Vous êtes sur la page 1sur 14

Lectures (compréhensions) multiples appliquées au conte

et paraphrase
(à propos de l'exercice du commentaire littéraire)

2nde, 1ère, Term

- « La belle au bois dormant », conte des frères Grimm publié en 1812 pp 2-3

- Diverses lectures (compréhensions) du conte de fées pp 4-10


° 1ère lecture : la dimension littéraire (et merveilleuse) du conte de fées pp 4-5
° 2ème lecture : la dimension éducative du conte de fées pp 5-6
° 3ème lecture : la dimension psychanalytique du conte de fées pp 6-7
° 4ème lecture : la dimension anthropologique du conte de fées pp 8-9
° 5ème lecture : la dimension métaphysique et religieuse du conte de fées pp 9-10

- Comment éviter la paraphrase ? pp 11-14


Voici le texte de « La belle au bois dormant », conte des frères Grimm publié en 1812 (réécriture
du conte de Charles Perrault, publié en 1697 dans Les Contes de ma mère l'Oye)

Il était une fois un roi et une reine. Chaque jour ils se disaient : « Ah ! si seulement nous avions un
enfant. » Mais d'enfant, point. Un jour que la reine était au bain, une grenouille bondit hors de l'eau et lui
dit : « Ton vœu sera exaucé. Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une fillette au monde. »

Ce que la grenouille avait prédit arriva. La reine donna le jour à une fille. Elle était si belle que le roi ne
se tenait plus de joie. Il organisa une grande fête. Il ne se contenta pas d'y inviter ses parents, ses amis
et connaissances, mais aussi des fées afin qu'elles fussent favorables à l'enfant. Il y en avait treize dans
son royaume. Mais, comme il ne possédait que douze assiettes d'or pour leur servir un repas, l'une
d'elles ne fut pas invitée.

La fête fut magnifique. Alors qu'elle touchait à sa fin, les fées offrirent à l'enfant de fabuleux cadeaux :
l'une la vertu, l'autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est désirable au
monde. Comme onze des fées venaient d'agir ainsi, la treizième survint tout à coup. Elle voulait se
venger de n'avoir pas été invitée. Sans saluer quiconque, elle s'écria d'une forte voix : « La fille du roi,
dans sa quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera raide morte. » Puis elle quitta la salle.
Tout le monde fut fort effrayé. La douzième des fées, celle qui n'avait pas encore formé son vœu,
s'avança alors. Et comme elle ne pouvait pas annuler le mauvais sort, mais seulement le rendre moins
dangereux, elle dit : « Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de cent années dans
lequel sera plongée la fille du roi. »

Le roi, qui aurait bien voulu préserver son enfant adorée du malheur, ordonna que tous les fuseaux
fussent brûlés dans le royaume. Cependant, tous les dons que lui avaient donnés les fées
s'épanouissaient chez la jeune fille. Elle était si belle, si vertueuse, si gentille et si raisonnable que tous
ceux qui la voyaient l'aimaient. Il advint que le jour de sa quinzième année, le roi et la reine quittèrent
leur demeure. La jeune fille resta seule au château. Elle s'y promena partout, visitant les salles et les
chambres à sa fantaisie. Finalement, elle entra dans une vieille tour. Elle escalada l'étroit escalier en
colimaçon et parvint à une petite porte. Dans la serrure, il y avait une clé rouillée. Elle la tourna. La
porte s'ouvrit brusquement. Une vieille femme filant son lin avec application, était assise dans une petite
chambre.

« Bonjour, grand-mère, dit la jeune fille. Que fais-tu là ? » - « Je file, dit la vieille en branlant la tête. » -
« Qu'est-ce donc que cette chose que tu fais bondir si joyeusement ? » demanda la jeune fille. Elle
s'empara du fuseau et voulut filer à son tour. À peine l'eut-elle touché que le mauvais sort s'accomplit :
elle se piqua au doigt. À l'instant même, elle s'affaissa sur un lit qui se trouvait là et tomba dans un
profond sommeil.

Et ce sommeil se répandit sur l'ensemble du château. Le roi et la reine, qui venaient tout juste de
revenir et pénétraient dans la grande salle du palais, s'endormirent. Et avec eux, toute la Cour. Les
chevaux s'endormirent dans leurs écuries, les chiens dans la cour, les pigeons sur le toit, les mouches
contre les murs. Même le feu qui brûlait dans l'âtre s'endormit et le rôti s'arrêta de rôtir. Le cuisinier, qui
était en train de tirer les cheveux du marmiton parce qu'il avait raté un plat, le lâcha et s'endormit. Et le
vent cessa de souffler. Nulle feuille ne bougea plus sur les arbres devant le château. Tout autour du
palais, une haie d'épines se mit à pousser, qui chaque jour devint plus haute et plus touffue. Bientôt,
elle cerna complètement le château, jusqu'à ce qu'on n'en vît plus rien, même pas le drapeau sur le toit.

Dans le pays, la légende de la Belle au Bois Dormant - c'est ainsi que fut nommée la fille du roi - se
répandait. De temps en temps, des fils de roi s'approchaient du château et tentaient d'y pénétrer à

2
travers l'épaisse muraille d'épines. Mais ils n'y parvenaient pas. Les épines se tenaient entre elles,
comme par des mains. Les jeunes princes y restaient accrochés, sans pouvoir se détacher et mouraient
là, d'une mort cruelle.

