Vous êtes sur la page 1sur 6

Littérature française du XVIe-XVIIIe siècle

Jeroen Timmermans
4022262
jeroen.timmermans@student.ru.nl
Dr. A.C. Montoya
20 décembre 2013
1463 mots

Le monologue de Figaro
- Une comparaison détaillée entre le monologue dans la pièce de théâtre de Beaumarchais et le
monologue dans l’opéra de Mozart -

Les arts et la société ont toujours eu un rapport intéressant. On croit souvent que c’est aux arts
(ou plutôt aux artistes) de refléter à la société et quand on a le besoin, de la critiquer. Ainsi
« Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), écrivain, musicien et poète français
du XVIIIe siècle 1 ». C’était à son époque que la noblesse et surtout le roi pouvaient faire tout
ce qu’ils voulaient. Leur pouvoir presque illimité dégoutait la population. Cela était aussi vrai
pour leurs mœurs (sexuelles), celle-ci étaient très relâchées. Les rois ne donnaient pas le bon
exemple, étant donné qu’ils aient des maîtresses officielles. La noblesse les suivait et aimait
aller, par exemple, aux fêtes champêtres ou aux fêtes galantes. Il y avait des femmes pour
plaire aux hommes. Ces conceptions décadentes et corrompues choquaient la population.
Beaumarchais a traduit leur répugnance en trois pièces de théâtre, à savoir : « Le Barbier de
Séville (représentée pour la première fois en 1773), Le Mariage de Figaro (représentée pour
la première fois en 1784) et La Mère coupable (représentée pour la première fois en 1792) 2 ».
Dans toute la trilogie, il s’agit des conceptions de la société qui sont sujettes à
changement. Normalement dans l’Ancien Régime, on ne se mariait pas avec quelqu’un d’une
autre classe sociale. Cependant, dans Le Barbier de Séville, le comte Almaviva veut se marier
avec Rosine, une femme bourgeoise. Cela réussit, grâce à Figaro, un barbier qui va travailler
comme son valet roublard.
1

http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Pierre_Augustin_Caron_de_Beaumarchais/1
08049, consulté
le 1 décembre 2013.
2
Cours de « Littérature française du XVIe-XVIIIe siècle, semaine 11 : Littérature et société
(XVIe-XVIIIe siècles) », Dr. A. C. Montoya. (le 13 décembre 2013) Nimègue : Université
Radboud.

1
Le mariage est donc fait entre un homme de la noblesse et une femme de basse naissance.
Sans doute, les spectateurs étaient étonnés d'un tel mariage. Cela donne à penser sur les
rapports sociales de l’Ancien Régime. Pourtant, l’effet de ce récit a été loin d’être si intense
que l’effet qu'a eu le monologue de Figaro dans aussi bien Le Mariage de Figaro que dans La
Nozze di Figaro, les deux œuvres d’intérêt dans cet essai. Dans ce monologue, (qui se trouve
dans l’acte cinq, scène trois dans la pièce de théâtre de Beaumarchais et qui se trouve dans
l’acte quatre, scène huit dans l’opéra de Mozart), Figaro critique plusieures questions. Cette
critique est beaucoup plus variée chez Beaumarchais que chez Mozart. En outre, la critique
est enrobée différemment. Quelles sont les différences entre les monologues, au niveau du
contenu et au niveau de la forme ? Autrement dit : comment sont construits les deux
monologues?
Le monologue dans Le Mariage de Figaro est assez long. La raison pour ce
monologue s’explique par la situation ou se trouve Figaro. Quelle est sa situation dans le
récit ? Figaro veut se marier avec Suzon, mais le comte a l’intention de réinstaller le droit de
seigneur. Cela veut dire que le comte a le droit de coucher le premier avec chaque nouvelle
mariée. Naturellement, Figaro se fâche de cette perspective. Il commence son monologue par
l’expression de sa colère mais le monologue contient beaucoup plus que seulement sa
problématique personnelle. Cette problématique lui donne une excuse de mettre quelques
autres thèmes sur le tapis. En d’autres mots : il va formuler le débat collectif de son temps. De
quels thèmes sociaux parle-t-il ?
On peut distinguer cinq thèmes principaux qui sont traités par Figaro. Ces cinq thèmes
sont : la position de la femme, l’inégalité sociale, la liberté religieuse, la censure et le destin.
La première partie du monologue parle de la position de la femme, comme montre le passage
suivant : « O femme ! femme ! femme  ! créature faible et décevante ! 3 ». Cette conception de
la femme était généralement acceptée. Il passe à l’inégalité sociale (la division injuste du
pouvoir), personnifiée par le comte Almaviva. C’est grâce à son nom de famille, et pas à ses
mérites ou ses capacités qu’il est le comte. Figaro lui dit : « Qu'avez-vous fait pour tant de
biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus.4 ».
Plus bas, il énumère toutes les éducations qu’il a apprises. D’une manière indirecte,
Figaro plaide pour une méritocratie, une forme d’Etat qui s’oppose principalement à celle de
l’Ancien Régime.
3
Beaumarchais, Le Barbier de Séville / Le Mariage de Figaro / La Mère coupable, éd. Jean
Délabroy, Paris, Pocket, 1999, p. 212.
4
Ibid.

