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ISLANDE
Territoire de glace
et de pêcheurs
De la mer à l’assiette, la filière islandaise fait de l’innovation et la durabilité
ses deux axes de développement. L’enjeu du moment : faire connaître
et reconnaître l’excellence de ses produits et de son industrie.
1 1Mt,
Emplois :
12 000
Md€
de l’amont à l’aval
fulgurante depuis 2016. Elle est passée de
8 000 tonnes en 2015 à 40 000 tonnes
en 2020, dont 35 000 tonnes de sau-
mon. Le reste est de l'omble chevalier
et une quantité marginale de truite. La
production aquacole se veut très qualita-
tive et a pour ambition de concurrencer
islandais capturent chaque année un mil- nant, avec 70 à 80 %. le modèle norvégien. Mais pour l’heure,
lion de tonnes de poissons pour près d’un Le Royaume-Uni représente 18 % des Export : l’aquaculture a un poids négligeable
milliard d’euros. Les principales espèces
sont le cabillaud (220 000 tonnes), le
exportations de produits de la mer islan-
dais, puis suivent la France (14 %), les 60 %
des captures
dans la production islandaise. Le pays
et la population sont historiquement et
lieu noir (77 000 tonnes), le hareng États-Unis (9 %), l’Espagne (7 %), et la culturellement tournés davantage vers la
(72 000 tonnes), l’églefin (41 000 tonnes) Norvège (7 %). pêche et la mer que vers la terre, l’agri-
et le sébaste (28 000 tonnes). L’aquaculture connaît une croissance culture, et l’aquaculture.
Pays clients des produits de la mer islandais en 2020 en valeur Quotas pour l’année 2021 des principales espèces en tonnes
Royaume-Uni Cabillaud 220 417
18 % France
14 % Lieu noir 77 381
Autres
27 % USA
Hareng 72 239
9%
Églefin 41 229
Vincent Schumeng
Vincent Schumeng
Une filière ultra-intégrée et durable
La filière islandaise présente deux particu-
La pêche et l’industrie des produits de la
mer en Islande se construisent autour de 7 pêcheries
certifiées IRF
nomique que sanitaire, l’Islande ayant
connu peu de décès et de contaminations
larités : son très haut degré d’intégration, la durabilité. Connu pour être un des plus en comparaison du Vieux Continent. En
et l’importance de la durabilité.
En France et en Europe, nous sommes
« écolos » au monde, le pays a développé
sa propre certification de pêche durable : 15 pêcheries
certifiées MSC
effet, les mesures sanitaires ont poussé le
secteur à s’adapter très rapidement et à
familiers d’un modèle et d’une filière aux Iceland Responsible Fisheries (IRF). Cette se tourner davantage vers la distribution
multiples maillons : armateurs, criées, certification se base sur les critères de la que la restauration. Par exemple, Daniel
Les produits de la mer :
mareyeurs, transformateurs, transpor- FAO pour une pêche durable. Sept pêche- Niddam, chef des ventes chez Valka, a dû
teurs, société d’import-export. En Islande,
plusieurs compagnies font tout à la fois :
ries sont actuellement certifiées : cabil-
laud, sébaste, lieu noir, églefin, hareng,
10 %
du PIB de l’Islande
modifier sa stratégie pour vendre ses solu-
tions industrielles de coupes et tri de pois-
elles pêchent, transforment, vendent et brosme et lingue. Elles représentent envi- son : « Nous avons dû expliquer que nos
exportent. Hjalti Vignisson, gérant exécu- ron la moitié des captures islandaises. À Consommation : machines de tri étaient également adap-
tif de Stormar, explique que cette intégra- la certification IRF s’ajoute le MSC, avec tées à la mise en barquette et pas qu’au
tion complète de l’amont à l’aval « permet
de surveiller la qualité du produit du début
quinze pêcheries certifiées. En plus de
la pêche durable, l’industrie s’oriente de
9 kilos/an/
personne
vrac », explique-t-il. Mais globalement,
le secteur s’est tenu et l’offre islandaise
à la fin ». À Höfn, dans le sud-est de l’Is- plus en plus vers des stratégies bas car- s’est adaptée à la mutation de la demande
lande, la compagnie Skinney-Thinganes,
l’une des propriétaires de Stormar, a des
bone, avec notamment l’essor de l’export
par bateau. 1 3 et jours
entre la pêche
européenne.
