DOI 10.1007/s11608-009-0238-9
Résumé Les dyspareunies concernent 4 à 28 % des chroniques, ce symptôme peut avoir un retentissement
femmes. On distingue les dyspareunies profondes et majeur sur le bien-être et la qualité de vie affective des
superficielles. L’interrogatoire et l’examen clinique doivent patientes. Son retentissement psychologique ne doit pas être
être minutieux pour ne pas ignorer une cause organique négligé. Elles engendrent de l’anxiété, une appréhension
curable. La plainte de la patiente ne doit pas être négligée. vis-à-vis des relations sexuelles et une diminution du désir
Le diagnostic de dyspareunie d’origine psychogène ne doit [1]. Elles concernent 4 à 28 % des femmes [2]. Une origine
pas être trop hâtif. Toutes les causes organiques doivent être organique doit toujours être suspectée afin de permettre un
identifiées et traitées spécifiquement au plus vite afin de traitement adapté.
limiter au maximum le retentissement psychologique. Nous On distingue deux types de dyspareunie :
exposons les principales causes de dyspareunies.
les dyspareunies superficielles, orificielles ou d’intromis-
Mots clés Dyspareunie superficielle · Dyspareunie sion : elles correspondent à l’apparition d’une douleur
profonde · Douleurs pelviennes chroniques dès le début de la pénétration (par exemple, dès le contact
avec le vestibule) ;
Abstract Dyspareunia affects 4 to 28% of women. There les dyspareunies profondes : elles correspondent à
are two described types of dyspareunia: superficial and l’apparition de douleurs le plus souvent pelviennes
deep. The medical history and the physical examination lorsque la pénétration est complète. Elles ne concernent
must be thorough in order to find organic causes. Patients pas la vulve ou le vagin.
complaints must be taken seriously and psychological On parle de dyspareunie primaire lorsque la symptomato-
causes are only confirmed when all possible organic causes logie est apparue dès les premiers rapports. Lorsqu’il existe
have been ruled out. Organic causes should be identified un intervalle libre entre les premiers rapports et l’apparition
and treated immediately in order to limit psychological des dyspareunies, on parle de dyspareunies secondaires.
impact. We present in our study the more common causes L’examen clinique et l’interrogatoire sont fondamentaux
of dyspareunia. dans la prise en charge : l’interrogatoire doit être minutieux
et permet de définir le type de dyspareunie (superficielle ou
Keywords Superficial dyspareunia · Deep dyspareunia · profonde).
Chronic pelvic pain On précisera :
le siège de la douleur (vulvaire vestibulaire et/ou
Introduction orificielle, hyménéale, pelvienne) ;
le mode de déclenchement : contact, positions,
Les dyspareunies sont un motif fréquent de consultation en mouvements ;
gynécologie ou en sexologie. Il s’agit de rapports sexuels l’intensité : autorisent-elles ou non l’intromission ?
douloureux ou difficiles. Comme toutes les pathologies Inhibent-elles ou non l’orgasme ?
la chronologie : au début, en cours, à la fin ou après le
A. Bricou (*) · D. Frimigacci · F. Demaria · rapport ;
R. Sakr · J.-L. Benifla la fréquence : à chaque rapport ?
Service de gynécologie, hôpital Armand-Trousseau (AP-HP),
26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, F-75012 Paris, France On recherchera la présence de signes fonctionnels
e-mail : alex.bricou@gmail.com associés tels que les douleurs pelviennes chroniques, des
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Vestibulodynies de contact ou vestibulites vulvaires La sémiologie, semblable à celle des syndromes canalaires,
est caractérisée par des douleurs périnéales spontanées
Elles concernent les femmes jeunes entre 20 et 40 ans, permanentes, à type de brûlure, de sensation de froid
principalement nullipares [10]. Elles se définissent par une douloureux, de décharges électriques, d’hypoesthésie ou de
intolérance au moindre contact vulvaire lors des tentatives paresthésie, systématisées, unilatérales, mais irradiant volon-
de pénétration. Elles se caractérisent par une sensation de tiers à tout le pelvis. Les douleurs sont majorées en position
brûlure ou de douleur limitée au niveau de la vulve. Ces assise, se calment en position debout, à la marche, au
douleurs à type de brûlures apparaissent dès la pénétration décubitus et peuvent être associées à des dyspareunies.
et peuvent persister pendant tout le rapport sexuel, voire D’autres symptômes périnéaux peuvent être associés tels que
plusieurs minutes après. Lors de l’examen clinique on met des fourmillements, des picotements, des engourdissements
en évidence, en l’absence d’infection, de néoplasie ou de ou des démangeaisons. L’examen clinique est le plus souvent
processus inflammatoire, la triade diagnostique de Friedrich normal. Néanmoins, il peut mettre en évidence au niveau du
définie par [11] : territoire de la douleur une hypoesthésie au tact et/ou une
hypoesthésie à la piqûre, et/ou une majoration de la douleur
une douleur provoquée au moindre contact au niveau du
au frottement. Souvent, le toucher rectal déclenche une
vestibule ;
douleur élective reproduisant la douleur spontanée lors de la
une douleur reproductible au moyen d’un coton-tige lors
palpation appuyée du nerf sur l’épine ischiatique.
d’une légère pression dans cette zone (Q-tip test positif) ;
D’autres points de compression ont été identifiés tels
la présence d’un érythème plus ou moins intense localisé
que : le prolongement falciforme du ligament sacrotubéral
à l’orifice des glandes de Bartholin à 5 et 7 h au niveau
ou la pince entre le ligament sacroépineux et le ligament
du vestibule ;
sacrotubéral. L’atteinte proximale est plus rare. Le diag-
la physiopathologie de cette affection est mal connue.
nostic repose sur l’anamnèse et les données cliniques,
Divers facteurs étiologiques ont été évoqués tels que les
électrophysiologiques et d’imagerie (imagerie par résonance
infections récidivantes, les facteurs allergisants, les
magnétique [IRM] pelvienne et du cône terminal). L’infil-
atteintes neurologiques (la névralgie du nerf pudendal),
tration peut avoir une valeur diagnostique et être thérapeu-
les traumatismes, des facteurs auto-immuns.
tique dans 30 % des cas.
