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UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI
Rédacteur en Chef
Eustache B. BOKONON-GANTA
Rédacteur-Adjoint
Vincent OREKAN
Comité de Rédaction :
Drs Brice Tenté, Joseph Akpaki, Ibouraima Yabi, Moussa Gibigaye,
Eric Tchibozo, José Gnélé, Expédit Vissin, Omer Thomas, Thiéry
Azonhê, Paulin Dossou, Henri Totin, Cyr Gervais Eténé
M. Norbert Agoïnon, M. Auguste Houinsou, Mama Djaouga, Abdoulaye
Djafarou
Comité Scientifique
Prs Michel Boko, Élisabeth Dorier-Apprill, Tiou Tchamié, Tanga-Pierre
Zoungrana, Robert Ziavoula, Benoît N’Bessa, Henri K. Motcho, Etienne
Domingo, Christophe Houssou, Constant Houndénou, Noukpo Agossou,
Fulgence Afouda
Drs Jean Cossi Houndagba, Christophe Okou, Francois–José Quenum,
Léon Okioh.
Correspondance
Comité de Rédaction de la Revue de Géographie BenGéO
Département de Géographie et Aménagement du Territoire,
01 BP 526 COTONOU (République du Bénin)
Tél. : 00 229 21042909 GSM : 00 229 96 159897 // 95142480
E-mail : dgatflash.uac@gmail.com
2
Revue de Géographie du Bénin
Université d’Abomey-Calavi (Bénin)
N°12, décembre 2012, pp. 41-57
Résumé
Cette étude est réalisée pour apprécier l’impact de la production des
principales cultures sur les conditions socioéconomiques des
producteurs du département du Couffo. Pour y parvenir, un
diagnostic participatif a été fait avec 313 chefs d’exploitation répartis
dans les six communes du département.
Les résultats ont montré que les revenus des exploitants agricoles
sont compris entre 0 et 50 000 pour 41,85 % ; 50 000 et 100 000
pour 22,36 % ; 100 000 et 200 000 pour 15.26 % ; 200 000 et
300 000 pour 7,35 % ; 300 000 et 400 000 pour 5,43% ; 400 000 et
500 000 pour 4,15 % et plus de 500 000 pour 3,2 % de l’échantillon
considéré. Ces revenus par rapport au travail abattu durant toute une
saison sont insuffisants. Cette situation est à l’origine des migrations
des jeunes qu’il faut limiter en créant des conditions favorables à
leur maintien dans le département.
Mots-clés : Couffo (Bénin), production agricole, impacts
socioéconomiques.
Abstract
This survey is achieved to appreciate the impact of the production of
the main cultures on the socio-economic conditions of the producers
of the department of Couffo. To arrive there, a diagnosis of
41
involvement has been made with 313 chiefs of exploitation
distributed in the six townships of the department.
The results showed that agricultural operator incomes are consisted
between 0 and 50 000 for 41.85%; 50 000 and 100 000 for 22.36%;
100 000 and 200 000 for 15.26%; 200 000 and 300 000 for 7.35%;
300 000 and 400 000 for 5.43%; 400 000 and 500 000 for 4.15% and
more of 500 000 for 3.2% of the sample considered. These incomes
in relation to work cut down during a whole season are insufficient.
This situation is the origin of the migrations of the young that it is
necessary to limit while creating some conditions favorable to their
maintenance in the department.
Key words : Couffo (Benin), agricultural production, socio-economic
impacts.
Introduction
42
scie. Devant cette situation, certains jeunes optent pour la migration
vers les autres régions du Bénin ou des pays de la sous région. On se
demande si les revenus moyens obtenus par les exploitants agricoles
à la fin de chaque saison culturale arrivent t-ils à couvrir les dépenses
effectuées et satisfaire les besoins fondamentaux.
1-Données et méthodes
Les informations relatives aux prix des différentes spéculations sont
collectées auprès du Centre Régional pour la Promotion Agricole du
Mono-Couffo, des producteurs et dans les marchés d’Azovè, de
Dogbo et Klouékanmè. Ces informations ont permis d’évaluer les
dépenses et les revenus obtenus sur un hectare de production des
cultures choisies (coton, arachide, niébé, manioc, piment et tomate).
Les données démographiques (INSAE, 1992 et 2002) ont été
recueillies à l’Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Economique.
Les données recueillies pendant la recherche documentaire ont été
complétées par celles du terrain. En effet, une enquête par
questionnaire a été effectuée en 2010 avec 313 chefs d’exploitation
choisis de façon raisonnée dans les six communes du département du
Couffo (toutes les communes ont eu la chance d’être sélectionnées
au moins une fois).
