauste », à l’honneur dans les


livres de Samuel, traverse aussi la Bible

Nous avons mentionné qu’un des premiers cris des livres de Samuel est le problème lié à la
paternité. Un deuxième cri qui se fait vite entendre, est celui de ne pas savoir faire d’holocaustes.
Quel est l’holocauste véritable ? Quel est « le sacrifice qui plait à Dieu » ?

98/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Les livres de Samuel commencent en effet par le cri du cœur d’une femme, Anne, dans le sanctuaire
de Silo, où Israël faisait ses sacrifices. Son mari, Elqana, en 1S 1, 8 lui demande « Pourquoi ton
cœur est-il triste ? ». C’est à ce cœur brisé, à ces larmes exprimées dans sa prière, que Dieu va
répondre. Ce sacrifice véritable aux yeux de Dieu, le « cœur brisé et broyé » du psaume 51 sera
agréé, et donnera naissance à Samuel. C’est comme si le rédacteur cherchait à nous indiquer que ce
thème est premier dans ces livres.

La suite des livres de Samuel est marqué par le souci de ne pas savoir faire les bons sacrifices. Les
fils du grand prêtre Eli (1S 2, 12-26) ainsi que Saül (1S13, 7-15) en font les frais. Et la réaction de
Dieu est de dire « je me susciterai un prêtre fidèle qui agira selon mon cœur », pour Samuel (1S2,
35), et « YHWH s’est cherché un homme selon son cœur » pour David (1S 13, 14). Dès lors, nous
comprenons que la notion d’holocaustes est intimement liée à la notion de cœur.

Qu’est-ce donc que le « bon holocauste », qu’est-ce que le « bon cœur » ? Qu’en dit le corpus des
textes bibliques ?

3.2.2.1 Qu’est-ce que le « bon cœur » dans la Bible ?

Qu’est-ce que le cœur ? Lev, levav en hébreu , signifiant à la fois cœur, milieu et volonté.
D’aucuns le voient comme l’organe de la volonté, de la décision, du courage et du repentir. Alors
qu’est-ce que le « bon cœur » ?

3.2.2.1.1 Dans le Pentateuque (Tora), cf. Lv et Dt

Dans la Loi, la notion de cœur est abordée en particulier à propos de la circoncision. La Loi
demande à chaque fils d’Israël d’être circoncis (Gn 17,10s). Toutefois, Dieu débecte les hommes
circoncis d’un point de vue charnel, mais dont le cœur n’est pas tourné vers Dieu. Ils sont dits avoir
le corps circoncis, mais le cœur incirconcis. Et ce que désire Dieu, c’est la circoncision du cœur.
On le lit dans les passages suivants :

Lévitique 26,41 :
Moi aussi je m'opposerai à eux et je les mènerai au pays de leurs ennemis. Alors leur cœur incirconcis
s'humiliera, alors ils expieront leurs fautes.

Deutéronome 10, 16-22 :


12 Et maintenant, Israël, que te demande YHWH ton Dieu, sinon de craindre YHWH ton Dieu, de
suivre toutes ses voies, de l'aimer, de servir YHWH ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme,

99/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

13 de garder les commandements de YHWH et ses lois que je te prescris aujourd'hui pour ton bonheur ?
14 C'est bien à YHWH ton Dieu qu'appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce
qui s'y trouve.
15 YHWH pourtant ne s'est attaché qu'à tes pères, par amour pour eux, et après eux il a élu entre
toutes les nations leur descendance, vous-mêmes, jusqu'aujourd'hui.
16 Circoncisez votre cœur et ne raidissez plus votre nuque,
17 car YHWH votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, vaillant et
redoutable, qui ne fait pas acception de personnes et ne reçoit pas de présents.

