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Dossiers d’actualité, JOU-18934, Automne 2004

Références bibliographiques :
Le métier de journaliste, de Pierre Sormany, 1990 (réédition 1999)
L’écriture de presse : l’art d’informer, de Line Ross, 1990
Comme on fait son lead, on écrit, d’Antoine Char, 2002

Lead et amorce : définition


Sans vouloir prendre trop de détours, on peut dire que les termes « amorce » et « lead » désignent tous le
premier paragraphe d’un article.

Certains auteurs proposent toutefois des nuances.


- L’amorce est l’appellation du premier paragraphe d’un article.
- Le lead serait l’appellation spécifique pour l’amorce des articles de nouvelle.

Considérant que l’objectif du cours vise la maîtrise des genres rédactionnels que sont l’analyse et le
reportage, nous privilégions le terme « amorce ».

Et le chapeau ?
- En aucun temps cependant il ne faut confondre l’amorce avec le chapeau. Ce dernier désigne un court
texte de présentation qui « coiffe » un article ou un dossier. Il présente au lecteur soit une vue
d’ensemble du dossier, soit une mise au point ou un rappel d’événements récents auxquels le dossier
pourrait faire écho.
- Souvent intégré dans la mise en page avec des photographies ou des illustrations, il suit généralement
le titre, mais ne fait pas partie du texte. Il n’est pas nécessairement écrit par le journaliste lui-même,
mais plutôt ajouté par le rédacteur en chef ou le chef de pupitre lors du montage de l’article.

Les fonctions de l’amorce


C’est l’élément le plus important d’un article; si l’amorce est ratée, votre article est raté.

Attirer et retenir le lecteur.


- À la suite de la lecture du premier paragraphe, si le lecteur ne sait pas quel est le sujet de l’article et ce
qu’il pourra apprendre de neuf à ce sujet (angle de traitement), fort probablement que votre article ne
sera pas lu.
- En plus d’être écrit dans une langue simple et efficace (le mot juste !), le style y est particulièrement
important. L’amorce doit être « punchée », elle peut être intrigante, et elle doit agir comme un
« hameçon psychologique » (Antoine Char).
- La difficulté de l’amorce découle certainement de ce double objectif : être claire et précise tout en ayant
du style et de l’originalité.

Baliser la lecture.
- C’est l’idée maîtresse ou le fil conducteur de l’article. Imaginez que vous n’ayez que dix secondes pour
expliquer votre nouvelle à quelqu’un : que diriez-vous ?
- « Le lead permet de fixer son but, de tracer le sillon de son texte, de développer une argumentation. Sa
fonction : cimenter les faits. » (Antoine Char)

Informer (surtout dans le cas d’une nouvelle)


- L’amorce contient l’information que le lecteur doit ABSOLUMENT savoir. Selon la formule choisie
(voir présentation ci-après), l’amorce répond obligatoirement au « quoi » et au « qui », et de façon plus
ou moins secondaire aux questions « où », « quand » et « pourquoi ».
1 © Guylaine Proulx et Daniel Samson-Legault
Dossiers d’actualité, JOU-18934, Automne 2004

L’amorce s’édifie essentiellement avec le triangle actualité-intérêt-conséquence.


- l’actualité, c’est répondre à ‘quoi de neuf ?’,
- l’intérêt, c’est celui du lecteur, il faut interpeller ses atomes crochus,
- la conséquence, c’est l’importance que peut avoir la nouvelle sur la vie et l’environnement du lecteur. »
(Antoine Char)

Des formules d’amorce


Amorce synthèse ou classique
Il y aura des élections fédérales, le 15 novembre prochain. C’est ce qu’on a appris hier, à l’occasion
d’une conférence de presse extraordinaire du premier ministre, sur la colline parlementaire… 
(Sormany, 1990 :97)

- Répond aux 5 W (Who, What, When, Where, Why)


- Plus ou moins intéressante pour un article de fond ; réservée plutôt à la nouvelle.

Amorce citation
« Nous allons au front, et que le meilleur gagne ! » C’est par ce cri de ralliement que le premier
ministre a mis fin hier au suspense qui durait depuis quelques jours sur la colline parlementaire et
annoncé la tenue du scrutin fédéral, le…  (Sormany, 1990 :97)

- Peut être une citation directe ou indirecte.


- S’adapte à différents genres rédactionnels.
- Il faut s’assurer que la citation soit vraiment pertinente, qu’elle illustre bien notre fil conducteur et que
l’énoncé choisi soit clair, concret et direct.

Amorce anecdotique (descriptif, Sormany) Line Ross (p. 143)


Hier, Jean Santerre a avalé un litre de lait. Et rien d’autre. « Ça va être comme ça jusqu’au prochain
chèque du Bien-être », explique-t-il. (Ross, 1990 : 143)

- C’est la description d’un cas exemplaire qui illustre une situation plus générale. Il permet au lecteur de
s’identifier à cette personne.
- Très utile en journalisme de fond, permet de cerner une problématique avec un cas particulier et de
généraliser par la suite au fil de l’article.

Amorce mise en scène


- Ressemble un peu à l’amorce anecdotique, mais il s’agit de faire une description du décor, de
l’environnement, de l’ambiance plutôt que d’une action.
- Étant donné son aspect très « senti », cette formule convient bien au reportage.

Énumération
- Cette formule est pertinente lorsqu’il est question d’un événement qui dure ou d’une série
d’informations qui sont déjà connues du lecteur.
- Si elle est à déconseiller pour rapporter une nouvelle « brûlante », cette amorce pourrait être
intéressante pour un texte d’analyse et un reportage.