2
Ensuite, il parle de son désir d’avoir deux libertés (révolutionnaires à son époque), c’est-à-
dire la liberté religieuse et la liberté de la presse. Qu’est-ce qu’il dit ? : « Auteur espagnol, je
crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule […] Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en
le maltraitant.5 ». Avec une énumération impressionnante il formule son deuxième désir :

[…] je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale,


ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de
personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de
deux ou trois censeurs. 6

Après son tirade, Figaro est pris d’une certaine mesure d’incroyance. Il est conscient de la
gravité de sa situation mais il ne comprend pas pourquoi il s’en est embarqué :
« O bizarre suite d'événements ! Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non
pas d'autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? 7 ». Le débat sur le destin et l’existence d’un dieu
est entamé ici. Il est clair que l’on peut voir que le monologue, qui a commencé par une
plainte contre le pouvoir d’un comte, a dégénéré d’une plainte révolutionnaire contre une
société en entière.
Jusqu’ici l'analyse de la pièce de Beaumarchais. Deux ans plus tard, la pièce va se
présenter sous un autre aspect :

En 1786, Lorenzo Da Ponte a transformé la pièce de théâtre de Beaumarchais en un livret


d’opéra, appelé Le Nozze di Figaro. Après, Wolfgang Amadeus Mozart pouvait le mettre en
musique. Da Ponte avait la tâche difficile d’enlever ou de changer radicalement les aspects
controversables, pour que l’œuvre puisse passer la censure à Vienne. Autrement dit, les
spectateurs à Vienne devaient voir l’opéra comme une comédie innocente sur l’amour, et pas
comme l’œuvre révolutionnaire chez Beaumarchais. 8

Depuis 1786, des compagnies d’opéra du monde entier ont représentées Le Nozze di Figaro.
Dans cet opéra, le monologue de Figaro est interprété d’une manière totalement différente.
Cela est tout à fait logique pour plusieures raisons. Premièrement, Mozart et Da Ponte
n’avaient pas la même approche que Beaumarchais. Défait (obligatoirement) des aspects
politiques, l’opéra est surtout une œuvre sur des intrigues et sur l’amour. Deuxièmement, le
monologue est plus court que celui dans la pièce de théâtre : la pièce de théâtre est en cinq
actes et l’opéra est un quatre actes. De plus, les caractéristiques d’un opéra (le chant lent et la

5
Delabroy, Jean (1999) : p. 212.
6
Delabroy, Jean (1999) : p. 213.
7
Delabroy, Jean (1999) : p. 214.
8
http://artsites.ucsc.edu/faculty/dudley/figaro.historical.html, consulté le 15 décembre.