Au bout de longues, longues années, le fils d'un roi passa par le pays. Un vieillard lui raconta l'histoire
de la haie d'épines. Derrière elle, il devait y avoir un château dans lequel dormait, depuis cent ans, la
merveilleuse fille d'un roi, appelée la Belle au Bois Dormant. Avec elle, dormaient le roi, la reine et toute
la Cour. Le vieil homme avait aussi appris de son grand-père que de nombreux princes étaient déjà
venus qui avaient tenté de forcer la haie d'épines ; mais ils y étaient restés accrochés et y étaient morts
d'une triste mort. Le jeune homme dit alors : « Je n'ai peur de rien, je vais y aller. Je veux voir la Belle
au Bois Dormant. » Le bon vieillard voulut l'en empêcher, mais il eut beau faire, le prince ne l'écouta
pas. Or, les cent années étaient justement écoulées et le jour était venu où la Belle au Bois Dormant
devait se réveiller. Lorsque le fils du roi s'approcha de la haie d'épines, il vit de magnifiques fleurs qui
s'écartaient d'elles-mêmes sur son passage et lui laissaient le chemin. Derrière lui, elles reformaient
une haie. Dans le château, il vit les chevaux et les chiens de chasse tachetés qui dormaient. Sur le toit,
les pigeons se tenaient la tête sous l'aile. Et lorsqu'il pénétra dans le palais, il vit les mouches qui
dormaient contre les murs. Le cuisinier, dans la cuisine, avait encore la main levée comme s'il voulait
attraper le marmiton et la bonne était assise devant une poule noire qu'elle allait plumer.

En haut, sur les marches du trône, le roi et la reine étaient endormis. Le prince poursuivit son chemin et
le silence était si profond qu'il entendait son propre souffle. Enfin, il arriva à la tour et poussa la porte de
la petite chambre où dormait la Belle. Elle était là, si jolie qu'il ne put en détourner le regard. Il se
pencha sur elle et lui donna un baiser.

Alors, la Belle au Bois Dormant s'éveilla, ouvrit les yeux et le regarda en souriant. Ils sortirent tous deux
et le roi s'éveilla à son tour, et la reine, et toute la Cour. Et tout le monde se regardait avec de grands
yeux. Dans les écuries, les chevaux se dressaient sur leurs pattes et s'ébrouaient, les chiens de chasse
bondirent en remuant la queue. Sur le toit, les pigeons sortirent la tête de sous leurs ailes, regardèrent
autour d'eux et s'envolèrent vers la campagne. Les mouches, sur les murs, reprirent leur mouvement ;
dans la cuisine, le feu s'alluma, flamba et cuisit le repas. Le rôti se remit à rissoler ; le cuisinier donna
une gifle au marmiton, si fort que celui-ci en cria, et la bonne acheva de plumer la poule.

Le mariage du prince et de la Belle au Bois Dormant fut célébré avec un faste exceptionnel. Et ils
vécurent heureux jusqu'à leur mort.

Le texte est long. Vous n’aurez jamais un texte aussi long à analyser en commentaire littéraire.
Mais cela me permet de vous montrer ce qu’on peut faire d’un texte et ce qu’il faut éviter quand
il s'agit d'en parler.

3
Lectures (compréhensions) multiples du conte de fées

(« Le conte merveilleux, ou conte de fées, est un sous-genre du conte. Dans ce type de littérature
interviennent des éléments surnaturels ou féeriques, des opérations magiques, des événements
miraculeux propres à enchanter le lecteur, ou l'auditeur, dans le cas d'une séance de conte,
généralement empruntée au folklore. La plupart des récits appartenant à ce genre littéraire ont circulé
de bouche à oreille, avant d'être l'objet au XVIIème siècle de collectages, retranscriptions à l'écrit et de se
retrouver relativement fixés dans leur forme et contenu. » Wikipedia)

1ère lecture : la dimension littéraire (et merveilleuse) du conte de fées (2nde, 1ère, Term)
L’animal personnifié : « Un jour que la reine était au bain, une grenouille bondit hors de l'eau ».

La prédiction (« Action d'annoncer à l'avance un événement par inspiration surnaturelle, par


voyance ou prémonition ; par métonymie, les paroles par lesquelles on prédit, ce qui est ainsi
annoncé. » CNRTL) : « et lui dit : ‘’ Ton vœu sera exaucé. Avant qu'une année ne soit passée,
tu mettras une fillette au monde.’’ »

La prédiction réalisée : « Ce que la grenouille avait prédit arriva. La reine donna le jour à une
fille. »

La beauté quasi-surnaturelle de l’enfant : « Elle était si belle que le roi ne se tenait plus de
joie. »

Les festivités du baptême à hauteur de la beauté et de la royale naissance de l’enfant : « Il


organisa une grande fête. » + « La fête fut magnifique. »

Les invités royaux : « Il ne se contenta pas d'y inviter ses parents, ses amis et connaissances ».

Les invités surnaturels : « mais aussi des fées afin qu'elles fussent favorables à l'enfant. »

Les prédictions merveilleuses (merveille : « Événement ou chose qui cause un vif étonnement
par son caractère étrange et extraordinaire. » CNRTL) :
- les prédictions positives :
« Alors qu'elle touchait à sa fin, les fées offrirent à l'enfant de fabuleux cadeaux : l'une
la vertu, l'autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est
désirable au monde. Comme onze des fées venaient d'agir ainsi »
- le sortilège (« Au figuré Action, influence qui semble magique. » CNRTL) ou la prédiction
négative qui tient de l’incantation tragique (incantation : « Formule magique [récitée,
psalmodiée ou chantée, accompagnée de gestes rituels] qui, à condition qu'on en respecte la
teneur, est censée agir sur les esprits surnaturels ou, suivant les cas, enchanter un être vivant
ou un objet [opérée par un enchanteur ou un sorcier, et qui a un caractère soit bénéfique soit
maléfique]. » CNRTL) :
« la treizième survint tout à coup. Elle voulait se venger de n'avoir pas été invitée. Sans
saluer quiconque, elle s'écria d'une forte voix : ‘’ La fille du roi, dans sa quinzième
année, se piquera à un fuseau et tombera raide morte. ‘’ Puis elle quitta la salle. Tout le
monde fut fort effrayé. »
- la prédiction qui tempère (« Modérer le caractère excessif de quelque chose. » CNRTL) le
mauvais sort :
« La douzième des fées, celle qui n'avait pas encore formé son vœu, s'avança alors. Et
comme elle ne pouvait pas annuler le mauvais sort, mais seulement le rendre moins

