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Bernard Roy
et l’aide multicritère
à la décision1
1. Les auteurs remercient Bernard Roy pour les échanges qu’ils ont pu avoir avec lui.
16 Revue française de gestion – N° 214/2011
L
es travaux de Bernard Roy ont été décision. Enfin, nous étudions pourquoi ces
fondateurs de ce que l’on a appelé ruptures conduisent à un bouleversement
l’école européenne de l’aide multicri- paradigmatique, des sciences de la décision
tère à la décision. Cette école est en rupture aux sciences de l’aide à la décision.
avec un grand nombre des travaux en
recherche opérationnelle classique. Les posi- I – LE PARCOURS SCIENTIFIQUE ET
tionnements épistémologiques et méthodolo- INTELLECTUEL DE BERNARD ROY
giques qu’elle propose ont pour partie Bernard Roy est d’abord un mathématicien.
contribué à reformuler les critiques qui ont Les intitulés et mentions des diplômes et
été adressées aux successeurs de F.W. Taylor certificats qu’il obtient au cours de ses
dans leurs tentatives d’optimisation des orga- études le long des années cinquante sont
nisations industrielles. Ce faisant, l’école évocateurs : mathématiques générales, cal-
s’est enracinée dans une vision de la rationa- cul différentiel et intégral, mécanique
lité sur laquelle se sont appuyés beaucoup de rationnelle, calcul des probabilités, algèbre
travaux de management, en lien notamment et théorie des nombres, méthodes mathéma-
avec les travaux de Simon sur la rationalité tiques de la physique. La thèse qu’il sou-
limitée. C’est à ce titre que Bernard Roy peut tient en 1957 est une thèse de l’Institut de
être rangé parmi les constructeurs des théo- statistiques de l’université de Paris. Le doc-
ries du management actuelles. torat d’État qu’il obtient en 1961 à la
Sa carrière et son parcours sont à eux seuls faculté des sciences de Paris est un doctorat
une évocation des ruptures qu’il a initiées. de sciences mathématiques. Le sujet de sa
Il a en particulier vécu l’émergence des uni- thèse – Cheminement et connexité dans les
tés de recherche opérationnelle et de mana- graphes – évoque cependant un ancrage
gement scientifique dans les grandes entre- scientifique dans les travaux de recherche
prises. Il a également contribué à doter les
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1966 de la Sema décrit avec précision ces des contributions de Bernard Roy à l’aide
améliorations mais la méthode ne porte pas multicritère à la décision.
encore le nom d’Electre (Élimination et Bernard Roy restera à la Sema de 1957 à
choix traduisant la réalité) 1972 (comme indiqué plus loin, il demeure
Bernard Roy travaille à la même époque conseiller scientifique de la Sema jusqu’en
avec des psychologues dans le cadre d’en- 1979), en même temps que Jacques
quêtes qualitatives portant sur le choix d’un Lesourne, directeur de la Sema de 1957 à
nom d’une cigarette (qui finalement portera 1972, dont l’influence fut importante. L’exi-
celui de « Fontenoy »). Il s’agit également gence de Lesourne à vouloir absolument
d’une des premières utilisations de la tenir compte du contexte dans lequel un
méthode Electre I. L’incursion de Bernard modèle est utilisé sera probablement à la
Roy dans divers contextes de gestion de source d’un grand nombre des interrogations
l’époque est l’occasion de poursuivre les et des doutes de Bernard Roy et, par suite, à
développements de la méthode Electre. la source d’un grand nombre de sauts épisté-
Electre II est mise au point avec Patrice mologiques dont Bernard Roy fut initiateur.
