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COURS 2018 - 2019

FISCALITE DES CADRES ET DIRIGEANTS


D’ENTREPRISE

Par Eric Boigelot


"Il y a deux choses inadmissibles sur la terre : la mort et les impôts. Mais j'aurais dû citer en premier les impôts."

Sacha Guitry
CHAPITRE PREMIER

LES DIRIGEANTS D’ENTREPRISE : ESSAI D’UNE DEFINITION

I. Base légale

L’article 32, al. 1er CIR 92, tel que modifé par l’article 5 de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux du 20 décembre
1996 et par l’article 2 A de la loi du 4 mai 1999, se lit dorénavant comme suit :

« les rémunérations des dirigeants d’entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées 1 à une
personne physique :

1° qui exerce un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues ;

2° qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière,
d’ordre commercial, fnancier ou technique, en dehors d’un contrat de travail. ».

Le deuxième alinéa de l’article 32 CIR 92 décrit de façon exemplative ce que ces rémunérations comprennent
(notamment les tantièmes, les sommes fxes ou variables allouées par des sociétés autres que des dividendes
ou des remboursements de frais propres à la société, ou encore les avantages de toute nature obtenus en
raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle).

D’autre part, l’article 6 de ce même arrêté royal a abrogé l’article 33 CIR 92 qui avait trait à la rémunération des
associés actifs2.

Depuis l’exercice d’imposition 1998, et outre celle des « conjoints aidants », il n’est plus retenu que deux types
de rémunération :

- d’une part, celle des travailleurs,


- d’autre part, celle des
dirigeants d’entreprise3.

Avertissement : la jurisprudence citée dans cet ouvrage et référencée uniquement à l’aide d’un numéro de rôle, provient
généralement de la consultation de la banque informatique de données « Fiscalnet » éditée sur internet. Les circulaires
administratives citées sans mention de leur publication sont reprises également sur « Fiscalnet » et/ou sur le site du
Ministère des Finances « Fisconet ».
2


Dans un arrêt du 28 janvier 2010, la cour d’appel de Bruxelles, rôle n° 1983/FR/358, a défni l’associé actif comme « celui
qui place des fonds dans la société et y exerce une activité réelle et permanente afn de faire fructifer un capital qui lui
appartient ».
3


L’article 30, 3° CIR 92 prévoit en efet un troisième type de rémunération, celle des conjoints aidants. Cette disposition
est applicable depuis l’exercice d’imposition 2004 (article 15, loi du 24 décembre 2002, M.B. 31 décembre 2002). Nous ne
nous y attarderons pas dans le présent ouvrage.
La catégorie des revenus des associés actifs disparaît du paysage fscal. Ainsi, les associés de sociétés de
personnes qui exercent une fonction salariée sont taxés de la même manière que les actionnaires de sociétés
de capitaux exerçant une même activité. Par ailleurs, les gérants sont dorénavant mis sur le même pied que
les administrateurs.

Il arrive que l’administration fscale tente de requalifer les revenus déclarés par le contribuable comme
rémunérations de travailleurs salariés en « rémunération de dirigeants » – voire en « rémunérations d’associés
actifs » pour les exercices d’imposition où cette catégorie de revenus existait encore 4. Nous y reviendrons
lorsque nous examinerons le principe d’attraction.

II. Classification

La notion de « dirigeant d’entreprise » ne recouvre que les personnes physiques.

Deux catégories de dirigeants sont retenues :

- les mandataires sociaux ou ceux exerçant des fonctions analogues (« première catégorie ») ;
- le « directeur » commercial, technique ou fnancier ou chargé de la gestion journalière
(« seconde catégorie »).

L’arrêté royal du 20 décembre 1996 a été confrmé par la loi du 13 juin 1997 5, ce qui a permis de mieux
appréhender la notion de « dirigeants d’entreprise » à la lumière des travaux préparatoires de cette loi, plus
précis et plus complets que le Rapport au Roi.

Deux critères sont retenus pour fonder la première catégorie de dirigeants d’entreprise :

• le critère formel


Voir Bruxelles 15 juin 2007, rôle n° 1994/FR/112, où la cour a refusé de requalifer des rémunérations salariées déclarées
par un mécanicien, en rémunérations d’associé actif. Pour la Cour, l’absence d’un contrat écrit ne constitue nullement un
indice d'absence de contrat de travail, de même que la détention de 20% des parts de la société ne démontre nullement
en l’espèce, la disparition du lien de subordination dans le cadre des activités de mécanicien du contribuable concerné ;
Bruxelles 5 novembre 2008, rôle n° 1996/FR/250, où la cour a décidé de requalifer les montants perçus en revenus
d’associés actifs. Le requérant, bien qu’ayant ofciellement démissionné comme gérant de la société au proft de son
épouse à qui il aurait cédé toutes ses parts sociales, avait néanmoins participé à l’assemblée générale pour l’approbation
des comptes de la société de l’exercice social correspondant à l’exercice fscal litigieux ; Bruxelles 24 septembre 2009, rôle
n° 1996/FR/324 où la cour a refusé de requalifer les sommes perçues en revenus d’associés actifs dès lors que la possession
de moins de 20% des parts sociales ne permet en aucune manière d’avoir une quelconque infuence sur les décisions à
prendre au sein de la société, que le contribuable n’exerce aucune fonction dirigeante et qu’il n’a pas la signature sociale ;
Civ. Bruxelles 29 mai 2008, rôle n° 2001/9583/A, où l’administration tentait de déduire des statuts et du titre de directeur
que le requérant détenait des pouvoirs qui dépassaient largement ceux dévolus à une gestion journalière, et qu’il y avait
lieu d’en conclure qu’il exerce une fonction analogue à celle d’un administrateur. Le tribunal a relevé que sur les notes
manuscrites du contrôleur, il est spécifé que le pouvoir de décision et les actes importants appartiennent aux parents du
requérant, et non à lui-même. En conséquence, il n’y a pas lieu de requalifer les revenus déclarés ; Civ. Liège 26 mai 2008,
rôle n° 05/489/A, où le Tribunal a requalifé les revenus déclarés en rémunérations de dirigeants d’entreprise, en relevant (i)
que le requérant était administrateur de la société dans laquelle il détenait 110 parts sur un total de 1000 (soit le
pourcentage le plus important par rapport aux autres détenteurs), (ii) qu’il avait souscrit la déclaration fscale de la société
de l’exercice 2000 et (iii) qu’il avait introduit deux réclamations pour le compte de cette dernière. Selon nous, il sufsait de
constater que le contribuable était administrateur, ce qui le « qualife d'ofce » au titre de dirigeant d'entreprise, le reste
étant surabondant.
5


M.B., 19 juin 1997.
Il concerne les personnes efectivement désignées statutairement ou par l’assemblée générale
comme organes de la société6 et, plus généralement, à suivre les déclarations originelles du ministre,
de toutes personnes morales (v. ci-après).

On regroupe, au sein de cette catégorie, ceux qui administrent la société « en pleine activité » et ceux
qui sont chargés, lorsqu'elle est liquidée, d'en régler le passif et d'en attribuer l'actif résiduel éventuel
(boni)

D'autres personnes exercent une fonction analogue : ainsi, le Gouverneur de la banque nationale
dirige la Banque nationale de Belgique et préside le Comité de direction et le Conseil de régence dont
il fait exécuter les décisions. Il représente la Banque nationale en justice. Le critère, bien qu'il s'agisse
de fonctions similaires, est formel, car on vise la même fonction/situation juridique mais pas le même
titre7.

Une question plus délicate : qu’en est-il de représentants permanents désignés dans une société d
management comme « personne de contact » avec la société qu’elle administre ? Suite à une
question parlementaire posée par Madame Josée Lejeune le 14 janvier 2009 8, qui portait sur la
question de savoir si la fonction de représentant permanent (requise quand une personne morale
administre une autre personne morale – pas requise quand une personne morale est uniquement
chargée de la gestion journalière) devait être considérée par l’administration comme une fonction
analogue à un mandat d’administrateur, de gérant ou de liquidateur, le ministre des Finances a
répondu par l'afrmative le 20 janvier 2009 au terme d'un raisonnement dont je vous fait grâce. Ces
représentants permanents constituent donc, selon le ministre, des dirigeants d’entreprises visés à
l’article 32, alinéa 1er, 1°, CIR 92.

• le critère matériel

Il a trait aux fonctions analogues, ce qui se rapporte aux personnes qui exercent en fait les
prérogatives juridiques d’un administrateur, d’un gérant ou d’un liquidateur.

Dans un arrêt du 5 septembre 20039, la cour d’appel de Mons a eu à se prononcer sur la nature des
rémunérations perçues par un directeur général employé sous contrat de travail, et délégué à la
gestion journalière. Après avoir minutieusement examiné en fait l’étendue des pouvoirs de celui-ci, et
rappelé que la gestion journalière d’une société implique la commission d’actes d’exploitations
quotidiens conformes aux décisions et directives adoptées par le conseil d’administration, la cour
constate que cet employé exerce efectivement des pouvoirs réservés au conseil d’administration, qui
excèdent par conséquent les limites de la gestion journalière. Tel est le cas dès lors qu’il peut passer
tous contrats, efectuer toutes opérations quelconques au départ des comptes de la société, conclure
tous prêts ou encore, tirer, négocier et avaliser tous efets. Le salarié exerce ainsi des fonctions
analogues, de sorte que c’est à bon droit que l’administration a imposé ses revenus au titre de
mandataire social.


Voy Gand 22 mai 2007, rôle n° 2006/AR/293, où une actionnaire et dirigeante d’une SA avec son père, avait convenu
avec celui-ci qu’elle mettrait ses actions à sa disposition durant 9 ans, moyennant une rémunération mensuelle de la
société. D’après la Cour d’appel, la contribuable n’a pas perdu son statut de dirigeante d’entreprise suite à la transaction,
dès lors qu’il n’est question que d’une limitation temporaire de son pouvoir de décision fnale au sein de la SA, de sorte que
les rémunérations mensuelles doivent être taxées à titre de rémunérations de dirigeants d’entreprise.
7


Cela vaut aussi pour les régents de la Banque nationale de Belgique.
8


QRVA 52-046, Chambre, 2008-2009, n° 39, pages 28-30
9


Mons, 5 septembre 2003, rôle n°1996/FI/15. L’arrêt a été rendu à propos de l’exercice d’imposition 1992, c’est-à-dire
sous l’empire d’un régime légal antérieur à celui instaurant la catégorie de dirigeants d’entreprise.
Dans un arrêt antérieur10, la cour d’appel de Mons a, sur base d’un raisonnement identique, accueilli le
recours du contribuable contre l’imposition de ses revenus en qualité d’administrateur de fait,
estimant que le directeur général, salarié et délégué à la gestion journalière, n’excédait pas ses
pouvoirs malgré leur large étendue dès lors qu’en l’espèce, celle-ci était justifée tant par l’expérience
acquise depuis l’époque de constitution de la société que par la licence professionnelle qu’il était le
seul à pouvoir faire valoir auprès des administrations et des autorités compétentes.

Dans un arrêt plus récent du 13 janvier 2010, la Cour d’appel de Liège a conclu à la qualité de
dirigeant après avoir relevé qu’en l’espèce, les personnes concernées avaient toujours exercé, en fait,
les pouvoirs d’administration générale et de haute direction de la société concernée, qu’elles tenaient
un rôle prépondérant au niveau du recrutement et de la fxation des modalités de collaboration de la
société avec des tiers, qu’elles avaient conclu le contrat de fnancement du véhicule de la société, et
qu’elles louaient leurs immeubles à la société à laquelle elles faisaient par ailleurs d’importantes
avances11.

Ce critère matériel n’est, par conséquent, pas aisé à défnir, dépendant par essence des faits propres à
chaque situation.

A l’occasion du rapport fait devant la Chambre, le ministre précise qu’il faut entendre par « personne
dirigeante », composant la seconde catégorie, le directeur, qu’il soit délégué à la gestion journalière ou en
charge du secteur commercial, technique ou fnancier, lorsque l’activité dirigeante est exercée au sein de
l’entreprise à titre indépendant.

Un doute est levé, qui avait pu être entretenu par la formulation du texte légal. L’article 32, al. 1 er, 2° CIR, dans
sa précédente formulation, visait en efet « une activité ou une fonction dirigeante ». D’aucun se sont posés la
question de savoir si le terme « dirigeante » n’avait trait qu’à la fonction ou s’il se rapportait aussi à l’activité. Il
faut clairement un caractère dirigeant à l’activité visée par la loi, ce qui nous paraissait, déjà par le passé, aller
de soi.

D’autre part, l’activité dirigeante doit s’exercer dans l’entreprise. Les termes « au sein de » fgurant au texte
légal, excluent de la sorte les conseils extérieurs indépendants. Le ministre l’a par ailleurs confrmé en
réponse à une question parlementaire posée par le Sénateur Hatry 12, dès lors que les conseils extérieurs à
l’entreprise n’agissent pas en son sein, ne donnent aucune instruction aux employés de la société ni
n’agissent au nom de leur client.

La question n’est toutefois pas toujours aisée à résoudre. Les « in house counsellors » posent problème. Doit-on

10


Arrêt du 20 avril 2001, rôle n°1993/FI/1970 (en rapport avec les exercices d’imposition 1989 et 1990, sous l’empire de
l’ancienne loi). Le contribuable s’était vu reconnaître, outre les pouvoirs de gestion journalière, et de représentation de la
société en ce qui concerne cette gestion, tous pouvoirs pour représenter seul la société, notamment dans les actes où
intervient un fonctionnaire public, ainsi que pour agir en justice et pour représenter la société dans les mandats
d’administrateur ou d’administrateur-délégué. Comparez avec Bruxelles, 10 mars 1999, rôle n°1985/FR/407, où la cour
décide qu’exerce une fonction analogue à un administrateur le directeur salarié qui peut engager ou révoquer du
personnel, fxer leur rémunération, signer tout contrat et engagement vis-à-vis d’autorités fscales notamment, ou encore
conclure sans limitation des achats et ventes et représenter la société auprès de diverses autorités. Voyez aussi, dans le sens
d’une reconnaissance de l’exercice d’une fonction analogue à celle d’un mandataire social, Bruxelles, 15 février 2001 (rôle n°
1986/FR/509), où la cour relève que le gérant en titre était retraité et que le contribuable était le seul en mesure de diriger
efectivement la société, et dans le sens contraire, Bruxelles, 16 octobre 2003 (rôle n° 83/FR/072), où la cour rejette les
prétentions de l’administration, relevant de façon très intéressante que les pouvoirs les plus étendus conféré au directeur
salarié étaient statutairement limités au cadre strict de la gestion journalière de la société : le fait de pouvoir quasiment tout
faire, mais dans cette sphère précise, ne permet pas à l’administration de considérer ce directeur comme exerçant une
fonction analogue à celle d’un administrateur.
11


Liège 13 janvier 2010, rôle n°2005/RG/433.
12


Q & R, Sénat, 8 juillet 1997
considérer que ces personnes physiques, qui prestent une série d’activités de conseil pour une entreprise
pendant une période déterminée, pour ensuite se consacrer au dessein d’une autre et ainsi de suite (il arrive
même que ces personnes exercent leurs activités simultanément, à des périodes déterminées, au proft de
plusieurs sociétés), exercent nécessairement leurs activités « au sein de » la société ? Apparemment, il faudrait
considérer que le temps de leur activité consacré à la société, ils l’accomplissent au sein de celle-ci. On peut
toutefois raisonnablement estimer que devrait être retenu comme critère de qualifcation des revenus une
certaine durabilité de l’exercice au sein de la société, même dans ce cas.

Partons toutefois du principe que ceux-ci agissent au sein de l’entreprise, à titre indépendant. Faut-il,
nécessairement à nouveau, les assimiler à des dirigeants d’entreprise de la seconde catégorie ? Le ministre
répond qu’il faut, en fait, rechercher la portée efective de leur pouvoir de décision. S’ils peuvent donner des
instructions, s’ils peuvent infuencer et orienter les choix de l’entreprise, bref s’ils exercent une fonction
dirigeante, ils rentreront dans cette catégorie. A défaut, les sommes perçues s’analyseront comme des profts,
même pour leur activité au sein de l’entreprise.

Le critère de direction est donc essentiel – voire prime tout autre – lorsqu’il s’agit d’analyser les fonctions
exercées au sein d’une société de façon indépendante.

Défnir la rémunération du dirigeant d'entreprise n'est pas toujours aussi simple qu'il y paraît.

Ainsi, dans un arrêt du 8 mars 200713, la Cour de cassation a rappelé que la comptabilisation en compte-
courant de la rémunération d’un dirigeant d’entreprise équivaut au paiement de cette rémunération. Selon la
Cour, le fait que le dirigeant ne dispose, par le biais de cette écriture comptable, que d’une créance sur la
société-employeur est sans importance dès lors qu’il peut retirer l’argent dès qu’il le souhaite.

La cour d'appel de Bruxelles14 précise que « pour être imposable, la mise à disposition du montant doit être
véritable, réelle et efective, ainsi qu’immédiatement exigible ». Dans une autre espèce, où la rémunération du
dirigeant avait été comptabilisée en compte-courant – et donc déclarée en vue d'être imposée – mais n'avait
pas encore été payée au moment où la société est tombée en faillite, cette même cour 15 a accordé le
dégrèvement en précisant que les revenus professionnels ne sont imposables qu'en vertu d'un
« enrichissement patrimonial réel », à savoir que la personne rémunérée « vient à disposer du montant lors de la
comptabilisation sur un compte disponible ». Si l’indisponibilité découle d’une circonstance indépendante de la
volonté du bénéfciaire, la cour précise qu'il n’est question d’un octroi ni en fait, ni en droit.

La cour d'appel de Mons16 a eu à connaître, pour sa part, d'un cas où la rémunération du dirigeant avait été
annulée suite à une décision prise en assemblée générale, eu égard à la situation fnancière difcile de la
société, et était justifée par une renonciation volontaire du dirigeant bénéfciaire : elle a jugé que le revenu
avait bel et bien été attribué et que c'est à bon droit que l'Etat belge entendait maintenir l'imposition enrôlée,
en justifant qu'à dater de son inscription en compte-courant, le titulaire peut réclamer le paiement dudit
montant.

7.
Une autre question concerne le traitement fscal de la rétrocession de rémunérations par un dirigeant
d'entreprise. C'est l'hypothèse – c'est un exemple, mais qui recouvre la situation la plus fréquente – où un

13


rôle n°06/0040/F ; Voir aussi en ce sens : Anvers 12 février 2008, rôle n°2007/AR/2537 ; Anvers 28 mai 2008,
rôle n°2006/AR/1671 ; Bruxelles 10 mai 2007, rôle n°1992/FR/391; Civ. Liège 16 avril 2007, rôle n°02/376/A.
14


Brux., 13 septembre 2007, rôle n°1999/FR/028.
15


Brux., 29 septembre 2010, rôle n°2007/AR/436.
16


Mons 19 décembre 2012, rôle n°2012/240
administrateur ou un salarié d'une SA, et a ̀ la demande de celle-ci, accepte d’exercer un mandat
d’administrateur dans une autre socie ́te ́, généralement lie ́e. Il est cependant convenu que
l'administrateur/le salarié ce ́dera a ̀ la première socie ́te ́, dont il défend les intérêts auprès de la seconde, la
totalite ́ de la re ́mune ́ration qu'il percevra au titre de ce nouveau mandat.

Cette situation fait désormais l’objet d’une circulaire administrative n°Ci.RH.244/599.047 du 18 août 2009 17.

Il découle de cette circulaire que lorsque le contribuable démontre que l'acquisition ou la conservation de son
mandat et des revenus qu'il en retire est efectivement et expressément subordonnée à la rétrocession d'une
quotité déterminée des émoluments qu'il perçoit, il peut, conformément à l'article 49 CIR 92, déduire les
sommes ainsi rétrocédées en tant que frais professionnels, l'année de leur rétrocession efective. Cette
rétrocession de sommes doit être justifée par des fches individuelles n° 281.50 18.

L’administration admet cependant, pour des raisons pratiques, dans des cas déterminés et à la demande –
irrévocable19 – des intéressés, que ces émoluments perçus et rétrocédés ne soient ni soumis au précompte
professionnel ni mentionnés sur une fche 281.20. Ces rémunérations allouées à des dirigeants et rétrocédées
à des tiers, ne sont donc pas déclarées par le dirigeant : la condition requise est que les rémunérations
perçues fassent l'objet d'une rétrocession « totale et directe, en exécution d'un contrat préalable »20.

La circulaire expose clairement, par ailleurs, que « Lorsqu'il est préalablement stipulé par
contrat que les rémunérations doivent obligatoirement être refusées et qu'en pratique, la
totalité des rémunérations est efectivement refusée par le dirigeant d'entreprise à concurrence de leur montant
total (la société en question ne paie donc aucune rémunération pour le mandat concerné), il ne peut bien entendu
pas être question d'un paiement ou d'une attribution de rémunérations au dirigeant d'entreprise, de sorte qu'il ne
peut pas non plus être question d'un fait imposable tel que visé à l'article 204, 3°, b, AR/CIR 92 ». Nous approuvons
cette analyse21.

17


AFER n°41/2009). Comme le relève l'administration en son point 1, « La présente circulaire porte sur le traitement fscal de
la "rétrocession" de rémunérations par des dirigeants d'entreprise. Cette problématique fait également l'objet de la question
parlementaire n° 133 du 25.11.1999 posée par le Représentant Pieters. Les services centraux de l'Administration de la fscalité des
entreprises et des revenus constatent toutefois que la problématique précitée donne de nouveau lieu à des discussions. La
présente circulaire vise par conséquent à rappeler les positions prises dans la réponse à la question parlementaire précitée ».
18


« Il appartient au contrôle à l'impôt des personnes physiques ou au contrôle "étranger" dont dépend le dirigeant d'entreprise,
d'apprécier en première instance si les rémunérations nettes rétrocédées constituent des frais professionnels déductibles », précise
la circulaire en son point 4.
19


Ainsi que l'exige la circulaire – point 6
20


La circulaire expose clairement, par ailleurs, que « Lorsqu'il est préalablement stipulé par contrat que les rémunérations
doivent obligatoirement être refusées et qu'en pratique, la totalité des rémunérations est efectivement refusée par le dirigeant
d'entreprise à concurrence de leur montant total (la société en question ne paie donc aucune rémunération pour le mandat
concerné), il ne peut bien entendu pas être question d'un paiement ou d'une attribution de rémunérations au dirigeant
d'entreprise, de sorte qu'il ne peut pas non plus être question d'un fait imposable tel que visé à l'article 204, 3°, b, AR/CIR 92 ».
21


On peut s'interroger, dès lors, sur la sévérité d'une certaine jurisprudence – voir notamment l'arrêt de la cour d 'appel
de Mons du 19 décembre 2012 repris au point 6 ci-avant – dans la mesure où la rémunération avait été annulée par la
société et son bénéfce refusé par le dirigeant. La rétrocession contractuelle revêt, il est vrai, un côté répétitif et
systématique.
III. Administrateurs d’ASBL : des dirigeants d’entreprises ?

8.

Lors de l’instauration de la catégorie des rémunérations de dirigeants d’entreprise, le ministre des Finances
considérait que la défnition légale des dirigeants d’entreprise de première catégorie concerne les personnes
physiques qui sont organes de toute personne morale, pas uniquement des sociétés.

Par ailleurs, dans son exposé, celui-ci déclarait que la seconde catégorie de dirigeants d’entreprise ne
concerne pas les personnes physiques dirigeantes des personnes morales qui ne sont pas soumises à l’ISoc,
telles les ASBL ou les sociétés à fnalité sociale 22.

Devant la Commission du Sénat23, le ministre précisait que si l’ASBL est soumise à l’ISoc, la personne physique
dirigeante doit être considérée comme un dirigeant de la deuxième catégorie, mais pas dans l’hypothèse où
cette ASBL est soumise à l’impôt des personnes morales. Cette opinion éclairait quelque peu celle émise
antérieurement et en afne la portée.

La justifcation de la position adoptée alors par le ministre, paraissait résider dans le texte même de l’article 32
nouveau CIR 92, aucune référence n’étant faite à la société en son alinéa 1 er, 1°, alors que tel est le cas en son
alinéa 1er, 2°24.

9.

Nous nous interrogions sur l’exactitude de cette approche. Certes, les deux catégories des dirigeants
d’entreprise peuvent, dans les textes, paraître distinctes en ce que l’une se réfère à la notion de société, et pas
l’autre. Certes également, on parle d’un dirigeant « d’entreprise », et non d’un dirigeant « de société », ce qui
peut être indicatif d’une volonté de donner à cette notion une portée large.

Nous relevions toutefois que la notion d’entreprise, comme celle d’entrepreneur (voyez les articles 24 et 25
CIR 92, l’article 24 défnissant les bénéfces et se référant aux entreprises industrielles, commerciales et
agricoles), est sans doute impersonnelle, mais s’inscrit dans un cadre lucratif.

D’autre part, l’article 32 CIR 92, en son deuxième alinéa, vise clairement, les rémunérations allouées par des
sociétés (1°) et les revenus locatifs requalifés d’un bien immobilier bâti donné en location par les mandataires
sociaux à leur société (3°). Cela ne laisse guère de place aux ASBL ou, d’une manière générale, aux structures
ne poursuivant pas de but lucratif25.

Nous pensions plus exact de considérer que, pour les deux catégories, les administrateurs et dirigeants des
ASBL ne pourraient voir leur rémunération taxée au titre de rémunérations de dirigeants d’entreprise que s’il
s’agissait de fausses ASBL, en réalité soumises à l’ISoc.

22


Doc. Parl., Ch., 20 mars 1997.
23


Doc. Parl., Sénat, 10 juin 1997.
24


« (...)qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante(...) » (c'est nous qui soulignons)
25


Sous réserve de ce qui est indiqué au troisième alinéa de l'article 32 CIR 92, dont question sous le point 10.
10.

Le législateur a tranché – en apparence seulement – en insérant par la loi du 4 mai 1999 un nouvel alinéa à
l’article 32 CIR 92, précisant que seuls les mandats sociaux non rémunérés exercés par les personnes
physiques dans les ASBL ou autres personnes morales visées à l’article 220, 3° CIR 92, ne sont pas visés par
l’alinéa 1er de cette disposition, pour autant que ces mandataires ne perçoivent pas de revenus immobiliers
susceptibles d’une requalifcation en revenus professionnels au sens de l’alinéa 2, 3° de cette même
disposition.

A contrario, serions-nous tenté d’écrire, les mandataires sociaux rémunérés de ces ASBL et autres personnes
morales seraient donc considérés comme des dirigeants d’entreprise. En tous cas, ceci pourrait laisser
entendre que la catégorie des dirigeants inclut bien les mandataires d’ASBL.

En apparence, écrivons-nous, car le ministre des Finances, à l’occasion d’une réponse à une question
parlementaire26, a précisé qu’en l’état actuel de la législation, les mandataires sociaux ou ceux exerçant une
fonction analogue sont considérés comme des dirigeants d’entreprise, lorsqu’ils exercent leur mandat auprès
d’une société au sens de l’article 2, § 2, 1° CIR 92, lequel vise expressément et très largement la personne
morale qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.

Par conséquent, précise le ministre, seront considérés comme dirigeants d’entreprise de première catégorie
ceux qui exercent leur mandat ou fonction auprès d’une ASBL qui se livre à pareilles exploitation ou
opérations dépassant le caractère de l’article 182 CIR 92, même si elle reste assujettie à l’impôt des personnes
morales. L’ASBL sera alors considérée comme une « société » au sens fscal du terme.

Selon le ministre, sont donc à classer dans la catégorie des dirigeants :


1° les administrateurs, dont le mandat est rémunéré ou non, d’ASBL soumises à l’impôt des sociétés ;
2° les administrateurs qui exercent un mandat rémunéré dans une ASBL qui se livre à une exploitation ou à
des opérations de caractère lucratif qui dépassent le cadre de l’article 182 du CIR, quel que soit l’impôt (des
sociétés ou des personnes morales) auquel cette ASBL est assujettie ;
3° les administrateurs qui exercent un mandat non rémunéré dans une ASBL qui se livre à une exploitation ou
à des opérations de caractère lucratif qui dépassent le cadre de l’article 182 du CIR, quel que soit l’impôt
auquel cette ASBL est assujettie, et qui perçoivent des revenus locatifs requalifés au sens de l’article 32, alinéa
2, 3° CIR.

11.

Sur le premier point, nous pouvons nous rallier à la position du ministre, dès lors que l'ASBL est soumise à
l'impôt des sociétés. Là où nous émettons une critique, c’est quand il expose que cette règle vaut tant pour le
mandat rémunéré que pour celui exercé gratuitement. Cette position est, manifestement, contra legem, en
tout cas dans la formulation actuelle du texte légal qui, pour les ASBL, ne paraît faire aucune distinction entre
celles soumises à l’ISoc et celles qui ne le sont pas.

Notre opinion est renforcée par la justifcation donnée par la Cour d’arbitrage lorsqu’elle fut amenée à
s’interroger sur le principe d’attraction en rapport avec l’exercice d’un mandat social non rémunéré 27. A cette
occasion, la Cour souligne ce qui suit : « Le Conseil des ministres ne démontre pas – et la Cour n’aperçoit pas – en
raison de quels abus une exception n’est prévue que pour les administrateurs non rémunérés d’une association
sans but lucratif »28. Cela revient à placer sur le même pied les dirigeants d’entreprise des sociétés avec ceux
exerçant leur mandat et fonction auprès d’une ASBL.

26


Q. & R. Sénat, 25 février 2003, n°2-69, p. 3854, que de M. Istasse n°101/2 du 1 er octobre 1999.
27


Voyez infra, n°16
28


Cour d’arbitrage, arrêt du 1er mars 2001, n° 30/2001, M.B., 24 mars 2001, p. 9856
Autrement dit, ce n’est pas l’absence de caractère lucratif ou d’exploitation d’une entreprise qui justife
qu’une situation puisse être traitée diféremment d’une autre, mais bien le caractère gratuit ou non de
l’exercice du mandat ou de la fonction : que ce soit dans une ASBL ou dans une société au sens fscal du
terme, le mandataire social non rémunéré doit être traité identiquement. Le fait qu’une ASBL serait soumise à
l’Isoc ne doit, par conséquent, rien changer à cette question.

Alors, dans ce cadre, nous comprenons mal les propos ministériels du 25 février 2003, qui semblent faire f du
texte légal, ce même texte que le Conseil des ministres, dans sa défense devant la Cour d’arbitrage dans la
procédure précitée, considérait comme particulièrement adapté aux ASBL dont le but « n’est, de plus,
normalement pas le proft, a fortiori le proft des associés et moins encore des salariés qui y travaillent. Le risque
d’abus auquel le législateur a voulu obvier en afrmant le principe d’attraction n’existe en théorie pas pour les
a.s.b.l. »29 (c’est nous qui soulignons). L’exception légale nous semble dès lors bien de portée générale que l’ASBL
soit soumise à l’ISoc ou à l’IPM.

12.

Quant aux deux autres situations où, selon le ministre des Finances, le mandat exercé par une personne
physique auprès d’une ASBL doit être considéré comme l’étant à titre de dirigeant d’entreprise, elles ne
demandent guère de commentaires, puisqu’elles refètent correctement le texte légal en vigueur.

Ceci dit, l'article 182 CIR 92 est un texte des plus nébuleux, et des plus mal écrits... Ce n'est pas fait pour
accroître la clarté, si tant est qu'il y en ait une.

Enfn, par élimination, sont à classer dans la catégorie des titulaires de profession libérales percevant des
profts les administrateurs rémunérés d’ASBL non soumises à l’impôt des sociétés, qui n’exploitent pas
d’entreprise et qui ne se livrent pas à des opérations de caractère lucratif dépassant le cadre des opérations
visées à l’article 182 CIR.

Ce qui fait que l'administrateur d'ASBL aura tendance, par précaution, à déclarer ses revenus au titre de profts
de profession libérale pour ne pas reconnaître implicitement que l’ASBL qu’il administre est une « fausse »,
soumise ou devant l’être à l’impôt des sociétés.

D'autant que le régime des « profts » est plus souple/avantageux30, puisqu'il permet (i) de déduire un forfait
de charges professionnelles plus élevé que celui du dirigeant, (ii) de ne pas subir le principe d’attraction s'il
perçoit aussi des revenus de salariés de l’ASBL, (iii) d'éviter la retenue de précompte professionnel sur les
revenus que l’ASBL lui verse – à remplacer par des versements anticipés, ou encore (iv) d'éviter que les loyers
que l’ASBL lui verserait pour la location d’un immeuble lui appartenant soient requalifés en revenus
professionnels.

La Cour d'Appel de Mons, dans un arrêt du 06.10.2011 31, a eu à se prononcer sur cette distinction « profts » vs
« rémunérations de dirigeant d'entreprise ». Le problème qui se posait était la qualifcation tant des sommes
perçues en contrepartie des mandats d'administrateur au sein d'intercommunales et de sociétés de droit
public exercées par le contribuable que des indemnités qu'il a perçues au titre de remboursements de
dépenses propres à l'employeur.

L'administration a considéré que celles-ci devaient être requalifées en profts d'occupations lucratives, ce qui
implique que les sommes allouées à titre de remboursement de frais propres à la société deviennent
également taxables. Pour sa part, le contribuable faisait valoir que les revenus versés étaient à traiter

29


Ibid, considérant A.6.2.
30


Sauf pour le régime des pensions complémentaires, dès lors que l'administrateur ne pourra bénéfcier d’un
engagement individuel de pension ou d’une assurance de groupe, puisqu'il n'est ni dirigeant ni salarié
31

Rôle n° 2010/RG/5
conformément à l'article 32 CIR 92 comme des rémunérations de dirigeant d'entreprise. Il contestait dès lors
que soient ajoutés aux revenus issus des sociétés intercommunales les remboursements de dépenses
incombant à l'employeur à défaut pour l'administration d'établir qu'il s'agissait de rémunérations déguisées 32.

La cour a pris soin d'examiner, au cas par cas, s'il y avait exploitation ou opérations lucratives, et son analyse
est éclairante. Par exemple, la cour relève que l'ASBL concernée, qui a pour but de développer une approche
médicale préventive et éducative afn de garantir la défense de la santé de la population, « pourra à cette fn
acheter, louer, agencer tous les locaux et s'assurer les concours médicaux et autres nécessaires au bon
fonctionnement de ses installations et ce dans le respect de son but social », pour en conclure que « cette ASBL ne
se livre pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ».

Ou encore, que si une ASBL qui a pour but l'étude des problèmes qui se posent aux intercommunales mixtes
de distribution de gaz et/ou d'électricité, exerce des activités comprenant entre autres la promotion de la
coopération entre représentants publics dans celles-ci, la poursuite de tous travaux utiles à leur objet social y
compris une fonction de plate-forme d'étude, de concertation et de discussion, « il ne peut être soutenu que la
société (...) se livrerait à une exploitation dès lors que son activité ne vise pas l'obtention d'un proft ».

13.

Il est bien entendu possible pour un gérant ou un administrateur d’exercer, outre ses fonctions sociales,
d’autres activités au sein de la société dans le cadre d’un contrat de travail ou d’entreprise 33. Sur ce plan, la
situation pour les dirigeants d’entreprise faisant partie de la première catégorie n’est pas modifée depuis le
changement législatif intervenu. Rien n’empêche, en efet, un administrateur d’exercer la gestion journalière
de l’entreprise qu’il administre sous les liens d’un contrat de travail, pour autant que les critères et éléments
caractéristiques de la subordination existent.

En ce qui concerne la seconde catégorie des dirigeants d’entreprise, qui regroupe les personnes physiques
exerçant au sein de la société une activité ou une fonction dirigeante de gestion journalière, d’ordre
commercial, technique ou fnancier en dehors d’un contrat de travail, la question paraît être devenue sans
objet ou de faible pertinence. Pour être un dirigeant d’entreprise, il faut être indépendant. Si la fonction est
exercée dans les liens d’un contrat de travail, il n’est plus question alors d’une rémunération de dirigeant
d’entreprise, mais bien d’une rémunération de travailleur salarié (sauf attraction – voir ci-après : on peut en
efet et théoriquement imaginer un dirigeant de seconde catégorie exerçant par ailleurs un emploi salarié, ce
qui tirerait ce dernier vers cette catégorie).

Auparavant, la question pouvait se poser avec beaucoup d’acuité, lorsque le directeur commercial salarié
d’une SPRL en était aussi un associé ce qui, en plus d’une jurisprudence souvent sévère des cours et
tribunaux, aboutissait à considérer sa rémunération comme étant celle d’un associé actif et non d’un salarié.
Aujourd’hui, ce même directeur associé de la SPRL dans laquelle il assume ses fonctions verra ses
rémunérations considérées comme celles d’un travailleur salarié et non comme celles d’un dirigeant
d’entreprise.

En d’autres termes, soit le travailleur exerce des fonctions dirigeantes visées à la seconde catégorie à titre
indépendant et il est dirigeant, soit il exerce ces mêmes fonctions dans le cadre d’un contrat de travail et il ne
l’est pas. Sous réserve de ce qui est indiqué ci-dessus et sous le point 17 ci-après, la question du cumul d’un
statut indépendant et salarié n’intéresse, en règle et en pratique, que les mandataires sociaux ou ceux qui, en
fait, exercent une fonction analogue à la leur.

32


La Cour fera droit, par ailleurs, à cet argument. Au vu des faits qui lui ont été soumis, elle a également retenu dans
certains cas la qualifcation de sommes constituant des profts d'une occupation lucrative, intégrant alors les
remboursements de dépenses propres à l'employeur.
33


Voyez infra
14.

En vertu du principe d’attraction, les revenus attribués par une société à une personne physique, non
seulement en raison de l’exercice de son mandat social mais aussi en rémunération de toute autre activité
professionnelle quelconque au sein de l’entreprise, sont considérés, pour le tout, comme des revenus de
dirigeants d’entreprise, (il y a peu de temps encore, même si le mandat est exercé à titre gratuit – cf. infra),
sans qu’il ne faille opérer de distinction suivant la cause de l’attribution du revenu.

A cet égard, le tribunal de première instance de Mons a souligné que le principe d’attraction s’applique aussi
bien aux rémunérations que les dirigeants reçoivent en tant que salarié qu’aux bénéfces ou profts qu’ils
retirent de services rendus à la société dans laquelle ils exercent leurs fonctions. En l’espèce, un contribuable
avait perçu des rétributions en rémunération des travaux de sous-traitance efectués par lui pour le compte
de la société dont il était également dirigeant 34.

Un bref historique de l’évolution jurisprudentielle, doctrinale et même administrative du principe d’attraction,


permettra de mieux cerner la problématique.

15.

S’appuyant sur le texte législatif, tel que libellé alors, la jurisprudence a longtemps considéré que lorsque le
mandataire social exerce aussi une autre fonction au sein de la même société, les revenus que celle-ci lui
attribue à cet autre titre sont considérés, pour le tout, comme des revenus d’administrateurs ou d’associés
actifs. La Cour de cassation, par un arrêt du 19 octobre 1989, a ainsi considéré que les honoraires versés par
une société à un expert-comptable indépendant, et qui était par ailleurs, administrateur à titre gratuit au sein
de cette même société, étaient des rémunérations d’administrateur 35.

Le principe d’attraction était alors applicable en règle, même si le mandat d’administrateur n’était pas rémunéré.

16.

Ce principe a fait l’objet de vives critiques doctrinales, rencontrées par une jurisprudence qui n’a toutefois
jamais été unanime36. Un important argument critique repose sur l’économie générale et la structure du C.I.R.,
qui défnit plusieurs catégories de revenus en fonction de leur nature et de leur cause, et non en prenant en
compte la qualité de leurs bénéfciaires. Il faut ainsi constater que l’application du principe d’attraction
soustrait certains revenus à la catégorie et au régime fscal auxquels ils appartiennent.

Par un arrêt du 14 mars 1989, la cour d’appel de Gand a admis qu’un capital tenant lieu de pension
complémentaire versé par une société à son directeur, employé mis à la retraite, et demeurant administrateur par
la suite, constituait une allocation tenant lieu de pension imposable au taux distinct et non une rémunération
d’administrateur37.
34


Civ. Mons 18 février 2010, rôle n°08/2956/A et 08/2954/A.
35


Cass., 19 octobre 1989, Pas., 1990, I, 205.
36


Voyez à ce propos Ph. Hinnekens et T. Meeus, « Requalifcation des revenus d’administrateurs - personnes physiques :
Principe d’attraction », R.G.F., 1993, p. 331; K. Gheysen, « Maken de bestuurders een bijzondere categorie belastingplichtigen
uit », Fiskofoon, 1986, 169-177; Th. Afschrift, "L’impôt des personnes physiques", Kluwer, 1995, pp. 229 et suiv.; J. Kirkpatrick,
« Les impôts sur les revenus et les sociétés - Examen de jurisprudence (1983 à 1990) », R.C.J.B., 1994, n° 71, pp. 315 et suiv.
37


R.G.F., 1989, p. 244, note, K. Gheysen; Voy. aussi en ce sens: Gand 22 décembre 2000, Civ. Gand 31 janvier 2002
et Civ. Anvers 18 novembre 2005. Par contre, la poursuite de l'activité salariée, même dans le cas où celle-ci est
autorisée dans le cadre de la législation en matière de pensions, outre un mandat d'administrateur, exclut le
bénéfcie de l'application du taux distinct. L'activité poursuivie dans la société doit rester strictement limitée au
mandat général d'administrateur proprement dit (QP n° 1069 de Représentant Dupre dd. 02.05.1994, Bulletin
des Questions et Réponses n° 115).
Dans un arrêt du 16 mars 1990, la Cour de cassation a aussi clairement distingué l’exercice du mandat
d’administrateur en tant que tel, des autres activités distinctes exercées par lui au sein de la même société 38. En
efet, la Cour de cassation a estimé que les indemnités perçues par un employé pour ses fonctions de salarié, qui
est en même temps administrateur de la société, puissent être taxées distinctement au taux moyen aférent aux
revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a exercé une activité
professionnelle normale (article 171, 5°, C.I.R. 92), alors même qu’il poursuit son mandat d’administrateur.
Néanmoins, à cette occasion, la Cour de cassation ne s'est pas expressément prononcée sur l’application même
du principe d’attraction.

Pour sa part, la cour d’appel de Mons a rendu un arrêt le 14 décembre 199039, décidant que les sommes versées à
un des administrateurs en tant qu’agent commercial indépendant apportant son assistance technique et
commerciale à la société ne pouvaient constituer des rémunérations d’administrateur : la cour estima, d’une part,
que la qualité d’administrateur de l’intéressé n’était pas la cause fondamentale du contrat conclu avec la société,
d’autre part, que les sommes facturées l’avaient été exclusivement en raison de l’activité d’agent commercial
indépendant, le contribuable exerçant ainsi réellement une activité susceptible d’être dissociée de son mandat
d’administrateur 40.

Dans un arrêt du 16 janvier 1992, la Cour de cassation a réafrmé en principe l’existence et la légitimité du principe
d’attraction, en décidant que les rémunérations d’administrateurs comprennent tous les avantages obtenus par
celui-ci sous quelque forme que ce soit, qu’ils trouvent directement ou non leur origine dans l’exercice de son
mandat. La Cour ajoute encore qu’il n’est pas nécessaire que la rémunération versée à l’administrateur soit la
contrepartie d’une prestation professionnelle.41

De nombreuses décisions de jurisprudence ont alors décidé de suivre l’enseignement de la Cour de Cassation
résultant de l’arrêt du 16 janvier 1992, considérant celui-ci comme de principe 42. Il n'y avait cependant pas
d'unanimité43.

38


Pas., I, 831; R.G.F., 1990, p. 290, note K. Gheysen
39


R.G.F., 1991, p. 241, note K. Gheysen
40


Il est intéressant de noter que la cour avait à s’occuper du cas de deux contribuables, et que pour l’un d’eux, elle estima
comme insufsamment établi que l’activité indépendante pouvait être dissociée de l’exercice du mandat d’administrateur.
Pour ce contribuable, la cour a qualifé les indemnités perçues comme des rémunérations d’administrateur.
Selon MM. Hinnekens et Meeus (o.c., 336), "en vérifant si un administrateur exerce d’autres activités en sus de l’exercice de
son mandat, (...), la cour part d’une présomption réfragable, suivant laquelle les indemnités payées à l’administrateur sont
censées constituer des rémunérations d’administrateur, sauf si le contribuable établit qu’il les a recueillies en une autre qualité.".
Dans un arrêt du 30 mars 1994, la cour d’appel de Liège (F.J.F., n° 95/32; Fiscologue, n° 521, 2 juin 1995, p. 10) a constaté
une totale interdépendance entre une activité de courtier exercée par un contribuable simultanément administrateur-
délégué et actionnaire majoritaire de deux sociétés anonymes, et l’activité des sociétés concernées, pour retenir et
appliquer le principe d’attraction. Ainsi, selon la cour, l’indemnité reçue par ce contribuable cessant son activité
indépendante de courtier et cédant sa clientèle à ces sociétés ne peut être considérée comme une plus-value de cessation,
mais comme une rémunération d’administrateur.
41


R.W., 1991-1992, 1265. Certains auteurs s’interrogent toutefois sur la portée précise de cet arrêt. Selon MM. Hinnekens et
Meeus (o. c., p. 336), « Il peut à notre avis être difcilement inféré de cet arrêt que la Cour y maintient le principe de l’attraction. Il
traite en efet plus de l’éventuelle imposabilité d’un avantage octroyé à un administrateur que de la qualifcation d’une certaine
rémunération attribuée à un contribuable qui remplit notamment un mandat d’administrateur. ».
42


Bruxelles, 13 novembre 1998, rôle n°1993/FR/8 ; Liège 10 mars 1999, rôle n°1995/FI/235 ; Bruxelles, 8 juin 2000, rôle
n°1993/FR/345-577 ; Bruxelles, 9 octobre 2003, rôle n°97/FR/369.
43


Voyez notamment les termes de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 15 avril 1994, cassé par la Cour de cassation
du 19 janvier 1995 (R.G.F., 1995, p. 268, note J. Baeten), qui persiste à voir dans les administrateurs une catégorie distincte
de contribuables à laquelle s’applique la présomption légale, selon laquelle tous les revenus obtenus au sein de la société,
sous quelque forme que ce soit, sont des revenus d’administrateurs... La cour d’appel de Gand, dans un arrêt du 4 octobre
2001 (rôle n°1993/FR/4328) s’est démarquée de l’enseignement de la Cour de Cassation, en décidant qu’un salarié, par
ailleurs administrateur non rémunéré, devait voir ses rémunérations imposées comme étant de travailleur, et non
d’administrateur. La cour relève notamment, pour aboutir à cette conclusion, que le contribuable exerce ses fonctions de
Si l’on excepte un relatif assouplissement de la position administrative qu’exprime pour la première fois une
circulaire adoptée le 18 juillet 199144, fxant le régime d’imposition des capitaux tenant lieu de pension octroyés
contractuellement à un salarié exerçant un mandat d’administrateur, l’administration fscale a persisté à défendre
l’application du principe d’attraction aux mandataires sociaux.

17.

Il faut toutefois constater que le texte même de l’article 32, alinéa 1er, C.I.R. 92, après avoir qualifé de
rémunérations d’administrateur ce qui est « le produit de l’exercice de son mandat ou de ses fonctions
d’administrateur ou de liquidateur ou de fonctions analogues » (l’article 27, § 2, al. 1er ancien CIR visait les
rémunérations perçues « à un titre quelconque »), a retenu ensuite au titre des rémunérations des dirigeants
d’entreprise, dans une première version, toutes les rétributions allouées ou attribuées, notamment, « à une
personne physique, en raison de l’exercice d’un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou de fonctions
analogues ».45

Le texte a évolué, et le législateur ne semblait donc plus vouloir retenir comme rémunérations d’administrateur
que les revenus trouvant leur cause dans l’exercice de cette fonction. En efet, ne pouvaient être considérées
comme rémunérations de dirigeant d’entreprise que celles qui proviennent de l’exercice du mandat.
L’utilisation des mots « en raison de » ne pouvait laisser planer le moindre doute.

Le projet du Rapport au Roi, joint au projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux, devenu l’arrêté royal du 20
décembre 1996, confrmait cependant – et curieusement – le maintien du principe d’attraction à l’égard des
administrateurs ou gérants, personnes physiques, pour la totalité de ce qui leur est payé par la société gérée.
Cependant, le Rapport au Roi lui-même, précédant l’arrêté royal du 20 décembre 1996, est totalement muet
sur le principe d’attraction. Certains commentateurs y voyaient là le signe d’un revirement possible. A
l’occasion de la confrmation de l’arrêté royal du 20 décembre 1996 par la loi du 13 juillet 1997, le ministre des
Finances a été amené à apporter un certain nombre de précisions à propos du nouvel article 32 CIR 92 au
cours des travaux préparatoires.

Ainsi, le ministre a notamment déclaré qu’il n’y a plus d’attraction possible en ce qui concerne la première
catégorie de dirigeants d’entreprise, à savoir celle des mandataires sociaux et des personnes exerçant des
fonctions analogues. Seules les rémunérations perçues en raison de l’exercice du mandat pouvaient être
imposées au titre de rémunérations de dirigeants d’entreprise. Ce n’était là que la conclusion logique à tirer
du texte légal, comme indiqué plus haut.

Le ministre des Finances citait ainsi le cas d’un administrateur, également directeur commercial salarié dans
l’entreprise : les revenus perçus se répartissaient entre la catégorie des rémunérations des dirigeants
d’entreprises et celle des rémunérations des travailleurs pour la partie qui s’y rapporte respectivement. Il
soulignait que pour la répartition des avantages en nature, c’est à la société à se déterminer en premier lieu et
au contrôleur à apprécier ensuite.

salarié depuis une quinzaine d’années, que le lien de subordination ne fait aucun doute compte tenu de la manière dont il
exécute ses tâches, et qu’il n’avait d’administrateur que le titre dont il n’exerçait aucune prérogative. La cour relève aussi
que son mandat n’était pas rémunéré, mais ne paraît pas tirer de cet élément l’enseignement décisif issu de l’arrêt
prononcé par la Cour d’arbitrage le 1er mars 2001. Il faut dire que le texte légal se rapportant aux exercices d’imposition
concernés (1987 et 1988) n’était pas celui analysé par la Cour d’arbitrage ; néanmoins, s’agissant du principe d’attraction
que le texte annulé par cette Cour réintroduisait, la cour d’appel de Gand aurait pu s’en inspirer. Elle a préféré, après analyse
des faits de l’espèce, s’en tenir à la réalité et constater, en plus de ce qui précède, que l’administration avait
accepté sans la moindre remarque, les déclarations en tant que salarié tant pour les exercices concernés que
pour ceux ultérieurs.
44


Voyez infra. D’autres circulaires furent adoptées par la suite, dans le même sens (ibid.)
45


Modifcation introduite par l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux du 20 décembre 1996. Voyez à cet égard les propos de
Th. Afschrift, précité, n° 312, p. 231.
Mais le principe d’attraction ne disparaissait pas totalement du paysage fscal, subsistant sous une certaine
forme, dans une mesure moindre voire atténuée, pour les dirigeants d’entreprise de la seconde catégorie,
c’est-à-dire les indépendants chargés de la gestion journalière ou de fonctions de direction commerciale,
fnancière ou technique. Certes, dans ce cas, le texte légal vise l’ensemble des rétributions allouées à une
personne physique qui exerce ce type de fonctions en dehors d’un contrat de travail.

Il n’est pas question, comme pour la première catégorie de dirigeants d’entreprise, de rétributions allouées en
raison de l’exercice de la fonction concernée. Ainsi, un expert comptable indépendant qui exerce une
fonction dirigeante dans une société verrait les honoraires qu’il en tire qualifés de rémunérations de dirigeant
d’entreprise. Si ce même expert comptable exerce à titre indépendant des fonctions d’ordre fnancier pour le
compte de la société, sans toutefois travailler au sein de celle-ci, il ne pourra être considéré comme exerçant
une fonction dirigeante et ses rémunérations seront taxées au titre de bénéfces ou de profts.

L’étendue du principe d’attraction était par conséquent plus limitée qu’elle ne l’était avant la réforme 46.
18.

La pièce n’était toutefois pas défnitivement jouée.

Comme indiqué plus haut, l’article 2, A de la loi du 4 mai 1999, a modifé une nouvelle fois la donne, en
réintroduisant le principe d’attraction, puisque sont dorénavant des rémunérations de dirigeants d’entreprise
l’ensemble des rétributions que les mandataires sociaux perçoivent, sans distinction selon que celles-ci
rémunèrent ou non l’exercice de leur mandat.

C’est l’état actuel du texte légal.

Le législateur a, de surcroît, conféré un caractère rétroactif à cette modifcation légale, en faisant remonter
son entrée en vigueur à l’exercice d’imposition 1998.

Le législateur fait véritablement volte face en ignorant les déclarations du ministre des Finances à l’époque
des modifcations intervenues. Il est peu glorieux de devoir constater qu’en réalité, c’est apparemment la
volonté d’empêcher des dirigeants d’entreprise de déduire deux fois le montant des frais professionnels
forfaitaires qui justife cette attitude47. En efet, un administrateur qui serait, par ailleurs, employé de la société
où il exerce son mandat, pouvait revendiquer, s’agissant de deux catégories distinctes de revenus, le droit à
déduction au forfait professionnel propre à chacune de ces catégories.

19.

La Cour d’arbitrage ( devenue Cour Constitutionnelle) est toutefois venue freiner les ardeurs du législateur, en
décidant que le principe d’attraction ne pouvait en tout cas s’appliquer à des personnes physiques exerçant
une activité salariée dans une société où elles sont aussi mandataires sociaux exerçant leur mandat à titre
gratuit.48 Elle annule ainsi les articles 2, A), 1°, et 48, § 1er (ce dernier, emportant efet rétroactif de la loi

46


Voyez à ce propos, Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, n° 1-612, pp. 7 et suiv. « La rédaction de l’alinéa 1er, 1°, du nouvel article
32 met clairement en relation la rétribution par rapport à l’exercice d’un mandataire social : il n’y a dès lors plus d’attraction à ce
stade. (…)[Le principe d’attraction] est limité aux rémunérations décrites sous le 2° de l’alinéa 1 er du nouvel article 32 : les
rémunérations des dirigeants de sociétés. Ainsi, l’administrateur qui est, au sein de la même société, organe et directeur
commercial indépendant, tombe pour la totalité de la rémunération qu’il promérite de la société sous l’article 32 nouveau. Par
contre, s’il est administrateur et directeur commercial salarié, son revenu sera réparti sous les articles 31 et 32 ».
47


Dans la procédure introduite devant la Cour d’arbitrage, et dont il a déjà été abondamment question, le Conseil des
ministres a en efet afrmé que cette réintroduction avait pour but d’éviter que « certains saisissent cette opportunité (…)
pour (…) déduire deux fois leurs frais forfaitaires ou soustraire leurs revenus de leur assujettissement à la sécurité sociale des
indépendants » (arrêt précité, considérant A.3.2 ; Voyez aussi Doc. Parl., Chambre, 1998-1999, n°1949/1, p.3) ; J. van Dyck,
« Restauration rétroactive du principe d’attraction », Fiscologue, n° 689, pp. 1-4 ; X., « Principe d’attraction : applicable ou
non ? », Fiscologue, n° 745, pp.4-5.
48


Arrêt du 1er mars 2001, précité.
nouvelle) de la loi du 4 mai 1999, en tant qu’ils s’appliquent à la situation qui vient d’être décrite, comme
violant les articles 10 et 11 de la Constitution.

La motivation de l’arrêt mérite qu’on s’y arrête : « Bien que le principe d’attraction, considéré dans sa généralité,
soit certes pertinent au regard du but consistant à empêcher que par suite d’une scission des revenus
professionnels, deux déductions forfaitaires soient possibles pour les frais professionnels, il ne l’est pas par rapport
à la situation des personnes physiques exerçant des fonctions salariées dans une société où elles détiennent aussi
un mandat non rémunéré d’administrateur. En efet, elles ne peuvent bénéfcier d’une double déduction forfaitaire,
puisqu’elles ne touchent aucune rémunération du fait de l’exercice de leur mandat »49. Dans un arrêt du 19
décembre 200250, la cour d’appel de Liège a correctement appliqué l’arrêt de la Cour d’arbitrage, en décidant
« qu’il n’y a pas lieu de taxer, sur base d’un « principe d’attraction discriminatoire », les revenus de salariés déclarés,
comme des revenus d’administrateurs, alors que ces fonctions étaient exercées à titre gratuit ».

Avec cet arrêt, la Cour d’arbitrage met sur un pied identique les travailleurs salariés d’une société commerciale
et ceux d’une ASBL ou autre personne morale visée à l’article 220, 3° CIR 92 51, dès lors que ceux-ci exercent
aussi un mandat social non rémunéré auprès de celle-ci. La Cour d’arbitrage rattrapait ainsi une incohérence
manifeste du législateur. Ce dernier a, ensuite, réagi (quelque peu contraint et forcé...).

L’article 163 de la loi du 27 décembre 2005 portant des dispositions diverses 52, a complété l’article 32 CIR 92
par l’alinéa suivant : « L’alinéa 1er n’est pas applicable non plus aux personnes physiques exerçant des fonctions
salariées dans une société dans laquelle elles exercent également un mandat non rémunéré d’administrateur, de
gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues, pour autant que les revenus de biens immobiliers qu’ils
perçoivent de cette société ne soient pas pris en considération pour la requalifcation à titre de rémunération visée
à l’alinéa 2, 3° ». L’arrêt de la Cour d’arbitrage est ainsi traduit dans la loi. 53

Dans un arrêt postérieur du 13 septembre 2007, la Cour d’appel de Bruxelles n’a pas appliqué le principe
d’attraction54. La motivation de l’arrêt est intéressante et mérite qu’on s’y attarde dans la mesure où l’article 32
CIR 92, tel qu’applicable pour les exercices d’imposition litigieux (exercices d'imposition 1994 à 1996), n’avait
pas encore été modifé par l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux du 20 décembre 1996, et où l’arrêt de la cour
constitutionnelle précité n’était donc d’aucune autorité.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : Monsieur X exerçait depuis 1973 une activité salariée d’ingénieur
technicien au sein d'une société anonyme. En 1992, il est nommé administrateur de ladite société, afn
d’occuper le siège d’administrateur, laissé vacant par son père décédé, et il exerce cette fonction à titre
gratuit. Dans le courant de l’année 1996, il est nommé directeur général de la société. Il a, en conséquence,
déclaré ses revenus professionnels, jusqu’à l’exercice d’imposition 1996, comme rémunérations de salarié, et,
depuis l’exercice d’imposition 1997, comme rémunérations d’administrateur. L’administration a toutefois
estimé devoir requalifer les revenus professionnels en rémunérations d’administrateur pour les exercices
d’imposition 1994 à 1996, faisant application du principe d’attraction.
La cour d’appel s’est prononcée en faveur du contribuable, en rappelant tout d'abord qu'en vertu du principe
d’attraction, tel qu’applicable aux exercices d’imposition litigieux, tous les revenus professionnels alloués par
une société à l’un de ses administrateurs étaient qualifés de rémunérations d’administrateur.
49


Ibid, considérant B.6.6, en partie.
50


F.J.F. n° 2003/72. Voir aussi Trib. Bruxelles, 8 septembre 2004, rôle n°01/12681/A
51


Et qui ne perçoivent pas de revenus locatifs entrant en ligne de compte pour la requalifcation en revenus
professionnels visés à l’article 32, alinéa 2, 3° CIR.
52


M.B., 30 décembre 2005, 2° éd. p. 57359
53


Sans doute, les termes « qu’elles perçoivent » auraient été plus appropriés que ceux « qu’ils perçoivent », s’agissant de
personnes physiques avec lesquelles le féminin s’accorde…
54


Bruxelles, 13/09/2007, rôle n°2005/AR/2616. En l’espèce, le contribuable exerçait depuis près de vingt ans
une activité salariée au sein de la société, et cette activité n’avait pas été modifée par sa nomination au poste
d’administrateur de la société, mandat qu’il exerçait à titre gratuit.
La cour se réfère ensuite – tout en précisant que cet arrêt n'a aucune autorité pour le litige qui lui est soumis –
à un des motifs de l'arrêt de la Cour Constitutionnelle précité, à savoir que si le principe d’attraction est
pertinent au regard du but consistant à empêcher que deux déductions forfaitaires soient possibles pour les
frais professionnels, il ne l’est pas par rapport à la situation de personnes physiques exerçant des fonctions
salariées dans une société où elles détiennent aussi un mandat non rémunéré d’administrateur : dans ce cas,
elles ne peuvent en efet nullement bénéfcier d’une double déduction forfaitaire, vu qu'elles ne perçoivent
aucune rémunération pour l'exercice de leur mandat.
La cour d'appel avance ensuite que ce motif est indissociablement et nécessairement lié au dispositif de
l’arrêt, et laisse présager que la Cour Constitutionnelle déclarerait inconstitutionnelle le principe d’attraction
dans l’interprétation qui en est faite par l’intimé, si une question préjudicielle lui était posée. 55
Se référant aux motifs ayant soutenu le dispositif de l’arrêt de 2001, l’arrêt de la cour d’appel doit être
pleinement approuvé.

20.

Certaines questions particulières méritent encore d’être abordées, compte tenu de leurs spécifcités.

S’il faut admettre qu’existe un principe d’attraction, tout contestable soit-il, il suppose, en règle, qu’une
double activité soit exercée par une personne physique au sein d’une même entité juridique. La cour d’appel
de Bruxelles, dans un arrêt du 30 novembre 2000 56, a néanmoins appliqué ce principe d’attraction, certes sur
base des textes légaux en vigueur lors des exercices d’imposition litigieux s’étalant de 1984 à 1993, dans une
hypothèse où un employé, dans les liens d’un contrat de travail avec une société mère, était par ailleurs
administrateur à titre gratuit auprès de la société flle.

Outre que cette décision ne serait plus concevable aujourd’hui, compte tenu de la gratuité du mandat social,
elle n’a été rendue possible qu’en fonction des circonstances de fait relevées par la cour, c’est-à-dire tant
l’absence de démonstration de l’existence de ce statut distinct dans les deux sociétés pendant la période
litigieuse, que l’exercice de prestations pratiquement toutes dédiées à la fliale où le mandat d’administrateur
était exercé et la charge salariale du contrat d’emploi supportée. La cour elle-même relève d’ailleurs,
répondant à l’argument du contribuable selon lequel « sa nomination d’administrateur chez la société anonyme
C. Machines ne peut infuencer la nature de ses rapports avec son employeur « C » dont il est toujours resté le
salarié », que « cet argument qui pourrait être décisif, ne saurait toutefois convaincre que si le requérant parvenait
à démontrer qu’il est resté pendant toute la période litigieuse salarié de la société mère » (c’est nous qui soulignons).

Ceci précisé, la généralité des termes de l’article 32, alinéa 1 er, 1° CIR 92 est telle qu’on ne saurait exclure,
même si nous le regrettons, l’application de ce principe à une situation de cumul de fonctions dans deux ou
plusieurs entités juridiques distinctes dès lors que dans l’une au moins, un mandat social (ou une fonction
analogue), voire une fonction de directeur indépendant, soit exercé contre rémunération par la personne
physique.

Des questions de ce type sont susceptibles de se poser, avec beaucoup d’acuité, lorsque le salarié exerçant
ses fonctions dans plusieurs Etats, est par ailleurs mandataire social en Belgique. 57

55


Bruxelles, 13 septembre 2007, Rôle n° 2005/AR/2616.
56


Rôles n°1992/FR/145-710, n°1993/FR/181 et n°1994/FR/214
57


Voyez notamment les propos de N. Vanhaeleweyck et Ph. Hinnekens, commentant un arrêt rendu par la
cour d’appel de Bruxelles le 2 mai 2001, à propos d’un résident britannique détaché en Belgique et
administrateur d’une fliale belge. In Fiscologue international, n° 212, 31 août 2001.
21.

Un sujet délicat doit retenir l’attention. Lorsqu’un mandataire social ou une personne physique exerçant une
fonction analogue, est par ailleurs actionnaire ou associé dans la société qui lui alloue une rémunération, faut-
il nécessairement considérer que tout avantage qu’il perçoit du fait de cette société est une rétribution de
dirigeant d’entreprise taxable à ce titre, ou peut-on admettre que l’avantage puisse lui être octroyé en son
autre qualité d’actionnaire ou d’associé ?

La jurisprudence semble vouloir retenir la première solution. Parfois, elle le fait en passant par le détour de la
simulation, sans, par conséquent, remettre en cause le principe même de l’attribution d’une somme à un
actionnaire par ailleurs dirigeant d’entreprise : ce sont là, souvent, des considérations d’espèce en marge du
problème que nous étudions.58 Ainsi, dans une espèce où l’associé d’une SPRL a vu transférer à son nom, à la
demande de sa société, le bénéfce de la levée (favorable économiquement) de l’option d’achat relative à un
véhicule pris en leasing par cette même société, le tribunal de première instance de Liège a décidé que
« procède de l’artifce » l’argument selon lequel l’avantage aurait été octroyé en raison de sa qualité d’associé,
précisant « que cet argument, spécieux, ne résiste en efet pas à l’analyse des faits et à la réalité de la situation »
(c’est nous qui soulignons)59.

Le tribunal rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation arrêtée le 16 janvier 1992 60, selon laquelle « il
suft qu’il y ait un lien entre l’avantage et le mandat d’administrateur (ou de gérant) pour que cet avantage soit
imposable ».

22

Certes, la généralité des termes de l’article 32, alinéa 1 er, 1° CIR 92 et de ceux retenus par la Cour de cassation,
pourraient expliquer de telles conclusions. Cependant, nous pensons qu’il ne saurait y avoir une automaticité,
laquelle aboutirait en efet à une solution par trop absolue.

En efet, la jurisprudence réagirait-elle nécessairement ainsi dans une hypothèse où l’avantage accordé à un
mandataire social-actionnaire (ou associé), le serait aussi dans une même mesure ou proportion à un autre
actionnaire (ou associé) par ailleurs dépourvu de tout mandat et n’exerçant pas de fonction analogue ? Nous
ne le croyons pas et afrmons même que ce serait erroné, et à tout le moins discriminatoire. Certes, les
situations ne sont pas identiques, mais le principe d’attraction n’a d’autre but que d’éviter qu’il puisse y avoir

58


Par exemple, Bruxelles, 21 décembre 2005, rôle n°97-FR-111, où la cour dissèque les contrats intervenus
pour en conclure que le dédommagement accordé au contribuable en raison de la résiliation d’une convention
de cession d’actions, était en réalité un revenu professionnel au titre de rémunération de l’administrateur et en
application du principe d’attraction.
59


Trib. Liège, 21 janvier 2003, rôle n° 02/1197/A.Voyez dans le même sens Anvers, 7 septembre 1999, rôle n°
1995/FR/253, dans une espèce où un administrateur, par ailleurs délégué à la gestion journalière, soutenait avoir bénéfcié
d’un prêt sans intérêt en sa qualité d’actionnaire, étant une indemnisation liée à l’absence d’apport de deux emprunts de
l’entreprise individuelle, et où la cour a rejeté le moyen au motif qu’il n’était soutenu par aucun élément positif et ayant
force probante et que les statuts ne prévoyaient aucunement l’octroi d’avantage de ce type. En ce sens également, Gand,
25 juin 2002, rôle n°1998/FR/134, où la cour relève en outre qu’une société commerciale a comme but de réaliser des
bénéfces, “zodat het strijdig zou zijn met het vennootschapsdoel om aan derden, zelfs hoofdaandeelhouder, belangrijke
sommen voor te schieten zonder hierbij in de betaling van de interesten te voorzien”. Ce même raisonnement est tenu par la
cour d’appel d’Anvers (21 juin 2005, rôle n°2003/AR/566) : la seule cause acceptable de l’octroi d’un avantage de toute
nature consistant en intérêts débiteurs fctifs calculés sur la position des comptes courants associés, est l’apport productif
de ces derniers, “ vermits de toekenning aan een vennoot voor privé-doeleinden anders zou indruisen tegen de eigen
rechtspersoonlijkheid van de vennootchap. Het oorzakelijk verband tussen de voordelen van alle aard en de werkzaamheid van
de belastingplichtige als werkend vennoot staat hiervoor vast, ook al zou er eveneens een oorzaakelijk verband bestaan tussen de
machtpositie van de belastingplichtige en de voordelen van alle aard.” Voir aussi dans une espèce où un associé actif reçoit
gratuitement des parts sociales d’autres associés en échange de l’apport d’une activité de biologie nucléaire, Trib. Bruxelles,
21 octobre 2005 (rôle n°2000/730/A), qui relève que cet avantage trouve sa cause dans ses fonctions de gérant, et non dans
une véritable réorganisation juridique des sociétés concernées.
60


Voyez supra, n° 14
« scission des revenus professionnels »61, en aucun cas d’englober tous autres revenus, notamment mobiliers en
ce qu’ils touchent à la qualité de titulaire de titres représentatifs du capital. C’est d’autant plus vrai que le
législateur lui-même a prévu un système de requalifcation en revenus professionnels lorsque des revenus
immobiliers, c’est-à-dire initialement d’une autre nature, sont perçus dans certaines circonstances qu’il
énonce.

La cour d’appel d’Anvers, dans un arrêt du 29 février 2000 62, rappelle que dans ce cadre, les règles générales
relatives à la charge de la preuve du caractère imposable d’un revenu trouvent à s’appliquer et qu’elle
appartient, en règle, à l’administration. C’est ainsi, qu’à juste titre selon nous, elle décide que « wanneer eiser
aanvoert dat het verkrijgen van dit voordeel te wijten is aan zijn hoofdaandeelhouderschap het gelet op de
bewijslast die toekomt aan de administratie niet aan eiser behoort deze aanvaarbare uitleg te bewijzen ; dat het
aan de zijde van verweerder niet volstaat het causaal verband te vermoeden om het voordeel te belasten als
verdoken bezoldiging »63.
En motivant de la sorte son arrêt, la cour d’appel admet que, selon elle, un avantage puisse être accordé à un
actionnaire en cette qualité, et pas nécessairement en tant que dirigeant d’entreprise, alors même qu’il serait
le seul à en bénéfcier : pour que l’avantage soit taxable, encore faut-il qu’existe un lien causal entre l’octroi de
celui-ci et l’activité professionnelle (la jurisprudence paraît cependant plus encline à reconnaître ce lien plutôt
qu’à l’écarter64).

On le voit, cette question est loin d’être résolue aujourd’hui.

23.

La catégorie de dirigeants d’entreprise ne concerne que les seules personnes physiques.

Nous voudrions, à ce stade formuler trois observations qui sont autant de conséquences :

- à supposer que cette question ait pu être controversée, il ne fait aucun doute que le principe
d’attraction est exclu à l’égard des sociétés qui agissent comme administrateurs d’autres,
précisément parce que la loi limite la catégorie des rémunérations des dirigeants d’entreprise aux
seules personnes physiques. Le ministre l’a clairement déclaré dans son exposé fait en Commission
du Sénat65.

Ainsi, les tantièmes66 alloués à une société agissant en qualité d’administrateur d’une autre ne
61


C.A., arrêt du 1/3/2001, précité, considérant B.6.6
62


Anvers 29 février 2000, rôle n°1997/FR/83, F.J.F., 2000/278
63


Traduction libre : « Lorsque le demandeur soutient qu’il bénéfcie de cet avantage en sa qualité d’actionnaire principal, il ne
lui appartient pas de démontrer cette explication acceptable alors que la charge de la preuve incombe à l’administration ; qu’il ne
suft pas pour le défendeur de présumer l’existence d’un lien causal pour pouvoir taxer l’avantage en tant que rémunération
déguisée ». La cour d’appel précise, à cet égard, que la charge de la preuve du caractère taxable de l’avantage, appartenant à
l’administration, implique que celle-ci démontre l’existence du lien causal entre l’avantage et l’activité professionnelle.
Dans son arrêt du 21 juin 2005, commenté ci-avant, note 53, cette même cour d’appel d’Anvers semble cependant avoir fait
marche arrière. Il faut dire que dans ce cas, il s’agissait d’associés actifs, catégorie spécifque (disparue) de contribuables,
ceci pouvant expliquer cela. Cette tendance au rejet de l’argumentation fondée sur la position dans l’entreprise a été
confortée depuis, suite à l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Anvers le 8 novembre 2005 (rôle n°2004-AR-1796) dans une
espèce où un actionnaire, par ailleurs administrateur-délégué, avait reçu de la société un prêt sans intérêt pour acquérir des
actions d’une autre société. La cour a démonté le mécanisme en décidant que le contribuable n’aurait pas reçu cet
avantage s’il n’avait travaillé pendant des années à la tête de la société, pas plus qu’il n’aurait eu l’occasion d’acheter ces
actions. La cour relève aussi que cet avantage n’a pas été accordé à l’autre actionnaire (ce qui ne serait signifcatif, selon
nous, que si l’actionnariat est réparti de manière plus ou moins égale mais pas dans le cas contraire).
64


voir note 57
65


Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, 612/7, p. 11
66
constituent pas des rémunérations de dirigeant d’entreprise.

- en raison de la modifcation de l’article 195 CIR 92, qui voit les mots « les administrateurs et les associés
actifs » remplacés par les mots « dirigeants d’entreprise », ne sont dorénavant plus visées que les seules
personnes physiques. L’adaptation actuelle du texte place ainsi sur un pied diférent les sommes
versées par une entreprise à une société de management de celles immédiatement payées à une
personne physique.

On rappellera qu’à cet égard, il suft pour le contribuable de justifer que les frais exposés l’ont été en
vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables67. Il pourra difcilement être contesté par
l’administration qu’une société a besoin de ses administrateurs, fussent-ils des sociétés et non des
personnes physiques, pour assurer sa productivité et sa pérennité 68.

La justifcation peut s’opérer au moyen de documents probants ou, si cela est impossible, par tous les
moyens de preuve admis. Le défaut d’une facture détaillée n’empêche cependant pas, selon la Cour
d’appel de Bruxelles, que les rémunérations payées soient déductibles au titre de frais
professionnels69.

- suite à la modifcation de l’article 215, al. 4 CIR 92 qui voit les mots « à au moins un administrateur ou
un associé actif », remplacé par les mots « à un de leurs dirigeants d’entreprise », le taux réduit à l’impôt
des sociétés ne sera plus accordé qu’à celles qui, à partir de l’exercice d’imposition 2019, allouent au
moins 45.000 € à charge du résultat de la période imposable à une personne physique 70. Si,


Il s’agit de montants variables représentant généralement un pourcentage déterminé du montant total des bénéfces
de l’exercice ou des bénéfces distribués, alloués aux administrateurs et gérants de sociétés.
67


Pour une application correcte de ce principe, voyez Gand, 26 février 2002, rôle n° 1995/FR/130, Fiscologue, n°843, p.
10, où la cour rappelle, certes sous l’empire de l’ancien texte légal où il était encore question des administrateurs et associés
actifs que “(…) waar alle door een vennootschap verworven inkomsten belastbaar zijn het aannemelijk is dat voormelde
bezoldigingen worden gedaan of gedragen om belastbare inkomsten te verkrijgen of te behouden (…)”. La Cour d’appel de
Gand a donc estimé qu’il n’était pas nécessaire que des rémunérations d’administrateur répondent aux conditions de
l’article 49 CIR 92 puisqu’il d écoule de l’article 195 CIR 92 que des rémunérations d’administrateurs payées à des personnes
morales sont toujours déductibles. Voyez aussi, sous l’empire de l’ancienne loi encore, Louvain, 21 novembre 2003
(Fiscologue, n° 926, p. 7), où le tribunal décide à juste titre que la rémunération versée à un administrateur – en l’espèce,
une société – doit être automatiquement admise en déduction au titre de frais professionnel par application de l’article 195
CIR 92. Cette solution ne serait plus possible aujourd’hui pour les sociétés, mais peut être transposée pour les dirigeants
d’entreprise.
68


Anvers, 7 mai 2002 (rôle n° 1997/FR/200). En l’espèce, la cour rejette la déductibilité d’une facture contenant la
mention « management fee » sans spécifer les prestations s’y rapportant, à défaut pour la société de démontrer que les
dépenses trouvent leur origine dans l’exercice d’une activité professionnelles ou furent faites ou supportées en vue
d’acquérir ou de conserver des revenus professionnels. Pas plus, en l’espèce, la cour n’a estimé rapportée la preuve de la
réalité des dépenses et de leur montant. Cet arrêt peut être approuvé, car il fait une application correcte des principes : il ne
suft pas de prétendre qu’une prestation a été fournie par une société au proft d’une autre, mais il faut en rapporter la
preuve. Si tel avait été le cas, la cour d’appel d’Anvers n’aurait pu alors, selon nous, que donner raison au contribuable.
Dans le même sens, Civ. Louvain, 27 février 2004, rôle n° 01/2202/A. Nous reviendrons à cette problématique plus en détail
quand nous traiterons de la société de management (infra, n° 397 et suiv.)
69


Bruxelles 1er octobre 2008, rôle n° 2006/AR/1908, où en l’espèce, aucune preuve n’était apportée que
l’administrateur-délégué (en l’espèce une SPRL) avait efectivement fourni des prestations. La société dans laquelle le
mandat était exercé se référait à une décision du conseil d’administration qui accordait la rémunération, ainsi qu’aux
bulletins de virement. Le premier juge estima que cela ne constituait pas une preuve et exigea explicitement des factures
détaillées vu que les deux contractants étaient des sociétés commerciales. La Cour d’appel ne fut pas de cet avis et estima
qu’il résultait des éléments du dossier qu’il n’y avait personne susceptible d’accomplir les tâches de gestion journalière ; que
personne au sein du personnel ordinaire ne s’occupait de l’administration, des événements de relations publiques, de la
surveillance du fonctionnement et de l’entretien des équipements. De même, selon la Cour, le fait que l’administrateur-
délégué ne disposait pas d’une infrastructure propre ne pouvait pas conduire à qualifer les prestations de fctives, dès lors
qu’il est d’usage courant que les prestations des administrateurs soient exercées au siège social de la société avec le
matériel et l’infrastructure qui s’y trouvent.
70


Le Moniteur du 26 janvier 2004 publie la loi du 8 janvier 2004, applicable avec efet rétroactif au 26 septembre 2003
(par l’efet d’annonce, « toute modifcation apportée à partir du 26 septembre 2003 à la date de clôture des comptes annuels
antérieurement, aucune référence particulière n’était faite quant à la nécessité que l’administrateur
soit une personne physique, le ministre des Finances a néanmoins déclaré, à la lumière des travaux
préparatoires de la loi ayant introduit cette « règle du million », que la rémunération devait être
versée à un administrateur ou un associé actif, personne physique 71.

VI. Conclusion

24.

Il est hasardeux de vouloir tirer des conclusions dans un domaine comme celui-ci. Les bouleversements,
accompagnés parfois aussi d’un efet rétroactif, que cette notion a connus depuis son instauration lors de
l’exercice d’imposition 1997, nous incitent à la plus extrême prudence, même si les choses se sont quelque
peu précisées depuis lors.

Il nous semble en tout cas qu’il est logique d’avoir uniformisé les règles propres aux administrateurs et aux
gérants, et à mettre sur le même pied les actionnaires et les associés. Nous devons néanmoins regretter que le
législateur soit trop souvent, en cette matière comme dans d’autres, dépourvu d’une réelle vision globale, ce
qui contraint les commentateurs d’abord, les juges ensuite, voire l’administration elle-même, à rechercher les
sens à donner à des textes incomplets ou insatisfaisants dans leur rédaction. S’en suivent des lois de
réparation, et d’autres pour les compléter ou les modifer à nouveau. Le tout sous le contrôle de la Cour
constitutionnelle, souvent appelée à se prononcer sur des aspects partiels des textes, ce qui ajoute encore
une difculté.

Aujourd’hui, la catégorie des rémunérations de dirigeants d’entreprise n’est pas encore défnie dans tous ses
aspects. Des zones d’ombre demeurent, notamment quand un dirigeant est aussi titulaire de titres
représentatifs du capital social de la société et que des avantages lui sont octroyés à ce titre. Ou encore quand
le ministre des Finances paraît donner une interprétation contra legem en explicitant les cas où, selon lui, un
administrateur d’une ASBL doit être considéré comme un dirigeant d’entreprise. Et ce ne sont là que quelques
aspects des choses. Tout n’est pas dit, donc. Mais l’est-ce jamais, dans le domaine du droit… ?

reste sans incidence »), modifant la « règle du million », et portant le montant de 24.500 € à 27.000 € pour l’exercice
d’imposition 2005, 30.000 € pour l’exercice d’imposition 2006, 33.000 € pour l’exercice d’imposition 2007, 36.000 € à partir
de l’exercice d’imposition 2008 et 45.000 € depuis l’exercice d’imposition 2019.
71


Pour plus de détails, voyez infra, en particulier le fait que pour bénéfcier des taux réduits, le dirigeant d’entreprise-
personne physique de la société gérée qui perçoit la rémunération voulue peut exercer son activité même dans un cadre
« salarié ».
CHAPITRE II

ASPECTS GENERAUX ET SOCIAUX DU MANDATAIRE DE SOCIETE


– EVOLUTION RECENTE

I. Nomination et responsabilité : principes généraux

25.

Le Code des sociétés (C.S.) défnit les administrateurs comme des mandataires à temps,
nommés par les statuts ou par l’assemblée générale, révocables par celle-ci, exerçant
leurs fonctions à titre salarié ou gratuit, et pour une durée ne pouvant excéder six ans
mais renouvelable. Les gérants sont défnis comme des mandataires, associés ou non,
rémunérés ou non, nommés pour un temps limité ou sans durée déterminée. Les
administrateurs peuvent être des personnes physiques ou morales. Depuis la loi du 2
août 2002, il en est désormais de même pour les gérants qui, auparavant, ne
pouvaient être que des personnes physiques.72

La rémunération des mandataires sociaux, si elle est décidée par l’assemblée générale
ou prévue par les statuts, peut s’établir de diférentes manières, par exemple par voie
de tantièmes ou de traitement.

L’assemblée générale peut les révoquer ad nutum, c’est-à-dire à tout moment et sans
justifcation, étant toutefois entendu qu’elle ne peut agir de manière intempestive et
abusive, et que la décision de révocation ne peut être de nature à porter atteinte à leur
réputation.