4
dangereux, elle dit : ‘’ Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de
cent années dans lequel sera plongée la fille du roi.’’ »

Ellipses temporelles :
- rien n’est relaté entre ce baptême de la princesse et ses quinze ans sinon que « le roi, qui
aurait bien voulu préserver son enfant adorée du malheur, ordonna que tous les fuseaux
fussent brûlés dans le royaume. Cependant, tous les dons que lui avaient donnés les fées
s'épanouissaient chez la jeune fille. Elle était si belle, si vertueuse, si gentille et si raisonnable
que tous ceux qui la voyaient l'aimaient. »
- rien n’est relaté entre les quinze ans et les cent quinze ans (!) de la princesse, sinon que, « de
temps en temps, des fils de roi s'approchaient du château et tentaient d'y pénétrer à travers
l'épaisse muraille d'épines. Mais ils n'y parvenaient pas. Les épines se tenaient entre elles,
comme par des mains. Les jeunes princes y restaient accrochés, sans pouvoir se détacher et
mouraient là, d'une mort cruelle. » Et, tandis qu’un prince passait par là, « un vieillard lui
raconta l'histoire de la haie d'épines. […] Le vieil homme avait aussi appris de son grand-père
que de nombreux princes étaient déjà venus qui avaient tenté de forcer la haie d'épines ; mais
ils y étaient restés accrochés et y étaient morts d'une triste mort. »
Admettons que le vieillard en question ait 70 ans, cela peut correspondre : supposons que son
grand-père, âgé d’une dizaine d’années quand se produisit le sortilège, ait appris que de jeunes
princes mouraient dans les haies cernant le château frappé de maléfice, qu’il ait eu un fils ou
une fille à vingt ans (dont naquit 20 ans plus tard le vieillard en question), le lecteur arrive à 100
ans…

Après « un sommeil de cent années », « le mariage du prince et de la Belle au Bois Dormant fut
célébré avec un faste exceptionnel. Et ils vécurent heureux jusqu'à leur mort. »

Cela correspond au schéma narratif :


- La situation initiale : Les festivités du baptême à hauteur de la beauté et de la royale
naissance de l’enfant ;
- L'élément perturbateur, le déclenchement : le sortilège, la prédiction négative (qui tient
de l’incantation tragique) de la fée Carabosse ;
- Les péripéties : le château s’endort et tout prince qui tente de pénétrer la haie d’épines y
meurt « d’une cruelle mort » ;
- Le dénouement : « Le jeune homme dit alors : ‘’ Je n'ai peur de rien, je vais y aller. Je veux
voir la Belle au Bois Dormant.’’ […] il arriva à la tour et poussa la porte de la petite chambre
où dormait la Belle. Elle était là, si jolie qu'il ne put en détourner le regard. Il se pencha sur
elle et lui donna un baiser. » ;
- La situation finale : Après « un sommeil de cent années », « le mariage du prince et de la
Belle au Bois Dormant fut célébré avec un faste exceptionnel. Et ils vécurent heureux
jusqu'à leur mort. »

2ème lecture : la dimension éducative du conte de fées (2nde, 1ère, Term)


L’amour paternel : « le roi, qui aurait bien voulu préserver son enfant adorée du malheur,
ordonna que tous les fuseaux fussent brûlés dans le royaume. »

La curieuse absence des parents (absence de souvenir de la formulation du présage par la fée
Carabosse puisque le roi et la reine s’absentent au château ?!) : « Il advint que le jour de sa
quinzième année, le roi et la reine quittèrent leur demeure. »

5
La curiosité de la princesse : « La jeune fille resta seule au château. Elle s'y promena partout,
visitant les salles et les chambres à sa fantaisie. »

Le difficile et fascinant accès au secret : « Finalement, elle entra dans une vieille tour. Elle
escalada l'étroit escalier en colimaçon et parvint à une petite porte. Dans la serrure, il y avait
une clé rouillée. Elle la tourna. La porte s'ouvrit brusquement. Une vieille femme filant son lin
avec application, était assise dans une petite chambre. »

La pratique du rouet (« Machine à roue mue par une pédale ou par une manivelle, servant à
filer le lin, le chanvre, la laine, etc. » CNRTL) : « ‘’ Bonjour, grand-mère, dit la jeune fille. Que
fais-tu là ? ‘’ – ‘’ Je file, dit la vieille en branlant la tête. ‘’ – ‘’ Qu'est-ce donc que cette chose que
tu fais bondir si joyeusement ? ‘’ demanda la jeune fille. Elle s'empara du fuseau et voulut filer à
son tour. »

L’accomplissement du maléfice : « À peine l'eut-elle touché que le mauvais sort s'accomplit :


elle se piqua au doigt. À l'instant même, elle s'affaissa sur un lit qui se trouvait là et tomba dans
un profond sommeil. »

Le lecteur / la lectrice peut se questionner :


- La jeune princesse est laissée seule et fait l’expérience de la découverte. On ne peut en
effet pas parler d’interdiction puisque le roi a fait brûler tous les fuseaux du royaume — ce
qui contribue à son étonnement devant le premier fuseau que voit la princesse. Le château
s’endort jusqu’à ce qu’elle soit réveillée par un prince charmant.
Il y a une menace doublée de suspens, contenue dans la dimension éducative du
conte : ne pas se risquer à expérimenter ce que l’on ne connait pas.
- Chez les parents, il semble que la question ait été réglée dès le mauvais sort jeté par la fée
Carabosse. Ils n’ont rien à voir dans cette expérience (sans doute est-ce pour cette raison
qu’ils peuvent avoir quitté le château) qui est de l’ordre du surnaturel (!). Cela dit, comment
prévenir quelqu’un d’un danger en éliminant tout ce qui pourrait l’éclairer sur ce danger ?
On ne peut gommer le risque en supprimant les sources de ce risque, semble dire
le conte… Ce sont là les limites de l’éducation : on ne peut, en tant que parent,
supprimer tous les risques auxquels son enfant sera confrontée.
- Cela dit, on peut supposer que c’est la maladresse de la princesse qui entraîne
l’accomplissement du maléfice. Le problème est donc ailleurs que dans l’expérience qu’elle
fait de ce qu’elle ne connait pas et ailleurs que dans les limites de l’éducation protectrice du
roi et de la reine…
C’est de son corps qu’il est ici question.