3
répétition des phrases), font qu'il est impossible de mettre la même quantité de texte dans
l’opéra que dans la pièce de théâtre. On trouve les plus grandes différences au niveau du
contenu et au niveau de la forme :

Le monologue de Figaro est devenu une aria dans l’opéra, appelée Aprite un po’ quegl’occhi.
[le titre peut être traduit par : Ouvre vos yeux] Il nous prévient de l’infidélité et l’inconstance des
femmes. Mozart a terminé l’air par la musique des cornes. Les cornes sont le symbole traditionnel
des maris trompés. 9

Ce qui est mentionné ci-dessus, reste très dans le domaine de la théorie. Comment le
monologue dans Le Nozze di Figaro est-il représenté dans deux adaptations récentes ? La
première adaptation qui sera étudiée, est un film (1975) du même nom, du metteur en scène
Jean-Pierre Ponnelle. 10 Le film est une interprétation classique, à preuve le décor et les
vêtements des acteurs, mais le monologue est rendu d’une manière spéciale. Qu’est-ce qui se
manifeste dans le monologue de Figaro dans le film ? Figaro se trouve dans un bois. Le
plateau de tournage n’est pas très véridique, mais le récit est beaucoup plus important. Ce qui
frappe tout de suite est le fait que Figaro chante intérieurement ; on ne voit pas bouger ses
lèvres. Plus tard, un sosie de Figaro l'observe. Cinématographiquement, cela est possible et
l’effet est spécial, parce que les mots accusatifs et avertisseurs sont mieux reçus : « Aprite un
po' quegl'occhi, uomini incauti e sciocchi, guardate queste femmine, guardate cosa son ! 11 ».
Ce passage peut être traduit par : Ouvre tes yeux un peu, homme imprudent et bête. Regardez
ces femmes, regardez ce qu’elles sont  ! La thématique du monologue est comme déjà
montrée : surtout une histoire de femmes peu fiables et capricieuses. Dans le récit, Rosine, la
femme du comte se déguise en Suzon (la femme avec laquelle Figaro veut se marier). Comme
ça, Rosine peut prouver que le comte à l’ intention de faire des avances à Suzon et pas à elle.
Les deux femmes veulent démasquer le comte comme noceur. Figaro est au courant de leur
intention. Toutefois, le déguisement est tellement convaincant que Figaro s’embrouille. Il voit
le comte et « Suzon ». Voilà le motif pour son monologue. La musique de la scène soutient
les mots et les émotions. Le monologue est caractérisé par des phrases incohérentes, il a mal à
penser clairement, accablé d’émotions. La musique est vite, gaie et captivante. Grâce à la
musique, le spectateur reste mieux attentif.
La deuxième adaptation est un opéra de 1999, jouée par une compagnie qui s’appelle

9
http://www.laphil.com/philpedia/music/marriage-of-figaro-wolfgang-amadeus-mozart,
consulté le 15 décembre.
10
http://www.imdb.com/title/tt0220672/, consulté le 17 décembre.
11
http://www.aria-database.com/translations/nozze26_aprite.txt, consulté le 18 décembre.