En outre, 13 groupements et 42 personnes ressources ont été
interviewés.
Suivant le niveau de production agricole, les enquêtés ont été répartis
dans les arrondissements à faible, moyenne et forte production.
L’enquête s’est réalisée à partir des entretiens semi directifs, de
groupe, d’observations qui ont permis de collecter des informations
sur les conditions sociales et économiques qui découlent de la
production agricole. Les données collectées ont été traitées avec des
logiciels appropriés pour sortir des tableaux qui ont fait objet
d’analyse.
2- Résultats et analyse
2.1.- Incidences socioéconomiques
2.1.1- Au niveau des producteurs du coton
43
Après la vente du coton, les revenus servent à l’achat du matériel
roulant (des vélos, motos) et des matériaux de construction (feuilles
de tôle pour les toitures des habitations autrefois couvertes
d’Imperata cylindrica). Ces revenus permettent aussi de préparer
facilement la dot et le mariage des futures épouses ou de celles des
enfants de sexe masculin en âge de se mettre en couple selon la
coutume.
Mais, au milieu des années 1980, la filière coton a connu des
difficultés de divers ordres. Par exemple, au niveau national, il y a eu
des difficultés liées à l’insuffisance des infrastructures d’égrenage et
de stockage, à la gestion peu orthodoxe de ladite filière. Les
différentes difficultés sont intervenues pendant la conjoncture
économique internationale : fluctuation du taux de change du dollar
et accroissement du niveau mondial de la production (Kissira, 2010).
Ces diverses situations ont fait que le paiement après vente a
commencé par accuser de retard. Les différentes réformes entreprises
n’ont pu trouver les solutions adéquates.
Les producteurs se plaignent toujours du retard dans le paiement des
arriérés de coton graine. Les plaintes sont encore plus intenses au
niveau des producteurs qui attendent en vain leurs revenus pour les
besoins les plus urgents : les soins de santé, la scolarité des enfants,
les cas de décès, etc.
Tous ces problèmes ont entraîné le découragement au sein des
producteurs de coton. Les lourds investissements effectués dans la
filière par l’Etat béninois en 2006, pour relever la culture du coton en
baisse au plan national, n’ont pu motiver les producteurs du
département du Couffo qui se réduisent aujourd’hui dans le nord de
la commune d’Aplahoué.
Les producteurs "fidèles" à la filière (peut-être nostalgiques du
passé) continuent d’en faire les frais. En effet, lorsqu’on considère
les crédits intrants rapportés à la valeur de la production, on dirait
qu’à la fin de la campagne, plus rien ne revient aux producteurs
(tableau I).
44
Tableau I : Crédits intrants coton rapportés à la valeur de
la production (campagne 2007-2008).
Régions Production Valeurs Montants crédits %
en tonnes productions en FCFA
Atacora-Donga 50013 8502210 3721286 43,77
Borgou-Alibori 193540 32901800 16456765 50,02
Mono-Couffo 3134 532780 657532 123,42
Ouémé-Plateau 1305 221850 144425 65,1
Zou-Collines 20664 3512880 2833642 80,66
Bénin 268656 45671520 23813650 52,14
Source : AIC, 2008
45
Le rendement le plus élevé du département est une (1) tonne à
l’hectare (DPP/MAEP, 2010). Le producteur modèle, avec le prix du
coton graine fixé à 190 F le kilogramme (campagne agricole 2009-
2010), fait une recette de 190 000 F. Il se dégage un déficit de 45
250 F. Mais comme c’est le producteur lui-même qui fait l’essentiel
des travaux de la main-d’œuvre, il déduit seulement le coût des
intrants et pense se retrouver avec 110 000 F. C’est quand le
producteur se trouve dans une situation où il ne peut plus faire les
travaux lui-même, qu’il se rend véritablement compte de la perte.
Le revenu est encore plus faible ou n’existe même pas quand le
producteur prend plus d’intrants qu’il ne le faut, dans le souci de les
revendre pour régler d’autres problèmes.
Les dépenses exorbitantes engagées dans l’entretien d’un champ de
coton, comparées aux revenus devenant parfois insignifiants, sont les
premiers indicateurs de l’appauvrissement des producteurs au profit
des opérateurs économiques privés de la filière. Selon les
producteurs enquêtés (50 %), la caution solidaire, la cherté des
intrants agricoles, et le retard accusé par les structures chargées de la
commercialisation du coton graine dans le paiement des frais de
coton aux producteurs ne sont pas de nature à améliorer leurs
conditions de vie. Cette réaction des producteurs s’explique par le
fait qu’ils s’endettent sans cesse au point qu’il leur est difficile de
sortir de cette situation dégradante.
