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Dans la collection

Parcours et méthodes

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Table des matières
Introduction

Thème 1 Comprendre un régime politique :


la démocratie
Chapitre 1Penser la démocratie :
entre démocratie directe et représentative
Synthèse de cours
I. Aux origines antiques de la démocratie
II. Les fondements de la démocratie moderne
III. Les régimes démocratiques en pratique
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 2 Avancées et reculs des démocraties


Synthèse de cours
I. Le XXe siècle : le siècle des autoritarismes ?
II. Des espoirs démocratiques déçus
dans la deuxième moitié du XXe siècle
III. La démocratie face aux nouveaux défis du XXIe siècle
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 3 L’Union européenne et la démocratie


Synthèse de cours
I. La construction européenne et l’idéal démocratique
II. L’approfondissement de la démocratisation
III. Une démocratie européenne en crise ?
Fiche méthode
Sujet corrigé

Thème 2 Analyser les dynamiques


des puissances internationales
Chapitre 1Essor et déclin des puissances :
un regard historique
Synthèse de cours
I. Les fondements de la puissance
II. Les cycles de la puissance dans l’histoire
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 2Les formes indirectes de la


puissance
Synthèse de cours
I. Les nouvelles formes de la puissance : le soft power
II. La puissance culturelle
III. Le smart power : synthèse entre hard et soft power
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 3 La puissance américaine


Synthèse de cours
I. Les fondements de la puissance
II. La géopolitique américaine au XXe siècle
III. Un colosse aux pieds d’argile
Fiche méthode
Sujet corrigé

Thème 3 Étudier les divisions politiques du monde :


les frontières
Tracer des frontières, approche
Chapitre 1
géopolitique
Synthèse de cours
I. Du limes aux frontières politiques actuelles
II. Définir le tracé des frontières
III. La complexification des frontières après 1945
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 2 Les frontières en débat


Synthèse de cours
I. Des frontières dépassées dans la mondialisation ?
II. Des frontières transformées et de nouvelles questions
III. Les nouveaux lieux des frontières
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 3Les frontières internes et externes


de l’Union européenne
Synthèse de cours
I. Définir et délimiter l’Europe
II. Les dynamiques des frontières internes
III. Les nouvelles tensions
Fiche méthode
Sujet corrigé

Thème 4 S’informer : un regard critique sur les sources


et modes de communication
Chapitre 1 Les grandes révolutions techniques
de l’information
Synthèse de cours
I. Le XIXe, « siècle de la presse » (Ch. Charle)
II. L’information par le son et l’image au xxe siècle
III. L’information mondialisée et individualisée
à l’heure d’internet
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 2 Liberté ou contrôle de l’information


Synthèse de cours
I. La liberté d’informer : un combat pluriséculaire
II. L’information en débat entre marché et État
III. Nouveaux défis pour l’information au XXIe siècle
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 3 L’information à l’heure d’internet


Synthèse de cours
I. Révolution numérique et révolution de l’information
II. L’évolution des usages
III. « Société de l’information » et nouveaux risques
Fiche méthode
Sujet corrigé

Thème 5 Analyser les relations entre États et religions


Chapitre 1Pouvoir et religion : des liens
historiques traditionnels
Synthèse de cours
I. État et religion dans l’Occident chrétien
II. Empereur et patriarche dans l’Orient chrétien
Fiche méthode
Sujet corrigé

États et religions : une inégale


Chapitre 2
sécularisation
Synthèse de cours
I. Une sécularisation inégale dans le monde
II. L’exemple de la laïcité française
Fiche méthode
Sujet corrigé