Bertier dans le cadre d’une étude comman- Bernard Roy quitte progressivement la
ditée par la revue Paris Match en 1967- Sema et est nommé chargé de cours (l’an-
1968 et portant sur la question du choix et cienne dénomination du maître conférences
de la sélection de supports de presse (une de nos universités actuelles) en 1971 à
problématique de média planning ; Bertier l’université Paris-Dauphine puis, fait tout à
et Roy, 1964). En 1968, paraît le premier fait exceptionnel, professeur, un an seule-
article sur la méthode dans une revue à forte ment après, dans la même institution. La
visibilité (Roy, 1968a). Il s’agit d’une date venue de Bernard Roy à Dauphine se tra-
importante, car c’est probablement la pre- duit par une refonte importante des pro-
mière publication sur une méthode d’aide grammes de mathématiques pour les forma-
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2. Les contributions de ces sessions ont été publiées en 1971 dans une revue de programmation mathématique (Roy,
1971).
Bernard Roy et l’aide multicritère à la décision 19
de sciences de gestion dans ses contribu- le rythme de ses publications sur les années
tions. Electre TRI est conçue pour la Com- 2000 et son implication constante dans le
pagnie Bancaire au début des années 1980. groupe de travail européen sur l’aide multi-
Il s’agissait d’améliorer les méthodes mises critère à la décision qui connaît un dévelop-
en œuvre dans le cadre de credit scoring. pement constant dans toute l’Europe et au-
L’objectif était d’aider à réaliser de façon delà (la réunion d’automne de 2003 du
pertinente l’affectation des dossiers de groupe se tient à Moscou, en Russie). Sa
demande de crédit (demande de crédits pro- contribution au champ de l’aide à la déci-
fessionnels essentiellement) à différentes sion est reconnue3.
catégories de réponse. Les méthodes de sur- À partir du début et au cours des années
classement utilisées pour les méthodes 2000, Bernard Roy prolonge ses contribu-
Electre précédentes furent utilisées dans ce tions à la recherche opérationnelle (déve-
contexte, ouvrant ainsi la possibilité de les loppement de méthodes de la gamme
mobiliser pour d’autres problématiques que Electre, travail sur le concept de contre
la seule problématique du choix ou du ran- veto, la dépendance entre critère, les déve-
gement d’alternatives. loppements importants autour de la notion
Les autres contributions de Bernard Roy aux de robustesse) mais oriente aussi une partie
techniques de modélisation des préférences de ses recherches vers la question de la
sont nombreuses. Citons la prise en compte contribution des outils et modèles d’aide à
de l’imprécision, de l’incertain et du mal la décision dans des contextes de décision
déterminé dans les modèles et procédures collective et de concertation. Pour partie,
d’aide à la décision, la description des bases cette orientation nouvelle est cohérente
axiomatiques pour fonder la modélisation avec ses prises de positions sur les métho-
des préférences sur des critères multiples, la dologies d’analyse coûts avantages et de
conception de procédures interactives d’aide calculs économiques fréquemment mobili-
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3. Il faut souligner ses tentatives multiples et souvent fructueuses de faire de l’aide à la décision un corpus théo-
rique unifié. En 1993, Bernard Roy publie ainsi dans la revue EJOR, un article intitulé « Decision science or deci-
sion-aid science ? ». Dans cet article (et dans d’autres postérieurs), Bernard Roy explicite une vision réellement
constructiviste de l’aide à la décision : il n’est pas d’objet d’étude qui ne soit réellement autre chose qu’un construit.
4. Marcel Boîteux, ancien dirigeant d’EDF a dirigé un groupe de travail sur les méthodes d’analyse coûts avantages
et le paramétrage de ces méthodes. Plusieurs rapports du groupe ont été publiés.