La baisse de revenus des producteurs est l’un des facteurs qui
influent négativement sur le développement de l’agriculture et par
conséquent sur le bien-être des producteurs.
La culture cotonnière est donc moins satisfaisante pour le
producteur. Le phénomène le plus remarquable est la baisse du
rendement au fil des années. La campagne 2008-2009 par exemple a
fourni comme rendement 122 Kg/ha (CeRPA Mono-Couffo, 2009).
Dans ces conditions, les producteurs ne peuvent plus assurer
convenablement leurs besoins vitaux, et c’est la paupérisation
continue malgré les mesures prises par l’Etat pour subventionner les
intrants coton.
46
2.1.2- Au niveau des producteurs de l’arachide, du niébé, du piment
et de la tomate
La majorité des producteurs du département du Couffo s’adonnent
aujourd’hui à des cultures autres que le coton. Signalons qu’à la
première saison (la grande saison des pluies), presque tous les
producteurs font du maïs qui sert d’aliment de base pour les
populations. C’est à la seconde saison (petite saison pluvieuse) que
les nouvelles cultures de rente telles que l’arachide, le niébé, la
tomate et le piment sont mises en terre. Les dépenses liées à ces
travaux de labour jusqu’à la vente ne permettent pas toujours de
réaliser des bénéfices à la hauteur des efforts fournis.
* Producteurs de l’arachide
Les coûts des travaux liés à la culture de l’arachide sont consignés
dans le Tableau III.
Tableau III : Coût moyen de production d’un hectare d’arachide
dans le département du Couffo.
Opérations Coût Observations
Labour 37 500 F
Sarclage (un seul tour) 15 000 F
Récolte 8 000F
Transport du champ vers la maison
5 000 F
ou au poste de vente
Autres dépenses 10 000 F
Total main-d’œuvre 75 500F
Usage rare
Intrants (engrais) - d’intrants
chimiques
Dépenses totales 75 500 F
Source: Résultats d’enquête de terrain, 2010
47
l’ont aidé. Cette solidarité familiale disparaît de plus en plus et
contraint le producteur à recourir à la main-d’œuvre hors de la
famille qui devient rare et très onéreuse.
Le faible rendement fait que le producteur ne jouit pas des fruits de
ses efforts.
* Producteurs du niébé
Les coûts des travaux liés à la culture du niébé sont consignés dans
le tableau IV.
Tableau IV: Coût moyen de production d’un hectare de niébé dans
le département du Couffo.
Opérations Coût Observations
Labour 37 500 F
1er tour de sarclage 12 500 F
2ème tour de sarclage 10 000 F
Traitement phytosanitaire 7 500 F (2.500 x 3)
Récolte 6 000 F
Entretien (séchage, …) 13 500 F
Autres dépenses (transport 10 000 F
…)
Total main-d’œuvre 97 000 F
Intrants (insecticide) 9 000 F
Dépenses totales 106 000 F
Source : Résultats d’enquête de terrain, 2010
48
Tableau V : Coût moyen de production d’un hectare de tomate
dans le département du Couffo.
Opérations Coût Observations
Labour 37 500 F
Pépinière et arrosage 12 500F
49
500 F et dans le pire des cas à 0 F (c’est-à-dire pas d’acheteur et le
producteur regarde le produit pourri la mort dans l’âme). Il se pose
donc un véritable problème de conservation de ce produit.
* Producteurs du piment
Les coûts des travaux liés à la culture du piment sont consignés dans
le tableau VI.
Tableau VI : Coût moyen de production d’un hectare de piment
dans le département du Couffo.
Opérations Coût Observations
Labour 37 500 F
Pépinière et arrosage 15 000 F
1er tour de sarclage 12 500 F
2ème tour de sarclage 10 000 F
3ème tour de sarclage 10 000 F
Epandage d’engrais 3 750 F
Récolte 16 250 F
Transport du champ vers la 7 000 F
maison ou au poste de vente
Autres dépenses 10 000 F
Total main-d’œuvre 122 000 F
Intrants (engrais) 12 500 F
Dépenses totales 134 500 F
Source : Résultats d’enquête de terrain, 2010
50
350 313
Nombre de producteurs
300
250
200
150 131
100
100 70
41,85 49
50 22,36 15,66 23 17 134,15
7,35 5,43 10 3,2
0
0
50
l
]
ta
00
00
50
00
00
00
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-1
-2
-3
-4
-5
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us
00
00
00
]5
10
oi
Pl
]2
]3
]4
M
]
Revenus saisonniers (en 1000)
51
masculin surtout. Certains villages du secteur d’étude ont
particulièrement connu la diminution de l’effectif de population
contrairement à la tendance générale à la hausse observée entre 1992
et 2002 (tableau VII).