26.

Les administrateurs et gérants, s’ils ne contractent aucune obligation personnelle


relativement aux engagements de la société, sont responsables, conformément au
droit commun, de l’exécution du mandat qu’ils ont reçu et des fautes qu’ils
commettent dans le cadre de leur gestion (articles 262 - gérant - et 527 –
administrateur, C.S.). Ils sont aussi solidairement responsables, soit envers la société,
soit envers les tiers, et tenus à tous dommages et intérêts résultant d’infractions aux
dispositions de la loi ou des statuts. Ils ne pourraient être déchargés de cette
responsabilité, dans le cadre d’infractions auxquelles ils n’auraient pas pris part, qu’à la
condition qu’aucune faute ne puisse leur être imputée et qu’en outre, ils aient dénoncé
lesdites infractions à l’assemblée générale la plus prochaine après en avoir eu
connaissance (article 528 C.S., rendu applicable pour le gérant par l’article 263 C.S.).
Précisons qu’aux termes de l’article 528 C.S. modifé par la loi du 2 août 2002 précitée,

72


Mon. B, 22 août 2002
cette disposition s’applique aussi aux membres du comité de direction d’une s.a. et
que ceux-ci doivent dénoncer les infractions auxquelles ils n’ont pas pris part, s’ils
veulent éviter leur mise en cause, lors de la première séance du conseil
d’administration suivant le moment où ils en ont connaissance.

Aux termes de l’article 561 C.S. (289 C.S. pour les gérants), c’est à l’assemblée générale
qu’incombe la décision d’exercer une action sociale contre les administrateurs,
laquelle peut, à cet efet, charger un ou plusieurs mandataires de son exécution.

La loi du 18 juillet 1991 a introduit dans le paysage du droit des sociétés l’action
minoritaire, c’est-à-dire celle intentée, pour le compte de la société, par des
actionnaires qui, au jour de l’assemblée générale qui s’est prononcée sur la décharge
des administrateurs, détiennent des titres auxquels est attaché au moins 1% des voix
représentatives de l’ensemble des titres existant à cette date, ou qui possèdent à ce
même jour des titres représentant un nombre d’actions du capital égal à 1.250.000 €
au moins (article 562 C.S.); pour les s.p.r.l., 10 % des voix attachées à l’ensemble des
parts existant au jour de l’assemblée générale qui s’est prononcée sur la décharge des
gérants sont requis (article 290, § 1er, alinéas 1er et 2 C.S.). Cette disposition est
susceptible d’engendrer une augmentation des cas où la responsabilité des
administrateurs est mise en jeu, car ceux-ci ne peuvent plus espérer être couverts, au
niveau d’une action sociale éventuelle, par le simple fait de représenter au sein du
conseil d’administration la majorité des actionnaires.

27.

Les administrateurs et gérants peuvent aussi voir leur responsabilité engagée en vertu,
respectivement, des articles 523 et 259 C.S., fxant les règles applicables en matière de
confit d’intérêts.

Ainsi, et pour s’arrêter au seul cas de l’administrateur, l’article 529 C.S., modifé par la loi
du 2 août 2002, retient la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs,
sans préjudice de celle visée à l’article 528 C.S., lorsque la société ou les tiers subissent
un préjudice "à la suite de décisions prises ou d’opérations accomplies conformément à
l’article 523, si la décision ou l’opération leur a procuré ou a procuré à l’un d’eux un
avantage fnancier abusif au détriment de la société." 73.

Deux hypothèses sont donc envisagées :

73


Le texte parle d’un avantage « fnancier ». Le texte de l’article 523, § 1er C.S. parle d’un
intérêt opposé « de nature patrimoniale ». Il semblerait que ce soit par inadvertance que le mot
fnancier ait été utilisé en lieu et place du mot patrimonial, surtout si l’on sait qu’initialement, l’intérêt
opposé dont il était question était qualifé de "nature fnancière", le ministre ayant toutefois estimé
que les mots matériel, fnancier ou patrimonial doivent être pris dans un même sens (Doc. Sénat, n°
1086/2, sp. p. 102). On notera que les termes sont demeurés inchangés lors des modifcations
introduites par la loi du 2 août 2002 déjà citée. Voyez à ce propos Guy Keutgen et André-Pierre André-
Dumont, « La société et son fonctionnement », in « Droits des sociétés : les lois des 7 et 13 avril 1995 »,
Bruylant, 1995, sp. p. 62
- soit la responsabilité des administrateurs est engagée sur base de l’article 528
C.S., ce qui sera le cas lorsque ceux-ci n’auront pas respecté l’article 523 C.S. (il
faut en efet que soit les statuts, soit la loi, soient méconnus - cf. supra). Dans ce
cas, la société ou les tiers peuvent réclamer le préjudice subi, s’ils démontrent
son existence ainsi que le lien de causalité avec la violation de l’article 523
C.S. ;

- soit les administrateurs respectent les termes de l’article 523 C.S., mais
procurent un avantage fnancier abusif à l’un des administrateurs au
détriment de la société : dans ce cas, la société ou les tiers peuvent engager la
responsabilité solidaire des administrateurs s’ils démontrent que la décision
ou l’opération leur a causé un préjudice.

Les tiers se voient donc ouvrir un droit d’action contre les administrateurs, au-delà de
celui que leur reconnaît le droit commun : l’article 528 C.S. ne leur permet en efet
d’agir contre l’administrateur que si celui-ci a violé la loi ou les statuts de la société.
Dans l’hypothèse de l’article 529 C.S., une action en responsabilité est ouverte au proft
des tiers, même lorsque la procédure prévue en matière de confit d’intérêts est
respectée, mais que ceux-ci subissent un préjudice du fait de la décision fnalement
adoptée et qu’au moins l’un des administrateurs en ait retiré un avantage fnancier
abusif74.

La loi du 2 août 2002 susvisée a également prévu la responsabilité personnelle et


solidaire des administrateurs pour le préjudice subi par la société ou par les tiers,
lorsqu’une opération ou décision du conseil d’administration cause à la société un
préjudice fnancier abusif au bénéfce d’une société du groupe (article 529, alinéa 2
C.S.). C’est là un nouveau cas de confit d’intérêts auxquels les administrateurs devront
être particulièrement attentifs, puisqu’il ajoute à leur responsabilité.

L’action en responsabilité de la société est ouverte tant à l’assemblée générale qu’aux


actionnaires minoritaires visés à l’article 562 C.S.75

74


Voyez à ce propos l’étude précitée de G. Keutgen et A.-P. André-Dumont, sp. p. 263, où ces
auteurs rappellent notamment que « L’exigence d’un avantage abusif existe déjà sous l’empire de la
loi du 18 juillet 1991. Il s’agit là d’une application de la théorie de l’abus de droit. Il faut donc un
déséquilibre manifeste entre l’avantage retiré de l’opération par l’administrateur et le désavantage
soufert par la société. Il ne suft dès lors pas que l’administrateur ait retiré un avantage au détriment
de la société. ».
Ces auteurs font aussi remarquer que l’article 529 C.S., ne permet pas à l’administrateur
d’échapper à sa responsabilité selon un régime semblable à celui de l’article 528 C.S. (aucune
faute n’est imputable à l’administrateur, et celui-ci l’a dénoncée à l’assemblée générale la plus
proche après avoir eu connaissance de l’infraction), ce qui peut aboutir à la considération
paradoxale selon laquelle un administrateur pourrait voir sa responsabilité aggravée lorsqu’il
respecte l’article 523 C.S., par rapport à sa situation, lorsqu’il ne le respecte pas...
75


voyez supra, n° 20.
28.

La loi du 4 septembre 200276, entrée en vigueur le 1er octobre 2002, a notamment


modifé les articles 265 (SPRL), 409 (société coopérative) et 530 (société anonyme) du
Code des sociétés, afn d’étendre aux créanciers (qui doivent toutefois en informer le
curateur) la possibilité jusque là réservée au curateur d’introduire l’action en
comblement de passif ouverte pour faute grave et caractérisée contre tout
administrateur ou gérant, ancien administrateur ou ancien gérant, ou toute autre
personne qui a efectivement détenu le pouvoir de gérer la société (administrateur ou
gérant de fait). A cette occasion, le législateur a également précisé que la fraude fscale
grave et organisée au sens de l’article 2, § 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la
prévention de l’utilisation du système fnancier aux fns de blanchiment de capitaux,
est réputée constituer une faute grave et caractérisée. L’administration fscale trouve
ainsi dans le texte légal, l’appui nécessaire pour agir en cas de carrousel TVA, sociétés
écrans, etc. Relevons que l’action des créanciers est indépendante de celle du curateur
introduite dans l’intérêt de la masse, et que le produit de leur action leur appartiendra
en propre, d’où sans doute un intérêt futur (proche) pour ce type d’action si le
défendeur est solvable.

Sans conteste, cette modifcation législative fait peser sur le mandataire social une
responsabilité aggravée, puisqu’ouverte à un bien plus grand nombre de parties
intéressées. Reste à voir la mesure dans laquelle cette action sera efectivement
utilisée. Actuellement, nous constatons que l’administration des contributions, directes
et indirectes, brandit l’arme de la faute grave et caractérisée pour contraindre les
dirigeants à inciter les sociétés à acquitter leurs dettes. Il est un peu tôt, moins de deux
ans après son entrée en vigueur, pour tirer des conclusions défnitives de quelques
attitudes, voire jurisprudences parcellaires77. Il est sûr, par contre, que le poids de cette

76


Mon., 21 septembre 2002, p. 42928
77


Trib. Gand, 16 février 2005, rôle n° 03-1556-A, où le tribunal retient la
responsabilité des administrateurs sur base de l’article 1382 du Code civil pour des dettes fscales, au
motif qu’ils avaient omis de rentrer les déclarations, de veiller au paiement des impôts dus par la
société, ainsi que de tenir une comptabilité. Le dommage a été estimé d’un montant égal aux
sommes réclamées par le fsc pour impôts de société. Il ressort aussi des faits que la société avait
« disparu sans laisser de traces ». Il ne semble pas qu’une faillite ait été prononcée. Trib. Hasselt, 23
février 2005, rôle n° 98-1751-A, où le tribunal retient la responsabilité des liquidateurs sur base de
l’article 186 du Code des sociétés et les condamne au paiement de dommages et intérêts
correspondant à des dettes fscales de la société en liquidation, au motif que les liquidateurs n’avaient
rien entrepris pour réaliser ces créances ni pris quelque mesure conservatoire pour en assurer la
perception. Dans le même sens, voy. aussi Gand, 20 septembre 2005 (rôle n° 1999/AR/1009), le
liquidateur devant être en mesure, d’une part, de prévoir les impositions en cause ainsi que leur
ampleur, d’autre part de constituer les provisions nécessaires pour en assurer le paiement après la
clôture de la liquidation ; voy. aussi Gand, 7 juin 2005, rôle n° 2002/AR/243, qui retient la
responsabilité des liquidateurs pour non-paiement d’une dette d’impôt échue. Bruxelles 9 septembre
2010, rôle n°2004/AR/560, où la Cour retient la responsabilité du liquidateur d'une société
coopérative, après avoir constaté que celui-ci avait clôturé la liquidation en une seule journée, sans
vérifer au préalable s'il existait encore une créance de l'Etat belge à l'égard de cette société. Bruxelles
22 février 2012, rôle n°2007/AR/862, où la Cour conclut au comportement fautif du curateur, et
engage sa responsabilité, après avoir constaté que celui-ci avait procédé à la clôture de la liquidation,
le jour même de son ouverture, sans avoir vérifé la situation fscale de la société et alors qu’il savait ou
responsabilité aggravée, ajouté à celles décrites par ailleurs, sonne le glas, si ce n’est
pas déjà (un peu) le cas, des administrateurs « dormants ».

29.

Une loi-programme du 20 juillet 200678 est encore venue aggraver les risques
encourus par les dirigeants de sociétés et associations sans but lucratif de voir leur
responsabilité engagée, en rendant ceux-ci solidairement responsables – sous
certaines conditions – du non-paiement du précompte professionnel et de la TVA
dus par la société. Certes, antérieurement, l'administration se retournait déjà
contre les dirigeants, sur base des articles 1382 et 1283 du code civil 79, mais il
n'existait aucune présomption de faute en sa faveur.

devait savoir que l’impôt des sociétés pour l’exercice litigieux n’avait toujours pas été enrôlé (!) à la
date de la clôture et le serait nécessairement.
Cette sévérité atteint même les administrateurs d’ASBL, condamnés sur base de l’article
1382 du Code civil à payer au Service Public Fédéral Finances des sommes correspondant au montant
du précompte professionnel non versé dès lors qu’il apparaît que ceux-ci ont, de façon volontaire et
délibérée, violé leur obligation de retenir le précompte professionnel à la source, en privilégiant leurs
propres intérêts et ceux des créanciers privés de l’ASBL au détriment des intérêts de l’Etat belge (Trib.
Liège, 29 septembre 2005, rôle n° 02-5253-A).
78


Loi-programme du 20 juillet 2006, MB 28 juillet 2006.
79


Bruxelles 1er juin 2006, rôle n°2002/816 où la Cour retient la responsabilité des
administrateurs d’une SCRL, après avoir relevé que le capital social minimal n'avait pas été adapté
conformément au prescrit légal, ainsi que le non-aveu de faillite, diverses infractions aux LCSC et au
Code des Sociétés tels que le non dépôt des bilans et comptes annuels pendant plusieurs années,
l'absence de déclaration pendant plusieurs années, aucune réaction aux taxations d’ofce, le maintien
d’une société étant une coquille vide, l'appropriation par un administrateur d’une indemnité revenant
à la société, l'absence de décision de mise en liquidation ou en faillite, aucune dénonciation des
irrégularités commises par l’un ou l’autre des administrateurs, et aussi l'absence de tenue des
assemblées générales. Nous ne pouvons qu'approuver la décision eu égard aux circonstances de fait
de l'espèce; Bruxelles, 13 septembre 2006, rôle n°2003/447 où la Cour a retenu la responsabilité des
administrateurs d’une asbl qui n’avaient pas opéré le versement du précompte professionnel retenu
sur le salaire de ses administrateurs ; Anvers 22 mai 2007, rôle n°2005/3263 où la cour a retenu la
responsabilité des administrateurs d’une sprl qui n’avait pas payé l’impôt des sociétés durant
plusieurs années sur base de la constatation que les erreurs commises par l’administrateur justifaient
une indemnisation correspondant aux impôts impayés ; Bruxelles 30 mai 2008, rôle n°2004/AR/3149,
où la Cour a jugé qu’il n’y a a pas lieu d’engager la responsabilité d’un associé – en principe tenu
solidairement responsable des dettes d’impôt de la société sur base des statuts - , dès lors qu’il n’y a
jamais eu de liste des associés déposée par la société au registre des personnes morales du tribunal de
commerce pas plus que de tenue de registre des associés et que, par ailleurs, l’associé concerné n’a
pas fait précéder sur l’acte constitutif de la société sa signature de la mention manuscrite légale
obligatoire ‘bon pour engagement illimité et solidaire’.
Voyez aussi : Anvers 8 avril 2008, rôle n°2006/AR/663, Anvers, 16 juin 2009, rôle n°
2007/AR/2590, Bruxelles, 6 janvier 2011, rôle n°2008/AR/651, Civ. Anvers 4 mai 2007, rôle n°05-14-A,
Anvers 22 mai 2007, rôle n°2005/AR/3263.
Voyez aussi Bruxelles 19 décembre 2007, rôle 2005/AR/911, où la Cour refuse de mettre en
cause la responsabilité d'une gérante d'une asbl dans la mesure où, à supposé qu'une faute soit
établie, ni le lien causal, ni le dommage ne sont établis à sufsance de droit par l'Etat belge.
Cette loi-programme prévoit également une obligation personnelle et solidaire des
gérants et administrateurs de société, en cas de faillite, pour les sommes dues à
l’Ofce national de sécurité sociale. Nous y reviendrons.

La loi-programme a inséré dans le CIR 92, un article 442quater, qui pose comme
principe qu’en cas de manquement, par une société, à son obligation de paiement
du précompte professionnel, le ou les dirigeants de la société ou de la personne
morale chargés de la gestion journalière sont solidairement responsables du
manquement si celui-ci est imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code
civil, commise dans la gestion de la société ou de la personne morale.

30.

Cette disposition légale instaure, pour ce qui concerne son champ d'application,
une défnition élargie de la notion de dirigeant, puisque cette responsabilité
solidaire peut être étendue aux autres dirigeants de la société ou de la personne
morale, à savoir à « toute personne qui, en fait ou en droit, détient ou a détenu le
pouvoir de gérer la société ou la personne morale, à l'exclusion des mandataires de
justice »80, lorsqu'une faute ayant contribué au manquement visé à l'alinéa 1er est
établie dans leur chef.

Alors que le §1er du nouvel article 442 quater vise les manquements à l’obligation
de « paiement du précompte professionnel », le § 4 indique que la responsabilité
solidaire des dirigeants ne peut être engagée que pour le paiement, « en principal et
intérêts » des dettes de précompte professionnel. Cela avait amené certains auteurs
à considérer qu’étant donné que les intérêts ne sont pas visés au §1er, la
responsabilité personnelle du dirigeant ne pourrait pas être invoquée en ce qui les
concerne. Pour afrmer cela, ces auteurs se sont basés sur l’article 93 undecies du
code de la TVA, que nous examinerons infra, et qui lui vise expressément les
intérêts et frais dès son § 1er. Mais il ne s’agit pas là de la doctrine majoritaire81.

31.

La responsabilité encourue par les dirigeants est une responsabilité pour faute : le
texte requiert explicitement l’existence, dans leur chef, d’une faute au sens de
l’article 1382 du code civil, défnie par l’article 442 quater du CIR 92 comme étant
une « faute commise dans la gestion » de la société.

L’existence d’une faute de gestion doit s’apprécier en fonction des critères


habituels de la faute dans le chef d’un administrateur : le comportement du

80


Article 442 quater, §1er, al.3CIR 92
81


J-M. COUGNON, « L’alourdissement récent de la responsabilité des dirigeants »,
Accountacy & Tax, 2007/1, p.7 et ss.
dirigeant est-il conforme au comportement qu’aurait adopté, dans les mêmes
circonstances et sur base des mêmes informations, au moment de l’acte ou du
manquement, un administrateur normalement prudent et diligent82 ? La faute
commise dans la gestion de l’entreprise s’entend donc de la faute aquilienne. Les
situations suivantes sont notamment constitutives d’une telle faute (il est à noter
que les décisions de jurisprudence relèvent habituellement plusieurs erreurs dans
le chef des administrateurs concernés avant de conclure à la mise en cause de leur
responsabilité, même si en théorie, la constatation d'une seule faute au sens de
l'article 1382 du code civil suft) :

➢ la poursuite d’une activité défcitaire au mépris des intérêts des créanciers ;


➢ la fraude développée à grande échelle consistant à cacher des dettes en
vue d’éluder la TVA ;
➢ le non-paiement des charges fscales ou sociales comme mode de
fnancement délibérément choisi par les dirigeants d’entreprises ;
➢ le défaut d’aveu de faillite dans le mois de la cessation persistante des
paiements et de l’ébranlement du crédit ;
➢ la poursuite déraisonnable d’une activité défcitaire ;
➢ le maintien d'une société dont il est afrmé qu'elle n'est plus qu'une
coquille vide ;
➢ la non adaptation du capital minimum de la société ;
➢ le non dépôt des bilans et comptes annuels durant plusieurs années ;
➢ l'absence de déclaration à l'I.Soc pendant plusieurs années ainsi que
l'absence de réaction aux avis de taxation d'ofce ;
➢ l'appropriation par un administrateur d'une indemnité revenant à la
société,
➢ l'absence de tenue d'assemblée générale,
➢ etc.

32.

La loi-programme instaure par ailleurs une présomption selon laquelle le non-


paiement répété du précompte professionnel, est, sauf preuve contraire, présumé
résulter d'une faute visée au § 1er alinéa 1er83.

On entend par non-paiement répété du précompte professionnel, soit, pour un


redevable trimestriel du précompte, le défaut de paiement d'au moins deux dettes

82


T. AFSCHRIFT, « Les dispositions fscales des lois du 20 juillet 2006 (première partie) -
Responsabilité des dirigeants pour certaines dettes fscales de la société et obligation solidaire de
paiement dans certains cas de fraude à la TVA », JT 2006, p. 733 et ss.
83


Loi-programme du 20 juillet 2006, MB 28 juillet 2006
échues au cours d'une période d'un an, soit, pour un redevable mensuel du
précompte, le défaut de paiement d'au moins trois dettes échues au cours d'une
période d'un an. La présomption de faute est une présomption iuris tantum ; ce qui
signife que le dirigeant concerné pourra toujours établir qu'un tel défaut de
paiement, fut-ce t'il répété, ne présente aucun caractère fautif dans son chef. Aussi,
il importe de souligner que la présomption vaut uniquement quant au caractère
fautif du manquement, et qu’il n’est nullement présumé que celui-ci présente un
lien de causalité avec le dommage. Le dirigeant poursuivi pourra toujours tenter
d’établir que le non paiement répété s’explique par d’autres motifs que sa faute 84.

Rappelons toutefois que s’agissant de responsabilité civile, la règle de l’équivalence


des conditions est applicable : dès lors que le non paiement répété du précompte
trouve sa source dans plusieurs causes, dont une faute du dirigeant, la
responsabilité de celui-ci sera engagée, si les autres conditions de l’article 1382 du
code civil sont réunies. La Cour d'appel de Bruxelles a ainsi rappelé la jurisprudence
de la cour de cassation en la matière, dans son arrêt du 1er juin 200685 : « l'existence
du lien causalité est établie dès qu'il apparaît de l'examen des faits que si la faute
n'avait pas été commise, le dommage tel qu'il s'est produit, ne serait pas survenu, sans
qu'il soit requis en conséquence, que la faute soit la cause exclusive du dommage ; il
suft qu'elle soit une cause nécessaire. »

Il n’y a toutefois pas présomption de faute lorsque le non-paiement provient de


difcultés fnancières qui ont donné lieu à l’ouverture d'une procédure de
réorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire. 86 Toutefois ce
paragraphe aura fait couler beaucoup d'encre quant au principe de la charge de la
preuve, dont la plupart des auteurs s’accordent à la faire supporter par
l’administration. Celle-ci devra donc toujours établir, in specie, qu'une faute de
gestion a été commise par le dirigeant.

Dans une espèce soumise à la cour d'appel d'Anvers87, les dirigeants n'ayant pas
versé, et ce de manière répétée, le précompte professionnel ont vu leur
responsabilité mise en cause, dans la mesure où ils sont tenus d'exécuter ces
obligations en leur qualité d'organe de la société. Ce faisant, ils ont, selon la cour,
embelli les résultats de la société vis-à-vis des tiers extérieurs et octroyé un crédit
84


Voir en ce sens : Gand 6 mai 2008, rôle n°2008/AR/704.
85


Bruxelles 1er juin 2006, rôle n°2002/AR/1559.
86


Article 442 quater §3 CIR 92. Dans une espèce soumise à la Cour d’appel d’Anvers, où une
société active dans le transport de choses par route a été déclarée en faillite le 1er juillet 2003, la
Cour a décidé d’engager la responsabilité du dirigeant pour non-paiement de précompte
professionnel sur les rémunérations depuis juillet 2002. La cour se base sur les constations qu’il y
avait encore sufsamment de moyens pour poursuivre les activités et payer les rémunérations
nettes durant les mois de juillet 2002 à février 2003, de sorte qu’il est démontré que la société
disposait de moyens sufsants.
87


Anvers, 18 septembre 2007, rôle 2005/AR/2869 et 2005/AR/2881.
injustifé à la société. La cour d'appel a ainsi constaté qu'ils ont commis des fautes
manifestes au sens de l'article 1382 du code civil, que ces fautes ont causé un
dommage à l'Etat belge, et que ce préjudice a manifestement un lien de cause à
efet avec les erreurs commises.

33.

La constitutionnalité de l'article 442 quater CIR 92 a été soulevée par le tribunal de


commerce de Mons qui a posé à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle
suivante :
« L’article 442quater § 2 CIR/1992 tel qu’il a été inséré par la loi-programme du 20 juillet
2006, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que, dans le cadre de la
responsabilité des dirigeants d’entreprises, il instaure des règles plus sévères à l’égard
du fsc qu’à l’égard des autres créanciers auxquels leur faute causerait un dommage
et/ou en ce qu’il soumet les dirigeants d’entreprise à des règles plus sévères,
exorbitantes du droit commun, pour le paiement du précompte professionnel par
rapport aux mêmes dirigeants pour le paiement des autres impôts (sauf la TVA qui
bénéfcie d’une disposition similaire) où les règles du droit commun continuent à
s’appliquer ? »

Deux angles d'attaque étaient ainsi relevés et soumis à la Cour constitutionnelle ;


d'une part, une diférence de traitement entre le fsc et les autres créanciers, avec
une préférence accordée au premier cité, et d'autre part, une diférence de
traitement entre les dirigeants redevables de dettes de précompte professionnel
(précisons que c'est aussi le cas pour la TVA) et les dirigeants redevables d'autres
impôts.

Dans son arrêt du 29 mars 201288, la Cour constitutionnelle a estimé que cette
disposition ne viole pas la Constitution, en faisant très largement référence aux
arguments avancés dans les travaux préparatoires de la loi-programme. La Cour
rappelle ainsi que le législateur a justifé ces nouvelles règles de responsabilité par
le fait qu'« il y va de sommes que l’entreprise a perçues (TVA) ou retenues sur les
rémunérations (précompte professionnel) sans les acquitter au proft du Trésor alors
qu’elles ne peuvent, en raison de leur nature, être considérées comme faisant partie des
moyens fnanciers de l’entreprise ». Selon la Cour, la mesure litigieuse, dérogatoire au
droit commun, repose sur un critère qui est en rapport avec l’objectif poursuivi par
le législateur, qui est de préserver les droits et ressources du Trésor et la position
concurrentielle des entreprises. Le législateur a, en efet, pris en compte le fait que
cette obligation a pour objet des sommes à payer pour le compte de tiers – le
Conseil des ministres avait à cet égard conclut que la diférence de traitement était
justifée par la nature du précompte professionnel, qui est une partie de la
rémunération du travailleur –, et que dans la mesure où le produit de l'impôt est
afecté à l'intérêt général, il doit être admis qu'il puisse être dérogé aux règles du
droit commun.

88


CC 29 mars 2012, rôle 50/2012.
La Cour précise encore que la mesure litigieuse n’est pas disproportionnée, dans la
mesure où l’administration est tenue d'avertir préalablement le dirigeant dont elle
entend engager la responsabilité, et où le législateur a uniquement prévu une
présomption de faute, qui peut être renversée et est soumise à l'appréciation des
cours et tribunaux. Nous nous demandons toutefois dans quelle mesure un
dirigeant va être en mesure de renverser la présomption instaurée si la société ou la
personne morale qu'il dirige n'a pas payé ses dettes fscales...

34.

Un régime identique est instauré en matière de TVA à l’article 93 undecies du code


TVA : en cas de manquement à l'obligation de paiement de la taxe, des intérêts ou
des frais accessoires, le ou les dirigeants chargés de la gestion journalière sont
solidairement responsables du manquement, si celui-ci est imputable à une faute
au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la
société ou de la personne morale. La seule diférence est qu’en matière de TVA, les
intérêts et frais sont également expressément visés par le texte de la loi. Pour le
surplus, le régime applicable est en tous points identiques à celui exposé ci-dessus
en matière d’impôts directs.

35.

Ces modifcations législatives auront eu pour efet de considérablement renforcer


les moyens mis à la disposition de l'administration et de multiplier les recours à
l'encontre des dirigeants. Heureusement, les cours et tribunaux ont tempéré les
ardeurs de l'administration en rappelant que tout est, et reste toujours, question
d'espèce.

A plusieurs reprises, la cour d'appel de Bruxelles a refusé de reconnaître la


responsabilité d'administrateurs de sociétés déclarées en faillite, et alors qu'ils
n'avaient pas payé le précompte professionnel, ni la TVA. Dans un arrêt du 9 février
201189, dans une espèce où le régime de l'article 442 quater CIR 92 n'était pas
encore applicable, la Cour a considéré que les dettes de précompte professionnel
et d'impôt des sociétés ne pouvaient pas être imputés aux dirigeants si ceux-ci
avaient commis de simples fautes de gestion (en l'espèce, des problèmes de santé,
l'espoir de cession des activités et l'inactivité du fsc durant deux années étaient
avancées pour justifer du non paiement des dettes fscales). Aussi dans un arrêt du
11 mai 201190, la Cour rappelle que la seule absence de paiement des dettes fscales
d’une société ne suft pas, en soi, à établir l’existence d’un manquement fautif dans
le chef de ses administrateurs – c'est en efet, la société elle-même qui est débitrice

89


Bruxelles, 9 février 2011, JDF, 2011, p. 232.
90


Bruxelles, 11 mai 2011, JDF, 2011, p. 180, rôle 2008/AR/2608.
de la dette d'impôt, et non ses dirigeants –, à l’obligation de prudence et de
diligence, mais qu'il appartient à l'administration de prouver l’existence d’une faute
spécifque sur la base des principes de la responsabilité extra-contractuelle.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 21 septembre 201291, a posé le cadre ;


l'administrateur ou le gérant n'est responsable du dommage résultant d'un acte
illicite subi par l'administration fscale suite au non-paiement du précompte
professionnel, que si la décision de ne pas verser ce précompte constitue une
infraction à la norme générale de diligence au sens des articles 1382 et 1383 du
Code civil. En l'espèce, la cour d'appel de Gand92 avait décidé que si l'on peut
admettre que le gérant de la société ait admis que sa société ait omis de payer le
précompte professionnel au cours d'une première période, dès lors que le gérant
pouvait raisonnablement penser à ce moment que la société pourrait se redresser,
le non-paiement du précompte professionnel ne pouvait plus être justifé par le
suite.

La cour d 'appel d'Anvers93, a, quant à elle, engagé la responsabilité du gérant d'une


a.s.b.l. déclarée en faillite, pour non paiement de précompte professionnel, après
avoir relevé que le gérant avait poursuivi une activité défcitaire de manière
déraisonnable en sachant ou devant savoir qu'il ne pourrait pas faire face aux
obligations fscales, qu'il n'a fait aucune déclaration de cessation de paiement, et
qu'il s'était octroyé un salaire considérable.

De même, le tribunal de première instance de Louvain, dans son jugement du 14


septembre 2012, conclut à la responsabilité des administrateurs d'une asbl après
avoir relevé qu'il ne s'agissait pas d'un non-versement momentané du précompte
professionnel, mais de situations répétées qui se sont produites sur une longue
période, et alors que l'asbl préférait systématiquement réaliser d'autres dépenses
que d'honorer ses dettes fscales94.

Dans un arrêt du 20 janvier 2010, la Cour d'appel de Bruxelles rappelle que si le


gérant d’une société peut être tenu responsable des fautes commises par le
comptable de la société, encore faut-il que l’Etat belge établisse la faute du
comptable, ce qu’il n'était pas parvenu à établir en l'espèce. Surabondamment, la
Cour rappelle que la TVA, les amendes et les intérêts dus par une société dont le
recouvrement est demandé à son gérant ne constituent pas, comme tels, le
dommage certain susceptible d’indemnisation dont la réparation peut être

91


Cass. 21 septembre 2012, rôle n° F.11.0085.N.
92


Gand 31 janvier 2011.
93


Anvers, 22 janvier 2008, rôle n°2004./AR/2931.
94


Civ. Louvain 14 septembre 2012, rôle n°11/2073/A.
poursuivie sur base de l’article 1382 du Code civil, sauf cas d’une infraction pénale
d’abus de confance et de détournement de la taxe95.

Enfn, soulignons que dans un arrêt du 2 mars 2010, la cour d’appel de Gand a
refusé de mettre en cause la responsabilité d’une gérante de société malgré bon
nombre de négligences et de fautes graves que l’administration voulait lui voir
imputées. En l’espèce, la responsabilité était mise en cause sur base de l’article
1382 du code civil et des anciens articles 62 et 132 de la loi sur les sociétés. Le
premier juge avait émis une présomption selon laquelle la gérante avait aliéné le
stock de marchandises de la société sans en verser le produit dans la caisse de la
société et sans avoir utilisé le produit pour payer les dettes privilégiées. Or, selon la
cour d’appel, il n’est nullement établi que l’a gérante s’est approprié les produits.
En raison de la confusion qui entourait la vente du « stock de marchandises », la
cour d’appel a estimé que le non paiement des dettes fscales pouvait difcilement
être imputée à la gérante96.

36.

Par ailleurs, le législateur n'a pas non plus oublié l'ONSS, puisque la loi-programme
ajoute un §2 aux articles 265 (SPRL), 409 (société coopérative) et 530 (société
anonyme) du code des sociétés, afn d’instaurer une responsabilité personnelle et
solidaire des gérants, anciens gérants et autres personnes qui ont efectivement
détenu le pouvoir de gérer la société, en cas de faillite, pour les sommes dues à
l’ONSS (cotisations sociales, majorations, intérêts de retard et de l'indemnité
forfaitaire) : (i) s'il est établi qu'une faute grave qu'ils ont commise était à la base de
la faillite, ou (ii) si ces personnes ont été, au cours de la période des cinq ans
précédant la faillite, impliquées dans au moins deux faillites, liquidations ou
opérations similaires entraînant des dettes à l’égard d’un organisme de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

La Cour Constitutionnelle (arrêt n° 139/2009 du 17 septembre 2009 97) a été saisie de


la question de savoir si la dérogation au droit commun qu’instaure l'article 530 §2
C.S., à l’avantage des organismes de recouvrement de la sécurité sociale et au
préjudice des autres créanciers, doit être considérée comme contraire ou non avec
les articles 10 et 11 de la Constitution.

Selon la juridiction saisie, le régime dérogatoire ainsi instauré a pour efet de créer

95


Bruxelles 20 janvier 2010, rôle n° 2007/AR/872 ; cette décision étant rendue dans le
cadre d'une espèce où le régime de l'article 442 quater CIR 92 n'était pas encore
d'application. Voir aussi Bruxelles 27 avril 2006, rôle 02/AR/2089, où la cour a retenu la
responsabilité d'une gérante d'une SPRL qui s'était manifestement rendue coupable
d'une confusion de patrimoine.
96


Gand, 2 mars 2010, rôle n°2005/AR/1536.
97


CC 17 septembre 2009, n°139/2009.
une diférence de traitement entre les administrateurs et/ou gérants impliqués,
dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires 98, selon que
celles-ci entraînent ou non des dettes à l’égard de l’Ofce national de sécurité
sociale.

La Cour rappelle que l'objectif de cette disposition légale était de pouvoir disposer
d'un instrument de meilleure perception des cotisations de sécurité sociale, et
qu'elle est surtout dirigée contre les entrepreneurs malhonnêtes. Selon la Cour, la
mesure litigieuse repose sur un critère qui est en rapport avec l’objectif poursuivi,
puisqu’elle vise les administrateurs qui sont restées de façon répétée en défaut de
payer les cotisations de sécurité sociale. Si la disposition instaure une responsabilité
objective et confère à l’Ofce national de sécurité sociale et au curateur un pouvoir
d’appréciation pour réclamer la totalité ou une partie des cotisations de sécurité
sociale et suppléments dus, l’action en responsabilité personnelle et solidaire doit
toutefois être intentée auprès d’une juridiction, à savoir le tribunal de commerce
qui connaît de la faillite de la société. Le tribunal doit doit donc pouvoir examiner,
en droit et en fait, le montant des cotisations sociales, majorations, intérêts de
retard et de l’indemnité forfaitaire dus, sur la base de l’action dont il est saisi. Par
conséquent, le tribunal dispose du même pouvoir d’appréciation que l’Ofce
national de sécurité sociale et le curateur . Dans cette interprétation, l’accès à un
juge exerçant un contrôle de pleine juridiction est, selon la Cour Constitutionnelle,
garanti aux administrateurs concernés.

Le critère de mise en cause de la responsabilité est celui de la « faute grave à la


cause de la faillite », à savoir, au sens des dispositions concernées, toute forme de
fraude fscale grave et organisée au sens de la loi du 11 janvier 1993 relative à la
prévention de l'utilisation du système fnancier aux fns du blanchiment de
capitaux et du fnancement du terrorisme, dite « loi anti-blanchiment », ainsi que le
fait que la société est dirigée par un gérant ou un responsable qui a été impliqué
dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires entraînant des
dettes à l'égard d'un organisme percepteur des cotisations sociales. La
reconnaissance de la faute et la condamnation du dirigeant reste cependant
toujours, comme énoncé ci-dessus, à l’appréciation d’un juge.

37.

Aussi, l’action judiciaire ne peut être intentée contre les dirigeants qu’à l’expiration
d’un délai d’un mois à dater d’un avertissement adressé par le receveur par lettre
recommandée à la poste invitant le ou les dirigeants à prendre les mesures
nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n’est
pas imputable à une faute qu’ils ont commise. Si ce délai n’est pas respecté, le juge
doit débouter l’administration de son action sans même examiner le litige au fond ;
98


Dans la mesure où la question préjudicielle ne concerne que cette
hypothèse de mise en cause de la responsabilité, la Cour ne se prononce, en l’espèce, ni sur
la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs qui auraient commis une faute
grave qui est à la base de la faillite, ni sur ce qui est considéré, à l’alinéa 3 de la disposition
en cause, comme étant une faute grave.
il s’agit donc d’une condition de recevabilité de l’action en responsabilité. Le
fonctionnaire chargé du recouvrement est toutefois autorisé à prendre, dans le
délai d’un mois précité, toutes mesures conservatoires (en ce compris des mesures
de saisies) à l’égard du ou des dirigeants de la société qui ont fait l’objet de
l’avertissement. Ce mécanisme a pour objectif d’instaurer une concertation
préalable entre les dirigeants dont la responsabilité est susceptible d’être engagée
et le receveur compétent en vue de permettre à ces dirigeants de s’expliquer sur les
circonstances du manquement constaté, soit pour établir que le non paiement est
imputable à des circonstances étrangères et qu’ils n’ont commis aucune faute, soit
pour veiller à ce que la société remédie à l’absence de paiement.

Par ailleurs, l’administration fscale n’a qualité à agir que dans le cadre d’une action
en justice tendant au paiement d’impôts, mais non en obtention de dommages et
intérêts99. L’action en responsabilité des administrateurs doit donc, pour aboutir,
être dirigée contre les gérant ou administrateur de société, non pas au nom du
receveur chargé du recouvrement des impôts, mais bien au nom de l’Etat belge,
représenté par Monsieur le Ministre des Finances. Par un jugement du 19 juin 2008,
le tribunal d’arrondissement de Liège, appelé à statuer sur la compétence du
tribunal de commerce, a jugé que les Tribunaux de commerce sont seuls
compétents pour statuer sur les cas d’application de l’article 442 quater CIR 92, dès
lors qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle loi fscale, mais d'un nouveau cas de
responsabilité à charge des dirigeants100. La Cour d'appel de Bruxelles a, par ailleurs,
rappelé que l'action civile en dommages et intérêts interrompt la prescription
fscale101.

38.

Enfn, conformément à l’article 198 C.S., toutes actions contre les gérants et
administrateurs, pour faits de leurs fonctions, sont prescrites par 5 ans à partir de ces
faits ou, s’ils ont été celés par dols, à partir de leur découverte. La cour de cassation a
récemment confrmé, à cet égard, que lorsque la faute du liquidateur consiste à ne pas
payer une dette de la société, le délai de perception prend cours au jour où la faute est
commise et non au jour de la clôture de la liquidation.102

En conclusion, nous pensons utile de souligner que certes, les textes introduits

99


Cass. 30 mai 1997, Pas. I, 1997, p.248 ; Voy aussi : Civ. Bxl 4 mai 2007, rôle
n°1997,10858/A.
100


Trib. arr. Liège 19 juin 2004, DAOR n° 2010/094.
101


Bruxelles, 13 septembre 2006, rôle n°2003/AR/447.
102


Cass., 21 octobre 2005, rôle n° C-04-0611-F, dans une espèce où les liquidateurs ont
partagé le boni de liquidation et certaines dettes, en omettant la dette d’impôt et en
n’ayant consigné aucune somme pour son paiement. Voy. aussi Anvers, 13 septembre
2005, rôle n° 2004-AR-2220.
alourdissent la responsabilité des dirigeants de sociétés et d’a.s.b.l. mais qu’il y a
lieu néanmoins de nuancer la gravité de cet alourdissement. En efet, la mise en
cause de la responsabilité devra toujours être prononcée par un juge qui devra
constater l’existence d’une faute dans le chef du ou des dirigeants d’entreprises.
Certes, il existe une présomption de faute mais celle-ci peut être renversée et on
imagine mal un juge prononcer la sanction de la responsabilité solidaire, avec les
conséquences fnancières qu’elle peut avoir, à la légère. Ceci dit, le temps où l'on
enseignait qu'il était sage de constituer une société pour l'exercice de ses activités
afn de mettre ses biens personnels à l'abri des risques de l'entreprise est bel et bien
révolu puisque le dirigeant est désormais personnellement et solidairement tenu
des dettes fscales de sa société.

39.

Un question intéressante à examiner relativement à l’obligation pour la société de


retenir et verser à l’Etat le précompte professionnel sur les rémunérations allouées,
est l’hypothèse où une société ne retient pas le précompte professionnel sur les
rémunérations qu’elle attribue à son dirigeant, alors que ce dernier efectue des
versements anticipés correspondant au montant du précompte professionnel qui
aurait du être retenu.

Le tribunal de première instance de Liège s'est montré très souple, dans son
jugement du 17 avril 2007, où il a estimé que l’irrégularité (à savoir la non retenue
et le non versement du précompte par la société) ne peut conduire à ce que l’impôt
dû par le véritable redevable de l'impôt (à savoir le dirigeant) soit réclamé à la
société et payé, une deuxième fois, par celle-ci, alors qu'elle n’est en réalité qu’un
intermédiaire entre le fsc et le bénéfciaire des revenus et, à ce titre, redevable des
« acomptes » à payer sur ledit impôt. Selon le tribunal, réclamer des acomptes sur
un impôt défnitivement soldé relève du non sens 103. Le tribunal se réfère aux
arguments avancés par la cour d’appel de Mons dans son arrêt du 17 mai 2002, où
la Cour expédie la question comme suit : « Le litige concernant le précompte
professionnel relatif à des rémunérations versées par une société à un associé actif
devient sans objet dès lors que l’associé s’est acquitté de l’intégralité de l’impôt des
personnes physiques global dû notamment sur ces rémunérations. En efet, le
précompte professionnel ne constitue qu’un mode de perception de l’impôt global, sur
lequel il doit dans tous les cas être imputé. »

103


Voyez dans le même sens : Civ. Liège 3 mars 2010, rôle n°00/2991/A. Il ne faut
cependant pas exagérer ; voy à cet égard Civ. Liège, 1er décembre 2005 où une société
avait retenu le précompte professionnel sur la rémunération de son dirigeant une
partie de l’année seulement et avait efectué des versements anticipés pour le compte
du dirigeant le restant de l’année. L’administration avait ajouté ces versements aux
revenus déclarés par le dirigeant et avait réclamé le précompte professionnel
complémentaire à la société. Le Tribunal de 1ère instance de Liège, dans un relève qu’il
n’y a pas lieu à dégrever la cotisation supplémentaire au précompte professionnel
enrôlée à charge de la société car elle a été établie conformément à la loi.
Dans un jugement du 14 février 2008, le tribunal de première instance de Liège, a
également fait preuve de souplesse en estimant que l’établissement du précompte
professionnel, dans le chef d'une société, à une époque où les revenus attribués ne
sont pas encore imposés dans le chef du dirigeant ne revient pas à taxer une seconde
fois un revenu déjà taxé. En l’espèce, lors de l’établissement de la cotisation à l’impôt
des sociétés, la situation fscale du dirigeant personne physique n’était pas encore
établie, de sorte que lors de l’enrôlement du précompte professionnel, il était encore
possible de l’imputer sur un impôt restant à établir dans le chef du bénéfciaire. Par
contre, le tribunal précise toutefois, à juste titre, que le précompte enrôlé a posteriori
ferait double emploi avec l'IPP déjà payé par le dirigeant puisqu'il serait impossible de
l'imputer sur celui-ci. 104

La cour d’appel de Bruxelles s'est toutefois montrée plus sévère, dans un arrêt du
19 mars 2008105, où elle a jugé que l’enrôlement du précompte ne pouvait pas être
considéré comme devenu sans objet, et qu’il appartenait d’une part, à la société de
verser le précompte professionnel non retenu, et d’autre part, au dirigeant
d’introduire une demande d’imputation, voire de restitution de l’excédent de
précompte versé sur l’impôt dû. La Cour balaye par ailleurs l’argument invoquant
une double imposition des revenus106 : « (…) il n’existe aucun obstacle légal à ce que
des rémunérations fassent à la fois l’objet de retenue du précompte professionnel et /
ou de versements anticipés et de l’impôt des personnes physiques, dans la mesure où la
loi prévoit l’imputation dudit précompte et des versements anticipés sur l’impôt dû par
le bénéfciaire et le remboursement de l’excédent audit bénéfciaire. Les mécanismes
légaux de l’imputation du précompte et de la restitution de l’excédent excluent toute
double imposition, pour autant que le bénéfciaire, comme c’est son droit, introduise en
temps utile la demande ou le recours administratif dans les délais légaux pour obtenir
cette imputation et / ou cette restitution et ce, à peine de déchéance 107 ».

La Cour d’appel de Liège a également fait preuve d'infexibilité dans son arrêt du 13
janvier 2010, en rappelant que l’obligation de retenue du précompte est d’ordre
104


Civ. Liège 14 février 2008, rôle n°03/2770/A.
105


La société justifait cette absence de versements anticipés par le choix du dirigeant
d’efectuer des versements anticipés.
106


Notons que dans l’espèce soumise à la cour d’appel de Bruxelles, il n’était pas
établi que la cotisation au précompte professionnel aurait été calculée sur la base du
montant des rémunérations augmentées dudit précompte. Voy aussi Civ. Liège 17
janvier 2008.
107


Bruxelles 19 mars 2008, rôle n° 1999/FR/147 ; Voy aussi Mons 17 mai 2002, FJF,
2002/223, où il a été jugé que lorsque l’impôt est défnitivement acquitté et qu’il ne
peut plus être revu, la perception d’un précompte sur les revenus déjà imposés
défnitivement n'a plus d’objet et aboutit à ce que le fsc perçoive deux fois la même
somme ; Cass., 2 octobre 2003, FJF 2004/51 et Mons, 3 juin 2003, FJF 2003/277, où il a
été décidé qu’à défaut de possibilité d’imputation, l’enrôlement du précompte
professionnel est illégal, entraîne un payement indu et l’obligation dans le chef de l’Etat
belge de restituer les sommes ainsi enrôlées.
public et n’autorise pas la société à déroger à cette obligation dès lors qu’elle
attribue des rémunérations108. Il était question du versement de rémunérations de
dirigeant d’entreprise à un avocat qui exerçait son activité professionnelle au sein
d’une SPRL. Cet avocat avait versé des versements anticipés qui correspondaient à
peu de chose près au montant des précomptes qui n'avaient été ni retenus, ni
versés. Toutefois, selon la Cour, le précompte professionnel non versé
spontanément prend le caractère d’un véritable impôt dans le chef du débiteur de
celui-ci et le fait que le bénéfciaire des revenus ait supporté l’impôt global défnitif
ne dispense pas la société de remplir une obligation fscale qui lui est propre.

40.

L’administration tente parfois aussi d’imposer, dans le chef de la personne physique, un


avantage de toute nature équivalent au montant du précompte non retenu et non
versé. C'est ce qu'a fait la Cour d’appel de Liège dans son arrêt du 13 janvier 2010 : la
base imposable a été majorée, tenant compte du montant du précompte, dans la
mesure où, selon la Cour, le contribuable a pu bénéfcier d'une rémunération plus
élevée que celle qu'il aurait obtenue si le précompte avait été retenu109.

Un pourvoi en cassation a été introduit et la Cour de cassation a tranché, par son


arrêt du 1er juin 2012110. Le premier moyen avancé par les demandeurs en cassation
était de dire qu’il n’y a pas lieu d’enrôler le précompte professionnel après que
108


Liège 13 janvier 2010, rôle n° 2008/RG/554. En l’espèce, un avocat qui exerçait ses
activités professionnelles en société avait invoqué la difculté de calculer le montant du
précompte professionnel en raison de la variabilité des rémunérations qui lui étaient
attribuées et avait donc préféré efectuer des versements anticipés en personne
physique.
109


En sens contraire, le tribunal de première instance de Liège, a afrmé qu’il
ne peut pas être soutenu que les avantages de toute nature comprennent également les
sommes que la loi impose à l’employeur de payer à l’Etat et qui n’ont pas été, en fait,
attribuées ou allouées à son dirigeant. Le Tribunal estime que l’on ne peut nullement
assimiler à une avance sur l’impôt dû par le bénéfciaire, une non-retenue (et un non
versement à l’Etat) de précompte professionnel par le débiteur des revenus. C’est pour le
Tribunal, précisément la question de savoir si le débiteur a voulu supporter – à la décharge de
la personne physique – le précompte professionnel qui est déterminante de l’existence d’un
avantage ou non dans le chef du bénéfciaire des revenus. La non-retenue et le non
versement d’un précompte professionnel dû ne constituent pas, en eux-mêmes, un
avantage de toute nature.
Voyez aussi : Civ. Liège 17 janvier 2008, rôle n° 04/2088/A et 05/327/A.
Dans le même sens Civ. Liège 14 février 2008, rôle n°03/2770/A, où le tribunal a
estimé qu’il n’est pas permis de revoir la situation fscale du dirigeant d’entreprise pour
prétendre qu’elle n’est pas défnitivement réglée et pour créer artifciellement et, a posteriori,
une possibilité d’imputation du précompte professionnel en majorant les revenus déclarés
par celui-ci d’un avantage de toute nature équivalent au montant du précompte
professionnel non retenu et non versé au défendeur. Voyez toutefois infra
110


Cass. 1Er juin 2012, rôle n° F.10.0038.F.
l’impôt des personnes physiques a été enrôlé et que ce bénéfciaire a fait des
versements anticipés équivalents au montant du précompte professionnel dû.
Toutefois, la Cour a estimé que, conformément à l’article 273, 1° CIR 92, le
précompte professionnel est exigible en raison du paiement ou de l’attribution des
rémunérations imposables et que cette exigibilité est indépendante de la situation
fscale du bénéfciaire des rémunérations. La Cour a, par ailleurs, confrmé l'arrêt de
la cour d'appel en ce qu'il avait légalement justifé sa décision d’ajouter le
précompte professionnel aux rémunérations déclarées du demandeur pour
déterminer la base d’imposition à l’impôt des personnes physiques, en relevant que
la société demanderesse n’avait, à aucun moment, tenté de récupérer le précompte
professionnel non retenu à charge du dirigeant en dépit de ce qu’elle avait reçu un
avis de rectifcation, ni dressé de nouvelles fches 281.20 correspondant à cette
situation, lesquelles auraient permis une révision.

II. Mandat social et cumul de fonctions : généralités

1. Introduction

41.

Il ne fait aucun doute que le mandat social ne peut, en lui-même, s’exercer dans le
cadre d’un contrat de travail111.

La Cour du travail de Liège a résumé en termes clairs l’évidence de cette afrmation :

« L’administrateur d’une société anonyme agit en vertu d’un mandat et non d’un
contrat de travail. Il n’est pas "subordonné" à la société (autorité, direction et surveillance)
au sens du contrat de travail.

Il possède lui-même l’autorité en vertu du mandat qu’il tient de la loi.

Il peut certes être révoqué ad nutum en vertu du mandat mais cela n’implique pas
l’existence d’une subordination au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de
travail »112.

111


Claude Wantiez, « Aspects sociaux du statut d’administrateur : principes généraux
et examen des réformes récentes », in « Fiscalité et statut social des administrateurs des
sociétés anonymes », acte du colloque du 6.11.1992, p. 2 et les références citées.
112


C. trav. Liège, 9 janvier 1991, J.T.T., 1991, p. 377. Notons que l’ONSS a établi une
présomption administrative en vertu de laquelle les mandataires sociaux ne cumulent
pas leur mandat avec une autre activité salariée. C’est la société qui doit démontrer à
l’ONSS, le cas échéant, l’existence d’un contrat de travail distinct ; voy. aussi C. trav.
Liège, 2 août 2004, rôle n°7.163/2002.
Ce même arrêt précise que la règle est la même si l’administrateur n’est pas
actionnaire, le lien éventuel de subordination, caractéristique du contrat de travail,
s’appréciant au regard non de l’assemblée générale, mais bien du conseil
d’administration (ou de gérance). Il faut qu’une autre mission que celle propre à tout
administrateur soit exercée pour qu’il puisse, le cas échéant, être question de
l’exercice de celle-ci sous les liens d’un contrat de travail.

L’administrateur - comme le gérant - peut en efet exercer une autre fonction que celle
liée au mandat qu’il détient au sein de la société, soit dans le cadre d’un contrat de
travail, soit dans le cadre d’un contrat d’entreprise.

2. Le mandataire social n’exerce pas d’autre fonction que celle dont il est investi en
vertu de son mandat

42.

Dans ce cas, nous venons de le voir, le mandataire social est alors nécessairement
indépendant.

Il est révocable ad nutum par l’assemblée générale (voyez, par exemple, l’article 518, §
3 C.S. pour les administrateurs de s.a.).

A ce propos, la Cour de cassation a clairement décidé :

« Que, d’une part, s’il est constant que la règle de [l’article 518, §3 du Code des Sociétés] est
d’ordre public et que serait donc illicite toute clause qui supprimerait ou limiterait le droit de
révocation des administrateurs par l’assemblée générale, tel ne saurait être le cas d’une
clause qui, ainsi que le constate l’arrêt, n’a pas cette portée, … »113.

A suivre la Cour de cassation, la convention prévoyant le versement d’une indemnité à


un administrateur en cas de révocation, serait, en principe, frappée de nullité absolue,
la société pouvant même l’invoquer114. Par contre, il nous apparaît qu’après que le
droit de révocation ait été exercé, l’assemblée générale de la société a toute liberté
pour décider d’octroyer une indemnité à l’administrateur révoqué. Tout comme, selon
nous, un tiers, pouvant même être un actionnaire agissant en son nom et pour son
compte, peut s’engager à indemniser le mandataire en cas de révocation. Mais bien
entendu, tout ceci est aléatoire.

113


Cass., 13 avril 1989, J.T., 1990, p. 751; Pas., 1989, I, 825 ; R.C.J.B. 1990, p. 205.
114


Claude Wantiez, étude précitée, p. 15; contra : Dirk Michiels, note sous Cass., 13
avril 1989, précitée, n° 19, p. 758, lequel semble considérer la possibilité d’une
confrmation par la société de la convention, ce qui ne nous paraît pas compatible avec
le principe d’une nullité absolue frappant la violation d’une règle d’ordre public. Son
explication d’obligation naturelle est en outre sujette à caution, et en contradiction,
nous paraît-il, avec le principe du droit absolu -mais sans abus- de révocation.
A fortiori, toute disposition conventionnelle ou même statutaire qui prévoirait
l’irrévocabilité des administrateurs serait, elle aussi, frappée de nullité absolue.

Les administrateurs et gérants ne bénéfcient donc d’aucune stabilité au niveau de leur


mandat, n’étant protégés qu’au regard de règles d’abus de droit. En efet, la révocation
ne peut jamais être ni abusive, ni intempestive, c’est-à-dire qu’elle ne peut entraîner
pour le mandataire un dommage autre que celui éventuellement consécutif à la
cessation, dans des conditions normales, de son mandat. Ainsi, des afrmations
fausses, ou des atteintes à l’honneur et à la réputation justiferaient le paiement d’une
indemnité au mandataire social ainsi révoqué115.

3. Le mandataire social exerce son mandat et une fonction autre sous les liens d'un
contrat d'emploi

43.

Le mandataire social peut, ainsi que nous l’avons dit, exercer d’autres fonctions que
celle liée à son mandat, soit dans la société même, soit dans une fliale de celle-ci. Il
peut ainsi être directeur technique, commercial ou fnancier, ou être chargé de la
gestion journalière.

Cette dernière hypothèse est le résultat d’une évolution récente de la jurisprudence,


qui estime que l’administrateur délégué peut être à la fois indépendant pour l’exercice
de son mandat, et sous les liens d’un contrat d’emploi pour l’exercice de la délégation
à la gestion journalière.

La Cour de cassation relève ainsi et notamment que :

« Attendu que l’existence d’un contrat de travail entre un administrateur d’une


société anonyme et la société dont il assure la gestion journalière, requiert un lien de
subordination, c’est-à-dire que l’administrateur s’occupe de la gestion journalière sous
l’autorité d’un organe, d’un autre administrateur ou d’un préposé de la société » 116.

Cette jurisprudence était déjà admise par certaines juridictions du fond, et


notamment par la cour du travail de Liège, qui avait relevé que « la délégation à la
gestion journalière d’une société anonyme peut faire l’objet d’un contrat d’emploi et un
administrateur de société anonyme peut s’occuper de la gestion journalière sous l’autorité
d’un organe de la société » 117.

115


L’arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 1989 demeure sans efet sur cette
possibilité. Cfr. à ce propos Dirk Michiels, note d’observations précitée, p. 758, note
infrapaginale n° 97 et l’ensemble des références qu’il cite.
116


Cass., 30 mai 1988, Pas., I, p. 1169. La Cour de cassation avait déjà relevé, le 28 mai
1984 (Pas., I, 1175) qu’un administrateur pouvait être chargé de la gestion journalière
sous l’autorité d’un organe de la société.
117
44.

S’il est donc possible de cumuler le mandat social avec d’autres fonctions techniques ou
de gestion distinctes sous les liens d’un contrat de travail, encore faut-il, bien entendu,
que les critères permettant de défnir ce type de contrat soient réunis. L’élément
essentiel est, naturellement, lorsqu’il s’agit d’un administrateur ou d’un gérant, de
justifer l’existence du lien de subordination.

Cette subordination doit s’apprécier, selon nous, au regard des organes de la société,
c’est-à-dire essentiellement le conseil d’administration ou de gérance (l’assemblée
générale ne se réunit, en session ordinaire, qu’une fois l’an) dont il est lui-même, en
qualité de mandataire social, membre. Cette autorité-contrôle pourrait également être
l’œuvre d’un autre administrateur ou gérant. Ce sera donc une recherche factuelle à
laquelle les mandataires sociaux, sociétés, administrations et tribunaux devront
s’atteler pour déterminer, dans chaque cas d’espèce, si ce lien existe et si, en
conséquence, la réalité d’un contrat d’emploi peut ou non être établie. Il est évident
que si, dans une SPRL, seul un gérant a été désigné, celui-ci pourra difcilement
prétendre exercer une autorité envers lui-même et, dès lors, justifer de l’existence
d’un lien de subordination.

45.

La Cour de cassation a toutefois fxé la limite à l’intérieur de laquelle les faits justifant
une subordination doivent être retenus :

« Attendu que l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur, c’est-à-dire


dans un lien de subordination, constitue un élément essentiel de tout contrat de travail;
que l’exercice de l’autorité dans un contrat de travail implique évidemment le pouvoir de
direction et de surveillance, même si ce pouvoir n’est pas efectivement exercé » 118.


C.T. Liège, 26 novembre 1987, J.T.T., 1988, p. 189. La cour du travail de Liège avait
à cet égard relevé que les fonctions d’administrateur et de délégué à la gestion
journalière étaient divisibles, une distinction pouvant être faite entre le pouvoir de
représentation conféré par le mandat et l’exercice de la gestion journalière même de la
société. Le critère de dualité de fonction paraît aujourd’hui devoir s’efacer au bénéfce
du critère plus général du lien de subordination, la Cour de cassation, par son arrêt du
30 mai 1988, ayant privilégié cette dernière notion pour conclure à l’existence possible
d’un contrat de travail dans le chef d’un administrateur-délégué. Si, dans un arrêt récent
déjà cité du 9 janvier 1991, la cour du travail de Liège a fait appel au critère d’absence
de dualité de fonctions pour refuser l’existence d’un contrat de travail, elle paraît
toutefois admettre que les administrateurs n’étaient pas administrateurs-délégués et
n’étaient pas chargés, en dehors de leur mandat, de la délégation journalière. N’étant
pas davantage chargés de fonctions techniques distinctes, il ne pouvait en efet être
question d’une mission autre que celle de mandataire social.
118


Cass., 18 mai 1981, Pas., I, p.1079. En ce sens, voyez aussi et notamment Cass., 12
janvier 2004, J.T.T., p. 33 ; Cass., 10 septembre 2001, Pas., I, 1364 ; Cass., 23 juin 1997,
Pas., I, 731.
Si le mandataire social entend prouver qu’existe un contrat de travail pour la fonction
autre que celle découlant de son mandat, il aura à démontrer l’existence d’un lien de
subordination, mais non que celui-ci est efectivement exercé : il suft que l’autorité et
la surveillance soient possibles et qu’elles soient susceptibles d’être exercées119.

Cette jurisprudence s’explique aisément : dans les faits, le lien de subordination ne


peut pas s’exprimer de manière aussi marquée vis-à-vis de personnes exerçant des
fonctions de direction que vis-à-vis d’employés d’exécution120.

46.

Si le contrat de travail est établi pour les fonctions distinctes de celles découlant
purement et simplement de l'exécution de son mandat, le mandataire social
bénéfciera de la sorte et indirectement d'une protection sociale le protégeant sur
ce plan d'une révocation ad nutum et il ne pourra être mis fn à son contrat
d'emploi que dans le strict respect des règles de la loi du 3 juillet 1978 régissant le
contrat de travail et des conventions collectives applicables. Il ne pourra ainsi être
licencié que moyennant préavis ou paiement d'une indemnité compensatoire de
rupture sauf faute grave. Il est toutefois évident que l'indemnité compensatoire ne
sera calculée que sur la seule base des sommes perçues au litre d'employé, et non

119


Claude Wantiez, étude précitée, p.3 ; Claude Wantiez, « Problématique des faux
indépendants ». in « Rémunération des dirigeants », Actes du colloque Vanham &
Vanham du 11 mars 2004, p. 3. Contra S. Vauthier, « Le concept d’autorité possible au
regard de la jurisprudence de la Cour de cassation », in « Le lien de subordination dans
le contrat de travail », UB³, Bruylant, 2005 ; p.58, qui relève que « (…) seule l’autorité
efective est constitutive de la subordination juridique ».
120


cf. à ce propos T.T.Bruxelles, 24 octobre 1983, J.T.T., 1984, p.62; C.T.Mons, 8 février
1988, Pas., II, p.125 où la cour rappelle que « pour décider qu’un administrateur d’une
société anonyme est également lié à sa société par un contrat d’emploi, il faut que soit
précisée, outre les tâches qu’il accomplit en tant que salarié, la possibilité réelle d’un
contrôle sur lui par les autres membres du conseil d’Administration, de qui, en sa qualité de
salarié, il recevrait des ordres ». Comme le souligne à juste titre V. Vannes, « Certaines
fonctions spécialisées ou d’un niveau supérieur peuvent également rendre difcile
l’exercice d’une autorité réelle par le chef d’entreprise qui n’a pas la même formation
technique que le travailleur. (…). L’impossibilité d’exercer une autorité « technique »
n’empêche néanmoins pas l’exercice d’une autre autorité, celle qui résulte de la qualité
de chef d’entreprise et permet de donner des ordres concernant l’organisation et
l’exécution du travail : les tâches à accomplir, les heures et lieux auxquelles ces tâches
devront être accomplies » (V. Vannes, « Le concept de l’autorité dans les relations de
travail », in « Le lien… », UB³, précité, n° 56, p. 33).
sur la base cumulée des sommes perçues en sa double qualité, si le mandat est
rémunéré.121

Egalement, la responsabilité du mandataire social qui serait simultanément


directeur ou chargé de la gestion journalière sous les liens d'un contrat d'emploi,
est fortement atténuée pour ce qui concerne ses fonctions salariées. L'article 18 de
la loi du 3 juillet 1978 stipule en efet qu'« en cas de dommage causé par le
travailleur à l'employeur ou à des tiers dans l'exécution de son contrat, le travailleur
ne répond que de son dol et de sa faute lourde. Il ne répond de sa faute légère que
si celle-ci présente dans son chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel ».

En d’autres termes, s’agissant par exemple d’un administrateur délégué, ce dernier ne


verra sa responsabilité retenue qu’en cas de dol, faute lourde ou faute légère répétée.
La faute légère non habituelle est donc exclue, alors que l’administrateur qui serait
chargé de cette même gestion journalière en dehors de tout contrat de travail devrait
répondre non seulement de son dol, mais encore des fautes, sans restriction quant à
leur gravité, qu’il commet dans sa gestion, conformément au droit commun du
mandat (cf. articles 527 C.S. applicable aux administrateurs de sociétés anonymes et
1992 du Code civil). L’administrateur exerçant des fonctions sous contrat d’emploi
pourra ainsi opposer l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 à une action en
responsabilité, fondée sur l’exécution de ce contrat, intentée par la société. Celle-ci,
par contre, sera, en sa qualité de mandante, tenue d’indemniser intégralement les
tiers éventuellement préjudiciés122.

47.

Divers indices sont révélateurs de l’existence ou de l’absence du lien de subordination.


Doctrine et jurisprudence considèrent ainsi qu’ont une incidence sur la qualifcation
du mode d’exercice de la fonction : 123

121


A noter qu'aux termes de l'article 82, § 5 de la loi du 3 juillet 1978, lorsque la
rémunération annuelle excède 55.193 € (montant adapté au I' janvier 2006 par le jeu
des indexations), l'employeur et l'employé peuvent fxer le délai de préavis à observer
par l'employeur par convention conclue au plus lard au moment de l'entrée en service,
laquelle peut être postérieure à l'engagement proprement dit. Le minimum légal devra
être respecté, mais aucune limite n'est, bien entendu, fxée vers le haut.
122


Cf. à ce propos et notamment Claude Wantiez, étude 1992 précitée, p.6 et les
références qu’il cite. Relevons encore que selon la Cour d’arbitrage, « En limitant la
responsabilité civile du travailleur, le législateur entendait le protéger contre les risques
particuliers auxquels il s’expose dans l’exécution de son contrat de travail et qui
peuvent impliquer pour lui une charge fnancière considérable ». (arrêt n°47/2006, du
22 mars 2006, rôle n° 3714, considérant B.5).
123


Cfr. à ce propos Claude Wantiez, « Aspects sociaux du statut d’administrateur :
principes généraux et examen des réformes récentes », précité, pp. 3 et suivantes et les
références citées; N. Beaufls, « Cumul mandat social-contrat de travail », J.T.T., 1990,
pp.247 et 248, et l’ensemble des références citées.
- l’existence d’un contrat de travail écrit

47.1
Cette matière a évolué. Auparavant, la jurisprudence de la Cour de cassation était
que, le juge n’est pas tenu par la qualifcation donnée par les parties aux relations
qu’elles entretiennent, celui-ci devant en efet rechercher leur volonté réelle à la
lumière de tous les éléments de fait124. Toutefois, la jurisprudence des juridictions
de fond se voulait plus nuancée, celles-ci ayant tendance à n’écarter ou à ne
rectifer la qualifcation donnée par les parties à leurs relations que dans le cas où
soit les stipulations contractuelles, soit l’exécution de la convention, soit les
éléments objectifs de la réalité le justifaient125;

47.2
La Cour de cassation a substantiellement modifé sa position. Dans un arrêt du 23
décembre 2002, elle décide en efet que : « Lorsque les parties ont qualifé leur
convention, le juge du fond ne peut y substituer une qualifcation diférente lorsque les
éléments soumis à son appréciation ne permettent pas d’exclure de qualifcation qui
avait été donnée par la partie ».126 Elle a confrmé cette jurisprudence à deux
reprises depuis.127 La qualifcation conventionnelle est dorénavant chose
importante : elle présente un caractère « semi-contraignant ».128 Le juge doit y avoir
124


Cass., 7 septembre 1992, J.T.T., 93, 317, confrmant sa jurisprudence antérieure.
125


Cl. Wantiez, « Salarié ou indépendant : Comment instaurer une plus grande
fexibilité dans les relations de travail », in Actes du Colloque du 28.11.1995 : Comment
réduire le coût du personnel grâce à la fexibilité du travail ?, sp. p. 4 et les références
citées ;C.T. Liège, 14 mai 2003, inédit, cité par CL. Wantiez, « Problématique des faux
indépendants », précité, p. 6, où la cour souligne que « Lorsque les parties ont qualifé
leurs relations, c’est cette qualifcation qui prime, de sorte que seule l’erreur, la fraude ou les
modalité inconciliables avec la qualifcation donnée permettent au juge de modifer celle-
ci », C.T. Bruxelles, 25 juin 2001, J.T.T., 2001, p. 446 ; C.T. Mons, 4 septembre 2000, J.T.T.,
2000, p. 481.
126


Cass., 23 décembre 2002, J.T.T. 2003, p. 271. Nous sommes d’avis que cette
jurisprudence marque une évolution en ce qu’elle donne à présent plus d’importance à
l’écrit qu’auparavant, même s’il appartient toujours au juge d’examiner les faits qui lui
sont soumis. En ce sens notamment, Cl. Wantiez, « Problématiques des faux
indépendants », précité ; M. Dupont, « La preuve de la subordination juridique », in « Le
lien … », UB³, précité, n°13, p. 99 ; Contra, V. Vannes, « Le lien de subordination sous le
regard de l’autorité démembrée », in « Actes du colloque organisé le 19 mars 2004 par
l’Ordre des avocats du barreau de Tournai et le jeune barreau de Tournai », Kluwer,
2004 ; J. Clesse, « La notion générale du lien de subordination », in « Le Lien de
subordination – Etudes pratiques du droit du travail », Kluwer, 2004, p. 31.
127


Cass., 28 avril 2003, J.T.T. 2003, p. 261 ; Cass. 8 décembre 2003, J.T.T., 2004, p. 122.
128


Cl. Wantiez, « Problématique des faux indépendants », précité, p. 4. Le tribunal de
première instance de Bruxelles paraît en avoir fait une juste application en décidant que
« la qualifcation juridique du contrat exprime la volonté des parties, sauf s’il apparaît
égard, et ne peut s’en écarter que s’il relève des indices excluant cette qualifcation.
Ainsi, dans les arrêts prononcés par la Cour de cassation, le fait d’être intégré dans
une organisation de travail conçue par et pour le maître de l’ouvrage, d’avoir dû
accepter un statut d’indépendant pour accéder à un emploi, d’avoir à travailler 8 ou
9 heures par jour pour le maître de l’ouvrage, d’avoir à respecter les conditions de
vente imposées par celui-ci ou même l’absence d’autonomie de gestion dans le
chef du contractant, sont autant d’indices qui ne permettent pas d’exclure la
qualifcation de contrat d’entreprise.

En d’autres termes, l’existence d’indices qui, pris ensemble ou isolément, pourraient


aussi se retrouver dans un contrat de travail, ne peuvent en eux-mêmes exclure la
qualifcation de contrat d’entreprise donné par les parties. Bien entendu, s’il s’agit
de se fer à des horaires stricts, de se soumettre à des instructions précises et
permanentes, ou encore d’exécuter des travaux subalternes, cela sera nconciliable
avec la qualifcation donnée par les parties à leur contrat.129
qu’elle est inconciliable avec les faits ou la manière dont le contrat a réellement été exécuté.
En conséquence, il appartient au demandeur de démontrer l’existence d’un lien de
subordination (…) » (Trib. Bruxelles, 1er juin 2005, rôle n°2001/4521/A).
129


ibid., p. 7. Voy. C. Trav. Bruxelles, 8 décembre 2005, rôle n° 44982, dans une espèce
où tous les laveurs de vitres ofciant pour le compte d’une société en étaient nommés
gérants, mais ne participaient à aucune décision de gestion, étaient révoqués dès qu’ils
cessaient d’être actifs comme laveurs de vitres, recevaient des instructions précises (tel
travail, tel co-équipier, tel bon de mission à faire signer par le client et à retourner à la
société, …) et ne pouvaient engager la société qu’avec la co-signature d’une ou deux
personnes bien défnies : la simulation fut retenue, s’agissant manifestement de faux-
indépendants. Dans le même sens, C. Trav. Liège, 28 juin 2005, rôle n°07460-03, qui
décide qu’une serveuse de bar qui n’est pas fnancièrement intéressée à la bonne
marche de l’afaire, qui est surveillée par la tenancière du bar présente sur les lieux,
laquelle contrôle en outre les stocks sur base desquels la serveuse reçoit son
attribution, n’est pas une indépendante et est sous les liens d’un contrat de travail. La
cour précise que « une certaine liberté, englobant des prestations sur lesquelles la serveuse
ne doit pas rétrocéder un pourcentage du produit de son activité, n’est pas incompatible
avec l’existence d’un lien de subordination ». Relevons qu’en 1999, un avant-projet de loi
avait été déposé par Mme Onkelinx, alors ministre de l’emploi et du travail, visant à
modifer l’article 5bis de la loi du 3 juillet 1978 et instituant une présomption réfragable
de l’existence d’un contrat de travail lorsque la majorité de douze critères fxés par
arrêté royal est atteinte. Le texte légal projeté excluait notamment comme critère
pouvant renverser cette présomption, la qualifcation donnée à leur convention par les
parties. En juin 2005, M. Vandenbroucke à son tour ministre de l’Emploi et du Travail a
déposé un avant-projet de loi concernant la distinction entre travailleur salarié et
travailleur indépendant, ainsi qu’un avant-projet d’arrêté royal d’exécution, le tout dans
le sens du projet de Mme Onkelinx. Ces textes actuellement « au frigo », contredisent les
données juridiques et jurisprudentielles actuelles. Ils mettent par ailleurs en avant des
indices économiques au détriment du critère d’autorité qui pourtant devrait être
prédominant. La « chasse aux faux indépendants » est une réalité. Une formule, dite
« UNIZO » a même été mise au point, qui attache à douze critères sensiblement les
mêmes – quoique diférents – des points : si le total excède 60 points, on serait en
présence d’un indépendant, alors qu’inférieur à 40, il ne pourrait être considéré comme
tel. Entre 40 et 60 points, le cas serait douteux et soumis, selon le projet, à une
commission sociale avec avis contraignant. Nous regrettons à la fois cette
47.3
Le législateur a mis fn au suspense : la loi-programme (I) du 27 décembre
2006130 contient des dispositions importantes relatives à la nature des relations
de travail. L'article 328,5° défnit la « relation de travail » comme étant la «
collaboration professionnelle portant sur la prestation d'un travail par une partie en
qualité soit de travailleur salarié, soit de travailleur indépendant », étant entendu
qu'il y a lieu d'entendre :

a) par « travailleur salarié » : la personne qui s'engage dans un contrat de travail à


fournir, contre rémunération, un travail sous l'autorité de l'autre partie au
contrat, l'employeur ;

b) par « travailleur indépendant » : la personne physique qui exerce une activité


professionnelle en dehors d'un lien d'autorité visé sous a) et qui n'est pas
engagée dans les liens d'un statut.

Les règles sont ainsi clairement posées. Les articles 331 et 332 de cette même loi
contiennent les principes directeurs qui doivent guider dans la recherche de la
qualifcation de la nature de la relation de travail.

47.4
Est d'abord énoncé le principe suivant lequel, « sans pouvoir contrevenir à
l'ordre public, aux bonnes mœurs et aux lois impératives, les parties choisissent
librement la nature de leur relation de travail, dont l'exécution efective doit être
en concordance avec la nature de la relation. La priorité est à donner à la
qualifcation qui se révèle de l'exercice efectif si celle-ci exclut la qualifcation
juridique choisie par les parties ». 131 C'est là, sous une forme positive, une
application fdèle de la jurisprudence de la Cour de cassation relevée plus haut.

« caractérisation » de la notion d’indépendant, mais aussi la « fonctionnarisation » de


l’évolution des critères ou d’appréciation de ceux-ci, le tout manifestant une méfance
de mauvais aloi à l’égard des cours et tribunaux qui sont, pourtant, les mieux à même
pour prendre les décisions requises lorsqu’il s’avère nécessaire de les prendre. Il semble
qu’on veuille toutefois en revenir à une situation plus saine et plus respectueuse de la
volonté et de la liberté des parties : Mme Laruelle, ministre des Classes moyennes, a
élaboré une loi-cadre, relative à la nature des relations de travail, que nous détaillerons
plus avant. Si même on peut s’interroger, comme nous le faisons, sur la nécessité
impérieuse de légiférer, une approche qui intègre la jurisprudence de la Cour de
cassation pourrait être la réponse aux inquiétudes et aux dérives (Pour un point
chronologique de la situation, voy. Eric Carlier et C. Preumont, « L’état des projets
législatifs et la position de l’ONSS à l’égard de la profession d’avocat », in « Le lien… »,
UB³, précité, pp. 166-172).
130


M.B., 28 décembre 2006, 3ème édition.
131


Article 331 loi-programme du 27 décembre 2007.
Là où les choses « dérapent » selon nous, c'est lorsque le législateur décide de
fxer dans la loi et arrêtés d'exécution les indices qui doivent amener le juge à
retenir une autre qualifcation que celle voulue par les parties. L'article 332 de la
loi-programme, tel que modifé par la loi du 25 août 2012 modifant le Titre XIII
de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006132, dispose en efet que (i) soit
lorsque l'exécution de la relation de travail laisse apparaître la réunion de
sufsamment d'éléments incompatibles avec la qualifcation donnée par les
parties à la relation de travail, (ii) soit lorsque la qualifcation donnée par les
parties à la relation de travail ne correspond pas à la nature de la relation de travail
présumée par le chapitre V/1 (dont il sera question ci-dessous), et que cette
présomption n'est pas renversée, il y aura une requalifcation de la relation de travail
et application du régime de sécurité sociale correspondant, sans préjudice toutefois
des dispositions suivantes :
1) l'article 2, § 1er, 1° et 3°, de la loi du 27 juin 1969, l'article 2, § 1er, 1° et 3°, de la
loi du 29 juin 1981 et l'article 3, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal n° 38, ainsi que toute
disposition prise sur la base de ces dispositions, et
2) de manière générale, toute disposition légale ou réglementaire imposant ou
présumant de manière irréfragable l'exercice d'une profession ou d'une activité
déterminée en qualité de travailleur indépendant ou de travailleur salarié. Les
''éléments'' auxquels se réfère le législateur sont appréciés sur la base des critères
généraux tels que défnis à l'article 333 et, le cas échéant, des critères spécifques
d'ordre juridique ou socio-économique déterminés conformément à la
procédure d'avis que la loi institue.

47.5
Sans rentrer ici dans tous les détails, retenons que les critères généraux qui
permettent d'apprécier l'existence ou l'absence du lien d'autorité sont, aux
termes de l'article 333 de cette même loi :
- la volonté des parties telle qu'exprimée dans leur convention pour autant
que cette dernière soit exécutée conformément aux dispositions de
l'article 331 ;
- la liberté d'organisation du temps de travail ;
- la liberté d'organisation du travail ;
- la possibilité d'exercer un contrôle hiérarchique.

Par ailleurs, d'une part, les contraintes inhérentes à l'exercice d'une profession qui
sont imposées par ou en vertu d'une loi, ne peuvent être prises en considération
pour apprécier la nature d'une relation de travail d'autre part, la loi fxe des
éléments qui, à eux seuls sont impuissants à qualifer adéquatement la relation de
travail, étant l'intitulé de la convention, l’inscription auprès d'un organisme de
sécurité sociale, l'inscription à la Banque-carrefour des entreprises l'inscription
auprès de l'administration de la T.V.A. ou encore la manière dont les revenus sont
déclarés à l'administration fscale. Auparavant déjà, doctrine et jurisprudence
n'attachaient très généralement aucune incidence au caractère gratuit du mandat
exercé, à l'assujettissement à l'ONSS, au bénéfce des allocations sociales 133, à la
132


Moniteur belge, 11 septembre 2012
133
remise de documents sociaux ou même au mode de rémunération. Les éléments
retenus par le législateur s'inscrivent dans cette optique. En outre, au même titre
que la loi l'indique à présent, si de tels indices étaient, parfois, retenus, ce n'était
généralement pas « à eux seuls », mais dans un cadre confrmatif d'une situation
déjà largement établie par d'autres éléments de fait.

47.6
Quant aux critères spécifques, dont il est question à l'article 334 de la loi-
programme du 27 décembre 2006, tel que modifé par la loi du 25 août 2012, ils
sont fxés par le Roi qui peut établir une liste de critères spécifques propres à un ou
plusieurs secteurs, à une ou plusieurs professions, à une ou plusieurs catégories de
professions ou à une ou plusieurs activités professionnelles qu'Il détermine.

Cette liste complète les critères visés à l'article 333. Ces critères spécifques ne
peuvent consister qu'en des éléments relatifs à la présence ou l'absence d'un lien
d'autorité, et ne peuvent pas déroger aux critères déterminés à l'article 333. Cette
liste de critères spécifques peut comporter, notamment 134 des éléments d'ordres
socio-économique et juridique suivants :
• la responsabilité et le pouvoir de décision sur les moyens fnanciers afn de
maintenir la rentabilité de l'entreprise ;
• la garantie de paiement périodique d'une rémunération;
• l'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du capital
propre et la participation personnelle et substantielle dans les gains et les
pertes de l'entreprise ;
• la possibilité d'engager du personnel ou se faire remplacer ;
• se présenter comme une entreprise à l'égard du cocontractant et des tiers ;
• travailler dans ses propres locaux et/ou avec du matériel propre.

En cas de concours entre des critères par secteur, des critères par profession, et/ou
des critères par catégorie d'une profession, les derniers cités priment sur les
précédents.

