20
ENTRETIEN
FLORENT MALOUDA
“ MEs
PLUs BELLEs
La France abordera le 3 juin prochain en Biélorussie la seconde
moitié des éliminatoires de l’Euro 2012. Florent Malouda,
le plus capé des Bleus appelés par Laurent Blanc,
dresse un premier bilan et se projette sur les échéances à venir.
Par Stéphane Lanoue
Comment jugez-vous cette
première phase de qualification
au Championnat d’Europe ?
Mis à part le faux pas à domicile contre
la Biélorussie (0-1), on est monté en
puissance. Les scores (ndlr : victoires 2-0
à chaque fois) prouvent qu’on acquiert
de la constance et une certaine maîtrise.
Notre confiance augmente au fur et
à mesure des matches. Il s’agit d’un
point très positif. L’autre est d’avoir pris
la tête du groupe et donc d’être maîtres
de notre destin.
Avez-vous douté après la défaite
contre les Biélorusses ?
Non, mais c’était un coup dur, surtout
vue la physionomie de la rencontre. On a
poussé, on s’est créé pas mal d’occasions.
Malheureusement, on n’a pas réussi à
être efficace et on l’a payé cash. Même
si le contenu nous laissait optimistes,
la défaite rendait urgente l’obligation
de prendre des points. La victoire en
Bosnie nous a remis sur les bons rails.
Est-elle à vos yeux une rencontre
référence ?
Oui, à la fois dans le jeu, l’état d’esprit
et surtout le résultat. Dans une cam-
pagne de qualification, il est important
de remporter ce genre de match. Cela
donne de l’air et de la sérénité pour
enchaîner. En Bosnie, on a atteint un
“C’EST DOMMAGE QUE LES NOUVEAUX niveau en-dessous duquel on ne doit pas
descendre.
DOIVENT ASSUMER UNE CRISE
QU’ILS N’ONT PAS CRÉÉE ET DONT
Êtes-vous optimiste pour
la qualification ?
ILS NE SONT PAS RESPONSABLES.” Il faut rester prudent. Les éliminatoires
constituent un parcours de longue haleine.
FLORENT MALOUDA
FOOT mag #31 FOOT mag #31
ANNÉEs ”
Par le passé, on a été contraint de passer
par les barrages (ndlr : CM 2010). On ne
veut pas revivre l’expérience. Le meilleur
moyen de l’éviter est de rester en tête et
de ne dépendre de personne. On donne
le tempo. Cela me paraît très important
pour le projet de l’équipe et révèle une
ambition retrouvée.
Dans cette perspective,
que vous ont apporté les deux
succès de prestige en amical,
contre l’Angleterre (1-2)
et le Brésil (1-0) ?
Ils s’inscrivent dans notre montée
en puissance. Le jeu déployé m’a
beaucoup plu. On a posé des pro-
blèmes à des nations majeures du
football. Il faut garder ces perfor-
mances en tête et essayer de les repro-
duire. Jouer et battre des références
mondiales apportent énormément
d’expérience et de maturité. Cela a
été un gros coup de booster pour la
confiance d’un groupe jeune, sans grand
vécu international. Même si elle est
en pleine reconstruction, la France
reste respectée à l’étranger où on
observe sa réaction après la débâcle
du Mondial.
Pensez-vous qu’elle est de nouveau
crainte ?
Il est trop tôt pour l’affirmer. On doit
encore gagner en crédibilité. Le groupe
n’a que quelques mois d’existence. Le
haut niveau impose de se remettre en
cause en permanence. Rien n’est jamais
acquis. Autant cela demande du temps de
lutter pour les premières places, autant il
est facile de dégringoler.
ENTRETIEN 21
Bio
FLORENT MALOUDA
EXPrEss
Né le 13 juin 1980 à Cayenne (Guyane)
65 sélections, 5 buts
CLUBS
La Berrichonne de Châteauroux (1996-2000)
En Avant Guingamp (2000-2003)
Olympique Lyonnais (2003-2007)
Chelsea FC (depuis 2007)
PALMARÈS ÉQUIPE DE FRANCE
Finaliste de la Coupe du Monde 2006
PALMARÈS CLUB
Finaliste de la Ligue des Champions 2008 (Chelsea)
Champion de France 2004, 2005, 2006,
2007 (Lyon)
Trophée des champions 2003, 2004, 2005 (Lyon)
Champion d’Angleterre 2010 (Chelsea)
Coupe d’Angleterre 2009, 2010 (Chelsea)
Comment jugez-vous le potentiel
de cette nouvelle Équipe
de France ?
On n’a rien à envier aux plus grandes
nations. Le talent est là. Maintenant,
il faut le transformer en résultats.
Cela exige d’acquérir de l’expérience.
L’objectif est d’aborder une phase finale
pour la gagner. Notre parcours lors
des deux dernières compétitions ne
nous l’autorise pas pour l’instant. Il me
semble capital de retrouver cette ambi-
tion. On a cette habitude en club, on
doit l’avoir en sélection. Je pense que
ce sera le cas en 2012 si on se qualifie,
même si les prétendants seront nombreux.