Chapitre 3 État et religions en Inde


Synthèse de cours
I. Aux origines du sécularisme indien
II. Limites de l’unité indienne
III. Des tensions interreligieuses de plus en plus violentes
Fiche méthode
Sujet corrigé
Introduction
À nouveau Bac, nouvel enseignement !
La spécialité d’« Histoire-géographie, géopolitique et
sciences politiques » a pour objectif de vous donner les
clés de compréhension du monde contemporain en
s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire.
La variété des thèmes intéressera particulièrement les
élèves se destinant à passer des concours comme ceux
de Sciences-Po (Paris et provinces), des écoles de
commerce ou de journalisme, mais aussi tout élève
souhaitant acquérir une solide culture générale pour
comprendre les grands défis du XXIe siècle.
Ce programme est construit en écho aux programmes
communs d’Histoire-Géographie-EMC et de Sciences
économiques et sociales. Il permet aussi bien un
approfondissement que des ouvertures sur des objets
peu explorés encore jusque-là.
Quatre disciplines
Les grands thèmes d’études choisis mêlent étroitement
les différentes approches disciplinaires afin de montrer la
complexité des objets étudiés.
• L’histoire est à la fois l’étude et le récit des faits et
évènements passés. L’« enquête » (historia en grec)
repose sur des sources, des traces, des archives, mais
aussi des témoignages. Elle s’étend dans la longue
durée, permettant la mise en perspective
d’événements et de contextes appartenant à
différentes périodes.
• La géographie (étymologiquement « décrire la Terre »)
permet d’identifier et de comprendre les logiques
d’organisation de l’espace ainsi que l’influence des
acteurs sur les territoires. Par la pratique du
changement d’échelles, la réalisation et l’analyse de
cartes et l’intérêt porté aux territoires proches ou
éloignés, elle autorise les comparaisons et la réflexion
critique.
• La science politique moderne est née au XIXe siècle
grâce aux changements liés à l’ère industrielle. Elle
consiste à étudier les processus politiques mettant en
jeu des rapports de pouvoir entre les individus, les
groupes, au sein de l’État, mais également à l’échelle
internationale (ex : entre diasporas ou entre FMN).
Elles sont ici abordées à partir de ses principaux
domaines : l’étude des relations internationales, les
concepts (philosophie politique), les régimes et les
acteurs politiques (dont les organisations
internationales) dans une démarche comparative.
• La géopolitique selon Yves Lacoste, c’est l’étude des
rivalités de pouvoir, sur des territoires donnés, entre
des Puissances qui peuvent être fortes, faibles, mais
qui s’affrontent pour un ensemble de raisons qui
peuvent être des ressources, des territoires –
considérés dans leur profondeur historique et leurs
représentations – ou la gestion de frontières. Discipline
née au XIXe siècle à l’ère des Empires coloniaux où elle
doit dire la Puissance, elle connaît un regain d’intérêt
après la Deuxième Guerre mondiale et est aujourd’hui
très médiatisée à l’heure où « tout est géopolitique ».
L’examen de questions politiques, lié à leur observation
sur un territoire, l’intérêt accordé aux relations
internationales, l’étude de l’histoire et des
caractéristiques des institutions supranationales telles
que l’Union Européenne ou l’ONU confèrent à la
géopolitique une place centrale dans ce programme.
Des liens étroits
Les relations étroites entre histoire et géographie sont
bien connues des lycéens, l’université et l’Éducation
Nationale ayant consacré ce mariage au sein des
sciences humaines. Néanmoins, ce mariage n’allait pas
de soi et a déclenché de véritables guerres picrocholines
entre spécialistes des deux disciplines. « La géographie
est la fille de l’histoire » estimait au début du XXe siècle le
géographe Paul Vidal de la Blache. De fait, les deux
matières sont intimement imbriquées, tout
particulièrement dans l’effort d’analyse géopolitique.
Les liens sont forts entre histoire et sciences politiques.
Ce n’est pas un hasard si la prestigieuse école de
sciences politiques de Paris, née en 1872, a formé une
part importante des historiens les plus prestigieux, de
Jean-François Sirinelli à René Rémond. Mais qu’est-ce
qui distinguent les sciences politiques tout en les
rapprochant de l’Histoire ? Lorsqu’on pense aux
sciences politiques, on peut par raccourci évoquer
uniquement les institutions, les pouvoirs et leurs
relations, mais ce serait oublier une dimension
fondamentale de ces sciences : l’histoire des idées
politiques.
Enfin, la géopolitique se trouve à la confluence de ces
savoirs. Dans les secrets de la géopolitique, Olivier
Zajec rappelle cette phrase de Napoléon : « un État fait
la politique de sa géographie », la géographie est ainsi le
premier outil d’analyse du géopoliticien. Ce n’est pas un
hasard si c’est un géographe, Yves Lacoste, qui a
refondé l’école de géopolitique française avec La
géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre (1976).
Elle est également indissociable de l’histoire, comme le
rappelle Hervé Couteau-Bégarie dans son Traité de
stratégie : « les disputes territoriales sont le ressort le
plus puissant de l’histoire inter étatique », comme de
l’analyse de l’ordre politique ou juridique qui s’inscrit
d’abord dans l’espace.
Des sciences humaines, une même méthode
Les regards de ces disciplines se veulent scientifiques et
reposent sur les mêmes méthodes d’analyses
empruntées aux champs des sciences sociales.
Les sciences sociales s’attachent d’abord à l’étude de
l’Homme dans les sociétés par un travail d’interprétation.
L’historien, comme le politologue, le géographe ou le
géopoliticien, cherche à comprendre son objet d’études
via une pluralité de perspectives, en regroupant des
sources et données variées, en tenant compte de la
subjectivité de l’observateur, y compris vis-à-vis de lui-
même.
La pratique des sciences sociales exige de conserver
une attitude critique à l’égard des sources et repose sur
une observation neutre de son objet d’études.
Les exercices et attentes sont donc communs : la
dissertation qui permet de faire montre de ses qualités
de réflexion, le commentaire de document(s) où le
regard critique s’exerce, les travaux cartographiques où
les qualités de synthèse s’aiguisent. Cette année sera le
moment aussi pour réaliser des fiches de lecture et
élaborer des projets de recherche documentaire en
autonomie, à l’oral comme à l’écrit, afin de se préparer
aux épreuves finales du nouveau Bac.
Thème 1