47.7
La loi du 25 août 2012 crée un chapitre V/1 qui instaure une présomption
concernant la nature de la relation de travail, pour certains secteurs d'activités
déterminés. Quatre secteurs sont visés par la loi :
• la construction, étant d'une part, (A) les travaux agricoles et horticoles,
l'agriculture, l'horticulture et les entreprises forestières, et d'autre part, (B)
l'ameublement et l'industrie transformatrice du bois, la construction, les
constructions métallique, mécanique et électrique et les électriciens ;
• le secteur des services de surveillance et de gardiennage pour le compte de tiers
• le secteur du transport de biens et de personnes pour le compte de tiers;


Voy Bruxelles, 21 juin 1988, précité où la cour relève que « l'assujettissement à la
sécurité sociale n'est pas, en soi, déterminant, celui-ci pouvant constituer un artifce tendant
à créer l'apparence d'un contrat de travail dont la réalité n'est par ailleurs nullement
établie par les faits ».
134


Le Roi dispose donc d'un pouvoir d'appréciation, et peut défnir d'autres
éléments que ceux visés à l'article 334 §3 de la loi-programme I du 27 décembre
2006.
• le nettoyage.

L'article 337/2. § 1er de la loi-programme (I) prévoit dorénavant que :


« Les relations de travail visées à l'article 337/1, sont présumées jusqu'à preuve du
contraire, être exécutées dans les liens d'un contrat de travail, lorsque de l'analyse de la
relation de travail il apparaît que plus de la moitié des critères suivants sont remplis:
a) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque fnancier ou
économique, comme c'est notamment le cas :
- à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du capital
propre, ou,
- à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de
l'entreprise;
b) défaut dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de
décision concernant les moyens fnanciers de l'entreprise dans le chef de l'exécutant des
travaux;
c) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de tout pouvoir de décision
concernant la politique d'achat de l'entreprise;
d) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision concernant la
politique des prix de l'entreprise, sauf si les prix sont légalement fxés;
e) défaut d'une obligation de résultats concernant le travail convenu;
f) la garantie du paiement d'une indemnité fxe quel que soient les résultats de
l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'exécutant des travaux;
g) ne pas être soi-même l'employeur de personnel recruté personnellement et librement
ou ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour
l'exécution du travail convenu;
h) ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son
cocontractant ou travailler principalement ou habituellement pour un seul
cocontractant;
i) travailler dans des locaux dont on n'est pas le propriétaire ou le locataire ou avec du
matériel mis à sa disposition, fnancé ou garanti par le cocontractant.
§ 2. Lorsqu'il apparaît que plus de la moitié des critères, visés au paragraphe 1er ne sont
pas remplis, la relation de travail est présumée de manière réfragable être un contrat
d'indépendant.
Cette présomption peut être renversée par toutes voies de droit et notamment sur la
base des critères généraux fxés dans la présente loi.
§ 3. Le Roi peut, selon la même procédure que celle prévue à l'article 335, prévoir des
critères spécifques propres à un ou plusieurs secteurs, une ou plusieurs professions, une
ou plusieurs catégories de professions ou à une ou plusieurs activités professionnelles
qu'Il détermine, et qui remplacent ou complètent les critères visés au paragraphe 1er.
Ces critères doivent contenir des éléments qui ont un rapport avec une dépendance
socio-économique ou une subordination juridique ».

La loi défnit donc des critères permettant à identifer les faux indépendants, et pour
ces quatre secteurs, une liste de neuf critères a été établie. S’il apparaît - de l’analyse
de la relation de travail - que plus de la moitié des critères sont remplis, la relation
de travail est présumée, jusqu’à preuve du contraire, être exécutée dans les liens
d’un contrat de travail. Inversement, si plus de la moitié des critères ne sont pas
remplis, la personne qui exécute le travail est considéré comme faux indépendant et
la relation de travail est présumée être un contrat d’indépendant. Il s’agit d’une
présomption non-irréfragable.
47.8
Dans le domaine de la construction (B), un arrêté royal du 7 juin 2013 (entré en
vigueur le 5 juillet 2013) pris en exécution de l'article 337/2, § 3, de la loi-
programme (I) du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature des relations de
travail qui se situent dans le cadre de l'exécution de certains travaux immobiliers,
est intervenu et remplace comme suit les critères énoncés à l'article 337/2 de la loi-
programme (nous soulignons les particularités) :

Si au moins la moitié des critères suivants sont remplis, il y a présomption non-


irréfragable d'activité salariée :

« a) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque fnancier
ou économique, comme c'est notamment le cas :
1° à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du
capital propre, ou,
2° à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes
de l'entreprise, ou,
3° à défaut de responsabilité personnelle, autre que portant sur un dol, une faute
lourde ou une faute légère habituelle, appréciée le cas échéant notamment en
fonction du cahier des charges ou de tout autre engagement, vis-à-vis des travaux
réalisés;
b) défaut dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de
décision concernant les moyens fnanciers de l'entreprise, comme c'est notamment
le cas en ce qui concerne les dépenses, recettes, investissements ou afectation des
moyens, propres ou non, de l'entreprise;
c) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision
concernant la politique d'achat et des prix de l'entreprise ou de liberté dans
l'identifcation des clients potentiels, la négociation ou la conclusion de contrats;
d) la garantie du paiement d'une indemnité fxe quel que soient les résultats de
l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'exécutant des
travaux. Pour l'application de ce critère, il ne doit pas être tenu compte des avances
fxes relatives à l'acquisition de matériaux ou matières premières;
e) ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour
l'exécution du travail convenu;
f) ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son
cocontractant, comme c'est notamment le cas lorsqu'il n'est pas fait usage de
certains éléments visibles caractérisant l'entreprise, tels des logos, lettrages sur
véhicules, panneaux d'afchage ou slogans publicitaires;
g) travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant;
h) travailler dans des locaux situés hors chantier ou avec du matériel dont on n'est
pas le propriétaire ou le locataire, comme c'est notamment le cas lorsqu'il est
travaillé dans des locaux afectés à des fns d'entreposage ou d'atelier ou avec des
véhicules, matériel ou outillage dont l'exécutant des travaux n'est pas le
propriétaire, qu'il n'a pas pris en leasing ou qui ont été mis à sa disposition par le
cocontractant;
i) ne pas travailler de manière autonome vis-à-vis des équipes de travail du
cocontractant ou de l'entreprise au sein de laquelle l'exécutant des travaux a la
qualité d'associé actif. »

47.9
Dans le domaine du gardiennage, un arrêté royal du 29 avril 2013 (entré en
vigueur le 24 mai 2013) pris en exécution de l'article 337/2, § 3, de la loi-
programme (I) du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature de la relation
de travail entre un agent de gardiennage visé par la loi du 10 avril 1990
réglementant la sécurité privée et particulière et son cocontractant (nous
soulignons les particularités) :

Si au moins la moitié des critères suivants sont remplis, il y a présomption non-


irréfragable d'activité salariée :

« a) défaut, dans le chef de l'agent de gardiennage, d'un quelconque risque fnancier


ou économique, comme c'est notamment le cas :
- à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du
capital propre, ou,
- à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes
de l'entreprise;
b) défaut dans le chef de l'agent de gardiennage, de responsabilité et de pouvoir de
décision concernant les moyens fnanciers de l'entreprise;
c) défaut, dans le chef de l'agent de gardiennage, de tout pouvoir de décision
concernant la politique d'achat de l'entreprise;
d) défaut, dans le chef de l'agent de gardiennage, de pouvoir de décision
concernant la politique des prix de l'entreprise, sauf si les prix sont légalement fxés,
ou de participation dans l'identifcation des clients potentiels et dans la négociation
et la conclusion de contrats commerciaux de gardiennage;
e) défaut d'une obligation de résultats concernant le travail convenu;
ou absence, dans le chef de l'agent de gardiennage, d'accès direct à l'information
relative au site du client à surveiller;
ou absence, dans le chef de l'agent de gardiennage, de rédaction de planning
propre et d'organisation propre du travail;
ou absence, dans le chef de l'agent de gardiennage, de détermination du lieu de
travail;
ou soumission de l'agent de gardiennage à un système de pointage;
ou soumission de l'agent de gardiennage au contrôle de supérieurs hiérarchiques;
f) la garantie du paiement d'une indemnité fxe quel que soient les résultats de
l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'agent de
gardiennage;
g) ne pas être soi-même l'employeur de personnel recruté personnellement et
librement ou ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire
remplacer sans autorisation pour l'exécution du travail convenu;
h) ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou
travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant;
i ) travailler avec du matériel mis à sa disposition, fnancé ou garanti par le
cocontractant;
ou travailler avec des moyens de communication dont l'agent de gardiennage
n'est pas propriétaire ou locataire;
ou travailler avec un uniforme portant le logo de l'entreprise du cocontractant;
ou travailler avec une carte d'identifcation S.P.F. Intérieur sur laquelle le nom du
cocontractant est mentionné. »

47.10
Dans le domaine agricole et horticole, un arrêté royal du 20 juin 2013 (entré en
vigueur le 8 juillet 2013) pris en exécution de l'article 337/2, § 3, de la loi-
programme (I) du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature des relations
de travail qui se situent dans le cadre de l'exécution des activités qui ressortent
du champ d'application de la commission paritaire de l'agriculture ou de la
commission paritaire pour les entreprises horticoles (nous soulignons les
particularités) :

Si au moins la moitié des critères suivants sont remplis, il y a présomption non-


irréfragable d'activité salariée :

« a) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque fnancier
ou économique, comme c'est notamment le cas :
- à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du
capital propre, ou,
- à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes
de l'entreprise;
b) défaut dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de
décision concernant les moyens fnanciers de l'entreprise;
c) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision
concernant la politique d'achat de l'entreprise;
d) défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision
concernant la politique des prix de l'entreprise, sauf si les prix sont légalement fxés;
??
e) la garantie du paiement d'une indemnité fxe quel que soit le volume des
prestations fournies dans le chef de l'exécutant des travaux;
f) ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel propre ou de se faire remplacer
pour l'exécution du travail convenu;
g) ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes, comme
c'est notamment le cas lorsqu'il n'est pas fait usage d'un logo ou d'un nom
d'entreprise propre, ou travailler principalement ou habituellement pour un seul et
même cocontractant;
h) travailler exclusivement ou principalement avec du matériel ou des moyens de
transport mis à disposition, fnancé ou garanti par le cocontractant;
i) l'absence d'autonomie de l'exécutant des travaux, vis-à-vis du cocontractant, en
ce qui concerne son logement;
j) travailler sur les mêmes lieux que les travailleurs du cocontractant, exécuter les
mêmes travaux qu'eux et ne pas disposer d'une connaissance professionnelle
spécialisée nécessaire à l'exécution des travaux. »
47.11
L'article 329 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, telle que modifée
par la loi du 25 août 2012, instaure, une Commission Administrative de la
relation de travail avec plusieurs chambres 135. Les chambres sont chacune
composées d'un nombre égal de membres désignés sur proposition du Ministre
qui a les Classes moyennes dans ses attributions parmi le personnel de son
administration ou de l'INASTI, d'une part, et de membres désignés sur la
proposition des Ministres qui ont les Afaires sociales et l'Emploi dans leurs
attributions parmi les membres du personnel de leurs administrations ou de
l'ONSS d'autre part. Chaque chambre est présidée par un magistrat
professionnel et les membres des Chambres sont nommés par le Roi. C'est aussi
le Roi qui détermine la composition et le fonctionnement de la commission
administrative. La commission peut décider d'entendre des experts du ou des
secteurs concernés ou de la ou des professions concernée.

Cette Commission administrative de la relation de travail n'a fnalement


réellement vu le jour que le 3 mars 2013 suite à l'adoption de l'AR du 11 février
2013 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission
Administrative de règlement de la relation de travail. Elle est établie auprès du
SPF Sécurité sociale.

L’objectif de cette commission est de statuer sur les cas individuels de


qualifcation de relation de travail qui lui sont soumis, de l’initiative des deux
parties à la relation de travail. Une espèce particulière de « ruling » administratif,
dont nous ne sommes pas davantage convaincu de l'opportunité est ainsi mise
en place par l'article 338 de la loi-programme. La demande doit être introduite
au grefe de la Commission Administrative, soit par dépôt d'une requête sur
place, soit par lettre recommandée (un formulaire standard136 est à disposition) ;
elle doit être signée et mentionner le nom, prénom, domicile et, le cas échéant,
numéro de registre national du demandeur, l'objet et la raison de la demande,
ainsi que l'indication du secteur concerné (ou le cas échéant, si nécessaire, les
modifcations apportées à la relation de travail). Il faut également joindre à la

135


La loi-programme (I) du 27 décembre 2006 prévoyait quant à elle l'institution d'une
Commission de règlement de la relation de travail, constituée de deux sections : une
section normative comportant une chambre et une section administrative comportant
plusieurs chambres. La section normative n'a cependant jamais vu le jour.
Voyez pour une première étude de la loi-programme du 27 décmebre 2006 : P.
Verdonck, J. Clesse, JL Davain, D. De Roy, M. De Rue, C. Lhoste, JF Neven, S. Scaillet, B.
Van Braekel, PP. Van Gehuchten, « La nouvelle loi sur les relations de travail : premier
état et perspectives », Anthémis, hors collection, 2007.
La Commission normative, qui devait jouer un rôle dans l’établissement de critères
spécifques au secteur, a depuis été supprimée. La Commission administrative doit
quant à elle traiter des dossiers concrets. Il a cependant fallu attendre jusqu’au mois de
mars 2013 pour constituer cette dernière !
136


Pour le formulaire standard : http://socialsecurity.fgov.be/docs/fr/commissie-
arbeidsrelatie/aanvraagformulier-fr.pdf
demande tous documents pouvant servir à qualifer la relation de travail et
préciser les conditions relatives à l'exécution de celle-ci.

Les décisions rendues par la Commission Administrative produisent leurs efets


pour une durée de 3 ans dans les cas où, d'une part, elles sont rendues à
l'initiative d'une seule partie à la relation de travail lorsque celle-ci commence
une activité professionnelle de travailleur indépendant et en fait la demande
lors de son afliation à une caisse d'assurances sociales, et ceci soit au moment
de l'afliation soit dans un délai d'un an à partir du début de la relation de
travail, d'autre part, elles sont rendues à l'initiative d'une seule partie qui
envisage d'avoir une relation de travail avec une autre dont le statut de
travailleur salarié ou de travailleur indépendant est incertain, et en fait la
demande directement à la Commission administrative, soit préalablement au
début de la relation de travail soit dans un délai d'un an à partir du début de la
relation de travail.

47.12
Aucune décision ne peut être donnée lorsqu'au moment de l'introduction de la
demande, les services compétents des institutions de sécurité sociale ont ouvert
une enquête ou une instruction pénale a été ouverte concernant la nature de la
relation de travail, ni lorsqu'une juridiction du travail a été saisie ou s'est déjà
prononcée sur la nature de la relation de travail concernée.

Les décisions de la Commission Administrative sont prises dans les trois mois
suivant la date d'introduction de la demande ; ce délai étant prolongé, le cas
échéant, du nombre de jours entre la date de la demande des documents
supplémentaires et la date de réception desdits documents. Pour les demandes
introduites par une seule partie, au moment du début de l'activité,
professionnelle, lors de l'inscription à la Caisse d'assurances sociales, le délai de
trois mois ne commence à courir que le jour où le grefe reçoit de la caisse
d'assurances sociales concernée les documents et informations requis.

Les décisions de la Commission administrative lient les institutions représentées


en son sein ainsi que les caisses d'assurances sociales. Il y est fait exception
lorsque les conditions relatives à l'exécution de la relation de travail et sur
lesquelles la décision s'est fondée sont modifées, auquel cas, la décision ne
produit plus ses efets à partir du jour de la modifcation de ces conditions. Il y
est également fait exception lorsqu'il apparaît que les éléments à la qualifcation
de la relation de travail qui ont été fournis par les parties l'ont été de manière
incomplète ou inexacte, auquel cas, la décision est censée n'avoir jamais existé.
Un recours contre ces décisions peut être introduit devant les juridictions du
travail par les parties dans le mois suivant sa notifcation à celles-ci par lettre
recommandée à la poste. Si aucun recours n'est introduit endéans ce délai, la
décision devient défnitive.

Relevons encore que lorsqu'une institution de sécurité sociale conteste la nature


d'une relation de travail elle est tenue de consulter préalablement la
jurisprudence de la section administrative de la Commission. A cet égard,
chaque année, la commission administrative établit un rapport reprenant sa
jurisprudence.

47.13
Nous n'avons jamais été partisans d'une législation qui rend les situations
rigides voire complique encore la tâche de l'interprète, puisqu'en efet, le
pouvoir souverain des cours et tribunaux d'apprécier la nature d'une relation de
travail déterminée devra s'exercer, aux termes de la l'article 339 de la loi, compte
tenu des critères généraux et, le cas échéant, des critères spécifques applicables
à celle-ci, et le cas échéant de la présomption prévue au chapitre V/1 : par
exemple, le critère spécifque relatif à « la garantie de paiement périodique de la
rémunération » nous apparaît sans incidence réelle sur la qualifcation du
contrat, dès lors qu'il est de coutume de « mensualiser » des sommes dues à des
indépendants pour la facilité et le confort, situation parfois même requise par la
loi, comme c'est le cas pour les dirigeants d'entreprise dont seules les
rétributions versées régulièrement et « au moins une fois par mois » sont prises
en compte pour la déduction des primes et cotisations d'assurance que la loi
vise.

Et puis, les indépendants peuvent se trouver dans des situations tellement


diférentes les unes des autres, même au sein d'un même secteur et ne fût-ce
que pour des raisons de réussite professionnelle, qu'il nous semble illusoire de
vouloir défnir des cadres contraignants : qu'est-ce que l'on peut bien tirer
comme conclusion certaine et défnitive du fait de travailler ou non dans ses
propres locaux, de participer ou non dans le capital d'une entreprise, d'avoir ou
non des moyens propres de capitalisation, d'avoir la capacité d'engager ou non
du personnel, etc. ? Poser la question, c'est y répondre...

47.14
L'article 340 § 2 et 3 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 contient les
règles applicables en cas de requalifcation de la relation de travail et à ses
répercussions.

En cas de requalifcation en relation de travail salariée, par dérogation aux


dispositions du chapitre IV de la loi du 27 juin 1969, et sans préjudice de
l'application du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés, la
rectifcation ne portera que sur les cotisations proprement dites, à l'exclusion
des majorations, intérêts et autres frais ou sanctions prévues au chapitre IV de
ladite loi, et sous déduction des cotisations dues durant cette période à
l'organisme percepteur de cotisations de sécurité sociale des travailleurs
indépendants. De même, dans cette hypothèse, les cotisations dues durant la
période antérieure à la requalifcation à l'organisme percepteur de cotisations
de sécurité sociale des travailleurs indépendants, demeurent acquises et ne
pourront être récupérées par le travailleur dont la relation de travail a été
requalifée.

En cas de requalifcation en relation de travail indépendante, par dérogation aux


dispositions de l'arrêté royal n° 38, et sans préjudice de l'application du régime
de sécurité sociale des travailleurs indépendants, la rectifcation ne portera que
sur les cotisations proprement dites, à l'exclusion des majorations et intérêts, et
sous déduction des cotisations personnelles dues durant cette période à l'Ofce
national de sécurité sociale des travailleurs salariés. De même, dans cette
hypothèse, les cotisations personnelles dues durant la période antérieure à la
requalifcation à l'O.N.S.S. demeurent acquises et ne pourront être récupérées ni
par le travailleur, ni par son ancien employeur.

47.15
Nous pensons intéressant de relever quatre arrêts récents rendus par la Cour de
cassation les 23 mars 2009, 25 mai 2009, 1er décembre 2008 et 10 octobre 2011.
Par ces arrêts, la Cour ne s'écarte pas de sa jurisprudence antérieure.

Dans son arrêt du 23 mars 2009137 (période concernée : rémunérations perçues


en 2004), la Cour de cassation de Belgique confrme sa jurisprudence antérieure,
à savoir que lorsque les éléments soumis à son appréciation ne permettent pas
d'exclure la qualifcation donnée par les parties à la convention qu'elles ont
conclue, le juge du fond ne peut y substituer une qualifcation diférente. En
l'espèce, il était demandé au travailleur de faire établir des cartes de visite, il
recevait des instructions pour faire suivre le courrier et pour les provisions à
demander aux membres, il retravaillait des lettres du président, devait achever
des tâches, transmettre l'information et agir dans le cadre des structures de la
société en relation avec le président et le conseil d'administration. Selon la Cour,
ni séparément ni conjointement, ces éléments ne sont incompatibles avec
l'existence d'un contrat d'entreprise, et elle casse donc l'arrêt attaqué.

Dans un arrêt du 25 mai 2009138 (période concernée : rémunérations perçues de


1997 à 2002), la Cour confrme une fois de plus sa position, mais cette fois en
s’exprimant de manière positive – dès lors qu’elle valide la requalifcation faite
du contrat par le juge du fond –, à savoir que lorsque les éléments soumis à son
appréciation permettent d'exclure la qualifcation donnée par les parties à la
convention qu'elles ont conclue, le juge du fond peut y substituer une
qualifcation diférente. Pour écarter la qualifcation de contrat d'entreprise que
les parties avaient donnée à leur convention et retenir l'existence d'un lien de
subordination, l'arrêt de la Cour d’appel s’était fondé sur la manière dont le
contrat avait été exécuté et, en particulier, sur les éléments de fait suivants : « 1°)
l'exercice par la demanderesse du pouvoir de donner des ordres à la
défenderesse en ce qui concerne les horaires des prestations, spécialement
celles du samedi en vue d'assurer les permanences, la rédaction d'un compte
rendu précis des tâches et du temps imparti quotidiennement à leur réalisation,
la production d'un certifcat médical lors d'une incapacité de travail, l'assistance
obligatoire à des formations et, en cas d'impossibilité d'y être présente,
l'obtention de l'accord du responsable du service ; 2°) l'exercice par la

137


Cass. 23 mars 2009, rôle n°S.08.0136.F, www.cass.be
138


Cass. 25 mai 2009, rôle n°S.08.0082.F, www.cass.be
demanderesse de son pouvoir de surveillance de l'activité de la défenderesse en
obligeant celle-ci à compléter un « registre de présence » détaillé mentionnant
l'heure d'arrivée et de fn des prestations, la durée de la pause à midi, le nombre
d'heures prestées et le temps presté en plus ou en moins, et à remplir des
feuilles d'emploi du temps. » Selon la Cour de cassation, l'arrêt de la Cour
d’appel décide ainsi légalement que ces parties étaient liées par un contrat de
travail, dès lors que les éléments qu'il a relevés, pris isolément ou ensemble,
étaient incompatibles avec un contrat d'entreprise.

Dans son arrêt du 1er décembre 2008, la Cour de cassation, section


néerlandophone, avait déjà jugé que lorsque les parties ont qualifé leur
convention de contrat de collaboration indépendante, la preuve du lien de
subordination n’est pas faite lorsque les éléments relevés par le juge ne sont pas
inconciliables avec cette qualifcation. La Cour casse l’arrêt attaqué en précisant
qu' : « A partir d’éléments qui n’ont pas de rapport avec l’absence de liberté dans
l’organisation du temps de travail et du travail et de la possibilité d’exercer un
contrôle hiérarchique du travail, l’arrêt ne pouvait pas légalement décider que
les parties étaient liées par un contrat de travail, et non par une convention de
travail indépendant. »

Enfn, dans un autre arrêt du 10 octobre 2011139 (période concernée :


rémunérations perçues de 1994 à 1996), dans le cadre d'un pourvoi dirigé contre
un arrêt rendu le 10 avril 2009, la Cour de cassation a estimé que la Cour du
travail de Bruxelles s'était légalement écartée de la qualifcation de contrat
d'entreprise donnée par les parties à une convention avait pour objet la
distribution d'imprimés. L'arrêt s'était fondé sur les éléments de fait suivants :
« - les jours et heures de la distribution et le parcours à efectuer étaient imposés
sans possibilité d'adaptation par des arrangements entre collègues ;
- les travailleurs avaient l'obligation d'efectuer eux-mêmes toutes les tournées,
sauf absence justifée par des motifs prouvés, alors que la nature du travail
n'expliquait pas cette obligation, et que le remplaçant qu'ils devaient trouver en
cas d'absence justifée ne devait répondre à aucune exigence particulière ;
- pour tout problème au cours de la tournée, les travailleurs devaient s'adresser à
la demanderesse qui donnait les instructions à suivre en cas d'imprévu ;
- la demanderesse avait le pouvoir de contrôler le respect par les travailleurs de
ses instructions précises et impératives ;
- et enfn, la demanderesse pouvait prendre à l'égard des travailleurs des «
sanctions d'ofce », qui ne constituaient pas l'exécution de la clause de
responsabilité inscrite au « contrat d'entreprise » mais des mesures unilatérales,
sans que ni la clause ni aucun accord ultérieur n'indique les hypothèses de
sanction ou leur montant et sans davantage qu'il soit prouvé que le montant
des retenues corresponde au dommage provoqué par une négligence. »

Notons que dans la mesure où la Cour avait à statuer sur des situations
antérieures à l'entrée en vigueur de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006,

139


Cass. 10 octobre 2011, rôle n°S.10.0185.F, www.cass.be
aucun de ces quatre arrêts de cassation n'y fait référence, ni même d'ailleurs aux
critères permettant d'apprécier l'existence ou l'absence du lien d'autorité visés
par ladite loi-programme. L’arrêt de 2008 utilise les termes « absence de liberté
dans l’organisation du temps de travail et du travail et de la possibilité d’exercer
un contrôle hiérarchique », qui sont ceux de l’article 333, §1er de la loi-
programme, mais sans qu'il ne soit expressément fait référence à celle-ci. Il
faudra encore un peu de recul avant de savoir comment les cours et tribunaux
réagiront face à cette loi et à cet « encadrement » de leur pouvoir d'appréciation.

Soulignons encore un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, du 29 juin 2009,


qui décide que la qualifcation données par les parties à leurs relations s’impose
en règle générale à elles, mais que cette qualifcation peut toutefois être écartée
lorsque les dispositions du contrat de travail ou la volonté des parties sont
incompatibles avec la qualifcation. En l’espèce, dès lors que le pouvoir de la
société de diriger l’exécution et l’organisation du travail et celui de contrôler le
respect par le distributeur de ses instructions précises et impératives étaient
établis, la Cour du travail en a conclu que la relation contractuelle entre parties
devait être qualifée de contrat de travail. La Cour précise encore que le fait que
le distributeur doive trouver un remplaçant en cas d’absence, n’exclut pas, dans
les circonstances de l’espèce, l’existence d’un contrat de travail.

- l’importance de la mise sociale

47.16
Certaines décisions et auteurs considèrent que le fait de ne pas être actionnaire de
la société est indicatif du lien de subordination possible 140. D’autres auteurs et
décisions sont d’une opinion contraire141. Cette dernière opinion nous paraît plus
cohérente, bien qu’à nuancer.

Il y a une relative unanimité pour reconnaître au fait d’être actionnaire majoritaire


un caractère exclusif du lien de subordination. La cour du travail de Bruxelles 142,
après avoir recherché des indices de l’existence d’un lien de subordination
prétendu (directives de la société, rapports de missions), a souligné que : « (...),
l’absence de lien de subordination se trouvant confrmée par la position occupée
par l’appelant au sein de l’assemblée générale, lequel détenait au moins 500
actions sur 1000 en 1985 et 1986 et 480 actions en 1987 ».

La cour d’appel de Bruxelles143 a d’autre part jugé que constituaient des revenus

140


Cfr. à ce propos N. Beaufls, étude précitée, J.T.T., 1990, p. 247 et les références
citées.
141


Cfr. Claude Wantiez, « Aspects sociaux du statut d’administrateur : principes
généraux et examen des réformes récentes », précité, p.2; C.T. Liège, 9 janvier 1991,
précité.
142


C.T. Bruxelles, 21 juin 1988, J.T.T., 1989, p.302.
143
d’associé actif les sommes perçues par un contribuable qui possédait 100 parts
sociales sur les 250 d’une société, semblant retenir la position de l’administration
selon laquelle le contribuable, en détenant plus d’un tiers du capital de la société,
avait une participation certes minoritaire, mais néanmoins importante dans celle-ci,
en sorte que son activité personnelle ne pouvait s’expliquer sans son but de faire
fructifer le capital investi144.

On note ainsi une sévérité accrue des cours et tribunaux, puisque la participation
seulement importante peut conduire ceux-ci à considérer qu’il ne peut y avoir un
lien de subordination. En efet, si ce critère d’actionnariat peut être pertinent, c’est
dans la mesure où un actionnaire aurait la possibilité, en étant maître de
l’assemblée générale, de révoquer tout membre du conseil d’administration qui ne
lui permettrait pas d’agir comme il le souhaiterait. Dans ces conditions, de facto, un
lien de subordination ne serait plus susceptible d’être exercé, en tout cas de
manière continue. Une simple participation minoritaire, sauf si elle se conjugue
avec d’autres, ce qui se conçoit sans doute davantage dans une SPRL et donc pour
des associés actifs145, ne paraît pas, en soi, nécessairement déterminante.

47.17
On l’a vu, la nouvelle catégorie formée par les dirigeants d’entreprises a supprimé
celle des associés actifs. Ce n’est toutefois pas que pour mémoire que nous nous
arrêtons sur leur sort fscal, car aujourd’hui encore, bon nombre de décisions sont
rendues dans des espèces où cette notion a toujours force légale, c’est-à-dire en
relation avec des exercices d’impositions antérieurs à 1997. Il faut ainsi souligner
que l’administration admet que n’est pas considéré comme percevant une
rémunération d’associé actif, l’associé d’une société de personnes par ailleurs
salarié au sein de cette même société, lorsqu’il ne possède qu’un nombre limité de
parts sociales et qu’il ne remplit aucune fonction dirigeante au sein de cette
société.146

La jurisprudence paraît s’engager délibérément dans cette voie, pour ne plus


retenir que l’étendue en fait du pouvoir de décision dont dispose l’associé actif au
sein de la société qui le rémunère. Si l’exercice d’une fonction dirigeante devient la


Bruxelles, 11 février 1993, inédit. Dans le même sens, voy. C. Trav. Liège, 23 février
2004, rôle n° 7074/2002.
144


En cela, la cour paraît suivre l’enseignement déjà ancien de la Cour de cassation,
qui considère qu’est un associé actif celui qui exerce une activité efective et
permanente au sein de la société dans laquelle il a investi des fonds, dans le but de les
faire fructifer (Cass., 6 février 1968, Pas., I, 703 ; Cass. 15 septembre 1980, Pas, I, 47 ;
Cass., 8 janvier 1981, Pas., I, 497)
145


Bruxelles, 15 février 2001 précité, où la cour constate que le contribuable et son
épouse détiennent ensemble 240 parts sur 250, l’épouse en détenant 200, qu’ils en
étaient tous deux fondateurs et que le requérant était le seul susceptible de diriger
efectivement la société alors même qu’il ne disposait pas du titre de gérant. Dans ces
conditions, sa rémunération est imposable comme revenus d’associé actif.
146


Com. I.R. 33/14. Pour une application de cette position administrative à un cas
litigieux, voy. Bruxelles, 4 janvier 2006, rôle n° 92-FR-154.
question régulièrement posée147, celle relative à l’étendue des participations
sociales détenues aboutit à des réponses pour le moins variées, ce qui nuit à la
sécurité juridique. Ainsi, la cour d’appel de Liège a récemment jugé que la
rémunération d’un associé actif devait être imposée en qualité de salarié dès lors
que celui-ci était salarié avant de devenir associé, qu’il n’exerçait aucune fonction
dirigeante et que sa part dans le capital social de la société, qui s’élevait à quinze
pour-cent, ne lui permettait pas d’exercer ni une minorité de blocage, ni une
fonction d’arbitre148. Dans une autre espèce où un gérant disposait de vingt-cinq
pour-cent des parts sociales composant le capital de la société, et participait
activement à sa gestion journalière, il a été décidé de retenir sa qualité d’associé
actif alors même que le contribuable était lié à la société par un contrat de travail 149.
Plus sévère encore, la cour d’appel de Mons, tout en retenant que le contribuable
ne détenait que 2 parts sur 200, soit 1 % du capital social d’une SPRL, a décidé de
qualifer ses rémunérations d’associé actif dès lors qu’il était établi qu’il exerçait
une fonction dirigeante permanente150.

147


Bruxelles, 10 mai 2000, rôle n° 1990/FR/237, où la cour décide que quoiqu’associé
dans une SPRL, la contribuable doit être imposée en tant que salariée, nous seulement
parce que sa participation était « largement minoritaire sans aucun poids dans les
assemblées générales », mais aussi parce qu’elle n’a rien exécuté d’autre « que des tâches
subalternes et de représentation munie d’aucun pouvoir ». Le fait d’avoir par inadvertance
signé un bon de commande et un virement n’y change rien. Anvers, 13 janvier 2004,
rôle n°1994/FR/86, où la cour relève que le dirigeant disposait de la majorité des parts
sociales , soit 705/1000 de la SPRL dont il serait l’employé, qu’il était chargé de pouvoirs
particuliers de représentation de la société, et qu’il était même apparu en tant que
gérant lors d’une assemblée générale ordinaire , pour en conclure que les
rémunérations perçues l’étaient en qualité d’associés actif.
148


Liège, 20 septembre 1995. Pour défnir une position d’arbitre, il faut analyser les
circonstances de fait propres à chaque situation, en appréciant la composition de
l’assemblée générale. Dans l’absolu, un associé détenant un pour-cent des titres
représentatifs du capital de la société pourrait remplir ce rôle si les autres titres sont
répartis de manière égale entre les deux autres associés existant.
149


Mons, 2 février 1996, cité par Fiscologue extra, n° 562, du 12.4.1996. Il semblerait
toutefois que l’argumentation retenue par la cour soit critiquable, dans la mesure où
elle aurait privilégié la qualité d’associé actif au regard de la participation efective de
celui-ci à la gestion de la société dont il supporte le risque économique et dont dépend
son autre activité d’employé au sein de l’entreprise.
150


Mons, 20 avril 2001 (rôle n°1993/FI/2019). Dans le même sens, dans le cadre, cette
fois, d’une société coopérative, voyez Liège, 20 octobre1999 (rôle n°1995/FI/400), où la
cour relève « qu’il importe peu en l’espèce que le requérant n’ait été titulaire que d’un
nombre restreint de parts dans la société dès lors que son travail lui permettait non
seulement d’obtenir des revenus mais également de maintenir la valeur de son
investissement voire de le faire fructifer ; Attendu que le requérant exerçait, en tant
qu’administrateur délégué chargé de la gestion journalière, une fonction par essence de
gestion et de direction à caractère permanent(…) ».La jurisprudence est parfois amenée à
dénouer de fausses cessions de parts sociales, au regard des conditions d’espèce
simulées (Bruxelles, 2 février 2000 rôle n°1990/FR/128 ; Gand, 9 février 2000, rôle
n°1992/FR/4012 ; Anvers, 4 février 2003, rôle n°1994/FR/216 ; C. Trav. Mons, 12 janvier
47.18
Cette question est moins ardue pour les administrateurs de sociétés de capitaux.
Dans ce cas, en efet, la question de savoir si un salarié peut voir sa rémunération
imposée en qualité d’administrateur, ne doit, en règle, qu’être peu infuencée par le
nombre d’actions qu’il possède au sein de la société. En efet, si la détention de
parts est le premier pas nécessaire vers la qualifcation « d’associé actif », elle est
étrangère à la notion « d’administrateur », puisqu’on peut être l’un sans être, pour
autant, actionnaire. Sous réserve bien sûr où la détention d’actions, directement
mais aussi, dans des circonstances d’espèces à défnir, indirectement (par exemple,
l’épouse du contribuable détient un grand nombre d’actions « pour » ou « en
connivence » avec lui) permet d’exercer une infuence déterminante, ou en tout cas
importante, sur le conseil d’administration151, la qualité d’actionnaire ne doit pas,
comme telle, emporter une requalifcation de la fonction salariée en mandat
d’administrateur du fait de l’exclusion prétendue du lien de subordination. C’est ce
qu’a rappelé fort à propos la cour d’appel de Gand dans un arrêt du 14 mai 2002. 152
Cette réfexion vaut aussi pour les gérants d’une SPRL, dès lors que depuis l’exercice
d’imposition 1997, c’est eux qui sont mis à présent sur le même pied que les
administrateurs au titre de dirigeants d’entreprise.

- Les liens existant entre l’administrateur et le conseil d’administration

47.19
En efet, même dans une société anonyme, il se peut qu’un administrateur, par
exemple délégué à la gestion journalière, soit uni par des liens très étroits, par
exemple familiaux, avec l’ensemble des membres du conseil d’administration ou
une majorité de celui-ci. Cela pourrait être un indice exclusif de tout lien de
subordination, car il n’est pas certain, sauf cas d’espèce spécifque, qu’un conseil
d’administration soit en mesure d’exercer une autorité sur quelqu’un de sa propre
famille ou sur quelqu’un avec lequel il entretient des relations ou intérêts

2006, rôle n° 17106, dans une espèce où des abatteurs étaient tous associés actifs d’une
société coopérative, mais où l’ONSS a pu apporter la preuve de la simulation en
relevant notamment que la société disposait du droit d’imposer aux associés le contenu
de leur travail, leurs heures de prestations et les critères de fxation du prix des services,
et que leur activité ‘tendait non pas à faire fructifer le capital investi par eux pour une
infme partie, mais bien à justifer une rémunération qui était fonction de leurs seules
prestations professionnelles fournies sous le contrôle permanent de l’administrateur-
délégué, lequel organisait le travail de manière contraignante. Il en résulte que
n’étaient pas réunies les conditions de l’afectio societatis caractéristique de l’activité de
l’associé actif, (…) ». La cour en a conclu que les faits étaient incompatibles avec une
activité indépendante.
151


Voyez supra.
152


Rôle n°1998/FR/206, où la cour décide que, de la présence du contribuable à
l’assemblée générale de la société en qualité de secrétaire et de scrutateur et du fait
qu’il détient 125 actions sur 1250, soit 10% du capital social, « niet kan worden afgeleid
dat zij een opdracht of een taak als bestuurder of een soortgelijk functie waarnam in de
bedoelde naameloze vennootschap ». Cette évidence s’impose en soi.
importants. Cela rejoint le principe selon lequel l’autorité doit toujours demeurer
possible, même si elle n’est pas efective. C’est à l’administrateur délégué d’en
établir la matérialité.153

- Le mode d’exécution du contrat

47.20
L’existence de directives, de notes de service, d’une obligation de présence (qu’il
s’agisse des jours à prester, de l’époque des vacances à prendre, des absences à
justifer ou du nombre d’heures exigé), sont de nature à attester de l’existence d’un
lien de subordination.

Il a par contre été constaté à de nombreuses reprises que ni la doctrine ni la


jurisprudence n’attachent d’incidence au caractère gratuit du mandat exercé, à
l’assujettissement à l’ONSS, au bénéfce des allocations sociales154, à la remise de
documents sociaux ou même au mode de rémunération. Si ces indices, parfois, sont
retenus, ils ne le sont généralement que dans un cadre confrmatif d’une situation
déjà largement établie par d’autres éléments de fait.

48.

Si le contrat de travail est établi, pour les fonctions distinctes de celles découlant
purement et simplement de l’exécution de son mandat, le mandataire social
bénéfciera de la sorte et indirectement d’une protection sociale.

En efet, s’il pourra toujours être révoqué ad nutum en qualité de mandataire, encore ne
pourra-t-il être mis fn à son contrat d’emploi, conclu par exemple dans le cadre de
l’exécution de sa tâche de gestion journalière de la société, que dans le strict respect
des règles de la loi du 3 juillet 1978 régissant le contrat de travail et des conventions
collectives applicables. Il ne pourra ainsi être licencié que moyennant préavis ou
paiement d’une indemnité compensatoire de rupture, sauf faute grave. Il est toutefois
évident que l’indemnité compensatoire ne sera calculée que sur la seule base des
153


Il est intéressant de souligner qu’aux termes de l’article 52, 4° CIR, tel que modifé
par l’article 19 de la loi-programme du 24 décembre 2002 constituent des frais
professionnels « les rémunérations des membres de la famille du contribuable qui
travaillent avec lui ». Autrement dit pour l’application de la réglementation fscale, les
revenus sont qualifés de rémunérations. Le législateur paraît ainsi présumer qu’existe
un lien de subordination entre le contribuable et le membre de sa famille qu’il rétribue
(voyez en ce sens, Trib. Mons, 4 septembre 2003, rôle n°01-576-A). Dans cette
hypothèse, ce serait alors à l’administration de démontrer qu’en fait, ce lien de
subordination n’existe pas.
154


Cf. notamment Bruxelles, 21 juin 1988, précité, où la cour relève que
« l’assujettissement à la sécurité sociale n’est pas, en soi, déterminant, celui-ci pouvant
constituer un artifce tendant à créer l’apparence d’un contrat de travail dont la réalité n’est
par ailleurs nullement établie par les faits ».
sommes perçues au titre d’employé, et non sur la base cumulée des sommes perçues
en sa double qualité, si le mandat est rémunéré.155

Egalement, la responsabilité du mandataire social, qui serait simultanément directeur


ou chargé de la gestion journalière sous les liens d’un contrat d’emploi, est fortement
atténuée pour ce qui concerne ses fonctions salariées.

Il faudra en efet, ici aussi, respecter la loi du 3 juillet 1978, et particulièrement son
article 18, qui stipule que : « En cas de dommage causé par le travailleur à l’employeur ou
à des tiers dans l’exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa
faute lourde. Il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente dans son chef un
caractère habituel plutôt qu’accidentel ».

En d’autres termes, s’agissant par exemple d’un administrateur-délégué, ce dernier ne


verra sa responsabilité retenue qu’en cas de dol, faute lourde ou faute légère répétée.
La faute légère non habituelle est donc exclue, alors que l’administrateur qui serait
chargé de cette même gestion journalière en dehors de tout contrat de travail devrait
répondre non seulement de son dol, mais encore des fautes, sans restriction quant à
leur gravité, qu’il commet dans sa gestion, conformément au droit commun du
mandat (cf. articles 527 C.S. et 1992 du Code civil).

L’administrateur exerçant des fonctions sous contrat d’emploi pourra ainsi opposer
l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 à une action en responsabilité, fondée sur
l’exécution de ce contrat, intentée par la société. Celle-ci, par contre, sera, en sa
qualité de mandante, tenue d’indemniser intégralement les tiers éventuellement
préjudiciés156.

4. Le mandataire social exerce son mandat et une fonction autre sous les liens d’un
contrat d’entreprise, c’est-à-dire en dehors de tout contrat de travail

49.
Rien n’empêche bien entendu un mandataire social d’exercer une fonction technique
distincte de son mandat non sous le couvert d’un contrat d’emploi, mais bien dans le

155


A noter qu’aux termes de l’article 82, § 5 de la loi du 3 juillet 1978, lorsque la
rémunération annuelle excède 55.193 € (montant adapté au 1er janvier 2006 par le jeu
des indexations), l’employeur et l’employé peuvent fxer le délai de préavis à observer
par l’employeur par convention conclue au plus tard au moment de l’entrée en service,
laquelle peut être postérieure à l’engagement proprement dit. Le minimum légal devra
être respecté, mais aucune limite n’est, bien entendu, fxée vers le haut.
156


Cf. à ce propos et notamment Claude Wantiez, étude 1992 précitée, p.6 et les
références qu’il cite. Relevons encore que selon la Cour d’arbitrage, « En limitant la
responsabilité civile du travailleur, le législateur entendait le protéger contre les risques
particuliers auxquels il s’expose dans l’exécution de son contrat de travail et qui peuvent
impliquer pour lui une charge fnancière considérable ». (arrêt n°47/2006, du 22 mars 2006,
rôle n° 3714, considérant B.5).
cadre d’un contrat d’entreprise, plus communément appelé « contrat
d’indépendant ».

Ce contrat d’indépendant peut même s’établir entre la société et une autre société,
appelée généralement "de management", détenue par ledit administrateur, soit
totalement, soit majoritairement. Dans le cadre d’un contrat de travail, il ne peut se
concevoir de relations entre une société et une autre société, mais uniquement entre
une société et une personne physique (sous réserve des efets que pourrait entraîner
un cas de simulation - cf. infra).

Souvent, la motivation est économique. Les rémunérations versées à un travailleur


sont soumises aux retenues de sécurité sociale (13,07 % de la rémunération en ce qui
concerne les cotisations personnelles de l’employé, et environ 35 % de celle-ci pour ce
qui concerne les cotisations patronales selon les situations d’espèce). Les cotisations
versées par les travailleurs indépendants sont, elles, calculées par un pourcentage
dégressif sur un revenu plafonné (ainsi, pour 2005, la cotisation trimestrielle maximale
est de 3.009,19 € et celle minimale de 459,30 €).

50.

Le contrat d’entreprise est une convention par laquelle la société va engager la


personne physique ou morale pour efectuer des prestations en dehors de tout lien de
subordination constitutif du contrat de travail. Il peut avoir pour objet de confer au
co-contractant la gestion journalière de l’entreprise, ou la direction de l’un de ses
départements.

Il est toutefois impératif que les parties qualifent expressément leurs relations
contractuelles, en excluant explicitement tout lien de subordination. Simultanément,
les parties au contrat veilleront à éviter toute clause qui rendrait le contrat
inconciliable avec la qualifcation qu’elles ont entendu y donner157.

51.

Le contrat intervenant entre la société et le mandataire social, soit directement, soit au


travers d’une société de management158, peut prévoir des clauses de diverses natures,
notamment :

- la mise à disposition du mandataire de tous les moyens nécessaires à la bonne


exécution de sa convention, tels que des locaux, une secrétaire, le téléphone,
le téléfax, un ordinateur, etc.;

- l’autonomie et l’indépendance de l’exécution de la mission du mandataire

157


Voyez à ce sujet les principes rappelés ci-dessus, n° 29
158


Sur la société de management, cfr. infra, n°367 à 415
indépendant, sous réserve de lignes directrices générales et stratégiques
établies par le conseil d’Administration de la société;

- des règles de confdentialité voire de non-concurrence en fn de contrat 159;

- une clause arbitrale, afn d’éviter de soumettre le litige aux juridictions civiles
ou commerciales;

- les conditions de la résiliation du contrat, en termes de préavis et/ou


d’indemnité compensatoire;

- etc.

Inversement, le contrat d’entreprise ne contiendra ni un horaire de travail précis, ni un


système de rémunération apparenté à celui d’un travailleur (rémunération mensuelle –
en fait, la rémunération peut (voire doit, par application de l’article 195 CIR 92) être
versée mensuellement, mais son établissement doit répondre à d’autres critères que,
par exemple, barémique – pécule de vacances ou 13ème mois).

Il faut également souligner qu’existent des limites légales au recours au contrat


d’entreprise, soit parce que le législateur présume l’existence d’un contrat de travail
(voyez l’article 5 bis de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, aux termes
duquel « des prestations de services complémentaires exécutées en application d’un
contrat d’entreprise sont présumées l’être en application d’un contrat de travail sans que la
preuve contraire puisse être apportée lorsque le prestataire des services et le bénéfciaire de
ceux-ci sont liés par un contrat de travail pour l’exercice d’activités similaires » 160), soit
parce que la loi réglementant la sécurité sociale des travailleurs salariés est étendue à
certaines catégories de travailleurs (voyez l’extension prévue aux catégories visées à
l’article 3. de l’A.R. du 28 novembre 1969) 161.
159


C.T. Mons, 30.06.1988, J.T.T., 1989, 376. En ce qui concerne une clause de non
concurrence à respecter en cours de convention, elle est parfois admise mais dénote
souvent le caractère "fabriqué" du contrat d’indépendant, sauf à justifer soit d’une
rémunération très importante, soit d’une spécifcité de fonction justifant un temps
plein, soit des deux.
160


Cl. Wantiez, dans son étude de 1995 précitée, précise à ce propos que « Rien ne
s’oppose non plus à ce que, pour éviter l’application de la présomption irréfragable
instaurée par l’article 5 bis de la loi du 3 juillet 1978, les fonctions, mêmes similaires, soient
confées partiellement au salarié d’une entreprise et à la société de management qu’il a
constituée : il s’agit, en efet, de deux personnes distinctes ».
161


Ainsi, l’article 3, 1° de l’A.R. du 28 novembre 1969, si les conditions qu’il prévoit
sont réunies, rend la qualifcation conventionnelle inutile, sur le plan de la sécurité
sociale à tout le moins, pour les administrateurs délégués des A.S.B.L. dont la
rémunération sera soumise, par le jeu de cette disposition, , aux cotisations sociales des
travailleurs salariés, encore les parties auraient-elles qualifés leur relation de contrat
d’entreprise. Quant à l’impossibilité, ou aux grandes difcultés de mise en place, pour
un employeur et un salarié de convenir de mettre un terme au contrat de travail et de le
52.

L’existence de ce contrat d’indépendant, en plus de la fonction propre au mandat


social, présente, bien entendu, une utilité certaine en raison des diférentes clauses
susceptibles d’y être insérées. L’intéressé pourra être davantage protégé, notamment
au niveau des efets de sa révocation par l’assemblée générale, puisque par le biais du
contrat, il pourra introduire une clause de dédit, voire de durée de préavis, qui serait
de nullité absolue à défaut de pareille convention 162.

Ce type de contrat, s’il peut présenter l’avantage d’une souplesse au niveau d’une
gestion de fscalité et d’un coût de sécurité sociale, présente toutefois l’inconvénient
pour le mandataire social de ne pas limiter sa responsabilité vis-à-vis des tiers de la
même manière que dans le cadre du contrat de travail, où l’article 18 de la loi du 3
juillet 1998, précité, atténue sensiblement celle-ci.

Egalement, un employé bénéfcie d’un privilège général sur les meubles de la société
lorsque celle-ci tombe en faillite, ce qui n’est pas le cas d’une personne travaillant dans
le cadre d’un contrat d’indépendant. De même, toujours en cas de faillite,
indépendamment du caractère chirographaire de sa créance, l’indépendant sous
contrat ne pourra pas même faire valoir sa créance au Fonds d’Indemnisation, même
plafonnée, possibilité ouverte à l’employé.

Tout sera, par conséquent, question d’espèce et d’opportunité.

III. Dirigeants d'entreprise et TVA

53.
Depuis le 1er janvier 1993, date d’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 1992 qui a
profondément modifé la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur
ajoutée, l’exécution d’un mandat est considérée comme une prestation de service163.
En conséquence, les prestations de mandat efectuées en Belgique, à titre onéreux, par
un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la TVA. Or, il ne fait aucun doute
que les administrateurs et gérants exercent un mandat.

remplacer par un contrat d’entreprise, voyez les développements de CL. Wantiez, étude
1995 précitée, sp. pp. 6 et suiv., où cet auteur recommande une extrême prudence pour
éviter tout risque de requalifcation, notamment quant aux fonctions exercées et quant
à l’aménagement d’une réelle période d’interruption entre la date de cessation du
contrat de travail et l’entrée en vigueur de celui d’entreprise. Selon nous, le défaut de
respecter cette double recommandation rend la situation très périlleuse et
potentiellement fort coûteuse pour l’employeur tenu alors au paiement, pour le passé
non prescrit, de l’ensemble de la sécurité sociale, y compris la part employé.
162


Voyez supra , n°25
163


Article 18, § 1er, alinéa 2, 3° du Code TVA
L’administration de la TVA a cependant reconnu le caractère particulier de ce mandat :
en efet, l’administrateur et le gérant, nommés par l’assemblée générale, agissent en
qualité d’organe de la société dans l’exercice normal de leur mission statutaire, et
apparaissent à ce titre vis-à-vis des tiers. Ils n’agissent donc pas, à proprement parler,
de manière indépendante, condition requise pour l’assujettissement164.

Ainsi, dans sa décision n° E.T. 79581 du 27 janvier 1994165, l’administration de la TVA


admet que les administrateurs et gérants, personnes physiques, ne doivent pas porter
de TVA en compte sur leurs émoluments. Le droit à déduction de la TVA supportée en
amont dans le cadre de leur mandat, leur est dès lors, bien évidemment, refusé.

Quant aux personnes morales, qui peuvent exercer des mandats d’administrateur, et
aussi de gérant depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2002 déjà citée, cette
même décision laissait le choix aux sociétés intéressées : elles pouvaent opter pour
l’assujettissement en raison de l’exercice de leur mandat, ou au contraire décider de ne
pas s’assujettir. L’administration adoptait, sur ce point, une position par analogie avec
les personnes physiques, vu la nature particulière du mandat et bien qu’il soit, dans ce
cas, difcile de considérer qu’une personne morale n’agit pas de façon indépendante.

Si la personne morale est identifée à la TVA en qualité d’administrateur, les sommes


qu’elle perçoit à ce titre quelle que soient leur dénomination, mode de calcul et
d’attribution (tantièmes, émoluments fxes, jetons de présence…) seront alors
soumises à taxe.

Cette règle valait même pour la société déjà assujettie en raison d’une autre activité
économique : si elle choisissait, dans ce cadre, de ne pas se soumettre à la taxe pour les
opérations accomplies en qualité de dirigeant d’entreprise, son droit de déduction ne
pouvait être exercé, en principe, que selon la règle du prorata général166.

L’administration a, cependant, revu sa position, à la suite d'un avis de la Commission


européenne relatif à la situation des personnes morales précitées et de nature à
remettre en cause ce système optionnel. L'administration centrale de la TVA a adopté
une décision n° E.T. 125.180 du 20 novembre 2014, par laquelle elle décrète s'en tenir, à
compter du 01.01.2015, à l'application des règles normales, ce qui entraînera donc
l'identifcation à la TVA de toutes les personnes morales agissant comme
administrateur, gérant ou liquidateur d'une société, et la soumission à la taxe de leurs

164


Article 4, § 1er du Code de la TVA : « Est un assujetti quiconque efectue, dans l’exercice d’une
activité économique, d’une manière habituelle et indépendante (…) des prestations de services visées
par le présent code (…) ». Voyez aussi, au niveau européen, l’article 4, § 1er de la sixième directive
TVA du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, dans la ligne de laquelle s’inscrit
la position administrative belge.
165


Revue de la TVA, n° 110, ppà.1019-1020. Voyez aussi Q & R, Sénat, 1994-1995, n°129, pp.
6837-6838, ainsi que la réponse que le ministre des Finances vient de donner à la question n° 3-6
de Mme Nyssens du 8 août 2003.
166


Article 46, § 1er du Code TVA. La règle de l’afectation réelle n’est toutefois pas à exclure,
conformément à l’article 46, § 2 de ce même code.
prestations efectuées en tant que tel, sans possibilité de choix.

Finalement, après de multiples reports, les personnes morales qui agissent en qualité
d’administrateur ou de liquidateur deviennent des assujettis ordinaires pour ces
activités à partir du 1er juin 2016 : la Décision TVA n° E.T. 127.850 du 30.03.2016
contient, dorénavant, le commentaire administratif à ce sujet. Cela vise aussi les
membres d’un comité de direction.

Précisons cependant que pour qu'il y ait assujettissement, i faut que le mandat confère
à l’administrateur un pouvoir général de gestion, de contrôle et de direction sur la
société administrée, et que ce pouvoir soit exercé en fait. En outre, il faut que le
mandat soit rémunéré : pas de prélèvement de TVA lorsque le mandat est exercé à titre
gratuit (cas où toute rémunération, en ce compris les tantièmes, est exclue dans les
statuts de la société qui est managée).

Si la personne morale qui administre fournit aussi d’autres services que la gestion, le
contrôle et la direction, et qu'aucune subdivision n'est opérée objectivement par cette
personne morale entre ses diférentes activités, l’administration considèrera qu'au
minimum 25% des sommes accordées à la personne morale comme rémunération
d’administrateur soumise à la TVA.

54.
En Belgique, sur le plan social, l’administrateur et le gérant agissent toujours, dans
le cadre strict de leur mandat, en qualité d’indépendant. Nous l’avons vu, un cumul
de fonctions est néanmoins possible, par exemple avec une occupation salariée
pour la délégation journalière.

Dans d’autres pays, la situation n’est pas nécessairement identique. Il est ainsi
intéressant de noter qu’aux Pays-Bas, dans un arrêt du 26 avril 2002167, le Hoge Raad
a décidé que lorsqu’un administrateur, un gérant ou un directeur, même sous
contrat d’emploi, détient plus de la moitié des actions de la société où il exerce sa
fonction, il doit être assujetti à la TVA, comme exerçant en fait une activité
indépendante vis-à-vis de la société que sa position majoritaire lui permet de
diriger. Cette approche est à mettre en parallèle avec celle que nous avons relatée
en rapport avec l’existence d’un lien de subordination pour un associé par ailleurs
salarié de son entreprise168. Elle s’inscrit cependant dans un autre cadre, mais
présente la même spécifcité. Sur le plan de la TVA, cette jurisprudence n’est guère
transposable en Belgique.

167


Arrêt n° 35775
168


supra n° 29
CHAPITRE III
Remboursement de frais propres à la
société

55.

L’article 32, alinéa 2, 1° in fne du C.I.R. 92 exclut de la rémunération des dirigeants


d’entreprise les sommes allouées au titre de remboursement de dépenses propres
à la société.
Par conséquent et en principe, de tels remboursements de frais ne constituent pas
un avantage imposable pour le dirigeant d’entreprise et sont, généralement, une
dépense déductible pour la société.
Le remboursement peut s’efectuer en espèces ou en nature (p. ex., l’employeur
peut prendre en charge les frais de carburant liés à l’usage professionnel de la
voiture appartenant au dirigeant en fournissant du carburant ou sa contre-valeur
en argent).
Il n’y aurait avantage de toute nature imposable que si le dirigeant réalisait, par le
remboursement, une économie personnelle (p. ex., si la société rembourse à celui-
ci des frais privés liés à l’usage de son véhicule, sous réserve de l’application de
l’article 38, § 1er, al. 1er, 9o du c.i.r. 92).

56.

Suivant une jurisprudence déjà ancienne, et constante, la Cour de cassation a, à cet


égard, décidé que : « Ainsi, la loi présume que les sommes payées à ce titre par
l’employeur ne constituent pas un revenu professionnel imposable dans le chef de
l’employé qui les perçoit, sans que celui-ci ait, à l’égard du fsc, à justifer de leur
emploi »169.

L’administration des contributions directes peut toutefois renverser la présomption


de non-imposabilité instituée, pour les dirigeants d’entreprise, à l’article 32,
alinéa 2, 1o du C.I.R. 92, ce qu’a rappelé la Cour de cassation : « Attendu que
l’article 26 [lire 31, al. 2, 1o, in fne] du Code des impôts sur les revenus établit au
proft de l’employé une présomption juris tantum selon laquelle les sommes
obtenues en remboursement de dépenses efectives professionnelles propres à
169

Cass., 2 janvier 1962, Rev. fsc., 1962, p. 23 et note d’observations ; Cass.,


30 octobre 1986, Bull., no 668, p. 136 ; F.J.F., no 87/179.
l’employeur faites par lui, ne constituent pas des rémunérations ; Que
l’administration est en droit de prouver que les indemnités ainsi octroyées sont en
réalité des rémunérations déguisées »170.

La présomption instituée par l'article 32 CIR 92, implique que les sommes payées à
un dirigeant d'entreprise à titre de remboursement de frais propres à la société
sont présumées ne pas constituer des revenus professionnels du dirigeant. Il ne
peut toutefois être déduit du seul fait que tant le dirigeant que la société restent en
défaut de fournir les éléments de preuve permettant à l'administration de vérifer le
caractère de frais propres à l'employeur, que la présomption de non-imposabilité a
été renversée et que ces sommes constituent des rémunérations déguisées,
imposables dans le chef du dirigeant. L'administration est toutefois en droit de
prouver que tout ou partie des indemnités allouées constitue une rémunération
déguisée.

La charge de la preuve incombe donc de manière certaine à l’administration des


contributions directes. L’administration ne peut se limiter à des allégations ou à
une estimation forfaitaire arbitraire pour contrer la présomption légale 171.

C'est ce qu'a encore confrmé la Cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 21
janvier 2009. Selon la Cour, la présomption n’est pas renversée par la seule
circonstance que l’indemnité a un caractère forfaitaire ; l’administration a la charge
de prouver, fut-ce par présomptions, que l’indemnité payée par l’employeur est en
réalité une rémunération déguisée. En l’espèce, pareille preuve était apportée par
des présomptions graves, précises et concordantes. L’administration admet, par
ailleurs, qu’il en est ainsi, soulignant que « la carence de l’employeur de fournir la
preuve que les indemnités ont été allouées en remboursement de dépenses qui lui
sont propres n’a cependant pas pour conséquence de renverser sans plus la
présomption légale de non-imposabilité établie au proft de l’employé et de
justifer en soi la taxation de ces indemnités dans le chef de ce dernier. C’est en
efet à l’administration qu’incombe la preuve relative au caractère de rémunération
déguisée des sommes litigieuses. Lorsque cette preuve est établie, lesdites
indemnités doivent être considérées comme des rémunérations imposables dans
le chef du bénéfciaire »172. La jurisprudence des juges du fond est, à cet égard,
également sans équivoque.

Il règne une certaine confusion dans la détermination précise des critères quant à la
charge de la preuve, résultant davantage d’une mauvaise lecture des décisions
rendues que d’une mauvaise application des principes – bien qu’à l’évidence, les

170

 Cass., 23 janvier 1987, R.G.F., 1987, p. 211 et note d’observations G EMIS ;


Pas., I, 606 ; R.W., 1986-1987, 2226 ; Cass., 30 octobre 1986, précité.
171

 Voy. notamment pour une application de ce principe, Bruxelles,


24 octobre 2002, rôle no 1995/FR/165, Bruxelles, 25 octobre 2002, rôle no 1995/FR/164.
172

 Com. I.R., no 31/33.


cours et tribunaux ne soient pas à l’abri d’une erreur173.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 30 octobre 1986 précité, a clairement


décidé, par un arrêt de principe : « que, dès lors, de la seule circonstance que tant
l’employé que l’employeur restent en défaut de fournir les éléments permettant à
l’administration de vérifer le caractère efectif et propre à l’employeur des
dépenses litigieuses, vu le mode de calcul du forfait eu égard au chifre d’afaires,
l’arrêt n’a pu légalement déduire que la présomption légale de non-imposabilité
des indemnités litigieuses étant renversée, ces indemnités constituaient dans le
chef du demandeur des rémunérations déguisées ». Cette jurisprudence a été
massivement suivie par les cours et tribunaux174.

La cour d’appel de Gand a ainsi décidé que le fait pour l’employeur de ne pas être
en mesure de démontrer que les indemnités versées l’ont été en remboursement
de frais qui lui sont propres, ne permet pas de déduire qu’il s’agit de rémunérations
déguisés175. Dans cette espèce, l’administration avait estimé que les montants
déclarés comme frais propres à l’employeur constituaient des rémunérations
occultes, et avait enrôlé un précompte professionnel, à défaut pour l’employeur
d’avoir démontré que les indemnités étaient bien destinées à couvrir des frais qui
lui étaient propres et qu’elles avaient efectivement été afectées au paiement de
tels frais. La cour d’appel de Gand annule l’imposition, rappelant à l’administration
son propre commentaire aux termes duquel l’administration doit apporter la
preuve positive d’une rémunération déguisée.
173

 Pour une étude circonstanciée de cette question, voy. J. BAETEN, note


sous Bruxelles, 29 avril 1994, R.G.F., 1994, p. 363, et notamment la critique qu’il fait de la
position adoptée par l’administration
174

 Gand, 29 janvier 2002, rôle n o 1996/FR/56 ; Bruxelles, 8 décembre 2000,


rôle n 1995/ FR/275 ; Mons, 3 novembre 2000, rôle no 1996/FI/88 ; Gand, 11 mai 2000,
o

rôle no 1998/ FR/140 ; Civ. Namur, 31 mai 2002, rôle no 63/00. Deux arrêts plus anciens
de la cour d’appel d’Anvers, l’un du 2 mars 1993 (Fiscologue, no 494, p. 6), l’autre du
24 octobre 1994 (Fiscologue, no 503, p. 8), précisaient déjà que le contribuable ne peut
être tenu de fournir la double preuve que dès l’instant où l’administration a réfuté la
présomption légale, puisque c’est à elle qu’il incombe de prouver que les indemnités
sont imposables en procédant aux investigations nécessaires chez l’employeur : du seul
fait que ni l’employeur, ni l’employé ne peuvent fournir les preuves nécessaires
(l’indemnité était destinée à couvrir des frais propres à l’employeur et avait
efectivement été consacrée à pareils frais), on ne peut déduire que la présomption de
non-imposabilité ait été réfutée (voy. à ce propos le commentaire de ce dernier arrêt in
Fiscologue, 27 janvier 1995, no 503, p. 8).
175

 Gand, 6 avril 1995, rôles nos 9554435 et 9554436, commenté par F.


Destorbeck, in R.G.F., Actualités fscales, 1995, 18/8. La cour d’appel de Bruxelles, dans
un arrêt du 27 janvier 1994 (Courr. fsc., 94/213) a également décidé que bien que
l’employeur n’ait pas donné une justifcation concrète et précise des indemnités
versées lors de la demande de renseignements qui lui fut adressée, celles-ci, perçues
par le représentant de commerce, ne devaient toutefois pas être imposables dans son
chef.
Dans son arrêt du 3 novembre 2010176, la Cour d'appel de Bruxelles précise que
pour renverser la présomption de non-imposabilité, l’administration doit invoquer
« des circonstances concrètes et pertinentes ». En l'espèce, un contribuable a reçu
de son employeur, une ASBL, des indemnités forfaitaires à titre de remboursement
de frais propres à l’employeur. Selon la Cour, « pour renverser la présomption de
non-imposabilité, l’administration doit invoquer d’autres circonstances, telles que
l’existence de décomptes des sommes remboursées comme frais propres à
l’employeur, diférents chez l’employeur et chez l’employé (voir : Gand 15 juin 1984,
F.J.F. N° 85/90), le fait que l’employeur ait directement supporté les frais exposés
par son employé (voir : Gand 10 janvier 1986, F.J.F. N° 87/31), et le fait que d’autres
employés aient bénéfcié de paiements similaires dont ils avaient reconnu le
caractère de rémunération (voir : Gand 10 janvier 1986, F.J.F. N° 87/32), ou d’autres
circonstances semblables ». La Cour rappelle que, conformément à l’enseignement
de la Cour de cassation, si le montant de certaines dépenses professionnelles est
calculé forfaitairement par l’employeur, ce fait n’est pas de nature à leur faire
perdre le caractère de dépenses efectives lorsque leur importance a été fxée
d’après des normes qui sont le résultat d’observations et de recoupements
nombreux. En l’espèce, les indemnités litigieuses ont été établies forfaitairement
conformément aux forfaits que l’Etat attribue à son personnel, de sorte que, selon
la Cour, c'est à tort que l’administration a taxé les indemnités en question à titre de
rémunérations professionnelles.

57.

Cet enseignement doit être approuvé. À défaut, en efet, cela conduirait


nécessairement à un fallacieux renversement de la charge de la preuve, au mépris
de la présomption « juris tantum » que la loi institue. La cour d’appel de Bruxelles a
exactement synthétisé cette question177. Après avoir rappelé que l’administration
ne renverse pas la présomption de non-imposabilité « en alléguant d’une part, que
l’employeur n’a pas pu fournir de justifcatifs démontrant que les indemnités ont
été employées pour efectuer des dépenses inhérentes à l’objet social, ni pu fournir
les pièces justifcatives des dépenses couvertes par les indemnités forfaitaires
allouées et, d’autre part, que l’employé n’a pas non plus fourni cette preuve, alors
que celle-ci ne lui incombe pas », la cour souligne que la demande faite par l’I.S.I. au
contrôle concerné des impôts des personnes physiques « d’inviter le requérant à
produire des justifcatifs de dépenses qui incombent normalement à l’employeur,
en efectuant de la sorte un renversement non autorisé de la charge de la preuve »,
ne permet aucune déduction quant au sort réservé aux indemnités forfaitaires
versées à certains membres du personnel.

L’administration paraît s’être formellement rangée à cette jurisprudence 178. Dans les
176


Bruxelles, 3 novembre 2010, rôle n° 1995/FR/114.
177

 15 février 2001, précité.


178

 Com. I.R., no 31/38, où l’administration se réfère explicitement, et


faits, néanmoins, elle tente souvent, la plupart du temps vainement, de la
contourner en prétextant qu’existe un ensemble de faits et circonstances desquels
elle tire la présomption que les indemnités versées constituent, en réalité, des
rémunérations déguisées. Bien sûr, l’administration dispose de l’arsenal des
moyens de preuve que la loi prévoit : elle ne peut toutefois, sous ce prétexte, en
arriver à dire qu’à défaut pour elle de disposer des pièces justifcatives qu’elle
réclame, indiféremment, à l’employeur ou l’employé, elle ne peut apporter la
preuve que les dépenses en cause incombent en fait à l’employé. Ce raisonnement,
tenu en son temps par la cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt du 30 octobre
1984, a précisément été rejeté par la Cour de cassation le 30 octobre 1986 dans sa
décision déjà citée.

L’arrêt rendu le 23 janvier 1987 par la Cour de cassation, quelque peu sibyllin à
première lecture, n’est pas de nature à y changer quelque chose179. Dans ce dernier
arrêt, après avoir rappelé sa jurisprudence et confrmé le droit pour l’administration
d’apporter la preuve que les indemnités accordées constituent, en fait, une
rémunération déguisée, la Cour relève qu’il appartient au juge du fond de constater
souverainement « l’existence des faits sur lesquels il se fonde, et que les
conséquences qu’il en déduit en matière de présomption de l’homme sont
abandonnées à ses lumières, sagesse et prudence ». Dans ce contexte, le juge du
fond « décide dès lors implicitement et légalement que l’administration a apporté
la preuve que les sommes litigieuses étaient en réalité des rémunérations
déguisées ».

Ce faisant, la Cour de cassation se limite à suivre son propre enseignement en la


matière, étant que le juge du fond est souverain dans ses constatations. En aucun
cas, la Cour n’entend renverser la charge de la preuve, ce qu’elle explicite d’ailleurs
lorsqu’elle souligne « que les considérations critiquées par le moyen ne sont pas
nécessaires pour justifer légalement la décision ». Or, au moyen, le contribuable se
fondait précisément sur les considérations qui avaient notamment amené la Cour
de cassation à rendre son arrêt du 30 octobre 1986 précité. La question, ici, était
diférente : la cour d’appel de Gand, dont l’arrêt est confrmé par la Cour de
cassation, avait admis que l’administration avait fait la preuve de ce que des
rémunérations se cachaient sous la forme de remboursements – il faut le souligner,
particulièrement exorbitants au regard des rémunérations ordinaires annuellement
perçues (pour certains exercices, les sommes afectées aux frais propres à
l’employeur excédaient ou approchaient celles-ci) – de dépenses propres à
l’employeur en démontrant le caractère non seulement minime des justifcatifs
apportés par l’employeur à raison des remboursements efectués, mais aussi que
des frais de voiture qui auraient été inclus dans des montants forfaitaires étaient en
réalité directement supportés par l’employeur. La cour d’appel a estimé que la
présomption juris tantum était renversée, admettant pour ce faire le recours à la
présomption de l’homme, ce que la Cour de cassation approuve.

notamment, à l’arrêt de principe susvisé rendu par la Cour de cassation le 30 octobre


1986.
179

 Op. cit., note 370.


Il s’agit, manifestement, d’un arrêt reconnaissant au juge du fond son pouvoir
souverain d’appréciation et le caractère légal des déductions qu’il tire, en termes de
motivation, des faits et circonstances qu’il constate. En aucun cas, il ne peut en être
induit un enseignement opposé à celui énoncé, en forme de principe, par la Cour
de cassation quelques mois plus tôt180, la Cour énonçant même en motivation ne
pas avoir à se prononcer sur cette question précise pour apprécier la légalité des
déductions opérées par le juge du fond. C’est d’autant plus vrai que, dans les deux
arrêts, l’avocat général Krings a rendu des conclusions conformes. C’est dire que cet
arrêt de 1987 ne peut avoir d’autre portée que celle susdite. L’administration elle-
même l’admet clairement dans son commentaire administratif, puisqu’elle ne se
réfère à ce dernier arrêt que pour se prévaloir d’un mode de preuve dont elle
dispose pour renverser la présomption instituée en faveur du contribuable auquel
elle reconnaît, par ailleurs, le bénéfce de l’enseignement apporté par l’arrêt du
30 octobre 1986 de la Cour de cassation181.

Le débat semble dès lors clos. Il faut relever dès à présent que des pièces
justifcatives ne sont en toute hypothèse pas requises par l’administration en raison
d’indemnités forfaitaires attribuées par la société à l’employé selon des normes
sérieuses182.

58.

Ceci dit, bien qu'initialement la charge de la preuve n'incombe pas au contribuable,


celui-ci doit rendre plausible que les frais couverts par les indemnités payées
existent réellement. C'est ce qu'il ressort d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles
du 3 mai 2012183. En l'espèce, un contribuable, sous contrat d'emploi avec une SCRL
recevait chaque mois 50.000 BEF ; montant relativement important par rapport à sa
rémunération totale. Pour justifer ce montant, une série de notes de frais, dressées
de manière très superfcielle et sommaire, ont été contre-passées en factures. La
SCRL n'était, par ailleurs, pas à même de justifer la réalité, le caractère

180

 Cf. supra, no 115. Pour une application correcte des principes, refusant
le droit à l’administration de se fonder sur une cascade de
présomptions – l’article 1349 du Code civil ne permettant pas, à l’évidence, de partir
d’un fait inconnu lui-même « établi » par présomption, pour établir un autre fait
inconnu (en efet, le fait présumé n’en devient pas connu : or, il doit l’être pour, au
départ de celui-là, en déduire un autre) – et décidant par conséquent que
l’administration n’avait pas renversé la présomption de non-imposabilité des
remboursements opérés par l’employeur en rapportant la preuve de leur caractère fctif
ou inexact, voy. Trib. Liège, 24 mars 2005, rôle no 02-2923-A.
181

 Com. I.R., no 31/38, où l’administration se réfère aux deux arrêts de


cassation pour donner à chacun la portée qu’il mérite.
182

 Cf. infra, no 123.


183


Bruxelles, 3 mai 2012, rôle n° 2009/AR/895.
professionnel et le montant des remboursements. Selon la Cour d'appel, si les
éléments précités sont insufsants en soi indépendamment l'un de l'autre pour
servir de preuve contraire à la présomption légale, ils forment tout aussi bien, -
lorsqu'on les relie - des présomptions concordantes desquelles on peut déduire
que les sommes en question ne constituent pas des frais propres à l'employeur,
mais des rémunérations déguisées.

Aussi, la preuve qui incombe à l'administration peut résulter de déclarations du


contribuable qui constituent une présomption. C'est ce qu'il ressort d'un arrêt du
16 mars 2011 de la Cour d'appel de Bruxelles184. Monsieur K et son épouse,
couturiers de profession, sont sous contrat d'emploi avec la SA N, ayant convenu
que cette dernière utiliserait leur atelier de couture, moyennant la prise en charge
des frais de fonctionnement de cet atelier. Les époux K adressent à ce sujet des
notes de frais forfaitaires mensuelles. En l'espèce, dans leur réponse à l'avis de
rectifcation, M. et Mme K ont détaillé les frais remboursés par leur employeur soit
au total des montants inférieurs aux montants déclarés par l'employeur et
correspondant aux notes de frais rentrées, en faisant valoir qu'ils avaient pu
reconstituer la majeure partie des preuves de paiement de ces frais, notamment sur
la base des factures périodiques d'eau, gaz, électricité, téléphone. Selon la Cour,
c'est à raison que le premier juge a validé l'imposition par l'Etat belge, à titre de
rémunérations, de la diférence entre (i) le montant forfaitaire payé par la SA N pour
les postes eau, gaz, électricité, téléphone, petit matériel, outillage, et (ii) les frais
exposés par les époux K pour ces postes suivant leur propre déclaration fondée sur
des factures.

La Cour d'appel de Mons, dans son arrêt du 30 novembre 2011185, s'est quant à elle
prononcée sur la situation d'un dirigeant d'entreprise qui exerçait prétendument
un mandat à titre gratuit et percevait des remboursements de frais propres à
l'employeur. La Cour relève qu'en l'espèce aucun document écrit ne démontre que
la gérance était gratuite. En outre, douze opérations de débit provenant du compte
bancaire de la société durant la période imposable litigieuse reprenaient en
communication « émoluments gérants », alors que ces montants étaient repris dans
diférents comptes de la société, dont le compte 'Frais propres à l'employeur'. Dans
la comptabilité de la société, ces douze versements ont été initialement enregistrés
dans un compte 'Commissions accordées', qui a ensuite été complètement soldé et
liquidé au proft du compte 'Dépenses propres à l'employeur'. Dans cette afaire, la
Cour approuve également l'accroissement de 50 % appliqué par l'administration
dans la mesure où selon elle, le fait de cacher une rémunération de gérant derrière
des remboursements de frais propres à l'employeur constitue sans conteste une
infraction aux dispositions du CIR 92 avec l'intention d'éluder l'impôt.

59.
184


Bruxelles, 16 mars 2011, rôle n° 2004/AR/1541.
185


Mons, 30 novembre 2011, rôle n° 2010/RG/669.
Quelques décisions, heureusement minoritaires, ont fait valoir à tort qu’il
incombait au contribuable (travailleur ou employeur) d’apporter la double preuve
que, d’une part, l’indemnité octroyée est destinée à couvrir des frais qui lui sont
propres, et d’autre part, que l’indemnité octroyée a efectivement été consacrée à
de tels frais. En ce sens, la Cour d’appel d’Anvers, dans son arrêt du 28 novembre
2006, a estimé que l’employeur doit remettre les renseignements nécessaires
concernant les indemnités octroyées au titre de dépenses professionnelles ; qu’il
doit apporter la double preuve que, d’une part, l’indemnité est destinée à couvrir
les frais qui lui sont propres et que, d’autre part, l’indemnité a efectivement aussi
été consacrée à de tels frais. A défaut de cette double preuve, l’indemnité sera
considérée comme une rémunération imposable dans le chef du travailleur. En
l’espèce, l’employeur n’a pas pu apporter cette double preuve parce qu’il n’a pas
démontré que l’indemnité avait efectivement été consacrée à de tels frais186.

Dans le même sens, par sa décision anticipée n° 900.039 du 01.12.2009, la SDA


rappelle qu'aucune décision fscale anticipée favorable ne peut être prise si, d'une
part, la double preuve que l'indemnité est destinée à couvrir les frais qui lui sont
propres et que cette indemnité a été efectivement consacrée à de tels frais, n'est
pas apportée et si, d'autre part, il n'est pas démontré que l'indemnité sert au
remboursement de frais qui sont identiques aux frais qui sont à la base des
indemnités forfaitaires qui sont attribuées par l'Etat en remboursement de
dépenses propres à l'employeur et que les circonstances dans lesquelles ces
indemnités sont attribuées sont identiques aux circonstances dans lesquelles le
personnel de l'Etat peut revendiquer ladite indemnité.

60.

Il est, par ailleurs, des cas où les cours et tribunaux n'ont pas estimé devoir
appliquer la présomption. Ainsi, dans son arrêt du 10 février 2012, la Cour d'appel
de Mons187 a jugé qu'en l'espèce qui lui était soumise la présomption de l'article 32
CIR 92 ne jouait pas et qu'il n'appartenait donc pas à l'administration de la
renverser. Un contribuable, résident fscal belge, était administrateur d'une société
française, ce mandant étant exercé à titre gratuit. Il recevait de ladite société une
allocation mensuelle constituant un remboursement de frais propres à l'employeur,
pour frais de déplacement, frais de représentation, frais de restaurant, frais d'hôtel,
frais de séjour. L'administration fscale belge soutenait qu'il s'agissait d'une
rémunération de dirigeants d'entreprise perçues en France, certes taxables en
France et exemptées d'impôt en Belgique, mais sous réserve de progressivité. La
Cour constate que la qualifcation des sommes versées par la société française au
titre de frais propres à l'employeur ne correspond pas à celle reprise sur les fches
de paie et documents communiqués par l'administration française à
l'administration belge. Etant donné qu'il n'est pas établi que les sommes ont été
déclarées par la société française au titre d'indemnités allouées en remboursement
186


Anvers 28 novembre 2006.
187


Mons 10 février 2012, rôle n° 2010/RG/949.
de dépenses professionnelles propres à la société, la présomption légale dont le
dirigeant entend se prévaloir ne peut être retenue en l'espèce, selon la Cour.

Cet arrêt a été rendu suite à l'appel interjeté à l'encontre du jugement du tribunal
de première instance de Mons du 22 juin 2010188, selon lequel il ne se justife pas
d’exonérer de toute taxe, sans aucune preuve de la réelle nature des frais
remboursés, les indemnités forfaitaires versées par une société française à un
dirigeant belge qu’elle ne rémunère pas par ailleurs. Le contribuable invoquait la
circulaire AFER 17/2006 du 11 mai 2006 concernant les indemnités forfaitaires pour
les voyages de service à l’étranger qui peuvent être considérées comme un
remboursement de frais propres à l’employeur non imposables, ce à quoi le
tribunal a répondu qu’il n’était nullement tenu d’appliquer une circulaire
ministérielle laquelle n’a pas force de loi.

Pour le surplus, l’administration, suivie en cela par le tribunal, objectait que cette
circulaire ne pouvait s’appliquer, en l’espèce, étant donné qu’elle vise les frais de
repas et autres menues dépenses, et non les frais de logement, ni les frais de
déplacement ou de voyage vers l’étranger et retour et qu’elle s’applique aux
contribuables qui recueillent des rémunérations de travailleurs ou dirigeants
d’entreprise, alors que, selon ses propres dires, le dirigeant exerçait sa fonction
d’administrateur à titre gratuit et ne percevait aucune rémunération autre que
l’allocation mensuelle et forfaitaire litigieuse.

61

Dans son arrêt du 20 avril 2010, la cour d’appel d’Anvers 189 a validé l'imposition à
titre de rémunération de dirigeant d’entreprise d'une inscription au compte-
courant, alors que le dirigeant soutenait que l’inscription à son compte-courant ne
constituait que le traitement comptable d’un remboursement de frais propres à la
société, au motif que le contribuable n’apportait pas la preuve que le crédit avait
trouvé son origine dans autre chose que l’exercice de son mandat d’administrateur,
et ne démontrait pas que le crédit de son compte-courant constituait le traitement
comptable d’un remboursement de frais propres la société190.