Bernard Roy et l’aide multicritère à la décision 21
recherches sur ces méthodes ont d’ailleurs action, etc.) sur lesquels l’aide à la décision
concerné les décisions publiques de trans- prend appui existent en dehors du projet
port. Bernard Roy est aujourd’hui profes- même d’aide à la décision : la modélisation
seur émérite à l’Université Paris-Dauphine. qui est faite est une construction rigoureuse
et non une description exacte ; 2) il n’est pas
II – LA RATIONALITÉ UNIQUE, réaliste de prétendre que « toute décision est
LE MULTICRITÈRE ET le fait d’un décideur : acteur bien identifié,
L’OPTIMISATION doté de pleins pouvoirs, agissant en vertu
Bernard Roy publie son premier ouvrage de d’un système rationnel au sens d’un certain
synthèse sur l’aide multicritère à la décision corps d’axiomes excluant l’ambiguïté et l’in-
en 1985. Le titre de l’ouvrage – Méthodolo- comparabilité, que l’aide à la décision n’au-
gie multicritère d’aide à la décision – traduit rait pas pour objet de modifier » (p. XX) ;
un positionnement très précis entre deux 3) il n’est pas davantage réaliste de prétendre
écueils: « faire la part trop belle à des idées que toute situation de décision peut se voir
vagues et généreuses qui dispenseraient de associer une décision optimale au sens fort
chercher à connaître, qui inciteraient à rejeter du terme, c’est-à-dire une décision objecti-
la rigueur au nom d’un certain anti-réduc- vement meilleure que toutes les autres pos-
tionnisme, qui conduiraient à exagérer la por- sibles. En conséquence, pour Bernard Roy,
tée de ce qui est en fait exceptionnel ou mar- non seulement la rationalité est limitée, mais
ginal », d’une part, et « faire trop peu de cas il n’existe pas une rationalité unique qui
de ce qu’une certaine conception orthodoxe puisse rendre légitime un critère unique qu’il
de la science invite à laisser de côté parce que s’agirait d’optimiser.
trop vague, trop subjectif, empreint d’arbi- Une modélisation utilisant des critères mul-
traire, mal défini, non quantifiable » (p. XXI), tiples permet-elle de sortir de cette
d’autre part. Le terme de « méthodologie », impasse ? Des critères multiples pouvant
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sous l’effet des régulations compensatrices potentielle, il faut élaborer des procédures
et amplificatrices propres au système permettant d’agréger ces évaluations. L’agré-
concerné » (p. 6). Les autres concepts fon- gation est certes facilitée lorsque ces évalua-
damentaux – modèle, aide à la décision, tions sont réalisées sur des échelles com-
acteur, état d’avancement d’un processus, munes (ce que Bernard Roy appelle les
action, action potentielle – sont définis dans procédures fondées sur la construction d’un
l’encadré ci-dessous. critère unique de synthèse) comme des
Le passage à une modélisation multicritère échelles monétaires. C’est le cas pour les
ouvre des champs de recherche importants méthodes d’analyse coûts avantages dont
qui n’avaient pas lieu d’apparaître dans un Bernard Roy contribuera souvent à montrer
paradigme de rationalité unique. Si, en effet, qu’elles masquent en fait une rationalité
des critères multiples sont pris en compte unique, parce qu’elles s’appuient sur une
pour évaluer les conséquences d’une action objectivité tout à fait contestable et des hypo-
ConCepts fondamentaux
Modèle
« Un modèle est un schéma qui, pour un champ de questions, est pris comme représentation
d’une classe de phénomènes, plus ou moins habilement dégagés de leur contexte par un
observateur pour servir de support à l’investigation et/ ou à la communication. » (p. 11)
Aide à la décision
« L’aide à la décision est l’activité de celui qui, prenant appui sur des modèles clairement
explicités mais non nécessairement complètement formalisés, aide à obtenir des éléments de
réponses aux questions que se pose un intervenant dans un processus de décision, éléments
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thèses en termes de modélisation des préfé- Bernard Roy distingue quatre sources de
rences que l’utilisateur de ces méthodes fait ces difficultés de modélisation. Trois de ces
implicitement sans nécessairement en avoir sources concernent ce que l’on appelle
conscience (Damart et Roy, 2009). Bernard généralement « la qualité des données » : la
Roy a contribué à développer des procédures carte n’est pas le territoire, le futur n’est pas
d’agrégation d’un autre ordre : celles consis- un présent à venir, et les données ne pro-
tant en l’élaboration d’une relation de syn- viennent pas de mesures exactes. La qua-
thèse, enrichissant sensiblement la modélisa- trième source est liée à l’essence des
tion des préférences. Ces procédures ne modèles : le modèle retenu n’est pas la des-
produisent pas un chiffre unique notant glo- cription unique d’une entité qui serait indé-
balement une action et permettant de déduire pendante du modèle.