3ème lecture : la dimension psychanalytique du conte de fées (1ère, Term)


A noter que cette princesse naît sans d’autre intervention que la grenouille qui exauce le vœu
de la reine : « Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une fillette au monde. » + « La
reine donna le jour à une fille. » Aucune référence n’est faite aux corps de la reine et du roi.

A noter que la « quinzième année » de la princesse renvoie à un âge nubile (« Qui est en âge
d'être marié. » CNRTL) mais surtout pubère (puberté : « [Chez les êtres humains] Ensemble
des modifications morphologiques fonctionnelles et psychologiques caractérisant le passage
progressif de l'état d'enfance à celui d'adolescence. » CNRTL) qui s’accompagne du désir sinon
de la capacité à procréer.

6
A noter la dimension phallique de la « tour », du « fuseau », mais, auparavant, de la « clé
rouillée [qu’] elle tourna » dans la « serrure » (au travers de laquelle elle aurait simplement pu
se contenter de regarder). On peut relever ici de possibles références sexuelles (le tableau du
XVIIIème siècle, intitulé Le Verrou de Fragonard, souligne le caractère érotique de la conquête
dans ce verrou que tire le personnage masculin pour clore l’intimité du couple).

Cela dit, « dans Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim voit dans ce récit un
processus initiatique, une manière de préparer les petites filles aux changements qui les
attendent. Malgré toute l'attention des parents et les dons prodigués par ses marraines, la
petite fille est frappée dès le berceau, c'est-à-dire dès sa naissance, par la malédiction qui
s'accomplira à son adolescence. Cette malédiction, marquée par le sang qui coule (une allusion
à la menstruation) a une origine ancestrale. S'ensuit un repli sur soi (un sommeil de cent ans)
et une forêt de ronces qui ne se lèvera qu'à l'arrivée du prince charmant, le seul à trouver la
voie, à lever les obstacles et sortir la princesse de son sommeil grâce au baiser de l'amour. Le
prince n'est en fait qu'une figure accessoire, la trame du conte mettant en scène les diverses
phases de la vie d'une femme : l'enfance, l'adolescence et la jeunesse représentée par la
princesse, la mère représentant l'âge adulte, la fécondité et la grossesse, et la vieillesse
incarnée par la fée Carabosse. » (Wikipedia)

Il s’agirait dès lors davantage d’une prise de conscience des transformations physiques et
physiologiques de la princesse que du danger de la sexualité auquel, précisément, ces
transformations pourraient la confronter.

Le lecteur / la lectrice peut se questionner :


- Ces 100 années sont surnaturelles et symboliques et semblent dire à toute enfant fille qu’il
faut attendre un certain temps pour naître à son corps, en posséder la compréhension
sinon en maîtriser les désirs (les jeunes princes meurent dans d’atroces douleurs à essayer
de la rejoindre — cette haie d’épines symbolisant son intimité) :
la menace contenue dans la dimension éducative du conte (face à l’expérience faite
de l’inconnu) se double-t-elle donc du conseil d’attendre la venue d’un prince pour
naître à ce corps de femme (car c’est bien cela qu’elle expérimente — son corps —, et
c’est cela qui la même au sommeil. Jusque-là, « elle était si belle, si vertueuse, si
gentille et si raisonnable que tous ceux qui la voyaient l'aimaient », mais elle n’avait
aucun corps et n’était qu’apparence) ?
- « Lorsque le fils du roi s'approcha de la haie d'épines, il vit de magnifiques fleurs qui
s'écartaient d'elles-mêmes sur son passage et lui laissaient le chemin. Derrière lui, elles
reformaient une haie. » + « Enfin, il arriva à la tour et poussa la porte de la petite chambre
où dormait la Belle. Elle était là, si jolie qu'il ne put en détourner le regard. Il se pencha sur
elle et lui donna un baiser. »
Si aucune référence n’était faite aux corps de la reine et du roi, comme on l’a vu, il
en va tout autrement du corps des jeunes gens dont on perçoit ici la dimension
charnelle du baiser, qui questionne sur le moment propice de la rencontre amoureuse
et sur la rencontre du prince charmant (il est manifeste, ici, qu’il n’y aura qu’un seul
prince charmant… Est-ce le message de ce conte qui conforterait dès lors le respect
des mœurs des siècles de Charles Perrault comme des frères Grimm ?)

7
4ème lecture : la dimension anthropologique du conte de fées (anthropologie : « Étude générale de
l'homme sous le rapport de sa nature individuelle ou de son existence collective, sa relation physique
ou spirituelle au monde, ses variations dans l'espace et dans le temps, etc. » CNRTL) (1ère, Term)
Les forces cosmiques convoquées au chevet de la princesse : s’agissant des fées, « il y en
avait treize dans son royaume. Mais, comme il ne possédait que douze assiettes d'or pour leur
servir un repas, l'une d'elles ne fut pas invitée. »
On dit que les fées marraines se penchent sur le berceau et cela équivaut aux expressions :
« ♦ Être né sous une bonne, une mauvaise étoile. Avoir de la chance, de la malchance. […]
♦ Être la bonne, la mauvaise étoile de quelqu’un. Porter chance ou malchance à quelqu'un. »
(CNRTL)
On convoque donc le surnaturel pour attirer la bienveillance du sort… Cela dit, il semble que la
princesse soit frappée par l’un des sorts qui président à sa destinée : « La porte s'ouvrit
brusquement. Une vieille femme filant son lin avec application, était assise dans une petite
chambre. »
Ces treize fées, si elles participent de forces cosmiques, participent de forces psychologiques.
Ce qui est extérieur à la princesse est contenue en elle. Elle est l’harmonie et la dysharmonie
de forces qui constituent sa psyché (« PSYCHOLOGIE Ensemble des aspects conscients et
inconscients du comportement individuel, par opposition à ce qui est purement organique. »
CNRTL) jusqu’à ce qu’elle les dépasse en naissant jeune fille de son sommeil d’adolescente...