Aussi, il convient de rappeler que les règles de base en matière de renversement de


charge de la preuve s'appliquent en cas d'avis d'imposition d'ofce. C'est ce qu'a
rappelé la Cour d'appel de Bruxelles191, dans son arrêt du 21 novembre 2012, à
savoir que c'est sur le contribuable, imposé d'ofce sur les sommes perçues en
remboursement de frais propres à l'employeur, que repose la charge de la preuve
188


Civ. Mons, 22 juin 2010, rôle n°A.09/869/A.
189


Anvers 20 avril 2010.
190


Anvers 20 avril 2010, rôle n° 2006/AR/2041.
191


Bruxelles, 21 novembre 2012, rôle n° 2008/FR/17.
du caractère non imposable de ces indemnités. Après examen des éléments du
dossier administratif, la Cour a jugé, en l'espèce, que la preuve du caractère non
imposable n'était pas rapportée.

62.

S’agissant de dépenses propres à la société, il ne fait aucun doute et il est de


doctrine et de jurisprudence constantes, que c’est à l’employeur qu’il appartient de
justifer de la réalité du montant du remboursement et du caractère professionnel
de celui-ci s’il entend le déduire au titre de charges professionnelles, de même que
c’est à l’employeur que l’administration doit s’adresser pour obtenir tous
renseignements et justifcations nécessaires concernant ces indemnités192. La cour
d’appel d’Anvers a ainsi souligné que la présomption de non-imposabilité des
indemnités versées à titre de remboursement de frais propres à l’employeur,
« enkel speelt ten aanzien van de verkrijger der vergoeding (werknemer of werkend
vennoot) »193. La cour rappelle à juste titre que sur le plan de l’impôt des sociétés,
les frais professionnels ne sont admis que s’ils rencontrent les conditions prévues
par l’article 49 du C.I.R. 92.

Ce n’est dès lors pas à l’employé ou au dirigeant de rapporter la preuve que les
sommes qui lui ont été payées par la société l’ont bien été en contrepartie de
dépenses qu’il avait faites pour le compte de celle-ci 194.

La cour d’appel de Bruxelles a également et très opportunément rappelé que


lorsque l’administration admet que les sommes payées par une société à son
gérant constituent, dans le chef de celle-ci, des charges déductibles à titre de frais
qui lui sont propres et non à titre de rémunération, « la qualifcation qui vaut pour
une société qui paye les sommes vaut, en cette matière, nécessairement aussi pour
le requérant qui recueille celles-ci »195. Elle précise encore que : « L’administration
n’apporte pas cette preuve contraire puisqu’elle a admis que la totalité des
sommes litigieuses constituait le remboursement au requérant de charges propres
à [la société], et non des rémunérations »196.

192

 « Attendu que les dépenses couvertes par ces indemnités constituent


des dépenses professionnelles, non dans le chef de l’employé, mais dans le chef de
l’employeur qui les considère comme ayant été faites pour son compte et à son proft
et à qui il appartient de justifer leur réalité, leur montant et leur caractère
professionnel » (Cass., 2 janvier 1962, précité).
193

 Anvers, 15 février 2000, rôle no 1996/FR/310. Traduction libre : « joue


uniquement à l’égard du bénéfciaire du remboursement (travailleur ou associé actif) ».
194

 Cass., 30 octobre 1986, arrêt précité, Bruxelles, 27 janvier 1994, précité.


195

 Bruxelles, 19 mars 2003, rôle no 1996/FR/251.


196

 Ibid.
63.

Nous l’avons dit (et regretté), la jurisprudence déroge parfois à ce principe, en


contravention avec les règles légales instituées. En réalité, cette situation s’explique
essentiellement pour des raisons pratiques : dès lors que le cadre ou dirigeant
pourrait se voir taxé au titre de rémunération déguisée, il a intérêt, le cas échéant, à
fournir des pièces justifcatives dont il serait le détenteur. Il ne peut naturellement y
avoir d’objection à ce que le travailleur soit autorisé à fournir des preuves lorsque
son employeur, pour sa part, reste en défaut de le faire197. Cet intérêt peut
cependant se muer en désavantage procédural si ces justifcatifs s’avèrent
incomplets voire non pertinents, car le juge pourrait être tenté d’en conclure que
les remboursements incriminés cachent, en fait, des rémunérations.

De même a-t-il été parfois jugé qu’en raison de la position du travailleur au sein de
la société, celui-ci disposait des documents nécessaires : un mandataire social est
plus à même de fournir pour lui-même certaines pièces justifcatives qu’un simple
employé n’y ayant pas accès198. Il demeure qu’il appartient d’abord et toujours à
l’administration de renverser la présomption de non-imposabilité sans que cette
question soit liée à la présomption éventuelle tirée d’une absence ou d’une
insufsance des pièces justifcatives, ce qui provoque parfois les erreurs
jurisprudentielles.

64.

D’une manière générale, et indépendamment de la question de la charge de la


preuve examinée ci-avant, savoir si une dépense est efectivement propre à la
société ou non, s’apprécie à la lumière des faits. C’est par ailleurs la position de
l’administration, qui estime nécessaire de déterminer, dans chaque cas, à quelle
catégorie une dépense appartient, ce qui dépendra naturellement des
circonstances inhérentes à chaque espèce particulière199.

Il est donc malaisé de défnir une limite précise. Ce qu’il faut considérer de manière
certaine, c’est qu’une dépense propre à la société est celle avancée par le dirigeant
pour le compte de la société, à l’exclusion de toute recherche d’un éventuel
avantage de toute nature imposable : à la diférence d’une rémunération dont la
fnalité est de rétribuer le travailleur en raison de la relation professionnelle, le
remboursement couvre une dépense dont seule la société, pour le compte de

197

 Voy. notamment Bruxelles, 15 mai 2003, rôle no 1997/FR/178, où le


travailleur avait produit un relevé détaillé des dépenses que son propre employeur
avait communiqué dans le cadre du contrôle société d’où il ressortait qu’il s’agissait
bien de dépenses propres à l’employeur.
198

 Cf. à ce propos G. GEMIS, précité.


199

 Com. I.R., no 26/30.2.


laquelle elle est exposée, profte200. Il y a en conséquence une recherche du lien
causal à efectuer : si l’indemnité a été efectivement consacrée à des frais
incombant à la société et avancés par le dirigeant d’entreprise, elle ne constituera
pas une rémunération imposable dans le chef de ce dernier, et sera déductible
dans le chef de la société pour autant que le caractère professionnel des dépenses
couvertes par l’indemnité soit établi201. Ainsi que le souligne la Cour de cassation,
« les dépenses couvertes par ces indemnités constituent des dépenses professionnelles
non dans le chef de l’employé, mais dans le chef de l’employeur qui les considère
comme ayant été faites pour son compte et à son proft et à qui il appartient de justifer
de leur réalité, de leur montant et de leur caractère professionnel »202.

À l’occasion d’un litige relatif à la situation d’un cadre étranger prétendant au


remboursement de frais supplémentaires supportés en raison de son afectation en
Belgique, porté devant la Cour de cassation203, l’avocat général G. Bresseleers a
cerné plus précisément la notion de frais propres à l’employeur. Dans ses
conclusions précédant l’arrêt, il précise que sont propres à l’employeur tant les frais
inhérents à l’exécution du contrat de travail, à moins que les parties n’en
conviennent autrement (p. ex., les vêtements de travail, les frais de voyage et de
téléphone du représentant de commerce, etc.), que ceux qui, découlant de
l’exécution du contrat de travail, sont à charge de l’employeur en application d’une
loi, d’une convention collective de travail, d’un contrat individuel ou d’un
engagement unilatéral de l’employeur (p. ex., des frais de déplacement ou des frais
de repas, etc.)204.

Dans son jugement du 31 décembre 2007, le tribunal de première instance de

200

 Rappelons qu’une société a pour but de réaliser des bénéfces, et que


les frais qu’elle expose doivent l’être dans l’intérêt qu’elle a d’acquérir ou de conserver
des revenus imposables (art. 49 C.I.R. 92). La mise à disposition par le dirigeant de son
véhicule moyennant paiement d’une somme forfaitaire par la société constitue un
loyer versé en contrepartie d’un usage du véhicule et non un remboursement de frais
propres à la société : il s’agit donc d’une rémunération taxable. C’est ce qu’a décidé le
tribunal de première instance de Liège le 3 novembre 2005 (rôle n o 01-1531-A) qui a
relevé qu’aucune somme d’argent n’a été déboursée par ce dirigeant pour le compte
de la société.
201

 Sans oublier que c’est, en principe, l’administration qui a la charge de la


preuve – cf. supra. Voy. aussi Liège, 11 juin 1997, Fiscologue, no 621, p. 9, où la cour
rejette des indemnités de déplacement mensuelles comme frais propres à l’employeur,
dès lors qu’il apparaît que le joueur de football concerné ne prestait pas ou
qu’occasionnellement les obligations que ces indemnités étaient censées couvrir. Cette
décision est logique.
202

 Cass., 30 octobre 1986 et Cass., 2 janvier 1992, précités.


203

 Voy. infra no 358.


204

 Conclusions, M.P., R.W., 1993-1994, 399.


Liège a conclu, dans une espèce où tous les frais de séjour à l’étranger du
travailleur, y compris les menues dépenses et les repas, avaient été payés par
l’ASBL, qu’aucune dépense n’avait réellement été supportée par l’intéressé et que
les indemnités forfaitaires perçues constituaient une rémunération
complémentaire déguisée205.

Dans une autre espèce soumise à la Cour d'appel d'Anvers, ayant donné lieu à un
arrêt du 23 octobre 2012206, un contribuable, footballeur de profession, avait reçu
de son employeur des montants en remboursement de frais de représentation, de
prospection, d’habillement, de téléphone et de parking. Selon lui, il s'agit de
montant acquis en remboursement de frais propres à l’employeur. La Cour d’appel
constate toutefois que le contribuable ne donne qu’une description très vague de
la nature des frais remboursés, et qu'en outre, les frais mentionnés ne sont pas des
frais que l’employeur doit assumer pour mettre à la disposition de ses travailleurs
l’aide, les outils et le matériel nécessaires à l’exercice du travail, et conclut au
caractère de rémunération déguisée des montants reçus.

65.

Le commentaire administratif a ainsi établi une liste exemplative d’indemnités


en remboursement de dépenses professionnelles propres à l’employeur 207. Ces
divers coûts peuvent être considérés par conséquent comme propres à la
société.
Relevons, parmi ceux-ci :
- les allocations pour frais de représentation, de voyages, de route, de séjour, de
bureau, de port d’uniforme et autres analogues, lorsque ces frais incombent à
l’employeur ;
- les frais de séjour, de parcours, de changement de résidence, de loyer et de bureau
des fonctionnaires ;
- l’indemnité forfaitaire allouée aux chaufeurs d’autos des cabinets ministériels 208 ;
- les indemnités payées aux travailleurs, conformément au Règlement général pour
la protection du travail, pour des frais de vêtements de travail qui sont imposés par
l’autorité et dont les employeurs doivent assumer la charge en vertu du
Règlement ;
- etc. (cf. commentaire administratif).
205


Civ. Liège 31 décembre 2007.
206


Anvers 23 octobre 2012, rôle n° 2011/AR/1803.
207

 Com. I.R., no 31/42.


208

 « Cette indemnité, dont chaque ministère détermine le montant sans


qu’elle puisse dépasser 2 478,19 € par an, remplace l’indemnité pour frais de séjour
dont lesdits chaufeurs d’autos sont privés. L’allocation forfaitaire mensuelle de 272,21 €
(476,38 € pour chaufeurs personnels des ministres), qui est allouée aux chaufeurs
d’autos précités pour prestations exceptionnelles, est cependant imposable (Com. I.R.
92, 31/42, 5o) ».
66.

La Cour de cassation a entendu aussi poser clairement en principe qu’en cette


matière, un lien logique doit être créé entre la qualifcation donnée aux sommes
versées par une société à son employé ou dirigeant et sa déductibilité : pareilles
sommes ne peuvent à la fois couvrir une dépense propre à l’employeur et une
dépense propre à l’employé. Ainsi, la Cour de cassation a censuré un arrêt rendu
par la cour d’appel de Bruxelles qui, après avoir considéré que les sommes
perçues à titre de frais propres à l’employeur n’étaient pas des rémunérations
déguisées, décide ensuite que ces mêmes sommes devaient être déduites du
montant des dépenses professionnelles de ce contribuable 209.

67.

Des accords peuvent également être passés entre des employeurs et


l’administration. Une société peut en efet convenir avec son inspecteur
principal-chef de service du contrôle concerné, ou le directeur selon le cas 210,
d’un seuil d’indemnités octroyées par exemple à des administrateurs destinées à
couvrir des dépenses réelles propres à la société. L’article 111 de la loi du
20 juillet 2005 portant des dispositions diverses 211 a toutefois expressément
spécifé que ce type d’accord « ne comporte d’engagement qu’en matière
d’impôts sur les revenus ».

L’avantage de pareil accord réside bien entendu dans le fait que


l’administration, à concurrence des montants prévus, ne cherchera pas à
renverser la présomption de non-imposabilité de ce type d’indemnités : le
travailleur ne sera donc pas amené à devoir faire la preuve, le cas échéant, que
ces indemnités couvrent des dépenses propres à l’employeur, ni qu’elles ont
bien été utilisées à cet efet. De plus, on peut de la sorte défnir le type de
« contre-prestation » à l’avance et sans remise en cause.

Ainsi, dans le cadre d’un accord conclu entre la direction centrale des
contributions directes et une institution bancaire, il fut convenu que dans le
cadre d’un remboursement forfaitaire efectué annuellement par la société à
concurrence de 11 155 €, et en dehors de 10 % constituant un avantage de
toute nature, l’indemnité n’était pas taxable dans le chef du membre du comité
de direction concerné.

209

 Cass., 2 décembre 1994, F.J.F., no 95/58 ; voy. aussi Trib. Louvain,


18 février 2005, rôle no 01-1475-A, dans une espèce où le contribuable avait déduit ses
frais de voiture et perçu par ailleurs une intervention de son employeur dans le cadre
de ces mêmes frais.
210

 Voy. infra no 126.


211

 M.B., 29 juillet 2005. Il en est de même en ce qui concerne « la


qualifcation des revenus et les décisions de cette administration prises en matière de
qualifcation des revenus ». La loi est entrée en vigueur le 8 août 2005.
Les dépenses suivantes, dans le cadre de cet accord, furent considérées comme
des frais propres à la société :
- frais en rapport avec l’habitation privée du bénéfciaire et les réceptions à domicile
ou autres manifestations qui y sont organisées ;
- aménagement d’un bureau en dehors des locaux de la banque, y compris les frais
d’utilisation, de chaufage, d’éclairage ou d’entretien ;
- frais de téléphone ;
- dépenses personnelles de documentation et d’abonnement à des revues
professionnelles ;
- participation à des activités de toute nature au sein de groupements, même
accompagné du conjoint si la présence de celui-ci était nécessaire, que ces
groupements aient un lien direct ou non avec l’activité professionnelle (Lion’s,
Rotary, …) ;
- participation à des activités récréatives ou de prestige au sein de l’association en
relation directe avec l’activité professionnelle ;
- frais d’habillement ;
- dépenses de correspondants et de cadeaux de circonstance à l’occasion
d’événements intéressant le milieu familial ou la clientèle ;
- dépenses occasionnées par la participation du conjoint ou d’autres membres de la
famille à des activités de représentation du bénéfciaire des indemnités 212.
Un accord fscal peut, bien entendu, être annulé lorsqu’il est vicié par une
erreur de droit ou de fait. Ainsi, tant dans une espèce où la société avait marqué
son accord pour qu’une indemnité payée à son administrateur à titre de
remboursement de frais propres à l’employeur, soit imposée à titre de libéralité,
le tribunal de première instance de Louvain a rappelé qu’en aucun cas, pareilles
indemnités ne pouvaient être considérées comme des libéralités non
déductibles au titre de frais professionnels. L’accord, sur ce point, en raison du
vice qu’il recèle, ne peut par conséquent sortir ses efets 213.

68.

Sans pouvoir donner une liste limitative de frais qui pourraient être considérés
comme propres à l’employeur, outre ceux relevés par l’administration elle-
même ou convenus par des accords-cadre, on peut classer parmi ce type de
frais, notamment :
- des frais de pourboire et de vestiaire ;
- des frais de parking de courte durée ou de car-wash ;
- des frais de souscription de cartes de crédit ;
212

 Exemple donné par J.-L. DAVAIN, étude précitée, nos 59 et 60, pp. 25 et
26. Les accords peuvent également intervenir en cours de procédure et être entérinés
par le juge. Pour un exemple, voy. Bruxelles, 29 septembre 2005, rôle n o 96-FR-508, en
relation avec des frais de déplacement et de repas.
213

 Trib. Louvain, 14 janvier 2005, rôle no 03-2527-A : « Een dergelijk


akkoord is noodzakelijkerwijze aangetast door een dwaling in rechte. (…) Ofwel wordt
aanvaard dat vergoedingen (…) de aard hebben van vergoedingen van kosten eigen aan
de werkgever, ofwel de administratie bewijst dat het om bijkomende bezoldigingen gaat en
dat zij in beide gevallen als beroepskost aftrekbaar zijn. »
- des frais d’amendes de parking et de circulation dans les déplacements
professionnels. Il s’est posé la question de savoir si le remboursement par
l’employeur des amendes de roulage encourues par leurs travailleurs pouvait ou
non entrer dans les frais propres à l’employeur, ou si cela constituait un avantage
de toute nature imposable dans le chef du travailleur. 214 Selon le Ministre, une
distinction doit être opérée selon que l’infraction rentre ou non dans le cadre de
l’exercice normal de l’activité professionnelle. Par exemple, si l’infraction est
commise par un agent de secours lorsqu’il se rend d’urgence sur les lieux d’un
accident, le remboursement de l’amende en question peut être considéré comme
une défense propre à l’employeur. Lorsqu’une telle qualifcation n’est pas possible,
le remboursement par l’employeur d’amendes de roulage ou autres amendes
pénales qui ont été encourues par les travailleurs doit être considéré comme un
avantage de toute nature imposable, et ce même si ces amendes ont été
encourues pendant l’exercice de la profession.
- des frais de taxi pour regagner le domicile après une réception ;
- des frais de renouvellement de passeport.

À la demande expresse du sénateur De Decker, le ministre des Finances a


précisé que les frais liés à l’intervention d’un bureau d’« outplacement », de plus
en plus « oferts » par les employeurs licenciant un travailleur, ne constituent pas
un avantage imposable dans le chef de ce dernier, et doivent être assimilés à des
frais propres à l’employeur déductibles au titre des frais professionnels. Cette
réponse de principe est émise sous la réserve que l’outplacement ne donne pas
lieu à un ou plusieurs avantage(s) supplémentaire(s) pour le travailleur, alors
imposable(s) dans son chef215. Notons que la loi du 5 septembre 2001 visant à
améliorer le taux d’emploi des travailleurs, a inséré dans la législation sociale
une procédure de reclassement professionnel (l’outplacement) pour les
travailleurs licenciés âgés de 45 ans ou plus licenciés par leur employeur 216. Il est
par conséquent évident que dans ce cadre, il ne saurait y avoir avantage
imposable dans le chef du travailleur.

69.

Le fsc distingue les frais propres à la société selon que leur remboursement
s’opère :
- de manière réelle, sur la base de pièces justifcatives ;
214


Question n° 469, Jenne De Potter du 14 mai 2009, Bulletin des Questions et
Réponses, Chambre, 2008-2009, n° 67 du 29 juin 2009, pages 144-146.
215

 Q. et R. parl., Sénat, no 1-16, 30 avril 1996, p. 809. On doit supposer que


cette réserve ne peut viser les conséquences d’un outplacement qui aboutirait à
permettre au travailleur de décrocher un nouvel emploi, ce qui serait absurde, mais
bien les conditions d’octroi par l’employeur de cette faculté.
216

 Articles 12 à 18, M.B., 15 septembre 2001. La procédure proprement


dite et des mesures d’exécution ont été arrêtées par la CCT n o 82, conclue le 10 juillet
2002, entrée en vigueur le 15 septembre 2002 et rendue obligatoire par l’arrêté royal
du 20 septembre 2002 (M.B., 5 octobre 2002).
- de manière forfaitaire d’après des normes sérieuses et concordantes ;
- de manière forfaitaire.

Les première et troisième catégories s’auto-défnissent. La seconde catégorie de


remboursement est celle qui a trait aux indemnités qui, soit sont le résultat
d’observations et de recoupements nombreux, soit couvrent des charges réelles
lorsque leur montant ne dépasse pas le taux de remboursement accordé par
l’État à ses agents. Ce point de vue est partagé par l’administration 217.

Aux termes du commentaire administratif, on peut donc considérer que les


indemnités suivantes, allouées en remboursement de frais, couvrent des
charges efectives, et que, par conséquent, on se trouve en présence
d’indemnités fxées selon des normes sérieuses, lorsque :

a) L’indemnité allouée en remboursement de frais de voiture, fxée en fonction du


kilométrage réellement parcouru, ne dépasse pas le montant des indemnités de
même nature allouées par l’État aux membres de son personnel, et pour autant
que le kilométrage annuellement parcouru ne soit pas considéré comme
anormalement élevé, c’est-à-dire ne dépasse pas 24.000 km. Au-delà de ce
kilométrage, l’administration exige la production de documents probants, estimant
en efet que les frais fxes diminuent au regard du coût variable d’utilisation du
véhicule et qu’une vérifcation réelle s’impose, afn de s’assurer que le barème
forfaitaire n’entraîne pas un avantage pour le bénéfciaire. La position
administrative est cependant critiquée par la jurisprudence. Ainsi, un arrêt rendu
par la cour d’appel d’Anvers jette un fameux pavé dans la mare : elle décide en efet
que « de loutere verwijzing naar de bepalingen van een K.B. [art. 12, al. 2 de l’A.R. du
18 janvier 1965 contenant la réglementation générale en matière de frais de
voyage] dat geen betrekking heeft op de inkomstenbelastingen en waarnaar dan de
fscale wet geenzins wordt verwezen, en naar een eigen administratieve richtlijn – die
geen steun vindt in de wettelijke bepaling – niet vermag het bewijs op te leveren van
het feit dat te dezen “verpakte bezoldigingen” werden toegekend door middel van
vergoedingen van eigen kosten van de vennootschap »218. L’administration est ainsi
amenée à se fonder sur des réalités, non sur des circulaires ou textes
réglementaires n’ayant pas force de loi et ne pouvant, comme tels, renverser une
217

 Cf. Com. I.R., no 31/36. Ainsi, récemment, le ministre de Finances a


déclaré que les indemnités forfaitaires de séjour et les indemnités forfaitaires RGPT qui
sont accordées en vertu des conventions collectives de travail conclues dans le secteur
du transport de choses au moyen de véhicules à moteur, peuvent être considérées
comme des remboursements de dépenses propres à l’employeur déterminées selon
des normes sérieuses, pour autant qu’aucune autre indemnité de même nature ne soit
attribuée en sus (Q. et R. parl., Sénat, 2003-2004, no 3-5 du 2 décembre 2003, p. 366,
Fiscologue, no 922, 6 février 2004, p. 12).
218

 Anvers, 2 avril 2002, précité. Traduction libre : « Le simple renvoi aux


dispositions d’un arrêté royal qui ne se rapporte pas à l’impôt sur le revenu et
auxquelles la loi fscale ne fait aucunement référence, et le renvoi à une directive
administrative propre – qui ne se fonde pas sur une disposition légale – ne peut
constituer la preuve de “rémunérations déguisées” au moyen de remboursements de
frais propres à la société ».
présomption de non-imposabilité. Cette jurisprudence nous paraît pouvoir être
approuvée, dans une optique légaliste : même au-delà des 24 000 km, il doit être
permis de fxer le remboursement des frais de voiture de manière forfaitaire, à
condition que le montant versé à ce titre se fonde sur des normes sérieuses.

Il n’est pas interdit pour la société, d’autre part, d’allouer un remboursement sur une
base autre que celle du barème forfaitaire de l’État, pour autant bien sûr qu’elle
puisse prouver que les coûts ont été réellement encourus, c’est-à-dire
correspondent au coût moyen par kilomètre 219.

Dans le chef de la société, la partie de l’indemnité soit excessive, soit excédant les
frais réellement encourus, sera intégralement déductible (comme toutes charges
salariales) puisque traitée, dans le chef du bénéfciaire, comme un avantage en
espèces imposable au titre de revenus professionnels. La partie de l’indemnité
admise forfaitairement ou correspondant aux frais réellement encourus sera non
imposable, ni soumise à cotisation sociale dans le chef du bénéfciaire, et
déductible dans le chef de la société à concurrence de 75 % (sauf frais de carburant,
de fnancement et de mobilophone)220221.

On relèvera, d’autre part, que dans une S.P.R.L. où un associé actif avait mis son
véhicule personnel à la disposition de « sa » S.P.R.L. à charge pour elle de lui
rembourser ses frais de voiture, la cour d’appel de Gand a jugé ce remboursement
comme étant une rémunération, à défaut pour le contribuable de prouver qu’il
utilisait le véhicule à des fns exclusivement professionnelles. La cour relève aussi
219

 J.-L. DAVAIN, « Le régime fscal de l’usage du véhicule », étude précitée,


p. 7. Voy. aussi la réponse apportée par le ministre des Finances à la question n o 954,
posée par M. DE SCHAMPELAERE le 20 juillet 2000.
220

 En pratique, et sauf à démontrer avec certitude la quote-part réelle des


coûts variables, on se réfère à la formule 70 %-30 % : l’administration admet en efet de
considérer forfaitairement 30 % de l’indemnité kilométrique comme étant les frais
variables (essentiellement le carburant) et en conséquence leur déduction intégrale.
Par exemple, si une société alloue une indemnité de 750 € à son administrateur, 225 €
seront déductibles à 100 % par la société et 525 € à concurrence de 75 %. La société
déduira ainsi 618,75 € à l’I. Soc., le solde, soit 131,25 €, étant rejeté (voy. supra, no 87).
221

 Quand on parle de mobilophone, c’est aussi de GSM. Du moins, d’un


point de vue contributions directes, où 100 % des frais sont déductibles. En matière de
TVA, il faut préférer le GSM, car étant un élément portable, c’est-à-dire non fxé au
véhicule automobile, il permet une déduction à 100 % de la TVA. Par contre, la TVA due
sur la livraison d’un mobilophone fxe est soumise à la limitation de la déduction à
50 %. Le Code de la TVA prévoit, en ce qui concerne les voitures, une déductibilité de
TVA limitée à ce pourcentage, non seulement pour l’acquisition du véhicule, mais aussi
pour les biens et services qui y sont relatifs (les améliorations, aménagements et
transformations, de même que la livraison d’accessoires et d’équipements entrant dans
ce cadre). À la diférence du GSM, le mobilophone est destiné à être installé d’une
manière permanente dans le véhicule (voy. les conclusions du ministre des Finances, in
Q. et R. parl., Ch. repr., 1995-1996, no 18, p. 1899) ; Tony LAMPARELLI, o.c., no 22, pp. 26-27 ;
Liège, 26 octobre 2001, F.J.F., 2002/267, p. 787.
que celui-ci n’établit pas que les déplacements et services efectués après avoir mis
sa voiture à disposition de la S.P.R.L. l’ont été au seul proft de cette dernière et non
en vue d’acquérir des revenus personnels. Cette dernière considération nous paraît
critiquable. Sans doute la cour a-t-elle eu égard au fait que la société disposait
encore d’un véhicule propre. La cour précise que dans ces circonstances, seuls les
frais de déplacements du domicile au lieu de travail peuvent être considérés
comme professionnels222. Jusqu’au 31 août 2000, les indemnités variaient en
fonction de la puissance fscale du véhicule et étaient calquées sur celles retenues
pour déterminer l’avantage de toute nature. Cependant, depuis le 1 er septembre
2000, le montant de l’indemnité kilométrique est fxé uniformément, quelle que
soit la puissance imposable223.La circulaire n°628 du 5 juillet 2013 fxe le montant de
l'indemnité kilométrique à 0,3461 € pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin
2014.

b) Les indemnités forfaitaires allouées aux membres du personnel pour frais de séjour et de
repas en remboursement des frais que ceux-ci exposent au cours de déplacements
efectués en Belgique, ne dépassent pas le montant des indemnités analogues que
l’État accorde aux membres de son personnel. Jusqu'au 31 août 2017, c'est l’art. 2
de l’A.R. du 24 décembre 1964 fxant les indemnités pour frais de séjour des
membres du personnel des services publics fédéraux 224 qui servait de référence, tel
que modifé par l’A.R. du 4 août 2004, entré en vigueur le 1 er décembre 2004). Les
montants repris dans le tableau ci-dessous sont indexés au 1 er juillet 2017, et
constituent les forfaits maximums (il peut y avoir des diférences selon les classes et
niveaux – les montants ci-dessous visent les A4 et A5, correspondant à la direction
dans le secteur privé ; il y aussi des montants pour les A1 à A3, les cadres, et B à D
qui sont l'équivalent des employés et ouvriers) :

Déplacement par Supplément pour la nuitée


jour calendrier

De plus de 5 heures De 8 heures Logement aux frais du Logement gratuit(**)


à moins de 8 heures et plus membre du personnel(*)

3,98 € 19,99 € 45,54 € 23,97 €


222

 Gand, 14 décembre 1995, 95541409, R.G.F., Actualités fscales, 1996,


16/II, la conclusion de la cour étant pour le moins surprenante.
223

 Arrêté royal du 20 juillet 2000, M.B., 15 août 2000. Ce montant était de


0,3456 euro du kilomètre, pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 – Circulaire n°
619 du 18.6.2012 du Service Public Fe ́de ́ral Personnel et Organisation (MB 27.6.2012) . À
l’occasion de la réponse apportée à la question posée par M. DE SCHAMPELAERE (supra,
note 251), le ministre précise, quoique cela nous ait paru évident, que l’arrêté royal du
20 juillet 2000 n’exerçait aucune infuence quant au calcul du montant des avantages
de toute nature éventuels, qui prend en compte, comme nous le savons, la puissance
imposable du véhicule utilisé.



Voyez aussi Circulaire n° Ci.RH.241/629.056 (AGFisc N° 34/2013) dd. 17.09.2013.
224

 M.B., 6 janvier 1965.


(*) Indemnité pour le repas du soir, le logement et le petit-déjeuner.
(**) Chez tout tiers quelconque (famille, connaissances, collègues, amis, etc. sans
bourse délier.

Par ailleurs, les déplacements d'une durée ininterrompue de plus de cinq heures à
moins de huit heures qui comprennent entièrement la treizième et la quatorzième
heure du jour, donnent toutefois lieu à l'octroi de l'indemnité prévue pour les
déplacements d'une durée de huit heures au moins.

Une nouvelle réglementation est entrée en vigueur à partir du 1 er septembre 2017. À


cette date, les montants et les conditions d'octroi du défraiement forfaitaire changent
radicalement, dès lors que l'A.R. actuel du 24 décembre 1964 précité est abrogé et
remplacé.

Les conditions d’octroi des frais de séjour sont durcies. Outre la condition de la distance
qui doit être supérieure à 25 kilomètres en dehors de l’agglomération de la résidence
administrative, la durée du déplacement doit dorénavant être supérieure à 6 heures et
ne doit pas donner lieu à la prise en charge par l’employeur des frais de repas ou d’un
avantage de même nature. Par avantage de même nature, sont visés :
- le ticket restaurant dont une partie du coût est prise en charge par l’employeur ou par
un tiers;
- la possibilité de prendre son repas dans un restaurant Fedorest ou dans un restaurant
en lien avec l'employeur. Cette possibilité est acquise quand, dans l’agglomération de
la résidence administrative, ou le cas échéant, dans la commune, où le membre du
personnel est astreint à se déplacer, est établi un restaurant Fedorest ou un restaurant
d'entreprise et, ce, pour autant que l’accès à celui-ci lui soit ouvert.

Le montant de l’indemnité journalière pour frais de séjour est identique pour tous les
niveaux et est égal à 10 euros (16,73 € indexés).

Une indemnité complémentaire pour frais de séjour est également prévue lorsque le
membre du personnel est amené, dans le cadre de -l’exercice de ses fonctions, et
moyennant une condition de distance de 75 kilomètres en dehors de l'agglomération
de la résidence administrative, à loger hors de sa résidence, et que cela lui occasionne
des frais. Cette indemnité ne peut par conséquent être octroyée lorsque le membre du
personnel dispose d’un logement gratuit ou d’un logement qui est pris en charge par
l'employeur. Le montant de l’indemnité est identique pour tous les niveaux et est égal
à 75 euros par nuit (125,51 € indexé).

Il faut relever une particularité au cas où les indemnités forfaitaires ainsi allouées
dépassent le montant de l’indemnité analogue accordée par l’État à ses agents. Il est
établi que si un employeur alloue à son dirigeant une indemnité correspondant à celle
allouée par l’État à ses agents, et même si l’employeur ne prouve pas que cette
indemnité a été réellement et exclusivement afectée aux dépenses qu’elle est censée
couvrir, l’administration admet que cette somme constitue un remboursement de frais
propres à l’employeur, non taxable dans le chef du bénéfciaire.

Toutefois, en ce qui concerne les frais de repas, il faut le cas échéant retenir un
avantage égal à la diférence positive entre, d’une part, le montant de la dépense
justifée, et, d’autre part, le montant de l’indemnité analogue accordée par l’État, sans
toutefois que la valeur de cet avantage ne puisse excéder les montants retenus à ce
titre.

Ainsi, si un dirigeant reçoit une somme supérieure de 5 € par jour à l’indemnité


correspondante que l’État alloue à son personnel, deux hypothèses peuvent survenir :
- l’employeur ou le dirigeant prouve que la totalité de l’indemnité a servi à
couvrir les dépenses prévues. Il y aura lieu de retenir un avantage taxable à
raison de la diférence, mais limité à 1,09 € ;
- l’employeur ou le dirigeant ne prouve qu’une dépense moyenne inférieure à
l’indemnité accordée par l’État. Dans ce cas, la diférence entre l’indemnité
correspondante accordée par l’État et l’indemnité reçue sera intégralement
taxable225.

c) Les indemnités allouées pour déplacements à l’étranger, destinées à couvrir les frais de
repas et menues dépenses226. Les indemnités journalières ne couvrent cependant pas
les frais de déplacement ni, bien sûr, de logement du bénéfciaire qui fait lui l’objet
d’une indemnité spécifque. Par voyage de service à l'étranger, il convient d'entendre
une mission de courte durée (maximum 30 jours calendrier) à l'étranger au service
efectif de l'employeur ou de la société pour le(la)quel(le) le contribuable est travailleur
ou dirigeant d'entreprise. Les périodes relatives aux éventuelles prolongations de
voyages volontairement efectuées par le contribuable, ne sont pas considérées
comme des voyages de service.

En ce qui concerne les déplacements à l’étranger, les indemnités sont


fxées sur base de celles défnies pour les membres du personnel de
l’administration centrale (catégorie 1) du Service Public Fédéral Afaires étrangères
lorsqu’ils séjournent à l’étranger227.

d) L’indemnité pour travail à domicile est également supposée couvrir des frais
réellement exposés et est, partant, non imposable dans le chef du travailleur et
déductible dans le chef de l’employeur, si le forfait est déterminé par une convention
collective de travail ou, à défaut, est égal à 10 % du salaire brut. Si le forfait est convenu
individuellement ou est supérieur au pourcentage sus indiqué, ce sera la règle générale
propre aux remboursements forfaitaires qui s’applique. Les articles 119/1 à 12 de la loi
du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ainsi que la C.C.T. n o 85 du 9 novembre
2005 relative au télétravail, en fxent les conditions d’application sur le plan social.

70.

225

 Com. I.R., no 31/43.


226


Par menues dépenses, il convient d’entendre, entre autres, le transport sur place
dans le pays de destination - tels que tram, bus, métro ou taxi -, les boissons et en-cas,
les communications téléphoniques locales et les pourboires.
227
Voyez l'Arrêté ministériel du 2 juillet 2018 portant établissement d'indemnités de séjour
octroyées aux membres du personnel et aux représentants du Service public fédéral
Afaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement qui se
rendent à l'étranger ou qui siègent dans des commissions internationales, Mon.B. 06
juillet 2018, page 54280.
Dans la pratique, et s’agissant des indemnités forfaitaires non fxées par
référence à des normes sérieuses, le commentaire administratif recommande au
contrôleur du travailleur d’agir de la manière suivante, qui nous paraît
critiquable :
- inviter le travailleur à justifer dans quelle mesure les indemnités forfaitaires en
question ont servi efectivement à payer les dépenses propres à l’employeur ;
- signaler, le cas échéant, au contrôleur de l’employeur les dépenses que le
travailleur justife avoir faites au proft de son employeur mais qui paraissent ne
pouvoir être admises, dans le chef de ce dernier, au titre de charges
professionnelles ;
- dépister, « sans faire montre d’une rigueur excessive », les avantages imposables
que le travailleur a éventuellement tirés des dépenses qu’il justife avoir faites ;
- considérer comme des rémunérations imposables ordinaires des indemnités ou
partie d’indemnités pour lesquelles il a fourni la preuve d’imposabilité dans le chef
du travailleur, et les avantages en nature éventuels dont le travailleur a bénéfcié 228.

71.
Néanmoins, pour les indemnités forfaitaires qui ne sont pas fxées par référence
à des normes sérieuses (p. ex., paiement d’un montant fxe pour usage d’une
voiture privée pour le compte de l’employeur sans avoir à justifer du nombre
exact de kilomètres parcourus), l’administration semble ainsi vouloir déplacer la
charge de la preuve, et considérer, à tort, qu’en raison même du caractère
forfaitaire de ces indemnités, l’employeur ne sera pas à même d’apporter la
preuve qu’elles ont efectivement été consacrées à des frais qui lui sont propres.
L’administration en tire une présomption d’imposabilité dans le chef de
l’employé, pour autant que l’agent taxateur apporte la preuve du caractère
déguisé de la rémunération, mais après que le travailleur aura été amené à
prouver que l’indemnité a efectivement été consacrée à des frais incombant à
l’employeur229.

Sur le plan des principes, on peut s’étonner de cette position prise par
l’administration, d’abord au regard de son propre commentaire administratif 230,
ensuite de la jurisprudence de la Cour de cassation déjà citée, qui pose
clairement en règle la présomption de non-imposabilité, l’employé n’ayant en
efet pas, à l’égard du fsc, à justifer des sommes qu’il reçoit en remboursement
des dépenses professionnelles qu’il a avancées à son employeur, celles-ci ne
constituant pas un revenu professionnel imposable en son chef, sauf à
l’administration à en apporter la preuve contraire.

Certes, en pratiquant le système du forfait, la société ne se réfère pas à la


réalité de la dépense exposée. Même dans ce cas, c’est à l’employeur et non au
travailleur qu’il faut s’adresser : si l’employeur entend déduire ces
228

 Com. I.R., no 31/37.


229

 Ibid.
230

 Voy. supra, no 114.


remboursements au titre de charges professionnelles, il devra, ainsi que
l’énonce la Cour de cassation, et conformément aux principes du Code, en
justifer tant la réalité, le montant que le caractère professionnel. Par
conséquent, si dans ce cadre, l’employeur les justife, il n’y a naturellement
aucune raison qui permettrait à l’administration d’encore imposer, de quelque
manière que ce soit, le bénéfciaire des remboursements, le contrôleur ayant
nécessairement reconnu, en admettant ces dépenses à titre de charges
professionnelles dans le chef de la société, la réalité, le montant et le caractère
professionnel des remboursements octroyés.

La cour d’appel de Bruxelles en a fait une juste application, rappelant que


c’est à l’employeur de justifer, le cas échéant, l’exactitude des frais qui lui sont
propres. Dès lors, et selon la cour, l’administration aurait d’abord dû contester le
caractère professionnel ou le montant des dépenses propres dans le chef de la
société (une banque), ou à tout le moins démontrer l’existence d’une simulation
dans la convention entre la banque et les membres de son comité de direction,
avant de taxer l’administrateur231. La cour a aussi contredit sans équivoque la
position administrative, en rejetant expressément le principe selon lequel une
présomption d’imposabilité devait être déduite du caractère forfaitaire des
indemnités octroyées232.

Cette question demeure très délicate, et la jurisprudence, parfois « s’emmêle


les pinceaux ». Ainsi, nous ne pouvons suivre le raisonnement du tribunal de
première instance d’Anvers lequel, dans un jugement du 2 avril 2004, a décidé
que dans la mesure où les demandeurs n’apportaient pas la moindre preuve de
la réalité des frais pour lesquels une indemnité forfaitaire avait été payée par un
club de football à un entraîneur, c’est à bon droit que l’administration a pu y voir
une rémunération déguisée233. C’est là, selon nous, un exemple d’une mauvaise
application de principe : si l’indemnité est forfaitaire, il ne suft pas de constater
que le contribuable ne peut la justifer pour en déduire, nécessairement, qu’il
s’agit d’une rémunération déguisée. La présomption légale, rappelons-le, est la
231

 Bruxelles, 21 mai 1993, cité par R.G.F., Actualités fscales, no 29, 26 août
1993, p. 29/7. Bruxelles, 15 mai 2003, rôle n o 1997/FR/178, qui souligne que
l’administration ne dépose aucune pièce d’où ressortirait le rejet de ces frais dans le
chef de l’employeur.
232

 Voy. à ce propos J. BAETEN, étude précitée, spéc. nos 11 et 17, p. 366.


233

 Trib. Anvers, 2 avril 2004, rôle no 01-5311-A. Le club de football


soutenait qu’il s’agissait d’une indemnité forfaitaire couvrant des frais de
représentation, de bureau, de téléphone, vestimentaires, de déplacements, y compris à
l’étranger, de séjours et de séminaires pour mise à jour du métier d’entraîneur. Le
tribunal a déduit de ce que l’entraîneur ne disposait d’aucune preuve de ces frais, pas
plus que le club de football derrière lequel il se retranchait, et de ce qu’il ne percevait
aucune rémunération pour cette prestation, qu’il existait des données certaines, graves,
précises et concordantes qui, prises ensemble, valent présomption et confèrent un
caractère de certitude sufsant pour qualifer l’indemnité de rémunération déguisée
(« (…) zodat deze een rechtscheldig vermoeden uitmaken en voldoende zekerheid bieden
dat de forfaitaire vergoeding (…) in werkelijkheid een verdoken bezoldigning was »).
non-imposabilité, et non l’inverse comme aboutit à le considérer la décision
critiquée. Cette preuve peut toutefois, bien entendu, résulter de déclarations du
contribuable qui bénéfcient d’une présomption d’exactitude en faveur de
l’administration234.

72.
Quoi qu’il en soit, et par prudence, il sera bon pour la société qui désire recourir
à ce système forfaitaire non fondé sur des normes sérieuses, de passer un accord
préalable avec l’administration fscale 235. Rappelons qu’en ce qui concerne les
indemnités forfaitaires, l’administration a adopté une circulaire le 3 décembre
1993236, afn de dénoncer les accords existant en ce domaine avant
le 31 décembre 1993. Conformément aux directives administratives n°
Ci.RH.421/456.942 du 3 décembre 1993 et n° Ci.RH.81/ 534.479 du 11 décembre
2000, les justiciables peuvent, sur le plan fscal, conclure auprès des Inspecteurs
A ou des Directeurs A, à tout le moins à l’échelon local, des «accords préalables»
concernant le remboursement de coûts non imposables inhérents à la société
employeuse. Dans une récente question parlementaire, il est rappelé que les
nouveaux accords doivent être conclus avec le consentement soit du directeur
de la direction régionale de l’administration des contributions directes pour les
sociétés d’au moins 100 travailleurs, soit de l’inspecteur principal de l’inspection
A pour les sociétés de moins de 100 travailleurs 237.

La question parlementaire ne mentionne toutefois pas la possibilité


d'interroger la commission de ruling. Or, celle-ci a déjà été interrogée à plusieurs
reprises ces dernières années. Ainsi, par sa décision anticipée n° 800.416 du
20.01.2009, le SDA a considéré que les indemnités forfaitaires octroyées par la
SA A à diférentes catégories de son personnel, seront considérées comme étant
des remboursements de dépenses propres à l'employeur ne faisant pas partie
de la rémunération imposable des bénéfciaires, pour les frais suivants :
A. Frais de bureau à domicile : Les frais liés à l'aménagement et à l'usage d'un
bureau au domicile privé (en ce compris l'amortissement du local lui-même) ; les frais
234

 Cass., 23 avril 1959, Pas., I, 857 ; Cass., 26 juin 1951, Pas., I, 735. Dans sa
décision du 10 décembre 2003, le tribunal de première instance de Bruxelles (rôle
no 01/6308/A) s’est ainsi fondé sur la réponse donnée par le contribuable à l’avis de
rectifcation de la déclaration, ainsi qu’à sa réclamation.
235

 V o y . supra, no 121. Un ruling peut être également sollicité (voyez


notamment Décision anticipée, no 300-343 du 23 décembre 2004, laquelle distingue
selon les catégories de personnel et celle n o 500-215 du 24 novembre 2005 qui, sous
des conditions strictes, confrme qu’une indemnité de 25 €/mois est un
remboursement de frais propres à l’employeur lorsque cette intervention concerne le
coût de la connexion internet (pas le coût du PC privé) et que celle-ci est justifée par le
gain de temps et d’efcacité dans le travail (en l’espèce, éviter de longs trajets pour
efectuer un travail non planifé)).
236

 No Ci. RH. 421/456.942, entrée en vigueur le 1 er janvier 1994.


237


Question n° 113 de Madame Pieters du 18.01.2006.
exposés pour l'aménagement complet du bureau ; amortissement du mobilier de
bureau ; amortissement du matériel informatique ; amortissements du téléphone, fax
et répondeur téléphonique, décoration du bureau ; es dépenses d'entretien et
nettoyage d'un bureau au domicile privé, l'achat de matériel de bureau, l'éclairage, les
frais d'électricité et de chaufage, l'entretien, les frais de courrier, le loyer et les intérêts,
les taxes provinciales et communales, et l'assurance vol et incendie, etc…
B. Frais de communication : Les frais aférents à la connexion Internet/ADSL à
domicile et relatifs à l'activité professionnelle.
C. Frais accessoires de voiture : Sont visés ici les frais relatifs à l'usage
professionnel d'une voiture, c'est-à-dire : car-wash, monnaie de parking, frais de
parking extérieur, frais d'occupation du garage privé d'une voiture de société. Ne sont
pas visés les frais de parking à l'aéroport ou dans une gare s'il est démontré que ces
frais ont été supportés pendant et à l'occasion d'un voyage professionnel à l'étranger.
D. Cadeaux au personnel : Frais pour des feurs et des petits cadeaux aux collègues. Ne
sont pas visés ici les frais qui peuvent être couverts par une souche TVA, et
principalement les frais de restaurant, que le demandeur continuera à rembourser
distinctement, sur base de notes de frais.
E. Libéralités : Les cartes de soutien, les pourboires, les frais de vestiaire, etc.

Les montants d'indemnités ont été déterminés sur base d'une analyse, dont les
résultats démontrent la réalité des dépenses et l'exactitude des montants.

Toutefois, afn d'éviter la possibilité de double déduction d'une même dépense, les
frais couverts par le forfait n'entrent pas en ligne de compte pour la déduction, sur base
de pièces justifcatives, comme frais réels dans leur déclaration à l'impôt des personnes
physiques. De plus, les frais visés par l'indemnité ne pourront plus faire l'objet, de la
part des employés, d'une demande de remboursement de frais réels auprès de la
société.

Enfn, le montant annuel de cette indemnité forfaitaire sera mentionné, à titre


d'information, sur le relevé 325.10 et sur les fches individuelles 281.10.

En appliquant cet accord, la société s'engage à joindre à la déclaration fscale une liste
établie par année civile avec mention de l'identité (nom complet et adresse) et la date
d'engagement de la personne concernée, le montant de l'indemnité et la fonction pour
laquelle cette indemnité est accordée, la date à partir de laquelle la personne
concernée exerce cette fonction, et le total des indemnités forfaitaires en
remboursement de frais propres à l'employeur payé à chaque personne concernée. Les
indemnités forfaitaires seront considérées comme déductibles à l'impôt des sociétés à
concurrence des limitations légale.

Aussi, relevons la décision anticipée n° 2011.544 du 13.12.2011, par laquelle le servie de


ruling a estimé que les indemnités forfaitaires octroyées par l'ASBL A à une catégorie de
son personnel, seront considérées comme étant des remboursements de dépenses
propres à l'employeur, pour les frais de communication. Il était avancé qu'en raison de
la nature de leur fonction, certains membres du personnel devaient rester joignables à
domicile ou dans un environnement proche en cas d'urgence afn de revenir exercer
leur activité professionnelle sur leurs lieux de travail. Aussi, la nature des activités
exercées par certains membres du personnel implique l'usage quotidien du téléphone
fxe et du GSM lorsqu'ils assurent des gardes à domicile. Ce même personnel doit être
en mesure de rappeler son employeur. Il doit également être en mesure de signaler
tout incident subi sur le trajet vers ses lieux de travail. Par cet accord, le demandeur
s'engage à tenir à jour une liste des personnes efectuant ces gardes à domicile et
mentionnera le montant versé sur les fches fscales des dites personnes. D'autre part, il
informera le personnel efectuant des gardes qu'il ne peut déduire des frais réels pour
les frais faisant l'objet d'un remboursement à titre de frais propres à l'employeur. Bien
entendu, ici aussi, les montants d'indemnités ont été déterminés sur base d'une
analyse, dont les résultats démontrent la réalité des dépenses et l'exactitude des
montants. Le montant mensuel forfaitaire s'élève à 27,50 EUR majoré de 2,50 EUR par
semaine de garde efective. L'accord est d'application pour une durée de 5 ans, avec
une éventuelle prolongation moyennant l'introduction d'une nouvelle demande avant
l'échéance.

De la pratique étudiée depuis, on peut retenir les indications générales


suivantes, sans toutefois les instituer en règles immuables :
A. frais d’organisation d’un bureau à domicile, 95 à 125 € par mois ;238
B. frais de téléphone, 12,50 € par mois ;
C. frais divers liés à l’usage d’un véhicule : 24,80 € par mois (25 % étant toutefois
rejeté en DNA) ;
D. frais de réception : de 25 € à 125 € par mois selon que l’on est un cadre inférieur
ou un directeur général (50 % de ces frais seront toutefois rejetés au titre de
DNA dans le chef de l’employeur).

À cet égard, il est également intéressant de relever la jurisprudence selon


laquelle l’administration, si elle a accepté pendant plusieurs années des
montants comme constituant une indemnité forfaitaire de frais propres à
l’employeur, ne peut subitement exiger la présentation de pièces justifcatives,
238


En avril 2006, la question a été soumise à la Commission des Décisions
Anticipées de savoir si une indemnité forfaitaire pour usage d’un bureau dans une habitation
privée à un représentant peut être considérée comme des frais propres à l’employeur. Si la
Commission du ruling a répondu positivement à cette question, elle a cependant énuméré
quelques modalités (Décisions Anticipées n° 600.106 du 13 avril 2006, n° 500.338 du 23 mars
2006 et n° 500.582 du 2 février 2006) :
1. L’attribution dépend de la position et n’est pas personnalisée.
2. Les montants forfaitaires ne sont pas indexables.
3. L’indemnité vise à limiter la charge de preuve des dépenses. Cela signifie que
l’employé concerné peut uniquement s’appuyer sur le forfait pour les frais professionnels au
sens de l’article 51 CIR 92. La Commission du ruling a confirmé explicitement que les
bénéficiaires ne peuvent se voir dénier le droit de prouver leurs frais réels. Mais s’ils optent
pour cela, ils devront pouvoir prouver leurs frais réels, y compris les frais couverts par le
forfait.
4. La société doit tenir des listes de tous les employés qui reçoivent ce forfait pour une
certaine année.
5. Tous les montants attribués sont basés sur une occupation à temps plein. Pour une
occupation à temps partiel ou lors d’une longue absence suite à un voyage d’affaires à
l’étranger ou pour n’importe quelle autre raison, ce montant doit être réduit
proportionnellement. Pendant la période de vacances normale l’indemnité forfaitaire peut
toutefois être payée. Les indemnités forfaitaires ne peuvent pas être considérées comme étant
des frais professionnels déductibles dans le chef de l’employeur dans la mesure où ils sont
justifiés par des fiches individuelles et des relevés.
en tout cas pour les années écoulées, ayant placé, par son attitude, le
contribuable dans l’impossibilité matérielle de les fournir 239. Par ailleurs, si
l’administration conclut un accord avec un employeur portant sur des
remboursements de frais propres à celui-ci, qui concerne dès lors et à l’évidence
des remboursements envers le personnel, elle ne peut par la suite, alors que
l’accord est respecté et non dénoncé, contester le montant alloué au travailleur
à ce titre, encore que l’accord ne lui soit pas opposable en sa qualité de tiers.
C’est ce qu’a rappelé à juste titre la cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt du
23 novembre 2000, soulignant que : « L’administration ne peut pas se contredire
en acceptant dans le cadre de l’impôt des sociétés le remboursement envers le
personnel de frais professionnels qui incombent à la société et en considérant
dans le cadre de l’impôt des personnes physiques que le même remboursement
envers le personnel, qui a supporté les mêmes frais pour le compte de la société,
ne constitue pas des frais propres à la société non imposables dans le chef du
personnel »240.

73.
Sur le plan des cotisations sociales, l’article 19, § 2, 4o de l’arrêté royal du
28 novembre 1969 exclut des rémunérations, et exonère donc de cotisations, les
sommes constituant le remboursement de frais propres à l’employeur que le
travailleur a exposés.

La Cour de cassation, en cette matière, a confrmé qu’il appartenait à


l’O.N.S.S. de démontrer le caractère rémunératoire et passible de cotisations,
dans le cas où il est contesté par l’employeur que tel est le cas 241. C’est là une
application identique en cette matière qu’en celle des impôts directs : la
présomption joue en faveur du bénéfciaire de la mesure, mais sa preuve
contraire peut être rapportée par l’administration. La jurisprudence est, sur ce
point, cohérente et doit être approuvée.

Nous devons cependant déplorer que l’O.N.S.S. estime ne pas être lié par la
position de l’administration fscale en ce qui concerne le sort à réserver aux frais
dont le contribuable afrme qu’ils sont propres à l’employeur, et ce même en
cas d’accord conclu par le fsc avec le contribuable portant sur un montant
forfaitaire242. Cela peut nuire à la sécurité juridique, surtout qu’il faut se rappeler
que l’O.N.S.S. pourra réclamer à l’employeur le paiement des cotisations
239

 Bruxelles, 20 mars 1984, F.J.F., no 84/124. Cette jurisprudence n’est


cependant pas toujours suivie, les principes de bonne administration et de sécurité
juridique semblant n’avoir actuellement plus trop « le vent en poupe », à tort selon
nous pour la cohérence du système.
240

 Bruxelles, 23 novembre 2000, rôle no 1997/FR/1998.


241

 Cass., 14 janvier 2002, R.W., 2002-2003, p. 697, et note M. DE VOS ; Cass.,


2 février 2004, Fiscologue, 2004, no 927, p. 15.
242

 Depuis la loi du 20 juillet 2005 (voy. supra, no 121), cette position trouve
là son fondement légal.
patronales et personnelles avec application d’une majoration et des intérêts de
retard, jusqu’à cinq ans en arrière (trois ans à partir du 1 er janvier 2009243), ce qui
est extrêmement coûteux. La Cour de cassation a pourtant déjà jugé qu’en cette
matière l’O.N.S.S. pouvait se référer à la position adoptée par l’administration
des contributions directes244.

74.
En cette matière, la question se pose régulièrement de savoir si les administrateurs et
les liquidateurs d’une ASBL doivent également être considérés comme des dirigeants
d’entreprise au sens de l’article 32 CIR 92. Dans sa réponse à une question
parlementaire, le Ministre des fnances a confrmé en 2002 que les personnes physiques
qui exercent un mandat dans une ASBL ne doivent être imposées comme dirigeants
d’entreprise qu’à la condition qu’elles exercent leur mandat dans une ASBL qui doit
être considérée comme une société au sens de l’article 2 CIR 92. On peut en déduire
que ne doivent pas être imposées comme des dirigeants d’entreprise les
administrateurs et liquidateurs dans une ASBL qui n’est pas soumise à l’impôt des
sociétés, et qui n’exploite pas non plus une entreprise. Il est sans importance que le
mandat soit rémunéré ou non, ni que ces personnes physiques recueillent ou non des
revenus locatifs de l’ASBL. La distinction entre les profts et les rémunérations de
dirigeant d’entreprise n’est pas sans conséquence. En efet, sur les profts, aucun
précompte professionnel n’est dû, au contraire des indemnités des dirigeants
d’entreprise.

Dans un jugement du 17 février 2007, le tribunal civil d’Anvers a examiné la question de


savoir si un administrateur d’ASBL dont les revenus ont été taxés comme profts, peut
bénéfcier des « frais propres à l’association ». A l’occasion d’un contrôle de la
comptabilité d’une ligue sportive, il est apparu que le trésorier avait perçu en 1995 et
en 2000 des indemnités importantes (à savoir une indemnité forfaitaire de frais, une
indemnité kilométrique, une indemnité de séjour pour couvrir des frais exposés à
l’étranger, ainsi qu’une indemnité pour le travail presté à la maison). Les statuts de
l’ASBL prévoyaient que tous les mandats étaient non-rémunérés. L’administration a
taxé les indemnités perçues comme des revenus d’activités lucratives, imposables à
titre de profts. Le tribunal rappelle que contrairement aux rémunérations, le législateur
ne prévoit pas de régime pour les indemnités à titre de remboursement de frais
propres à l’employeur, et il en déduit par conséquent que tous les remboursements de
frais présentés comme des frais propres à l’ASBL, ont été taxés à juste titre par
l’administration comme des profts. Il n’existait pas non plus le moindre doute sur le fait
que l’administrateur avait efectivement reçu les sommes, et l’on ne pouvait déduire
d’aucun élément objectif que les indemnités payées étaient efectivement des frais

243

 Les articles 32 et suivants de la loi du 3 juillet 2005, portant des


dispositions diverses relatives à la concertation sociale (M.B., 19 juillet 2005 et erratum
M.B., 7 septembre 2005), ont modifé le délai de prescription relatif aux cotisations
sociales dues à l’O.N.S.S. : actuellement de cinq ans, il sera ramené à trois ans à partir du
1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de ces dispositions fxée par l’article 50 de
cette même loi.
244

 Cass., 5 janvier 1987, F.J.F., 1987, p. 201.


propres à l’ASBL. 245

245


Civ. Anvers, 17 février 2007.
CHAPITRE IV

REQUALIFICATION DE CERTAINES FORMES DE RETRIBUTIONS


ACCORDEES AUX MANDATAIRES SOCIAUX ET/OU ASSOCIES

I. REQUALIFICATION DES REVENUS IMMOBILIERS EN REVENUS


PROFESSIONNELS

75.

Suite à la modifcation législative intervenue le 20 décembre 1996 (arrêté royal de


pouvoirs spéciaux, confrmée par la loi du 13 juin 1997), l’article 32, al. 2, 3°, qui traite
des rémunérations des dirigeants d’entreprise, est ainsi rédigé :

« Elles comprennent notamment :

(...)

3° Par dérogation à l’article 7, le loyer et les avantages locatifs d’un bien immobilier
bâti donné en location par les personnes visées à l’alinéa 1, 1°, à la société dans laquelle elles
exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers
du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefcient visé à l’article 13. De ces
rémunérations ne sont pas déduits les frais relatifs au bien immobilier donné en location ».

Seuls les dirigeants d’entreprise de première catégorie, à savoir les administrateurs, les
gérants, les liquidateurs et les personnes exerçant des fonctions analogues - parmi
lesquels se trouvent les représentants permanents - sont visés par cette disposition.
Par rapport au texte législatif antérieur, l’extension du champ d’application concerne le
gérant non associé. D’autre part, cette requalifcation s’applique aussi aux
administrateurs d’ASBL qui sont assimilés à des dirigeants d’entreprise. 246

Cette disposition est entrée en vigueur à partir de l’exercice d’imposition 1994. Pour
l’exercice d’imposition 2016, le coefcient de revalorisation visé est de 4,23.

246


Q&R, Sénat, 2002-2003, n°2-69, p.3854, précité. Voyez à ce propos les
développements repris sous les n° 6 à 8 du présent ouvrage. Relevons cependant que
dans ses instructions en vue de l’établissement des fches individuelles 281.20 (M.B., 24
mars 2004, en particulier p. 16720), l’AFER précise, en contradiction avec la position du
ministre, que ce régime ne s’applique pas aux « administrateurs non rémunérés d’ASBL
assujetties à l’impôt des personnes morales qui se livrent à une exploitation ou à des
opérations répétées de caractère lucratif » (Avis aux employeurs et autres débiteurs de
revenus soumis au précompte professionnel, p. 28).
76.

Il est intéressant de noter que la loi n’a rendu la règle applicable qu’aux seuls
administrateurs, gérants, liquidateurs ou personnes exerçant des fonctions analogues,
et ne retient pas le cas d’une interposition de personnes 247.

Si l’immeuble loué à la société appartient en propre au conjoint d’un administrateur, le


régime de requalifcation ne sera pas applicable. Par contre, si le bien loué fait partie du
patrimoine commun de l’administrateur et de son conjoint, seule la moitié du loyer sera
passible de requalifcation. En efet, l’administration considère que dans ce cas, le régime
de requalifcation s’applique, tant en ce qui concerne le revenu cadastral que le loyer,
comme si chacun des conjoints était propriétaire à 50% de l’immeuble loué.248

On se souviendra que la loi du 10 août 2001 portant réforme de l’impôt des personnes
physiques249, a notamment organisé le décumul intégral des revenus des conjoints à partir
de l’exercice d’imposition 2005250. En cas d’imposition commune, deux bases d’imposition
distinctes sont établies, soit une par conjoint251. Pour déterminer les revenus immobiliers
de ceux-ci, il faut préalablement défnir s’ils sont propres ou communs en vertu des règles
du droit patrimonial : en efet, les revenus immobiliers qui sont propres constituent à partir
de l’exercice d’imposition 2005 des revenus du contribuable, quelle que soit la hauteur des
revenus professionnels de son conjoint. A cet égard, les revenus tirés d’une location d’un
bien propre, comme le revenu cadastral de pareil bien, sont considérés dans le régime
légal comme des revenus de biens immobiliers du patrimoine commun, et devront être
déclarés à concurrence de 50 % dans le chef de chacun des conjoints. Dans le régime de
séparation de biens, au contraire, chaque conjoint garde propres les revenus tirés des
biens immobiliers qu’il possède en propre.252
247


Pour une situation contraire à celle-ci, voyez infra en matière d’avances. Voir, pour
une application particulière, Bruxelles, 10 février 2005, rôle n° 02-AR-271, où la cour
souligne que le fait pour l’administrateur d’exiger de sa société locataire de verser des
loyers sur le compte de ses quatre enfants indivisaires (il était lui-même titulaire d’un
droit d’habitation), pour rembourser un crédit, n’altère pas les règles de requalifcation.
248


Philippe Malherbe, « Les administrateurs face à la loi du 28 juillet 1992 portant les
dispositions fscales et fnancières », in Acte du colloque du 6 novembre 1992, p.9 ; Com.
I.R., 32/24.
249


M.B., 20 septembre 2001.
250


Entrée en vigueur fxée l’article 65 de la loi du 10 août 2001, en ce qui concerne
l’article 20 de cette même loi, qui a remplacé l’article 127 CIR 92.
251


Ce terme recouvre tant les personnes mariées que les cohabitants légaux, puisqu’à
partir de l’exercice d’imposition 2005, ces derniers sont assimilés aux personnes mariées
(article 2, §1er, 2°, CIR 92).
252


L’attention est attirée sur le fait que le nouvel article 127 CIR 92 est applicable
uniquement lorsqu’une imposition commune est établie, en sorte que le contribuable
imposé fscalement comme isolé voit son régime d’imposition inchangé par rapport à
l’exercice d’imposition 2004. Ainsi, dans le cadre qui nous occupe, « La part de propriété
du dirigeant d’entreprise reste déterminante pour fxer la partie du loyer et des avantages
Lorsque le bien immobilier appartient aux deux conjoints, il faudra par conséquent
apprécier la situation individuelle de chaque conjoint pour l’application éventuelle de la
requalifcation des revenus locatifs. Ainsi que le souligne l’administration, « A partir de l’ex.
d’imp. 2005, l’art. 32, alinéa 2, 3° CIR 92 doit en efet être envisagé de manière individualisée et
ne peut donc déroger à la détermination des revenus immobiliers que dans le chef du conjoint
dirigeant d’entreprise. A partir de l’ex. d’imp. 2005, lorsqu’une imposition commune est établie,
l’art. 127, 3° et 4°, CIR 92 doit donc être appliquée en premier lieu et ceci, afn de déterminer la
partie RC et du loyer brut qui ressort du patrimoine du dirigeant d’entreprise, qui serait
considérée dans son chef comme un revenu immobilier et qui entre ainsi en considération pour
la requalifcation des revenus locatifs. Ensuite, on détermine la partie de ces loyers et avantages
locatifs (déterminés suivant l’art. 127, 3° et 4°, CIR 92) qui excède les 5/3 du revenu cadastral
(déterminé suivant l’art.127, 3° et 4°, CIR 92), revalorisé en fonction du coefcient visé à l’art. 13,
CIR 92. »253

77.

Dans le même ordre d’idée, il faut décider , et l’administration l’admet 254, qu’en cas de
changement de propriétaire, de locataire voire d’afectation de l’immeuble au cours
d’une même année, la requalifcation ne s’applique que prorata temporis, soit pour la
période durant laquelle les conditions sont remplies.

Il faudra par conséquent répartir le revenu cadastral compte tenu de cette période,
exprimée en mois. Quant aux loyers et avantages locatifs, il sera tenu compte de ceux
recueillis par la société dont le bailleur est le dirigeant de première catégorie.

78.
Ce régime de requalifcation a par conséquent institué une présomption selon laquelle
toute location à une société d’un bien immeuble appartenant à l’un des dirigeants
visés, déguise une rémunération dès que le loyer dépasse 5/3 du revenu cadastral
revalorisé. La référence à cinq tiers se justife par le fait que le revenu cadastral est
censé représenter le revenu normal annuel brut d’un immeuble diminué des frais
forfaitaires prévus par la loi (40% pour les immeubles bâtis) à titre de charges
d’entretien et de réparation255.

locatifs qui doit être requalifée » (Circ. n° Ci. RH. 221/569.663 (AFER 18/2005) du 14 avril
2005).
253


Ci. RH. 221/569.663, précitée.
254


Com.I.R., 32/26. Cette règle s’applique aussi lorsqu’en cours de bail, le bailleur
devient ou cesse d’être dirigeant d’entreprise de 1ère catégorie de la société locataire
(Com.I.R. 32/27) ; Avis aux employeurs et autres débiteurs de revenus soumis au
précompte professionnel, o.c., p. 29
255


J.L. Davain, « Les administrateurs de société et l’impôt des personnes physiques - le
régime fscal des administrateurs et gérants de société s’est-il considérablement
aggravé en 1992 ? », in Acte du colloque 5 mai 1993, p.2.
L’objectif principal de cette requalifcation est de limiter, ainsi que le prévoit le texte, la
déduction des frais relatifs au bien immobilier, et en particulier la déduction des intérêts de
dettes contractées spécifquement en vue d’acquérir ou de conserver des biens
immobiliers, sur pied de l’article 14, alinéa 1er, 1° CIR 92. En outre, en agissant de la sorte, la
société pouvait rétribuer son dirigeant autrement que par voie de rémunération, non
passible de cotisations de sécurité sociale.256 Également, s’agissant des pensionnés, ce
revenu immobilier n’entrait pas en ligne de compte pour déterminer la limite des revenus
professionnels autorisée257.

79.

Pour que ces dispositions s’appliquent, il faut que :

- le dirigeant d’entreprise concerné dispose d’un droit réel sur le bien, c’est-à-
dire qu’il doit être le propriétaire, le possesseur, l’usufruitier, l’emphytéote ou le
superfciaire de ce bien.258

- le bien soit mis en location, en sorte que les règles ne s’appliqueront pas en cas
de concession d’un droit de superfcie ou d’emphytéose259, la vente de
l’usufruit, de l’usage ou de l’habitation 260, ni davantage des revenus de sous-
location261. Attention à la loi anti-abus : le nouvel article 344 CIR 92 pourrait
256


Des requalifcations jurisprudentielles interviennent parfois lors de la location
d’une clientèle (Trib. Mons, 7 septembre 2004, rôle n° 02-1415-A). Parfois aussi,
l’immeuble loué n’appartient pas au bailleur, et/ou il n’est pas dirigeant d’entreprise de
1ère catégorie exerçant une activité auprès de la société-locataire (pour un cas de vente
d’un fonds de commerce et de sous-location de l’immeuble, le tout simulé selon le
tribunal, voir Trib. Liège, 3 février 2004, rôle n°01-2143-A). Il peut donc subsister
d’autres cas de requalifcation en revenus professionnels de revenus locatifs.
257


Philippe Malherbe, précité, p.10; J.L. Davain, précité, p.3. Cette question est
aujourd'hui d'un intérêt plus réduit puisque les limites de revenus ont disparu sous
certaines conditions.
258


Circulaire n° Ci. RH. 221/569.663, IV, n°20, précitée.
259


L’administration n’a pas jugé utile de contrecarrer cette opération, qui n’autorise
pas la déduction de frais forfaitaires de ces revenus qualifés d’immobiliers, et qui fait
l’objet d’un droit de 0,2% au titre d’enregistrement, et qui apparaissait donc moins
intéressante. Cfr. à ce propos J.L. Davain, étude précitée, p.5. Dans sa circulaire Ci. D.
19/444.905, l’administration précise que la requalifcation ne s’applique pas en cas de
cession de droit d’usage en vertu d’une convention d’emphytéose, de superfcie ou
d’usufruit, ou en vente de droits immobiliers similaires tel un contrat de leasing
immobilier.
260


Moyennant paiement d’un droit d’enregistrement de 12,5% ou de 10% en
Flandres - art.44
261


Ces revenus sont constitutifs de revenus divers au sens de l’article 90.5° du CIR
1992, et non de revenus immobiliers. Il n’y aura dès lors pas de disqualifcation lorsque
aujourd'hui s'avérer plus efcace qu'il ne l'était auparavant en raison de ce type
de construction, puisqu'il n'est plus exigé « de mêmes efets juridiques » en cas
de requalifcation.

En réponse à une question parlementaire, le ministre des Finances précisa que


l’administration ne serait pas fondée à retenir une simulation si, au 1er janvier
1993, un contrat de bail était transformé en contrat d’emphytéose ou de
superfcie, et pour autant bien entendu que les parties en acceptent toutes les
conséquences262. La jurisprudence retient cependant parfois la simulation. Tel
est le cas dans un arrêt rendu le 21 juin 2002 par la cour d’appel de Mons, 263
dans une espèce où un médecin qui louait son immeuble à sa sprl, résilie
amiablement ce contrat pour donner le bien en location à une société de
gestion immobilière qui, elle-même , le sous-loue à cette même sprl
moyennant une petite majoration de loyer. La cour relève qu’en l’espèce, « la
bailleur n’a pas entendu donner au locataire principal la jouissance de la chose,
alors qu’il s’agit d’une caractéristique essentielle du contrat de louage ». Elle
souligne ainsi que le locataire n’avait rien à faire des locaux à usage de cabinet
médical « dont il lui était interdit de modifer la destination ; qu’ainsi, la sous-
location n’était pas pour le locataire principal une faculté, mais une nécessité. ».
Les contrats de location et de sous-location étaient, en outre, simultanément
conclus, ce qui paraît indiquer, à suivre la cour, « que la résiliation du bail verbal
qu’il avait antérieurement consenti [à sa sprl] est également simulée ».
Également, le propriétaire-gérant ne prouve pas que sa locataire principale ait
eu à respecter ses obligations accessoires, notamment l’obligation d’assurance.
Selon la cour, et « en conséquence, il apparaît que le bail principal est sans
contenu réel et que les parties à ce contrat n’en ont pas accepté toutes les
conséquences juridiques ». Tout est question de faits, et l’administration ne
triomphe pas toujours dans sa quête de l’acte simulé. 264

Le recours à l’ancien article 344, § 1er CIR n’était cependant pas exclu non plus,
à en croire une certaine jurisprudence, si l’administration établit que la
qualifcation de constitution d’usufruit est donnée dans le but d’éviter le

l’administrateur est le locataire principal, et qu’il sous-loue à la société.


262


Q. & R. Chambre, n° 337, du 23 décembre 1992. Quelle sera encore la réalité de
cette confrmation par le ministre, compte tenu de la règle anti-abus adoptée depuis ?
263


Mons, 21 juin 2002, rôle n° 1999/FI/16 ; voir aussi pour d’autres cas de sous-
location simulée, Trib. Bruxelles, 30 septembre 2004, rôle n°2002/9953/A et Trib.
Louvain, 3 décembre 2004, rôles nos 03/1012/A et 04/856/A
264


Anvers, 20 février 2001, rôle n°1998/FR/145, où la cour rappelle à juste titre que
l’on peut vouloir éviter l’impôt si on accepte les conséquences des actes qu’on pose, et
qu’il appartient à l’administration de prouver qu’existe une autre convention que celle
apparente et que le contenu de cette autre difère de celle dont on se prévaut (en
l’espèce, une vente d’usufruit) ; Trib. Namur, 28 septembre 2005, rôle n°825-2001, qui
décide que « si l’interposition de la société G entre le demandeur Jacques P et les sociétés
qu’il administre procède manifestement de la recherche d’un impact fscal favorable,
l’opération ne présente en elle-même aucun aspect illicite et rien ne permet de considérer
qu’elle aurait été purement fctive » (en l’espèce, une sous-location).
champ d’action de l’article 32, al. 2, 3° CIR. Il nous apparaît cependant que dans
ce cas de fgure, le recours à l’article 344, § 1er CIR « ancien » n’était pas
approprié, dans la mesure où il existe des diférences signifcatives dans le
traitement juridique des conventions de constitution d’usufruit et de bail. 265
C’est, par ailleurs, ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt de principe
du 4 novembre 2005266 : « Qu’il découle de ce texte, comme des travaux
préparatoires de la loi du 22 juillet 1993 (…) que seule la qualifcation d’un acte
peut être rendue inopposable à l’administration fscale et que celle-ci ne peut,
partant, lui donner une autre qualifcation qu’en respectant les efets juridiques de
cet acte. (…) Qu’en s’abstenant de vérifer si les efets de l’opération nouvellement
qualifée et ceux de l’opération initialement qualifées étaient similaires, l’arrêt ne
justife pas légalement sa décision de faire application de l’article 344, § 1er ; ».267

La situation était plus claire, et partant, plus aléatoire pour le contribuable, en


cas de location par le dirigeant de son immeuble ou partie d’immeuble à un
tiers qui, à son tour, sous-loue à la société, ce qui rompt – apparemment – le
lien entre le dirigeant et la société.

La cour d’appel de Mons a ainsi décidé de suivre l’administration qui avait fait
application de l’article 344, § 1er CIR, dans une espèce où un médecin avait
donné en location à une société de gestion immobilière son immeuble, qui le
sous-louait ensuite avec une petite majoration à la société dont le médecin
265


A. Vanderstraeten et G. Van Elder, “Habiter aux frais de sa société, une opération
risquée?”, R.G.F., 2003, n°10, pp. 16 et suivantes, qui critiquent, selon nous à juste titre,
la décision rendue par le tribunal de première instance d’Anvers du 6 janvier 2003 (rôle
n°01/4871/A) qui a retenu l’application de l’article 344, § 1er CIR dans une espèce ou une
société, qui avait acquis un immeuble en usufruit pour 27 ans, avait donné l’ensemble
en location à son administrateur qui détenait avec son épouse et ses enfants la nue-
propriété de cet immeuble. Il est incongru , en efet, de prétendre que cela ne
constituerait qu’une seule opération, étant la location par la société au couple. C’est
nier les réalités juridiques et les caractéristiques propres à chacun des droits. Voyez
aussi Com. I.R., 32/28. En sens contraire, qu’il faut approuver, voy. Gand, 13 septembre
2005, précité, qui a rejeté l’afrmation de l’administration selon laquelle l’achat par un
couple d’administrateurs de la nue-propriété d’appartements dont l’usufruit est acquis
par ladite société pour dix ans, constituerait en réalité, par application de l’article 344, §
1er CIR 92, l’achat de la pleine propriété par le couple assorti d’un bail de dix ans au
proft de la société.
266


Rôle n° F.04.0056.F. Cette jurisprudence qu’il faut à l’évidence approuver pourrait
sonner le glas d’un bon nombre de requalifcations fondées sur la réalité (ou prétendue
telle) économique. C’est par conséquent de façon incorrecte que le tribunal de
première instance d’Anvers a admis la requalifcation par l’administration d’un usufruit
en un contrat de location, dans une espèce où un usufruit avait été accordé à une
société avec laquelle un contrat de bail commercial existait auparavant et avait été
rompu pour y substituer cet usufruit pour une durée de trois ans (Trib. Anvers, 15 juin
2005, rôle n° 00-4037-A). Voy. pour un examen de cet arrêt, Axel Haelterman, « La Cour
de cassation s’intéresse aux conséquences juridiques », Fiscologue, 25 novembre 2005,
n° 1004, pp. 6 et suiv.
267


C’est nous qui soulignons.
était gérant.268 La Cour de cassation, par arrêt du 21 avril 2005269, a confrmé
cette décision. Il faut dire que les faits étaient particulièrement propices à leur
démantèlement, puisqu’il apparaissait que les conventions de location et de
sous-location avaient été passées en même temps, devant le même notaire et
sur base d’un seul et même acte sous seing privé, que la sous-locataire était
auparavant la locataire du dirigeant, qu’en cas de non paiement par le
locataire, qui devait payer son loyer dans les 2 jours ouvrables de la perception
des sommes dues par le sous-locataire, le propriétaire avait un recours direct
contre ce sous-locataire, ou qu’encore, du fait de son objet social, la société de
gestion locataire « n’a en efet que faire de locaux à usage de cabinet médical » et
que le but avoué était donc de mettre les lieux loués à disposition du sous-
locataire et non du locataire principal. Par ailleurs, la cour souligne que la
diférence entre le montant payé comme loyer et celui perçu comme
provenant de la sous-location ne peut consister à « rémunérer la gestion des
locations dès lors qu’il n’est question ici que d’un seul immeuble et que les
opérations litigieuses ne visaient qu’à substituer un locataire à un autre ; que,
partant, les requérants ne peuvent se prévaloir d’aucun besoin légitime de
caractère fnancier ou économique… ». On doit toutefois se demander
nonobstant la décision de la Cour de cassation saisie du pourvoi contre cet
arrêt270, si les règles de la simulation, retenues dans l’espèce commentée plus
haut, n’auraient pas été plus adéquates, dès lors qu’en dehors de sa conclusion,
la cour réféchit apparemment à ce niveau-là271.

- les biens immobiliers doivent être bâtis. Dans la mesure où le texte se réfère au
revenu cadastral, notion qui ne se conçoit que pour des immeubles sis en
Belgique, la règle de requalifcation ne s’appliquera pas pour les loyers perçus
en raison d’immeubles bâtis sis à l’étranger et donnés en location à la
société272.

- la disqualifcation s’opérera tant pour le loyer que pour les avantages locatifs. Il
n’y a pas de défnition de ce terme, qui est repris aux articles 7, § 1, 2°, c. et § 2,
et 13 CIR 92. Il semble toutefois qu’il faille considérer comme pareil avantage

268


Mons, 5 septembre 2003, rôle n° 1998/FI/163
269


Cass. 21 avril 2005, rôle n° F030065F. La Cour décide, après avoir notamment
constaté que la cour d’appel avait considéré qu’il était bien question de la qualifcation
juridique des opérations litigieuses, la location principale et la sous-location étant
qualifée par l’administration de location pure et simple et l’efet des actes étant
respecté puisque dans un cas comme dans l’autre le bailleur pouvait contraindre la
société locataire au paiement du loyer, que « l’arrêt justife légalement sa décision que
l’administration fscale a fait une exacte application de l’article 344, § 1er ».
270


Ibid.
271


Pour une autre application de l’article 344, § 1er CIR 92 à une sous-location, voyez
Trib. Anvers, 16 mars 2005, rôles nos 01-3467-A et 01-3468-A. Comp. Avec Trib. Namur,
28 septembre 2005, précité, note 465 qui admet le passage par une sous-location.
272


J.L. Davain, étude précitée, p.5.
toute dépense faite par le locataire incombant normalement au bailleur ou,
plus généralement encore, toute charge incombant au bailleur et imposée au
preneur. Ce terme peut ainsi comprendre le précompte immobilier
efectivement supporté par le locataire, mais non la participation aux frais
communs liés à l’usage et à la jouissance du bien.

- l’immeuble soit donné en location à une société dotée de la personnalité


juridique et à but lucratif273.

80.

Outre qu’aucune déduction ne sera autorisée à titre de charges pour les frais relatifs au
bien immobilier donné en location (intérêts hypothécaires, frais d’entretien et de
réparation,...) de la partie des revenus disqualifés en revenus professionnels, les
conséquences du régime de requalifcation sont évidemment nombreuses :

- élargissement de la base de calcul pour les cotisations de sécurité sociale;

- prise en compte des revenus ainsi disqualifés dans la base de calcul des
revenus intervenant pour la limitation des droits à la pension;

- limitation de la déduction des intérêts hypothécaires en raison de la réduction


de la partie servant de base à la déduction (c’est-à-dire, les revenus
immobiliers) suite à la requalifcation;

- paiement du précompte professionnel sur la partie disqualifée en


rémunération, à l’occasion de l’attribution de celle-ci par un débiteur établi en
Belgique. A ce propos, l’administration a fxé par une circulaire le mode de
calcul du précompte professionnel dû sur la quotité des loyers et avantages
locatifs ainsi disqualifée274;

273


Voyez l’article 1, § 2, 1°, CIR 92
274


Circ. Ci.RH 244/454.149 du 24 décembre 1993, Bull. Contr., n° 735, p. 312. La
circulaire rappelle qu’en principe, les loyers et avantages locatifs considérés comme des
revenus professionnels de dirigeant d’entreprise de 1ère catégorie doivent être soumis
au précompte professionnel selon les règles reprises aux n os 36 à 41 de l’annexe III de
l’A.R. CIR. Les loyers qui sont payés mensuellement, trimestriellement ou
semestriellement sont censés comprendre respectivement 1/12, 1/4 ou 1/2 du revenu à
requalifer. Il en est de même des avantages locatifs attribués avec une même
périodicité. Si les avantages locatifs ne sont attribués qu’une seule fois (par exemple, le
précompte immobilier supporté par la société), il y a lieu de vérifer si les loyers et
avantages locatifs périodiques donnent déjà lieu à dépassement de la limite du
montant considéré comme revenus immobiliers ou non : dans le premier cas,
l’avantage entier est à soumettre au précompte professionnel, dans le second, il y a lieu,
selon l’administration, de calculer la partie de l’avantage locatif qui provoque le
dépassement.
L’administration précise que dans le cas où le loyer est payé autrement que
mensuellement, le revenu à requalifer est considéré comme un revenu du mois du
- augmentation de la base de calcul des versements anticipés;

- obligation pour la société d’établir des fches de rémunération 281.20 et


relevés récapitulatifs 325.20 sous peine de taxation de l’avantage non déclaré
en tant que commission secrète à 309 %;

- augmentation (c’est un avantage en principe) de la base de calcul des frais


professionnels forfaitaires toutefois plafonnés.