Lorsqu’une endométriose est suspectée dans le cadre d’une association entre l’existence d’un utérus rétroversé et la
dyspareunie, un certain nombre d’examens complémentaires présence de dyspareunies [20]. L’examen clinique permet
semblent licites. L’échographie pelvienne par voie transva- de faire le diagnostic. L’échographie confirme la rétro-
ginale est peu invasive et constitue un examen de version utérine. La découverte d’une rétroversion utérine
débrouillage de première intention performant. Elle est dans le cadre de dyspareunies ne doit pas conduire
améliorée pour le diagnostic des atteintes du cul-de-sac systématiquement à une cure chirurgicale de cette rétro-
postérieur lorsque l’on réalise une sonovaginographie version. En effet, il n’est pas rare que les douleurs soient
(échographie transvaginale associée à l’injection intravagi- aggravées par l’intervention [21].
nale d’une solution saline). L’IRM constitue également un
examen de choix dans le bilan des lésions profondes et doit Syndrome de Masters-Allen
être proposée dans les dyspareunies, lorsqu’une endomé-
triose profonde est suspectée. Elle permet l’obtention d’une Il s’agit de l’association d’une mobilité anormale du col
cartographie lésionnelle pelvienne précise et complète. utérin, d’une rétroversion utérine et de déchirures des
L’échographie endorectale est également très intéressante feuillets postérieurs des ligaments larges [22,23]. Il est
pour diagnostiquer les lésions digestives endométriosiques souvent la conséquence d’un accouchement traumatique
basses. Elle sera proposée lorsqu’une atteinte digestive est (macrosomes, forceps, etc.). La dyspareunie est profonde
fortement suspectée par l’interrogatoire, l’examen clinique (balistique) et s’accompagne d’une douleur posturale à
ou les examens d’imagerie précédemment cités. Une prise en irradiation postérieure avec sédation en décubitus ventral.
charge active médicale et surtout chirurgicale extensive L’examen clinique retrouve une hypermobilité du col utérin
permet d’améliorer considérablement les symptômes dou- « col monté sur rotule ». Il existe une douleur provoquée
loureux chez ses patientes [16-18]. par l’antétraction du col et à la pression des attaches
cervico-isthmiques et des ligaments uérosacrés. La rétro-
Adénomyose version, bien que fréquente, n’est pas constante. Le port
d’un tampon à visée antalgique est un argument diagnos-
Elle correspond à la présence de tissu endométrial au sein du tique. La cœlioscopie confirme le diagnostic en mettant en
myomètre. Il s’agit le plus souvent de patientes d’une évidence la rupture du ligament large.
quarantaine d’années, multipares, ayant des antécédents de
gestes endo-utérins traumatisants tels que des curetages. Elle Prolapsus génitaux
peut être à l’origine de dyspareunies [19]. Ces dernières sont
rarement au premier plan chez ces patientes. Les ménorragies Ils sont exceptionnellement incriminés dans les dyspareunies.
sont le symptôme le plus fréquent. Elles sont souvent Lorsque ces dernières existent, on doit rechercher une cause
associées à des dysménorrhées rebelles aux traitements associée. De plus, les différentes techniques chirurgicales
médicaux. L’examen clinique retrouve un utérus augmenté proposées dans le cadre des prolapsus génitaux peuvent être
de volume sensible à la mobilisation. Là encore, l’écho- à l’origine de dyspareunies plus invalidantes [24].
graphie pelvienne est très pertinente pour suspecter une
atteinte adénomyosique de l’utérus (échostructure myomé- Léiomyomes utérins
triale anormalement hétérogène avec ou sans la présence de
kystes, augmentation de la longueur antéropostérieure ou de L’implication des léiomyomes utérins dans les dyspareunies
la largeur utérine et de l’asymétrie des faces utérines). L’IRM profondes n’est pas clairement définie. Pour certains,
permet, lorsque l’échographie n’est pas assez pertinente, de l’augmentation de la taille de l’utérus et les phénomènes
conforter le diagnostic (élargissement de la zone de jonction de compressions sur les annexes et sur le col pourraient être
supérieure à 5 mm, mise en évidence des kystes au sein d’un à l’origine des dyspareunies profondes [25,26]. De même, la
myomètre hétérogène hypertrophique). L’hystérosalpingo- localisation des léiomyomes aurait son importance. Les
graphie n’a d’intérêt que lorsqu’une infertilité est associée. localisations fundiques seraient associées à des dyspareu-
La prise en charge sera initialement médicale, puis nies plus prononcées [27]. Pour d’autres, la présence de
chirurgicale. Bien souvent, le dernier recours consiste en la léiomyomes utérins n’est pas à l’origine de dyspareunies
réalisation d’une hystérectomie. profondes [28].
Elle concerne une femme sur cinq mais n’est pas toujours à La pathogénie des dyspareunies est mal connue, elle serait liée
l’origine de dyspareunies. Il peut être difficile d’établir une à la présence d’adhérences pouvant être à l’origine d’une fixité
relation de causalité. Une étude récente conclut à une de l’utérus. Les hydrosalpinx ont également été incriminés.
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