Il ne s’agit plus d’une ellipse narrative mais d’une suspension symbolique (où la suspension
apparente du temps pourrait tout autant être l’incessante répétition de chaque jour) : « Et ce
sommeil se répandit sur l'ensemble du château. Le roi et la reine, qui venaient tout juste de
revenir et pénétraient dans la grande salle du palais, s'endormirent. Et avec eux, toute la Cour.
Les chevaux s'endormirent dans leurs écuries, les chiens dans la cour, les pigeons sur le toit,
les mouches contre les murs. Même le feu qui brûlait dans l'âtre s'endormit et le rôti s'arrêta de
rôtir. Le cuisinier, qui était en train de tirer les cheveux du marmiton parce qu'il avait raté un
plat, le lâcha et s'endormit. Et le vent cessa de souffler. Nulle feuille ne bougea plus sur les
arbres devant le château. Tout autour du palais, une haie d'épines se mit à pousser, qui chaque
jour devint plus haute et plus touffue. Bientôt, elle cerna complètement le château, jusqu'à ce
qu'on n'en vît plus rien, même pas le drapeau sur le toit.

[…] Dans le château, il vit les chevaux et les chiens de chasse tachetés qui dormaient. Sur le
toit, les pigeons se tenaient la tête sous l'aile. Et lorsqu'il pénétra dans le palais, il vit les
mouches qui dormaient contre les murs. Le cuisinier, dans la cuisine, avait encore la main levée
comme s'il voulait attraper le marmiton et la bonne était assise devant une poule noire qu'elle
allait plumer.

En haut, sur les marches du trône, le roi et la reine étaient endormis. Le prince poursuivit son
chemin et le silence était si profond qu'il entendait son propre souffle.

[…] Alors, la Belle au Bois Dormant s'éveilla, ouvrit les yeux et le regarda en souriant. Ils
sortirent tous deux et le roi s'éveilla à son tour, et la reine, et toute la Cour. Et tout le monde se
regardait avec de grands yeux. Dans les écuries, les chevaux se dressaient sur leurs pattes et
s'ébrouaient, les chiens de chasse bondirent en remuant la queue. Sur le toit, les pigeons
sortirent la tête de sous leurs ailes, regardèrent autour d'eux et s'envolèrent vers la campagne.
Les mouches, sur les murs, reprirent leur mouvement ; dans la cuisine, le feu s'alluma, flamba
et cuisit le repas. Le rôti se remit à rissoler ; le cuisinier donna une gifle au marmiton, si fort que
celui-ci en cria, et la bonne acheva de plumer la poule. »

8
La suspension symbolique, comme on l’a vu, permet à la jeune fille de naître au monde après
ce long temps de maturation (« ANTHROPOLOGIE Développement physiologique et
psychologique de l'homme. » CNRTL)…
La périphrase (« RHÉTORIQUE Figure dans laquelle on substitue au terme propre et unique —
mot usuel ou nom propre — une expression imagée ou descriptive qui le définit ou l'évoque. »
CNRTL) « Belle au Bois Dormant » ne renvoie à personne en soi. Ce n’est jamais qu’une
personne non prénommée qui dort dans un bois jusqu’à ce qu’elle s’éveille et sourie — moment
essentiel qui fait d’elle une jeune femme à part entière qui fait renaître le monde autour d’elle.
Cette dimension quasi-surnaturelle liée à la jeune fille peut questionner le lecteur ou la lectrice.
Pourquoi son sourire fait-il revivre le château ? Fête-t-on ici le signe de la fin de l’adolescence ?
Fête-t-on la virginité de la jeune fille ? Fête-t-on sa capacité à l’amour et donc sa capacité à
procréer une descendance ?
D’un point de vue social voire historique, « dans le pays, la légende de la Belle au Bois
Dormant - c'est ainsi que fut nommée la fille du roi - se répandait. De temps en temps, des fils
de roi s'approchaient du château et tentaient d'y pénétrer à travers l'épaisse muraille d'épines.
Mais ils n'y parvenaient pas. Les épines se tenaient entre elles, comme par des mains. Les
jeunes princes y restaient accrochés, sans pouvoir se détacher et mouraient là, d'une mort
cruelle. » En fait, pour toute jeune fille (et pour tout jeune homme un peu trop entreprenant) la
Belle au Bois Dormant devient une légende qui reste dans les mémoires (le récit vivant se met
en abyme et devient récit légendaire dans la mémoire des Hommes) : la morale que l'on peut
déduire du conte laisse entendre qu'il faut être la jeune fille exemplaire qui dort (donc qui ne fait
rien de mal) et un jeune homme peu entreprenant sous peine de mourir, ou bien être plus
qu'entreprenant quand il convient de l’être (quand on a expérimenté non le sommeil, mais le
courage) : « Le jeune homme dit alors : ‘’ Je n'ai peur de rien, je vais y aller. Je veux voir la
Belle au Bois Dormant.’’ » ! Dès lors, d'un point de vue social et moral, se dégagent en sous-
texte (« Contenu implicite d'un texte, sous le sens littéral. ») les rôles de la fille et du garçon
dans la société — sexe et genre, à l'époque, n'étant pas dissociés : la fille se devant d'être
passive, intérieure et mystérieuse (jusqu'au silence) ; là où le garçon est actif, courageux et
conquérant (jusqu'à détenir le pouvoir de la parole) !