II. REQUALIFICATION DES INTERETS ATTRIBUES PAR UNE SOCIETE A SES


ADMINISTRATEURS OU ASSOCIES

81.

L’article 18, 4°, CIR 92, tel que modifé par l’A.R. de pouvoirs spéciaux du 20 décembre
1996, prévoit que :

"Les dividendes comprennent :

4° - les intérêts des avances lorsqu’une des limites suivantes est dépassée
et dans la mesure de ce dépassement :

* soit la limite fxée à l’article 55;

* soit lorsque le montant total des avances productives d’intérêts


paiement du loyer ou de l’octroi de l’avantage locatif. Dans ce cas, le revenu à
requalifer est soumis au précompte professionnel comme une rémunération non
périodique. Si le loyer est payé mensuellement, 1/12 du revenu à requalifer doit être
considéré comme une rémunération périodique soumise au précompte professionnel à
ce titre. Dans l’hypothèse où les loyers sont payés à l’avance, pour plusieurs années, le
montant des loyers anticipés à soumettre à l’IPP peut être réparti sur toute la durée
couverte, moyennant accord écrit et irrévocable du contribuable. Lorsque des loyers
et/ou des avantages locatifs sont payés d’avance pour plusieurs années,
l’administration ne soumet au précompte professionnel que la quotité de loyers et
avantages aférents à la première des années en cause, cette même quotité étant par la
suite soumise à l’IPP pour chaque période imposable concernée et devant être reprise
parmi les rémunérations imposables sur les fches 281.20 et 281.21.
Cette circulaire est applicable aux loyers et avantages à partir du 1er janvier 1993.
L’administration prend le soin de préciser que "toutefois, il n’y a pas lieu à révision des cas
où la société, à défaut de disposer de directives précises en la matière, aurait, jusqu’à
présent et de bonne foi, opéré la retenue du précompte professionnel d’une autre manière
(exemple : loyer payé mensuellement tandis que les avantages locatifs, qui ne sont attribués
qu’une seule fois l’an, ont été répartis mensuellement et cumulés avec le loyer; loyer
trimestriel payé par exemple au 30 juillet, et cumulé avec la rémunération périodique
allouée le 15 juillet). Enfn, les sanctions administratives prévues aux articles 444 et 445 CIR
92 (accroissements d’impôts et amende administrative) ne devront pas être appliquées
dans les cas sus-visés."
excède la somme des réserves taxées au début de la période imposable et
du capital libéré à la fn de cette période.

Est considéré comme avance, tout prêt d’argent, représenté ou non par des titres,
consenti par une personne physique à une société dont elle possède les actions ou parts ou par
une personne à une société dans laquelle elle exerce un mandat ou des fonctions visées à
l’article 32, alinéa 1er, 1°, ainsi que tout prêt d’argent consenti le cas échéant par leur conjoint ou
leurs enfants à cette société lorsque ces personnes ou leur conjoint ont la jouissance légale des
revenus de ceux-ci, à l’exception :

1° - des obligations émises par appel public à l’épargne;


2° - des prêts d’argent à des sociétés coopératives qui sont agréées par le Conseil
National de la Coopération;
3° - des prêts d’argent consentis par des sociétés visées à l’article 179".

82.

Le législateur disqualife donc un intérêt d’avance en un dividende, si et dans la


mesure où son taux ou sa base de calcul dépasse certains seuils. Le taux fxé à l’article
55 CIR 92 et visé par l’article 18, 4° du CIR 92, est le taux du marché compte tenu des
éléments particuliers propres à l’appréciation du risque lié à l’opération et notamment
de la situation fnancière du débiteur et de la durée du prêt. Si le taux du marché est
dépassé, l’excédent, par application de l’article 55 CIR 92, constituera une dépense non
admise pour le débiteur275, mais constituera un intérêt pour le créancier, qui sera
disqualifé en dividendes si ce créancier est dirigeant d’entreprise de première
catégorie ou est une personne morale qui exerce un mandat au sein de la société
bénéfciaire du prêt, ou est actionnaire ou associé personne physique de la société
débitrice de l’avance et que l’intérêt provient d’un prêt d’argent qualifé d’avance.

Conformément à l’article 55 CIR 92, le taux à prendre en considération sera celui du jour à
partir duquel les sommes empruntées ou reçues en dépôt produisent des revenus ou, en
cas d’intérêts variables ou de clause d’indexation, celui pratiqué à l’échéance des revenus
ou ceux successivement pratiqués au cours de la période à laquelle se rapportent les
revenus.

Cette requalifcation opérera également dans la mesure où le montant total des avances
productives d’intérêts excède le capital libéré dont le montant est déterminé en fn de
période imposable, augmenté des réserves taxées dont le montant est, par contre,

275


On se rappellera que l’article 55 CIR 92 autorise la déductibilité des intérêts
d’obligations, de prêts, de créances, de dépôts et d’autres titres constitutifs d’emprunts
dans la mesure où ils ne dépassent pas ce taux du marché. Voir cependant Trib. Gand,
30 juin 2005, rôle n° 01-4232-A, qui décide que le fait qu’un taux d’intérêt de 5% a été
octroyé par une société à ses administrateurs en raison de prêts d’argent alors que le
taux bancaire était de 3,6%, ne jusife pas en soi que la diférence de taux soit
imposable comme dépense non admise : selon le tribunal, il n’appartient pas à
l’administration de s’immiscer dans la gestion économique et stratégique de
l’entreprise, pas plus que n’est établi que l’opération aurait été mise sur pied aux fns
d’attribuer un avantage aux administrateurs au détriment de celle-ci.
déterminé au début de cette période imposable.

Afn de déterminer si l’assiette est ou non dépassée, et si un régime de requalifcation doit


ou non s’appliquer aux intérêts reçus des avances, il ne sera pas tenu compte des pertes
encourues au cours de la période imposable. Par contre, une éventuelle augmentation de
capital efectuée en cours de celle-ci pourra être prise en considération, puisque le terme
de référence doit s’apprécier à la fn de ladite période.

Quant aux pertes reportées d’exercices antérieurs, elles viendront diminuer le montant des
réserves taxées. Si toutefois il subsistait, après imputation, un solde de ces pertes, il n’en
serait pas tenu compte pour déterminer le montant du capital libéré. Le capital nominal
sera donc pris en compte intégralement276.

83.

Le texte se réfère aux « avances » productives d’intérêts, et défnit en son second alinéa
en quoi elles consistent.

Il s’agit de tout prêt d’argent auquel procède le contribuable en faveur de « sa » société. Ce


prêt d’argent peut être représenté ou non par des titres.

Le nouveau texte introduit par l’A.R. du 20 décembre 1996 réduit considérablement la


notion d’avance, puisque sont seules visées les opérations de prêts d’argent.277 Le mot
« consenti », est substitué au mot « détenu », car ce dernier aurait pu signifer que la
requalifcation n’est applicable qu’aux titres dont on détient la pleine propriété 278.
276


cfr. à ce propos Philippe Malherbe, étude précitée, p.6 et J.L. Davain, étude
précitée, p.11
277


Dans sa réponse à la question n°1427 de M. Dirk Pieters du 25 juin 1998 (Bull. 798,
pp. 3379 à 3382), le ministre des Finances a confrmé que « la notion de prêt d’argent
peut difcilement être expliquée autrement qu’au sens de l’article 1895 du Code civil, étant
donné que :
- la notion de prêt d’argent n’est pas défnie dans le CIR92 et elle
n’apparaît qu’à l’article 18, alinéa 2, CIR 92 ; la notion de prêt n’est pas non
plus défnie dans le CIR 92 ;
- la terminologie utilisée à l’article 18, alinéa 2, CIR 92 (…) est
pratiquement la même que celle de l’article 1895, alinéa 1 er du Code civil
(…) ».
Lors de la question orale n° 614 de M. van de Maelen du 19 novembre 2003 (compte
rendu analytique, Commission des Finances de la Chambre, Com 65, pp. 1-2), le
secrétaire d’Etat à la modernisation des Finances et à la lutte contre la fraude fscale (M.
Jamar) a précisé que l’administration prépare une circulaire afn de remédier aux
« difcultés d’interprétation » auxquelles les règles relatives à cette requalifcation
donnent « parfois » lieu. Cette circulaire a fnalement été adoptée le 11 janvier 2005 (n°
Ci. RH. 231/543.949 AFER 2/2005)
278


Maurice Eloy, « Fiscalité du dirigeant : quelles déductibilités depuis la réforme ?
Comment prévenir les risques de requalifcation ? » in Colloque EFE « Statut social et
fscal du dirigeant », 4 et 5 novembre 1997.Le Rapport au Roi fait par le ministre des
L’administration a commenté la notion de « prêt d’argent » dans sa circulaire du 11 janvier
2005279. L’administration rappelle d’abord que dans le Rapport au Roi relatif à l’AR du 20
décembre 1996 comportant des mesures fscales diverses 280 « le mot « créance » est remplacé
par notion de « prêt », qui se réfère à l’idée d’un contrat, et que pour la requalifcation d’intérêts
en dividendes, le prêt doit porter sur de l’argent. »281

L’administration précise que la requalifcation en dividendes n’est pas limitée aux intérêts
alloués en exécution d’un contrat de prêt d’argent constaté par un écrit : des considérations
propres à chaque espèce peuvent aboutir à considérer qu’il existe une convention tacite
de prêt d’argent voire un acte écrit tenu secret. L’administration précise qu’à cet égard,
elle n’est pas liée par la qualifcation que les parties ont pu donner à leur contrat.282

L’administration examine ensuite, dans cette circulaire, les conditions permettant de


mettre en évidence l’existence d’un prêt d’argent. Elle précise ainsi qu’une requalifcation
doit être envisagée pour tout montant porté au crédit du compte courant ouvert au nom
d’un administrateur de société, « étant toutefois entendu que la volonté de prêter ces sommes-
ci (et la requalifcation éventuelle des intérêts en dividendes) ne pourra raisonnablement être
retenue que pour le solde créditeur minimum du compte (après déduction des inscriptions qui
résultent d’un contrat de prêt d’argent) à un moment quelconque de la période imposable. »283

D’une façon générale, l’administration souligne que « Des intérêts sont susceptibles de
requalifcation en dividendes lorsqu’ils sont produits par toute somme d’argent mise à
disposition de la société, à charge de restitution, dès lors que l’on trouve chez le créancier la
volonté de faire bénéfcier la société du libre usage des fonds. ».284 Également, le fait pour une
société de ne pas disposer de liquidités sufsantes pour rembourser une dette contractée à
l’égard des personnes visées par l’article 18, alinéa 2 CIR 92 serait de nature à conforter
l’existence d’un accord portant sur un prêt d’argent, d’autant plus si la société établit que

Finances précise que « Selon cette interprétation, un démembrement de la propriété


sufrait pour échapper à la requalifcation ».
279


Ci. RH 231/543.949, (AFER 2/2005).
280


Bull. 769.
281


ibid., III 1.3.
282


ibid., III.3.10 et III.3.11.
283


ibid., III.3.12.
284


ibid., III.3.13. L’administration cite les exemples de l’achat par la société d’une
clientèle pour un prix payable en 20 ans, avec attribution d’intérêts. Elle cite également
le cas où, lors de la vente d’un bien à la société, le prix reste impayé ou que des
modalités particulières de paiement diféré n’ont pas été arrêtées : dans ce cas, selon
l’administration, « le caractère parfait de la vente peut être mis en cause, sauf à considérer
que le prix de vente est censé payé, puis mis à disposition de la société moyennant un prêt
d’argent, tacite. ». Cette position est reprise dans la Décision anticipée n°400.188 du 30
juin 2005 : « la dette comptabilisée dans un compte-courant à la suite d’un quasi-apport
doit être considérée comme un emprunt. A cette occasion, l’administration fxe à 5,16% le
taux de l’intérêt correspondant au marché ».
les établissements fnanciers qu’elle a consultés lui ont refusé le crédit sollicité.285

84.

On le constate, l’administration semble vouloir considérer qu’un compte courant


constitue un prêt d’argent au sens de l’article 18, 4°, CIR 92. Nous ne partageons pas cet
avis. La loi parle d’un prêt d’argent, ce qui paraît impliquer un versement en numéraire
et exclure, en conséquence, les dettes comptabilisées en compte courant, résultant par
exemple d’une cession de clientèle, voire du paiement d’une dette de la société par son
dirigeant. Précisément, la notion de prêt d’argent, qui a remplacé la notion de créance,
doit être analysée d’une manière plus restrictive qu’une simple avance, puisque par
défnition, celui qui prête une somme d’argent délivre cette somme à charge pour la
société-emprunteur de la lui restituer en même quantité, le cas échéant augmentée
d’intérêts échus.

Il nous semble par conséquent que lorsque l’administration déduit de la circonstance que le
prix de vente d’un bien à la société n’est pas immédiatement payé, on peut y voir un
contrat de prêt d’argent, elle fasse f de la réalité juridique : il n’y a pas eu prêt d’argent, il y
a simplement une vente payable à terme. Encore un montant d’intérêts serait-il prévu, il
s’agit non pas de la rémunération d’un prêt inexistant, mais bien d’une modalité du prix de
la vente et de son paiement.

85.
La jurisprudence récente paraît désavouer la position de l’administration laquelle, il
faut bien le dire, ne tient guère juridiquement. 286 Ainsi, le tribunal de première instance
de Namur a rendu un jugement le 24 novembre 2004 287 donnant tort à la thèse
soutenue par l’administration et a refusé la requalifcation en dividendes d’intérêts
aférents à un compte courant, aux termes d’un jugement remarquablement et
longuement motivé, notamment dans ces termes : « le résultat législatif de la
modifcation est toutefois contraire à l’objectif recherché puisque l’article

285


ibid., III.3.15. Dans le cadre de cette dernière hypothèse, et sous le point suivant ,
l’administration recommande une attention particulière quant aux raisons ayant justifé
le refus d’octroi de crédits par un établissement fnancier, afn de s’assurer que la vente
éventuelle d’un élément du patrimoine du dirigeant d’entreprise à la société l’a été
pour une valeur vénale réelle.
286


Jean-Pierre Bours, « La requalifcation d’intérêts d’avance en dividendes :
l’administration désavouée », Fiscalnet, Hebdo, 30 avril 2005, où l’auteur qualife même
la position de l’administration de « aberrante », et appelle de ses vœux un arrêt de la
Cour de cassation confrmant prochainement ce point de vue. Cet auteur souligne
aussi, à juste titre selon nous, que « Le contrat de prêt d’argent est un contrat réel,
impliquant donc la « transmission » de fonds (« selon l’article 1982, le prêt n’existe que
lorsqu’il y a eu « tradition réelle » de la chose » RPDB V°prêt, n°84). La doctrine est unanime
sur la question. En cas de simple ouverture d’un compte courant, il n’y a pas de transfert de
fonds ».
287


Rôle n° 2335-2003
18, 4° alinéa 2 du CIR 92, - tel qu’il est rédigé depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 20
décembre 1986 – ne peut raisonnablement plus se lire autrement que comme apportant une
restriction de l’ensemble du mécanisme de la requalifcation des avances à celles qui résultent
de conventions portant sur des prêts d’argent.

Étant donné qu’en matière fscale, les dispositions légales sont de stricte interprétation, il ne fait
aucun doute que c’est à cette seule catégorie d’avances que la requalifcation en dividendes
peut s’appliquer.

Toute interprétation extensive serait contraire au principe de bonne administration qui


implique, notamment, le respect de la sécurité des contribuables.

Il n’incombe au demeurant pas aux tribunaux de réparer les errements du législateur, à tout le
moins lorsqu’ils ne causent aucun préjudice et tournent à l’avantage du contribuable, ce qui est
le cas en l’espèce. ».

Dans un arrêt du 22 juin 2005288, le même tribunal, à nouveau, a longuement analysé le


texte légal à la lumière du texte ancien, des travaux préparatoires, de la doctrine et de la
jurisprudence, pour conclure que « les eforts déployés » par l’administration « dans son
abondante argumentation (…) ne peuvent renverser l’évidence. (…). On est donc très loin de
l’hypothèse d’une ouverture de crédit en compte courant consentie par un organisme bancaire,
qui suppose que le crédité puisse disposer de fonds mis à sa disposition : le compte courant
litigieux s’est ouvert avec l’inscription d’une dette pré-existante, afectée à une acquisition bien
précise et déjà réalisée. Elle n’a donc pu ouvrir ce compte avec d’autre perspective que celle
d’avoir à l’apurer… ». En l’espèce, il s’agissait pour la société d’un achat de droits corporels
et incorporels contenus pour l’essentiel dans un portefeuille d’assurances cédé par son
associé-fondateur devenu gérant avec paiement diféré pour une partie du prix : ce qui n’a
pu être payé au moment de la conclusion du contrat de cession a fait l’objet de l’ouverture
d’un compte-courant. Comme le souligne encore le tribunal, le fait qu’est diféré le
paiement du prix permet certes à la société d’afecter des fonds à d’autres charges, « mais il
s’agit alors de ses fonds propres et non de fonds empruntés ».

Le tribunal de première instance de Louvain a rendu une décision semblable, dans le cadre
d’une cession d’un « goodwill » à une sprl par son gérant, avec inscription de la dette en
compte courant, considérant que pour qu’il y ait prêt d’argent, il fallait un versement
préalable de fonds.289

Dans un arrêt du 25 mars 2005, la cour d’appel de Liège s’est prononcée clairement dans le
même sens, précisant que « le terme de prêt d’argent ne peut, à défaut de dispositions

288


Rôle n° 02/2257/A.
289


Trib. Louvain, 4 février 2005, rôle n° 02-2636-A. Le tribunal relève à cet égard, de
façon intéressante, que la demande de paiement qui est faite s’inscrit non pas dans le
cadre d’un contrat de prêt, mais bien dans le cadre d’une relation achat-vente, et qu’à
aucun moment, le prix de vente n’a été mis à la disposition de la société. Le tribunal
conclut : “Bij gebrek van een geldlening, is de herkwalifcatie van de interesten in
dividenden niet mogelijk.” (traduction libre : A défaut d’un prêt d’argent, la
requalifcation des intérêts en dividendes n’est pas possible).
spécifques, être étendu aux opérations réalisées dans le cadre d’un compte courant ».290

La motivation de cet arrêt est également signifcative, et est notamment la suivante :


« Que le terme d’avance y est spécialement défni comme un prêt d’argent et non plus comme
une créance ;

Que l’administration invoque enfn la volonté du législateur face un l’existence d’un texte clair ;

Que la cour est tenue par la lettre du texte et non par les travaux préparatoires de la loi
prétendant étendre le régime de la requalifcation aux prêts d’argent en vue de lutter contre
certains abus et la sous-capitalisation des sociétés ;

Que le ministre lui-même a dû reconnaître lors d’une réponse à une question parlementaire
(…) que la terminologie du texte légal substituant le terme de « prêt d’argent » à celui de
« créance » était pratiquement la même que celle de l’article 1895 du Code civil (prêt en argent)
et que cette modifcation de terminologie pouvait soulever de graves problèmes
d’interprétation notamment lorsque les avances sont concrétisées par des comptes courants
dans la société débitrice des intérêts ; (…)

Attendu que le terme de prêt d’argent, à défaut de défnition propre dans le cadre de la loi
fscale, défnition que le législateur peut toujours préciser le cas échéant, ne peut être entendu
que dans le sens donné par le droit commun, sous peine de créer une situation d’insécurité
juridique des opérations économiques faisant l’objet d’actes juridiques conventionnels ;

Que la doctrine s’exprime d’ailleurs en ce sens (P. Van Ommeslaghe, droit commun et droit
fscal, J.D.F., 1959, p.5-32) ; (…)

Attendu qu’en conséquence la cour ne peut que constater qu’il n’y avait pas lieu de requalifer
les intérêts en dividendes. ».

Les termes mêmes de la circulaire, commentés plus haut, paraissent donc, à cet égard,
manquer totalement de pertinence.

Encore tout récemment, le tribunal de première instance de Bruxelles, par jugement du 8


juin 2005291 a clairement rejeté la thèse suivie par l’administration, tendant à la
requalifcation d’intérêts en dividendes sur base de l’article 18, alinéa 1er, 4° CIR 92. La
motivation de cette décision mérite qu’on en cite certains extraits :

« Ainsi, les deux caractéristiques essentielles du contrat de prêt sont d’une part, la remise d’une
chose par l’une des parties et d’autre part, l’obligation pour l’emprunteur de restituer cette même
chose (dans le cadre du commodat) ou une même quantité de chose de même espèce et
qualité (dans le cadre du prêt de consommation).

En l’espèce, le dirigeant de la demanderesse ne lui a pas remis la somme de 30.000.000 anciens


francs et celle-ci n’a pas souscrit l’obligation de restituer une même somme d’argent.

290


Liège, 25 mars 2005, Rôle n° 2004-RG-342
291


rôle n° 2004-6775-A
Le dirigeant lui a vendu une part indivise d’un savoir-faire moyennant l’obligation pour la
demanderesse d’en payer le prix ;

La livraison n’a pas pour objet une somme d’argent, mais le savoir-faire et la demanderesse n’a
pas l’obligation de restituer une même somme d’argent, mais de payer le prix convenu pour le
transfert de la propriété de ce savoir-faire.

En conséquence, l’obligation de la demanderesse de payer la somme de 30.000.000 anciens


francs à son dirigeant ne résulte pas d’un prêt d’argent, mais du contrat de vente d’une part
indivise dans le savoir-faire. Contrairement à ce que soutient le défendeur, l’accord suivant
lequel le paiement du prix de vente n’est pas exigé pendant un certain temps, moyennant le
paiement d’un intérêt n’équivaut pas à prêter une somme d’argent à la société, à défaut de
remise de cette somme d’argent par le dirigeant et d’obligation corrélative de restituer une
somme d’argent équivalente à cette même somme.

Selon l’article 1652 du Code civil relatif aux obligations de l’acheteur dans le cadre de la vente,
« l’acheteur doit l’intérêt du prix de la vente jusqu’au paiement du capital, dans les trois cas
suivant : s’il a été ainsi convenu lors de la vente, (…), ».

Le paiement de l’intérêt au taux de 7% par la demanderesse ne trouve pas sa cause dans un


contrat de prêt d’argent, mais dans le contrat de vente du savoir-faire dont l’avenant prévoit le
paiement de cet intérêt en cas de non-paiement du prix de vente à l’échéance, conformément à
l’article 1652 du code civil.

La dette de 30.000.000 anciens francs est le prix que la demanderesse s’est obligée à payer pour
la vente du savoir-faire, qui produit les intérêts conventionnellement jusqu’au paiement de ce
prix de vente.

A défaut de prêt d’argent, les intérêts litigieux ne peuvent être qualifés en dividendes sur base
de l’article18, 4°, du CIR 92 ».292

Certaines décisions persistent néanmoins à voir dans la mise à disposition de fonds par un
administrateur à la disposition de la société, via un compte-courant, un contrat de prêt
d’argent.293 Elle demeurent, toutefois, minoritaires.

292


Voyez également Trib. Anvers, 5 avril 2004, rôle n° 03-249-A ; Trib. Anvers, 19 mai
2004, rôle n° 03-1157-A + 01-1158-A ; Trib. Mons, 7 septembre 2004, rôle n° 00-1548-A ;
ou encore Trib. Anvers, 25 juin 2003, rôle n° 01-2368-A ; Trib. Louvain, 10 septembre
2004, rôle n° 99/2009/A, Trib. Gand, 12 janvier 2005, rôle n° 03-2097-A (Cette dernière
décision ouvre une brèche, puisque le tribunal décide qu’il faut analyser l’intention
commune des parties afn d’apprécier s’il y a ou non mise à disposition de la société du
solde du prix de vente sous forme d’un prêt avec intérêts, en plus du transfert du
cabinet médical cédé. Une attention toute particulière doit dès lors être apportée au
contenu des clauses contractuelles, afn d’éviter une malheureuse interprétation). Cette
jurisprudence montre à quel point la controverse peut être vive à ce sujet.
293


Anvers, 5 septembre 2000, Le Courrier Fiscal, 2000/508. La cour ajoute
qu’il en est ainsi, même lorsqu’il n’existe aucun écrit constatant l’existence de ce qu’elle
qualife de prêt. Cette décision n’était pas rendue dans le cadre spécifque du régime de la
requalifcation, en sorte qu’il ne peut, selon nous, en être tiré un argument décisif.
86.
Selon l’arrêt de la cour d'appel de Liège du 25 mars 2005 que nous venons d'analyser,
les termes « prêt d’argent » doivent par conséquent et à défaut de défnition propre
dans le cadre de la loi fscale, s’entendre uniquement dans le sens donné par le droit
commun, afn de ne pas créer de situation d’insécurité juridique des opérations
économiques faisant l’objet d’actes juridiques conventionnels. La Cour en déduit que
les intérêts issus d’une avance en compte courant ne peuvent faire l’objet d’une
requalifcation par l’administration fscale. 294

L’administration s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Dans un arrêt du 16


novembre 2006, la Cour de Cassation vient de suivre à l’administration : « les termes "
prêt d’argent ", au sens de l’article 18 CIR 92, peuvent revêtir la forme d’une inscription au
compte courant de l’actionnaire ou de la personne qui exerce un mandat ou des fonctions
qui y sont visés. » Dans l’afaire en question, la société avait acheté à son principal
actionnaire un immeuble et ses avoirs incorporels, dont une partie seulement avait été
payée, le solde ayant fait l’objet d’une convention de mise à disposition des fonds à la
société moyennant un intérêt de 7 %. Certes, dans cette afaire, il y a bien eu une
convention entre la société et le dirigeant relativement à l’inscription en compte
courant et à la rémunération en intérêts.295

Cet arrêt n'est toutefois pas de principe, et se contente d'afrmer qu'un prêt d'argent
est possible par pareille inscription en compte-courant, pas que toute inscription de ce
type en est un...
L'administration fscale, face à cette décision, a cependant cru – à tort – à un revirement
de jurisprudence et a d'ailleurs édicté une circulaire en ce sens, courant 2007.
Toutefois, dans son arrêt du 4 septembre 2009, la Cour de cassation a décidé que « à
défaut de défnition particulière dans la loi fscale, il y a lieu d'entendre par prêt d'argent,
conformément au droit commun, le contrat par lequel le prêteur remet de l'argent à
l'emprunteur en vue de lui permettre de s'en servir et à charge pour ce dernier de le lui
restituer au terme convenu » et a précisé, tout en confrmant qu'une inscription en compte
courant pouvait matérialiser un prêt d'argent, qu' « une telle inscription n'implique pas
nécessairement l'existence d'un contrat de prêt au sens de cette disposition ».
En l'occurrence, la convention de cession de parts indiquait qu'à défaut de paiement du
prix dans le délai convenu, un intérêt moratoire serait d'application et la société
débitrice avait comptabilisé, comme tels, les intérêts versés aux cédants.
Cette jurisprudence a été confrmée par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt
subséquent du 20 mai 2010.

87.
La Cour de cassation a également été amenée à se pencher sur cette problématique,
sous un prisme quelque peu diférent, à savoir celui de la novation, qui consiste à
remplacer une créance/dette par une autre. La novation ne se présume pas, mais elle

294


Liège 26 mars 2005, www.fscalnet.be
295


Cass. 16 novembre 2006, www.fscalnet.be
ne doit pas nécessairement faire l'objet d'un écrit explicite. Elle doit néanmoins résulter
de l'intention certaine des parties, au regard des éléments concrets de la cause, en
vertu de l'article 1272 du Code civil.
Ainsi, dans un arrêt du 15 octobre 2010, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi
introduit contre un arrêt de la Cour d'appel d'Anvers, qui avait décidé, au vu de la
volonté jugée certaine des parties que le prix de cession demeure à disposition de la
société acquéreuse, qu'il existait une novation et qu'un prêt d'argent avait ainsi été
consenti par le vendeur à l'acquéreur.
Dans un arrêt du 2 décembre 2010, la Cour de cassation a maintenu cette
jurisprudence, en jugeant que la Cour d'appel de Mons a pu considérer que les parties
ont entendu substituer à la créance de prix de cession, une créance découlant d'un prêt
à durée indéterminée, tenant compte du fait que, plus de huit ans après la cession, le
prix n'en était pas totalement payé et qu'au vu des circonstances, il était évident au jour
de la cession que le prix ne pourrait être soldé avant longtemps.
Un arrêt du 11 mars 2011 de la Cour de cassation aboutit à la même conclusion.
L'argument de la novation est fn, mais nous rappelons que la novation ne se présume
pas et, la volonté de nover des parties doit être évidente.
Nous partageons l'opinion d'Olivier Robijns296 :
« s'il veut mettre toutes les chances de son côté, le contribuable veillera notamment à :
- éviter les termes ambigus de « prêt » ou « emprunt » ;
- comptabiliser correctement les sommes, en se rappelant que la preuve ultime
est l'aveu du contribuable et que la comptabilité d'une société lie celle-ci ;
- opérer le paiement du prix de cession dans un délai réaliste, le cas échéant au
moyen de paiements échelonnés, qui ne devront pas nécessairement correspondre à
des mensualités identiques ».

88.
La jurisprudence des Cours et Tribunaux a également évolué.

Dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d’Appel de Gand du 04.09.2007,
l’intimée, une société qui avait été créée pour la gestion de biens mobiliers et
immobiliers, avait procédé à l’achat d’actions qui appartenaient aux actionnaires. Le
contrat prévoyait que la cession des actions avait lieu en pleine propriété et qu’elle
devrait être payée par l’intimée dans la mesure de ses possibilités, étant bien entendu
que l’intimée était redevable d’un intérêt de 8 pour cent par an sur le solde du prix de
vente. Le solde du prix de vente avait été comptabilisé à titre de dette sur les comptes
courants des actionnaires. L’intérêt avait été comptabilisé par l’intimée en charges
fnancières dans le compte de résultats et un précompte mobilier avait, à chaque fois,
été retenu au taux de 15%. L’administration avait requalifé les intérêts en dividendes.
La Cour a constaté que le terme ’prêt d’argent’ à l’article 18 a remplacé le terme
’créance’ par l’article 3, 2° de l’AR du 20 décembre 1996 et que cela a entraîné un
rétrécissement du champ d’application à l’égard des éventuelles créances rentables.

296


Cass. 16 novembre 2006, www.fscalnet.be
Plus particulièrement, les articles 1892 et 1895 C.C. s’appliquent ici. Dans ce sens, un
prêt d’argent suppose qu’une remise matérielle d’argent a lieu. Ce n’est pas le cas ici.
Une interprétation plus large, basée sur les travaux préparatoires, ne convient pas
puisque le texte de la loi est clair et que le législateur a délibérément opté pour une
notion plus étroite. 297

Par contre, dans un jugement du 17.10.2007, le Tribunal de 1ère Instance d’Anvers,


dans une espèce où le dirigeant de la contribuable, une SA, a versé des avances sur un
compte courant et où l’administration a requalifé de dividende l’intérêt imputé sur
celles-ci, a estimé qu'il s’agit d’un crédit. Le Tribunal déduit ceci notamment d’un
contrat conclu entre la contribuable et son dirigeant, dans le cadre duquel celui-ci a
vendu à la contribuable un paquet d’actions dans une autre société. Ce contrat ne
mentionne aucun délai de demande de prix et le dirigeant n’a efectivement pas
demandé le prix. En outre, la contribuable a comptabilisé la dette avec une conviction
tranquille en tant que dette à long terme. Le Tribunal conclut qu’il s’agit efectivement
d’un prêt d’argent de la somme d’achat.298

Dans un arrêt du 25.11.2008, la Cour d’Appel d’Anvers, dans un litige qui concernait
une cotisation à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2003 suite à la
requalifcation d’intérêts en dividendes et plus particulièrement les conséquences
fscales d’un contrat d’achat d’actions conclu entre une société et son administrateur
dans lequel il avait été convenu que le solde du prix d’achat serait complètement
comptabilisé via le compte-courant de l’administrateur et que ce compte courant
produirait des intérêts au taux fscalement admis, a estimé être en présence d'un prêt,
au terme d'un raisonnement sans doute fouillé, mais qui demeure critiquable.

Après avoir rappelé que la notion de « prêt d’argent » n’est pas défnie dans le droit
fscal, si bien qu’il faut se baser sur le droit commun en la matière, la cour s'est rangée à
son interprétation de la jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle le prêt
d’argent au sens de cette disposition peut prendre la forme d’une inscription en
compte-courant d’un actionnaire ou d’un dirigeant d’entreprise. Cela revient donc à
examiner, selon la cour, si l’inscription du solde de la somme d’achat du transfert
d’actions sur le compte-courant de l’administrateur de la contribuable peut être
considérée comme l’exécution d’un prêt d’argent convenu entre les parties. Le fait,
selon elle, qu’il existait un contrat d’achat entre les parties n’empêche pas un prêt
d’être conclu par la suite. La réalité du contrat d’achat n’est pas ignorée, en estimant
que le solde de la somme d’achat a été mis à la disposition de l’acheteur à titre de prêt
d’argent, souligne la cour. La charge de la preuve incombe toutefois à l’administration
fscale, mais l’existence d’un contrat de prêt peut être démontrée par l’administration
par tous les moyens de droit, excepté le serment. Un écrit n’est, par conséquent, pas
requis. Il conviendra de déduire les intentions réelles des parties des données de fait de
l’afaire, étant bien entendu que la clause du contrat ne suft pas en soi pour
démontrer l’existence d’un prêt d’argent. La cour déduit de l’ensemble des faits établis
que l’intention réelle des parties consistait, outre le transfert de propriété des actions
vendues, à mettre le prix de vente directement à la disposition de la société, à titre de
297


Actualités, 28 janvier 2013,, www.fscalnet.be
298


Civ. Anvers 17 octobre 2007, www.fscalnet.be
prêt contre intérêts (le fait qu’aucun délai n’ait été déterminé dans lequel le prix d’achat
devait être payé indique que le vendeur et l’acheteur avaient l’intention de mettre le
solde du prix d’achat à long terme à la disposition de l’acheteur ; l’acheteur a
comptabilisé le solde du prix d’achat dans son bilan à titre de dette à plus d’un an ;
l’acheteur a enregistré dans le compte de résultat les intérêts payés à l’administrateur
sur le solde du prix à titre d’« intérêts dans le cadre d’un prêt pour des actions » sur un
compte de frais).299

La Cour d’Appel de Liège, par contre, dans un arrêt du 16.01.2008, relève que la notion
de prêt d’argent n’est pas défnie par la loi fscale et, à défaut d’une telle défnition
particulière, a le sens qui lui est donné par le droit commun, et de se livrer à une revue
de la jurisprudence et de la doctrine en la matière. Elle constate aussi que l’appelant ne
démontre pas la remise d’une somme d’argent par son actionnaire et administrateur
délégué disposant d’une créance en compte courant à l’égard de l’intimée, ce qui
permet d’écarter la qualifcation de prêt, celle-ci résulte de la cession de biens. A défaut
de prêt d’argent, il n’y avait pas lieu à requalifcation des intérêts sur créance en compte
courant en dividendes et d’enrôler un précompte mobilier complémentaire. L’appel de
l’État est non fondé.

Dans un autre cas ayant donné lieu au jugement du Tribunal de 1ère Instance de
Hasselt du 31.01.2007, deux actionnaires de la demanderesse avaient vendu un paquet
d’actions à leur société. Le prix d’achat n’avait pas été immédiatement payé par la
demanderesse puisque celui-ci avait été enregistré au crédit du compte courant des
deux actionnaires. Ce compte courant avait été par la suite partiellement converti en
un prêt avec un taux d’intérêt net de 7 %. L’administration avait requalifé les intérêts
versés en un dividende. Le tribyunal relève à bon escient qu'à partir du 1er janvier 1997,
la phrase "toute créance, représentée ou non par des titres" a été remplacée par la
phrase "tout prêt d’argent, représenté ou non par des titres". Cette adaptation
terminologique de la disposition litigieuse a par conséquent et sans aucun doute limité
le champ d’application. A cet égard, il est incontestable que les créances des deux
actionnaires ne sont en aucun cas nées de la remise de capitaux à la demanderesse. La
créance est, en revanche, née de l’octroi du sursis de paiement d’un prix stipulé pour
les actions. A défaut de remise de capitaux, la dette de la demanderesse à l’égard de
ces personnes physiques n’est en aucun cas née d’un prêt d’argent. Il ne s’agit donc pas
d’une avance portant intérêt

La Cour d'appel d'Anvers maintient, dans des 14 septembre 2010 et 6 décembre 2011)
qu'un prêt d'argent suppose une remise matérielle de fonds, du prêteur à l'emprunteur
et qu'à défaut, il ne peut être question de prêt et, conséquemment, de
requalifcation sur base de l'article 18, 4° du CIR/92.
La Cour d'appel de Bruxelles, notamment dans ses arrêts du 10 février 2011 et du 18
mai 2011, partage cette position.
La Cour d'appel de Mons semble plus partagée. Ainsi, dans un arrêt du 14 décembre
2011, la cour fait référence à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2010 précité,
et estime que « un prêt d'argent peut être déguisé sous la couverture du non-paiement
d'une dette, lorsque l'intention réelle des parties, outre le transfert de propriété des éléments

299


Anvers 25 novembre 2008, www.fscalnet.be
corporels et incorporels liés à l'activité médicale, consiste à mettre le prix de vente
immédiatement à la disposition de la société, au moyen d'un prêt à intérêt, la remise
d'argent dans le cadre d'un prêt d'argent pouvant s'efectuer par novation ».
La cour en arrive à cette conclusion, notamment parce que le prix de cession n'a
fnalement été payé (pour l'essentiel) qu'au moyen d'un prêt bancaire, souscrit par la
société acquéreuse. La référence au caractère « déguisé » du prêt, renvoie plutôt à la
notion de simulation.
Avec Olivier Robijns, nous pensons que le paiement ultérieur du prix de cession au
moyen d'un prêt bancaire ne suft pas à établir qu'au moment de la cession -
intervenue deux ans auparavant - les parties aient entendu opérer une novation par
changement de la nature de la dette de la société acquéreuse. Au contraire,
l'intervention de la banque pour solder le prix (et non pour rembourser l'emprunt
contracté à l'égard du cédant) démontre que cette créance existait encore et n'avait
pas été remplacée.
Dans deux arrêts des 9 septembre 2010 et 12 novembre 2010, la Cour d'appel de Mons,
autrement composée, admet qu'aucune preuve de novation n'est rapportée par
l'administration, les intérêts conventionnels payés par l'acquéreur et la
comptabilisation de la somme en compte courant ne démontrant pas l'intention de
nover des parties à la convention de cession.
Le Tribunal de première instance de Namur dans une décision prononcée le 21 mars
2012,constate que le prix de cession porte conventionnellement intérêt à 7 % l'an et
que le solde du prix a été porté en comptabilité sous les comptes 173001 et 423001,
respectivement intitulés « emprunt + 1 an gérant » et « emprunt 1 an gérant », les intérêts
étant eux-mêmes inscrits au compte 65001 « intérêts emprunt gérant ». La convention
entre parties prévoyait expressément cette comptabilisation, en ce qui concerne le
principal.
Le Tribunal rappelle sa jurisprudence constante, dans des termes concis, mais efcaces :
« l'on ne peut assimiler une avance en compte-courant à un prêt d'argent, sauf s'il est
démontré que la dette initiale (prix à payer) a été remplacée par une dette nouvelle (prêt à
rembourser), dans le cadre d'une novation par changement d'objet ». Le Tribunal estime
rapportée la preuve de la novation, en se fondant essentiellement sur les
renseignements tirés de l'examen de la comptabilité de la société acquéreuse,
démontrant selon lui la volonté de nover des parties (comptabilisation sous le terme «
emprunt » conformément à la convention de cession, transfert des sommes du compte
courant vers le compte « dettes fnancières », etc).

89.
La loi vise les actionnaires ou associés personnes physiques, les dirigeants de première
catégorie (administrateurs, gérants, liquidateurs, personnes exerçant des fonctions
analogues), ainsi que les personnes morales qui exercent un mandat auprès de la
société bénéfciaire de l’avance. Par rapport au régime antérieur, plus aucune
distinction n’est faite entre les administrateurs de sociétés de capitaux et les gérants de
sociétés de personnes.300 De même, les actionnaires des sociétés anonymes sont aussi
visés, alors que seuls l’étaient les associés d’une société de personnes.

A la diférence du système de requalifcation des revenus immobiliers en revenus


professionnels visée par l’article 32, al. 2, 3° CIR 92, la loi fxe ici de manière précise des
règles d’interposition de personnes: sont assimilés le conjoint ou les enfants des personnes
visées lorsqu’elles ont la jouissance légale des revenus de ceux-ci.

Les enfants visés sont donc les mineurs non émancipés, légitimes et naturels. Un doute
pourrait toutefois subsister quant aux liens familiaux : le texte n’est pas très clair et ne
permet pas de savoir s’il vise les enfants des personnes visées, les enfants communs à
celles-ci et à leur conjoint, ou aussi les enfants de leur conjoint. L’intention du législateur
paraît d’avoir assimilé tous les enfants du ménage, de manière générale.

Le législateur ne vise toutefois pas, et de la sorte, les personnes vivant ensemble bien que
non mariées301, les enfants majeurs ou émancipés, ni davantage les tiers (par exemple, prêt
par l’administrateur d’une somme à une de ses connaissances qui prête à son tour à la
société; banque bénéfciant de sûretés conférées par l’administrateur ou le gérant; prêts
faits par un administrateur d’une société tierce).302 Il faut relever aussi, en conséquence, que
l’administrateur, personne physique d’une personne morale elle-même administrateur
d’une autre société, est donc en mesure de faire des avances à la société dont "sa" société
est administrateur sans que l’intérêt perçu puisse être en aucune façon considéré comme
un dividende.

90.
Le législateur a prévu trois exceptions au système de requalifcation mis en place:

- ne constitue pas une avance l’obligation émise par appel public à l’épargne. Si

300


Civ. Louvain, 2 mai 2003, rôle n°99/2004/A, où le tribunal décide que c’est la date
de publication du procès-verbal de l’assemblée générale de la société actant et
acceptant la démission d’un administrateur qui doit être retenue, non celle de cette
assemblée générale ou de la prise d’efet de la démission. Le tribunal se place ainsi sur
le terrain de la preuve plutôt que sur celui du fait lui-même. Sans doute, la sécurité
juridique s’en trouve-t-elle renforcée. Ceci dit, pour l’administrateur, c’est lui faire
supporter l’inertie ou l’absence de diligence de la société au sein de laquelle il met fn à
son mandat, alors qu’il peut lui en coûter 10% d’impôt en plus. Ce n’est dès lors guère
satisfaisant. Ceci dit, dans l’espèce jugée, les faits paraissaient démontrer que
l’administrateur était encore intervenu en cette qualité après qu’ait été acté sa
démission, ce qui ôtait tout caractère probant au procès-verbal litigieux.
301


Le cohabitant légal est assimilé au conjoint (art. 2, § 1er, 2° CIR 92, applicable à
partir de l’exercice d’imposition 2005).
302


cfr. Philippe Malherbe, étude précitée, p.3. On trouve à cet égard trace dans les
travaux parlementaires de l’inquiétude de voir le texte aisément contourné, en
interposant une banque ou une société tierce entre le prêteur et l’emprunteur, c’est-à-
dire en intercalant une société dont la personne physique n’est pas administrateur, Doc.
Parl.; Ch., Cess., 1991-1992, n°444/9, p.94.
une société émet un emprunt obligataire, il devra satisfaire aux dispositions
légales relatives à l’appel public à l’épargne, notamment en ce qui concerne le
contrôle par la Commission bancaire, fnancière et des assurances 303. Quant
aux emprunts privés, même représentés par des titres au porteur, ils ne sont
pas visés par l’exception;

- ne constitue pas une avance le prêt d’argent à des sociétés coopératives


agréées par le Conseil National de la Coopération 304;

- ne constitue pas une avance le prêt d’argent consenti par des sociétés visées à
l’article 179, c’est-à-dire des sociétés résidentes.

En d’autres mots, s’agissant de la dernière exception, les intérêts des prêts d’argent
consentis par des sociétés belges exerçant un mandat d’administrateur ne seront pas
traités comme des dividendes, alors que les mêmes prêts consentis par des sociétés
étrangères qui exerceraient des fonctions d’administrateur d’une société belge et
percevraient des intérêts au-delà d’une des deux limites prévues par la loi subiraient
l’impôt sur ceux-ci comme s’ils étaient des dividendes305.

Nous doutons de l’applicabilité de cette « discrimination » entre les sociétés résidentes


belges et celles qui ne le sont pas. En efet, l’article 24 de la convention - modèle OCDE -
destinée à éviter la double imposition des revenus et de la fortune, interdit toute
discrimination et prône l’égalité de traitement, garantissant aux nationaux d’un Etat
contractant qu’ils ne subiront pas dans l’autre Etat contractant un traitement fscal plus
défavorable que celui des nationaux de cet autre Etat. Si cette formulation ne garantit pas
un traitement identique pour les nationaux des deux Etats, elle empêche toutefois un
traitement plus défavorable des uns par rapport aux autres. On pourrait en conséquence
considérer que la règle de « résidence » pourrait ne pas sortir ses efets en cas d’application
d’une convention OCDE, rendant ainsi l’exception favorable aux sociétés résidentes belges
applicable aux sociétés résidentes de pays avec lesquels cette convention existe306.

303


Pour établir le caractère public d’une émission d’obligations, voir AR 7 juillet 1999
relatif au caractère public des opérations fnancières, M.B., 17 août 1999, p.30460.
304


A l’occasion de travaux préparatoires de la loi du 28 juillet 1992, le ministre des
Finances a à cet égard déclaré que l’administration ne disqualiferait pas en dividendes
les intérêts de dépôts à vue ou d’épargne perçus par les administrateurs d’organismes
fnanciers. Cfr. à ce propos Philippe Malherbe, étude précitée, p.4 et les références qu’il
cite, cet auteur critiquant cette déclaration manifestement contraire à l’article 172 de la
Constitution et, qui plus est, particulièrement vague dans sa mise en oeuvre.
305


Th. Afschrift et A. Rayet, "Les impôts sur les revenus et la loi du 28 juillet 1992", J.T.,
1992, n°17, p.807; comparez avec Philippe Malherbe, étude précitée, lequel estime qu’à
son sens, la référence par le nouvel article 18 in fne aux "sociétés visées à l’article 179"
n’exclut pas les sociétés qui, quoique résidentes, ne sont pas assujetties à l’impôt des
sociétés.
306


Cfr. à ce propos Ph. Malherbe, étude précitée, p.5
Quoiqu’il en soit, par un arrêt du 17 janvier 2008307 la Cour de Justice des
Communautés Européennes a jugé le régime belge de requalifcation des intérêts
d’avances en dividendes comme contraire à la liberté d’établissement, dans une afaire
où une société fliale belge verse des intérêts à sa société mère néerlandaise qui
l'administre. La CJUE, sur question préjudicielle, condamne l'Etat belge en ce qu'il
établit une distinction entre les intérêts versés par une société résidente à un
administrateur résident d'un autre État membre et ceux versés à une autre société
résidente.

91.
On peut légitimement s’interroger sur le sort qui doit être réservé à ces dividendes :
quid de la renonciation au précompte mobilier prévu par l’article 106, § 5 de l’A.R.
d’exécution CIR 92, tel que modifé par l’A.R. du 6 juillet 1997 ? En efet, la renonciation,
selon le texte de l’A.R., « n’est pas applicable lorsque la participation de la société mère
génératrice de dividendes n’atteint pas le pourcentage minimal du capital de la société
fliale visée au 6bis308 (…) ». En l’espèce, les dividendes ne sont pas générés par la
participation, mais bien par une requalifcation d’intérêts. Il semble par conséquent
qu’ils ne puissent entrer en ligne de compte pour la renonciation au précompte
mobilier tel qu’organisé309.

92.
Divers efets et conséquences sont attachés à l’assimilation des intérêts à des
dividendes :

a. Tous les intérêts excédant l’une des deux limites visées par la loi ne sont
pas déductibles pour la société.310 En ce qui concerne les intérêts dont le
taux excède le taux maximum visé par l’article 55 CIR 92, la situation n’est
toutefois pas diférente de ce qu’elle était antérieurement, puisque déjà

307


Af. C-105/7, N.V. Lammers & Van Cleef c. Belgique
308


Ce pourcentage est de 25% pour les dividendes attribués ou mis en paiement
avant le 1er janvier 2005, 20% à partir du 1er janvier 2005, 15% à partir du 1er janvier 2007
et 10% à partir du 1er janvier 2009. La participation minimale doit avoir été conservée
pendant une période ininterrompue d’au moins un an pour que la renonciation
s’applique.
309


Voyez Maurice Eloy, étude précitée, spéc. pp. 10 et 11. Cette approche, certes très
exégétique, paraît trouver un appui supplémentaire, dans la mesure où le prêt d’actions
ou parts, qui était visé par l’article 18, alinéa 1er, 3°, depuis abrogé par l’article 34 de la loi
du 15 décembre 2004 (M.B., 1er février 2005), était lui expressément visé par l’article 106,
§ 5 de l’AR/CIR 92.
310


Civ. Anvers, 20 janvier 2003, rôle n° 99/3116/A, où le tribunal décide qu’est sans
pertinence de savoir si les intérêts ont été payés ou attribués à une date ultérieure à
leur prise en compte à titre de charges fnancières par la société, et que c’est à bon droit
que l’administration requalife les intérêts en dividendes pour l’exercice au cours
duquel la société a entendu les déduire.
avant l’adoption de l’article 18 CIR 92, pareils intérêts n’étaient pas
déductibles par la société qui les attribuait ;

b. Les intérêts excédentaires seront soumis à un précompte mobilier de 25% :


ceci n'a plus d’importance en soi pour l'avenir vu le lissage en 2013 du
taux du précompte mobilier – redevenu libératoire après un an de
« purgatoire » – à 25 % ;

c. Jusqu'à la modifcation apportée par la loi du 25 décembre 2017, article


54, 2°, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2018 et est applicable à partir
de l'exercice d'imposition 2019, la société risquait de ne plus pouvoir
bénéfcier du taux réduit si, par le fait de la requalifcation, il devait
apparaître que les dividendes distribués excèdent 13 % du capital libéré
au début de la période imposable. Cette condition pour bénéfcier des
taux réduits à été, heureusement, supprimée. La Cour d’Arbitrage, au
regard de cette loi depuis abrogée, a confrmé que cette règle à laquelle
est subordonnée l’application des taux réduits ne viole pas les articles 10
et 11 de la Constitution, les intérêts d’avances requalifés en dividendes
étant compris dans les bénéfces distribués. 311

Il est encore utile de préciser qu’il n’est pas tenu compte, dans la limite fxée par l’article 18,
alinéa 1er, 4° CIR 92, ni des coefcients de revalorisation du capital pour les capitaux
antérieurs à 1950, à défaut de référence à cette notion, ni davantage des réserves
immunisées, seules les réserves taxées étant ajoutées au capital libéré.

93.
Deux questions doivent encore retenir l’attention.

A/ La première, qui est davantage historique, résulte de la date à laquelle cette disposition a
été rendue applicable, soit aux intérêts d’avances payés ou attribués à partir du 27 mars
1992. Cette date, en efet, correspond à celle à laquelle la mesure avait été annoncée, mais
sous une forme très diférente en raison des amendements qui y ont été apportés.

La loi a donc un efet rétroactif, ce qui pose naturellement un problème pour les intérêts
payés ou attribués entre ce 27 mars 1992, date d’entrée en vigueur, et le 31 juillet 1992, date
de publication de la loi. Il est évidemment délicat d’exiger d’une société qu’elle perçoive
rétroactivement un précompte mobilier de 25% sur les sommes allouées, alors qu’au
moment de leur attribution, et conformément à la loi en vigueur à ce moment, seul un
précompte de 10% avait à être retenu, et qu’en outre, le bénéfciaire de ces revenus n’est
pas tenu à les déclarer en raison de la perception du dit précompte.

Ceci étant, il ne peut être perdu de vue qu’en vertu de la règle générale admise, la loi

311


C.A., arrêt n° 33/2000 du 29 mars 2000, qui relève que la mesure répond au double
objectif du législateur étant à la fois la prévention de l’évasion fscale (conversion des
rémunérations en dividendes moins lourdement taxés et bénéfciant du précompte
libératoire) et l’encouragement à l’investissement de l’épargne en Belgique et de
l’amélioration, par ce biais, de la structure fnancière des entreprises (considérants B.5.2
et B.6.2)
nouvelle régit les efets futurs des actes qu’elle vise, même ceux accomplis avant qu’elle
n’entre en vigueur : on doit considérer les intérêts payés ou attribués après le 27 mars 1992
comme étant visés par la loi même s’ils résultent d’avances accordées antérieurement.

La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi soulevant cette question et se fondant sur la
violation des principes d’égalité devant la loi et devant l’impôt consacrés par les articles 10,
11 et 172 de la Constitution, a rendu un arrêt le 10 mars 2005 par lequel elle surseoit à
statuer dans l’attente de la réponse par la Cour d’arbitrage à la question préjudicielle qu’elle
lui pose et relative à la situation des sociétés anonymes qui ont attribué des intérêts à l’un
de leurs administrateurs entre le 27 mars et le 28 juillet 1992 par rapport à celles qui ont
attribué de tels intérêts après cette dernière date.312

Selon l’arrêt de la Cour d’Arbitrage, intervenu le 10.05.2006, une règle de droit fscal ne
peut être qualifée de rétroactive que si elle s’applique à des faits, actes et situations qui
étaient défnitifs au moment où elle est entrée en vigueur. En ce qui concerne l’impôt
des sociétés, la dette d’impôt naît défnitivement à la date de la clôture de la période
imposable, c’est-à-dire la période au cours de laquelle sont recueillis les revenus qui
constituent la base imposable 313. Il découle de l'article 360 CIR 92 qu’il n’existe pas de
situation fxée de manière irrévocable avant la fn de cette période. En ce qui concerne
le précompte mobilier, la dette d’impôt naît défnitivement à la date de l’attribution ou
de la mise en paiement des revenus sur lesquels le précompte mobilier est dû.

La Cour d'Arbitrage précise encore que la non rétroactivité des lois est une garantie qui
a pour but de prévenir l’insécurité juridique et qui exige que le contenu du droit soit
prévisible et accessible, de sorte que chacun puisse prévoir, de manière raisonnable, les
conséquences d’un acte déterminé, au moment où cet acte se réalise. La rétroactivité
des lois ne peut être justifée que lorsqu’elle est indispensable pour réaliser un objectif
d’intérêt général. La Cour relève que la mesure inscrite à l’article 1er, 1°, de la loi du 28
juillet 1992 n’a pas pour objectif d’augmenter les recettes de l’État. Elle tend, d’une part,
à lutter contre certaines pratiques adoptées pour bénéfcier du régime fscal des
intérêts, plus favorable que celui des dividendes et, d’autre part, à limiter le recours des
entreprises à l’emprunt afn d’encourager leur autofnancement (Doc. parl., Sénat,
1991-1992, n° 425-2, p. 58). Si la volonté de lutter contre certaines pratiques peut
amener le législateur à prendre une mesure applicable sans délai, elle ne suft pas à
justifer son efet rétroactif. La Cour n’aperçoit pas d’élément de nature à justifer la
rétroactivité de l'article 18, alinéa 1er, 3°, deuxième tiret CIR 92, tel qu’il a été inséré par
l’article 1er, 1°, de la loi du 28 juillet 1992.

La Cour conclut ainsi : « En tant qu’il rend cette disposition législative applicable au calcul
de l’impôt des sociétés dû par la société anonyme qui a payé ou attribué à un de ses
administrateurs des intérêts visés par cette disposition, entre le 27 mars et le 28 juillet 1992,
au cours d’une période imposable close avant le 10 août 1992, l’article 47, § 6, n’est pas
312


Cass., 10 mars 2005, role n° F040020F
313

C.C., 16 novembre 2000, n° 115/2000, B.7.1, où la Cour énonce qu’en matière




d'impôts sur les revenus, la dette d'impôt naît défnitivement à la date de clôture de la
période au cours de laquelle les revenus qui constituent la base d'imposition ont été
acquis
compatible avec les articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution. En tant qu’il rend la
même disposition applicable au calcul du précompte mobilier dû par la société anonyme
qui a, entre le 27 mars et le 28 juillet 1992, payé ou attribué à un de ses administrateurs des
intérêts visés par cette disposition, l’article 47, § 6, n’est pas compatible avec les articles 10,
11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution ».314

Il y a donc violation de la Constitution.

B/ La seconde, qui demeure d’actualité, provient de l’imprécision du texte légal, qui ne règle
pas de manière claire la situation à retenir lorsque plusieurs prêts d’argent provenant de
plusieurs personnes ont été consentis à la société. Le texte légal précise seulement que
sont considérés comme dividendes des intérêts dépassant l’une des limites qu’il fxe, et cela
dans la mesure de ce dépassement. Il peut ainsi se concevoir qu’un administrateur
consente un prêt d’argent productif d’intérêts ne dépassant pas les limites légales, et
qu’un autre perçoive des intérêts pour les avances consenties au-delà des dites limites. La
solution qui paraît retenue par le législateur, à lire les travaux préparatoires, est
l’application de la loi « de manière proportionnelle dans le cas où plusieurs administrateurs ou
associés détiennent des créances à l’égard de leur société ».315 Il en résulte que le précompte
mobilier de la première avance sera augmenté pour des raisons et circonstances
totalement étrangères et indépendantes de la volonté du premier administrateur.

Cette solution paraît contestable, car il n’est pas normal de disqualifer en dividendes des
intérêts ne dépassant pas une des limites légales prévues, et cela pour la seule raison que
d’autres intérêts payés à un autre administrateur en raison d’avances que celui-ci aurait
également consenties à la société entraîneraient pareil dépassement. Le sort d’un
administrateur dépend donc de l’attitude d’un autre, ce qui est éminemment
critiquable316.

94.
Soulignons encore qu’à l’occasion d’une question parlementaire, le ministère des
Finances a tenu à indiquer qu’une avance est prise en considération pour sa totalité dès
qu’elle est productive d’intérêts, même si l’intérêt n’est calculé que sur une quotité de
celle-ci317.

Cette indication s’inscrit dans le cadre d’une question ayant trait à la scission d’avances
productives d’intérêts et de son opposabilité éventuelle à l’administration. Cette situation
vise le cas où deux avances sont accordées par un même contribuable, dont une seule
produit des intérêts. Sur ce point, le ministre des Finances souligne que la situation doit

314


CC 10 mai 2006, www.fscalnet.be ; C.C., 17 juillet 2014, n° 106/2014, B.17.2
315


Doc. Parl., Ch., Sess. 1991-1992, n°444/9, p.97.
316


Cfr. à ce propos Afschrift et Rayet, étude précitée, n°18, p.808; comparez avec Ph.
Malherbe, étude précitée, p.6.
317


Question parlementaire n°790, posée par M. de Clippele, 23 novembre 1993.
être examinée cas par cas, et que l’opposabilité ou non de pareille scission à
l’administration, notamment au regard de l’article 344, § 1er, CIR 1992, dépend avant tout
des conventions conclues entre les parties.318

Enfn, le ministre de la Justice a confrmé lors d’une question parlementaire, que la


requalifcation par la loi fscale d’intérêts en dividendes n’a aucun efet pour
l’application d’autres législations, ce mécanisme n’ayant d’autre objectif que de mettre
fn à certains abus qui ne se posent pas pour les créanciers de l’entreprise. Dans ces
conditions, l’administrateur qui, suite à une requalifcation, serait censé avoir obtenu un
paiement de dividendes en lieu et place d’un montant d’intérêts, ne sera pas tenu de
rembourser le dividende excessif, ni ne sera susceptible de faire l’objet de poursuites
pénales, dans l’hypothèse où, par le jeu de la requalifcation, l’actif net présenterait un
montant inférieur à celui du capital libéré.

318


Voyez notamment Liège, 16 janvier 2002, rôle n° 1997/FI/436, qui estime
« dépourvu d’intérêt » le recours à l’article 344, § 1er CIR, dans une espèce où le
contribuable prétendait qu’existait un contrat de prêt écrit, et que seule une partie des
avances étaient productives d’intérêts. Lors d’une réponse à la question parlementaire
n° 1124 posée par M. Hatry le 9 juin 1998, le ministre a précisé que la mise à disposition
par un dirigeant de fonds via un compte courant ne requiert « aucun acte formel écrit »,
en sorte que les débats menés devant la cour d’appel de Liège dans l’espèce précitée
nous paraissent vains et, partant, critiquables. Trib. Gand, 17 mars 2005, rôle n° 02-795-
A, où le tribunal, à l’inverse, retient l’article 344, § 1er CIR 92 pour rejeter le mécanisme
par lequel, d’une part, un contrat de prêt productif d’intérêts était conclu par les
dirigeants avec la société et, d’autre part, des sommes étaient mises à disposition via un
compte courant, sans intérêts. Le tribunal a jugé cette scission inopposable à
l’administration.Pour le rejet d’une scission des avances en compte courant, les unes
productives d’intérêts et les autres pas, lorsqu’elles trouvent leur origine dans une
même opération, voyez Trib. Mons, 7 septembre 2004, précité ; Bruxelles, 20 janvier
1999, T.F.R., 1999, p. 499 et note H. Gaublomme, où la cour entend distinguer la partie
gratuite des avances, de celle productive d’intérêts lorsqu’existent des contrats distincts
, comptabilisés séparément ; Bruxelles, 21 octobre 2004, rôle n° 95-FR-313, où la cour
souligne, dans le cadre du rejet de la scission d’une avance, pour partie non productive
d’intérêts, que « la renonciation à une partie de l’intérêt n’a pas d’infuence sur le montant
total des avances productives d’intérêts »
CHAPITRE V

MOBILITE INTERNATIONALE DES CADRES ET DIRIGEANTS


D’ENTREPRISES

I. HABITANTS DU ROYAUME : CRITERES

A. Remarques préliminaires

95.

Lorsqu’on traite de la mobilité internationale, et partant, de l’expatriation, il faut, avant


toute chose, déterminer ce que recouvre la notion de « habitant du Royaume ». Cela
implique l’examen de la notion importante de la résidence fscale, facteur de
rattachement essentiel s’il en est puisqu’il permet de déterminer si une personne est
assujettie ou non à l’impôt belge, et ce en raison de tout ou partie de ses revenus.
Ainsi, un résident fscal belge sera assujetti à l’impôt belge sur ses revenus mondiaux,
alors qu’un non-résident n’y sera assujetti que sur ses revenus d’origine belge sauf
application particulière.319

96.
La résidence fscale doit être appréciée non seulement au regard des règles de droit
interne, mais en tenant compte aussi de conventions préventives de la double
imposition conclues par la Belgique, qui renvoient au droit interne des Etats. Il n’est
pas rare, à cet égard, par application de ces règles internes, qu’une personne puisse
être considérée comme résidente fscale de deux Etats : en efet, une personne
considérée comme résidente belge par l’efet des présomptions légales belges
pourrait avoir conservé sa résidence fscale dans son pays d’origine. C’est l’efet de

319


A titre indicatif, relevons que l’arrêté royal du 26 mars 2005 (M.B., 19 avril 2005),
fxant les modalités relatives à la détermination du lieu de résidence du bénéfciaire
efectif, prévoit de se référer à son adresse permanente qui résulte de son passeport ou
de sa carte d’identité. A défaut d’être mentionnée sur ces documents ofciels, elle peut
être établie sur la base de tout autre document probant présenté par le bénéfciaire
efectif. Si ce dernier déclare résider dans un pays autre que celui indiqué sur son
passeport ou sa carte d’identité délivré par un Etat membre de l’Union européenne ou
associé dans le cadre de l’application de la directive, il devra remettre un certifcat de
résidence fscale, d’une validité maximale de trois ans à dater de son émission, délivré
par l’autorité compétente de ce pays tiers. Egalement, et par dérogation au principe,
« il est considéré que la résidence du bénéfciaire efectif est située sur le territoire du pays
dont il a la nationalité lorsque celui-ci dispose d’une adresse permanente en Belgique et fait
état d’une résidence fscale à l’étranger ». Les cadres étrangers bénéfciant du régime
spécial de taxation devraient tomber sous le coup de cette dernière exception, et
devraient subir une retenue européenne à la source en Belgique sur les intérêts de
source belge, s’ils ne peuvent fournir un certifcat de résidence d’un pays tiers.
l’absence de défnition autonome de la résidence fscale dans la convention-modèle
OCDE, qui spécife qu’est résidente d’un Etat contractant « toute personne qui, en vertu
de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile,
de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».

La convention règle également la situation d’une personne qui, en vertu du critère retenu,
serait résidente des deux Etats contractants, en fonction des conditions suivantes, prises
successivement et l’une à défaut de l’autre :

- le foyer d’habitation permanent dans l’Etat avec lequel ses liens personnels et
économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

- à défaut de foyer d’habitation permanent dans un des Etats contractants ou à


défaut de détermination du centre de ses intérêts vitaux, le lieu où la personne
séjourne de façon habituelle;

- à défaut de séjour habituel dans l’un des deux Etats ou de séjour habituel dans
chacun des deux Etats, la nationalité emporte la résidence;

- en cas de double nationalité ou d’absence de la nationalité de chacun des deux


Etats, la question est tranchée de commun accord par les autorités
compétentes des Etats contractants.

Si c’est une société qui, en vertu de l’application des critères, pourrait être considérée
comme résidente des deux Etats contractants, elle sera considérée comme résidente de
l’Etat où se situe son siège de direction efective.

Relevons à cet égard que si une personne est considérée comme résidente de l’autre
Etat par application de la convention préventive de la double imposition, cela n’exclut
pas nécessairement que la Belgique puisse l’imposer comme un résident belge :
néanmoins, une imposition sur ses revenus mondiaux se fera à l’exclusion de ceux pour
lesquels le pouvoir d’imposition est dévolu à l’autre Etat 320.

B. Notion de « habitant du Royaume »

97.
A partir de l’exercice d’imposition 2005321, les habitants du Royaume sont défnis par
l’article 2, §1er, 1° CIR 92 :
« Pour l'application du présent Code, des dispositions légales particulières relatives aux
impôts sur les revenus et des arrêtés pris pour leur exécution, les termes suivants ont le sens
défni dans le présent article.
1° Habitants du Royaume. Par habitants du Royaume, on entend:
a) les personnes physiques qui ont établi:

320


Voyez à cet égard Com. Conv., n°4/02.
321


Loi du 10 août 2001, M.B. 20 septembre 2001.
- leur domicile en Belgique;
- lorsqu'elles n'ont pas de domicile en Belgique, le siège de leur fortune en Belgique; »
La loi précise ensuite que
« L’établissement en Belgique du domicile ou du siège de la fortune s’apprécie en fonction
des éléments de fait. Toutefois, sauf preuve contraire, sont présumées avoir établi en
Belgique leur domicile ou le siège social de leur fortune, les personnes physiques qui sont
inscrites au Registre national des personnes physiques. »322.

Cette notion est extrêmement importante, dès lors qu’aux termes de l’article 3 CIR,
« sont assujettis à l’impôt des personnes physiques les habitants du Royaume. ».

98.
La lecture des défnitions données par l’article 2 CIR laisse immédiatement apparaître
la complexité que cette notion recèle :

- d’une part, la loi adopte un système alternatif pour soumettre une personne à
l’impôt des personnes physiques en Belgique ;

- d’autre part, et tout en instituant une présomption réfragable, c’est-à-dire dont


on peut apporter la preuve du contraire, du domicile fscal ou du siège de la
fortune, la loi précise qu’il s’agit là d’une question à apprécier en fait.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 15 novembre 1990, relève ainsi que : « Attendu
que, au sens de la loi fscale, le domicile est une notion de fait nécessairement caractérisée
par une certaine permanence ou continuité, et le siège de la fortune, l’endroit caractérisé
naturellement par une certaine unité, d’où elle est gérée. »323.

99.
Avant la modifcation législative entrée en vigueur le 1 er janvier 2014, le critère
alternatif retenu par le législateur s'exprimait comme suit : « les personnes physiques qui
ont établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur fortune. »324 Cela a donné lieu, par le
passé, à quelque controverse. Certains commentateurs ont vu dans cette conjonction
« ou » un sens explicatif et non pas alternatif. Il faut dire que par le passé, et
fréquemment, la jurisprudence assimilait ou confondait les deux critères, dès lors que
souvent les deux éléments défnis se cumulaient325.
322


Article 2, alinéa 1er, 1°, alinéa 2 CIR. En son troisième alinéa, cette même disposition
prévoit que « Pour les personnes mariées qui ne se trouvent pas dans un des cas visés à
l'article 126, § 2, alinéa 1er, le domicile fscal se situe à l'endroit où est établi le ménage.»
- voir n° et ss pour de plus amples développements sur cette question
323


Pas, I, 1991, 280 ; R.G.F., 1991, p.218 ; J.T., 1991, p.65. Voyez aussi Cass., 16 janvier
2004, rôle n°F020026F à propos de domicile fscal.
324


C'est nous qui soulignons
325


Voyez à cet égard Astrid Pieron, Impôt des non-résidents : analyse et commentaire,
Kluwer, Ed. 2002, p.18 et les références citées sous la note 13 ; L. Hinnekens « Nouvelle
On a admis qu’on se trouvait en présence de critères alternatifs et sufsants. C’est
l’enseignement donné par la Cour de cassation, qui paraît avoir ainsi mis fn à la
conception unitaire traditionnelle de la notion d’habitant du Royaume 326. Il suft
qu’une personne ait en Belgique soit son domicile, soit le siège de sa fortune, pour être
assujettie à l’impôt des personnes physiques. Cependant, vu la nouvelle formulation,
où le siège de la fortune n'est retenu qu'à défaut de domicile, le fsc ne pourrait se
prévaloir de la situation des immeubles ou du portefeuille-titres du contribuable (siège
de la fortune). Le critère du siège de la fortune ne pourra en efet plus être invoqué par
le fsc que si le contribuable n’a plus son domicile en Belgique. L'alternance et la
sufsance, décrites par la Cour de cassation, s'inscrivent par conséquent dans un cadre
plus limité, le second critère n'intervenant qu'à défaut du premier – ceci rejoint déjà
une pratique antérieure, à vrai dire.327

Rappelons que le fait que le contribuable puisse également être réputé comme
domicilié fscalement dans un autre pays n’est pas pris en considération 328, pas
davantage que n’est retenue sa nationalité 329.

tendance de la jurisprudence relative à la notion d’habitant du Royaume ? », R.G.F.,


1991, pp.209 et suivantes, cet auteur refusant l’interprétation bicéphale du texte légal,
qui laisse apparaître des critères autonomes et alternatifs, que semble consacrer une
jurisprudence qu’il estime profondément incorrecte, "compte tenu de l’historique du
texte de la loi, de l’unicité du domicile de fait dans le langage courant (établissement
principal) et de la confusion qui s’est fauflée dans l’inspiration de l’arrêt DERKS. D’autre
part, cette expression, formellement autonome, est de plus en plus souvent interprétée
comme étant en réalité accessoire par rapport aux (autres) éléments constitutifs de
domicile; elle est indépendante du domicile (belge) du mandataire qui est chargé d’exécuter
(en Belgique) des instructions concernant la gestion, et du siège (en Belgique) de la société
patrimoniale familiale qui détient ses avoirs (se trouvant matériellement en Belgique). Au
lieu de se débarrasser ofciellement de ce critère alternatif, on en dénue le sens".
326


Cass., 7 septembre 1965, Rev. Gén. Enr. Not., n°20972, p.360 ; Pas., 1966, I, 34 : cet
arrêt est connu comme étant l’arrêt Derks, dans une afaire où la Cour de cassation a
décidé, sur base des éléments de fait (le contribuable était établi avec son épouse à
Monte Carlo, mais était resté propriétaire de divers immeubles en Belgique, certains
d’entre-eux étant donnés en location à une société dont il était l’administrateur-
président du conseil, étant en outre avec son épouse actionnaire de deux sociétés de
droit belge dans lesquelles il continuait d’exercer une activité professionnelle
prépondérante pour la survie des sociétés) que quoique M. Derks ait son domicile légal
à Monte Carlo, le siège de sa fortune est situé en Belgique ; Cass., 28 octobre 1982, R.J.F.,
83/41; Cass., 30 juin 1983, R.J.F., 83/189
327


Voir n° et ss.
328


Voir Trib. Mons, 14 octobre 2004, rôle n° 01-555-A, où le tribunal relève que le
contribuable s’est domicilié en France dans ce qui apparaît être une chambre d’hôtel où
d’autres collègues de travail sont aussi domiciliés, alors que par ailleurs et notamment,
une enquête de voisinage établit qu’il habite toujours en Belgique, pour rejeter sa
prétention à voir reconnue sa qualité de non-habitant du Royaume. D’autres éléments
factuels renforçaient encore ce point de vue.
329


Sauf, dans un cadre dérogatoire, pour la fscalité de l’épargne, conformément à
l’article 2, § 2 de l’AR du 26 mars 2005 précité.
Jusqu’à présent, il existait deux critères alternatifs permettant d’établir la qualité
d’habitant du Royaume :
le domicile et le siège de la fortune (art. 2, §1er, 1° CIR92). Chaque critère constitue à lui
seul un critère
indépendant et sufsant qui peut être employé comme critère principal. Ils resteront
d’application pour
déterminer si le contribuable a sa résidence fscale en Belgique et possède donc la
qualité d’habitant du
Royaume.

En revanche, à l’avenir, la localisation dans une Région d’un habitant du Royaume se


fera en fonction non plus d’un double critère mais bien du seul domicile fscal.

C’est ainsi qu’il faut uniquement se référer à l’endroit où le contribuable a établi son
domicile fscal au 1er janvier de l’exercice d’imposition (art. 5/1, § 2 LSF). Il n’y a donc,
par exercice d’imposition, qu’un seul domicile fscal possible pour un contribuable.
Ainsi, lorsqu’un contribuable déménage durant l’année 2014 de la Région famande
vers la Région wallonne et que sa résidence est toujours en Région wallonne le 1er
janvier 2015, il sera considéré comme un résident fscal de la Région wallonne pour
l’exercice d’imposition 2015. Le domicile fscal est défni par la jurisprudence comme le
lieu où une personne réside de manière efective ou continue, a son foyer familial et
entretient ses relations et occupations sociales. En d’autres termes, il s’agit de l’endroit
où une personne (ou le ménage s’il s’agit d’un couple marié ou de cohabitants légaux)
réside de manière efective et durable.

100.
Il nous faut donc analyser ces critères.

L’administration considère que le domicile désigne l’endroit où une personne physique


séjourne de façon efective ou continue.330 En cela, l’administration calque sa position
sur celle retenue par la Cour de cassation dans son arrêt de 1990 précité, selon laquelle
le domicile est nécessairement caractérisé par une certaine permanence ou continuité.

Le domicile fscal ne coïncide pas nécessairement avec le domicile civil, lequel se


caractérise par le fait d’une habitation réelle dans un lieu et par l’intention d’y fxer son
principal établissement. L’intention se manifeste par la déclaration faite à
l’administration du lieu où une personne s’établit ainsi que par celle faite au lieu qu’elle
quitte.

La diférence entre les notions s’est toutefois, au cours des années, amenuisée. En efet,
l’intention de maintenir ou de transférer sa vie de famille, ou le siège de ses afaires, est
retenue en jurisprudence331. L’administration fscale elle-même, dans sa circulaire du 5
330


Com.I.R., n°3/3.
331


Voyez notamment Liège, 13 mars 1985, J.F., 85/130 ; Bruxelles, 21 octobre 1976,
J.D.F., 1977, p.260 ; Mons, 19 octobre 1983, J.F. 84/2. Trib. Gand, 8 juin 2005, rôle n° 00-
3220-A.
mars 1992 dite AGCD332, et sur laquelle nous reviendrons par la suite, mentionne ainsi
que « Il devra résulter des circonstances de fait que le contribuable qui part pour l’étranger
afn d’exercer une activité professionnelle a l’intention de ne plus conserver en Belgique son
habitation réelle, efective ou continue ou le siège de sa fortune »333.

101.
Le domicile fscal, c’est l’endroit où l’intéressé établit le centre essentiel de ses intérêts
vitaux, privés et professionnels.334

La preuve de l’existence d’un domicile en Belgique résulte d’un ensemble d’éléments


de fait, ainsi que la loi elle-même le prévoit. La durée de la présence en Belgique, les
modalités du contrat de travail, la présence de membres de la famille en Belgique, les
retours réguliers de la personne en Belgique pendant cette période de congé, la
propriété d’un immeuble en Belgique, le fait de louer à titre d’habitation un bien sur le
territoire national de supporter des factures d’eau, d’électricité, de télédistribution, ou
encore l’endroit où des tiers prennent contact avec le contribuable sont autant
d’éléments qui, pris isolément, ne sont sans doute pas nécessairement décisifs mais
dont l’ensemble est déterminant.335

332


Ci. RH. 241/424.903, Bull. Contr., 715/4 1992, p. 1104. Cette circulaire remplace
notamment celle des 8 février 1979 (Cir.RH.241/256.219 - Bull. Contr.572, pp. 545) et 3
août 1979 (CiR.RH.241/307.085 - Bull. Contr. 577, p. 1338).
333


Circulaire précitée, n° 23, premier tiret.
334


Trib. Mons, 14 octobre 2004, précité : « (…) où il y a le centre de ses intérêts afectifs,
familiaux, sociaux et professionnels, endroit à partir duquel il administre l’ensemble de ses
intérêts personnels (…) ».
335


Cass., 16 janvier 2004, F.J.F. 2004/102. En cette espèce, la Cour rejette un pourvoi
dirigé contre un arrêt de la cour d’appel de Liège du 14 décembre 2001, lequel relevait
que la famille entière du contribuable était restée en Belgique, qu’il y avait maintenant
son domicile légal, que son contrat était d’un un renouvelable, qu’il avait sollicité et
obtenu de revenir deux fois par an en Belgique aux frais de la société, qu’une partie de
son salaire était versée en Belgique, que le téléphone était resté au nom du couple, que
l’électricité était facturée à son nom, comme l’immatriculation du véhicule et les
attestations de remboursement du prêt hypothécaire. La cour d’appel concluait que le
contribuable n’avait pas perdu la qualité d’habitant du royaume. La Cour de cassation a
décidé, sur base des énonciations de l’arrêt « que le demandeur n’avait pas manifesté
d’intention de transporter en Afrique son foyer et le siège principal de ses afaires » ; Trib.
Mons, 4 novembre 2004, rôle n° 02-1939-A, dans une afaire où le domicile en France
était une chambre d’hôtel louée au mois, et où le contribuable, notamment, était
titulaire des factures d’eau, etc., et même du bail, relatifs à l’immeuble occupé par la
femme dont il se disait séparé et sa flle, et ne pouvait justifer d’aucun déplacement
quotidien de son domicile français prétendu à son lieu de travail ; Trib. Bruxelles, 12 mai
2005, rôles n° 2002/8294/A et 2002/14831/A, qui retient comme domicile fscal celui où
l’intéressée était inscrite au registre de la population plutôt que celui où elle était tenue
de séjourner assez fréquemment pour être proche de son lieu de travail où elle devait
pouvoir se rendre en moins de 45 minutes selon l’exigence de son employeur.
102.
La durée du séjour à l’étranger est également un critère retenu. Généralement,
l’administration fscale considère qu’un éloignement temporaire à l’étranger n’est pas
sufsant, en soi, pour faire perdre la qualité d’habitant du Royaume.

Il faut d’abord relever l’arrêté royal du 16 juillet 1992, relatif au registre de la population
et au registre des étrangers336 : l’article 17 prévoit que la résidence principale n’est pas
modifée par une absence temporaire. En vertu de l’article 18, sont considérées comme
temporairement absentes, ainsi que, s’il échet, les membres de leur ménage, les
personnes qui s’absentent pour moins d’un an en raison de voyages d’études, d’afaires
ou autres en dehors de la commune où ils sont inscrits, ou qui exécutent pour une
durée maximale d’un an une activité professionnelle précise ou une mission
déterminée à l’étranger. Dans pareil cas, il n’est pas possible de demander sa radiation
des registres de la population. Dans ces conditions, la présomption instituée par
l’article 2, alinéa 1er, 1° précité, lié à l’inscription au Registre national des personnes
physiques, joue en faveur de l’administration. Nous y reviendrons.