des pré-ordres complets. Les produits de sor- Reprenant Bateson, Bernard Roy distingue
tie de ces procédures d’agrégation sont des la carte – le modèle – du territoire – la réa-
relations de préférence entre actions deux à lité. Paradoxalement, l’approche positiviste
deux. Entre autres vertus, elles évitent de se dans laquelle sont nées les approches
placer dans une logique de compensation mono-critères de la décision fait l’hypo-
totale ou partielle d’une mauvaise évaluation thèse que le modèle décrit bien la réalité : la
d’une action sur un critère par une bonne carte décrit le territoire. Or toute modélisa-
évaluation sur un autre critère (logique qui tion constitue une simplification et procède
sous-tend systématiquement le calcul écono- d’omissions et d’agrégations de divers
mique ou les procédures d’agrégation de types : « plus le territoire est riche ou com-
plexe, plus il est difficile d’en établir une
type somme ou moyenne pondérée) ou
carte » (1989, p. 1246). L’arbitraire provient
encore elles introduisent la possibilité de
du fait qu’il y a plusieurs façons d’omettre,
considérer deux actions potentielles incom-
de simplifier, d’agréger, aucune ne pouvant
parables en l’absence de raisons suffisantes
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5. Roy oppose approche descriptive à approche constructive. On peut considérer que la proximité est forte avec le
positivisme et le constructivisme, respectivement.
Bernard Roy et l’aide multicritère à la décision 25
divers, l’interaction qui en découle pouvant l’ouvrage de 1985 en donne un bon aperçu :
transformer, fabriquer une forme de réalité. les notions et concepts de critère, seuil de
Cela conduit à accepter l’existence de préférence faible ou forte, seuil de veto,
limites à l’objectivité (donc aussi à réinté- indifférence, incomparabilité, agrégation,
grer le subjectif). Dans ces conditions, la famille cohérente de critères, etc. Un exa-
validation ne peut que s’opérer avec les men attentif de ce substrat technique montre
acteurs concernés ou avec un groupe ou une que sa généalogie technique n’est pas du
communauté (Fischer, dans Qu’est-ce que côté de la RO classique mais de celui des
la science ?, a montré que, en dernière ana- théories du choix social : décrire et, éven-
lyse, il en était toujours ainsi). De fait, la tuellement, agréger les performances des
définition que donne B. Roy à l’aide à la actions potentielles sur plusieurs critères est
décision est peu compatible avec une formellement équivalent à décrire et agréger
approche positiviste ou descriptive : les opinions des citoyens sur des candidats –
« La science de l’aide à la décision cherche à des votes, par exemple. Autrement dit, on
élaborer un réseau de concepts, de modèles, retrouve dans la philosophie de l’aide multi-
de procédures et de résultats susceptibles de critère à la décision une recherche générale
constituer un ensemble structuré et cohérent de rigueur, de transparence et d’isonomie –
de connaissances – en relation avec des au sens d’une égale attention portée aux opi-
corps d’hypothèses – jouant le rôle de clé nions des différents acteurs – qui est égale-
pour guider la prise de décision et communi- ment le souci d’auteurs comme Condorcet,
quer à son sujet en conformité avec des de Borda, Arrow, qui s’intéressent aux
objectifs et des valeurs. » (1992, p. 522). conditions d’efficacité et d’acceptabilité des
Le modèle est non pas le reflet objectif de la procédures de choix social démocratiques.