Enfin, le lecteur ou la lectrice se questionne : comment un roi peut n’avoir que douze assiettes
d’or ? La référence au repas et à la superstition des treize invités est liée à la Cène (« [terme
issu du latin cena, « repas du soir, dîner »] est le nom donné dans la religion chrétienne au
dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres le soir du Jeudi saint, avant la
Pâque juive, peu de temps avant son arrestation, la veille de sa crucifixion, et trois jours avant
sa résurrection. »), tandis que Judas dénonce le Christ sur le Mont des Oliviers (« Judas
Iscariote [ou Iscariot, ou Iscarioth] est, selon la tradition chrétienne, l'un des douze apôtres de
Jésus de Nazareth. Selon les évangiles canoniques, Judas a facilité l'arrestation de Jésus par
les grands prêtres de Jérusalem, qui le menèrent ensuite devant Ponce Pilate. »)…
La fée Carabosse est symboliquement Judas. Dans cette fête réussie du baptême de la
princesse, elle est celle qui rompt l’harmonie en jetant un mauvais sort.

5ème lecture : la dimension métaphysique et religieuse du conte de fées (2nde, 1ère, Term)
Le conte remonte loin dans la structuration de la pensée occidentale. Par exemple, s’agissant
de « La fée Carabosse, ou simplement Carabosse, [elle] est une fée malfaisante, vieille et laide,
et surtout bossue. De sa baguette jaillissent les mauvais dons. Le mot « Carabosse » est
constitué du mot « kara » qui signifie « noir » en turc et du mot « bosse ». […] On peut
rapprocher Carabosse d'Éris qui, dans la mythologie grecque, est la déesse de la Discorde.
Cette dernière n'a pas non plus été invitée aux noces de Thétis et Pélée. Pour s'en venger, elle
jette une pomme d'or portant l'inscription « pour la plus belle ». Ce geste est à l'origine du

9
déclenchement de la Guerre de Troie et de la mort d'Achille, survenant malgré la précaution de
sa mère pour le rendre invincible en le plongeant dans les eaux du Styx. » (Wikipedia)
L’idée de la jalousie et de la colère renvoie à la tragédie, foncièrement liée à la pensée
occidentale caricaturée souvent par la formule du tragique de la condition humaine, à savoir la
mort.

Cette vieille femme qui file dans la tour du château, n’est pas sans rappeler l’une des sœurs
filandières [« Les trois Parques romaines (Nona, Decima et Morta) sont trois sœurs, divinités
maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort, généralement représentées
comme des fileuses mesurant la vie des personnes et tranchant le destin. [Elles] sont
équivalentes aux trois Moires grecques (Clotho, Lachésis et Atropos) » Wikipedia ].

L’idée du sort (« Puissance imaginaire à laquelle est prêtée le pouvoir de présider au destin des
hommes et de déterminer le déroulement de leur vie lorsque certains événements semblent
dus au hasard. » CNRTL) renvoie à une prédestination (« A. − THÉOLOGIE Doctrine selon
laquelle Dieu a déterminé, de toute éternité, le destin de l'humanité et de l'univers. […] B. − Par
extension 1. Détermination préalable d'événements, ayant un caractère de fatalité, d'origine
divine ou non. » CNRTL).

La nouvelle que livre la grenouille à la reine n’est pas sans rappeler une forme d’annonciation
faite à Marie dans la religion chrétienne.

10
Comment éviter la paraphrase ?

La paraphrase
Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (ou CNRTL) définit la paraphrase :
- Souvent avec une connotation péjorative, [comme] un développement explicatif d'un texte,
souvent verbeux et diffus, qui ne fait qu'en délayer le contenu sans que rien ne soit ajouté au
sens ou à la valeur.
- En linguistique comme une opération de reformulation aboutissant à un énoncé contenant le
même signifié (ou encore ayant une même structure profonde), mais dont le signifiant est
différent, notamment plus long (autrement dit, dont la structure de surface est différente).

Imaginons que la problématique de votre commentaire littéraire soit :


en quoi le conte « La Belle au Bois dormant » est-il la parabole de l’expérience traversée
par la princesse pour devenir une jeune fille ?
PARABOLE : « 1. Court récit allégorique, symbolique, de caractère familier, sous lequel
se cache un enseignement moral ou religieux, que l'on trouve en particulier dans les
livres saints et qui fut utilisé par le Christ dans sa prédication. […] 2. Par extension
Récit symbolique quelconque. » (CNRTL)

Nous ne traiterons ici que d’une partie :

I L’expérience traversée par la princesse


A) Du baptême de l'enfant à la naissance de la jeune fille
Un temps frappé de malédiction

A éviter :
Le texte dit qu’alors que la cérémonie du baptême « touchait à sa fin, les fées offrirent à l'enfant
de fabuleux cadeaux : l'une la vertu, l'autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite,
tout ce qui est désirable au monde » et qu’une « treizième survint tout à coup. Elle voulait se
venger de n'avoir pas été invitée » et va dire : ‘’ La fille du roi, dans sa quinzième année, se
piquera à un fuseau et tombera raide morte. ‘’ On voit bien qu’elle n’est pas contente.
vous avez fait là un montage de citations dont vous ne tirez aucune analyse.