4
De Nederlandse Opera. Contrairement au film, l’opéra est une interprétation moderne, à
preuve la mise en scène. Comment est représenté le monologue de Figaro dans l’opéra, qui est
joué dans un théâtre? Le récit et la musique sont évidemment les mêmes que dans le film. Les
différences sont plutôt dans les mouvements et l’apparition de Figaro. Dans la pièce, Figaro
n’est pas dans un bois, le décor est à peu près vide. Il chante à soi-même en regardant le
public. Ses paroles sont moins convaincantes que le monologue dans le film, mais ses gestes
expriment sa colère ; il jette sa veste à terre. A la fin du monologue, il remet sa veste. Sa
cravate n’est pas bien faite. Cela renforce l’idée de sa condition mentale. Les dernières dix
secondes de son monologue, la lumière de la scène s'éteint. L’idée d’un homme troublé et
dénoncé se manifeste bien.
Après l’analyse du monologue des deux adaptations de l’opéra de Mozart, leurs
similitudes et particularités peuvent être comparées avec les caractéristiques du monologue de
la pièce de théâtre de Beaumarchais. En premier lieu, l’accent est mis différemment dans la
pièce que dans l’opéra. Le monologue dans la pièce est beaucoup plus révolutionnaire, quant
au contenu : la critique est loin d’être tendre. Figaro s’oppose à l’idée que le comte va
réinstaller l’ancien droit de seigneur. En réalité, ce droit est plus une fable qu’un droit qui a
vraiment existé. En fait, il se bat contre le pouvoir de la noblesse, qui n´est pas fondé sur des
mérites. Ces éléments politiques ne se trouvent pas dans l’opéra de Mozart parce qu’ils n’ont
pas passés la censure autrichienne. En second lieu, le monologue chez Mozart est plus court et
plus un ensemble cohérent. La musique et la répétition soutiennent le message de Figaro.
Quant au film, l’apparition du sosie de Figaro qui chante directement à lui-même, est une
bonne trouvaille du metteur en scène. Mozart et Da Ponte ont transformé le monologue
politiquement sensible chez Beaumarchais en un monologue qui s’est basé par-dessus tout sur
la façon dont Figaro voit les femmes. Cette façon est influencée par ses expériences
personnelles. Il compare les femmes avec des sorcières, des sirènes et des comètes : 
« guardate queste femmine, guardate cosa son ! […] son streghe […] sirene che cantano […]
comete che brillano 12 ». (Regardez ces femmes, regardez ce qu’ils sont ! […] ces sorcières
[…] des sirènes qui chantent […] comète qui brille). Le monologue montre un homme
émotionnel, sexuellement trahi. Néanmoins, l’histoire de Figaro, le valet qui n’est pas tombé
sur la tête, le valet qui ose contester le pouvoir de son maître, reste toujours debout.

1463 mots (sans citations)

Bibliographie
12
http://www.aria-database.com/translations/nozze26_aprite.txt, consulté le 18 décembre.

5
Disques numériques polyvalents
Wieler, Jossi et Morabito, Sergio, Le Nozze di Figaro – komische opera in vier delen, Pays-Bas, NPS
Arena, Het Nederlands Kamerorkest, De Nederlandse Opera, 2006.

Livres
Beaumarchais, Le Barbier de Séville / Le Mariage de Figaro / La Mère coupable, éd. Jean Délabroy,
Paris, Pocket, 1999.

Sites web consultés


Cusmano, Guiseppe, Aprite un po’quegli occhi, Aria-database, (s.d.),
http://www.aria-database.com/translations/nozze26_aprite.txt, [consulté le 15 décembre].

Dudley, Sherwood, The Revolutionary Figaro, Artsites, (s.d.),


http://artsites.ucsc.edu/faculty/dudley/figaro.historical.html, [consulté le 15 décembre].

Henken, John, The Marriage of Figaro, Los Angeles Philharmonic, (2013),


http://www.laphil.com/philpedia/music/marriage-of-figaro-wolfgang-amadeus-mozart, [consulté le 15
décembre].

Le Nozze di Figaro, IMDB éd., (2013), http://www.imdb.com/title/tt0220672/ [consulté le 17


décembre].

Mozart Nozze Di Figaro Ponnelle 19 Aprite un po quegli occhi, YouTube (2008),


http://www.youtube.com/watch?v=zeGbiRKYI4Q&list=PLCD694A3BE5DA7194&index=19
[consulté le 15 décembre].

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, Larousse (éd.), (s.d.),


http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Pierre_Augustin_Caron_de_Beaumarchais/108049,
[consulté le 1 décembre 2013].

Sources orales
Cours de « Littérature française du XVIe-XVIIIe siècle, semaine 11 : Littérature et société (XVIe-
XVIIIe siècles) », Dr. A. C. Montoya. (le 13 décembre 2013) Nimègue : Université Radboud.

Vous aimerez peut-être aussi