2 © Guylaine Proulx et Daniel Samson-Legault


Dossiers d’actualité, JOU-18934, Automne 2004
Amorce interrogative
- Les auteurs consultés s’entendent pour déconseiller cette formule.
- On devrait la réserver seulement pour les sujets légers. Son utilisation pour un sujet sérieux ou ayant
d’importantes conséquences sur la vie des gens pourrait donner un ton étrange à l’article.
- Si une formule interrogative peut être accrocheuse, elle a le grand désavantage de n’apporter aucune
information au lecteur. Construire une première phrase sous forme interrogative nous éloigne donc
d’un des principaux objectifs de l’amorce : informer.

Amorce apostrophe
- La première phrase interpelle directement le lecteur.
- Déroge à la discrétion journalistique, en s’adresse directement au lecteur, le journaliste se met à
l’avant-plan. Cette formule est donc fortement déconseillée pour les genres rédactionnels qui se
retrouvent près du pôle « faits », mais peut servir les genres près du pôle « opinion », tel que le billet.

Amorce projective (anticipation des conséquences)


- Fait ressortir une ou plusieurs conséquences qui touchent directement le lecteur.
- Elle permet de « vulgariser » et d’attirer le lecteur vers une information qui serait sinon trop abstraite.

Cette liste n’est qu’un aperçu des amorces les plus courantes et les plus faciles. De l’audace, du talent et de
l’expérience peuvent jaillir des amorces ironiques, historiques, suspendues, etc. Les possibilités sont infinies.
Toutefois, étant donné les conséquences on ne peut plus désastreuses d’une amorce manquée, c’est-à-dire
l’indifférence des lecteurs envers votre article, il vaut mieux jouer de prudence et orienter son inspiration vers
quelques formules de base.

La chute, la cerise du gâteau !


Il est tellement agréable de terminer la lecture d’un article captivant par une dernière salutation, un léger
recueillement sur ce que le journaliste nous a communiqué. Au contraire, lire un article qui s’arrête
brusquement c’est comme être laissé au beau milieu d’une route.

Des stratégies de chute


- Revenir sur un élément de l’amorce : un personnage (anecdote), une ambiance (mise en scène), des
conséquences à surveiller (projective). Fermer la boucle crée un sentiment d’unité du texte et, qui plus
est, rappelle l’effet génial que vous avez produit dès le début avec votre excellente amorce.
- Émettre des hypothèses : quelles seraient les conséquences si A ou plutôt B. Attention à la lourdeur !
- Ouvrir une porte sur l’avenir : des événements à surveiller ?
- Laisser la parole aux acteurs : par une citation directe, on laisse le dernier mot à un acteur dont le
point de vue ou l’expérience a accompagné le développement de notre angle.

Des chutes qui font mal…


- Ce n’est pas le temps de faire la morale ou de se sortir en vitesse avec un proverbe vide et cliché.
- Ce n’est pas le moment d’apporter une nouvelle information. Le service est terminé, tout le monde a
bien mangé ! Sans être redondant et lourd, c’est plutôt le moment de faire ressortir certains éléments
déjà présentés dans l’amorce ou le développement.
- Une erreur commise fréquemment par les journalistes débutants est de mettre son amorce dans le
dernier paragraphe et de le formuler comme une conclusion de dissertation.
3 © Guylaine Proulx et Daniel Samson-Legault
Dossiers d’actualité, JOU-18934, Automne 2004

Quelques éléments sur la lisibilité


1) Des phrases courtes
Des phrases courtes sont plus faciles à lire et à retenir. On peut faire l'exercice de compter le nombre de
mots par phrase. Une moyenne de 20 mots devrait être un maximum. Évidemment, il s'agit d'une
moyenne: la longueur des phrases a par ailleurs intérêt à être diversifié, et le style, rythmé.

2) Du concret plutôt que de l'abstrait


Choisir un exemple plutôt qu'une considération théorique.

3) Fil conducteur clair


Garder un angle de traitement «pointu» et éliminer ce qui en est trop étranger.

5) Imager, illustrer, informer

6) Un vocabulaire précis, et le plus simple possible


S'il faut utiliser un terme spécialisé ou nouveau ou difficile, prévoir une note de bas de page pour le définir
ou l'expliquer.

7) Formes actives et l’indicatif présent plutôt que formes passives et verbes au passé

8) Éliminer les mots, propositions ou phrases superflus

9) Des paragraphes courts et indépendants


En journalisme écrit, un paragraphe pourrait être retiré sans qu'on perde d'élément essentiel à la
continuité. Des paragraphes courts facilitent la lisibilité: 15 lignes consécutives devraient constituer un
maximum absolu.

Au sujet de la structure du texte


- On ne doit jamais éloigner le lecteur du fil conducteur, c’est-à-dire l’angle de traitement. Puisque ce
dernier doit être annoncé dans l’amorce, une stratégie de rédaction lorsque le journaliste craint de se
perdre pourrait être d’écrire l’amorce en premier et de s’en servir comme balise pour le reste du
travail.

- La structure de la « pyramide inversée » n’est pas appropriée à la rédaction d’un article de fond tel
qu’un reportage ou une analyse. Au lieu d’aller du plus spécifique au général, ou du plus important-
pertinent-nouveau au rappel des événements passés, il vaut mieux penser son texte en terme
« d’effets ». Dans quel ordre dois-je présenter les informations, ou les enjeux, à mon lecteur pour que
ce dernier puisse suivre mon fil conducteur.

- Il ne faut pas « barouetter » son lecteur, mais plutôt le prendre par la main, lui écrire des « phrases
pivots » lorsqu’il est temps de passer d’un élément A à un élément B.

4 © Guylaine Proulx et Daniel Samson-Legault

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