Suggéré :
Le temps est frappé de malédiction car se succèdent onze prédictions merveilleuses positives
formulées par onze fées (« les fées offrirent à l'enfant de fabuleux cadeaux : l'une la vertu,
l'autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est désirable au monde. »)
qu’une prédiction merveilleuse négative va remettre en question (‘’ La fille du roi, dans sa
quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera raide morte. ‘’). Ladite prédiction tient de
l’incantation tragique puisqu’elle prédit la mort de la princesse et fait planer le maléfice sur ce
baptême, qu’une dernière prédiction va cependant tempérer : ‘’ Ce ne sera pas une mort
véritable, seulement un sommeil de cent années dans lequel sera plongée la fille du roi.’’ Il y a
ici un combat de forces qui se disputent cette enfant dans son berceau, combat qui va courir
sur quinze années de sa vie et dont la fin du conte laisse entendre que la princesse sortira
victorieuse. C’est l’expérience de l’épreuve, la nécessaire initiation qu’expérimente et résout la
princesse.
vous avez soigné l’intégration des citations dans votre texte et avez qualifié les prédictions,
leur poids et ce qui se joue dans leur formulation.

11
La puberté ou l’âge du silence

A éviter :
Le narrateur explique qu’un « sommeil se répandit sur l'ensemble du château. Le roi et la reine,
qui venaient tout juste de revenir et pénétraient dans la grande salle du palais, s'endormirent.
Et avec eux, toute la Cour. Les chevaux s'endormirent dans leurs écuries, les chiens dans la
cour, les pigeons sur le toit, les mouches contre les murs. Même le feu qui brûlait dans l'âtre
s'endormit et le rôti s'arrêta de rôtir. Le cuisinier, qui était en train de tirer les cheveux du
marmiton parce qu'il avait raté un plat, le lâcha et s'endormit. Et le vent cessa de souffler. Nulle
feuille ne bougea plus sur les arbres devant le château. Tout autour du palais, une haie
d'épines se mit à pousser, qui chaque jour devint plus haute et plus touffue. Bientôt, elle cerna
complètement le château, jusqu'à ce qu'on n'en vît plus rien, même pas le drapeau sur le toit. »
D’ailleurs, il va ajouter que « lorsque le fils du roi s'approcha de la haie d'épines, il vit de
magnifiques fleurs qui s'écartaient d'elles-mêmes sur son passage et lui laissaient le chemin.
Derrière lui, elles reformaient une haie. Dans le château, il vit les chevaux et les chiens de
chasse tachetés qui dormaient. Sur le toit, les pigeons se tenaient la tête sous l'aile. Et lorsqu'il
pénétra dans le palais, il vit les mouches qui dormaient contre les murs. Le cuisinier, dans la
cuisine, avait encore la main levée comme s'il voulait attraper le marmiton et la bonne était
assise devant une poule noire qu'elle allait plumer. » Enfin, il dit que le prince qui embrasse la
princesse réveille tout le château. « Ils sortirent tous deux et le roi s'éveilla à son tour, et la
reine, et toute la Cour. Et tout le monde se regardait avec de grands yeux. Dans les écuries, les
chevaux se dressaient sur leurs pattes et s'ébrouaient, les chiens de chasse bondirent en
remuant la queue. Sur le toit, les pigeons sortirent la tête de sous leurs ailes, regardèrent
autour d'eux et s'envolèrent vers la campagne. Les mouches, sur les murs, reprirent leur
mouvement ; dans la cuisine, le feu s'alluma, flamba et cuisit le repas. Le rôti se remit à rissoler
; le cuisinier donna une gifle au marmiton, si fort que celui-ci en cria, et la bonne acheva de
plumer la poule. »
outre le montage de citations où vous n’expliquez rien, c’est bien trop long et ne sert pas la
progression de votre commentaire littéraire.

Suggéré :
Le conte est ainsi construit qu’il fait une boucle sur lui-même (à commencer par l'incipit : « Il
était une fois un roi et une reine. » auquel fait écho l'excipit : « Le mariage du prince et de la
Belle au Bois Dormant fut célébré avec un faste exceptionnel. Et ils vécurent heureux jusqu'à
leur mort. », où transparaît la reproduction de castes d'une génération sur l'autre), sorte
d’anaplodiplose dépassée et résolue (anaplodiplose : « figure de style consistant à achever une
œuvre, en général romanesque, comme on l'a commencée. L'anaplodiplose est une manière
de « boucler la boucle ». Wikipedia), comme cette haie d’épines formant un cercle qui protège
le château tandis que la princesse y est endormie. En effet, le narrateur explique qu’un
« sommeil se répandit sur l'ensemble du château, [que] les chevaux s'endormirent dans leurs
écuries, les chiens dans la cour, les pigeons sur le toit, les mouches contre les murs [et
jusqu’au] cuisinier, qui était en train de tirer les cheveux du marmiton parce qu'il avait raté un
plat, le lâcha et s'endormit. » Le lecteur retrouve la même situation cent ans plus tard, à travers
les yeux du prince charmant venu retrouver la princesse. (Pour ne citer que « le cuisinier, dans
la cuisine, [il] avait encore la main levée comme s'il voulait attraper le marmiton. ») En
embrassant la princesse, le prince va contribuer à ce que tout le château se réveille de sa
torpeur. Le lecteur peut reprendre l’exemple du « cuisinier [qui termine de donner sa] gifle au
marmiton, si fort que celui-ci en cria » ! Le texte se compose et avance donc par échos et il est
manifeste que ce temps suspendu est un temps symbolique. La princesse a dormi et elle naît à
son corps de jeune fille que révèle le baiser d’un prince charmant. Le temps s’est décalé de

12
l’enfance à la puberté et le monde s’est immobilisé le temps que la princesse renaisse jeune
fille. Il est intéressant de relever que c’est son sourire qui fait renaître le monde...
vous avez soigné vos intégrations de citations voire les avez sélectionnées et raccourcies
(en utilisant les crochets pour rendre vos phrases correctes en intégrant des constructions
personnelles), avez repéré et qualifié des constructions ou figures de style, et avez analysé le
sens de ce temps suspendu…

B) L’éducation de la jeune fille


Une jeune fille parfaite

A éviter :
Quand elle était jeune, « elle était si belle, si vertueuse, si gentille et si raisonnable que tous
ceux qui la voyaient l'aimaient. » « La jeune fille resta seule au château. Elle s'y promena
partout, visitant les salles et les chambres à sa fantaisie » car elle est pleine de curiosité. On
comprend que la « quinzième année » de la princesse renvoie à l’âge de la puberté. C’est
curieux que ses parents aient quitté le château, peut-être parce qu’il n’existe plus de fuseaux et
qu’ils ont tous été brûlés.
c’est trop court et insuffisamment développé même si l’on perçoit des éléments qui
pourraient constituer des analyses. Vous coupez court à l’explication et cela reste maladroit.