Encore, dans le Deutéronome 30, 1-10 :

1 Lorsque toutes ces paroles se seront réalisées pour toi, De même, appel à la conversion du cœur.
cette bénédiction et cette malédiction que je t'ai
proposées, si tu les médites en ton cœur, parmi toutes les Mais dans le cas où l'on a bien la conversion de
nations où YHWH ton Dieu t'aura fait errer, David qui apparaît à la fin du chapitre 24, n'a-
2 si tu reviens à YHWH ton Dieu, si tu écoutes sa voix t-on pas l'impression de suivre tout le parcours
en tout ce que je t'ordonne aujourd'hui, de tout ton cœur de David en lisant ces versets ?
et de toute ton âme, toi et tes fils, Les malédictions liées à son péché sont
3 YHWH ton Dieu ramènera tes captifs, il aura pitié réalisées (Absalom, femmes prises, épée qui
de toi, il te rassemblera à nouveau du milieu de tous les passe dans sa famille, et exil au-delà du
peuples où YHWH ton Dieu t'a dispersé. Jourdain). [La bénédiction va se réaliser dans le
4 Serais-tu banni à l'extrémité des cieux, de là même chapitre du livre des rois (Salomon, son fils,
YHWH ton Dieu te rassemblerait et il viendrait t'y monte sur le trône)].
prendre,
5 pour te ramener au pays que tes pères ont possédé, Alors David est à nouveau roi sur Jérusalem
afin que tu le possèdes à ton tour, que tu y sois heureux (chap. 19 ?).
et que tu y multiplies plus que tes pères. Le cœur de David se circoncit (chap. 24). Et
6 YHWH ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta c'est le Seigneur, par son action, qui lui a
postérité pour que tu aimes YHWH ton Dieu de tout circoncit le cœur ! C'est par sa pédagogie !
ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives. Attention, ce n'est pas David tout seul. C'est le
7 YHWH ton Dieu fera retomber toutes ces Seigneur qui éduque David et qui par les
imprécations sur tes ennemis et sur tes adversaires qui évènements qu'il lui fait vivre, lui circoncit le
t'ont persécuté. cœur.
8 Toi, tu obéiras de nouveau à la voix de YHWH ton Ses ennemis sont exécutés (2R2)
Dieu et tu mettras en pratique tous ses commandements
que je te prescris aujourd'hui.

100/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

9 YHWH ton Dieu te rendra prospère en toutes tes


entreprises, dans le fruit de tes entrailles, dans le fruit
de ton bétail et dans le fruit de ton sol. Car de nouveau
YHWH prendra plaisir à ton bonheur, comme il avait
pris plaisir au bonheur de tes pères,
10 si tu obéis à la voix de YHWH ton Dieu en gardant
ses commandements et ses décrets, inscrits dans le livre
de cette Loi, si tu reviens à YHWH ton Dieu de tout
ton cœur et de toute ton âme.

3.2.2.1.2 Dans les Prophètes, cf. Osée et Jérémie

Les prophètes font aussi mention de la véritable conversion du cœur qui prône sur les sacrifices et
les holocaustes. Le véritable holocauste, c’est le cœur qui « connait » Dieu, qui l’aime : le cœur
circoncit.

Osée 6 6 :
« c’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes »

Jr 4, 3-4 :
3 Car ainsi parle YHWH
aux gens de Juda et à Jérusalem :
Défrichez pour vous ce qui est en friche,
ne semez rien parmi les épines.
4 Circoncisez-vous pour YHWH,
ôtez le prépuce de votre cœur,
gens de Juda et habitants de Jérusalem,
sinon ma colère jaillira comme un feu,
elle brûlera sans personne pour éteindre,
à cause de la méchanceté de vos actions.

Jr 9, 25-34 :
Voici venir des jours – oracle de YHWH – où je visiterai tout circoncis qui ne l’est que dans sa chair :
l’Egypte, Juda, Edom, les fils d’Ammon, Moab et tous les hommes aux tempes rasées qui habitent dans le
désert. Car toutes ces nations-là, et aussi toute la maison d’Israël, ont le cœur incirconcis !

101/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Ez 44, 6-7
C’en est trop de toutes vos abominations, maison d’Israël, lorsque vous avez introduit des étrangers incirconcis
de cœur et incirconcis de corps pour s’installer dans mon sanctuaire et pour profaner mon Temple, lorsque
vous avez offert ma nourriture, la graisse et le sang, et que vous avez rompu mon alliance.
Os 2, 4-6
4 Que te ferai-je, Éphraïm ?
Que te ferai-je, Juda ?
Car votre amour est comme la nuée du matin,
comme la rosée qui tôt se dissipe.
5 C'est pourquoi je les ai taillés en pièces par les prophètes,
je les ai tués par les paroles de ma bouche ;
et mon jugement surgira comme la lumière.
6 Car c'est l'amour qui me plaît et non les sacrifices,
la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes.