Egalement, la jurisprudence s’attache régulièrement à la durée du séjour à l’étranger


comme critère déterminant. L’éloignement temporaire pour plusieurs mois, excédant
même parfois quelques années, n’emporte pas, généralement, la perte de la qualité
d’habitant du Royaume.337

L’administration, quant à elle, retient comme condition de permanence de l’habitation


un séjour d’au moins 24 mois à un endroit fxe à l’étranger. 338

336


M.B., 15 août 1992.
337


Voyez notamment Cass., 16 janvier 2004, précité ; Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F.,
1989/167 et Cass., 15 novembre 1990 précité, où une personne qui a travaillé trois ans à
l’étranger n’a pas été considérée comme un non-habitant du Royaume. De même que
des séjours de 30 mois au Congo pour un pilote de ligne (Trib. Bruxelles, 20 février 1979,
R.W., 1979-1980, 1507) ou de 10 mois pour un ingénieur aux Etats-Unis (Liège, 2 mai
1972, Bull. Contr., 1975, 2005) ou encore 2 ans aux Etats-Unis pour enseigner (Bruxelles,
4 octobre 2000, inédit) n’ont pas été jugés sufsants non plus pour faire perdre la
qualité de résident fscal belge.
338


Com. IR., 3/66. C’est également la position que retient la circulaire du 5 mars 1992
AGCD dont il sera question plus loin : « (…), la durée du séjour à l’étranger est
particulièrement déterminante (en l’espèce, il y a lieu de considérer qu’un séjour d’une durée
de 24 mois à un endroit fxe à l’étranger constitue un délai minimum pour pouvoir
considérer qu’il y a établissement à l’étranger du domicile) » - n°23, troisième tiret.
Soulignons, à cet égard, que la cour d’appel de Liège a décidé, le 18 janvier 1995 (FJF,
95/149) que la circulaire n’ayant pas force de loi, les durées qu’elle indique ne peuvent
être qu’une « interprétation » à valeur indicative. Le tribunal de première instance de
Liège l’a aussi et justement rappelé dans uen décision du 8 septembre 2005, le critère
de vingt-quatre mois ne pouvant être retenu dès lors qu’il est dépourvu de toute base
légale (Fiscologue int., 30 septembre 2005, n° 261, p.8). A l’occasion du litige, le tribunal
souligne également que le seul fait de maintenir un compte en banque en Belgique
pour qu’y soit versée la rémunération d’un belge expatrié en Colombie, ne suft pas
pour prétendre qu’il est demeuré habitant du Royaume.
103.
Comme indiqué plus haut, l’inscription au Registre national des personnes physiques
institue une présomption en faveur de l’administration comme quoi la personne a
établi en Belgique son domicile ou le siège de sa fortune. Il s'agit d'une présomption
«réfragable».339

Sont inscrites au Registre national les personnes physiques qui sont inscrites soit au
registre de la population ou au registre des étrangers tenus dans les communes, soit au
registre tenu dans les missions diplomatiques et les postes consulaires belges à
l’étranger.

Cette présomption implique que la personne physique qui conteste avoir la qualité
d’habitant du Royaume doit produire à l’administration les éléments sur lesquels elle
fonde sa position, c’est-à-dire les circonstances de faits individuels qui constituent la
preuve contraire de la présomption légale, et d’où il résulte qu’elle n’a pas établi en
Belgique son domicile réel ou le siège de sa fortune.340 Cette inscription au Registre
national n’a donc pour seul efet que de renverser la charge de la preuve, mais ceci
peut bien entendu s’avérer important dans la pratique.

104.

339

 Doc. Chambre, session 2012-2013, n° 53-2974/001, p. 17


340


Voyez sur cette question, notamment, Bruxelles, 18 mai 2001, rôle n° 1987/FR/243,
où la cour rejette le recours à défaut pour le contribuable d’apporter la preuve que le
siège de sa fortune ne se trouvait pas en Belgique ; Cass, 31 mai 2002, rôle n° F010005F
où la Cour souligne que c’est à bon droit que la cour d’appel pouvait se borner à
déduire la qualité d’habitant du Royaume du seul fait de l’inscription sur les registres de
la population, dès lors que la preuve contraire n’était pas apportée par l’intéressé ;
Mons, 15 avril 2005, rôle n° 2002-FI-8, où la cour retient la facture de déménagement
comme faisant preuve qu’au moins depuis cette date, l’intéressé est établi en France.
Cette présomption vaut aussi, bien entendu, à l’intérieur du territoire belge, quand
deaux communes sont impliquées : voy. à cet égard Trib. Anvers, 9 mai 2005, rôle n° 02-
486-A, qui relève de façon intéressante et exacte selon nous que si les éléments de fait
ne permettent pas de donner la priorité à un bien plutôt qu’à une rente, les
contribuables et leur famille partageant leurs centres d’intérêts entre les deux villes, la
présomption légale doit prévaloir ; Liège, 30 novembre 2005, rôle n° 2004-RG-1561 qui
s’étend longuement sur les conditions de cette présomption.
La question épineuse est, souvent, celle du contribuable marié ou cohabitant légal. Si
traditionnellement, il était considéré qu’une personne a son domicile fscal à l’endroit
où se trouve son foyer d’habitation familial, ce qui permettait de considérer que le
contribuable avait maintenu son domicile fscal en Belgique si son épouse et ses
enfants s’y maintenaient alors même qu’il travaillait à l’étranger, la jurisprudence a
connu une évolution importante dans trois arrêts dits Eurosystem, où la cour d’appel a
considéré qu’un contribuable marié pouvait être considéré comme non résident alors
même que son conjoint conservait cette qualité. 341

Il s’agissait d’espèces dans lesquelles des contribuables séjournaient en Arabie


Saoudite pour des périodes variant de 3 à 7 ans, pour raisons professionnelles. Ceux-ci
gardaient des contacts réguliers avec leurs familles demeurées en Belgique, et
séjournaient sur le territoire national pendant leurs vacances.

Il est intéressant de relever que dans le premier arrêt, l’épouse restée en Belgique
travaillait sous les liens d’un contrat d’emploi, que dans le deuxième arrêt, l’épouse et
ses trois enfants devaient rester en Belgique afn de permettre à ceux-ci de poursuivre
leurs études supérieures de kinésithérapie, d’architecture et de polytechnique pour
lesquelles n’existait aucun équivalent en Arabie Saoudite, et que dans le troisième
arrêt, aucune circonstance particulière de fait n’était relevée.

La cour d’appel a estimé que la qualité de (non-)habitant du Royaume est déterminée


par les époux, pris chacun individuellement. Une personne quittant la Belgique pour
vivre et travailler à l’étranger de façon durable peut être considérée comme non-
habitant du Royaume, alors même que son épouse continuait à habiter, voire travaillait
en Belgique : « Attendu qu’est dénuée de pertinence la circonstance que tant son épouse
que ses enfants avaient gardé leur domicile en Belgique ; Que le domicile est déterminé par
la résidence de l’intéressé lui-même, sans égard à la situation de sa famille, voir son épouse
et ses enfants ».342 Encore, la cour d’appel a décidé « Que si cette circonstance permet de
considérer que celle-ci avait gardé son domicile fscal en Belgique ce qui, d’ailleurs, n’est pas
contesté, deux personnes mariées peuvent avoir en fait un domicile (fscal) distinct en deux
pays diférents ; que le seul critère envisagé est la permanence de l’habitation »343

Il est également intéressant de souligner que dans son arrêt du 15 mai 1990, la cour
d’appel de Bruxelles a décidé que le médecin impliqué avait son domicile fscal en
Arabie Saoudite parce qu’il y habitait efectivement et sans discontinuer en dehors de
ses vacances annuelles de durée restreinte. Est également sans importance, relève la
cour d’appel, le fait qu’il soit demeuré propriétaire de son immeuble en Belgique. Le
fait qu’il avait conféré à son épouse un mandat général, « qui n’avait d’autre portée que
de permettre à l’épouse du requérant d’exécuter le cas échéant en Belgique, des décisions
qu’il prenait de son domicile en Arabie Saoudite », ne permettait pas davantage de
considérer que le requérant gérait sa fortune en Belgique.

341


Bruxelles, 13 mars 1990, RGF, 1991, p.216 ; Bruxelles, 15 mai 1990, RGF, 1991, p.217 ;
Bruxelles, 25 septembre 1990, FJF 1991, n° 91/32.
342


Bruxelles, 15 mai 1990, précité.
343


Bruxelles, 25 septembre 1990, précité.
105.
Cette jurisprudence a profondément dérangé l’administration fscale, qui l’a considérée
comme divergente344, et s’en est suivie une intervention législative… C’est la loi du 6 juillet
1994345, qui a introduit dans l’actuel article 2, §1er, 1° alinéa 3, CIR la règle suivante : « Pour
les personnes mariées qui ne se trouvent pas dans un des cas visés à l’article 126,§ 2, alinéa 1 er,
le domicile fscal se situe à l’endroit où est établi le ménage ».
Il s’agit là d’une présomption irréfragable sauf à invoquer, le cas échéant, les
dispositions d’une convention préventive de double imposition liant la Belgique. Il est
évident, en tout cas, que ce critère retenu par le législateur belge est susceptible
d’entraîner fréquemment la double résidence fscale pour le contribuable. 346 A cet
égard, deux observations supplémentaires méritent d’être faites :

- d’abord, pourquoi le ménage serait-il considéré, dans ce cas, plutôt situé en


Belgique qu’à l’étranger où demeure l’un des époux ? Cette considération
pourrait permettre d’échapper au facteur de rattachement belge ;

- la circonstance pour les époux de vivre de façon séparée n’implique-t-elle pas


que l’on puisse y retrouver la séparation de fait à laquelle le texte légal se réfère
expressément en visant l’article 126, § 2, alinéa 1er347, et cela même si les époux
continuent à s’entendre et se retrouvent en Belgique ou à l’étranger pour des
périodes de vacances…348

Nous ne pouvons en tout cas, pour notre part, que déplorer que le législateur « contre »
une jurisprudence par l’introduction d’une loi, privilégiant fnalement une fction
juridique plutôt que la réalité des faits, et tout en ne réglant pas de façon certaine l’efet
de la loi.

106.
Le domicile fscal c’est une chose, le siège de la fortune en est une autre. Rappelons
qu’un des deux critères est, en principe, sufsant, comme facteur de rattachement à
l’impôt des personnes physiques, mais uniquement à défaut de domicile en belgique.

344


Com. IR. n° 3/91
345


M.B., 16 juillet 1994, applicable à partir de l’exercice d’imposition 1995.
346


L’administration a adopté une circulaire commentant cette disposition, n°Ci. RH.
31/467.439, du 3 janvier 1996.
347


Cette disposition vise non seulement la séparation de fait efective durant toute la
période imposable, mais considère également les époux comme isolés pour l’année du
mariage ou de la déclaration de cohabitation légale, pour l’année de la dissolution du
mariage, de la séparation de corps ou de la cessation de la cohabitation légale.
348


Cass., 16 janvier 2004, précité. Dans ce litige, la Cour rejette le pourvoi introduit
contre l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 14 décembre 2001 qui avait décidé que de
longues absences, entrecoupées de deux voyages annuels, ne sufsent pas, au regard
des autres éléments de faits relevés, pour considérer les époux comme séparés de fait.
Cette expression désigne l’endroit d’où la fortune est efectivement gérée, et non celui
où elle se trouve « physiquement ». Il ne suft pas ainsi d’avoir un compte bancaire à
l’étranger pour décider que le siège de la fortune s’y trouve. Encore faut-il que l’on la
gère efectivement là-bas. Si un contribuable donne des instructions quant à la gestion
de son compte bancaire étranger au départ de la Belgique, son siège de fortune se
trouvera sur le territoire national.

La défnition retenue du siège de la fortune assure à cette notion une unicité : en efet,
si une personne peut avoir des biens dispersés dans divers pays, l’endroit dont ils
seront gérés sera unique349.

La jurisprudence a été amenée assez fréquemment à analyser cette notion. La Cour de


cassation l’a fait à l’occasion de l’arrêt Derks, déjà cité 350, mais aussi dans l’arrêt Prade351.
Dans cette dernière afaire, ce contribuable était propriétaire d’une maison en
Belgique, dans laquelle résidait son épouse et son enfant. M. Prade résidait en Suisse
d’où il administrait sa fortune et où, par ailleurs, se situait la plus grosse part d’entre-
elle. Sur base de ces éléments de faits, la Cour de cassation a retenu que le siège de
fortune n’était pas situé en Belgique. Dans un arrêt du 3 juin 2002352, la Cour de
cassation rejette le pourvoi formé contre un arrêt qui souligne que c’est fctivement
que le contribuable a établi son domicile à Rome dans un appartement modeste alors
qu’il dispose d’une fortune immobilière, et alors que son patrimoine est exclusivement
situé en Belgique et est géré à partir d’un bureau situé en Belgique où il exerçait jadis
son activité de courtier en assurances.

Egalement, comme nous l’avons relevé plus haut dans les arrêts Eurosystem 353, le
simple fait de rester propriétaire d’un immeuble en Belgique et de conférer à son
349


Cass., 1er mars 1996, Fiscologue, 1996, n°568, p.9.
350


Quoiqu’il faille dans ce cas, être prudent, car cet arrêt pourrait faire croire, à tort,
que la localisation matérielle a une importance.
351

 Cass., 7 février 1979, Pas, 1979, I, p.673. Cette jurisprudence ne serait


plus praticable aujourd'hui.
352


Cass., 3 juin 2002, rôle n°F010017F. Ce même raisonnement paraît retenu par le
tribunal de première instance de Mons (22 février 2005, rôle n° 02-705-A), qui considère
comme « difcilement crédible » qu’une famille qui dispose en Belgique d’une maison de
260 m² habitable près du lieu de travail et de l’école des enfants également situés en
Belgique, prétende s’installer « pendant trois ans en France, à Valenciennes, dans un
appartement avec kitchenette et une seule chambre en mezzanine ». En outre, et
notamment, les rémunérations étaient payées pendant près des trois années litigieuses
sur un compte en banque belge, un compte n’ayant été ouvert en France qu’environ
trois mois avant l’expiration de cette période. Par contre, selon le tribunal de première
instance de Liège (8 septembre 2005, rôle n° 03-5328-A), le fait de recevoir des
rémunérations d’une société belge, pas plus que l’existence d’un compte bancaire
belge sur lequel ces rémunérations sont versées, ne permettent de conclure à
l’existence d’une fortune en Belgique (voy. aussi Trib. Liège, 8 septembre 2005, précité,
note 943).
353


Bruxelles, 15 mai 1990, o.c.
épouse, alors qu’on réside à l’étranger, un mandat général destiné à exécuter des
décisions relatives à cet immeuble prises au départ de l’étranger n’emporte pas un
siège de fortune en Belgique. Attention modif présomption lieu familial

Il a été aussi jugé que lorsqu’une personne débute son activité professionnelle et se
constitue à l’étranger, où elle travaille, un certain patrimoine grâce à cette activité, il
faut en déduire que se trouve à l’étranger le siège de sa fortune, c’est-à-dire là où elle
exerce son activité professionne
lle et en récolte les fruits, bien qu’elle soit resté domiciliée en Belgique 354.

L’administration, généralement, considère le siège de la fortune comme un critère


« subsidiaire », dès lors que selon elle, il s’avère souvent difcile à localiser 355.

Selon certains auteurs, et compte tenu des difcultés que la Cour de cassation paraît
éprouver avec ce critère, le législateur devrait s’en débarrasser, tout comme l’a fait
avant lui le législateur néerlandais en 1859… 356

C. Impôts des non-résidents : quelques implications spécifques.

107.
Sans vouloir, à l’évidence, se montrer exhaustif dans le cadre du présent ouvrage, nous
ne pouvons passer sous silence les dispositions des articles 228, § 2, 7° et 230, 3° du
CIR.

108.
L’article 228, § 2, 7° CIR rend la rémunération à charge d’un non-résident, pour des
activités exercées en Belgique, imposable à l’INR, si le bénéfciaire a séjourné en
Belgique plus de 183 jours au cours d’une période imposable.

Cela signife que même lorsque la rémunération n’est pas prise en charge par un
débiteur belge, c’est-à-dire un habitant du Royaume, une société résidente, voire un
établissement belge d’une société ou personne non résidente, une personne qui
séjourne plus de 183 jours en Belgique et qui y perçoit des revenus en raison d’activités
exercées sur le territoire sera imposée à l’impôt des non-résidents.

La règle de 183 jours suscite interrogations et interprétations.

On considère généralement qu’il faut se référer aux règles similaires contenues dans les

354

 Bruxelles, 11 décembre 1998, cité par Astrid Pieron, o.c., p.24 - cette
jurisprudence pourrait ne plus être possible avec la formulation nouvelle de l'article 2,
§1er, 1°, alinéa 1
355


Circulaire AGCD du 5 mars 1992, infra, n° 361 à 365
356


L. Hinnekens, étude précitée et spécialement n°4, p.214.
conventions de double imposition conclues par la Belgique 357, pour lesquelles sont
retenus les « jours de présence physique »358

La jurisprudence examine assez fréquemment ce critère des 183 jours, dont les
contours ne sont pas toujours aisés à défnir. Nous pouvons relever, par exemple, l’arrêt
rendu par la cour d’appel de Bruxelles le 12 janvier 2001 359, où la cour décide que la
tenue de time-sheet ne constitue pas en soi une preuve sufsante pour établir le
nombre de jours prestés à l’étranger, tout en soulignant que l’administration exige une
preuve déraisonnable en exigeant que chaque jour passé à l’étranger soit démontré
par des notes externes.

On peut cependant s’inquiéter de la formulation très générale de l’article 228, § 2, 7°


CIR, puisqu’à la diférence de ce qui est habituellement prévu dans la convention
préventive de la double imposition, à savoir un séjour au cours de l’année fscale
considérée, ou sur une période de 12 mois, la loi belge parle d’un séjour de plus de 183
jours au cours « d’une » période imposable. De là à dire qu’il sufrait, pour pouvoir
imposer ce type de revenus, qu’un bénéfciaire ait séjourné au cours d’une période
imposable plus de 183 jours en Belgique alors qu’au cours d’une période postérieure, il
y aurait séjourné moins, il n’y aurait qu’un pas. Cette interprétation permettrait de
soumettre à l’impôt des rémunérations dues en raison d’activités exercées au cours
d’une certaine année mais perçues au cours d’une année ultérieure 360.

C’est ce dernier raisonnement qu’a soutenu l’administration dans une espèce soumise
au tribunal de première instance de Namur, lequel a décidé, le 25 juin 2004 361 que « La
période visée est donc la période imposable pendant laquelle sont recueillis les revenus. ».
L’administration soutenait que le montant de l’impôt relatif à l’exercice d’imposition
1998, qu’avait payé l’employeur du contribuable en octobre 1999 alors qu’il avait cessé
son activité sur le territoire belge, et re-facturé ensuite à la société mère américaine,
constituait un avantage taxable au regard de l’exercice d’imposition 2000. Elle
soutenait en efet que ces rémunérations ont été acquises en raison de l’activité
exercée en Belgique au cours de l’année 1997, la condition de séjour de 183 jours au
cours d’une période imposable devant être mise en rapport avec la période au cours de
laquelle la fonction est exercée. La décision commentée rejette cette position
administrative, non seulement en se référant à son propre commentaire 362, mais aussi
aux articles 359 et 360 CIR 92 qui fxent le commencement et la fn de l’exercice
d’imposition363 et qui prévoient que les revenus recueillis par le contribuable pendant

357


Voyez Astrid Pieron, précitée, p.87
358


Cfr. infra n°333
359


Sources fscales, Kluwer, n° 01520043.
360


Voyez à cet égard Astrid Pieron, étude précitée, p.88
361


Rôle n°471/03
362


Com.I.R. 228/93, qui se réfère à un séjour de plus de 183 jours en Belgique « au
cours de la période imposable » - c’est nous qui soulignons.
363
la période imposable permettent d’établir l’impôt dû pour cet exercice d’imposition. 364

109.
L’article 230, 3° du CIR exonère, pour sa part, les rémunérations qui sont perçues par
des non-résidents pour des activités exercées à l’étranger, pour autant qu’elles soient
imputées sur les résultats d’un établissement situé à l’étranger.

Cela vise l’hypothèse de rémunérations qui sont versées à l’étranger en raison


d’activités exercées à l’étranger, et doivent être imputées sur le résultat d’un
établissement étranger du débiteur belge versant la rémunération. Inversement, des
rémunérations versées à une personne en raison de ses activités à l’étranger qui
seraient mises à charge d’un établissement belge seront imposables en Belgique en
raison de la localisation même du débiteur.

La notion d’établissement doit s’apprécier au regard de celle défnie à l’article 229, § 1 er,
relative à l’établissement belge, et qui suppose par conséquent que l’entreprise belge,
dans le cas qui nous occupe, dispose à l’étranger d’une installation fxe telle une siège
de direction, un succursale, un bureau ou encore un chantier dont la durée dépasse
une période non interrompue de 30 jours. Tel peut également être le cas par la simple
présence à l’étranger du travailleur concerné.365

II. REGIME ET AVANTAGES DU FRACTIONNEMENT (« SPLIT ») DES


REMUNERATIONS DES CADRES ET DIRIGEANTS

A. INTRODUCTION

110.
De nombreux contribuables perçoivent des revenus non seulement en Belgique mais
également à l’étranger. Dans cette mesure, ces revenus sont susceptibles d’être
imposés deux fois, d’abord dans le pays où ils sont acquis, ensuite dans le pays où le
contribuable réside. C’est le risque de la double imposition.

Dès règles ont été mises sur pied, pour pallier cet inconvénient. Dans la plupart des cas, la
situation sera réglée par une convention préventive de double imposition (CPDI) conclue
par la Belgique avec le pays concerné, qui emporte un régime d’exemption avec réserve
de progressivité. En l’absence de convention internationale de ce type, une réduction est
prévue pour la partie de l’impôt qui se rapporte aux revenus réalisés à l’étranger.


Du 1er janvier au 31 décembre suivant.
364


L’administration aurait interjeté appel de cette décision.
365


Voyez pour les développements plus importants, Astrid Pieron, précitée,
notamment p.90. Quant à l’obligation pour la société belge débitrice des revenus de
verser le précompte professionnel, voy. Trib. Liège, 8 septembre 2005, précité, dans une
espèce où le paiement des revenus professionnels au non-résident était à charge de la
société belge et non d’un établissement stable étranger.
Dans le cadre de la présente étude, je ne m’étendrai pas sur les formalités
administratives, sur un plan fscal ou de sécurité sociale, que requiert la mise en place
d’une répartition de rémunérations dans divers pays. Qu’il soit toutefois mentionné
que les employeurs, ainsi que les travailleurs indépendants, doivent accomplir plusieurs
formalités afn de rencontrer les conditions fxées par la réglementation en matière de
sécurité sociale. Dans l’hypothèse où le régime de sécurité sociale belge trouve à
s’appliquer, ce qui sera le cas lorsque le cadre résident belge exercera ses activités
salariées sur le territoire de deux ou plusieurs états membres de l’Union européenne
pour autant qu’il travaille de façon substantielle en Belgique, les employeurs étrangers
devront introduire une demande auprès des autorités de sécurité sociale belge, afn
d’obtenir le certifcat de couverture E101, lequel établit que les cotisations doivent être
exclusivement versées au régime belge de sécurité sociale. Les sociétés étrangères
devront désigner un représentant (agent) en Belgique, s’aflier auprès d’une caisse
d’allocations familiales ainsi qu’auprès d’une compagnie d’assurance contre les
accidents du travail. Quant aux travailleurs indépendants, ils sont eux-mêmes tenus à
remplir les formalités requises auprès de l’INASTI.366

111.
En ce qui concerne les administrateurs et gérants, la situation est plus complexe que
pour les cadres et dirigeants qui n’exercent pas ce type de mandat. Une distinction
devra en efet s’opérer, la plupart du temps, entre les revenus perçus par un dirigeant
de première catégorie au titre de l’exercice de son mandat et ceux qu’il pourrait
percevoir dans le cadre d’une convention annexe, qu’il s’agisse d’un contrat d’emploi
ou d’un contrat d’entreprise.
Tel est le cas dans le cadre des conventions préventives de double imposition. En l’absence
de conventions fscales, la loi belge opère, quant à elle, une distinction liée à l’imputation
des rémunérations perçues.

D’une manière générale également, l’impact et l’avantage que peut présenter un split de
rémunération devront tenir compte de la sécurité sociale et des régimes auxquels seront
soumises les personnes intéressées, qui peuvent varier d’une situation à l’autre, voire d’un
pays à l’autre.

366


L’employeur a également des obligations en termes de retenue du précompte
professionnel, y compris lorsqu’il est non-résident et dispose d’un établissement belge
au sens de l’article 229, CIR 92 qui supporte la rémunération payée au travailleur
(Circulaire, AAF/96-258 du 24 juillet 2003, point V). Voy. aussi Trib. Trav. Mons, 20 avril
2005, précité où le tribunal décide que “Ni l’ONSS ni l’Etat belge ne sont habilités à
remettre en cause unilatéralement et de leur seule autorité l’assujettissement
découlant de ces E 101, et ce indépendamment des raisons qui les conduisent à cette
remise en question.
B. SITUATION GENERALE TIREE DES CONVENTIONS DE DOUBLE IMPOSITION -
CONVENTION MODELE OCDE

112.
Le sort des rétributions perçues par les administrateurs ou gérants en raison de
l’exercice de leur mandat est fxé par l’article 16 de la convention modèle OCDE.

Le texte précise que :

« Les tantièmes, jetons de présence et autres rétributions similaires qu’un résident d’un
Etat contractant reçoit en sa qualité de membre du conseil d’administration ou de surveillance
ou d’un autre organe analogue d’une société qui est un résident de l’autre Etat contractant
sont imposables dans cet autre Etat »367.
La taxation se fera donc dans l’Etat du siège de la société dont une personne est
administrateur. Cette disposition vise tant les personnes physiques que les personnes
morales exerçant pareil mandat.

Le fondement de cette règle, à laquelle il est souvent dérogé dans les conventions
préventives de la double imposition conclue par la Belgique, notamment quant aux
revenus visés, réside dans la difculté de déterminer de manière précise l’endroit où un
membre du conseil d’administration ou de surveillance exerce son activité. L’option a été
prise de considérer que ces activités sont censées exercées dans l’Etat où la société est
établie, sans qu’il faille se préoccuper de la règle de 183 jours368. Le pouvoir d’imposition a
été, par conséquent, attribué à cet Etat. Lorsqu’il s’agit d’imposer à l’étranger des
tantièmes perçus par l’administrateur d’une société, aucune condition d’exercice à
l’étranger de l’activité n’est exigée.

La convention modèle vise les « tantièmes, jetons de présence et autres rétributions


similaires » que recueille l’administrateur dans le cadre de l’exercice de son mandat.
Ces rétributions incluent également les avantages perçus, tels l’usage d’une voiture,
d’une habitation, le bénéfce d’une assurance-vie, outre des indemnités de
licenciement s’il échet. Cette disposition ne vise pas, en principe, les rémunérations
qu’il pourrait percevoir du fait d’une autre activité que celle strictement liée à son
mandat, qu’il s’agisse d’une fonction de gestion journalière ou de direction, qui doit
être scindée.

Selon la circulaire adoptée le 17 décembre 2002, par l’administration,369 il faut présumer que

367


Dans certaines conventions conclues récemment par la Belgique, une seconde
phrase rend le texte applicable aux fonctions d’une nature similaire, soit les
mandataires de fait, les commissaires ou liquidateurs, ou encore ceux qui exercent une
telle fonction mais sous un autre titre (p. ex., les régents de la Banque nationale de
Belgique).
368


Voyez infra n° 332 et suiv. ; Trib. Bruxelles, 4 mai 2005, rôle n° 2001/2478/A, qui
décide que le fait que les fches de rémunération mentionnent « salaire ou pension » et
« employeur… » n’établit pas que le contribuable exerce une autre activité que celle
d’administrateur, et qu’en conséquence, les règles relatives aux professions
dépendantes ne sont pas applicables à sa rémunération.
369
la part de rémunération propre à la fonction d’administrateur ou de gérant est égale au
montant le plus élevé qu’un autre administrateur ou gérant, qui n’exerce aucune autre
fonction que celle liée à son mandat, perçoit. A cet égard, la circulaire précise que
« Lorsqu’il n’existe aucun administrateur ou gérant de ce type dans la société, on considérera
que les intéressés ne perçoivent pas de tantièmes, jetons de présence ou autre rétribution en
leur qualité d’administrateur ou de gérant ». Nous ne pouvons approuver là cette dernière
afrmation, dès lors que le montant pourrait être aisément établi sur base d’autres critères,
comme une décision d’assemblée générale voire les statuts.

113.
En principe, et dès lors qu’est afrmée ainsi la règle de « non-attraction », le sort de ces
rémunérations sera fxé par d’autres dispositions de la convention. L’administration l’a
encore admis récemment : « les rémunérations des dirigeants d’entreprise visées à l’article
32, alinéa 1er, CIR 1992 relèvent de l’article 15 lorsqu’elles rémunèrent un emploi salarié (…).
Lorsqu’elles ne rémunèrent pas un emploi salarié, ces rémunérations relèvent des articles 14
ou 16 du CPDI »370.

Les conventions préventives de la double imposition récemment conclues par la Belgique


(par exemple, avec la Finlande, la Russie, le Portugal ou l’Inde), intègrent cependant un
second paragraphe371 à l’article 16, modifant de la sorte le sort réservé à ces autres
rémunérations.

Le texte est ainsi rédigé : « § 2. Les rémunérations qu’une personne visée au paragraphe 1er
reçoit de la société en raison de l’exercice d’une activité journalière de direction ou de caractère
technique ainsi que les rémunérations qu’un résident d’un Etat contractant tire de son activité
personnelle [journalière] en tant qu’associé dans une société autre qu’une société par actions,
qui est un résident de l’autre Etat contractant, sont imposables conformément aux dispositions
de l’article 15, comme s’il s’agissait de rémunérations qu’un employé tire d’un emploi salarié et
comme si l’employeur était la société ». Dans ce cas, l’article 16, § 2 rend applicable, sans qu’il
y ait à rechercher l’existence ou non d’un lien de de subordination, les règles relatives aux
professions dépendantes aux rémunérations perçues par l’administrateur ou le gérant en
raison de l’activité qu’ils exercent au sein de la société en dehors de celle propre au
mandat qui leur est confé. Le texte institue ainsi une présomption légale irréfragable.

Les mandataires sociaux (au sens large) visés à l’article 16, § 1er peuvent, on le sait, exercer à
côté de leur mandat d’autres fonctions au sein de l’entreprise. L’article 16, § 2 vise une
« activité journalière de direction ou de caractère technique ». La première « peut être défnir


Circulaire AAF n° 26/2002 – AAF/Intern. ISR/2002-0026, qui “s’attache
essentiellement à clarifer la situation en ce qui concerne les dirigeants des sociétés qui sont
des résidents de l’Etat partenaire et qui reçoivent des rétributions d’une société qui est
résident de la Belgique. La plupart des commentaires qui suivent sont également valables
en ce qui concerne la situation inverse (…), mais il y aura lieu de les adapter en fonction de
la législation interne de cet autre Etat ».
370


Circulaire n° AAF 2005/0652 (AAF 08/2005) du 25 mai 2005, sur laquelle nous
reviendrons longuement par la suite, point 3.3.
371


Ce paragraphe prend parfois la forme d’un simple alinéa. Par ailleurs, les termes ne
sont pas nécessairement toujours identiques, quoique le sens demeure.
comme étant une activité de gestion ne dépassant pas les besoins de la vie quotidienne de la
société ou l’ensemble des actes d’exploitation qui ne constituent pas des décisions qui relèvent
de la fonction d’administration ou de gérant mais constituent la vie quotidienne de la
société ».372 La seconde peut être vue comme « une activité de toute nature qui est exercée de
manière continue et régulière et non pas de manière exceptionnelle ou ponctuelle que ce soit
en vertu d’un contrat de travail ou non ».373

Cette disposition, clairement, écarte tout principe d’attraction. L’administration précise


toutefois que : « le principe d’attraction prévu par le droit interne s’applique normalement
indépendamment des règles conventionnelles applicables en ce qui concerne ces rétributions.
Sauf dans certains cas, toutes ces rétributions constituent des rémunérations de dirigeants
d’entreprises ».374

Cet article 16, § 2, lorsqu’il est prévu, présente aussi la caractéristique curieuse de
réintroduire dans l’arsenal du droit positif fscal belge la notion « d’associé actif » n’exerçant
pas de mandat social, puisque cette présomption s’adressera également à ceux-ci, et alors
même qu’en règle, l’associé actif n’est pas soumis à une autorité au sein de la société et agit
en dehors de tout lien de subordination. Par ailleurs, la généralité des termes du texte
commenté implique que l’ensemble des activités de l’associé est visé, c’est-à-dire non
seulement la gestion journalière ou l’exercice d’activités analogues à celles d’un membre du
personnel, mais aussi l’activité occasionnelle de consultant, conseiller, avocat, etc. C’est
pourquoi les derniers textes ont remplacé les mots « activité personnelle en tant
qu’associé » par « activité journalière en tant qu’associé », le régime relatif aux professions
indépendantes s’appliquant alors aux activités occasionnelles pré-décrites.

114.
La convention belgo-hollandaise prévoit une exception marquante à cette absence
d’efet attractif, puisque dans ce cas l’article 16 prévoit que, toutes les rémunérations
perçues par un résident belge qui est mandataire social, liquidateur ou exerce une
fonction analogue au sein d’une société résidente des Pays-Bas, en raison de l’exercice
en dehors du cadre d’un emploi salarié d’une activité autre que celle relative à son
mandat sont considérés comme des tantièmes, au même titre que les rémunérations
perçues pour l’exercice de son mandat, et sont par conséquent imposables aux Pays-
Bas.

On le voit, une convention applicable peut assimiler des/les autres rémunérations de


l’administrateur aux tantièmes : dans ce cas, pour qu’elles soient imposées à l’étranger,
il sufra qu’elles ne grèvent pas les résultats d’un établissement stable situé en
Belgique, étant entendu que le seul exercice de l’activité en Belgique y créera un tel
établissement375.
372


Circulaire AAF n° 26/2002 du 17 décembre 2002. AAF/Intern. ISR/2002-0026, point
II, 5, a).
373


ibid.
374


ibid, et l’exemple cité.
375

 Articles 16.2 et 16.4 de la CPDI belgo-néerlandaise ; Jacques Malherbe,


Notons aussi une particularité de la convention signée avec les USA, les tantièmes n’étant
imposés dans l’Etat de résidence de la société qui les distribue que dans la mesure où ceux-
ci sont traités comme des bénéfces distribués, en ce qu’ils ne sont pas déductibles au titre
de charge professionnelle dans le chef de ladite société. Il faudra par conséquent se référer
à l’article 14 (profession libérale) de la convention, si les tantièmes perçus ne sont pas
rejetés des charges professionnelles de la société376. Cela suppose que soient rencontrées
les conditions de l’article 14.2 imposant à la personne377 de séjourner aux USA pendant un
temps d’au moins 183 jours au cours de la période imposable et d’y disposer d’une base
fxe à laquelle les revenus sont imputables.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 février 1992378, a clairement rejeté, dans le cadre
de la convention franco-belge, l’application du principe d’attraction horizontal selon lequel
les rémunérations touchées par un administrateur en une autre qualité, par exemple dans
le cadre d’un contrat d’emploi, sont imposées comme des revenus d’administrateur379. En
décider autrement aurait abouti à écarter l’application de l’article 9, § 2 de cette
convention.

Dans la convention conclue avec la France, en efet, une distinction est opérée, et il est
prévu à l’article 9, § 2 que :

« Toutefois, les rémunérations normales que les intéressés touchent en une autre
qualité sont imposables, suivant le cas, dans les conditions prévues soit à l’article 7 [revenus de
professions libérales ou autres activités personnelles], soit à l’article 11, § 1er [régime salarié],
de la présente convention ».

Dans un arrêt subséquent du 19 janvier 1995380, la Cour de cassation a eu l’occasion de


préciser que les rémunérations perçues par un administrateur en qualité de travailleur
salarié ne sont imposables que dans les conditions de l’article 11, § 1er de la même
convention, dont le § 3 confrme que le régime des travailleurs frontaliers ne s’applique pas
aux revenus visés à l’article 9. La Cour en déduit que le régime des travailleurs frontaliers
n’est jamais applicable aux personnes qui exercent un mandat d’administrateur dans la
société qui les emploie381. La Cour de cassation réafrmait ainsi la distinction entre les

"Les entreprises à la recherche de voies moins imposées pour leurs dirigeants et leur
personnel de cadre (1ère partie), in "Editions du Jeune Barreau", 1988, spécialement
n°52.
376


Voyez les commentaires de l’administration sur cette particularité, in circulaire
AAFn° 26/2002, 0.2, point III, f.
377


Une règle diférente s’applique pour les professionnels du spectacle.
378


Cass., 13 février 1992, FJF, 92/112
379


Sur le principe d’attraction proprement dit, voyez supra, n° 9 à 16
380


Cass., 19 janvier 1995, précité, à propos de la convention belgo-française
préventive de la double imposition.
381


Notons que le Moniteur du 23 mai 2000 a publié une loi du 9 juin 1999 portant
rémunérations perçues en tant qu’administrateur et celles qui le sont en une autre qualité,
rejetant à nouveau le principe d’attraction.

115.
La cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 2 mai 2001, 382 a correctement appliqué la
convention belgo-britannique, en rejetant les prétentions de l’administration des
contributions directes, qui entendait taxer les salaires perçus par un résident anglais qui
exerçait ses activités dans plusieurs Etats, dont la Belgique, au motif notamment qu’il
avait été nommé administrateur de la fliale belge. La cour relève justement que
« Comme il a expressément été prévu que le requérant exercerait son mandat à titre gratuit,
aucun revenu d’administrateur n’est taxable en Belgique ». En cela, la cour applique au
plan international l’enseignement donné par la Cour d’arbitrage le 1 er mars 2001 au
niveau national. Elle souligne par ailleurs que la réserve formulée auprès du Comité des
afaire fscale de l’O.C.D.E. le 23 juillet 1992 concernant le modèle de 1977, et relative à
l’application que la Belgique entendait faire du « principe d’attraction » « n’est pas
applicable en l’espèce puisque, émise 25 ans après la conclusion de la convention belgo-
britannique du 29 août 1967, elle n’a pas pu être prise en compte lors de la rédaction et de
l’approbation bilatérale de la première phrase de l’article 16 de ladite convention ».

Par ailleurs, la seconde phrase de l’article 16 de la convention belgo-britannique, identique


(sauf qu’elle ignore la catégorie des « associés-actifs » au § 2 négocié par la Belgique dans
de plus récentes conventions383), ne s’applique aucunement en l’espèce puisque le
contribuable anglais ne reçoit aucune rémunération de la société fliale belge. Le texte
même de l’article 16, seconde phrase, nous paraît déjà, en soi, démonstratif de l’absence
de tout principe d’attraction, ce que l’administration semble aujourd’hui reconnaître.384

S’il faut considérer qu’un principe d’attraction subsiste actuellement dans notre droit
interne belge, celui-ci n’est toutefois généralement pas transposé, sauf exception, aux
conventions préventives de double imposition conclues par la Belgique. Cependant,
lorsque l’application des règles conventionnelles attribuent à la Belgique le pouvoir

assentiment à l’avenant à la convention belgo-française signé le 8 février 1999 (voir


aussi loi du 12 août 2000 relative à l’exécution de l’avenant, M.B. 26 septembre 2000), et
que dorénavant, les rémunérations des travailleurs frontaliers sont exclusivement
imposables dans leur Etat de résidence (Voyez Circulaire AAF/Intern. ISR/96.0470 du 26
octobre 2000 et Circulaire n° Ci. R. 9F/554.009 (AFER 3/2004) du 14 janvier 2004). Gand,
22 novembre 2005, rôle n° 1994/FR/269, où la cour rappelle que le dirigeant
d’entreprise ne peut bénéfcier du statut de travailleur frontalier, et décide que cette
diférence de traitementavec un salarié ne viole pas les principes d’égalité et de non-
discrimination.
382


Bruxelles, 2 mai 2001, rôle n° 1992/FR/373
383


supra, n° 327
384


Dans la circulaire précitée du 17 décembre 2002, l’administration confrme que
« Contrairement au droit interne (article 32, CIR 92), les CPDI n’instaurent donc pas de
« principe d’attraction ». Afn de déterminer quel Etat a le pouvoir d’imposer les rétributions
d’un administrateur, gérant, etc. qui exerce une activité journalière, il convient de scinder
ces rétributions ».
d’imposition, « l’exercice de ce pouvoir d’imposition se fait conformément au droit interne.
Sauf dans certains cas (article 32, alinéa 3 et arrêt n°30/2001 de la Cour d’arbitrage du 1 er mars
2001), ces rétributions sont donc imposées au titre de rémunérations de dirigeants d’entreprise
et le principe d’attraction est éventuellement appliqué »385

116.
Il est évident que le fait, pour un mandataire social, que n’entrent pas en compte la
présence et l’exercice efectifs de l’activité dans l’Etat où la société a son domicile fscal,
rend la mise en place du "salary split" relativement aisée et a priori attractive.

Il faut toutefois demeurer attentif à diférents aspects, et notamment à la législation


nationale de chacun des pays qui, parfois, pour les administrateurs, met en place des
règles relativement compliquées, voire, comme c’était il y a peu encore le cas en Belgique,
rejette en tout ou en partie la déductibilité par la société des sommes versées aux
administrateurs.

Il faut également étudier l’impact de la sécurité sociale, selon que l’administrateur est, aux
termes de la législation nationale concernée, considéré comme salarié ou comme
indépendant. En Belgique, le mandat d’administrateur s’exerce dans un cadre
indépendant, alors qu’il est considéré comme une activité salariée, par exemple, en Grande
Bretagne. Aux Pays-Bas, un administrateur est toujours employé, qu’il soit ou non
président directeur général de la société ou qu’il exerce simplement son mandat.

Il ne faut pas perdre de vue, à cet égard, que la législation belge aura, dans certains cas,
à être appliquée au regard de lois et traités internationaux, tels les Règlements C.U.E.
1408/71 et 883/2004. En efet, l’article 3 de la loi du 27 juin 1969 sur la sécurité sociale
des employés salariés386, expose clairement que la loi « s’applique aux travailleurs
occupés en Belgique au service d’un employeur, établi en Belgique ou attaché à un siège
d’exploitation établi en Belgique", le tout "sans préjudice des dispositions des conventions
internationales et des règlements internationaux de sécurité sociale. ».

Un impact sur la sécurité sociale, positif celui-là, est intervenu avec l'adoption du
Règlement européen 883/2004
, entré en vigueur 1er mai 2010. Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil est abrogé à
partir de cette date. Toutefois, le règlement (CEE) n° 1408/71 reste en vigueur et ses
efets juridiques sont préservés à certaines fns.
Si, en conséquence du nouveau règlement, une personne est soumise à la législation
d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du
titre II du règlement 1408/71, cette personne continue d’être soumise à cette dernière
législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste
inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d’application du
présent règlement, à moins qu’elle n’introduise une demande en vue d’être soumise à
la législation applicable en vertu du présent Règlement 387.
385


ibid.
386


M.B., 25 juillet 1969
387


La demande est introduite dans un délai de trois mois à compter de la date
Si le Règlement 1408/71 s'applique au cas, par hypothèse, un résident belge se trouvant à la
fois sous statut indépendant en Belgique et sous statut d’employé aux Pays-Bas, en sa
qualité d’administrateur d’une société anonyme résidente des Pays-Bas, devra, en principe,
se soumettre simultanément à la législation de sécurité sociale belge et hollandaise.
L’impact négatif de la sécurité sociale aux Pays-Bas rendra nécessairement moins
intéressant le fractionnement de la rémunération dans ce cas. Le système ne retrouverait
toute son efcacité qu’à partir du moment où les rémunérations ofertes atteignent, voire
dépassent, le plafond fxé aux Pays-Bas.

En France également, le gérant majoritaire sera considéré comme indépendant et le PDG


comme salarié. Le split sera donc moins intéressant, toutes choses demeurant égales,
dans le cas du PDG, puisque étant salarié en France et indépendant en Belgique, il cotisera
dans les deux pays – toujours bien sûr si le Règlement 1408/71 s'applique au cas.

Il ne faut donc pas perdre de vue et tenir compte du statut spécifque des administrateurs
dans les pays concernés, et retenir d’une manière générale qu’en pratique, en raison de la
sécurité sociale, l’avantage du salary-split pourrait être moins important lorsque
l’administrateur n’aura pas le même statut en Belgique qu’à l’étranger.

117.
Pour rappel, la règle générale adoptée par le Règlement 1408/71 – abrogé mais encore
applicable à titre transitoire – est que le salarié ressortissant d’un Etat membre est soumis à
la sécurité sociale de l’Etat membre dans lequel il exerce son activité. Il est dérogé à ce
principe dans le cas d’un détachement, c’est-à-dire lorsque le salarié est envoyé par
l’entreprise dont il relève normalement sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union
européenne afn d’y exercer une activité pour le compte de celle-ci de manière
temporaire388.

d’application du présent règlement auprès de l’institution compétente de l’État


membre dont la législation est applicable en vertu du présent Règlement pour que
l’intéressé puisse être soumis à la législation de cet État membre dès la date
d’application du présent règlement. Si la demande est présentée après l’expiration de
ce délai, le changement de législation applicable intervient le premier jour du mois
suivant.
388


Relevons que la règle du détachement joue aussi lorsqu’une entreprise agréée met
des personnes interimaires à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour des
activités dans un autre Etat membre (CJCE, 17 décembre 1970, Manpower / Caisse
primaire d’assurance maladie de Strasbourg, 35-70, REC., 1970, 1251). La Cour paraît
par conséquent avoir interprété largement une règle qui constitue pourtant une
exception, justifant ce mode peu habituel d’interprétation en raison des difcultés
administratives que pourrait rencontrer une entreprise confrontée à l’obligation
d’enregistrer les membres de son personnel auprès de diférents régimes de sécurité
sociale lorsqu’ils sont régulièrement envoyés à l’étranger en vue de prestations de
courtes durées. Voyez notamment à ce propos Olivier Debray, « La loi de sécurité
sociale applicable en cas d’expatriation », in « L’expatriation des cadres », Vanham &
Vanham, 29 janvier 1998, n°10, p.12, où l’auteur met en doute cette jurisprudence tout
en relevant que la décision n° 162 de la Commission administrative pour la sécurité
sociale des travailleurs migrants du 31 mai 1996 a tranché cette question dans un sens
favorable pour autant que subsiste un lien organique entre l’entreprise et la travailleur
Dans ce cas, et pour autant que la durée prévisible de ce travail n’excède pas 12 mois, le
travailleur salarié demeure toujours sujet à la sécurité sociale de l’Etat membre sur le
territoire duquel il exerçait son activité avant d’être détaché 389.

L’activité salariée exercée par un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne
dans une société belge peut, si elle s’inscrit dans le cadre de pareil détachement, ne pas être
soumise à la sécurité sociale belge. Les autorités se montrent toutefois strictes dans
l’examen de pareilles situations, et recherchent, conformément à la jurisprudence de la
Cour de justice des Communautés européennes s’il existe réellement un lien organique
entre l’employé concerné et la société étrangère l’ayant détaché. S’il résulte des documents
contractuels, de l’organisation du travail, des rapports hiérarchiques ou de tout autre
élément qu’en réalité, le travailleur n’est pas demeuré soumis à l’autorité patronale de la
société détachante, mais se trouve sous la subordination de la société belge, celle-ci sera
redevable de l’ensemble des cotisations de sécurité sociale dues en raison de la loi belge,
et ce rétroactivement dès le début des activités exercées par l’employé en Belgique.

En ce qui concerne l’indépendant, une règle analogue au régime du détachement pour


travailleur salarié est prévue. Si celui-ci preste un travail sur le territoire d’un Etat membre
autre que celui où il exerce habituellement son activité, il restera soumis à la législation
sociale de ce dernier Etat membre pour autant que la durée prévisible de ce travail
n’excède pas 12 mois. Dans ce cas aussi, l’indépendant peut obtenir une prolongation de
12 nouveaux mois pour autant que les autorités du pays où le travail est efectivement
presté l’autorisent.390

pendant la période de son détachement et que cette entreprise exerce normalement


son activité sur le territoire du premier Etat membre. Pour un intéressant rappel des
principes, appliqué au détachement, ainsi qu’à sa matérialisation par l’envoi d’un
certifcat E 101, Voy. Trib. Trav. Mons, 20 avril 2005, rôle n° 10009699-93209.
389


Si la durée du travail à efectuer sur le territoire de l’Etat membre où le salarié est
détaché doit se prolonger en raison de circonstances imprévisibles au-delà de la
période de 12 mois, la même règle demeure applicable pour autant que la durée
supplémentaire n’excède pas 12 nouveaux mois, et que les autorités du pays où le
travail est efectivement accompli l’autorisent (art. 14.1b. du Règlement). Une
dérogation est également prévue par l’article 17 de celui-ci, permettant aux autorités
compétentes des Etats membres de l’Union de détacher des salariés bénéfciant de
connaissances, d’un know-how ou d’une qualifcation particulière pour une période
supérieure à un an mais n’excédant en pratique jamais 5 ans - voyez l’étude de Christian
Willems, précitée, sp. p. 69 et les références qu’il cite.
390


Comme dans le cas des travailleurs salariés, les indépendants pourraient bénéfcier
d’une nouvelle dérogation par application de l’article 17 du règlement (voyez note
précédente).
118.
Lorsque des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne exercent un
travail salarié simultanément dans deux ou plusieurs Etats membres 391,, la législation
applicable sera celle de l’Etat membre dont le travailleur est un résident s’il y exerce
également une partie de son activité; si tel n’est pas le cas, ce sera la législation de l’Etat
membre sur le territoire duquel l’employeur a son siège social ou son domicile 392. En
cas de pluralité d’employeurs, on en revient toutefois à la résidence de l’employé.

Ainsi, si un Allemand travaille pour partie en Allemagne et pour partie en Belgique, et qu’il
réside habituellement en Allemagne, seule la législation sociale allemande s’appliquera.
S’il ne travaille qu’en Belgique et qu’en France, ce sera également la législation de son Etat
de résidence qui trouvera à s’appliquer, soit en l’espèce l’Allemagne. Si ce même travailleur
n’exerce des prestations qu’en Belgique, même pour plusieurs employeurs, il sera soumis
à la législation belge en matière de sécurité sociale.

En ce qui concerne l’exercice d’activités en tant qu’indépendant dans deux ou plusieurs


Etats membres, la législation de sécurité sociale applicable est celle de l’Etat de résidence si
une activité indépendante y est exercée, et l’Etat sur le territoire duquel l’activité principale
du travailleur indépendant est exercée s’il n’a aucune activité dans son pays de résidence.
Pour fxer le lieu de l’activité principale du travailleur indépendant, le critère de la
permanence de l’activité commerciale sera retenue. A défaut, d’autres éléments seront
pris en compte, tels l’importance de l’activité exercée, les revenus qu’elle produit dans tel
ou tel territoire, le caractère habituel des activités exercées ou encore la durée de celles-ci.

D’autre part, si une personne est indépendante dans un Etat membre, et sous les liens d’un
contrat d’emploi dans un autre, et qu’elle exerce simultanément son activité, la
rémunération globale sera soumise à la législation de sécurité sociale de l’Etat membre sur
le territoire duquel l’activité salariée est exercée. Toutefois, en raison de l’exception
contenue à l’annexe VII du règlement européen 1408/71, un cadre exerçant une activité
indépendante en Belgique ainsi qu’une activité salariée dans un autre ou plusieurs autres
Etats membres sera soumis à la sécurité sociale de l’Etat membre où il exerce son activité
indépendante, et à celle de l’Etat membre où il exerce ses activités salariées.

119.
Le Règlement 1408/71 permet de la sorte de défnir la législation sociale applicable à
un administrateur résident belge exerçant des fonctions dans plusieurs Etats membres,
selon qu’elles sont salariées ou indépendantes et selon son propre statut.

Ainsi, un administrateur résident belge, ayant un statut d’indépendant à la fois en Belgique


et dans un autre Etat membre de l’Union européenne verra son activité exclusivement
soumise à la sécurité sociale belge pour travailleur indépendant, sur la totalité de ses

391


Art. 14.2.b
392


L’endroit où l’employé réside est sa "résidence habituelle" au sens de l’article 1.h.
du Règlement, qui a été défni par la Cour de justice comme étant le lieu où le salarié a
établi le centre permanent de ses intérêts, et vers lequel il retourne pendant les
périodes qui s’écoulent entre ses missions à l’étranger - C.J.C.E., 12 juillet 1973, REC.,
1973, 935.
revenus professionnels. S’il possède en Belgique le statut d’indépendant et dans l’autre
Etat le statut de salarié, il sera en principe soumis simultanément à la législation sociale
des deux Etats. S’il possède le statut de salarié en Belgique et d’indépendant dans l’autre
Etat membre, seule la sécurité sociale belge sera en principe applicable sur la totalité de
ses revenus.

120.
L'impact du Règlement européen 883/2004 est grande.

La règle générale (article 11) édicte que la personne qui exerce une activité salariée ou
non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.
Lorsqu'il y a exercice d’activités dans deux ou plusieurs États membres (article 13, §1), la
personne qui exerce normalement une activité salariée dans
deux ou plusieurs États membres est soumise :

• à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie


substantielle de son activité dans cet État membre ; ou
• si elle dépend de plusieurs entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur
siège social ou leur siège d’exploitation dans diférents États membres, à la
législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle
de son activité dans cet État membre ; ou
• à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur qui
l’emploie a son siège ou son domicile, si la personne n’exerce pas une partie
substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence. ; ou
• à la législation de l’État membre dans lequel se situe le centre d’intérêt de ses
activités, si la personne ne réside pas dans l’un des États membres où elle
exerce une partie substantielle de son activité.

La personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée
dans diférents États membres (article 13,§2), est soumise :
• à la législation de l’État membre dans lequel elle exerce une activité salariée ;
ou
• si elle exerce une telle activité dans deux ou plusieurs États membres, à la
législation déterminée conformément au paragraphe 1(application de la règle
en cascade, donc).

Les personnes visées sont traitées, aux fns de la législation déterminée conformément
à ces dispositions, comme si elles exerçaient l’ensemble de leurs activités salariées ou
non salariées et percevaient la totalité de leurs revenus dans l’État membre concerné.

121.
Il existe des règles particulières (article 12). Ainsi, pour le détachement, la personne qui
exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y
exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour efectuer un
travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la
législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail
n’excède pas vingt‐quatre mois et que la personne ne soit pas envoyée en
remplacement d’une autre personne.
La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans un État membre et
qui part efectuer une activité semblable dans un autre État membre demeure soumise
à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de cette
activité n’excède pas vingt‐quatre mois.

122.
Une personne qui "exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs
États membres" désigne en particulier une personne qui:

a) tout en maintenant une activité dans un État membre, en exerce simultanément une
autre, distincte, dans un ou plusieurs autres États membres, quelles que soient la durée
ou la nature de cette activité distincte;

b) exerce en permanence des activités alternantes, à condition qu’il ne s’agisse pas


d’activités marginales, dans deux États membres ou plus, quelles que soient la
fréquence ou la régularité de l’alternance.

Une personne qui "exerce normalement une activité non salariée dans deux ou
plusieurs États membres" désigne en particulier une personne qui exerce,
simultanément ou en alternance, une ou plusieurs activités non salariées diférentes,
quelle qu’en soit la nature, dans deux États membres ou plus.

Pour distinguer les activités exercées dans plusieurs Etats membres des situations de
détachement, la durée de l’activité exercée dans un ou plusieurs États membres (qu’elle
soit de nature permanente ou ponctuelle et temporaire) est un facteur déterminant. À
ces fns, il est procédé à une évaluation globale de tous les faits pertinents, y compris,
en particulier dans le cas d’une activité salariée, le lieu de travail tel qu’il est défni dans
le contrat d’engagement.

123.
Une "partie substantielle d’une activité salariée ou non salariée" exercée dans un État
membre signife qu’une part quantitativement importante de l’ensemble des activités
du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu’il s’agisse nécessairement de
la majeure partie de ces activités.

Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État
membre, il est tenu compte des critères indicatifs qui suivent:

a) dans le cas d’une activité salariée, le temps de travail et/ou la rémunération ; et

b) dans le cas d’une activité non salariée, le chifre d’afaires, le temps de travail, le
nombre de services prestés et/ou le revenu.

Dans le cadre d’une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % des critères


précités indiquera qu’une partie substantielle des activités n’est pas exercée dans l’État
membre concerné.
Pour déterminer la législation applicable au titre des activités dans plusieurs Etats et la
part substantielle qu’elles représentent dans un Etat membre, il est tenu compte de la
situation future prévue pour les douze mois civils à venir.

Dans le cas où une personne exerce son activité salariée dans deux États membres ou
plus pour le compte d’un employeur établi en dehors du territoire de l’Union et lorsque
cette personne réside dans un État membre sans y exercer une activité substantielle,
elle est soumise à la législation de l’État membre de résidence.

124.
Le "centre d'intérêt" des activités d’un travailleur non salarié est déterminé en prenant
en compte l’ensemble des éléments qui composent ses activités professionnelles,
notamment le lieu où se trouve le siège fxe et permanent des activités de l’intéressé, le
caractère habituel ou la durée des activités exercées, le nombre de services prestés,
ainsi que la volonté de l’intéressé telle qu’elle ressort de toutes les circonstances.

125.
Cas pratique
Madame Lui Jo, résidente fscale belge, exerce un mandat d’administrateur au sein de
trois sociétés : (i) la sa A dont le siège social est en Belgique, (ii) la sa B, société étrangère
non résidente dont le siège social est aux Pays-Bas, et (iii) la sa C, société étrangère non
résidente dont le siège social est en France. Elle exerce ses activités à concurrence de 2
jours/semaine pour la société belge, 2 jours/semaine aux Pays-Bas, et un jour/semaine
en France.

a) Dans quel(s) Etat(s) sera-t-elle imposée sur la rémunération perçue à l’occasion de


l’exercice de ses fonctions ? Si elle se trouve imposée dans d’autres Etats que la
Belgique, comment la double imposition est-elle éliminée en
Belgique?

Madame Lui Jo est résidente fscale belge = taxable en Belgique sur ses revenus
mondiaux et taxable à l’étranger sur ses revenus étrangers. En vertu de l’article 16 du
modèle convention OCDE, les tantièmes perçus sont imposables dans l’Etat où la
société a son siège.
France :

Article 9 CPDI Belgique-France : les rémunérations quelconques attribuées en raison de


l’exercice d’un mandat ne sont imposables que dans celui des deux Etats dont la
société est résidente => pouvoir d’imposition attribué exclusivement à la France.
Article 19, a, 2 CPDI: exonération en Belgique sous réserve de progressivité (càd que les
-revenus étrangers n’interviennent pas dans l’assiette, mais bien dans le calcul du
taux) ;

Pays-Bas :

Article 16 CPDI Belgique-Pays-Bas : les rémunérations qu’un résident d’un Etat reçoit
d’une société résidente de l’autre Etat en raison de l’exercice d’un mandat (dirigeant de
sociétés) sont imposables dans cet autre Etat => pouvoir d’imposition attribué
exclusivement aux Pays-Bas. Article 23,1, a CPDI : exonération sous réserve de
progressivité.

Belgique :

un résident fscal belge est imposable sur ses revenus mondiaux. Donc a fortiori sur les
revenus perçus en Belgique. Article 32 CIR 92 : rémunération dirigeant d’entreprise de
la 1ère catégorie=> imposable au taux progressif à l’IPP.

b) Qu’en est-il si Madame Li Jo exerce, en sus de son mandat d’administrateur, une


activité journalière de direction au sein de la société hollandaise et qu’elle est
rémunérée pour cette activité ?

L’article 16 modèle convention OCDE prévoit d’appliquer les règles relatives aux
professions dépendantes, sans même qu’il ne faille vérifer l’existence ou non d’un lien
de subordination

En principe, il n’y a pas lieu d’appliquer le principe d’attraction (à savoir taxer un revenu
en fonction, non pas de sa nature, mais en fonction de la qualité du bénéfciaire) parce
que contrairement au droit interne belge, les CPDI ne contiennent aucune règle
d’attraction.

Exception au principe de non-attraction : article 16 §2 CPDIBelgique-Pays-bas : les


rémunérations perçues pour l’exercice d’activités autres que celles relatives au mandat
et en dehors du cadre d’un emploi salarié sont considérés comme des tantièmes et
donc imposables aux Pays-Bas.

c) Ce mécanisme de « salary split » est-il intéressant à mettre en œuvre pour Mme Lui Jo
?

Avec l’application de la réserve de progressivité, les revenus étrangers n’interviennent


pas dans l’assiette de l’impôt, mais seulement dans le calcul du taux. La légère
augmentation de charge fscale est toutefois largement compensée par l’absence (ou le
peu) d’impôts payé à l’étranger (parce que à chaque fois dans les
tranches les plus basses).

Il y a toutefois lieu de tenir compte de l’aspect sécurité sociale. En Belgique, un


administrateur est un indépendant, alors qu’aux Pays-Bas, il est employé. Si ce
mécanisme a été mis en place avant le 1er mai 2010, il est soumis à la sécurité sociale
belge et hollandaise. En conclusion, l’impact négatif de la sécurité sociale rendrait
moins intéressant le système de salary split mis en place. Le nouveau Règlement
883/2004 élimine en principe, sauf règles transitoires, ce phénomène.
126.
En dehors de l’exercice strict de son mandat, l’administrateur peut donc exercer une
fonction salariée ou indépendante.

Je ne m’étendrai pas sur cette dernière situation, qui pose le moins de problèmes. Le
principe est que ces revenus sont imposables dans l’Etat où le bénéfciaire de revenus est
établi (art. 14 ancien, modèle OCDE), sauf si ce bénéfciaire dispose dans l’autre Etat
contractant d’une base fxe, auquel cas les revenus pourront être taxés dans cet autre état
contractant s’ils sont et dans la mesure où ils sont imputables à cette base fxe393.

Toutefois, le modèle OCDE 2003 préconise dorénavant que la CPDI ne contienne plus de
dispositions spécifques relatives aux professions libérales et autres activités
indépendantes. Par conséquent, tous les revenus professionnels non visés dans une autre
disposition conventionnelle tombent dans le champ d’activité de l’article 7 de la
convention modèle OCDE, relatif aux bénéfces des entreprises.394

Le texte de l’article 7 CPDI difère quelque peu. Voici le texte tiré de la CPDI signée avec
Hong-Kong le 10 décembre 2003, article 7.1 : « Les bénéfces d’une entreprise d’une Partie
contractante ne sont imposables que dans cette Partie, à moins que l’entreprise n’exerce son
activité dans l’autre Partie contractante par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est
situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfces de l’entreprise sont
imposables dans l’autre Partie mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet
établissement stable. ».

Il n’est plus question de « base fxe », comme dans la formulation de l’article 14 tel qu’il est
repris dans la plupart des conventions actuellement en vigueur : on se réfère à
l’établissement stable, dont le mode de détermination des bénéfces est réglé par les
paragraphes 2 et 3 de cet article 7 CPDI.

393


La notion de "base fxe" est distincte de celle de "établissement stable". Le
commentaire de l’OCDE prévoit que pour la détermination du contenu de cette notion,
il est renvoyé dans la mesure du possible aux dispositions des articles 5 (établissement
stable) et 7 (bénéfces des entreprises). Selon Tiberghien (cfr. Tiberghien, "Manuel de
droit fscal", éd. 1993, n°9314, p.1062), "il existe pourtant une diférence importante entre
ces deux notions sur le plan de la condition de fxité : cet article renvoie pour la base fxe au
fait que le contribuable en dispose de façon habituelle alors que pour l’établissement stable,
une plus grande continuité est requise. Il existe en outre d’autres diférences par rapport à la
notion d’établissement stable; le simple fait par exemple que le contribuable dispose dans
l’autre Etat contractant de représentants dépendants et habilités n’implique pas qu’il y ait
une base fxe". Voy. aussi infra, note n°1015.
394


C’est notamment le cas pour les dirigeants d’entreprises de seconde catégorie et
qui ne sont pas associés actifs dans les conditions de la présomption visée à l’article 16,
§ 2 dont question plus haut. Voyez à ce sujet Circulaire n° AAF/97.0060 (AAF 4/2005) du
31 mars 2005 relative à la CPDI conclue avec Hong-Kong, non encore en vigueur, point
IV, 2.
127.
L’article 15 de la convention modèle OCDE fxe les règles pour les « professions
dépendantes », et prévoit que :

« 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18 et 19, les salaires, traitements et
autres rémunérations similaires qu’un résident d’un Etat contractant reçoit au titre d’un emploi
salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre
Etat contractant. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables
dans cet autre Etat.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu’un résident d’un


Etat contractant reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre Etat contractant ne sont
imposables que dans le premier Etat si :

a. Le bénéfciaire séjourne dans l’autre Etat pendant une période ou des


périodes n’excédant pas au total 183 jours durant toute période de douze mois
commençant ou se terminant durant l’année fscale considérée, et

b. Les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte


d’un employeur qui n’est pas un résident de l’autre Etat, et

c. La charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement


stable ou une base fxe que l’employeur a dans l’autre Etat.

3. (...) ».

Par conséquent, les personnes qui exercent leur activité dans le cadre d’un emploi salarié
voient leurs revenus en principe imposables dans l’Etat de résidence du bénéfciaire, sauf si
l’activité professionnelle est exercée dans l’autre Etat contractant.

Les revenus demeureront toutefois imposables dans l’Etat de la résidence du salarié, bien
que celui-ci exerce son activité dans l’autre Etat contractant, par application de la « règle
des 183 jours » (que nous examinons ci-après).

128.
Sur base de cette règle, le pouvoir d’imposition reste dévolu à l’Etat de la résidence du
salarié, pour autant que les trois conditions suivantes soient remplies simultanément :

➢ l’activité exercée dans l’autre Etat contractant l’a été pendant un délai qui n’est
pas supérieur à 183 jours;

➢ la rémunération payée pour les activités exercées pendant ce séjour le sont par
un employeur qui n’est pas un résident de l’autre Etat;

➢ la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable


ou une base fxe que l’employeur a dans l’autre Etat.

En résumé, si le titulaire du revenu séjourne dans le pays d’accueil pendant une période
n’excédant pas 183 jours au cours de l’année fscale considérée, s’il est payé par un
employeur qui n’est pas un résident du pays d’accueil et si la charge des rémunérations
n’est pas supportée par un établissement stable de l’employeur dans le pays d’accueil, le
revenu ne sera taxable que dans l’Etat de la résidence 395.

Le résident belge exerçant une activité salariée à l’étranger sera donc en principe exonéré
d’impôts (avec réserve de progressivité - cf. infra), si la société où il exerce son activité est
étrangère ou si, s’agissant d’un employeur belge, les séjours à l’étranger dépassent 183
jours ou si la rémunération est supportée par un établissement stable de l’employeur
belge dans l’Etat où le salarié exerce son activité396.

Exemples:

Cas 1 : Madame Bertrand est une salariée résidente belge qui exerce une activité en
Italie. Son employeur est résident en France. Madame Bertrand séjourne pendant 60
jours en Italie. La rémunération de cette activité est imposable en Belgique (moins de
183 jours et rémunération supportée par un Etat autre que celui du lieu de l’activité).

Cas 2 : Idem, mais Madame Bertrand séjourne cette fois 187 jours en Italie.La
rémunération est automatiquement imposable en Italie. En Belgique, elle sera exonérée
sous réserve de progressivité.

395


J. Malherbe, "Les entreprises à la recherche de voies moins imposées pour leurs
dirigeants et leur personnel de cadre", II, "L’utilisation de sociétés et d’établissements
étrangers", éd. J.B. 1988, n°32 et les références qu’il cite. Cet auteur relève qu’en ce qui
concerne la durée du séjour, celle-ci est calculée en incluant les interruptions normales
de travail, tels les week-ends, congés et jours fériés (Com.Conv. 15/15). La cour d’appel
de Bruxelles, dans son arrêt du 2 mai 2001 précité (voyez supra, n° 329), a fait une
application exacte et correcte de cette règle, dans une espèce où un résident anglais
avait séjourné moins de 183 jours en Belgique pour y exercer une activité au proft de la
fliale belge de la société anglaise, laquelle l’avait rémunéré puis refacturé la charge
salariale sur sa fliale belge. La cour relève alors que « Les salaires du requérant ne sont
donc, en tout état de cause, pas taxables en Belgique puisque les 3 conditions précitées sont
remplies » (c’est nous qui soulignons).
396


J. Malherbe, précité, n°36. Dans une espèce où la cour d’appel de Bruxelles a eu à
trancher un litige en application de la convention Belgo-néerlandaise, celle-ci a décidé
que la dérogation au principe selon lequel la rémunération perçue par un habitant du
Royaume belge pour un employeur aux Pays-Bas est imposable dans ce dernier pays
(article 15, § 2), s’applique lorsque la rémunération a été payée par un employeur belge
pour ensuite être facturé à l’employeur néerlandais en exécution d’une convention de
management Benelux (Brux., 7 octobre 1993, RGF, 1994, 118). Pour une espèce où le
tribunal décide que « le procédé retenu par le Directeur régional et consistant à répartir
les revenus du requérant en fonction du nombre de jours d’occupation en France d’une
part et dans les autres pays d’autre part, en distinguant parmi ceux-ci les pays « avec
convention » et les pays « sans convention » se justife », voy. Trib. Liège, 21 avril 2005,
rôle n° 03-2079-A.
129.
Quelles rémunérations sont visées ? Dans la mesure où les CPDI ne défnissent pas ce
qu'il faut entendre par « salaires, traitements et autres rémunérations similaires », il faut
se référer au droit interne de la Belgique afn de déterminer quels sont les revenus liés à
l'exercice d'un emploi salarié qui sont visés par ces termes. En Belgique, il s'agit des
rémunérations des travailleurs visées à l'article 31 CIR 1992.

Ces rémunérations comprennent, quels qu'en soient le débiteur, la qualifcation et les


modalités de détermination et d'octroi :

a) Les traitements, salaires, commissions, gratifcations, primes, indemnités et toutes


autres rétributions analogues, y compris les pourboires et autres allocations même
accidentelles, obtenues en
raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à un titre quelconque;

b) les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de


l'activité professionnelle ;

c) les indemnités obtenues en raison ou à l'occasion de la cessation de travail ou de la


rupture d'un contrat de travail ;

d) les indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de


rémunérations ;

e) les rémunérations acquises par un travailleur même si elles sont payées ou attribuées
à ses ayants cause.

130.
Exercent un emploi salarié, les travailleurs manuels et les employés liés par un contrat
de louage de travail. Le contrat de travail est le contrat par lequel un travailleur
s'engage à fournir un travail contre rémunération et sous l'autorité de l'employeur.

Le lien de subordination qui résulte de cette autorité constitue l'élément


caractéristique du contrat de travail. La subordination suppose l'existence d'un pouvoir
de direction (l'employeur a le droit de donner des ordres pour déterminer les modalités
d'exécution du travail) et d'un pouvoir de surveillance. J'y reviendrai par la suite.

On le sait, l'administration n'est pas strictement liée par la qualifcation donnée par les
parties au contrat : elle peut rectifer la qualifcation eu égard aux stipulations du
contrat et à la manière dont le contrat est efectivement exécuté.

131.
Sont visées ici, les rémunérations payées pendant l'exercice de l'emploi salarié dans
l'autre Etat contractant ainsi que les rémunérations anticipées (payées avant le début
de l'exercice de l'activité dans l'autre Etat) ou les rémunérations diférées (payées après
l'exercice de l'activité dans l'autre Etat) qui sont payées en raison de l'exercice de
l'emploi salarié dans l'autre Etat contractant et qui sont donc directement liées à cet
exercice.
Lorsque l'indemnité de licenciement a le caractère d'une indemnité compensatoire de
préavis, c'est le pays où l'activité est exercée au moment de la rupture du contrat de
travail (le pays où, normalement, le préavis aurait dû être presté) qui disposera du
pouvoir d'imposition sur l'indemnité allouée. En pareil cas, le pouvoir d'imposition
pourrait être partagé entre plusieurs Etats si cette activité était exercée sur le territoire
de plusieurs Etats à ce moment là.

Le changement de résidence entre la rupture du contrat de travail et le paiement de


l'indemnité de licenciement ne modife pas le régime d'imposition de l'indemnité de
licenciement, étant donné que le droit au paiement de l'indemnité est acquis au
moment de la rupture.

L'indemnité de non-concurrence due en vertu d'un contrat de travail, après la cessation


du travail, en contrepartie de l'obligation contractée par l'employé de s'abstenir de
toute concurrence est exclusivement imposable dans l'Etat dont le bénéfciaire est un
résident au moment du payement des indemnités. Si elle estversée en raison de
l'activité exercée antérieurement au service de l'employeur, elle n'est pas acquise au
jour de la cessation du contrat de travail mais sont dues au fur et à mesure de
l'exécution de l'obligation de non-concurrence et sont donc également versées en
raison de l'absence d'activité ultérieure dans le domaine concerné. On considère, dès
lors, que l' indemnité de non-concurrence n'est pas, essentiellement, payée au titre de
l'activité antérieure.

Les indemnités légales qui sont payées aux travailleurs en contrepartie de cotisations
versées par les intéressés et/ou par leur employeur en exécution de la législation
sociale sont en principe visées par l'article 15 des CPDI, sauf lorsqu'une autre
disposition de la CPDI concernée est rendue expressément applicable à ces indemnités
légales. En pareil cas, c'est le régime prévu par cette autre disposition qui s'applique à
ces indemnités. Par exemple, l'article 19, §3 de la CPDI entre la Belgique et l'Allemagne
prévoit que les allocations, périodiques ou non, payées en exécution de la législation
sociale d'un Etat contractant par cet Etat, par un Land ou par une de leurs subdivisions
politiques, collectivités locales ou personnes morales de droit public, sont imposables
dans cet Etat. C'est l'article 19, §3 et non l'article 15 qui est applicable à ces allocations
car l'article 15, §4 indique expressément que les dispositions de l'article 15 ne
s'appliquent pas aux revenus tombant notamment sous l'application de l'article 19.

En l'absence de telles dispositions particulières, c'est l'article 15 qui s'applique. Dans ce


cas, les indemnités légales, tout comme les indemnités extra-légales et les indemnités
payées par un tiers ou par l'assureur de ce tiers, sont, dès lors :

a) imposables dans l'Etat d‘exercice de l’activité si les indemnités sont efectivement


payées en raison de cette activité.

b) Si les indemnités ne sont pas efectivement payées en raison de l'exercice de cette


activité, elles seront imposables dans l'Etat de résidence du bénéfciaire conformément
à la première phrase de l'article 15, § 1 lorsqu'elles sont allouées par un tiers qui n'est
pas l'employeur ou dans l'Etat d'activité lorsqu'elles sont
allouées par l'employeur lui-même (dans ce dernier cas, elles ont le caractère d'une
rémunération diférée).
132.
La durée du séjour à l’étranger se calcule, en principe, d’après la législation applicable dans
l’Etat où les activités sont exercées. Auparavant, l’administration fscale belge intégrait
dans le calcul, les congés, week-ends, jours fériés, ainsi que les jours de maladie ou de
grève, et cela même si le contribuable quitte le pays où il exerce son activité. Dans son
arrêt du 14 juin 2000,397 la cour d’appel de Bruxelles rejette la méthode de calcul de
l’administration, en se référant à celle prônée par l’OCDE, étant les « jours de présence
physique ». A cet égard, rien ne permet de faire un calcul théorique de la présence
physique présumé pendant les vacances annuelles, comme le suggérait l’administration :
selon la cour, on ne peut établir une règle de prorata entre les jours prestés en Belgique par
le contribuable et ceux passés en vacances. Ce raisonnement nous semblait convaincant,
car ce n’est pas parce qu’un étranger travaille un jour sur trois en Belgique qu’il y passera
des vacances dans la même proportion, loin de là même. Comme le souligne la cour, « (…)
seules les vacances passées dans l’Etat où l’activité est exercée sont inclues dans le calcul. De
plus, le commentaire [de l’OCDE] incite même les Etats à ne pas inclure dans le séjour les
vacances qui ne sont pas liées à l’activité même lorsqu’elles sont passées dans l’Etat où l’activité
est exercée ».

Il nous paraît néanmoins que le raisonnement de la cour, qui plus est dans la mesure où elle
se réfère à un commentaire adopté par l’organisme qui a établi le modèle de convention
préventive de double imposition, doit être suivi.398 Dans un arrêt ultérieur, la cour d’appel
de Liège s’est, elle aussi, référée aux commentaires de la convention préventive de double
imposition applicable en l’espèce, ce qui doit être encouragé.399

En 1995, l’OCDE a modifé son commentaire en précisant que tout jour entier passé en
dehors de l’Etat où l’activité est exercée en raison de vacances, voyages d’afaires ou pour
toute autre raison, n’entre pas en considération pour le calcul des 183 jours.

Depuis, l’administration fscale belge a revu sa position, reprise dans une circulaire du 25
mai 2005400, dont l’objet est de commenter la manière dont elle applique l’article 15 des
CPDI et qui « s’eforce au maximum de tenir compte de la jurisprudence des cours et tribunaux
belges dans cette matière ».401 Elle prend à présent en considération les jours de présence
physique, qui « est un critère objectif dont l’application est vérifable ».402 Sont inclus dans le

397


Bruxelles, 14 juin 2000, rôle n° 1992/FR/108
398


Contra, M. Van Keirsbilck, in Courrier fscal, n° 13/2000.
399


Liège, 22 décembre 2000, rôle n° 1996/FI/363
400


Circulaire n° AAF2005/0652 (AAF 08/2005) du 25 mai 2005. Pour une synthèse
critique de cette circulaire, voy. J. Baeten « Mobilité internationale : nouveau
commentaire belge de l’article 15 des conventions préventives de la double
imposition », RGF n°11, novembre 2005, pp. 3 et suiv.
401


ibid, point 1.
402


ibid, point 4.1.3
calcul les jours ou fractions de journées passées dans l’Etat d’activité, y compris pour
maladie, formation, décès ou maladie dans la famille, grâce, interruption due à des délais de
livraison ou de 2 ou 3 jours entre deux contrats de travail successifs, ainsi que les jours
d’arrivée et de départ, les week-ends et jours fériés s’ils sont passés dans l’Etat où l’activité
est exercée ainsi que les jours de vacances passés dans cet Etat avant, pendant ou après
leur cessation.403 Est exclue toute journée entière passée en dehors de l’Etat d’activité.404

En Allemagne, les one day trips ne sont pas pris en considération. Aux Etats-Unis, une
présence de moins de 8 heures n’est prise en compte que d’une manière proportionnelle.
Généralement, conformément aux commentaires de l’OCDE, un jour partiel est toutefois
pris en considération, ainsi que le jour d’arrivée ou le jour de départ dans le pays où
l’activité s’exerce.

L’on détermine le séjour de plus de 183 jours au regard de l’année fscale, qui correspond
généralement à l’année civile405.
Notons que dans certaines conventions déjà anciennes (par exemple, avec l’Allemagne,
l’Autriche ou l’Italie), c’est l’activité du bénéfciaire qui est retenue, et non le séjour, pour
déterminer les 183 jours. Dans cette hypothèse, il est tenu compte des jours de travail
efectif, totaux ou partiels ainsi que des interuptions normales de travail et des jours ayant
un lien avec le travail même passés en dehors du pays d’activité (jours de départ et
d’arrivée, week-ends et jours fériés, maladie, vacances prises au cours d’une période
d’activité, grèves, etc.).406

403


ibid.
404


ibid.
405


L’année fscale ne coïncide pas nécessairement avec l’année calendrier. Ainsi, en
Irlande, l’année fscale s’étend du 6 avril d’une année au 5 avril de celle suivante : la
durée du séjour d’un résident belge dans ce pays doit par conséquent être calculé entre
ces deux dates. Notons aussi que certaines conventions visent une période de 12 mois,
ou une période ininterrompue de 183 jours, afn d’éviter toute difculté. D’autres
prévoient que la limite de 183 jours s’apprécie au cours d’une période de douze mois
commençant ou se terminant durant l’année fscale considérée. Tel est le cas pour la
nouvelle CPDI belgo-néerlandaise du 5 juin 2001, ce qui n’est pas sans poser des
difcultés pour la période imposable 2003, régie par la nouvelle convention, alors
qu’une occupation, alors qu’une occupation aurait débuté en 2002 et pris fn courant
2003. Cela pourrait aboutir à la situation cocasse (parce que non-recherchée…) que la
Belgique pourrait se voir attribuer le pouvoir d’imposition sur les rémunérations belges
d’un résident néerlandais sur pied de la CPDI, mais ne pourrait l’imposer efectivement
au regard du droit interne belge (article 228, § 2, 7° CIR 92, qui exige pour imposer un
non-résident, qu’il ait séjourné plus de 183 jours en Belgique au cours d’une période
imposable – voy. ci-avant, n°322). Sur cette dernière question, voy. « Nouvelle règle des
183 jours : régime transitoire (bis) », Fiscologue int., 30 septembre 2005, n°261, p.7. Dans
sa circulaire précitée du 25 mai 2005, l’administration fscale, sous les points 4.1.1 et
4.1.2, rappelle que les formulations de la règle du séjour de 183 jours a évolué dans le
temps et que celles retenues le plus fréquemment aujourd’hui permettraient d’écarter,
en principe, des possibilités de planifcations participant d’une ingénierie fscale…
406


Circulaire, ibid., point 4.1.4.
133.
En 2008, l’OCDE a complété son commentaire en précisant que les jours durant
lesquels le contribuable est résident de l’État de la source ne devraient pas être pris en
compte dans le calcul. L’expression « le bénéfciaire séjourne » que l’on trouve dans
l’alinéa a) renvoie au bénéfciaire des rémunérations et, pendant une période de
résidence dans l’État de la source, une personne ne peut être considérée comme
bénéfciaire de rémunérations qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un
emploi salarié exercé dans l'autre État contractant.

Exemple 1: de janvier à décembre 2001, X habite dans l’État S et est résident de cet État.
le 1er janvier 2002, X est embauché par un employeur résident de l’État R et déménage
dans l’État R dont il devient résident. X est par la suite envoyé dans l’État S par son
employeur du 15 au 31 mars 2002.

Dans ce cas, X séjourne dans l’État S pendant 292 jours entre le 1er avril 2001 et le 31
mars 2002 mais, parce qu’il est résident de l’État S entre le 1er avril 2001 et le 31
décembre 2001, cette première période n’est pas
prise en compte pour le calcul des périodes visées à l’alinéa a). Dans l'exemple, 292
jours sont comptabilisés dans l'État S, mais du 01/04 /01 au 31/12/01, X est résident de
S => pas pris en compte pour le calcul des 183 jours.