Suggéré :
Avant que n’arrive l’âge de l’accomplissement du mauvais présage, le narrateur qualifie la
princesse au moyen de termes mélioratifs, comme l’indique le réseau lexical suivant dont les
termes sont qualifiés par la même formule hyperbolique (si…que) qui ouvre sur une proposition
subordonnée circonstancielle de conséquence : « elle était si belle, si vertueuse, si gentille et si
raisonnable que tous ceux qui la voyaient l'aimaient ». Par-là, le lecteur peut trouver
l’explication au fait qu’elle soit laissée seule le jour d’anniversaire de ses quinze ans, quand
n’importe quels parents se seraient inquiétés pour elle au souvenir de la prophétie de la fée
Carabosse. Restée seule au château, la jeune fille « s'y promena partout, visitant les salles et
les chambres à sa fantaisie » jusqu’à rencontrer une vieille grand-mère qui file au moyen d’une
quenouille, objet qu’elle ne connait pas et au contact duquel elle se pique et tombe dans un
profond sommeil. Il peut sembler curieux que le roi, son père, en détruisant toutes les
quenouilles, ait cru supprimer tous les dangers. Comment la jeune fille pouvait-elle identifier un
danger sans savoir quelles apparences pouvait revêtir le danger en question ? C’est sans doute
parce que ce conte dépasse le seul cadre de l’éducation et de la leçon que l’on tire des
événements auxquels on est confronté. Rien n’est interdit à la princesse et elle fait elle-même
ses expériences. Et c’est son corps qui expérimente la nouveauté. Elle n’était qu’apparence,
comme on l’a vu, une merveilleuse enfant. Elle manie un métier à tisser qui la blesse et la fait
tomber dans un profond sommeil. Quelque chose d’autre se joue ici.
vous avez repéré et qualifié des constructions ou figures de style, avez soulevé des
questionnements essentiels à la progression de votre commentaire littéraire en résumant
notamment l’épisode de la destruction de toutes les quenouilles sur ordre du roi, et en ouvrant
l’intérêt de votre lecteur sur le message du conte.

Une future épouse accomplie

A éviter :
On peut avoir l’impression que la part éducative du conte est le conseil pour la princesse
d’attendre la venue d’un prince pour être une femme. Aucune référence n’était faite aux corps
de la reine et du roi. La nouvelle que livre la grenouille à la reine rappelle l’annonciation faite à

13
Marie : « Ton vœu sera exaucé. Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une fillette au
monde. » Par contre, ce n’est pas pareil pour les jeunes gens dont on perçoit ici la dimension
charnelle de leur baiser. D’ailleurs, la périphrase « Belle au Bois Dormant » ne renvoie à
personne mais seulement à quelqu’un qui dort dans un bois. C’est parce qu’elle a passé le cap
de sa puberté que le sort et l’idée de la prédestination ont disparu. « Le mariage du prince et de
la Belle au Bois Dormant fut célébré avec un faste exceptionnel. Et ils vécurent heureux jusqu'à
leur mort. »
c’est trop court et insuffisamment développé même si l’on perçoit des éléments qui
pourraient constituer des analyses. La formulation reste maladroite.

Suggéré : (reprise délibérée du texte précédent pour vous montrer comment l’améliorer)
Si l’on a étudié ce temps symbolique parce que suspendu, on peut ressentir la menace
contenue dans la dimension éducative du conte qui se double donc du conseil d’attendre la
venue d’un prince pour naître à ce corps de femme, naissance qui fait patienter les jeunes
princes qui meurent dans d’atroces douleurs à essayer de la rejoindre — cette haie d’épines
symbolisant son intimité. D’autre part, la périphrase « Belle au Bois Dormant » ne renvoie à
personne en soi (ce n’est jamais qu’une personne non prénommée qui dort dans un bois
jusqu’à ce qu’elle s’éveille et sourie — moment essentiel qui fait d’elle une jeune femme à part
entière qui fait renaître le monde autour d’elle). Elle n’est plus celle qui dort mais celle qui
symboliquement éveille son entourage par sa propre présence. Cette naissance à son corps de
femme apparaît doublement dans ces jeunes gens dont on perçoit la dimension charnelle de
leur baiser, là où aucune référence n’était faite aux corps de la reine et du roi — la nouvelle que
livre la grenouille à la reine rappelant vaguement l’annonciation faite à Marie : « Ton vœu sera
exaucé. Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une fillette au monde. » Dès lors, le
lecteur s’autorise à penser que la princesse est devenue une future épouse accomplie parce
qu’elle a su lever le sort d’une prédestination, c’est-à-dire respecter les codes d’une éducation
où elle devait attendre (et a attendu), se préparant dans son sommeil de cent ans à accueillir
l’homme qui la révèle à elle-même, en validant l’attrait qu’exerce sa beauté (son corps) sur lui
par un baiser d’amour : « le mariage du prince et de la Belle au Bois Dormant fut célébré avec
un faste exceptionnel. Et ils vécurent heureux jusqu'à leur mort. »
vous avez développé des éléments essentiels à la progression de votre commentaire
littéraire en expliquant ce changement lié au corps de la princesse et comment vous analysez
qu’elle se soit dégagée du mauvais sort qui lui avait été jeté.

(Fiche C. BORRAS, Lycée Jules Guesde)

14

Vous aimerez peut-être aussi