Os 2,21-22 :
21 Je te fiancerai à moi pour toujours ;
je te fiancerai dans la justice et dans le droit,
dans la tendresse et la miséricorde ;
22 je te fiancerai à moi dans la fidélité,
et tu connaîtras YHWH.

3.2.2.1.3 Dans les écritures

Le Psaume le plus évident pour illustrer ce que Dieu attend du cœur de l’homme, est le psaume 51
miserere, attribué à David :

Ps 51, 18-19 :
17 Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche publiera ta louange.
18 Car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice ;
un holocauste, tu n'en veux pas.
19 Le sacrifice à Dieu, c'est un esprit brisé ;
d'un cœur brisé, broyé, Dieu, tu n'as point de mépris.

102/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

3.2.2.1.4 Dans le nouveau testament

Note BJ : Le NT reprendra cette image, Ac 7 51, et S. Paul enseignera que la vraie circoncision,
celle qui fait le véritable Israël, est celle du cœur, Rm 2 25-29 ; cf. 1 Co 7 19 ; Ga 5 6 ; 6 15 ; Ph 3
3 ; Col 2 11 ; 3 11.

Le Nouveau Testament reprend aussi la mention du cœur circoncit. N’est-ce pas le cheval de
bataille de Jésus Christ à l’encontre des pharisiens ?

En Matthieu 23, 27 :
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui
paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés.

Saint Paul enseigne aussi la véritable circoncision, celle du cœur :

Romains 2, 25-29 :
La circoncision, en effet, te sert si tu pratiques la Loi ; mais si tu transgresses la Loi, avec ta circoncision, tu
n’es plus qu’un incirconcis. Si donc l’incirconcis garde les prescriptions de la Loi, son incirconcision ne vaudra-
t-elle pas une circoncision ? Et celui qui physiquement incirconcis accomplit la Loi te jugera, toi qui avec la
lettre et avec la circoncision es transgresseur de la Loi. Car le Juif n’est pas celui qui l’est au dehors, et la
circoncision n’est pas au dehors dans la chair, le vrai Juif l’est au-dedans et la circoncision dans le cœur, selon
l’esprit et non pas selon la lettre : voilà celui qui tient sa louange non des hommes, mais de Dieu.

La Bible est ainsi cohérente en ce point : l’homme au « bon cœur » est celui dont le cœur est
converti, celui dont la volonté est tournée vers le Seigneur. Pas celui du « bon religieux », car on
peut faire des sacrifices sans que le cœur n’y soit, et qui sont ainsi non agréés par Dieu (cf. Saül).
Que David soit appelé un homme « selon le cœur de Dieu » est donc plus que notable. David
enseigne donc l’itinéraire d’une conversion du cœur, d’une circoncision du cœur : un cœur qui
apprend petit à petit à connaître Dieu, qui se laisse pétrir et circoncire.

103/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

CONCLUSION ET OUVERTURE

Pourquoi David est-il un homme selon le cœur de Dieu ? Pourquoi cette formule est
employée spécialement pour David ? Pourquoi Dieu a-t-il choisi David ? Et que veut-Il ainsi dire
à travers David ?

David a très certainement été l’instrument qui permet à Dieu de révéler son œuvre, son dessein
pour les hommes, sa patience dans l’éducation qu’Il fait avec chaque homme, ses miracles qu’Il
peut opérer par la foi, et surtout pour révéler sa miséricorde. Dieu avait-il besoin d’un homme
parfait, sans péché ? Sûrement pas. Mais l’étude de sa vie peut laisser croire que Dieu cherchait
surtout un homme qui soit une bonne terre meuble et malléable. Et David semble être cet homme.