réalité mais une construction rigoureuse qui Cette philosophie gestionnaire est claire-
constitue un vecteur de communication doté ment exprimée par Bernard Roy. Après
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ments ultérieurs, comme l’action science meilleure approche ? De quelle manière ces
d’Argyris, ainsi qu’avec les démarches d’In- chercheurs vont-ils développer et valider
tervention management research (Hatchuel les nouvelles idées ? La recherche-action
et Molet, 1986 ; Hatchuel, 1994 ; Hatchuel et engage le chercheur dans un programme
David, 2007), ou même d’Innovation action visant explicitement à développer de nou-
research (Kaplan, 1998). Ainsi Lewin pré- velles solutions (…) et à tester ainsi la fai-
sente-t-il l’action research comme une sabilité et les propriétés de l’innovation »
science qui constitue en même temps de (1998, p. 89). On retrouve chez tous ces
l’action sociale, et dans laquelle « le cher- auteurs une conception de la modélisation
cheur peut investiguer ce qui devrait être et de l’intervention dans des processus
fait si certains objectifs sociaux devaient organisés qui rejoint la philosophie gestion-
être atteints, fiabiliser des données qui naire de l’aide multicritère à la décision
seront importantes pour analyser telle ou telle qu’explicitée par Bernard Roy.
telle politique et ses effets, et qui seront per-
tinentes pour toute détermination ration- CONCLUSION
nelle d’une politique » (1947, p. 168).
Argyris décrit ce qu’est une expérimenta- Avec l’aide multicritère à la décision,
tion d’action science : « le but (…) est de Bernard Roy propose une triple rupture.
décrire et de transformer ces aspects de La première est la prise en compte de plu-
notre monde social qui se présentent sous sieurs critères et non d’un seul, fût-il de syn-
forme de points aveugles, de dilemmes et thèse : c’est une rupture importante sur le
de contraintes dont nous ne sommes pas plan cognitif, qui contribue à rendre les
conscients » (Argyris et al., 1985, p. 133). modèles et méthodes, ainsi que leurs fonde-
Hatchuel et Molet présentent la recherche- ments et présupposés théoriques, plus réa-
intervention en management en des termes listes. On pourrait ainsi considérer que le
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validité et la légitimité des procédures rete- prend une place beaucoup plus importante
nues qui vont rendre acceptables et légi- dans la structuration des débats organisa-
times les choix proposés. tionnels et sociétaux. Certains pays ont,
La troisième, et peut-être la plus impor- d’ailleurs, rendu obligatoire l’utilisation de
tante, consiste à introduire une relation – la l’aide multicritère à la décision dans un cer-
relation d’aide – dans des approches qui, au tain nombre de processus de décision
mieux, les gardaient implicites : aider seule- publics liés à l’environnement et l’aména-
ment à décider peut sembler un recul, par gement du territoire.
rapport à la détermination d’une décision On le voit, l’apport des travaux de Roy et de
« optimale ». L’objectif semble plus l’école d’aide à la décision qu’il a fondée
modeste : il est en réalité beaucoup plus dépasse largement le strict cadre des tech-
sophistiqué. Introduire la notion d’aide, niques de recherche opérationnelle et
c’est inclure au cœur de la décision l’un des d’aide à la décision : ces travaux, tant sur
fondamentaux de la vie en société : la rela- leur versant technique que dans leur dimen-
tion d’aide. Une fois validé le fait que l’aide sion organisationnelle et épistémologique,
se fait au service de certaines valeurs – occupent une place centrale pour le mana-
toutes ne sont pas acceptables – la gement des organisations modernes et dans
démarche d’aide à la décision, et en parti- l’enseignement et la recherche en sciences
culier dans sa composante « multicritère », de gestion.
BIBLIOGRAPHIE
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