En tant qu’ancien, quel rôle
jouez-vous auprès des nouveaux ?
Le groupe a beaucoup rajeuni, on m’ap-
pelle le doyen ! J’essaie de transmettre
mon expérience aux jeunes, de créer
un lien entre eux et les anciens. Je leur
22 ENTRETIEN
POUR FLORENT MALOUDA, DEUX COUPES DU MONDE ET UN EURO AU COMPTEUR, LA FRANCE DOIT DE NOUVEAU ABORDER
LES PHASES FINALES POUR LES GAGNER.
fais aussi sentir qu’on a besoin d’eux.
Malgré leur manque d’expérience, ils
doivent prendre possession des lieux, ne
pas être trop timorés. Après la défaite
contre la Biélorussie, j’ai beaucoup dis-
cuté, rassuré. Cette fonction ne m’effraie
pas, je m’y suis préparé. Je l’assume avec
d’autres cadres car tout ne doit pas repo-
ser sur un seul homme. Il faut que chacun
soit chargé d’une mission.
La principale n’est-elle pas
d’honorer le maillot ?
Que représente-t-il pour vous ?
Il est chargé d’histoire. Beaucoup
l’ont porté avant nous. Je me souviens
de stars, comme Platini, qui étaient
les idoles de mes parents. Moi, j’ai
rêvé avec Papin, Cantona. Ensuite,
j’ai eu la chance de jouer avec des
champions du monde 98. Le maillot
représente un témoin entre les géné-
rations. Il perdure dans le temps tandis
que nous, les joueurs, ne sommes
que de passage. Le temps passe très
vite. Malgré mes 65 sélections, j’ai
l’impression d’avoir débuté hier !
C’est pourquoi enfiler le maillot reste
un moment particulier.
Laurent Blanc vous rappelle
souvent d’avoir toujours,
au fond de vous-mêmes,
une pensée pour la sélection.
Et il a raison. Moi qui évolue à l’étran-
ger, je mesure ce que cela implique.
La sélection met en valeur une carrière.
On reçoit beaucoup quand on porte
le maillot bleu. Sans lui, je n’au-
rais sûrement pas signé à Chelsea.
C’est une fierté de représenter son
pays. Quelque part, on engage aussi
celle de nos supporters. On ne doit pas
les décevoir.
Et rester proche d’eux, ce qui
ne semble pas toujours avoir
été le cas.
Je ne crois pas qu’il y avait une cassure
entre le public et l’équipe. Les joueurs
ont toujours voulu être disponibles et
accessibles. Mais un manque d’infor-
mations laissait croire le contraire. De
nouveaux programmes (ndlr : Facebook,
Blueprint, Émotion Bleue) comblent ce
déficit de communication. Tant mieux.
Nous les joueurs n’avons pas l’impres-
sion d’en faire plus. D’un autre côté, on
ne peut pas donner et appartenir à tout
ENTRETIEN 23
le monde. Je garde du temps pour ma
famille et me régénérer même si c’est
dans ma nature d’aller vers les autres
et discuter.
Le traumatisme de Knysna
commence-t-il à s’effacer ?
C’est le cas depuis longtemps chez
les joueurs. Dans le groupe actuel, peu
de gars ont disputé le Mondial. C’est
dommage que les nouveaux doivent
assumer une crise qu’ils n’ont pas créée
et dont ils ne sont pas responsables.
Le plus important est de revenir au
sport. Nos performances ravissent à mon
avis nos supporters qui ne demandent
qu’à revivre de beaux matches, comme
contre le Brésil.
Restons au Brésil, limitrophe
de votre Guyane natale,
qui accueillera le Mondial en 2014.
Espérez-vous y participer ?
Bien sûr. Cette échéance maintient
mon ambition intacte, ma fraîcheur,
ma motivation. L’objectif me paraît
dans mes cordes. Cette Coupe du
Monde symbolise tellement d’aspects :
le Brésil pays du football, mes origines.
Y participer serait une belle récom-
pense à ma carrière. Je veux me main-
tenir au plus haut niveau d’ici là. J’ai
l’impression de vivre mes plus belles
années de footballeur en ce moment.
Qu’évoque le Brésil pour vous ?
Quand j’étais gamin (ndlr : il est né en
1980), les chaînes satellite n’existaient
pas. En Guyane, on voyait peu d’images
du championnat français. Alors, on
orientait l’antenne vers le Brésil. Mon
joueur préféré était Romario, un artiste,
toujours imprévisible dont j’admire
la longue carrière. Ensuite, j’ai eu
ma période Ronaldo-Ronaldinho. La
puissance associée à la grâce. J’ai vu
plusieurs matches au Brésil, dont un
Botafogo-Vasco de Gama au stade
Maracana, à Rio. L’ambiance était fabu-
leuse. D’anciens coéquipiers, revenus
au pays, me parlent du championnat
brésilien. Ça me donne envie d’y finir
ma carrière. n
FOOT mag #31 FOOT mag #31