Au final, les ambitions de l’Islande en
chalutiers débarquant directement aux Les Islandais sont les Occidentaux qui matière de produits de la mer pourraient
et la distribution
portes de l’usine cabillauds, poissons bleus consomment le plus de produits de la en Europe se résumer en deux mots : innovation et
et langoustines, qui sont immédiatement mer, avec 92 kilos par an par habitant. durabilité. Aujourd’hui, la filière souhaite
transformés. Les produits sont prêts à être Cela équivaut en moyenne à un filet de valoriser ses démarches et produits en
exportés en moins de 24 heures, soit par cabillaud de 250 grammes par jour ! Au Europe, et en particulier en France, qui
bateau, soit par avion. Dans le port de supermarché, le poisson frais domine, est devenue son deuxième marché et le
Reykjavik, la société Brim procède de la avec des rayons traditionnels proposant premier en ce qui concerne le cabillaud.
même manière avec les poissons blancs. des poissons séchés ou en brandade. La Business Iceland a donc lancé la cam-
Ainsi, un filet de cabillaud venu d’Islande quasi-totalité des restaurants proposent pagne de communication Fishmas, jeu de
atterrit dans nos linéaires de supermarché du poisson et la pêche du jour, en filet, mots entre fish et Christmas. Franc succès
48 ou 72 heures après avoir été pêché s’il soupe, séché, frit… au Royaume-Uni, cette campagne sera-t-
arrive par avion ou 24 heures plus tard par La filière islandaise a été frappée par elle un beau cadeau de Noël pour la filière
bateau. Qualité et fraîcheur garanties ! la pandémie davantage sur le plan éco- islandaise ? n
Vincent Schumeng
d’Islande. L’agglomération abrite le plus d’entreprises
liées aux produits de la mer, et est donc le cœur du
développement et de l’innovation du secteur.
62 435
114 M€
t
d’infrastructures de transit que de point
de vente. Les enchères descendantes ont
lieu l’après-midi en ligne. Impossible ici de
retrouver le spectacle familier en France
des acheteurs qui se pressent tôt le matin
devant les caisses de marées et l’écran des
enchères, tout est informatisé et centra-
ments islandais), et le premier en valeur de Reykjavik qui met en avant la valorisa- lisé dans une base de données. Ces ventes
(114 millions d’euros, 12 % des débarque-
ments islandais). Les trois espèces les plus
tion complète du cabillaud avec un man-
tra : « chaque kilo compte ». Une stratégie 10 %
anticipées sont rendues possibles par la
collaboration étroite entre criées, bateaux
débarquées à Reykjavik sont le cabillaud efficace qui permet de valoriser au mieux. des chalutiers et acheteurs, qui permet de connaître à
(18 000 tonnes), le sébaste (18 000 tonnes), du pays l’avance les caractéristiques de chaque
et le lieu noir (11 000 tonnes). Vendre… avant la pêche ! débarque (bateau, espèce, taille, poids,
Les industriels de la ville valorisent ces En Islande, les criées sont privées, et la qualité, engin, etc.).
captures de différentes manières, la plus plus grosse compagnie gestionnaire est Le port de Reykjavik a donc une impor-
fréquente étant la surgélation. Mais la Fiskmarkadur, par qui passe la moitié des tance industrielle capitale, mais est éga-
filière islandaise est passée maîtresse dans débarquements. Elle gère notamment la lement un haut lieu historique, culturel
l’art de l’utilisation des coproduits : peau, criée de Reykjavik. Cependant en Islande, et touristique de la ville. Le musée mari-
yeux, viscères… Tout ou presque est réu- vu les volumes considérables et l’impor- time, directement sur les quais, nous offre
tilisé. Dans le cas de la morue, alors que tance de l’export, les captures sont vendues l’histoire de la pêche islandaise, véritable
les Européens utilisent 50 % du poisson, avant d’être débarquées, le plus souvent en moteur du pays et indissociable de l’his-
les Islandais montent jusque 80 %. Mis à gré à gré, la criée servant alors davantage toire de celui-ci. n
rents cluster interagissent les uns avec les autres pour s’échanger idées et pro-
jets. D’après Nanna Osk Jonsdottir, operationnal manager du cluster, « cette
coopération entre start-up est une véritable révolution, au service de la pêche
durable ».
DR
munication. dans la chair, ce qui permet d’utiliser la dénomination « frais »
Les pouvoirs publics investissent dans en accord avec les règlements européens.
ce domaine, par l’Ocean Cluster, mais En plus de l’ultra-réfrigération, Matìs a développé une caisse de transport en
également par des sociétés de R&D polystyrène expansé aux coins arrondis qui permet de maintenir le poisson frais deux
comme Matìs, qui propose des solu- fois plus longtemps que les caisses classiques, jusqu’à cinq jours, et avec moins de
tions en biotechnologies pour la sécu- variations de température. L’idéal pour le fret maritime !
rité alimentaire, la santé publique et la
qualité. Cette entreprise est financée à
25 % par le gouvernement islandais, qui Marel, le géant international qui développe l’usine 4.0
veut faire de ces enjeux une de ses prio-
rités, et flèche ses financements essen- La multinationale alloue 6 % de ses bénéfices à
tiellement sur les produits de la mer. l’innovation pour développer de nouveaux systèmes,
logiciels, machines… Pour répondre à la pandémie,
L’innovation au service de l’export elle a développé des machines industrielles pour
Depuis 20 ans, l’exportation des pro- maintenir la distanciation sociale.