Tableau VII : Evolution de l’effectif de la population entre 1992 et
2002
Années de recensement
Localités Solde Pourcentage
1992 2002
Agnamè (Atomè) 2424 1740 -684 28,21
Adamè (Dékpo) 1865 1106 -759 40,69
Lonkly 1329 1051 -278 20,91
Houndromè
1298 867 -431 33,3
(Lokogohoué)
Segba (Lokogohoué) 877 822 -55 6,27
Dékandji (Djotto) 920 889 -31 3,36
Glolihoué(Djotto) 1163 1066 -97 8,34
Nigbogan(Djotto) 1040 1016 -24 2,3
Akouègbadja (Tchikpé) 2240 1873 -367 16,38
Kigninnouhoué
709 596 -113 15,93
(Adoukandji)
Aboeti (Tchito) 502 263 -239 47,6
Source : INSAE, 2003.
52
conduire le taxi-moto ("zémidjan") ou pour exercer d’autres
activités.
Par ailleurs, beaucoup de jeunes adolescents et même des fillettes
sont envoyés dans les grandes villes pour servir de "domestiques".
Leur rémunération est directement versée aux parents qui misent sur
ces "ristournes" pour compléter leurs revenus.
Cette tendance a été confirmée par le dénombrement systématique
de départ de jeunes que nous avons effectué dans certains villages.
Ainsi, nous avons recensé en décembre 2009 dans quelques localités
un certain nombre de départs (tableau VIII).
Tableau VIII : Recensement de nombre de jeunes partis en
"aventure"
Villages Nombre de jeunes partis
Agnamè (Atomè) 130
Adamè (Dékpo) 99
Aboeti (Tchito) 350
Houndromè (Lokogohoué) 30
Badjamè (Lonkly) 85
Nigbogan (Djotto) 15
Akouègbadja (Tchikpé) 28
Kigninnouhoué (Adoukandji) 36
Total 773
Source : Enquête de terrain, 2009
53
Plusieurs champs mal entretenus observés lors des enquêtes le sont
par manque de main-d’œuvre (photo 1).
3- Discussions
Le montant du crédit intrant trouvé lors des enquêtes n’est pas
forcément le besoin. Les producteurs surestiment le besoin pour le
surplus. Dans ces conditions, en fin de campagne agricole, certains
se retrouvent endettés. Ce qui justifie les résultats des travaux de
Matthess et al. (2005) qui ont trouvé que la culture du coton donne
une marge nette moyenne nationale négative de 692 FCFA/ha. Cette
marge négative se fait plus sentir au sud à cause de l’état de
dégradation avancé des sols.
Pour rechercher d’autres terres fertiles, les producteurs notamment
les jeunes vont dans d’autres départements du pays ou dans les pays
voisins. C’est ce que BOKONON GANTA (1995) a constaté chez
54
les communautés rurales loukpa de Ouaké, qui, en quête de terres
fertiles, ont été amenées à se disperser dans plusieurs directions. Ce
sont généralement les jeunes de 15 à 30 ans qui partent pour la
colonisation pionnière.
Les mêmes observations sont faites par Tohozin (1999) qui a
mentionné les migrations des jeunes dans la basse vallée de l’Ouémé
au Bénin et la Volta au Ghana suite à la déclinaison des activités
rurales.
Mais, l’émigration n’est pas systématiquement le seul facteur de
baisse de la population. Il y a aussi les décès, les migrations
temporaires, les maladies-décès, les biais d’enquêtes, etc.
Conclusion
Les revenus issus des activités agricoles restent encore insuffisants
pour couvrir les besoins essentiels. Les pratiques agricoles liées au
traitement phytosanitaire, à l’épandage d’engrais et constituent
aujourd’hui d’importantes dépenses pour les exploitants agricoles. Il
s’avère donc nécessaire de trouver des alternatives pour la
fertilisation des sols et limiter l’utilisation des intrants chimiques
pour faire accroître de façon significative les revenus des
producteurs. Ce qui va encourager les jeunes à rester sur place pour
travailler et créer de la richesse.
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