David a d’abord été ce choix que personne n’attendait : un jeune homme roux, tiré de derrière
ses troupeaux. Puis ce jeune homme éclatant, multipliant les victoires au nom de Dieu (Goliath,
conquête de Jérusalem etc.). Avant de connaître un grand péché et d’en subir les lourdes
conséquences. Mais la deuxième partie de sa vie, la moins glorieuse mais la plus profonde
commence : celle de la conversion de son cœur. Et dans ce passage douloureux, humiliant et lent,
David semble découvrir un autre amour, plus profond : l’amour de Dieu pour l’homme pécheur
qu’il est. Il finit par montrer l’étendue de sa connaissance de l’amour de Dieu en offrant sa vie en
sacrifice pour sauver son peuple au chapitre 24 des livres de Samuel. Et, Dieu, ne lui prend pas sa
vie, mais la lui restaure, et à partir de là, prend en main la vie de David pour lui rendre justice, et
l’accompagner dans une fin de vie bienheureuse où justice lui est rendue.

L’histoire de David apporte alors un bel éclairage : Dieu est pédagogue et n’attend pas des
hommes qu’ils soient parfaits pour lui plaire. Il se sert des évènements de la vie de chacun pour
faire connaître son amour et sa miséricorde. Il poursuit tous les jours sa création et son œuvre (cf.
Ps 138,8 : « Le Seigneur achèvera ce qu’il a fait pour moi »)

Les évènements peuvent devenir l’instrument à circoncire petit à petit le cœur de chaque
homme, comme il l’a fait avec David. Et la fin de vie bienheureuse de David (en se penchant sur
ses aspects cachés) en témoigne. Ainsi, David peut aider à voir la vie comme un chemin de
rencontre avec l’amour de Dieu. Sa conversion, et la lente circoncision de son cœur, qu’opère Dieu
en lui, le mène à l’abandon dans l’infini amour qu’il découvre en Dieu : pas un amour réservé aux
parfaits, aux zélés, aux faiseurs de miracles, mais un amour pour les pécheurs, les affligés, les
humbles. Si David est passé par ses moments glorieux, sa victoire contre Goliath par exemple, il
est aussi passé dans son quotidien bien plus humble et humiliant de la deuxième partie de sa vie où
il se confronte à la dislocation de sa famille, l’humiliation par son propre peuple, la trahison de son
propre fils etc.

104/105
DAVID, UN HOMME SELON LE CŒUR DE DIEU (1S 13, 14) HELIE BROUCHET

Il est alors plus facile de comprendre la formule suivante « Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de
mes pieds ». Elle est reprise au moins trois fois dans la Bible : dans la bouche d’Isaïe en Is 66, 1 dans
la bouche de Jésus, en Mt 5, 34 et dans la bouche d’Etienne en Ac 7, 49. L’expérience de la vie sur
terre devient un moyen pour parvenir au ciel : règne de l’infini amour.

La vie terrestre de l’homme, avec l’éclairage de David, devient le marchepied, l’escabeau, qui permet
d’arriver au Ciel. Cet escabeau, le marchepied, est constitué par tous les évènements de la vie : bons
ou mauvais, amis ou ennemis etc.

Alors pourquoi David est-il un homme selon le cœur de Dieu ? Non parce qu’il est parfait, il est
pécheur, mais parce qu’il se laisse pétrir par les évènements. Il ne naît ni accompli, ni parfait, ni
sans péché. Dieu poursuit sa création et son modelage tout au long de sa vie. C’est à la fin de sa vie
que David prend la dimension du messie, à l’image et à la ressemblance de l’amour de Dieu. Il est
prêt à donner sa vie pour son peuple, en se remettant pleinement dans les bras de Dieu.

Enfin, pour terminer et aller plus loin, l’adage juif cité plus haut dans l’étude disait qu’Adam (ADM),
c’est Adam, David, Messie. Alors, que dire du prochain messie ? Bénéficie-t-il aussi de l’éducation
paternelle de Dieu ? Vit-il aussi une progression dans sa vie sur Terre ? Pour aller jusqu’où ?
Comment illustre-t-il, et devient-il à l’image, de l’amour de Dieu ?

105/105

View publication stats

Vous aimerez peut-être aussi