duits de la mer islandais augmente mas- Selon Atli Sigurdur Krisjànsson, marketing manager
sivement. En ce qui concerne les filets de Marel, « les datas et l’intelligence artificielle
V. S.
et longes fraîches, les volumes sont sont les piliers de l’usine 4.0 ». Alors qu’aujourd’hui,
passés de 11 000 tonnes au début des les algorithmes et logiciels sont en support des technologies de process, Marel
années 2000 à 40 000 tonnes en 2020. ambitionne de produire une ligne dirigée par une intelligence artificielle, et ainsi
Mais si au début du siècle ces exporta- de sauter le pas de la quatrième révolution industrielle. L’intérêt : un monitoring
tions étaient réalisées quasi exclusive- constant de tous les paramètres techniques et environnementaux de la ligne, avec
ment par avion, elles se font aujourd’hui une collecte massive de données.
pour moitié en avion et pour moitié en
bateau. Ce dernier présente de nom-
breux avantages : moins cher, tempéra-
ture de conservation bien plus stable, et Valka, la petite start-up devenue grande
un bilan carbone bien meilleur. En effet,
pour un kilo de poisson, l’avion dégage Valka propose des solutions innovantes et complètes de
7,4 kilos de CO2 et le bateau 0,42 kilo découpe, parage et calibrage, avec notamment un système de
à distance équivalente. Le problème découpe par jet d’eau muni d’une vision laser et rayon X, et
du bateau : le trajet jusqu’en Europe de buses mobiles sur tous les plans permettant un désarêtage
(Boulogne, Rotterdam, etc.) prend une total et le portionnement de poissons blancs et saumons.
journée de plus que l’avion. Les tech- Valka est très bien implantée dans le nord de l’Europe.
nologies du froid actuelles parviennent En juin, Marel a annoncé l’acquisition de 90 % des parts de
V. S.
à répondre à ce problème : ultra-réfri- Valka, avec pour objectif la coopération étroite des équipes.
gération, conteneurs réfrigérés, caisses Helgi Hjàlmarsson, fondateur et PDG de Valka, assurera la direction de l’intégralité
de transport thermo-performantes… des solutions de Marel. Daniel Niddam, chef des ventes de Valka, explique que la
Autant d’innovations qui permettent société « pourra bénéficier des marchés de Marel sur tous les continents, et pas
aujourd’hui d’alléger les coûts et le bilan seulement du nord de l’Europe. Nous pourrons cibler de nouveaux marchés, comme
carbone de l’export. n celui du saumon chilien. »
La France comme
premier partenaire
Deuxième marché de l’Islande sur les produits
de la mer, la France est un partenaire
commercial privilégié. Mais les deux pays
Vincent Schumeng
partagent aussi une histoire commune et
méconnue autour de la pêche. Un historique à
revitaliser pour valoriser les produits islandais ?
Les liens entre la France et l'Islande sont réels, mais
L
doivent être ravivés dans l'imaginaire collectif.
a France est le deuxième marché islandais, essentiellement du cabillaud L’export vers À travers sa campagne Fishmas et sa
des exportations de produits de (15 000 tonnes), du sébaste (5 000 tonnes) la France : plateforme collaborative de promotion
la mer Islandais, avec 14 % de et du lieu noir (4 000 tonnes). L’Islande est Seafood from Iceland, Business Iceland
Produits de la mer
la valeur en 2020, contre 7 % le premier fournisseur de la France en filet (en valeur) : souhaite faire connaître les produits islan-
14 %
en 2007. Mais c’est pour le cabillaud de cabillaud frais et en coupes congelées dais aux Français, et leur faire comprendre
que la France domine, avec 21 % de la diverses. Au final, près d’un cabillaud sur que le cabillaud vient pour une bonne
valeur en 2020, contre 5 % en 2007. cinq de nos étals vient d’Islande. part de ce pays, de la même manière
Les chiffres sont encore plus spectacu- Pourtant, malgré ce succès, un audit Cabillaud qu’ils associent le saumon à la Norvège.
laires si on considère le cabillaud frais : révèle que les Français identifient peu (en valeur) : Et si en plus de la qualité et de la durabilité
44 % de la valeur vers la France en 2020 !
Historiquement, depuis que l’Islande a
l’origine islandaise des produits de la
mer. Lorsqu’on leur demande de quels
21 % des produits, il était possible de réveiller
un imaginaire et une histoire de la pêche
développé ses exportations, c’était le pays ils préfèrent consommer du pois- Cabillaud frais « à l’Islande » (selon l’expression utilisée
Royaume-Uni le premier marché, et il l’est son, 5 % répondent l’Islande. Et lorsqu’ils (en valeur) : à l’époque) ? Bjorgvin Thor Bjorgvinsson,
encore au global avec les poissons bleus
et les crustacés.
pensent à des produits de la mer de qua-
lité, seuls 4 % des consommateurs fran- 44 % chef du département Produits de la Mer
de Business Iceland, s’amuse : « Les
Au total, la France importe çais répondent l’Islande, contre 18 % des Français pêchaient en Islande, ils peuvent
39 000 tonnes de produits de la mer Britanniques ! redécouvrir nos produits ! » n
histoire ».
Nombre d’acteurs, industriels, et commerciaux sont d’accord : l’histoire des
pêcheurs français en Islande peut être un moyen de faire connaître le pays, sa
pêche, ses pratiques, et in fine ses produits.