Exemple 2: du 15 au 31 octobre 01, Y, résidente de l’État R, séjourne dans l’État S afn de


préparer l’expansion dans ce pays des afaires d’une société résidente de l’État R. le 1er
mai 2002, Y se rend dans l’État S dont elle devient résidente et travaille en tant que
responsable d’une fliale nouvellement créée qui est résidente de l’État S.

Dans ce cas, Y séjourne dans l’État S pendant 184 jours entre le 15 octobre 2001 et le 14
octobre 2002 mais, parce qu’elle est résidente de l’État S entre le 1er mai et le 14
octobre 2002, cette dernière période n’est pas
prise en compte pour le calcul des périodes visées à l’alinéa a). Dans l'exemple, 184
jours sont comptabilisés dans l'État S, mais du 01/05/02 au 14/10/02, Y est résident de S
=>pas prise en compte pour le calcul des 183 jours.

134.
La règle de base voulue par la convention modèle OCDE, destinée en principe à
simplifer la situation, est de considérer la résidence du salarié comme lieu
d’imposabilité de ses revenus.

Le résident d’un Etat contractant est, aux termes de l’article 4 de la convention modèle-
OCDE,

« Toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans
cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre
critère de nature analogue ».

La convention règle également la situation d’une personne qui, en vertu du critère retenu,
serait résidente des deux Etats contractants, en fonction des conditions suivantes, prises
successivement et l’une à défaut de l’autre :
- le foyer d’habitation permanent dans l’Etat avec lequel ses liens personnels et
économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

- à défaut de foyer d’habitation permanent dans un des Etats contractants ou à


défaut de détermination du centre de ses intérêts vitaux, le lieu où la personne
séjourne de façon habituelle;

- à défaut de séjour habituel dans l’un des deux Etats ou de séjour habituel dans
chacun des deux Etats, la nationalité emporte la résidence;

- en cas de double nationalité ou d’absence de la nationalité de chacun des deux


Etats, la question est tranchée de commun accord par les autorités
compétentes des Etats contractants.

Si c’est une société qui, en vertu de l’application des critères, pourrait être considérée
comme résidente des deux Etats contractants, elle sera considérée comme résidente de
l’Etat où se situe son siège de direction efective.

135.
L’Etat où les activités professionnelles sont exercées par le salarié sera toutefois préféré
à l’Etat de résidence. La convention ne permet pas de défnir de manière certaine et
immédiate ce que recouvre la notion de « l’exercice d’une activité dans un Etat
contractant ».

Il est généralement considéré qu’une activité est exercée dans un Etat contractant si le
salarié y est physiquement présent pour remplir ses fonctions, et cela avec une certaine
permanence.407 Ce lieu d’exercice ne correspond pas nécessairement à l’endroit où
l’employeur est établi.408

Il est évident qu’à partir du moment où les conventions se réfèrent à la notion « d’exercice »
de l’activité salariée, il faut que celle-ci soit réelle sur le territoire de l’Etat concerné et

407


Voyez cependant la position contraire (mais gisant sur les constations de fait des
juges du fond) adoptée par la Cour de cassation, et combattue par l’administration
(voyez Circulaire du 25 mai 2005 précitée, points 3.1 et 5.1. Voyez Cass., 6 novembre
2000, Pas., I, 597 et Cass., 28 mai 2004, RG n° F020078F, où la cour décide que l’article
15, § 1er des CPDI (en l’espèce avec le Luxembourg) « ne subordonne pas l’exercice de
l’emploi dans l’autre Etat contractant à une présence physique permanente du salaire dans
cet Etat pendant l’exercice de son activité ».
408


Il y correspond parfois cependant. Ainsi en avaient par exemple décidés juges du
fond et Cour de cassation dans ses deux arrêts mentionnés à la note infrapaginale
précédente. Ainsi aussi en ont fnalement décidé les négociateurs qui ont signé
l’Avenant à la convention belgo-luxembourgeoise signé le 11 décembre 2002 et qui
prévoit dorénavant que pour les transporteurs routiers internationaux, le pouvoir
d’imposition est dévolu à l’Etat contractant où est situé le siège de direction efective de
l’entreprise exploitant les véhicules routiers. Cet avenant est en vigueur depuis le 1 er
janvier 2005, exercice d’imposition 2006
qu’elle soit autre que simplement occasionnelle. Il appartiendra au travailleur de prouver
par toute voie de droit que l’activité à la source de ses revenus a bien été exercée
physiquement sur le territoire de l’Etat d’activité.409 Ainsi, si un résident belge travaillant
pour une société française exerce son activité en Belgique tout en se rendant de temps en
temps en France pour y recevoir certaines instructions, il sera censé travailler en Belgique et
non en France. Si cette même personne partage son temps entre les deux pays, la question
sera plus délicate. Il y aura alors une recherche de la prédominance et de la permanence
du temps passé en fonction du type d’activité exercée.

136.
Pour déterminer si la rémunération est payée par un employeur résident ou non de
l’autre Etat, il est fait référence à la personne qui exerce le pouvoir d’autorité et de
surveillance sur le travailleur concerné, ce qui revient à rechercher vis-à-vis de qui le
lien de subordination existe.

Cette question est susceptible de poser des problèmes surtout en cas de détachement du
travailleur : il faudra dans ce cas rechercher un employeur qui, dans la réalité, soit a le
pouvoir de donner des instructions au travailleur, soit en assume les risques et la
responsabilité410. L’administration fscale, après avoir rappelé que conformément à l’article
3.2 CPDI, l’Etat qui applique la convention se réfère à son droit interne pour interpréter les
termes non défnis par la CPDI (sauf si le contexte exige une interprétation diférente),
précise les critères permettant de conclure à l’existence d’un lien de subordination entre le
travailleur et l’entreprise auprès de laquelle il est détaché : outre l’obéissance aux ordres et
instructions des dirigeants de l’entreprise de détachement, le travailleur doit exercer ses
activités sous leur direction et leur contrôle et leur faire rapport de son activité. Les critères
s’apprécient aussi du côté de l’entreprise de détachement, qui fxe les tâches à accomplir
par le travailleur, qui en assume les risques inhérents aux résultats et qui peut mettre fn au
détachement.411

La notion « d’employeur » revêt, à l’évidence, une très grande importance. On ne peut que
se réjouir d’en voir les contours un peu mieux défnis.

Le Comité des afaires fscales de l’OCDE a examiné cette question dans le cadre des mises à
disposition du personnel. Il s’agit, certes, d’un contexte diférent. Il est toutefois intéressant
de lire que l’employeur est celui qui supporte la responsabilité et les risques du travail tout
en ayant droit aux produits de celui-ci. Dans le cadre d’une mise à disposition, et à côté

409


Circulaire 25 mai 2005 précitée, point 3.1.
410


Comparez avec les règles étudiées dans le cadre du règlement 1408/71 et du
détachement temporaire - spéc. n° 44 ci-avant. Par exemple, si un résident français est
détaché par la maison mère française auprès d’une fliale belge, aux fns de réorganiser
son département administratif, dans le cas d’une mise à disposition de moins de 183
jours, le fait pour la société mère française de facturer les services de ce cadre à la
société fliale belge ne suft pas à soumettre ce résident français au régime fscal belge.
En efet, la société belge ne peut être considérée comme son employeur (sauf
considération d’espèce particulière)
411


Circulaire du 25 mai 2005, o.c., point 4.2.1.
d’autres critères, sont essentiellement retenus le pouvoir de l’utilisateur d’exercer une
autorité et un contrôle sur le travailleur ainsi que l’absence de tout risque et responsabilité
pour le recruteur en raison des résultats issus du travail exercé chez l’utilisateur.

On retrouve toutefois, de la sorte, les critères généralement arrêtés pour défnir le lien de
subordination devant exister entre l’employeur et le travailleur salarié. Rappelons que la
Cour de cassation a retenu cette notion d’autorité et le pouvoir de direction et de
surveillance qu’elle implique, même si ce pouvoir n’est pas efectivement exercé.412

Nous pensons, comme l’administration fscale dans son récent commentaire, que c’est la
recherche du lien de subordination qui, seul, doit régir la matière. Bien entendu, la nature
et la réalité de l’activité exercée tant en Belgique qu’à l’étranger seront un critère de
réfexion essentiel. Ainsi, il faut déjà être en mesure de justifer des responsabilités et des
activités que l’on exerce en dehors de la Belgique, notamment lorsque le cadre résident
belge assume une fonction de nature telle qu’elle serait susceptible d’englober celle
exercée dans les pays avec lesquels le fractionnement de rémunération est organisé.

Il faudra aussi que ce lien de subordination avec la société étrangère soit réel, ce qui justife,
comme l’a souligné l’administration dans sa circulaire précitée, la possibilité pour celle-ci
non seulement de fxer, contrôler ou modifer les tâches du travailleur et la manière dont il
les exécute, mais encore la possibilité d’intervenir dans le mode et l’importance de
rémunération de ce cadre ou dirigeant.

137.
La notion d’établissement stable413 visée dans le régime dit des 183 jours est défnie au
regard de l’article 5 de la convention modèle OCDE, qui qualife d’établissement stable:

« une installation fxe d’afaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce
tout ou partie de son activité ».

Cette même disposition précise qu’est notamment considéré comme établissement stable
un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, voire un atelier. Elle prévoit
toutefois, et notamment, qu’une installation fxe d’afaires utilisée à des seules fns de réunir
des informations, d’acheter des marchandises ou encore d’exercer pour l’entreprise une
activité de caractère préparatoire ou auxiliaire, ne constitue pas un établissement stable, de
même que le simple usage d’installations aux fns de stockage, d’entreposage,
d’exposition ou de livraison des marchandises n’en est pas davantage un 414.

Il faut également noter que le fait pour une entreprise d’un Etat contractant d’être contrôlée
par une entreprise de l’autre Etat ne suft pas en soi à faire de la première entreprise un
établissement stable de l’autre.

412


Voyez supra, n° 28
413


Sur cette question, voy. Maria Elena Scoppic, « La notion d’établissement stable
dans le cadre international des impôts directs et indirects », RGF, n° 2, février 2005, pp.8
et suiv.
414
D’une manière générale, la notion d’établissement stable visée par la convention modèle
OCDE comprend deux grandes catégories, l’une "matérielle" (bureaux, usine, etc.), l’autre
"personnelle" (cas où une personne dépendante est habilitée à représenter une entreprise
étrangère et le fait habituellement, ou d’une personne indépendante tel un courtier ou un
commissionnaire agissant au proft d’une entreprise étrangère en dehors de l’exercice
normal de son activité)415.
Dans le cadre de la règle dite des 183 jours, c’est la charge de la rémunération qui est visée
et qui importe : s’il y a un établissement stable, mais que celui-ci ne supporte pas, in fne, la
rémunération versée, la condition sera remplie. Tel sera le cas lorsque le salarié exerce une
activité dans l’Etat où se situe un établissement stable, mais non liée à celui-ci, en sorte que
ses revenus ne sont pas portés en compte à cet établissement stable. En outre, le simple
fait de payer ne suft pas, dès lors qu’il apparaîtrait par la suite que cette charge est
refacturée à la société-mère. En règle donc, la rémunération sera supportée par
l’établissement stable ou la base fxe lorsqu’elle est déduite de ses bénéfces.
L’administration fscale souligne toutefois que quoique non-déduites des bénéfces
imputables à l’établissement stable, les rémunérations seront considérées comme
supportées par celui-ci « lorsqu’elles sont exposées aux fns poursuivies par cet
établissement stable et donc, en principe, déductibles conformément à l’article 7,
paragraphe 3 des CPDI ».416

Il faut aussi souligner que l’établissement stable où la base fxe417 doivent avoir été établis


Il est renvoyé, pour plus de détails, à l’article 5 de la convention modèle OCDE.
Lors de la mise à jour de 2003 de la convention modèle OCDE, un commentaire de
l’article 5 a précisé, notamment, la notion « d’installation fxe d’afaires » : il n’est pas
requis qu’une entreprise ait un droit formel sur l’installation, il suft qu’un
emplacement soit mis à sa disposition pour servir aux activités de l’entreprise. Tel serait
le cas si une société belge autorisait une entité étrangère à utiliser un local de manière
récurrente, pour permettre aux vendeurs de cette entité d’y exercer une activité, par
exemple, administrative, pour autant bien sûr que la durée d’activité soit plus ou moins
longue et que celle-ci ne soit ni auxilière, ni préparatoire : alors, l’Etat belge pourrait
prétendre que l’entité étrangère dispose, en Belgique, d’un établissement stable. Par
ailleurs, ce commentaire traite également de la situation de l’agent indépendant, qui
est souvent source de confits.
415


La cour d’appel d’Anvers, dans son arrêt du 15 janvier 1996 (Le Fiscologue extra, n°
554, 16 février 1996, p. 9) a considéré que la mise à disposition d’un bureau à un
résident belge conseiller indépendant d’une société néerlandaise pouvait constituer
une base fxe au sens de la convention de double imposition belgo-néerlandaise, peu
important que le bureau ne soit utilisé par celui-ci que deux à trois jours par semaine et
qu’en son absence, il soit afecté à d’autres fns. La cour estime en efet qu’il ne se
justife pas économiquement qu’un bureau reste inutilisé durant la moitié du temps.
416


Circulaire du 25 mai 2005, o.c., point 4.3.2. Tel serait le cas, selon l’administration,
« lorsqu’aucun montant n’est efectivement déduit parce que l’établissement stable est
exonéré d’impôt dans le pays de la source ou que l’employeur décide de ne pas demander
une déduction à laquelle il a droit ».
417


L’expression « base fxe » n’est pas défnie par les CPDi. L’administration, dans sa
circulaire du 25 mai 2005 déjà abondamment citée, précise que cette notion « vise, par
exemple, le cabinet d’un médecin ou le bureau d’un architecte ou d’un avocat. En principe,
il y aura une base fxe lorsqu’il existe une installation présentant certains caractères de fxité
par l’employeur lui-même et non, par exemple, par une autre société du groupe dont
l’employeur fait partie.

138.
L’article 155 du CIR 1992 dispose que :

« Les revenus exonérés en vertu de conventions internationales préventives de la


double imposition sont pris en considération pour la détermination de l’impôt, mais celui-ci est
réduit proportionnellement à la partie des revenus exonérés dans le total des revenus

Il en est de même pour les revenus exonérés en vertu d’autres traités ou accords
internationaux, pour autant que ceux-ci prévoient une clause de réserve de progressivités.

Lorsqu’une imposition commune est établie, la réduction est calculée par contribuable
sur l’ensemble de ses revenus nets »418.

Par conséquent, lorsqu’une convention internationale conclue par la Belgique aboutit à


l’imposition des revenus du résident belge dans l’Etat où il exerce son activité, les
rémunérations qui s’y rapportent seront exonérées d’impôt en Belgique, avec application
de la réserve de progressivité.

En pratique, cela aboutit à ramener à zéro la quotité de l’IPP aférente à de tels revenus
étrangers éxonérés419, dont le montant net est fxé compte tenu de toutes les règles
applicables pour la détermination de la base audit impôt, en ce compris la déduction des
impôts étrangers qui grèvent ces revenus420.

Les revenus étrangers n’entrent donc pas dans l’assiette de l’impôt, mais interviennent
pour l’application du taux de progressivité. Sur la partie des revenus belges, il y a donc une
augmentation légère de la charge fscale, toutefois largement compensée par le peu, voire
par l’absence d’impôt étranger et l’exonération de toute impôt belge sur lesdits revenus
étrangers421.

et de permanence ». (voyez Circulaire, point 4.3.1). A cet égard, voy. Trib. Bruxelles, 22
avril 2005, rôle n° 2003/9098/A, qui décide qu’un avocat italien ayant conservé sa
résidence fscale en Italie, dispose d’une base fxe en Belgique où il a exercé de manière
habituelle une activité d’avocat auprès d’un cabinet d’avocats bruxellois qui mettait à
sa disposition toute l’infrastructure nécessaire, aucune condition de durée ne fgurant
dans la convention préventive belgo-italienne. Sur cette question, voy. aussi supra, note
n° 991.
418


Le deuxième alinéa a été introduit par la loi déjà citée 27 décembre 2005, portant
dispositions diverses (article 175), et est entré en vigueur lors de l’exercice d’imposition
2006. Le troisième alinéa est applicable depuis l’exercice d’imposition 2005, et a été
introduit par l’article 41 de la loi du 10 août 2001 (M.B. 20 septembre 2001).
419


Cfr. Com.IR, 155/2.
420


Question parlementaire n° 266 du 8.6.1984, posée par le Sénateur de Clippele, B.C.,
1984, n° 634, p. 3096. Voyez aussi infra n°339
421
139.
Si les revenus étrangers pris en compte sont les revenus nets, précisons que les
dépenses forfaitaires déductibles des revenus professionnels et les dépenses
déductibles de l’ensemble des revenus nets (frais de garde d’enfants, de rentes
alimentaires,...) sont réparties proportionnellement entre les revenus belges et
étrangers. S’il est recouru au système des frais réels, ceux-ci sont seulement déductibles
des revenus auxquels ils ont trait. Il peut par conséquent y avoir une incidence
négative, à ce titre, du fait de l’augmentation de la base taxable des revenus de source
belge.

La Cour de Justice européenne a toutefois été amenée à se prononcer sur cette question,
dans une espèce où un résident fscal des Pays-Bas exerçait son activité salariée dans
diférents Etats, dont le sien. Ses revenus étrangers furent exonérés, par application des
conventions concernées, et il fut taxé aux Pays-Bas avec réserve de progressivité. La
question était que le fsc néerlandais avait imputé aux revenus étrangers les déductions
personnelles proportionnellement à leur importance dans le revenu mondial, ce qui avait
pour efet de retirer à ce contribuable plus de 60% du bénéfce des avantages fscaux dont
il aurait dû bénéfcier en raison de sa situation personnelle. Saisie d’une question
préjudicielle par le « Hoge Raad », la Cour décide que ces avantages fscaux doivent être
accordés en totalité au contribuable, dès lors qu’il n’en a pas été tenu compte dans les
autres Etats puisque c’est à l’Etat de résidence qu’il incombe d’iimposer le contribuable
globalement et de tenir compte de sa situation personnelle. La Cour précise encore qu’il
n’existe pas de lien direct entre la réserve de progressivité et l’imputation d’abattements
proportionnellement aux revenus perçus dans l’Etat de résidence. Ce faisant, la Cour de
Justice européenne condamne la méthode critiquée, comme contraire à la libre circulation
des travailleurs salariés, manifestement désavantagés par le fait d’un « salary split ».422

Un sort paraît par conséquent être fait à ce traitement fscal défavorable, qui ne peut en
aucun cas se trouver justifé du fait de l’existence, par ailleurs, d’avantages fscaux liés au
« salary split », comme le souligne très justement la Cour de Justice européenne dans son
arrêt précité.

Le commentaire administratif précise encore que la détermination du montant net des


revenus étrangers exonérés qui doivent être pris en compte pour la détermination de
l’impôt, est déterminé en tenant compte de toutes les règles applicables pour la
détermination de la base à l’IPP. Selon l’administration, cela signife que ces revenus
doivent être pris en considération pour leur montant net, fxés conformément aux règles
qui sont propres à chaque catégorie de revenus, et notamment professionnels, ce qui
implique qu’il doit également être fait application des règles particulières relatives à l’ordre
d’imputation des pertes professionnelles, à la répartition des frais professionnels
déductibles ou à l’imputation du quotient conjugal s’il échet, sur les divers éléments du


On constate donc, par application de la réserve de progressivité, que si la Belgique
exempte le revenu imposé à l’étranger, elle calcule le montant de l’impôt sur le reste du
revenu du résident au même taux que si les revenus étrangers n’avaient pas été
exemptés. Pour une application intéressante en matière de réserve de progressivité,
voyez Trib. Bruges, 1er juin 2004, rôle n° 01-1968-A.
422


CJCE, 12 décembre 2002, Afaire C-385/00, en cause de Groot
revenu423.

140.
Antérieurement, un impact négatif pouvait également se ressentir dans l’hypothèse où
les deux conjoints disposent de revenus professionnels, et dont l’un bénéfcie d’un
« salary split ». Dans ce cas en efet, l’administration prenait en compte les revenus
belges du conjoint pour établir la proportion de revenus étrangers par rapport aux
revenus mondiaux. Suite à une question préjudicielle posée par la cour d’appel de
Liège, la Cour d’arbitrage a prononcé le 17 décembre 1997 un arrêt dans lequel elle
acte la position de l’administration qui accepte d’interpréter dorénavant la réduction
d’impôts conformément à la règle du décumul des revenus professionnels des
conjoints.424

Par conséquent, pour appliquer l’exonération sous réserve de progressivité, qui


implique une réduction d’impôts en droit interne, l’administration ne prendra plus en
compte que les seuls revenus professionnels du contribuable qui recueille à l’étranger
des revenus professionnels exonérés d’impôts en Belgique. 425

La Cour d’arbitrage a eu à se prononcer sur une autre question préjudicielle, à nouveau


posée par la cour d’appel de Liège, et a considéré l’application du régime du quotient
conjugal dans la situation où un des époux bénéfcie de revenus professionnels imposés à
l’étranger exonérés par convention, discriminatoire, comme contraire au principe d’égalité
garanti par la Constitution.426 La Cour d’arbitrage relève ainsi que ce régime, dont la ratio
legis est d’améliorer la situation fscale des époux, aboutit au contraire à alourdir celle-ci en
raison du transfert de revenus que ce quotient conjugal implique. En appliquant
indistinctement ce régime à tous les ménages, le législateur crée une discrimination en
plaçant certains ménages dans une situation plus défavorable que d’autres.427

423


Cfr. Com.IR, 155/29. Voyez cependant les considérations de la Cour d’arbitrage en
matière de quotient conjugal, infra n°340
424


M.B. 11 février 1998.
425


Ce faisant, l’administration s’aligne sur la jurisprudence défnie par l’arrêt de la
Cour de cassation du 5 décembre 1996 (R.W. 1996-1997, 1378), qui a rejeté un pourvoi
introduit contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Bruxelles qui estimait contraire au
principe du décumul de calculer le taux d’imposition moyen applicable à une
indemnité de dédit sur la base des revenus des époux. La loi a été modifée, et a intégré
à l’article 155 CIR92 un dernier alinéa prévoyant le calcul par le contribuable (cf. supra,
n° 338).
426


M.B. 30 février 1998, 2ème édition.
427


Cet arrêt a permis à Jan Van Dyck de titrer : « Le quotient conjugal pour le meilleur et
pas pour le pire », in Le Fiscologue, 13 mars 1998, 652/7.
141.
La question de la prise en charge de pertes dans un contexte international mérite qu’on
s’y arrête un instant. Dans le célèbre arrêt Velasquez, 428 la Cour de cassation consacrait
une double imposition économique internationale, en décidant que l’Etat belge était
en droit d’inclure dans le montant au départ duquel les pertes subies en Belgique
peuvent être déduites, les revenus obtenus à l’étranger et exonérés par application
d’une convention prévention de la double imposition. La Cour fondait son
raisonnement, dans une espèce où une société anonyme belge – en perte – disposait
d’un établissement stable aux Pays-Bas en bénéfce, sur le fait qu’un contribuable est
imposé sur ses revenus mondiaux et que la convention ne régit pas la base imposable
mais seulement l’exonération d’impôt de certains revenus.

La Cour de cassation a confrmé cette jurisprudence à plusieurs reprises,429 également pour


les personnes physiques. Ainsi, dans une espèce où la cour d’appel de Liège avait décidé
que la perte subie en Belgique par un indépendant belge ne pouvait être imputée sur les
revenus exonérés d’une activité de salarié exercée en Allemagne430, la Cour de cassation a
adopté une solution inverse, interdisant au contribuable belge d’imputer une perte belge
sur des bénéfces ultérieurs émanant de son activité belge, s’il perçoit des revenus à
l’étranger431. La perte, selon la Cour de cassation, fdèle à sa jurisprudence Velasquez, doit
être imputée sur le bénéfcie réalisé à l’étranger, même si celui-ci est immunisé par
convention.

La Cour de Justice Européenne a condamné la jurisprudence Velasquez, comme étant


contraire à la liberté d’établissement et à l’égalité de traitement consacrées par le Traité.432
Dans cette espèce, Amid est une société anonyme de droit belge qui possède un
établissement stable au Grand-Duché de Luxembourg. Lors de l’exercice 1981, Amid
enregistre une perte en Belgique alors qu’en même temps, la succursale luxembourgeoise
dégage un bénéfce , exonéré par convention. Dès lors que le droit luxembourgeois ne
permet pas de compenser la perte belge avec le bénéfce réalisé à Luxembourg, Amdi
déduit sa perte encourue en 1981 de ses bénéfces belges réalisés lors de l’exercice social

428


Cass., 29 juin 1984, rôle n° F1155N, F.J.F., 1984, n° 84/164
429


Cass., 27 octobre 1995, Act. Fisc., 1995, n° 42, p. 7; Cass., 16 octobre 1997, F.J.F.,
1997, n°97/250
430


Liège, 2 novembre 1994, RGF, 1995, p. 74 et note L. Hinnekens. En l’espèce, le
contribuable exerce une activité salariée en Allemagne et une activité indépendante se
soldant par une perte en Belgique. Les revenus provenant de l’activité allemande sont
exonérés d’impôt en Belgique, sous réserve de progressivité. Le requérant estimait que,
faute de pouvoir imputer sa perte sur les revenus exonérés, celle-ci devait être
considérée comme récupérable au cours des exercices postérieurs. L’administration
entendait imputer la perte dans le cadre de l’exercice litigieux. La cour d’appel de Liège
a estimé que c’était "à tort que l’administration a imputé au niveau de la base imposable
une perte sur des revenus d’origine allemande qui ne pouvaient légalement être pris en
considération que pour le calcul de l’impôt dû en Belgique"
431


Cass., 27 octobre 1995, précité.
432


CJCE, 14 décembre 2000, Afaire C-141/99, en cause AMID/Etat Belge
1982. Dans le cadre du litige qui s’en suivit, la cour d’appel de Gand a saisi la Cour de Justice
Européenne d’une question préjudicielle portant sur la compatibilité avec le Traité d’une
réglementation qui empêche qu’une perte puisse être déduite du revenu imposable dans
les Etats membres concernés dans la situation décrite ci-avant, « alors qu’elle serait
déductible si les établissements de ladite société étaient situés exclusivement dans l’Etat
membre où elle a son siège »433 C’est ce raisonnement que retint la Cour de justice.

L’Etat Belge s’inclina, mais uniquement en ce qui concerne l’impôt des sociétés.434 Une
ordonnance de la Cour de Justice Européenne intervint le 12 septembre 2002, dans une
espèce où un résident belge, salarié en Allemagne et indépendant en Belgique, s’était vu
intedire de déduire de ses profts belges réalisés ultérieurement les pertes initiales qu’il
avait subies lors de sa première année d’activité en tant qu’indépendant au motif de
l’existence de revenus d’employés perçus en Allemagne la même année que celle où des
pertes furent encourues en Belgique, quoiqu’exonérés par convention435

La Cour confrma sa jurisprudence Amid, se référant cette fois à la liberté de circulation des
travailleurs. Plus précisément, la Cour, sur la question préjudicielle que lui avait posée la
cour d’appel de Mons,436 a jugé ne pas devoir rendre un nouvel arrêt constituant une
deuxième interprétation du Traité CE, estimant que la conclusion ressortait déjà de l’arrêt
Amid auquel elle se réfère.

Il ne peut, dès lors, subsister aucun doute : la réglementation critiquée par la Cour de Justice
européenne vaut tant pour les sociétés que pour les personnes physiques. C’est ce qu’a
décidé, à juste titre, le tribunal de première instance de Bruges, dans un litige où un
kinésithérapeute avait subi des pertes en 1996 en Belgique, en même temps qu’il réalisait
des bénéfces aux Pays-Bas, l’administration refusant une déduction ultérieure en 1997 sur
base de la jurisprudence Velasquez. En fn de compte, dans le litige soumis,
l’administration s’est référée à la position adoptée par la Cour de Justice dans l’ordonnance
Mertens du 12 septembre 2002, ce dont le tribunal prit acte après avoir justement analysé
la portée de cette décision.437

433


ibid, considérant n°17
434


Question n°555 de M. Claude Eerdekens – 11 janvier 2001, Act. Fisc., 2002, n°42, p.
4
435


CJCE, 12 septembre 2002, arrêt n° C-431/01, Fiscologue, n° 880, p. 10, en cause
Mertens / Etat belge.
436


Mons, 2 novembre 2001, rôle n°1995/FI/197
437


Trib. Bruges, 1er avril 2003, rôle n° 2003/95. Voy. aussi CJCE, 13 décembre 2005, Af.
C-446/03, en cause Marlas & Sencer / Royaume-Uni, où la Cour (certes, dans un cadre de
relation société d’établissement au sens des articles 43 et 48 CE que la législation d’un
Etat membre exclue de manière générale la possibilité pour une société mère résidente
de déduire de son bénéfce imposable des pertes subies dans une autre Etat membre
par une fliale établie sur le territoire de celui-ci, alors que cette possibilité existe pour
une fliale résidente, il est par contre contraire à ce principe d’exclure cette possibilité
dans la situation ou, d’une part, la fliale non-résidente a épuisé les possibilités de prise
en compte des pertes existant dans son Etat de résidence pour l’exercice fscal concerné
142.
Le commentaire administratif précise aussi qu’en ce qui concerne les fonctionnaires
d’organisations internationales, deux situations se rencontrent :

A. sauf dispositions expresses fgurant dans les conventions concernées, les


revenus exonérés des fonctionnaires internationaux n’entrent pas en ligne de
compte pour la détermination de l’impôt, ce qui est également valable pour les
pensions d’invalidité, d’ancienneté ou de survie versées par les Communautés
Européennes et par la Banque Européenne d’Investissement;

E. certaines conventions signées par la Belgique prévoient par contre


expressément la prise en considération des rémunérations exonérées des
fonctionnaires internationaux pour le calcul de l’impôt applicable aux revenus
imposables des intéressés (traitements, émoluments payés ou attribués aux
fonctionnaires et membres du personnel, ou à certains d’entre eux,
notamment par l’Agence Spatiale Européenne, le Centre pour le
Développement Industriel, Eurocontrol, l’Institut Universitaire Européen,
l’Organisation Européenne des Brevets, etc.) 438.

C. SITUATION EN CAS D’ABSENCE DE CONVENTION FISCALE


INTERNATIONALE TENDANT A EVITER LA DOUBLE IMPOSITION

143.
Lorsqu’une personne recueille des revenus dans un pays avec lequel la Belgique n’a
conclu aucune convention préventive de double imposition, ceux-ci sont cumulés avec
les autres revenus du contribuable et taxés au taux progressif.

Cependant, afn de réduire cette double imposition, l’article 156 CIR dispose que :

"Est réduite de moitié, la partie de l’impôt qui correspond proportionnellement :

1° - ...
2° - aux revenus professionnels qui ont été réalisés et imposés à
l’étranger, à l’exclusion des revenus de capitaux et biens mobiliers que le contribuable a
afectés à l’exercice de son activité professionnelle dans les établissements dont il dispose
en Belgique; en ce qui concerne les rémunérations de dirigeants d’entreprise, la présente

ou ceux antérieurs d’autre part, il n’existe pas de possibilités pour que ces pertes
puissent être prises en compte dans son état de résidence au titre des exercices futurs
soit par elle-même, soit par un tiers notamment en cas de cession de la fliale à celui-ci.
La Cour a donc estimé que la mesure restrictive allait au-delà de ce qui était nécessaire
pour atteindre les (l’essentiel des) objectifs poursuivis dans la situation décrite ci-avant.
La boucle nous paraît bouclée.
438


Cfr. Com.IR, 155/3 et 155/4.
disposition n’est applicable que dans la mesure où ces revenus sont imputés sur les résultats
d’établissements situés à l’étranger, en raison de l’activité exercée par les bénéfciaires au
proft de ces établissements;
3° - ...".

144.
Dans ce cas, les avantages du régime de fractionnement des rémunérations est moins
intéressant. Il n’y aura pas d’exemption d’impôt, mais une réduction à concurrence de
la moitié de la partie de l’impôt correspondant aux revenus obtenus et imposés à
l’étranger. Cela revient à diviser par deux le montant de l’impôt aférent aux
rémunérations étrangères, alors que celles-ci ont été imposées au taux progressif
normal.

Cette réduction n’est toutefois applicable qu’aux revenus imposables globalement, à


l’exclusion des revenus qui sont efectivement imposés distinctement aux taux réduits
visés aux articles 171 à 174 CIR439.

Ce régime est également susceptible de s’appliquer dans le cas d’un résident fscal belge
qui exerce ses activités dans diférents pays avec lesquels la Belgique a signé une
convention bilatérale préventive de double imposition, lorsque celui-ci ne peut
revendiquer le bénéfce de l’exonération de l’imposition en Belgique.

145.
L’article 156 CIR 92ne défnit pas la notion de revenus professionnels « réalisés et
imposés à l’étranger ». Il s’agit néanmoins de remplir cette double condition, et
d’apporter la preuve qu’il y est satisfait.440

Le législateur s’est simplement contenté, en ce qui concerne les rémunérations des


dirigeants d’entreprise, de ne retenir la réduction du taux que dans la mesure où les
revenus sont imputés sur les résultats d’établissements situés à l’étranger en raison de
l’activité exercée par les bénéfciaires au proft de ces établissements.441

439


Les indemnités de dédit et arriérés de rémunération litigieux, imposables au taux
moyen de la dernière année d’activité professionnelle normale, peuvent bénéfcier de la
réduction de taux (Com.Ir, 155/11 et 171/335) ; l’impôt doit être calculé au taux moyen
de l’année de référence, préalablement réduit de moitié.
Le même régime est réservé au pécule de vacances de départ anticipé qui a été recueilli
et imposé à l’étranger, et qui est taxable au taux aférent à l’ensemble des autres
revenus imposables (Com.IR, 171/42.8).
440


Com.IR, 155/24. Voyez infra, quant à la preuve.
441


Relevons que l’ancien texte de l’article 156, 2° CIR, tel qu’existant avant sa
modifcation par l’A.R. du 20 décembre 1996, ne retenait le critère de l’imputation des
revenus sur les résultats d’un établissement étranger que pour les administrateurs et les
associés actifs. Il y a dès lors une extension considérable de la portée de ce texte, qui
vise dorénavant aussi outre les gérants, les directeurs composant la seconde catégorie
de dirigeants d’entreprise. Par ailleurs, ne sont plus visés les titulaires de parts sociales
Rien de pareil n’est retenu, pour les autres types de rémunération. Il n’y a par conséquent
d’autre condition, s’agissant de la réalisation du revenu à l’étranger, que l’exercice de
l’activité génératrice des dits revenus à l’étranger442.

C’est ce critère que pose en principe le commentaire administratif : des revenus


professionnels sont réalisés à l’étranger lorsqu’ils résultent de l’activité professionnelle
exercée à l’étranger. L’administration comprend parmi ces revenus, et notamment, les
bénéfces réalisés dans un établissement situé à l’étranger, les bénéfces d’une activité
professionnelle ambulante exercée à l’étranger, les profts résultant d’une profession
libérale exercée à l’étranger, les rémunérations généralement payées pour l’activité exercée
à l’étranger (en dehors, d’une part, des tantièmes des administrateurs de sociétés par
actions soumises à l’impôt des sociétés, ces revenus étant censés recueillis au siège social,
d’autre part, des rémunérations qu’un dirigeant d’entreprise de première catégorie d’une
société commerciale belge a recueillies pour ses prestations fournies au proft de
l’établissement étranger de cette société, si ces rémunérations sont admises en déduction
au titre de dépenses professionnelles non pas de l’établissement étranger, mais bien du
siège principal belge), les droits d’auteur payés pour des réalisations, exécutions,
reproductions, et autres supports, efectués à l’étranger, etc.443.

Ne sont pas considérés comme réalisés à l’étranger les bénéfces provenant d’opérations
que le contribuable dirige lui-même du siège belge de l’entreprise, d’où partent toutes les
instructions et convergent tous les résultats, sans intervention d’agents ou
d’établissement étrangers444

exerçant une activité autre que de direction mais sous contrat d’emploi.
442


Com.IR, 155/15. J. Malherbe, étude précitée, n°24, celui-ci précisant toutefois que
"accessoirement, le lieu de paiement des revenus ou celui de la situation du débiteur des
revenus peut contribuer à caractériser une réalisation à l’étranger" ; Bruxelles, 21
septembre 2005, rôle n° 94-FR-166, qui décide que les revenus professionnels,
immunisés d’impôt à Chypre, sont considérés comme ayant été imposés à l’étranger, au
sens de l’article 156 CIR 92.
443


Com.IR, n° 155/16 -17, /18.
444


Com.IR n° 155/18
146.
Le revenu sera, d’autre part, considéré comme "imposé à l’étranger" lorsqu’il aura subi le
régime fscal qui lui est normalement applicable dans le pays d’origine, peu important,
d’une part la forme de la charge fscale frappant le revenu (impôt sur base réelle,
taxation forfaitaire, impôt global ou cédulaire, ...), d’autre part que certains éléments de
ce revenu ne sont pas imposables dans le pays d’origine ou y sont expressément
exonérés d’impôt445.

Il suft dès lors que le revenu soit imposable en principe à l’étranger, même s’il est
exempté d’impôt446.

L’administration précise en outre, et à cet égard, que la preuve de la taxation dans le pays
d’origine ne sera pas exigée ni pour les revenus de biens immobiliers, ni davantage pour
les rémunérations normales versées par un employeur étranger447. Dans les autres cas, la
preuve de l’imposition dans le pays d’origine doit en principe être produite par le
contribuable. Elle n’est toutefois pas systématiquement exigée, sauf s’il existe un doute
sérieux quant à la réalité de l’impôt à l’étranger 448.

Il est en outre exigé que l’impôt soit légalement établi, afn que le revenu soit considéré
comme valablement imposé à l’étranger et que cet impôt soit, par conséquent, pris en
compte. Tel ne serait pas le cas si l’impôt étranger était payé à tort et donc indûment449.
445


ComIR, 155/20, et les références citées, et particulièrement l’arrêt de la Cour de
cassation du 15 septembre 1970, en cause SIDRO, J.T., 1970, p.626 et Pas., 1971, p.37, où
la Cour énonce qu’il faut se borner à vérifer si le revenu étranger a été assujetti à son
régime fscal dans le pays où il fut réalisé, la réduction d’impôt prévue par la loi belge
n’étant assortie d’aucune modalité fondée sur la nature, la forme ou le montant de
l’imposition à l’étranger ; Bruxelles, 21 septembre 2005, rôle n° 94-FR-166, qui décide,
dans une espèce où les revenus professionnels, immunisés d’impôt à Chypre, sont
considérés comme ayant été imposés à l’étranger, au sens de l’article 156 CIR 92.
446


J. Malherbe, précité, n°25.
447


Com.IR, 155/21 (la discussion portera sur le contenu du terme « normales »). Dans
le cas particulier où les rémunérations résultent d’une activité exercée dans un pays
extra-européen, et avec lequel la Belgique n’a pas conclu de convention préventive de
double imposition, l’administration admet, sans plus, que 30% des rémunérations
brutes imposables, préalablement diminuées des charges sociales obligatoires belges
et/ou étrangères, ont été imposées à l’étranger. Si le contribuable apporte la preuve
qu’une partie plus importante de ses rémunérations a été imposée à l’étranger, il y aura
lieu, selon l’administration, de tenir compte de ce montant réel dans le cadre de la
réduction du taux (Com. IR, 155/23). Voir infra, les développements relatifs à la
circulaire AGCD du 5 mars 1992.
448


Com.IR, 155/22. L’administration précise que "il n’y a pas lieu, lors de l’examen des
documents produits, de faire montre de trop de rigueur. Si la situation reste identique, la
preuve déjà produite ne doit plus être exigée pour les années suivantes"
449


J. Malherbe, étude précitée, n°27 et les références qu’il cite. Cet auteur précise que,
par contre, le contribuable a le droit de ne pas contester un impôt établi à l’étranger
sans que l’administration puisse substituer sa propre appréciation à celle du redevable.
Enfn, il n’est pas requis que le lieu d’exercice d’activités, le lieu de paiement par
l’employeur de la rémunération et/ou le lieu d’établissement de l’impôt soit situé dans un
même Etat.

147.
Le montant net des revenus étrangers imposables au taux réduit est déterminé en
prenant en considération toutes les règles applicables pour la détermination de
l’assiette de l’IPP. Il faut en conséquence se référer aux règles propres à chaque
catégorie de revenus, ce qui implique, pour les revenus professionnels, l’application
des règles relatives notamment à la répartition des frais professionnels déductibles, à
l’attribution éventuelle au conjoint aidant et au quotient conjugal, ainsi qu’à l’ordre
d’imputation des pertes professionnelles 450.

D. CAS D’APPLICATION

Le revenu imposable globalement d’un ménage sans enfant à charge, dans lequel le
mari seul bénéfcie de revenus professionnels, se compose comme suit (exercice
d’imposition 2004, revenus 2003).

Rémunérations nettes :

- belges 37.500 €
- étrangères imposables à taux réduit 10.000 €
- étrangères exonérées 32.500 €
- réduction en faveur des conjoints - 3.390 €
------------------
total imposable globalement : 76.610 €

- impôt à répartir (arrondi) 27.700 €

* *

Ventilation de l’impôt de base réduit (en valeurs arrondies) :

- quotité aférente aux rémunérations belges :


27.700 x 37.500 = 13.559 €
450


Com.IR, 155/29. Voyez cependant supra n°340, les développements relatifs à la
prise en compte des revenus du conjoint.
76.610

- quotité aférente aux rémunérations


étrangères à taux réduit :
* 27.700 x 10.000 = 3.616 €
76.610

* réduction pour revenus étrangers :


3.616 x 50% = (-) 1.808 €

- quotité aférente aux rémunérations


étrangères exonérées (100%)
27.700 x 32.500 = (-) 11.751 €
76.610
----------------
- reste dû à l’impôt : 14.141 €

- réduction totale pour revenus d’origine étrangère :


1.808 + 11.751 = (-) 13.559 €

CHAPITRE VI

L'intéressement des dirigeants et des rtavailleurs

148.
L’intéressement du personnel par le biais d’un plan d’options sur actions, et plus
spécifiquement des cadres et dirigeants d’entreprise, peut recouvrir divers aspects :

- psychologique, puisqu’il s’agit de permettre aux membres du personnel de participer


d’une manière active à la bonne marche de l’entreprise, en leur donnant la
possibilité d’en devenir propriétaires en partie et de participer à la distribution de
bénéfices, générant ainsi en eux une motivation supplémentaire et porteuse pour
l’entreprise, en tous cas pendant la période d’indisponibilité qui précède la
possibilité d’exercer les options octroyées ;

- sociétaire, par la création d’un bloc d’actionnaires stable, davantage intéressés à la


survie économique et commerciale de l’entreprise qu’à sa simple valeur
d’investissement financier ;

- fiscal, ce mécanisme pouvant apparaître comme la mise en place d’un complément de


revenus sous une forme plus avantageuse.

Force est toutefois de reconnaître que, dans la plupart des cas, du moins lorsque les actions
acquises sont aisément négociables sur un marché (par exemple, actions cotées en bourse,
SICAV, …), les travailleurs qui exercent leurs options cèdent ensuite immédiatement les
actions qu’ils ont ainsi pu acquérir et réalisent une plus-value. Les objectifs d’ordre
psychologique ou sociétaire, et principalement ce dernier, s’en trouvent ainsi
considérablement réduits.

149.
D’une façon générale, dans un plan d’option sur actions, le travailleur reçoit le droit
d’acquérir des actions de la société-employeur ou de n’importe quelle autre société à un
prix convenu à l’avance et à une certaine période dans le futur. Si au moment où le
bénéficiaire envisage de lever l’option, la valeur des actions est supérieure au prix fixé au
départ, il réalisera une opération intéressante; dans le cas contraire, il n’a bien entendu
aucun intérêt à lever l’option et s’en abstiendra.

L’opération comporte donc, en toute hypothèse, un certain aléa, dont on peut toutefois se
prémunir, dans la pratique, en prévoyant un prix d’option suffisamment favorable pour
faire face à une chute importante du cours ou de la valeur de l’action sous-jacente dans le
délai d’option accordé.

Les articles 41 à 47 de la loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour
l’emploi 1998 et portant les dispositions diverses,
ont instauré un nouveau régime d’imposition en matière d’options sur actions. Les
articles 403 à 407 de la loi programme (I) du 24 décembre 2002
ont modifié ce nouveau régime d’imposition, non seulement quant aux modalités requises
pour offrir l’option que pour se la voir attribuer, mais aussi en offrant une possibilité
unique de prolonger la période d’exercice, pour une période de trois ans au maximum,
des plans d’options sur actions mis en place entre le 1 er janvier 1999 et le 31 décembre
2002.

Après la Loi-programme du 24 décembre 2002, c’est maintenant la loi de relance


économique du 27 mars 2009 qui prévoit une possibilité analogue de prolonger (d’un
maximum de 5 ans) la période d’exercice de plans d’options sur actions conclus entre le
1er janvier 2003 et le 31 août 2008.
150.
L’article 41, 3° de la Loi
définit l’option comme étant « le droit d’acheter ou de souscrire, à l’occasion de
l’augmentation du capital d’une société, un nombre déterminé d’actions à un prix
déterminé ou déterminable pendant une période déterminée ».

Quant à l’action, elle est définie comme « toute action, part ou part bénéficaire d’une
société »
, la société étant quant à elle « toute société belge ou étrangère dotée de la personnalité
juridique »
.

La loi autorise par conséquent un employeur à émettre une option sur des actions d’une
société quelle qu’elle soit, par exemple d’une société d’investissement belge à capital
variable (SICAV), et pas uniquement sur les siennes propres ou sur celles d’une société
mère. Aucun rapport n’est donc nécessaire entre l’employeur et les actions faisant l’objet
du plan d’options
. Toutefois, le fait que les actions sous-jacentes soient émises par une société n’ayant
aucune relation avec la société émettrice a un impact sur la valorisation
.

151.
L’article 42, § 1er de la Loi prévoit que « Les avantages de toute nature obtenus en raison
ou à l’occasion de l’activité professionnelle du bénéficiaire, sous forme d’attribution
gratuite ou non d’option constituent, dans le chef de celui-ci, un revenu professionnel qui
est imposable, lorsqu’il ne l’a pas affectée à l’exercice de son activité professionnelle, au
moment de l’attribution de cette option ».

Le texte amène à deux constatations :

- d’une part, la Loi s’attachant d’une façon générale à l’activité professionnelle du


bénéficiaire de l’option, s’applique tant aux salariés qu’aux dirigeants
d’entreprises et aux indépendants ;

- d’autre part, l’avantage taxable sera imposé à l’attribution, qui est donc le fait
générateur de l’impôt.

Cette seconde considération mérite qu’on s’y arrête. En effet, l’article 42, § 1er, al. 2 de la
Loi dispose que « lorsque le bénéficiaire a accepté l’offre par écrit au plus tard le
soixantième jour qui suit la date de l’offre, l’option est, au point de vue fiscal, censée
attribuée ce soixantième jour, même si l’exercice de l’option est soumis à des conditions
suspensives ou résolutoires. Le bénéficiaire qui n’a pas notifié par écrit, avant
l’expiration de ce délai, son acceptation de l’offre, est censé avoir refusé l’offre. ».
Par ailleurs, l’article 41, 4° de la Loi définit l’offre comme étant « l’offre d’option datée et
notifiée par écrit au bénéficiaire ».

L’administration fiscale considère que l’offre d’option est notifiée au bénéficiaire de celle-
ci le jour où il est à même de pouvoir décider, en toute connaissance de cause, s’il refuse
ou accepte l’offre ferme et définitive qui lui est faite, ce qui implique qu’il soit informé
de toutes les modalités liées à l’option offerte.
Déjà dans ses commentaires, l’administration recommandait en 1999 que l’offre soit
écrite et personnalisée. La loi programme (I) du 24 décembre 2002 précitée a donné à cet
écrit un cadre légal qu’il n’avait pas lors de l’adoption de la loi du 26 mars 1999.

Egalement, le législateur, le 24 décembre 2002, a renversé la présomption qu’avait


instaurée, initialement, la loi du 26 mars 1999
: auparavant en effet, l’offre d’option était censée acceptée à défaut pour le bénéficiaire
de manifester son refus endéans ce même délai. Le texte, tel que modifié, prévoit qu’en
cas de silence du bénéficiaire de l’offre, dans le délai de soixante jours imparti, il est
censé l’avoir refusée.

Si donc, le bénéficiaire d’une offre d’option notifie son acceptation par écrit avant le
soixantième jour suivant la date de l’offre, l’option sera censée attribuée ce soixantième
jour.

Egalement, la Loi met sur un même pied, au regard du moment de l’imposition de


l’avantage imposable associé à l’émission d’options sur actions, celles qui sont
inconditionnelles et celles dont l’exercice est soumis à des conditions suspensives ou
résolutoires. Le législateur a choisi cette voie, manifestement dans un but de simplicité
et pour couper court à toutes interprétations plus complexes les unes que les autres, qui
ont par ailleurs encore cours aujourd’hui en raison des régimes d’options sur actions
antérieurs à la loi du 26 mars 1999, et sur lesquels nous reviendrons par la suite.

L’inconvénient, toutefois, de cette règle univoque est qu’un salarié ou dirigeant


d’entreprise peut être imposé en raison de l’attribution d’une option sur actions qu’il ne
sera peut-être jamais à même d’exercer, soit en raison du non-accomplissement d’une
condition suspensive, soit au contraire en raison de la survenance d’une condition
résolutoire. Il y a, par conséquent, un décaissement, égal au montant de l’impôt, lors de
l’attribution de l’option, alors même qu’il se peut, ne fût-ce que parce que l’action sous-
jacente aurait une telle tendance baissière, que le bénéficiaire de l’option renoncerait à la
lever alors même qu’il se trouverait dans les conditions pour le faire.

152.
Cette dernière question a fait couler beaucoup d’encres, et c’est la raison pour laquelle la
loi programme (I) du 24 décembre 2002 déjà citée a complété l’article 47 de la Loi par un
paragraphe 4, libellé comme suit : « pour les plans d’options sur actions conclus entre le
1er janvier 1999 et le 31 décembre 2002, la société qui offre les options peut, avant le 30
juin 2003, en accord avec les bénéficiaires des options allonger la période d’exercice de
celles-ci de maximum 3 ans sans charge fiscale supplémentaire. ». En un second alinéa,
l’article 47, § 4 prévoit encore que « cet accord doit être notifié à l’Administration avant
le 31 juillet 2003. ».

De la sorte, le législateur a estimé que les bénéficiaires d’options disposaient d’une chance
supplémentaire de voir les actions sous-jacentes reprendre quelque ardeur, ce qui pourrait
les encourager à lever les options dans la mesure où ils seraient dans les conditions pour
le faire, et d’éviter ainsi que tout ou partie de l’impôt ait été payé en vain.

Pour pouvoir entrer en considération pour la prolongation, les options doivent répondre
simultanément à plusieurs conditions, que l’administration fiscale a reprises dans une
criculaire
. Ainsi, l’attribution des options d’un point de vue fiscal est fondée sur le texte tel qu’il
était en vigueur avant sa modification par l’article 404 de la loi programme du 24
décembre 2002 déjà citée, c’est-à-dire l’absence de refus par écrit de l’offre d’option
avant le soixantième jour suivant la date de celle-ci. Il faut aussi que les options soient
toujours en cours, c’est-à-dire qu’elles n’aient pas encore été exercées et que la période
d’exercice ne soit pas encore expirée, ainsi que le fait que les options aient été offertes au
cours de la période comprise entre le 2 novembre 1998 (on remonte donc au soixantième
jour qui précède le 1er janvier 1999, date d’entrée en vigueur de la Loi) et le 31 décembre
2002 inclus (ce qui suppose que peuvent également être prises en compte les options
attribuées en 2003 au soixantième jour qui suit une offre effectuée au plus tard le 31
décembre 2002).

Comme mentionné ci-dessus, la loi de relance économique du 27 mars 2009 a prévu


une possibilité analogue de prolonger (d’un maximum de 5 ans) la période d’exercice
de plans d’options sur actions conclus entre le 1er janvier 2003 et le 31 août 2008, en
complétant l’article 47 de la loi par un paragraphe 5, libellé comme suit : « Pour les
plans d’options sur actions conclus entre le 1er janvier 2003 et le 31 août 2008, la
société qui offre les options peut, avant le 30 juin 2009, en accord avec les
bénéficiaires des options, allonger la période d’exercice de cinq ans au maximum
sans charge fiscale supplémentaire. Toutefois, la prolongation ne vaut, pour
l’ensemble des plans souscrits par un même bénéficiaire auprès d’une même société,
que pour des options à concurrence d’une valeur fiscale de 100.000 euros. » Un
second alinéa impose que : « Cet accord doit être notifié à l’Administration avant le
31 juillet 2009. » Enfin, il est précisé que « Pour l’application de l’alinéa 1er, il est
dérogé à l’article 499 du Code des sociétés. »

Comme pour la première prolongation, une Circulaire adoptée par l’administration, le


8 mai 2009, relative au régime fiscal des options sur actions, reprend les conditions
que devaient simultanément respecter les options sur actions pour pouvoir entrer en
considération dans le cadre de la prolongation :
- les options doivent être attribuées d’un point de vue fiscal; c’est-à-dire que les
options devaient avoir été acceptées par écrit au plus tard le
soixantième jour qui suit la date de l’offre ; (notons que pour les
options offertes avant le 10 janvier 2003, il suffisait que les options
n’aient pas été refusées par écrit avant le soixantième jour qui a suivi
la date de l’offre);

- les options doivent toujours être en cours, c’est-à-dire qu’elles n’avaient pas encore
été exercées, ni annulées et que la période d’exercice n’était pas
encore expirée;

- les options doivent avoir été offertes dans la période allant du 2 novembre 2002 au
31 août 2008 inclus.
Entrent donc également en considération pour la prolongation, les options offertes
dans la période allant du 2 novembre 2002 au 31 décembre 2002 inclus et qui n’ont
pas été refusées par écrit avant le soixantième jour qui a suivi la date de l’offre. Il est
toutefois exclu que la période d’exercice d’options qui avait déjà été allongée une fois
dans le passé sans charge fiscale supplémentaire conformément à l’article 47, § 4, de
la loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi 1998 et portant
des dispositions diverses, soit de nouveau allongée sans charge fiscale supplémentaire,
cette fois en vertu de l’article 21 de la loi de relance économique du 27 mars 2009.

La possibilité d’allonger la période d’exercice sans charge fiscale supplémentaire était


limitée par bénéficiaire à un certain nombre d’options dont la valeur fiscale totale
n’excède pas 100.000 euros. La limite de 100.000 euros doit être considérée par
bénéficiaire pour l’ensemble des plans que ce bénéficiaire a souscrits auprès d’une
même société. Cette limite doit donc être appréciée dans le chef d’un bénéficiaire par
société qui attribue les options. A proprement parler, il n’est donc pas exclu que pour
un même contribuable, des options d’une valeur fiscale supérieure à 100.000 euros
fassent l’objet d’une prolongation sans charge fiscale supplémentaire, si ces options
lui ont été attribuées par plusieurs sociétés. Lorsque la limite de 100.000 euros est
dépassée, les options ne peuvent pas être prises en considération pour la prolongation
dans la mesure où elles dépassent cette limite.

Afin de pouvoir prolonger la période d’exercice des plans d’options, l’accord des
bénéficiaires est requis pour l’application de la législation fiscale. Il n’est pas exigé que
l’accord sur la prolongation soit demandé à tous les bénéficiaires des options sur actions
susceptibles d’entrer en considération pour cette prolongation, en vue de procéder à une
telle prolongation. Il suffit donc que l’accord soit uniquement demandé aux personnes
pour lesquelles la prolongation est envisagée. Par ailleurs, la circonstance que toutes les
personnes à qui l’accord sur la prolongation a été demandé n’acceptent pas la
prolongation, ne constitue pas une entrave à la prolongation de la période d’exercice des
plans d’options pour ceux qui l’ont effectivement acceptée.

Un accord sur la prolongation doit être notifié à l’Administration avant le 31 juillet 2009.
Une telle notification doit comporter une identification précise et les caractéristiques
essentielles (description de l’action sous-jacente, prix et période d’exercice, conditions
importantes) des options attribuées, les modalités de la prolongation, ainsi que l’identité
(nom, adresse, numéro national ou pour un non-résident le numéro banque-carrefour et le
numéro d’identification fiscal « NIF » du pays de résidence, ou bien, à défaut de ces
numéros, la date et le lieu de naissance) des personnes au profit desquelles la
prolongation est effectuée.

153.
Quatre moments d’imposition pourraient être considérés : soit le moment où l’option est
octroyée, soit celui où elle peut être exercée, soit celui où elle est effectivement exercée,
soit encore le moment où les actions sont vendues. Comme on l’a vu, la loi du 26 mars
1999 a retenu le moment de l’attribution de l’option, censé intervenir soixante jours après
l’offre écrite d’option faite au travailleur et qui l’a acceptée par écrit dans ce délai, et cela
même si l’exercice de l’option est soumis à des conditions suspensives ou résolutoires.

154.
On doit aussi distinguer selon que l’option, soit octroie à son bénéficiaire un droit
irrévocable à l’exercice de l’option et à la disposition des actions, on parle alors d’option
inconditionnelle, soit, à l’inverse ne confère pas de droit irrévocable. La plupart des
options soumettent leur exercice à l’accomplissement de conditions (par exemple, que
l’emploi soit toujours en cours). Ces options sont dites conditionnelles ou « précaires ».

155.
Les options octroyées peuvent être cotées ou négociées en bourse, ou ne pas l’être.

Lorsqu’on se trouve en présence d’options cotées ou négociées en bourse, l’avantage


imposable est déterminé d’après le dernier cours de clôture de l’option qui précède le jour
de l’offre.
Dans les autres cas, l’avantage imposable est fixé forfaitairement à un pourcentage de la
valeur, au moment de l’offre, de l’action sous-jacente. Dans ce cas, une nouvelle
distinction doit être faite, selon que les actions sous-jacentes sont ou non cotées ou
négociées en bourse.

Lorsqu’elles le sont, la valeur de l’action est, au choix de la personne qui offre l’option,
soit le cours moyen de l’action dans les trente jours précédant l’offre, soit le dernier cours
de clôture qui la précède.

Dans l’hypothèse où les actions sous-jacentes ne sont ni cotées ni négociées en bourse, on


retient la valeur réelle au moment de l’offre, déterminée par la personne qui offre l’option
(par exemple, le conseil d’administration de la société employeur), sur avis conforme d’un
commissaire réviseur, d’un réviseur d’entreprise ou d’un expert-comptable de la société
émettrice des actions sous-jacentes, sans toutefois que la valeur ne puisse être inférieure à
la valeur comptable de ces actions telle qu’elle ressort des derniers comptes annuels
clôturés et approuvés avant la date de l’offre lorsqu’il s’agit de parts représentatives du
capital ou du fonds social, soit à la valeur déterminée d’après le droit que leur confèrent
les statuts de la société émettrice lorsqu’il s’agit de parts non-représentatives du capital
ou du fonds social.

156.

La Loi prévoit une évaluation forfaitaire de l’avantage de toute nature, retenu au moment
de l’attribution.

Celui-ci est égal à 18% de la valeur de l’action sous-jacente, augmentée de 1% par année
ou partie d’année au-delà de la cinquième lorsque l’option peut être exercée pendant plus
de cinq ans à compter de l’offre. Le régime légal a donc opté pour une imposition à
l’attribution sur la base de la valeur de l’option.

Ces taux de 18% et 1% sont toutefois réduits de moitié, pour autant que l’option réponde
aux conditions suivantes :

- le prix de l’exercice de l’option doit être déterminé de manière certaine au moment de


l’offre ;

- l’option ne peut être exercée avant l’expiration de la troisième année civile qui suit celle
au cours de laquelle l’offre a eu lieu, et ne pourra plus être exercée après
l’expiration de la dixième année civile suivant celle au cours de laquelle a eu lieu
l’offre ;

- l’option ne peut être cédée entre vifs ;

- il ne peut y avoir de couverture du risque de diminution de valeur des actions sous-


jacentes après l’attribution de l’option, directement ou indirectement, ni par la
personne qui émet l’option, ni par une personne se trouvant dans des liens
d’interdépendance avec celle-ci. Cette condition, définie par l’article 43, § 6, 3°
de la Loi, n’exclut par conséquent pas que l’option soit couverte par un tiers non-
interdépendant. Par couverture, on vise tout moyen permettant au bénéficiaire de
l’option de dégager un bénéfice lors de l’exercice de celle-ci, encore l’action
sous-jacente verrait-elle sa valeur chuter. Ce pourrait être, par exemple, le
remboursement de l’impôt payé à l’attribution, ou encore l’émission simultanée
d’un « put »
;

- l’option doit porter sur des actions de la société au profit de laquelle l’activité
professionnelle est exercée (société-employeur), ou sur des actions d’une autre
société qui détient une participation directe ou indirecte dans la société
employeur, au sens de l’arrêté royal du 8 octobre 1976
relatif aux comptes annuels des entreprises.

Les taux réduits de 9% et de 0,5% peuvent également s’appliquer, alors même que les
conditions d’indisponibilité et de terme, ainsi que d’incessibilité, ne sont pas remplies,
pour autant que le bénéficiaire de l’option s’engage unilatéralement et par écrit à les
respecter.

La Loi prévoit aussi un mécanisme de taxation supplémentaire, lorsqu’il apparaît que le


prix d’exercice de l’option est inférieur à la valeur, au moment de l’offre, des actions sur
lesquelles porte l’option. Dans ce cas, la différence est ajoutée à l’avantage imposable.

157.
Un exemple permet d’illustrer ces règles :

Une option permet à son bénéficiaire d’acquérir pour un prix de 100, au cours d’une
période de 3 ans prenant cours 5 ans après la date d’attribution, un sous-jacent d’une
valeur de 100 à la date l’offre. La base d’imposition est, par conséquent :

- 100 x 9 = 9
100

- 3 x 0,5 = 1,5

Total : 10,5

Si le prix d’exercice avait été de 75 et non de 100, la base imposable aurait alors été
augmentée de 25, pour la portée à 35,5. Si cette option portait toutefois sur des actions à
émettre en raison d’une augmentation de capital visée à l’article 609 C.S., dont nous
parlerons par après, le montant de 25 aurait été diminué de 20, limite maximale de la
décote, en sorte que la base d’imposition se serait élevée à 15,5.

Si l’option ne répond pas aux conditions pour bénéficier des taux réduits, et pour
reprendre l’exemple précédent, les bases imposables seraient respectivement 21 pour un
prix d’exercice à 100, 46 pour un prix d’exercice à 75, et 26 si l’option porte sur des
actions de personnel.

158.
Il se peut que l’option soit assortie, soit au moment de l’offre, soit ultérieurement après
son attribution, jusqu’à l’échéance de la période d’exercice de l’option, de clauses qui ont
pour effet d’octroyer un avantage certain au bénéficiaire de cette option : dans ce cas, cet
avantage constituera un revenu professionnel de la période imposable au cours de laquelle
il devient certain, et dans la mesure où il excède le montant de l’avantage déterminé
forfaitairement au moment de l’attribution de l’option.

Cet avantage peut être certain, c’est-à-dire définitivement acquis au bénéficiaire et


quantifiable
, dès l’attribution (par exemple, le cas de l’octroi d’un « put » destiné à couvrir le
bénéficiaire de l’option du risque de perte et de lui assurer même un gain minimal), ou
après l’attribution (le plan d’option prévoit lors de l’exercice l’octroi d’une décote
calculée en fonction de la valeur de l’action sous-jacente)
.

159.
Une règle particulièrement importante, corollaire du choix du législateur de faire de
l’attribution le fait générateur de l’impôt, est l’absence totale d’imposition dans le chef du
bénéficiaire de l’option lorsque celui-ci soit exerce l’option, soit cède les titres sous-
jacents ainsi acquis et réalise une plus-value.

En effet, l’article 42, § 2 de la Loi prévoit que « lorsqu’il s’agit d’options ou d’actions
non affectées par le bénéficiaire à l’exercice de son activité professionnelle, les
avantages obtenus à l’occasion de l’aliénation d’une option, de l’exercice de celle-ci ou
de l’aliénation des actions acquises par l’effet de cet exercice ne constituent pas des
revenus professionnels imposables. ».

160.
Aux termes de l’article 44 de la Loi, les avantages de toute nature attribués sous forme
d’options imposables dans le chef du bénéficiaire, doivent être mentionnés par la société-
employeur sur les fiches individuelles et relevé récapitulatif prévus par l’article 57, CIR
92. La même obligation pèse sur le contribuable belge au profit duquel le bénéficiaire
d’options exerce son activité professionnelle, lorsque celles-ci sont attribuées par une
société non-résidente, sans établissement en Belgique. Dans ce cas, il importe peu que la
société-employeur belge prenne ou non en charge le coût de cet avantage.

A défaut, la Loi prévoit que ces avantages seront considérés comme des avantages
anormaux ou bénévoles à ajouter aux revenus imposables de la société employeur.
Aux termes de l’article 45 de la Loi, les dispositions du CIR 92 sont applicables en
matière d’options sur actions, pour autant qu’il n’y soit pas dérogé.

L’article 270 CIR 92 impose au contribuable qui paie ou attribue une rémunération, à
retenir un précompte professionnel. Il ne fait guère de doute qu’en l’espèce, l’octroi de
l’option constitue le fait générateur du précompte, que l’employeur retiendra sur la
rémunération payée au salarié ou dirigeant d’entreprise. A noter que si l’option est
attribuée par une société non résidente, la société-employeur belge devra retenir un
précompte professionnel si elle intervient de manière significative dans la procédure
d’octroi de ces options.
161.
L’arrêté royal du 5 octobre 1999
exempte de cotisations de sécurité sociale les avantages qui résultent de l’octroi
d’options sur actions à des travailleurs salariés. Pour définir l’avantage exempté,
l’arrêté royal se réfère explicitement à l’article 42 de la Loi
Néanmoins, ces avantages seront soumis à pareilles cotisations :

- d’une part lorsque l’option est « in the money », c’est-à-dire que son prix d’exercice est
inférieur à la valeur, au moment de l’offre, des actions sous-jacentes, auquel cas,
les cotisations sociales seront calculées sur le montant de la décote, considérée
alors comme une rémunération ;

- d’autre part, lorsque l’option contient des clauses prévoyant un avantage certain garanti
par la société-employeur, la valeur de l’avantage est considérée comme une
rémunération passible de cotisations de sécurité sociale.

Cette exemption ne vaut donc pas pour les personnes qui n’exercent pas une activité
salariée, et notamment les dirigeants d’entreprises.

162.
Nous n’allons pas, dans le cadre de cet ouvrage, nourrir la polémique qui entoure le sort à
réserver à une option sur actions, tant en cours de contrat
qu’à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Dans le droit positif belge, il n’y a pas nécessairement concordance entre la législation
fiscale, sociale ou de sécurité sociale. Ainsi, ce n’est pas parce que la législation fiscale
exonère un avantage que celui-ci ne peut pas être considéré, sur le plan du droit social,
comme une rémunération, passible de sécurité sociale.

163.
Une question importante, en rapport avec les options sur actions, est celle de savoir si
celle-ci constitue un avantage acquis en vertu du contrat de travail au sens de l’article 39,
§ 1er, alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1978.

Tant la jurisprudence que la doctrine ont fait apparaître des décisions et opinions variées.

La cour du travail de Bruxelles a décidé que le fait d’accorder une option sur actions ne
peut être considéré, en soi, comme la rétribution de prestations de travail et ne peut donc
être vu comme constituant un avantage acquis en vertu du contrat.
La cour précise que le gain éventuel obtenu lors de la levée de l’option ne peut être
considéré davantage comme une rémunération dès lors qu’il n’est pas la conséquence de
la contrepartie du travail convenu dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Inversement, la cour du travail d’Anvers


retient un avantage lors de l’attribution d’une option sur actions, tout en précisant que la
plus-value hypothétique que l’acquisition de l’action sous-jacente pourra conférer au
travailleur n’est pas déterminable au moment même de l’attribution de l’option.

Selon certains auteurs, l’octroi d’une option sur actions n’est pas nécessairement la
contrepartie de la prestation du travail, en sorte que si l’attribution d’une telle option peut
constituer un avantage, celui-ci n’est pas nécessairement une rémunération au sens de
l’article 39 précité de la la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail.
D’autres, au contraire, considèrent que s’il existe un avantage, il ne réside pas dans
l’attribution de l’option en elle-même, mais uniquement dans l’éventuelle plus-value qui
pourra être réalisée par le travailleur au moment où il cède les actions sous-jacentes qu’il a
acquises lors de la levée de l’option. La plus-value en elle-même ne peut être prise en
considération dans le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis, dans la mesure où le
bénéfice qu’en retire le travailleur trouve sa cause dans la décision qu’il a prise de
négocier la cession de ces actions.
164.
La Cour de cassation paraît avoir tranché la question, dans son arrêt du 4 février 2002
: lorsque le travailleur se voit attribuer une option sur actions, il a une chance de gain, qui
doit être considérée comme l’avantage acquis en vertu du contrat de travail au sens de
l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978. Quant au gain ultérieur, qu’il réalise après avoir
levé l’option et cédé ses actions, il ne doit pas être pris en compte pour le calcul de
l’indemnité de préavis, étant les conséquences des fluctuations du cours des actions et de
sa qualité d’actionnaire.
165.
D’autres questions sont encore susceptibles de se poser, dans le détail desquelles nous
n’entrerons pas. Ainsi, les conditions suspensives ou résolutoires dont sont très
couramment assortis les plans d’options sur actions sont-elles susceptibles d’entrainer
l’application de l’article 6 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, qui tient pour
nulle toute stipulation contraire aux dispositions de la loi et de ses arrêtés d’exécution, dès
lors qu’elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations ?
Qu’en est-il en cas d’un transfert conventionnel d’entreprise au sens de la CCT 32 bis du
7 juin 1985 ? Etc.

Nul doute que ces questions, ou d’autres, feront encore parler d’elles…
Introduction et définitions générales

166.
Nous ne pouvons passer sous silence le régime d’options sur actions tel qu’il existait
avant la loi du 26 mars 1999. En effet, si plus aucun plan d’options sur actions ne peut
être mis en place aujourd’hui sur base de l’article 45 de la loi du 27 décembre 1984,
abrogé par l’article 47, § 2 de la loi du 26 mars 1999, ce régime reste néanmoins
applicable pour les options émises avant le 1er janvier 1999 et non échues à cette date.

Les options sur actions agréées (ou réglementées) étaient celles qui répondaient aux
conditions de cet article 45 de la loi du 27 décembre 1984. Ce régime, qui se fait en
exemption d’impôt, était toutefois lié au respect d’un nombre de conditions strictes. Nous
les examinerons ci-après.

Tous les autres plans, qui ne rencontraient pas les dispositions de l’article 45 susdit,
étaient repris dans la catégorie des plans non agréés (ou non réglementés). Ce fut, et de
loin, la situation la plus couramment rencontrée.

Si l’article 45 de la loi du 27 décembre 1984 traitait, pour la première fois spécifiquement


des options sur actions, il a laissé subsister une grande part d’incertitude, dans la mesure
où ce régime ne réglait pas définitivement la question que ce soit sur le plan fiscal ou de
sécurité sociale.

167.
L’article 45, § 1er, 2° de la loi du 27 décembre 1984 définissait la convention d’option sur
actions comme étant "la convention écrite par laquelle une société s’engage, soit à céder
à un travailleur à un prix déterminé et dans un délai déterminé, un nombre déterminé
d’actions ou parts représentatives de son capital social ou du capital social de la société
dont elle est considérée, de manière irréfragable, être une filiale au sens de la législation
comptable, soit à lui permettre de souscrire, dans les mêmes conditions, à une
augmentation de capital".

L’article 45, § 1er, 3° précisait par ailleurs que le prix de l’option correspond au « prix des
actions ou parts fixé dans la convention d’option sur actions et qui sera réellement payé
ou libéré par le travailleur lors de la levée de l’option ». En son § 2, cette même
disposition prévoyait toutefois que le prix de l’option ne pouvait être inférieur :

- pour les titres cotés en bourse, à la valeur mentionnée dans le prix courant établi pour le
mois au cours duquel la convention d’option sur action est conclue, par
l’administration de la TVA, de l’Enregistrement et des Domaines;

- pour les titres non cotés en bourse, à la valeur qui résulte de la division du montant des
fonds propres de la société par le nombre d’actions ou parts représentatives de
son capital;

- pour les titres cotés en bourse à l’étranger, à la valeur fixée d’après des modalités à
déterminer par le Roi.
Conditions d’exonération

168.
Outre le fait que l’entreprise octroyant l’avantage devait être soumise à l’ISoc ou à l’INR,
les conditions prescrites par l’article 45 de la loi du 27 décembre 1984 étaient les
suivantes :

- le prix de l’option ne pouvait être inférieur à un certain minimum, comme écrit plus
haut;

- les actions faisant l’objet de l’option étaient soit celles de la société-employeur, soit
celles de la société dont elle est une filiale au sens de la législation comptable;

- la convention devait être écrite, et conforme à une convention-type préalablement


approuvée par l’assemblée générale des associés. Elle devait en outre faire
référence à l’article 45 dans son intitulé;

- la convention d’option ne pouvait stipuler de clause d’arrhes permettant d’annuler, le


cas échéant, la transaction;

- la convention devait être conclue à partir de 1985;

- l’employé ne pouvait acquérir plus de 5% du capital souscrit de la société;

- la levée totale ou partielle de l’option devait être effectuée par l’employé pendant qu’il
est au service de la même société (ou de la filiale, ou de la société sur les titres de
laquelle il détient une option sur actions);

- l’option devait être levée un an au plus tôt et six ans au plus tard à partir de la date de la
convention d’option;

- le montant total des sommes payées par l’employé, lors de la levée d’une ou de plusieurs
options sur actions ne pouvait excéder, par année civile, ni 25% des
rémunérations qu’il a obtenues de la société au cours de la dernière année
antérieure pendant laquelle il a eu une activité professionnelle normale, ni
500.000 francs belges;

- les actions ou parts dont l’employé devient propriétaire suite à la levée de son option
devaient être déposées à la Banque Nationale de Belgique. La restitution des
dépôts ainsi que le transfert volontaire des actions déposées au profit de tiers,
étaient interdits pendant deux ans à compter de la date du dépôt.

Il n’est pas besoin d’écrire combien ces conditions étaient draconiennes et pratiquement
incompatibles avec le but poursuivi lorsqu’une entreprise octroie un plan d’action à ses
cadres et dirigeants. Il n’est, dès lors, guère étonnant de lire dans l’exposé des motifs de
la loi du 26 mars 1999 que quatorze entreprises seulement ont mis en place un tel plan
d’options entre 1986 et 1999…
169.

L’article 45, § 3 de la loi du 27 décembre 1984 précisait que:

"Si, en raison ou à l’occasion de la levée d’une option sur actions, un


avantage imposable au sens de l’article 26, al.2, 2° du même Code, est obtenu par un
travailleur, cet avantage est exonéré de l’impôt des personnes physiques ou de l’impôt
des non résidents à concurrence du montant constitué par l’excédent que présente la
valeur des actions ou parts revenant au travailleur lors de la levée d’une option sur
actions par rapport au prix de l’option".

En d’autres termes, si un avantage imposable dans le chef du bénéficiaire de l’option, au


sens de l’article 32 CIR 1992, apparaît en raison ou à l’occasion de la levée de l’option,
cet avantage est exempté d’impôt. Cette exemption est soumise aux conditions rappelées
plus haut.

Le texte légal est très sibyllin. Le législateur ne s’était pas prononcé expressément sur la
question essentielle: l’attribution d’une option sur actions constitue-t-elle, en soi, un
avantage imposable et, dans l’affirmative, la manière de déterminer les montants
taxables.

La solution de l’imposabilité n’était toutefois pas certaine et était combattue par certains
auteurs, dont Thierry Afschrift
. Celui-ci considérait en effet que la valeur de l’option était égale au prix que devrait
payer une personne étrangère à l’entreprise pour obtenir le même droit. Lorsque les
actions sont cotées, cette valeur est aisément déterminable. Lorsqu’elles ne le sont pas, la
détermination de la valeur est une question de fait. Selon lui, et en conséquence, seul le
montant de la valeur de l’option, déterminé en tenant compte des conditions du marché
lors de l’attribution de celle-ci, pourrait constituer un avantage lorsque l’option est
acquise gratuitement par le travailleur.
Si ce dernier doit payer un certain montant pour obtenir le droit d’acquérir l’option au
moment où elle est consentie, ce serait alors seulement la différence entre la valeur réelle
de l’option et ce montant qui pourrait constituer l’avantage imposable
.

Toujours selon M. Afschrift, c’est à tort que l’administration soutient que l’ensemble de la
différence entre la valeur de l’action lors de la levée de l’option et sa valeur lors de
l’attribution de l’option constituerait un avantage en nature imposable : en effet, cette
différence ne constitue en rien la contrepartie du travail du membre du personnel en
question. La même plus-value serait réalisée par n’importe quelle personne, même
étrangère à l’entreprise, qui acquerrait l’action ou une option sur celle-ci. Elle trouve
donc sa cause exclusivement dans l’évolution du cours de l’action, qui dépend d’une série
d’éléments aléatoires étrangers au travail du membre du personnel bénéficiaire de
l’option. Il n’y avait, selon lui et en conséquence, guère de sens pour le législateur
d’exonérer sous certaines conditions, la différence entre la valeur de l’action lors de
l’exercice de l’option et cette même valeur lors de l’attribution de celle-ci. Cet auteur en
tirait la conséquence qu’il n’était pas indispensable qu’une entreprise respecte le régime
mis en place par la loi du 27 décembre 1984, particulièrement strict et lourd, pour éviter
toute taxation dans le chef de l’employé auquel elle souhaitait accorder une option sur
actions.

Evaluation et moment de l’imposition

170.

On en revient ainsi à reparler des plans d’options non agréés, c’est-à-dire qui ne
rencontraient pas les conditions de l’article 45 de la loi du 27 décembre 1984.

A titre liminaire, il faut d’abord souligner que les insuffisances de l’article 45 de la loi du
27 décembre 1984, et les difficultés d’interprétation qu’il a pu susciter, ont entraîné, telle
une conséquence nécessaire, tant son irrespect que l’existence d’une jurisprudence loin
d’être univoque. Encore aujourd’hui, il règne une grande confusion, non seulement quant
à déterminer le moment auquel l’option sur actions est, le cas échéant, imposable, mais
encore quant aux termes à retenir pour définir l’évaluation de cette éventuel avantage.

En réalité, la seconde question a toujours été liée à la première : on peut toutefois se


demander si, suite à l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 4 février 2005
et sur lequel nous reviendrons, l’approche ne devrait pas être différente.

171.
Le débat, quant au moment de l’imposabilité, peut se circonscrire comme suit :

- la doctrine et, avec elle, les contribuables, ont toujours très majoritairement soutenu que
l’avantage de toute nature qui pouvait découler d’une option sur actions devait
s’apprécier au moment de son octroi, et non au moment de sa levée. La
philosophie gouvernant cette position est, somme toute, très simple et, à notre
sens, fondée : lorsque le travailleur se voit attribuer une option, et dès ce moment,
entre dans son patrimoine un droit susceptible d’évaluation. Par la suite, lorsque
le travailleur lève l’option qui lui a été octroyée, il ne fait qu’exercer un droit
constituant un acte de gestion normale de son patrimoine privé, et
l’enrichissement qui peut en découler ne saurait être en aucune façon considéré
comme une rémunération imposable.
Le montant imposable, s’il y en a, est la valeur de l’option au moment de
l’attribution ;

- l’administration fiscale, au contraire, a toujours soutenu que l’avantage ne devient


imposable qu’au moment où l’option est levée, l’exercice étant donc le fait
générateur de l’impôt et non l’attribution de l’option elle-même.
L’administration en déduit que l’avantage taxable est égal à la différence entre la valeur
de l’action au moment de son exercice et le prix qu’a pu payer le travailleur, en
raison de l’option qui lui a été octroyée, pour acquérir cette action.

172.
L’administration fiscale fondait sa position sur base d’une interprétation, fortement
critiquée, de l’article 45, § 3 de la loi du 27 décembre 1984 aux termes duquel si, en raison
ou à l’occasion de la levée d’une option sur action, un avantage imposable est obtenu par
un travailleur, il est exonéré d’impôt à concurrence du montant constitué par l’excédent
que présente la valeur des actions ou parts revenant au travailleur lors de la levée de cette
option par rapport au prix de celle-ci.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 16 janvier 2003
, a tranché cette question et ainsi mis fin à la controverse – du moins le croyait-on –, en
décidant que :

« Qu’il résulte des travaux préparatoires de cette loi que le législateur de 1984 n’a pas
entendu se prononcer sur la question de savoir si l’avantage découlant de la levée de
l’option était ou non taxable mais qu’il a seulement défini les conditions auxquelles
l’avantage obtenu par un salarié en raison ou à l’occasion de la levée de l’option serait
exonéré d’impôt ;

Attendu que, pour déterminer si le salarié reçoit un avantage de toute nature imposable,
au sens de l’article 26 précité, il y a lieu de se placer au moment de l’attribution de
l’option ;

Que les gains éventuels obtenus par le salarié au moment où il lève l’option sont la
conséquence des fluctuations de la valeur des actions, et non le produit du travail au
service de son employeur où un avantage acquis en vertu du contrat de travail ; ».

Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt subséquent de la Cour de cassation, le 7


novembre 2003
.

173.
Le tribunal de première instance de Bruxelles, dans une décision très motivée du 30 juin
2004,
s’est fondé sur cette jurisprudence pour décider que « l’option constitue un droit
définitivement acquis au premier demandeur dès son attribution (…), les conditions
suspensives et résolutoires n’ayant pas pour effet de déterminer l’existence de l’option,
mais seulement l’exercice de celle-ci et dès lors, la réalisation du gain éventuel par la
levée de l’option, ainsi que la valeur de celle-ci. ».

Cette décision rencontrait, par conséquent, la problématique des options dites


conditionnelles, qui sont celles que l’on rencontre le plus souvent dans la pratique.

Dès lors que l’analyse faite par le tribunal rencontrait le droit commun des obligations, et
faisait une application, à notre sens exacte, des effets liés aux conditions suspensives et
résolutoires, il nous semblait qu’on en avait fini avec la volonté de l’administration
fiscale de voir les options sur actions imposées au moment de leur exercice.

174.
C’était sans compter sur un nouvel arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 février 2005,
dont nous avons déjà évoqué l’existence. Dans un premier temps, la Cour confirme sans
ambages qu’en principe, l’option est imposable au moment où elle est octroyée
: en cela, l’affirmation est conforme aux arrêts rendus par cette même Cour les 16
janvier et 7 novembre 2003.

Cependant, la Cour poursuit en disant qu’il n’y a pas d’imposition lorsque la possibilité
de lever l’offre est soumise à un événement futur et incertain
. La possibilité d’imposer est donc reportée lorsque la faculté d’exercice dépend d’un
événement futur et incertain.

La Cour de cassation en déduit, confirmant ainsi la décision rendue par la cour d’appel
d’Anvers le 19 février 2002
, que l’imposition doit intervenir au moment de l’exercice effectif de l’option, et non lors
de son octroi
.

Entre ainsi dans le paysage fiscal une expression reprise par la Cour de cassation, sans
qu’elle ne soit le moins du monde explicitée, étant l’option présentant un « caractère
précaire permanent »
. Nous déplorons, dès ce stade, que cette notion pour le moins sibylline, n’ait pas vu ses
contours précisément définis par la Cour de cassation.

Nous déplorons aussi que la Cour de cassation ne soit pas allée plus au fond des choses.
Certes, elle était saisie d’un pourvoi et tenue par les termes de celui-ci. Elle aurait
toutefois pu, sur cette base, davantage analyser les événements futurs et incertains
auxquels elle se référait. En effet, en retenant cette notion comme étant le fait générateur
d’un report d’imposition, de l’octroi vers l’exercice, la Cour de cassation englobe non
seulement les conditions suspensives, mais aussi les conditions résolutoires, qui sont
pourtant deux notions totalement distinctes et qui ont des effets juridiques très différents
les unes des autres.

Il n’est pas besoin de rappeler, qu’à suivre la jurisprudence constante de la Cour de


cassation, une condition suspensive n’affecte pas l’existence d’une convention, mais a
pour effet de suspendre l’exécution de l’obligation qui en est assortie
. Quant à la condition résolutoire, elle n’empêche aucunement que l’obligation, pendente
conditione, soit exécutée, l’obligation n’étant révoquée qu’au moment où la condition se
réalise.
Il n’est évidemment pas possible de considérer que ces deux types de conditions puissent
avoir les mêmes effets au regard de l’obligation qui en serait assortie. C’est pourtant ce
que décide apparemment la Cour de cassation, au nom de ce « caractère précaire
permanent », semblant considérer que le simple fait qu’au moment de l’octroi de l’option,
un événement futur dont la survenance n’est pas certaine la conditionne, suffit à la rendre
« précaire ». Rien donc ne rentrerait, en réalité, dans le patrimoine privé du travailleur
bénéficiant de l’option, son droit n’étant définitivement acquis qu’au moment où
l’exercice est réalisé, c’est-à-dire au moment où ce caractère précaire aurait, par
définition, pris fin.

175
Reste cependant à définir ce que cette précarité peut recouvrir.

L’analyse des faits dont a eu à connaître la Cour de cassation dans le cadre du pourvoi
interjeté contre l’arrêt de la cour d’appel d’Anvers, laissait apparaître des conditions
d’exercice du plan d’option particulièrement complexes et enchevêtrées. Selon les
éléments que l’on peut déduire à la lecture de ces arrêts, on comprend que l’option prenait
fin en toute hypothèse dix ans après la date de son octroi. Le travailleur qui en bénéficiait
ne pouvait toutefois lever les options acquises qu’à concurrence d’un tiers après le
premier anniversaire de la date d’octroi des options, un deuxième tiers après l’écoulement
d’une deuxième année et le dernier tiers après la troisième année à dater de l’octroi.

Il était également prévu que les options tombaient en tout cas si le contrat d’emploi était
rompu pour faute grave dans le chef des bénificiaires d’option.
.

Par ailleurs, le plan d’option sur action prévoyait également trois autres « fins anticipées »
du contrat, étant soit le licenciement du salarié pour une cause autre que grave, soit la
survenance dans son chef d’une incapacité totale et permanente ou d’une mise à la
pension sous certaines conditions, soit enfin en cas de décès, auquel cas et respectivement,
lui-même ou ses héritiers pouvaient encore exercer les options durant trois mois, cinq ans
ou douze mois après la fin du contrat.

Si la notion de « caractère précaire permanent » signifie que tant qu’on n’a pas exercé une
option en raison d’un événement futur et incertain, elle n’est pas définitivement acquise à
celui qui se l’est vue octroyée, force est de constater que la seule hypothèse où l’option
tombait était celle d’un licenciement pour faute grave.

Les autres hypothèses ne paraissent en aucun cas concerneées par cette solution
empirique : en effet, voir simplement l’exercice d’une option suspendue par un terme,
événement certain, connu et palpable au moment de l’octroi d’une option et de son
acceptation, ne rentre assurément pas en ligne de compte pour la notion retenue par la
Cour de cassation. Quant au fait qu’en fonction de certains événements, le bénéficiaire de
l’option pourrait être amené à devoir l’exercer dans un temps plus bref, c’est sans
incidence sur le droit à l’exercice, puisque le travailleur peut toujours en bénéficier durant
une période convenue. L’événement incertain, étant la fin du contrat de travail, ne rend
pas l’option précaire en soi, puisqu’en toute hypothèse, dans le cas d’espèce, pendant
trois mois, cinq ans ou douze mois selon les hypothèses envisagées, l’option était
toujours exerçable
.

Quant au motif grave, il empêche le bénéficiaire de pouvoir exercer les options qui lui ont
été octroyées. On peut, certes, y voir une certaine précarité. Mais l’aléa n’est-il pas le
propre des options ? Même une option inconditionelle pourrait n’être jamais exercée, dès
lors que le marché, qu’il soit boursier ou non, serait tel que son bénéficiaire n’y aurait
aucun intérêt, voire y perdrait forcément en levant les options octroyées. Par ailleurs, il
faut admettre, et prétendre le contraire serait faire fi de la réalité de la relation du travail,
que si un travailleur se fait licencier pour faute grave, et que celle-ci est avérée parce que
reconnue telle par le travailleur lui-même ou par la juridiction compétente, c’est le
travailleur bénéficiaire qui aura créé, seul, les conditions de cette précarité.

176.
Nous sommes donc ni partisans, ni convaincus de la jurisprudence ainsi dégagée par la
Cour de cassation le 4 février 2005. Outre qu’elle mélange les notions, en omettant de
faire des distinctions pourtant requises en droit, elle aboutit à ce que la décision de
principe qu’elle reconnaît pourtant être la bonne, à savoir l’imposition au moment de
l’octroi de l’option, devienne l’exception, puisque non seulement la plupart des plans
d’options sont conditionnels, mais en plus tous les plans d’options, sauf de très rares
exceptions, excluent l’exercice de l’option en cas de licenciement de son bénéficiaire
pour faute grave.

Mais il y a plus…

La Cour de cassation semble vouloir éviter les incertitudes, nécessairement liées aux
événements futurs dont on ne sait s’ils vont ou non survenir.

Placer le moment de l’imposition lors de l’exercice de l’option rend pourtant les choses
bien plus incertaines, sur le plan de l’impôt et de son montant, que de retenir le moment de
l’octroi de cette option dont on pourra déterminer alors la valeur, sous déduction de
l’intervention éventuelle du travailleur. A ce moment, quelles que puissent être les
difficultés d’évaluation, surtout lorsque l’option n’est pas cotée, elle peut néanmoins se
faire dans un contexte connu. Que dire de ce qui pourrait survenir entre le moment de
l’acceptation par le travailleur de l’option qu’on lui octroie et le jour de son exercice : en
voulant supprimer une prétendue précarité, la Cour de cassation, au contraire, en crée
une.

On doit également s’interroger sur la nécessaire concomitance de l’exercice de l’option


avec le moment d’imposition, même à suivre le raisonnement de la Cour de cassation : en
effet, les options pourraient être définitivement acquises sans pour autant que leurs
bénéficiaires ne les exercent immédiatement. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’une
option est assortie de la condition suspensive d’être encore au service de l’employeur
deux ans après l’octroi, et que dans ce cas, elles ne pourront être levées qu’après
l’écoulement d’une année.

La condition se réalise, mais l’exercice de l’option est suspendu par le terme. Lorsque le
bénéficiaire lève les options lors de la survenance du terme, cela fait déjà au moins un an
que l’événement futur et incertain a disparu, ôtant tout caractère précaire permanent à
l’option. Il nous semble que dans ce cas, la Cour de cassation devrait nuancer sa
position :

- soit elle considère le moment d’imposabilité au jour où se réalise la condition, soit dans
l’exemple à l’expiration, de la deuxième année, et apprécie la valeur de l’option
à cette date ;

- soit, et cette seconde solution a notre préférence car elle est conforme aux effets
attachés aux conditions suspensives, la réalisation de cette condition opère ex
tunc
, en sorte que si l’imposition pourrait n’intervenir qu’à ce moment, elle devra se fonder
sur la valeur de l’option au jour de son octroi.

Rien ne justifie en tous cas que l’on choisisse la date d’exercice de l’option dans ce cas.

Si, maintenant, une condition résolutoire était indiquée dans ce même plan, prévoyant le
non-exercice des options non encore levées en cas de rupture du contrat pour faute grave
dans le chef du travailleur, la situation, toujours à suivre le raisonnement de la Cour de
cassation, devrait également être revue : à partir du moment où le droit d’exercice était
acquis, soit dans l’exemple cité ci-dessus au bout de la troisième année, si le licenciement
intervient ultérieurement à la date à laquelle le bénéficiaire de l’option avait la possibilité
d’exercer ses options, et qu’il ne l’a pas fait, il doit, seul, en supporter le risque. Dans ces
conditions, cela plaide forcément en faveur de l’imposition au moment de l’octroi de
l’option, dès lors que le droit est né et qu’il peut être exercé dans les conditions du plan.
Le cas échéant, la condition résolutoire affecte la plus-value qu’aurait pu espérer en tirer
le bénéficiaire de l’option, mais celle-ci, comme l’a très clairement décidé la Cour de
cassation les 16 janvier et 16 novembre 2003, n’est pas le produit du travail au service
d’un employeur, ou un avantage acquis en vertu d’un contrat de travail, mais bien la
conséquence des fluctuations de la valeur des actions, liées à de multiples facteurs
exogènes.

177
La pièce n’est donc pas définitivement jouée. Rappelons toutefois que dans la loi du 26
mars 1999, le législateur a choisi la solution de l’imposition au moment de l’octroi des
options, que celles-ci soient ou non soumises à des conditions suspensives ou résolutoires.
Les travaux préparatoires et les réponses que le ministre a pu donner aux multiples
questions qui ont été posées en cette matière depuis l’adoption de cette loi montrent que la
volonté a été de mettre au point un système simple. Nous ne nous prononcerons pas sur la
pertinence de cette législation et sur les résultats auxquels elle a pu aboutir. Nous
constaterons seulement que sur ce point-là, le législateur ne s’est pas trompé :
l’incertitude pèse très lourdement sur le passé, et nous ne pouvons que regretter cette
confusion qui opacifie un peu plus la lecture par les contribuables des droits qui leur sont
conférés.
Il reste à espérer que lors d’affaires subséquentes, en rapport avec l’ancien régime
d’options, la Cour de cassation apportera les nuances souhaitées, et s’attachera davantage
à l’examen des faits : il apparaît clairement en l’espèce que la Cour de cassation, au motif
que la cour d’appel n’aurait pas violé la foi due aux actes, n’a pas examiné l’exactitude
des faits sur base desquels se fondait l’arrêt attaqué, alors même, comme nous l’avons
relevé ci-dessus, qu’il n’existait rien d’autre que le risque très limité d’un licenciement
pour faute grave pour entraîner la perte du droit d’exercice des options. Nous demeurons
persuadés, à ce stade, que si la Cour de cassation avait pu apprécier les faits dans leur
globalité, elle aurait nécessairement distingué terme, condition suspensive et condition
résolutoire.

C’est tout le mal que nous souhaitons aux contribuables dans un proche avenir.

178.
Dans son arrêt du 13 décembre 2006, la cour d’appel de Bruxelles a eu à connaître
d’un cas d’espèce dans lequel le contribuable était un cadre étranger détaché en
Belgique. La société mère américaine qui l’avait détaché en Belgique avait créé un
plan de stock options. L’attribution desdites options était soumise à la condition
suspensive que leur bénéficiaire demeurait au service de la société mère américaine ou
d’une de ses filiales pendant une période minimale d’un an suivant la date
d’attribution des options visées. Ce n’était donc qu’au moment de la réalisation de
cette condition que l’attribution des options devenait juridiquement définitive. Le
contribuable a levé son option sur les actions 5 ans après l’attribution. La Cour a jugé
qu’il y a lieu de se placer au moment de l’attribution (définitive) de l’option pour
déterminer si le salarié reçoit un avantage de toute nature imposable.
Dans une affaire soumise à la cour d’appel de Gand, rien ne révélait que l’octroi du
plan d’options sur actions avait été effectué sous condition suspensive. Les
dispositions relatives à la suspension de l’exercice des options sur actions ne
démontraient en aucune façon un caractère précaire des options sur actions. La Cour
en est donc arrivée à la conclusion que l’octroi définitif a eu lieu au moment de
l’octroi du plan d’options et non au moment de l’exercice/du retrait.
Dans une autre affaire, le requérant, employé de la société de droit américain, avait
conclu avec son employeur une convention intitulée " stock option agreement " par
laquelle il s’était vu attribuer une option d’achat expirant le 30 juin 1986 portant sur
1.200 actions de ladite société pour un prix déterminé par la convention d’option et
correspondant à la valeur bilantaire. Le requérant avait exercé cette option en juin
1986 et avait conservé toutes les actions au moins jusqu’au 8 août 1988. L’Etat belge
a reconnu, dans ses conclusions, que l’avantage imposable résultant de
l’attribution des options était définitivement acquis à la date de la signature de la
convention.
Régime de sécurité sociale

179.
En ce qui concerne la matière de la sécurité sociale, le sort réservé aux options attribuées
antérieurement au 1 er janvier 1999, la question ne paraît pas définitivement résolue non
plus.

L’article 2 de la loi du 12 avril 1965


dispose que constitue de la rémunération au sens de la sécurité sociale l’avantage
évaluable en argent auquel le travailleur a droit, à charge de son employeur, en raison de
son engagement. Des options sur actions attribuées gratuitement, voire avec une
intervention du bénéficiaire, peuvent être constitutives d’un avantage évaluable en argent
(même si l’évaluation de la valeur d’une option, lorsqu’elle n’est pas cotée, est
extrêmement complexe à définir)
.

L’ONSS, si elle paraît s’être allignée sur la solution fiscale des plans agréés, considérant
en effet le bénéfice qui pourrait être retiré de l’attribution d’une option comme n’étant pas
un salaire, semble néanmoins considérer qu’en cas de plan d’options non agréé, des
cotisations de sécurité sociale sont dues sur l’avantage pouvant en dériver.

180.
A cet égard, trois considérations méritent d’être faites :

- d’abord, aux termes mêmes du texte légal précité, encore faut-il que l’avantage évaluable
en argent soit à charge de l’employeur. Si l’avantage est octroyé par un tiers, par
exemple la société-mère de l’employeur, et qu’aucun coût n’est supporté par
l’employeur du travailleur bénéficiant de l’option, aucune cotisation de sécurité
sociale n’est due, puisqu’il n’y a pas de rémunération au sens où la loi l’entend ;

- ensuite, pour qu’on puisse parler de rémunération, encore faut-il que l’on soutienne qu’il
y a bien une charge qui pèse sur l’employeur, ce qui ne découle pas du simple
fait de l’attribution de l’option par cet employeur. On doit en effet retenir que
l’option confère le droit d’acquérir une action. Que l’action existe ou qu’elle soit
encore à émettre, c’est l’actionnaire qui s’en prive (« qui en supporte la charge »),
et non l’employeur lui-même
. Cette position n’est pas forcément suivie par la jurisprudence, néanmoins ;

- enfin, il ne faut certainement pas se placer au moment où le travailleur bénéficiant d’une


option lève celle-ci, dans la mesure où le gain éventuel qu’il réalise lors de cet
exercice et/ou lors de la vente ultérieure des actions ainsi acquises, résulte
exclusivement des fluctuations des cours des actions et de sa qualité
d’actionnaire, mais n’est en rien la conséquence de l’exécution de son contrat de
travail
.

De ce qui précède, on peut conclure que, la plupart du temps, même en cas d’attribution
d’un plan d’options non agréé, il ne sera pas question de rémunérations au sens du régime
de sécurité sociale, évitant ainsi que ne soit perçues des cotisations de sécurité sociale. La
prudence reste toutefois de mise.

181.
La question, en cette matière, est particulièrement complexe. Elle dépasse largement le
cadre du présent ouvrage, dès lors qu’elle implique un examen détaillé des conventions
préventives de la double imposition, qui peuvent elles-mêmes varier selon l’Etat avec
lequel la Belgique a conclu ce traité. Nous en donnerons, par conséquent, un bref aperçu
ci-après, en nous référant, essentiellement, à la récente circulaire publiée par
l’administration dont l’objet est de commenter la manière dont l’administration fiscale
belge applique l’article 15 de ces conventions préventives de la double imposition (ci-
après, CPDI).
182.
On admet communément que les options sur actions soient traitées comme un élément de
la rémunération visé à l’article 15 de la convention modèle de l’OCDE.
S’il résulte un avantage pour le travailleur qui se voit attribuer une option d’achat, le sort
qui sera réservé à son imposition sera par conséquent régi par cette disposition et son
interprétation.

L’administration considère que lorsqu’une option d’achat est attribuée à un travailleur


résident belge ou, s’il est non-résident, exerçant son activité salariée en Belgique,
l’avantage en résultant est imposé en Belgique « conformément à son droit interne, c’est-
à-dire tant en ce qui concerne la détermination du montant de l’avantage censé octroyé
qu’en ce qui concerne le moment où cet avantage est censé octroyé. »
L’administration estime donc devoir se référer au droit interne belge, que le travailleur
exerce son activité en Belgique ou sur le territoire d’un autre Etat. Cette approche n’est
pas nécessairement suivie par la jurisprudence, elle-même fort controversée.
Rappelons toutefois que dans la convention modèle OCDE, l’article 3.2 renvoie, pour
l’interprétation des termes non définis dans la convention, à la législation fiscale de l’Etat
qui applique la convention, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente.

183.
En Belgique, on l’a vu, la loi du 26 mars 1999 fait de l’attribution l’effet générateur de
l’impôt, qu’il existe ou non des conditions suspensives ou résolutoires, dès lors que le
bénéficiaire de l’option a accepté celle-ci par écrit dans un délai de soixante jours après
que l’offre lui ait été notifiée par la même voie.

Toutes les législations internes ne prévoient pas ce régime. Force est donc de constater que
par application des dispositions conventionnelles, une double imposition voire une
absence d’imposition de tout ou partie de l’avantage pourrait survenir.

La circulaire administrative envisage donc l’hypothèse où la Belgique est soit Etat de


résidence, soit Etat d’activité, soit ni l’un ni l’autre.

Dans la dernière hypothèse, et en principe, la Belgique n’a pas de pouvoir d’imposition,


sauf activité ultérieure à laquelle l’option peut encore être rattachée. Si la Belgique est
l’Etat d’activité au moment où l’option est censée attribuée, il doit être déterminé si la
Belgique peut imposer tout ou partie de l’avantage qui résulterait de l’attribution de cette
option à un travailleur non-résident en vertu de l’article 15 CPDI et, dans l’affirmative, le
droit interne belge sera appliqué à tout ou partie de l’avantage quitte à ce que,
ultérieurement, l’imposition soit éventuellement revue s’il devait s’avérer qu’elle n’est
pas conforme à cette disposition.

Dans l’hypothèse où la Belgique est l’Etat de résidence, elle appliquera dans tous les cas le
droit interne belge, et imposera l’intégralité de l’avantage, l’imposition étant
éventuellement revue au moment où l’option est exercée s’il doit s’avérer, à ce moment-
là, que l’avantage de toute nature en résultant n’est pas exclusivement imposable en
Belgique.

184.
La circulaire fait encore de nombreuses distinctions, selon que l’option se rattache
exclusivement à une activité exercée au moment de l’attribution en Belgique ou à une
activité antérieure qui était exclusivement exercée en Belgique, à une activité
exclusivement exercée dans un Etat partenaire ou rattachée exclusivement à cet Etat
partenaire en raison d’une activité antérieure ou encore lorsque l’activité antérieure est
exercée en partie en Belgique et en partie dans l’autre Etat. Il est en effet courant qu’entre
le moment où l’option est attribuée et celle où elle est exercée, le salarié exerce ses
activités dans différents Etats. Les avantages pouvant résulter du plan d’option sur action
peuvent par conséquent se rapporter, suivant les cas, à toutes ses activités, ou seulement à
une partie de celles-ci, tenant compte de circonstances de faits qu’il faut rechercher et
déterminer dans chaque cas.

Une option peut en effet se rattacher à l’activité exercée au moment où elle est attribuée.
Elle peut également se rattacher à une activité qui a été exercée antérieurement, tenant
compte, par exemple, de résultats obtenus au cours de deux ou trois derniers exercices.
Elle peut aussi être rattachée à une période d’activité postérieure à celle de l’attribution,
par exemple lorsque le plan d’options sur actions prévoit que pour pouvoir exercer celles-
ci, le bénéficiaire devra encore prester deux ou trois années au service de son employeur.
L’option peut également se rattacher simultanément à diverses périodes.

A cet égard, la circulaire fait une étude relativement exhaustive de la question, en calquant
sa position sur la réflexion menée par l’administration fiscale au regard du moment
d’imposabilité des options allouées antérieurement au 1er janvier 1999 et que nous avons
longuement commentées plus haut.
L’administration en conclut que si des travailleurs exercent dans différents pays un
emploi auquel une option se rapporte, il faudra répartir l’avantage entre ceux-ci, en
principe déterminé pro rata temporis, en prenant en considération le nombre de jours ou,
si l’activité est exercée sur une longue période, le nombre de mois d’activité dans les
états respectifs.
Les difficultés inhérentes à cette matière justifient un examen particulièrement attentif
lorsqu’elles se rencontrent ou que les parties intéressées recherchent la réduction de leur
coût fiscal, par exemple en planifiant un détachement du travailleur
.

185.
L’utilisation d’un plan d’options sur actions dans un contexte international fait également
l’objet d’une disposition légale particulière. En effet, l’article 43, § 6, alinéa 3 de la Loi,
stipule que si le risque de diminution de valeur des actions sous-jacentes est couvert
postérieurement à l’offre, ou si le contribuable qui a pris l’engagement individuel de
respecter ces conditions n’apporte pas la preuve que l’option n’a pas été cédée ni qu’elle
a bien été exercée entre l’expiration de la troisième année civile et avant l’expiration de la
dixième année qui suit celle au cours de laquelle l’offre a eu lieu, ou qu’elle n’a pas été
exercée, « un avantage imposable égal à la moitié de l’avantage déterminé
conformément au paragraphe 5 est considéré comme un revenu imposable de l’année en
cours de laquelle le bénéficiaire transfère son domicile ou le siège de sa fortune à
l’étranger et au plus tard, comme revenu de la onzième année civile qui suit celle au
cours de laquelle l’offre a eu lieu ».

Cette disposition, pour imprécise qu’elle est, suscite d’importantes difficultés


d’interprétation
. La loi fixe comme période imposable l’année de l’émigration du contribuable. Quant au
moment imposable, il découle non pas de ce transfert à l’étranger, mais bien du non-
respect des conditions prévues par la loi ou par l’engagement individuel du contribuable
lui-même afin de bénéficier du taux de valorisation favorable. Par conséquent, et dès lors
que la loi ne modifie pas les délais d’imposition, le risque de forclusion est réel lorsque le
non-respect des conditions imposées intervient après le départ du bénéficiaire du plan
d’option de la Belgique.
Sur le plan pratique, enfin, nous nous interrogeons sur la manière dont cette règle peut
être mise en œuvre à l’égard de bénéficiaires de plans d’options qui ont quitté la Belgique,
qui se trouvent au service d’un nouvel employeur tout en continuant à bénéficier du plan
qui leur a été octroyé.
Cette interrogation est, sans doute, plus pertinente en ce qui concerne le non-respect par
le bénéficiaire de l’option de son engagement individuel qu’en ce qui concerne la
couverture postérieure du risque de diminution de valeur de l’action sous-jacente par
l’employeur qui l’a attribuée.

PLAN D'INVESTISSEMENT EN ACTIONS DE SOCIETES

186.
Ce régime reste exceptionnel en Belgique, à tout le moins dans les groupes d’origine
belge. Il est d’usage courant aux U.S.A., sous la qualification de « employee stock
ownership plan ».
Ce type de plan permet généralement aux employés d’acquérir des actions de la société
par le biais de contributions personnelles retenues sur leur salaire et par versements de la
société. Les employés doivent conserver leurs actions pendant une certaine période.

Les contributions patronales sont traitées comme une rémunération imposable et


soumises à la sécurité sociale, et sont par ailleurs déductibles pour la société.

ATTRIBUTION D'ACTIONS A PRIX REDUIT OU GRATUITEMENT

187.
Il s’agit de ce qu’on appelle communément un "stock donation plan". Ce type d’incitant
n’est pas très courant en Belgique. Il s’agit de l’hypothèse où une société
cède à ses travailleurs ou dirigeants d’entreprises, à un prix de faveur - voire
gratuitement -, un certain nombre de ses propres titres représentatifs du capital ou de titres
de la société dont elle est une filiale ou une sous-filiale au sens des articles 5 et 6 du Code
des sociétés : une société filiale ou sous-filiale est celle à l’égard de laquelle un pouvoir
de contrôle existe, celui-ci étant le pouvoir de droit ou de fait d’exercer une influence
décisive sur la désignation de la majorité des administrateurs ou sur l’orientation de sa
gestion.
Certaines entreprises recourent à ce type de solution, plutôt que de conférer une option en
vue d’une acquisition future des actions de la société, permettant ainsi au travailleur ou au
dirigeant d’en devenir immédiatement propriétaire à des conditions de faveur, et sans
interposer l’aléa que toute option entraîne.

Mais les choses prennent parfois un tour curieux. En effet, l’administration considère que
si le travailleur qui se voit notifier une offre d’options sur actions, l’accepte tacitement ou
oralement mais omet de le faire par écrit dans le délai de soixante jours légalement prévu,
soit l’accepte après l’expiration de ce délai, il est censé avoir refusé l’offre aux termes
mêmes de l’article 42, § 1 er, alinéa 2 de la loi du 26 mars 1999. Dans la circulaire du 25
mai 2005
, l’AFER reproduit la réponse du ministre à une question parlementaire
et souligne que : « Dans la mesure où une telle option n’existe pas au regard de la
législation fiscale belge, l’exercice de celle-ci par le bénéficiaire ne doit pas être
analysée comme l’exercice d’une option, mais le cas échéant, comme une acquisition
d’actions à prix réduit. Conformément au droit commun, une acquisition d’actions à
prix réduit donne lieu, pour l’exercice d’imposition relatif à la période imposable au
cours de laquelle l’acquisition a lieu, à l’imposition d’un avantage de toute nature.
Cet avantage de toute nature est égal à la différence entre la valeur réelle des actions
au moment de l’acquisition et le prix effectivement payé.
Une option sur action est ainsi dénaturée en action à prix réduit, alors même que le
mécanisme n’est en rien semblable. C’est là une fiction fiscale de plus…

Dans son arrêt du 28 juillet 2006, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 42, §
1er, alinéa 2, de la loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi et
portant des dispositions diverses, tel qu’il était rédigé avant sa modification par
l’article 404 de la loi-programme du 24 décembre 2002, ne viole pas les articles 10 et
11 de la Constitution coordonnée en ce que les travailleurs auxquels l’employeur
attribue une option sur actions sont imposés de la même manière, qu’ils aient ou non
la possibilité d’exercer l’option.
188.
L’attribution d’actions à prix réduit fait l’objet d’un régime légal spécifique et strict,
défini à l’article 609 du Code des sociétés et introduit par la loi du 18 juillet 1991
. Les sociétés sont autorisées à réserver à tous les membres de leur propre personnel ou de
celui de leurs filiales, tout ou partie des actions nouvelles, avec droit de vote, émises à
l’occasion d’une augmentation de capital.

Parmi les principales conditions énumérées par l’article 609 C.S., on retiendra que:

- le prix auquel ces actions sont accordées aux membres du personnel ne peut être
inférieur de plus de 20 % au prix normal d’émission;
- la société doit avoir distribué au moins deux dividendes au cours des trois derniers
exercices
;
- les actions doivent conférer le droit de vote, être nominatives et rendues incessibles
pendant une période de cinq ans à partir de la souscription. Il est toutefois
prévu que la cession puisse s’opérer dans des délais inférieurs, en cas de
licenciement, de mise à la retraite de l’intéressé, de décès ou d’invalidité du
bénéficiaire ou du conjoint;
- le montant maximal de l’augmentation de capital réalisée pendant un exercice en
cours et les quatre exercices antérieurs ne peut excéder 20 % du capital social
compte tenu de l’augmentation envisagée;
- les membres du personnel, pour pouvoir bénéficier de l’émission, doivent avoir une
ancienneté qui ne peut être inférieure à six mois, ni supérieure à trois ans à la
date de l’ouverture de la souscription. Ils devront par ailleurs exercer leur
droit dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours ni supérieur à trois
mois à dater de celle-ci.

Pour autant que toutes les conditions prévues soient respectées, il n’y a pas lieu de
retenir un quelconque avantage imposable dans le chef des travailleurs. Cette position
administrative a été arrêtée initialement dans la circulaire du 21 juin 1995.
Elle est d’application immédiate, et peut être aussi invoquée pour le passé, dans
n’importe quelle phase de la procédure.

Depuis, une base légale a été donnée à cette circulaire, l’article 49 de la loi du 26 mars
1999 prévoyant que l’avantage obtenu lors de l’attribution tant d’options sur actions
que de parts émises à l’occasion d’une augmentation de capital dans le cadre de
l’article 609 C.S., « n’est pas considéré comme un avantage imposable dans le chef
des bénéficiaires ».
189.
Le cadre de l’article 609 C.S. est, on le voit, particulièrement strict et restrictif. D’aucun
se sont interrogés sur la possibilité pour les sociétés étrangères, qui n’entrent pas dans le
champ d’application de cette disposition légale, de faire néanmoins bénéficier les
membres de leur personnel des conditions, fiscalement avantageuses, prévues par cet
article.

Interpelé à cet égard


, le ministre a répondu, sans ambages, que « Pour les sociétés étrangères qui
n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 609 C.S., il est
cependant admis que l’avantage ne soit pas davantage imposable pour autant qu’il
soit établi que l’augmentation de capital susvisée est réalisée et que l’avantage est
octroyé dans les mêmes conditions que celles énoncées à l’article 609 C.S. »
Il n’existe dès lors plus aucun doute à ce sujet.

190.
Lorsque l’attribution d’actions, à prix réduit ou gratuitement, s’opère en dehors du cadre
légal de l’article 609 du C.S., l’avantage qui en résulte ne bénéficie par conséquent pas du
régime d’exonération organisé par l’article 49 de la loi du 26 mars 1999. Dès lors, ce
mécanisme fait apparaître pour l’année d’acquisition un avantage taxable comme revenu
professionnel, trouvant sa source dans la relation de travail qui lie l’employeur à son
cadre ou dirigeant.

Pour déterminer la valeur de l’avantage, il sera tenu compte des règles établies par la
circulaire du 21 juin 1995 dont il a été question plus haut et reprises au commentaire
administratif, plus spécifiquement, sous les n°36/14-16. Une distinction est opérée, selon
que les actions sont ou non cotées auprès d’une bourse belge ou étrangère.

Si les actions ne font l’objet d’aucune cotation, la valeur de l’avantage correspond à la


différence entre la valeur intrinsèque (définie à partir de l’actif net) des actions acquises,
et le prix effectivement payé par le bénéficiaire.

Dans l’hypothèse où les actions sont cotées en bourse, la valeur de l’avantage correspond
à la différence entre la valeur boursière des actions acquises et le prix effectivement payé
par le bénéficiaire.

Toutefois, l’administration fiscale admet qu’il n’existe pas d’avantage imposable lorsque
le prix effectivement payé par le bénéficiaire n’est pas inférieur au 100/120 ème de la
valeur boursière des actions ainsi acquises. En d’autres termes, une réduction de 16,67%
(20/120ème) du prix de la valeur boursière, n’est pas constitutive d’un avantage imposable
dans le chef de l’acquéreur de ces actions. Toutefois, cette « largesse » administrative ne
vaut que dans deux hypothèses :

- d’une part, lorsque la société rachète ses propres actions, et les cède d’une manière
tellement massive que l’on peut envisager une chute du cours en bourse desdites
actions ;

- d’autre part, lorsque ces actions sont rendues indisponibles dans le chef des
bénéficiaires pendant au moins deux ans, par la volonté des parties.

L’administration fiscale entend ainsi pallier, dans ces deux cas, aux risques de dépréciation
courus, soit en raison de la vente massive des titres, soit en raison de la période
d’indisponibilité au cours de laquelle pareille dépréciation peut survenir.

On considère généralement que cette « règle des 100/120ème » ne vaut que pour les actions
cotées en bourse, qu’elle soit belge ou étrangère. Il faut toutefois admettre que cette
discrimination perd quelque peu de son sens, lorsque cette décote reconnue comme ne
constituant pas un avantage imposable dans le chef de son bénéficiaire résulte d’une
période d’indisponibilité de deux ans. Le risque de dépréciation est tout aussi réel
lorsqu’une société n’est pas cotée en bourse que si elle l’est, au cours d’un tel laps de
temps. On devrait donc pouvoir admettre que dans cette hypothèse, il devrait y avoir
uniformité d’appréciation
.

191.
La question de la perception de cotisations de sécurité sociale, en cas d’attribution
gratuite ou à prix réduit d’actions, demeure une question essentielle.

Concernant l’attribution d’actions au personnel, conformément à l’article 609 C.S., le


doute qui pouvait exister jusqu’à l’adoption de l’article 49 de la loi du 26 mars 1999
est levé : dès lors que l’avantage pouvant résulter d’une attribution à prix réduit
conforme aux conditions fixées par l’article 609 C.S. n’est pas considérée comme un
avantage imposable, ni, partant, comme une rémunération au sens de la sécurité
sociale, aucune cotisation n’est due. C’est, du reste, et sans ambiguïté, la position de
l’ONSS.

En ce qui concerne les actions cédées gratuitement ou à prix réduit, en dehors du cadre
d’application de l’article 609 C.S., l’ONSS estime que « la fixation de l’avantage se
base sur la valeur de l’action au moment de l’octroi ». Il y aura donc, en principe,
avantage imposable. Toutefois, « Lorsque les conditions d’octroi comportent la
clause que les actions sont incessibles pendant au moins deux ans à partir du moment
de leur octroi, il faut tenir compte de 100/120 de la valeur du marché »
.

En d’autres termes, si l’action cédée à prix réduit est rendue incessible pendant deux
ans au moins à dater de son attribution, et que la réduction de prix n’est pas supérieure
à 16,67%, (20/120ème) de la valeur du marché, il n’en découlera pas un avantage
passible de cotisation de sécurité sociale.

Cette règle d’exonération (partielle) de cotisation de sécurité sociale vaut, selon nous,
tant pour des actions cotées que pour celles non cotées sur une bourse belge ou
étrangère. Les termes de l’instruction aux employeurs sont particulièrement généraux,
et font suite, par ailleurs, à l’appréciation relative aux actions attribuées avec décote
conformément à l’article 609 C.S., lequel s’applique aux sociétés cotées ou non.

D’une manière générale, nous rappellerons que pour qu’il puisse y avoir rémunération
au sens de la sécurité sociale, encore faut-il que l’avantage évaluable en argent soit à
charge de l’employeur du travailleur qui en bénéficie. Il n’y aura donc pas de
cotisation de sécurité sociale à retenir dans l’hypothèse où l’avantage est octroyé, par
exemple par la société-mère, et pour autant bien sûr qu’aucune charge de coût ne soit,
par la suite, refacturée à la société-employeur
.

ACQUISITION D'ACTIONS PAR LE TRAVAILLEUR – MONORY BIS

192
Les articles 1451, 4°, 1457 et 31, alinéa 3 CIR 92 organisent l’acquisition spontanée
par le travailleur d’actions ou parts de la société résidente (en fait, de l’Espace
économique européen) qui l’occupe ou dont la société-employeur est, au sens de la
législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises,
considérée de manière irréfragable comme une filiale ou une une sous-filiale.

Le régime fiscal mis en place par cette disposition est avantageux, pour autant que
l’acquisition de ces actions ou parts se fasse au moyen d’une libération en numéraire :
dans ce cas, le travailleur a droit à une réduction d’impôt calculée au taux moyen spécial
prévu par l’article 145² CIR92. Toutefois, les sommes affectées à la libération d’actions
ou de parts ne sont prises en considération pour cette réduction d’impôt qu’à concurrence
d’un montant indexé – 640 € pour l’exercice d’imposition 2007 – par période imposable.
Aux termes de l’article 145 7 CIR92, le Roi peut porter ce montant par arrêté délibéré en
Conseil des ministres à un maximum de 1.280 € (pour l’exercice d’imposition 2007).

193.
Le contribuable visé est celui qui perçoit des rémunérations de travailleurs, au sens de
l’article 30 CIR 92. Toutefois, comme l’indique l’article 1451, 4° CIR 92, il peut acquérir
des actions ou parts de la société mère ou grand-mère de celle auprès de laquelle il
exécute son travail.

Le montant plafonné pris en considération pour la réduction d’impôt correspondra à celui


effectivement libéré au cours de la période imposable, augmenté le cas échéant des frais
accessoires et de l’avantage de toute nature imposable s’il s’avère que le salarié acquiert
les actions ou parts à un prix réduit.

L’article 1457 CIR 92 impose au contribuable qu’il produise à l’appui de sa déclaration à


l’impôt des personnes physiques de la période imposable au cours de laquelle la libération
a été opérée, les documents faisant apparaître qu’il a aquis des actions ou parts et qu’elles
sont encore en sa possession à la fin de cette période. La réduction d’impôt ne sera
maintenue que pour autant que le travailleur conserve les titres pendant 5 ans et fournisse,
pendant les cinq périodes imposables suivant son acquisition, la preuve qu’il est bien
encore en possession de ceux-ci.
L’article 31, alinéa 3, CIR 92 dispose à cet égard, hors le cas du décès, que si les actions
sont cédées au cours de l’une des cinq années qui suivent leur acquisition, « un montant
correspondant à autant de fois 1/60 ème des sommes prises en considération pour la
réduction d’impôt qu’il reste de mois jusqu’à l’expiration du délai de cinq ans est
considérée comme la rémunération d’un travailleur. ».

194.
Ce régime fiscal a été mis en place afin d’inciter le travailleur à participer aux risques de
l’entreprise. Il n’est selon nous, guère intéressant : d’une part, le plafond à concurrence
duquel les sommes affectées à la libération de ces actions ou parts peuvent être prises en
considération pour bénéficier de la réduction d’impôt est fort bas. D’autre part, pour que
ce type d’acquisition puisse conférer l’avantage fiscal prévu, il ne faut pas que le
travailleur bénéficie pour la même période imposable d’une réduction dans le cadre de
l’épargne pension.
En outre, le blocage des actions durant cinq ans rend le mécanisme peu souple et, a
priori pas suffisamment attractif. Il faut enfin souligner que les sommes affectées à la
libération en numéraire de ces titres sont versées aux départ du salaire net du travailleur
concerné, ce qui peut constituer un inconvénient supplémentaire à la mise en oeuvre de
ce mécanisme.
AUTRE FORME D'INCITANT : LES PARTS BÉNÉFICIAIRES

195
C’est un mécanisme d’intéressement plus marginal, puisqu’il s’agit d’attribuer des parts
non représentatives du capital social et dont les statuts déterminent les droits qui y sont
attachés. Le droit des sociétés reconnaît les parts bénéficiaires comme un moyen de
rétribution en dehors de ce capital, qui présente divers avantages. En effet, si les parts
bénéficiaires ne confèrent aucun droit de vote, et permettent donc à celui qui les attribue,
de conserver totalement le contrôle de la société, elles incluent le droit pour son titulaire à
percevoir certains dividendes.

Lors de l’octroi de parts bénéficiaires à un employé ou à un dirigeant d’entreprise, le droit


du bénéficiaire aux dividendes est généralement sujet à des conditions et restrictions telles
qu’elles rendent l’évaluation de l’avantage extrêmement délicate. En outre, les parts
bénéficiaires ne sont cessibles que dans des conditions très strictes
, en sorte qu’il n’existe qu’un marché très restreint pour déterminer l’avantage imposable
éventuel.
Il subsiste toutefois un désavantage important pour la société: le dividende attribué aux
parts bénéficiaires ne constitue pas une dépense déductible.

196.
Sur le plan de la sécurité sociale, le droit aux dividendes étant issu non de la relation de
travail mais bien d’une décision de l’assemblée générale, l’avantage qui en est retiré ne
devrait pas être considéré comme une rémunération, et ne devrait pas être assujeti à
l’ONSS. Ce ne semble toutefois pas être la position retenue par la Cour de cassation,
ainsi que nous allons le voir.

La prudence s’impose en effet dans l’analyse, au regard de la jurisprudence développée à


l’occasion de la retentissante affaire Agfa-Gevaert. Pour rappel, cette société avait
octroyé des parts bénéficiaires à son personnel, donnant droit à un dividende, sous
certaines conditions. Tant le ministre de l’Emploi et du Travail que celui des Affaires
Economiques de l’époque confirmèrent l’opinion de l’employeur selon laquelle ni les
parts bénéficiaires, ni les dividendes pouvant en résulter ne constituaient une
rémunération susceptible de donner lieu à des retenues de cotisations de sécurité sociale
.

L’ONSS ne l’entendit pas de cette oreille, et porta l’affaire devant le tribunal du travail
d’Anvers, lequel, par décision du 10 juin 1991, fit droit à son action (les montants étaient
considérables, de l’ordre d’un demi-milliard de francs, à l’époque).

La cour du travail réforma la décision du premier juge


, excluant du champ de la rémunération susceptible d’être passible de sécurité sociale tant
l’octroi des parts bénéficiaires que les dividendes auxquels elles pouvaient donner droit.

S’agissant de leur octroi, la cour estime que leur caractère aléatoire ne permet pas de
considérer l’existence d’un avantage évaluable en argent, rien ne permettant d’autre part
de considérer que dès l’octroi de la part bénéficiaire, le travailleur puisse avoir droit à
quoi que ce soit en raison de la compétence réservée à l’assemblée générale quant à la
décision de payer ou non un dividende. Pour écarter les dividendes eux-mêmes de la
définition de la rémunération retenue par le droit de la sécurité sociale, la cour du travail
releva, d’une part (il s’agit bien entendu d’une considération d’espèce), que ceux-ci
n’étaient pas à charge de l’employeur mais bien supportés par son actionnaire, en réalité
la maison mère, d’autre part, que leur paiement trouve leur source non dans la relation de
travail mais bien dans la détention des titres pouvant y donner droit. De plus, l’avantage
est lié aux résultats économiques et financiers de l’entreprise (existence de bénéfices),
non aux des prestations de travail proprement dites.

Sur pourvoi de l’ONSS, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour du travail d’Anvers
.

Elle précise d’abord que si la rémunération constitue certes la contrepartie du travail


effectué en exécution d’un contrat de travail, le droit à la contrepartie n’est pas un
élément déterminant pour la définition de la rémunération. Elle n’est, pour la Cour de
cassation, qu’une "conséquence nécessaire de la prestation du travail en exécution du
contrat de travail". L’utilisation du droit des sociétés ne permet pas de contourner la
notion classique de la rémunération (ce qui est une confirmation de sa jurisprudence
antérieure). Ensuite, la Cour de cassation constate que la cour du travail considère les
dividendes comme faisant "partie intégrante des parts bénéficiaires", et que celles-ci
étaient attribuées aux travailleurs "aussi bien en raison de leur simple qualité de
travailleurs qu’en raison de leur position particulière dans l’entreprise et de prestations
particulières de certaines catégories de travailleurs". Dans ces conditions, estime la
Cour de cassation, la cour du travail ne pouvait juger que les dividendes ne constituaient
pas de la rémunération au motif qu’ils n’étaient pas alloués en raison du contrat d’emploi,
ce qui constitue une contradiction dans les motifs.

L’arrêt de la cour du travail d’Anvers a été cassé en raison d’une motivation


contradictoire. Il faut être prudent, par conséquent, quant aux enseignements à tirer de cet
arrêt, la Cour de cassation ne s’étant par exemple pas prononcée sur l’argument selon
lequel les dividendes ne proviennent pas de l’employeur, mais sont à charge des
actionnaires
.

197.
Sur le plan des impôts directs, la jurisprudence ne semble pas avoir encore tracé
définitivement le chemin à suivre.

Nous relevons deux arrêts rendus par les cours d’appel de Liège et de Mons,
respectivement les 26 mai 1999
et 25 juin 1999
, qui ont considéré que constitue un avantage de toute nature l’octroi unilatéral par
l’employeur de parts bénéficiaires de l’entreprise, ainsi que les dividendes auxquels elles
ont donné droit.

Dans chacune des espèces qui était soumise à ces cours d’appel, le contribuable ne
contestait pas que l’attribution même des parts bénéficiaires puisse entraîner, dans son
chef, une taxation, dans la mesure où c’est en qualité de travailleur de l’entreprise qu’il
s’est vu attribuer lesdites parts bénéficiaires. Toutefois, après l’attribution, les parts
bénéficiaires faisaient partie de son patrimoine privé, en sorte que l’attribution des
dividendes avait dès lors pour origine non la relation de travail, mais bien la détention de
ces titres.

Quant à l’administration, elle prétendait taxer au titre de revenu professionnel du


travailleur le montant qui lui a été attribué en qualité de détenteur de ces parts
bénéficiaires, accordées en vue de le rémunérer de ses efforts au profit de l’entreprise.
L’administration fiscale soutenait que les dividendes versés, afférents aux parts
bénéficiaires, constituent la meilleure mesure d’appréciation de leur valeur.

Les cours d’appel ont suivi la thèse de l’administration, et toutes deux se sont référées à
l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 septembre 1995
qui consacrerait, selon elles, le caractère rémunératoire de l’attribution d’un bénéfice
afférent à une part bénéficaire accordée à un travailleur en raison de son engagement.

Ce qui doit surtout être souligné, dans les cas soumis à ces cours d’appel, c’est le fait qu’à
chaque fois, une même assemblée générale arrêtait pour un seul exercice la création des
parts bénéficiaires, leur nombre ainsi que leur valeur. Ainsi, la cour d’appel de Mons
constate-t-elle que ces parts bénéficiaires n’avaient aucune existence indépendante et
autonome entre leur création et l’attribution du dividende, seule la mise en paiement de
celui-ci étant retardé de quelques jours, alors que la cour d’appel de Liège souligne que la
part bénéficiaire attribuée ne pouvait pratiquement être cédée puisqu’elle s’épuisait
immédiatement par le versement du dividende. Ces deux cours d’appel en déduisent que
la valeur de la part bénéficiaire attribuée correspond au montant des dividendes. A cet
égard, la cour d’appel de Mons, souligne que « la distinction que la partie requérante
voudrait faire entre l’attribution de parts bénéficiaires, qu’elle reconnaît être imposable
au titre de revenu professionnel, et l’attribution de dividendes devient de ce fait sans
intérêt, la valeur des parts bénéficiaires étant dès l’origine exactement la même que celle
des dividendes qui y sont attachés, et l’attribution des unes comme des autres, ayant lieu
chaque fois au cours d’un même exercice fiscal ».

Il n’est en tout cas pas certain, si les conditions d’espèce avaient été différentes,
notamment quant aux conditions d’attribution et de distribution du dividende, que la
solution aurait été identique. En effet, comme le relève la cour d’appel de Liège, l’arrêt de
la Cour de cassation rendu le 11 septembre 1995 l’était dans un contexte où les parts
bénéficiaires étaient incessibles. Par contre, le fait que l’attribution coïncide, en tout cas
sur le plan du principe sinon sur le plan de la mise en paiement, avec la décision de
distribution d’un dividende, est de nature à rencontrer la motivation retenue par la Cour
de cassation dans cet arrêt.
198.

Plus récemment, la cour d’appel de Bruxelles a rendu un arrêt


, dans une espèce où avaient été émises des parts bénéficiaires convertibles au profit de
son administrateur. L’assemblée générale extraordinaire qui les lui avait attribuées avait
souligné que 30% de ces parts bénéficiaires convertibles lui étaient octroyées en
rémunération de ses efforts particuliers dans le développement des activités de la société.

La cour d’appel souligne, premièrement, qu’à l’évidence, et sans que la motivation


clairement exprimée par l’assemblée générale ne puisse souffrir la moindre interprétation,
l’octroi de ces parts bénéficiaires convertibles est en relation avec l’activité
professionnelle de l’administrateur et constitue un avantage imposable.

La cour se penche ensuite, et c’est cela qui est intéressant, sur le moment de
l’imposabilité, en se référant à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 janvier 2003
, où la Cour a décidé qu’il fallait se placer au moment de l’attribution des options sur
actions et non à celui de leur exercice. Par analogie
, la cour d’appel décide qu’il faut se placer au moment de l’attribution des parts
bénéficiaires, et non ultérieurement. La cour précise que dès que les parts bénéficiaires
sont attribuées, elles tombent dans le patrimoine privé de celui auquel elles ont été
octroyées, et que les dividendes qu’il perçoit ensuite sont obtenus en sa qualité de titulaire
desdites parts et ne peuvent être imposées qu’à titre de revenu mobilier et non à titre de
revenu professionnel.

Cet arrêt, en ce qu’il fait la distinction entre le moment d’attribution des parts bénéficiaires
et celui de la conversion de celles-ci ou du dividende qui en découle, nous paraît devoir
être approuvé. Il n’y a en effet aucune raison de traiter différemment le titulaire d’une
part bénéficiaire de celui qui bénéficie d’une option sur action, même si les titres, dont les
uns sont sous-jacents, n’ont pas la même nature ni ne sont représentatifs des mêmes
choses. Ce n’est d’ailleurs pas cela le critère, mais bien de rechercher si pareille
attribution peut constituer un avantage imposable et, dans l’affirmative, à quel moment se
placer pour l’imposer. La nature du titre paraît, à cet égard, sans incidence.

Nul doute que l’on reparlera encore des parts bénéficiaires à l’avenir…

LA PARTICIPATION DES TRAVAILLEURS AU CAPITAL ET AUX BENEFICES


DES SOCIÉTÉS

199.
La loi du 22 mai 2001 relative aux régimes de participation des travailleurs au capital et
aux bénéfices des sociétés
instaure un mécanisme incitatif, mais quelque peu compliqué, d’intéressement à l’essor
de l’entreprise. Ce mouvement législatif est inspiré par l’idée que la croissance et la
rentabilité d’une entreprise, et l’augmentation concomitante du bien-être des travailleurs
ne sont possibles que si celle-ci « stimule la collaboration interne de tous les
travailleurs »
. Soulignons immédiatement que le choix de mettre ou non en place un plan de
participation dépend de la seule initiative de l’employeur, c’est-à-dire, aux termes de
l’article 2, 1° de la loi du 22 mai 2001, « toute société, toute association ou tout
établissement assujetti à l’impôt des sociétés, en vertu du Titre III, Chapitre 1 er du Code
des impôts sur les revenus 1992, ou à l’impôt des non-résidents, en vertu de l’article 227,
2°, du même Code, à l’exception des sociétés soumises au régime particulier des centres
de coordination »
. Encore faut-il, aux termes de l’article 2, 3° de cette même loi, que la société emploie le
travailleur visé à l’article 2, 2° c’est-à-dire toute « personne accomplissant un travail
contre rémunération dans le cadre ou en dehors d’un contrat de travail et sous l’autorité
d’une autre personne ».

Le travailleur peut donc se trouver non seulement sous un contrat de travail, mais aussi
sous un contrat d’apprentissage, de stage ou de formation professionnelle
. Le contrat peut être conclu à durée déterminée ou indéterminée, ou pour un travail
nettement défini.
Le travailleur peut être employé ou ouvrier, ainsi qu’exercer sa fonction dans une
entreprise publique soumise à l’impôt des sociétés, qu’il soit recruté sous contrat ou
statut.
.

Pour pouvoir instaurer un plan de participation, et conformément à l’article 6, § 1 er de la


loi du 22 mai 2001, l’employeur doit être lié par une convention collective de travail
relative aux salaires pour la même période de référence. A lire l’exposé des motifs, cette
convention collective doit en tout cas concerner une augmentation de salaire supérieure à
celle de l’indexation ou des barèmes.
Ainsi, le législateur entend éviter que les participations bénéficiaires remplacent
totalement ou partiellement les rémunérations existantes du travailleur.
200.
Il faut déduire de la définition donnée par la loi du travailleur (« sous l’autorité d’une
personne »), que celle-ci ne s’applique en principe pas aux dirigeants d’entreprise ou tous
autres cadres indépendants, sauf dans la mesure où ceux-ci exerceraient aussi une activité
sous les liens d’un contrat de travail. Cette dernière hypothèse, courante en ce qui
concerne des associés ou administrateurs, paraît moins probable lorsqu’il s’agit de recruter
des dirigeants d’entreprise autre que les mandataires sociaux, dès lors que précisément
ceux-ci exercent leur activité professionnelle au sein de la société en dehors d’un contrat
de travail et qu’on les imagine mal exercer une autre activité pour la même entreprise
sous les liens d’un tel contrat.

201.
Il est intéressant de relever, à ce stade, que ce plan de participation peut également
concerner les petites sociétés au sens de l’article 15 du Code des sociétés tel que modifié
par l’arrêté-royal du 25 mai 2005
, soit celles qui n’occupent pas plus de 50 travailleurs en moyenne annuelle, ou ne
dépassent pas un chiffre d’affaires annuel HTVA, de 7.300.000 €, ou ne présentent pas
un total bilantaire égal à 3.650.000 €, ces deux dernières conditions n’étant toutefois pas
retenues si le nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle dépasse cent.
L’idée consiste à tailler un costume sur mesure pour des sociétés qui, le plus souvent, ont
des besoins de financement et sont rétives à ouvrir leur capital, dont les titres sont
rarement liquides et difficilement valorisables.

L’article 18 de la loi du 22 mai 2001 spécifie ainsi que le plan de participation aux
bénéfices, instauré par une petite société, peut prendre la forme d’un plan d’épargne
d’investissement, en vertu duquel les bénéfices attribués sont mis à la disposition de la
société par les travailleurs, dans le cadre d’un prêt privilégié non subordonné, et
comptabilisé sous une sous-rubrique distincte des dettes à plus d’un an de l’entreprise.

Le remboursement des sommes ainsi prêtées par les travailleurs doit intervenir à l’issue
d’une période de blocage, fixée dans le plan entre deux ans minimum et cinq ans au
maximum. En outre, un intérêt est payable dans les trente jours suivants l’échéance du
terme annuel de débition de celui-ci : son taux ne peut être inférieur à celui applicable à
une obligation linéaire (OLO) de durée équivalente à celle du prêt.

La loi impose par ailleurs à la petite société d’affecter le montant total des participations à
des investissements en immobilisations (brevets, fonds de commerce, goodwill,…) dans
un délai qui doit être inférieur à celui du remboursement. Notons que si une petite société
perd cette qualité, le plan d’épargne d’investissement instauré antérieurement est mené à
son terme, les fonds prêtés ne pouvant être remboursés anticipativement.
202.
Un plan de participation peut être mis en place au niveau d’un groupe, soit, aux termes de
l’article 2, 5° de la loi du 22 mai 2001, d’un ensemble de sociétés visées par la loi et liées
entre-elles, au sens de l’article 11 du Code des sociétés, c’est-à-dire en raison du contrôle
qu’elles peuvent exercer les unes sur les autres.

Deux arrêtés royaux sont intervenus le 21 décembre 2001


, l’un précisant la notion de « groupe », l’autre déterminant la masse salariale brute totale
ainsi que le bénéfice après impôt du groupe. Le groupe est ainsi précisé : les employeurs
qui le composent doivent être assujettis à la sécurité sociale belge. Le rapport au Roi
justifie cette condition, notamment, par « le souci de se référer à des règles simples et
aisément applicables : seul l’employeur disposant d’un numéro d’immatriculation en
Belgique peut conclure une CCT ou un acte d’adhésion suivant les modalités prescrites
par la loi du 22 mai 2001 en ce qui concerne les travailleurs pour lesquels il est assujetti
en Belgique ». Par ailleurs, en cas d’instauration d’un plan de groupe, le montant total
des participations au capital et aux bénéfices accordé aux travailleurs ne peut excéder :

- soit 10 % de la somme des masses salariales brutes totales des sociétés concernées au
sens de l’article 2, 13° de la loi du 22 mai 2001 ;
- soit 20 % du bénéfice de l’exercice après impôt du groupe, calculé sur une base dé-
consolidée
et auquel est appliqué une fraction dont le numérateur est le nombre de travailleurs
concernés au sens de l’article 2, 18° de la loi du 22 mai 2001, et le
dénominateur est le nombre de travailleurs occupés par le groupe.
Enfin, pour clore les observations générales, soulignons que la caractéristique essentielle
de ce plan de participation est qu’aux termes de la loi, l’ensemble des travailleurs doit
pouvoir en bénéficier. Il n’est donc pas possible de réserver la participation à ce type de
plan à une catégorie spécifique de travailleurs, sans préjudice toutefois de la possibilité de
prévoir une ancienneté minimale d’un an.

203.
L’article 9, § 1 er de la loi du 22 mai 2001 fixe onze conditions et modalités qui doivent
obligatoirement figurer dans le plan de participation. Généralement, ces conditions et
modalités doivent être inscrites dans une convention collective de travail spécifique ou,
lorsque l’entreprise n’a pas de délégation syndicale et qu’elle n’a pas négocié avec une
organisation syndicale une convention collective, dans un acte d’adhésion.
Le plan devra prévoir les critères retenus pour calculer cette ancienneté, par exemple
conventionnelle, au sein du groupe, etc.
Ces conditions et modalités sont les suivantes :

- Si une ancienneté minimale est prévue


, elle ne peut excéder un an. L’article 5 § 2 prévoit que si un travailleur est engagé sur la
base de contrats successifs, l’ancienneté requise par le plan sera calculée en
tenant compte du cumul de ces contrats. Le recours à cette faculté par
l’employeur lui impose dès lors de soumettre cette question à une négociation
collective (CCT ou acte d’adhésion) ;

- Si l’employeur décide que la mise en place du plan de participation dépend de


l’adhésion de l’ensemble des travailleurs, il devra le mentionner dans le plan de
participation. A défaut, des travailleurs peuvent s’ils le souhaitent, refuser de
prendre part au plan mis en place ;

- Le choix du mode d’attribution, en espèces ou en actions ou parts, doit être


expressément mentionné. Relevons que les options, warrants ou parts
bénéficiaires sont donc exclus.
Les actions ou parts sont celles émises par l’employeur ou par une entreprise du groupe
au sens de l’article 11 du Code des sociétés
;

- En cas d’attribution d’actions ou de parts, une période d’indisponibilité est fixée par la
loi du 22 mai 2001. Le plan doit l’indiquer précisément, sachant qu’elle ne peut
être inférieure à deux ans ni supérieure à cinq ans, aux termes de l’article 11, §
1er de la loi. Si les actions ou parts sont au porteur, elles doivent faire l’objet d’un
dépôt à découvert auprès d’un établissement de crédit ou d’une société de bourse,
au choix de l’employeur. Si elles sont nominatives, elles font l’objet d’une
inscription spéciale dans le registre des actions ou parts nominatives de la société
émettrice, et le cas échéant sur le certificat représentatif de ces titres.
La loi précise, en son article 11, § 2, que le respect de cette condition
d’indisponibilité est assuré par l’inscription des participations au capital sur
un compte-titre bloqué, au nom du travailleur ouvert auprès des
établissements précités.
La période d’indisponibilité des actions et parts des travailleurs prend fin,
notamment, en cas de licenciement, de congé donné par le travailleur pour
motif grave, ou encore en cas de mise à la retraite ou de décès du travailleur.
La démission autre que pour motif grave ainsi que la résiliation de commun
accord ou la résolution judiciaire du contrat ne sont pas visées. Quant à la
force majeure, si elle n’est pas mentionnée, elle nous paraît toutefois être de
droit.
.
Le texte légal précise par ailleurs que ces actions et parts, rendues
indisponibles, « ne peuvent être dénuées de leur droit de vote ». Il est donc
permis d’émettre un vote valable pendant la période d’indisponibilité. Le texte
n’est toutefois pas extrêmement clair et n’établit pas de façon certaine qu’un
même droit de vote doit être attaché aux actions attribuées aux travailleurs
qu’à celles que détiennent les autres actionnaires (« leur » droit de vote).
L’esprit de la loi semble toutefois, tenant compte de l’objectif visant à
associer le plus possible et davantage les travailleurs à la politique
d’entreprise, aller dans ce sens
;

- La détermination du montant à attribuer à chacun des travailleurs adhérents doit reposer


sur des critères objectifs et définis. L’article 10 de la loi du 22 mai 2001 permet en
effet à l’employeur d’établir des clés de répartition pouvant être appliquées aux
différents travailleurs concernés : les avantages découlant du plan de participation
ne seront donc pas nécessairement identiques pour l’ensemble des travailleurs.
Un arrêté royal promulgué le 19 mars 2002
, délibéré en conseil des ministres, en application de l’article 10, § 2 de la loi, a fixé de
manière exhaustive six critères objectifs qui devront s’appliquer en l’absence de
toute convention collective de travail définissant lesdits critères, qui sont les
suivants :

- l’ancienneté, le cas échéant conventionnelle ;


- le grade dans l’entreprise où les emplois s’y réfèrent (chef, sous-chef, …) ;
- la fonction, qui est l’emploi défini selon les tâches, les responsabilités ou les spécificités
du travailleur
;
- le niveau barémique ;
- le niveau de rémunération, selon que celle-ci dépasse ou non, en base annuelle, un
certain plafond
;
- le niveau de formation, différenciant par exemple les universitaires de ceux ayant
poursuivis des études supérieures ou qui n’ont pas ce type de formation..

L’article 1er, § 2 de cet arrêté royal spécifie en outre qu’en aucun cas, les critères objectifs
ainsi définis ne peuvent entraîner une différenciation des montants attribués à chacun des
travailleurs en vertu du plan de participation à différents travailleurs, supérieure à un
rapport compris entre 1 et 10
.

Les modalités et les seuils de calcul des participations attribuées en raison du plan de
participation. Rien n’est spécifiquement dit à ce propos, ni dans la loi ni dans l’exposédes
motifs. Il doit s’agir des buts à atteindre permettant de déterminer l’importance de la
participation reconnue à chaque travailleur, incluant le cas échéant les performances
réalisées compte tenu des objectifs prioritaires définis par les sociétés ou groupe ;

Le cas échéant, la création d’une société coopérative de participation, étant entendu que le
travailleur conserve, en toutes circonstances, la possibilité d’apporter ou non sa
participation au capital de celle-ci. Cette société a pour objet exclusif la détention et la
gestion des participations au capital qui auront été apportées, à leur libre choix, par les
travailleurs. Le capital de cette société est aussi, le cas échéant, formé par les dividendes
qu’elle leur distribue.

La société coopérative est à responsabilité limitée ou non, et doit être créée par au
moins trois travailleurs adhérant au plan, et membres d’une ou plusieurs sociétés
concernées. A noter que par dérogation à l’article 367 du Code des sociétés, l’article
12, § 3 de la loi du 22 mai 2001 interdit aux apporteurs de démissionner ou de retirer
une partie de leurs parts de la société avant le terme d’indisponibilité dont il a été
question plus haut. L’indisponibilité est respectée par une inscription spéciale dans le
registre des associés de la société coopérative ;

Le mode de calcul prorata temporis du montant de la participation, en cas de suspension


volontaire ou de résiliation du contrat de travail, sauf en cas de motifs graves imputables
au travailleur. Les termes spécifiques utilisés excluent donc des suspensions involontaires
du contrat (telle la maladie), la résolution judiciaire ou encore le décès du travailleur.
Nous n’apercevons pas l’intérêt de ces distinctions, surtout dans les deux dernières
hypothèses, à moins que dans ce cas, il faille voir dans la notion de résiliation du contrat
une norme plus générale, au contour inexact alors, englobant celles-ci
.

La durée des modalités de résiliation du plan de participation. A l’évidence celles-ci


doivent être connues et négociées collectivement. Il peut être conclu pour une durée
déterminée ou indéterminée, prévoir ou non une tacite reconduction, etc. ;

L’identité de la personne appelée à supporter les frais de gestion relatifs au dépôt sur un
compte à découvert visé à l’article 11, § 1 er. C’est l’hypothèse d’actions ou parts au
porteur, que nous avons déjà envisagée ;

Le non-application de l’article 23 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions


collectives de travail et les commissions paritaires. Cette disposition prévoit que le
contratde travail individuel implicitement modifié par une convention collective de
travail, subsiste tel quel lorsque la convention cesse de produire ses effets, sauf clause
contraire dans la convention même. Si, par conséquent, la loi n’avait pas prévu l’exclusion
de cette disposition, le travailleur concerné aurait pu, même à l’expiration du plan, exiger
une participation. Cela, bien entendu, devait être évité.

204.
D’autres conditions et modalités que celles fixées par l’article 9 de la loi du 22 mai 2001
peuvent être établies par l’employeur. Il devra toutefois, au préalable, obtenir l’avis du
conseil d’entreprise ou, s’il n’en existe pas, du comité de prévention et de protection du
travail ou, à défaut, de la délégation syndicale. Si cette dernière n’existe pas davantage,
une information sera faite par voie d’affichage, les travailleurs pouvant formuler toute
observation dans un délai de 15 jours.

Ces avis ou observations ne présentent toutefois pas de caractère contraignant pour


l’employeur.

205.
La loi contient quelques modalités financières.

D’abord, l’article 6, § 2 dispose que le montant total des participations au capital et aux
bénéfices ne peut, à la clôture de l’exercice comptable concerné, excéder l’une des
limites suivantes :

- 10 % de la masse salariale brute totale ;


- 20 % du bénéfice de l’exercice après impôt, tel que visé par l’arrêté d’exécution du
Code des sociétés.

Cette disposition précise en outre que lorsque le plan est instauré au niveau d’un groupe,
tant la masse salariale que le bénéfice sont calculés sur une base consolidée
.

On peut s’interroger sur la notion de « masse salariale brute totale » : s’agit-il uniquement
du montant des rémunérations, ou faut-il y inclure également les cotisations de sécurité
sociale ? A lire l’exposé des motifs
, la première interprétation semble devoir être retenue. On peut se demander, alors,
pourquoi il a semblé utile au législateur d’ajouter le mot « totale »…

D’autre part, l’article 7, § 2 précise qu’en aucun cas, ce plan de participation ne peut
avoir pour but « de remplacer ou de convertir des rémunérations, primes, avantages en
nature ou généralement quelconques, ou des compléments à tout ce qui précède, prévus
dans des conventions individuelles ou collectives, qu’ils soient assujettis ou non aux
cotisations à la sécurité sociale ».
Relevons à cet égard que, dans le même ordre d’idée, l’article 7 § 1 er de la loi du 22 mai
2001 impose que « la convention collective de travail spécifique ou l’acte d’adhésion
confirme que l’instauration du plan de participation ne peut aller de pair avec une
diminution de l’emploi calculée en équivalence temps plein. ».
On perçoit la volonté du législateur, dans les deux cas, d’éviter l’instauration d’un tel
plan ait des effets pervers ou même puisse laisser à penser qu’il pourrait en avoir…

Relevons que la règle de l’article 7 § 2 précité ne s’applique pas à des plans collectifs de
participation avec un contenu comparable à celui instauré par la loi du 22 mai 2001 et qui
aurait été mise en place avant l’entrée en vigueur de celle-ci.

206 ;
Concernant la sécurité sociale, l’article 32 de la loi du 22 mai 2001 modifie l’article 2 , al.
3 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, et
exclut de la notion de rémunération les participations bénéficiaires attribuées en espèces
ou en actions ou parts au travailleur conformément à l’application de la loi du 22 mai
2001.

Il n’y a donc pas de retenue de sécurité sociale sur ces participations.

Toutefois, la loi instaure une cotisation de solidarité à charge du travailleur adhérent, due
et retenue par l’employeur sur le montant de la participation aux bénéfices payés en
espèces. Le taux de ces cotisations est fixé à 13, 07% du montant ainsi liquidé
. L’employeur doit verser le produit de cette retenue à l’ONSS dans les mêmes délais et
conditions que les cotisations de sécurité sociale habituelles. Les dispositions du régime
général de la sécurité sociale des travailleurs salariés sont applicables.

A noter que les paiements perçus en espèces ou en actions ou parts par les travailleurs
adhérents à un plan de participation ne sont pas davantage considérés comme
rémunération pour l’application de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail
. Par conséquent, ces paiements ne seront pas pris en compte pour le calcul d’un délai de
préavis, d’une indemnité compensatoire de rupture, ni davantage pour le calcul du simple
et du double pécule de vacances, ou en matière de clause d’essai ou de non-concurrence.
Par ailleurs, l’article 35 de la loi du 22 mai 2001 exclut que les paiements en espèces ou
actions ou parts ainsi versés au travailleurs soient pris en compte pour le calcul de
l’évolution du coût salarial, et n’influencent donc pas les règles relatives à la modération
salariale
.

Enfin, le législateur a modifié l’article 19 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851,


octroyant ainsi au travailleur qui a prêté des sommes dans le cadre d’un plan d’épargne
d’investissement le bénéfice d’un privilège général sur les meubles de l’employeur.
207.
Sur le plan fiscal, deux considérations de départ doivent être retenues :

- d’abord, les participations octroyées par l’employeur ne sont pas déductibles à l’impôt
des sociétés. Cette approche est logique, dans la mesure où il s’agit de distribuer
une partie des bénéfices de l’entreprise, soit en espèce, soit sous forme d’actions
ou parts, après donc que l’impôt des sociétés ait été perçu.
Par ailleurs, l’article 207, 2° CIR 92 interdit toute imputation des pertes antérieures ou
encore des RDT, des libéralités ou de la déduction pour investissements, sur la
partie des bénéfices ainsi attribués. L’article 36, § 1 er de la loi du 22 mai 2001
prévoit cependant que la moitié du produit de l’impôt des sociétés sur les
participations est attribuée à l’ONSS – gestion globale, ce qui est destiné à
compenser partiellement l’absence de retenue de cotisations de sécurité sociale et
d’assurer une source de financement à ce niveau.
- ensuite, il y a exonération à l’impôt sur les revenus, au titre des exonérations à caractère
social ou culturel, des participations au capital ou aux bénéfices, y compris en
cas d’épargne – investissement, moyennant assujettissement à une taxe assimilée
aux impôts sur les revenus
.

La taxation qui frappe le bénéficiaire fait l’objet du titre VII du Code des taxes assimilées
aux impôts sur les revenus (CTAIR)
.

La base imposable de la taxe est déterminée différemment, suivant qu’il s’agit d’une
participation aux bénéfices ou d’une participation au capital. Dans le premier cas, la base
imposable est égale au montant en espèces, sous déduction de la cotisation sociale de
solidarité ; dans le second cas, la base imposable est égale au montant à affecter à la
participation au capital. L’article 113, § 1er, 3°, nouveau du CTAIR précise que lorsque la
participation aux bénéfices fait l’objet d’un plan d’épargne-investissement, la base
imposable sera aussi égale au montant en espèces attribué conformément au plan.
Soulignons encore que si l’employeur supporte la taxe à la décharge du travailleur, son
montant sera ajouté à celui de la participation pour calculer la taxe.

Lorsqu’il s’agit, dans le cadre d’une participation au capital, d’affecter un montant à cette
participation, la loi distingue selon que les actions sont cotées ou négociées en bourse, ou
non. Dans le premier cas, le montant à affecter ne peut être inférieur à celui
correspondant, au choix de la société attribuant les actions, au cours moyen de l’action
pendant les trente jours précédant le jour de l’attribution des actions aux travailleurs ou le
dernier cours de clôture précédent le jour d’attribution ; dans les autres cas, le montant à
affecter ne peut être inférieur à la valeur réelle de l’action déterminée par la société qui
l’attribue, au moment de cette attribution, sur avis conforme d’un réviseur d’entreprises ou
d’un expert comptable externe qu’elle désigne. En aucun cas toutefois, cette valeur ne
pourrait être inférieure à la valeur comptable des actions sur la base des derniers comptes
annuels de la société émettrice et approuvés avant la date de l’attribution.
208.
La taxe est due lors de l’attribution ou de la mise en paiement des participations,
l’inscription de celle-ci à un compte ouvert au profit du bénéficiaire, même s’il est
indisponible, étant considéré comme attribution. C’est le fait générateur.

209.
Il est par ailleurs instauré une taxe additionnelle, qui vient donc s’ajouter à la taxe
proprement dite, « en cas de non-respect de la condition d’indisponibilité de la
participation visée aux articles 11 et 19 de la loi du 22 mai 2001 (…) ou de la part visée
à l’article 15 § 1er, de la même loi ».
Dans ce cas, la base imposable correspond à celle qui est fixée lorsqu’il s’agit d’une
participation au capital ou aux bénéfices faisant l’objet d’un plan d’épargne
d’investissement, mais est « limitée au prorata des participations ou des parts rendues
disponibles »
.

Cette taxe additionnelle est exigible au moment où le régime d’indisponibilité de la


participation est levée
.

210.
L’article 23 de la loi du 22 mai 2001 a introduit un titre VII dans le CTAIR, dont l’article
117, § 1er détermine le taux de la taxe. Il est fixé à :

- 15 % pour les participations au capital ;


- 15 % pour les participations aux bénéfices attribués dans le cadre d’un plan d’épargne
d’investissement et qui font l’objet d’un prêt non subordonné ;
- 25 % pour les participations aux bénéfices non visés par le taux de 15 %.
L’article 117, § 2 CTAIR prévoit un taux de 23,29 % pour le taux de la taxe
additionnelle.

Aux termes de l’article 118, § 1 er, CTAT, l’employeur qui attribue la participation est
redevable de la taxe et doit retenir celle-ci sur les montants à affecter au paiement en
espèces, à la participation au capital ou au plan d’épargne d’investissement.

En ce qui concerne la taxe additionnelle, plusieurs redevables sont prévus par l’article
118, § 2 CTAIR. Ainsi, si les actions ou parts ont dû faire l’objet d’un dépôt à découvert,
ce sera à l’établissement de crédit ou à la société de bourse à retenir et payer le montant
dû.
Si des actions étaient détenues dans une société coopérative de participation, c’est elle
qui sera redevable, l’employeur l’étant dans tous les autres cas.

211.
Trois observations méritent encore d’être formulées :

D’abord, les sociétés coopératives de participation ne sont imposées que sur un montant
formé par le total, d’une part, des dépenses et frais non-déductibles au titre de frais
professionnels, autres que les réductions de valeur et les moins-values sur actions ou parts
visées par l’article 198, al. 1 er, 7°, CIR 92, d’autre part, des dépenses visées aux articles
57 et 195, § 1er, al. 1er de ce même Code et qui ne sont pas justifiées par des fiches
individuelles et un relevé récapitulatif
. Ces sociétés ne sont donc pas taxées en raison des dividendes qu’elles perçoivent : elles
sont, sur ce plan, transparentes, l’objectif étant que ce ne soit pas plus coûteux que si
l’avantage était perçu directement par le travailleur.

Ensuite, par application de l’article 269, alinéa 3, e) nouveau CIR 92, les dividendes
qu’une société coopérative de participation distribue bénéficient du taux réduit à 15 %
dans la mesure où les dividendes qu’elle a perçus auraient bénéficiés de ce taux, à défaut
d’exonération. Notons que le travailleur adhérent qui quitte la société coopérative de
participation subira un précompte mobilier de 10%, conformément à l’article 269, 2° bis,
CIR 92, sur la plus-value que ses actions ou parts dégageraient au moment de son retrait.

Enfin, l’article 31 de la loi nouvelle rétablit l’article 124 du Code des droits
d’enregistrement , d’hypothèque et de greffe, qui dans sa nouvelle rédaction, exonère du
droit d’enregistrement proportionnel d’apport de 0,5% tant l’augmentation de capital
statutaire effectué en application d’un plan de participation, que l’apport à une société
coopérative de participation effectué dans les conditions légales, toujours dans un but de
neutralité fiscale.

212.
L’article 42 de la loi du 22 mai 2001 a donné au Roi le pouvoir de fixer la date d’entrée
en vigueur de chacune des dispositions de la loi. Un arrêté royal est intervenu le 19
décembre 2001
.

Les articles 22 à 28 et 30 (dispositions fiscales) sont entrés en vigueur à partir de


l’exercice d’imposition 2002. L’article 29 (relatif aux dividendes des sociétés
coopératives de participation) est applicable au bénéfice attribué aux mises en paiement à
partir du 1er janvier 2002, de même que l’article 31 portant exonération des droits
d’enregistrement.

Toutes les autres dispositions entrent en vigueur le jour de la publication de l’arrêté royal
au Moniteur belge, soit le 29 décembre 2001, étant entendu que le premier bénéfice
distribuable est celui de l’exercice comptable qui se clôture au plus tôt le 31 décembre
2001.

Quant aux arrêtés-royaux des 21 décembre 2001 (deux) et 19 mars 2002 intervenus
depuis, ils produisent leurs effets le même jour que les dispositions légales dont ils
assurent l’exécution, soit dans chaque cas le 29 décembre 2001.

LES AVANTAGES NON RÉCURRENTS LIÉS AUX RÉSULTATS OU "BONIS


LIÉS AUX RÉSULTATS".

213.
Les articles 38 et 52 du CIR 92 ont été modifiés par une loi du 21 décembre 2007.
Depuis le 1er janvier 2008, les employeurs peuvent payer annuellement à leurs
membres du personnel un bonus, bénéficiant d’un régime fiscal de faveur, allant
jusqu’à 2.200,00 EUR nets par travailleur. S’il respecte cette limite, l’employeur n’est
redevable que de 33% de cotisations sociales et les montants versés sont intégralement
déductibles.

Relevons deux éléments importants pour la compréhension et l’application de ce


régime. Premièrement, le nouveau système est complémentaire et ne remplace pas les
régimes existants. Il est dès lors possible d’appliquer les systèmes existants en
combinaison avec le nouveau système du bonus. Deuxièmement, cette loi ne concerne
que les salariés, à l’exclusion des dirigeants d’entreprise sous statut d’indépendant, ce
qui est regrettable.

La loi du 21 décembre 2007 et la CCT n° 90 définissent les avantages non-récurrents


liés aux résultats comme étant : « les avantages liés aux résultats collectifs d’une
entreprise ou d’un groupe d’entreprises, ou d’un groupe bien défini de travailleurs,
sur la base de critères objectifs. Ces avantages dépendent de la réalisation d’objectifs
clairement balisables, transparents, définissables/mesurables et vérifiables, à
l’exclusion d’objectifs individuels et d’objectifs dont la réalisation est manifestement
certaine au moment de l’introduction d’un système d’avantages liés aux résultats. »

Les conditions suivantes doivent être simultanément réunies pour bénéficier du


régime de faveur :

- Les bonis doivent être non-récurrents.

- En outre, les avantages ne peuvent être couplés qu’aux résultats collectifs qui
dépendent de la réalisation d’objectifs collectifs de l’entreprise, du groupe
d’entreprises, ou d’un groupe bien défini de travailleurs. Les avantages ne
peuvent en aucun cas être dépendants d’objectifs et de prestations individuels
des travailleurs concernés.

- L’avantage doit porter sur tous les membres du personnel ou sur un groupe bien
défini de travailleurs.

- Les bonis peuvent être alloués seulement à l’occasion de la réalisation d’objectifs


mesurables et clairement définis. Des objectifs purement financiers sont par
exemple la réalisation d’un chiffre d’affaires ou d’un bénéfice prédéterminé.
Les objectifs doivent porter sur une période de référence déterminée. Sont
exclus les objectifs dont la réalisation est manifestement certaine. Cette
exclusion a pour but d’éviter de déguiser une rémunération sous la forme
d’avantages liés aux résultats.

Le traitement de faveur s’applique seulement pour un montant plafonné à 2.200 EUR


maximum par travailleur.

214.
Sur le plan du droit social, les bonis liés aux résultats ne constituent pas un salaire et
ils ne tombent pas sous l’application des cotisations de sécurité sociale. Cependant,
depuis le 1er janvier 2013, le travailleur doit payer une cotisation de solidarité de 13,07
% sur le montant octroyé. Pour sa part, l’employeur paye une cotisation de sécurité
sociale spéciale libératoire de 33 %.

Ces cotisations sont dues tant qu’un certain plafond n’est pas dépassé. Si ce dernier est
dépassé, l’excédent sera soumis aux cotisations sociales ordinaires.

Pour 2018, le plafond s’élève à 3.313 €

215.
Sur le plan fiscal, les bonis sont exonérés de l’impôt des personnes physiques à
concurrence d’un montant annuel maximum de 2.880 € nets par travailleur, à
condition qu’ils soient effectivement soumis au 33% de cotisation sociale patronale
précités.
Par conséquent, aucun précompte professionnel n’est dû sur ces avantages.
216.
Les 33% de cotisation de sécurité sociale patronale sont fiscalement déductibles
comme frais professionnels.
De même, l’employeur peut déduire le bonus versé comme frais professionnel à
condition qu’il ait été soumis effectivement à la cotisation de sécurité sociale spéciale.
Si un employeur paye à ses travailleurs un avantage dépassant le plafond de 3.313 €
(pour 2018), la quotité qui excède sera imposée comme un salaire ordinaire, tant sur le
plan fiscal que sur le plan social.
Il ne nous reste plus qu’à espérer l’extension de ce régime aux dirigeants d’entreprise
indépendants.

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