Comprendre un régime
politique : la démocratie
Introduction
Quelles sont les valeurs et les caractéristiques majeures
qui fondent un système politique démocratique ?
La démocratie moderne se dessine progressivement
entre héritages antiques et adaptations aux enjeux
contemporains [Chapitre 1]. Face aux épreuves de
l’histoire, les démocraties modernes ont connu autant
d’avancées que de reculs [Chapitre 2]. Les régimes
autoritaires concurrents et les tensions internes
interrogent le modèle démocratique : la construction
européenne, ses modalités et objectifs, sont remis en
cause [Chapitre 3].
Chapitre 1

Penser la démocratie :
entre démocratie directe
et représentative
Synthèse de cours
Introduction
Abraham Lincoln définit la démocratie comme « le
gouvernement du peuple, par le peuple et pour le
peuple » dans son célèbre discours de Gettysburg en
1863. S’il met l’accent sur la participation du peuple, le
parlementarisme et les élections ne sont pas apparus
d’un coup. Leurs origines remontent à la Grèce antique
où une démocratie directe mais limitée est instaurée
(I). Au temps des Lumières les caractéristiques
majeures des régimes démocratiques sont définies (II).
Ces évolutions aboutissent à l’instauration de régimes
démocratiques consacrant le choix de la représentation
(III).
Notions du chapitre : démocratie directe, semi-directe
ou participative, souveraineté populaire ou nationale,
État de droit, séparation des pouvoirs, droits
fondamentaux, représentation, régime parlementaire,
présidentiel ou semi-présidentiel.
I. Aux origines antiques de la démocratie
A. L’invention de la démocratie en Grèce
La célèbre formule de Lincoln est ainsi proche du sens
étymologique du mot « démocratie » qui vient de
« démos » en grec, le peuple, c’est-à-dire l’ensemble
des citoyens riches ou pauvres, et de « kratos », le
pouvoir. La « demokratia » peut ainsi se traduire par
le pouvoir du peuple.
La démocratie est un régime dans lequel la souveraineté
appartient à l’ensemble des citoyens sans distinction.
Ainsi, la démocratie dans le monde grec antique,
s’oppose à la monarchie (le pouvoir d’un seul) et à
l’oligarchie (le pouvoir d’un groupe particulier).
Au VIIIe siècle av. J.-C. est fondée la cité-État d’Athènes,
Athènes est alors gouvernée par un groupe
d’aristocrates. Les crises sociales et épisodes de
tyrannies poussent des hommes d’État à associer les
citoyens aux prises de décisions politiques. Au début du
Ve siècle av. J.-C., les guerres contre les Perses donnent
au peuple un rôle essentiel : leurs victoires ouvrent l’âge
d’or de la démocratie athénienne.
Zoom personnage
Les réformateurs athéniens
 L’archonte Dracon en –621 instaure le principe de
l’« isonomia » : les citoyens sont tous égaux devant la loi.
 Solon en –594 met en œuvre des réformes : annulation des
dettes des petits paysans, abolition de l’esclavage pour
dettes, création d’un conseil délibératif (Boulê) et d’un tribunal
populaire (Héliée). Mais les citoyens sont répartis en 4
classes censitaires selon leurs revenus : le système
oligarchique est maintenu.
 Clisthène en –508 permet la naissance de la démocratie : il
répartit les citoyens en 10 tribus territoriales. Peu importe leur
fortune : tous les citoyens font partie d’une même tribu. Cette
réforme permet l’application du principe d’isonomie et affaiblit
la puissance des grandes familles aristocratiques.

Les fondements de la démocratie athénienne sont


définis :
• l’égalité devant la loi (isonomia) ;
• la liberté de parole politique (iségoria) ;
• les pouvoirs de l’Assemblée populaire (Ecclesia) sont
renforcés, comme ceux de la Boulê (conseil de 500
citoyens préparant les travaux de l’Ecclésia).
Athènes est une démocratie directe :
• les magistrats sont tirés au sort pour un an parmi les
citoyens ;
• les magistrats reçoivent un « misthos », indemnité
financière, permettant à tous les citoyens de participer
à la vie publique.
• les décisions sont prises à main levée à l’Ecclésia.
Ce principe démocratique est néanmoins limité, Athènes
est une démocratie fermée :
• les femmes, les enfants, les étrangers et esclaves sont
exclus ;
• la citoyenneté est limitée aux hommes en âge d’être
soldats, libres de naissance et de parents
« purement » athéniens ;
• seuls 10 % de la population athénienne fait partie du
corps des citoyens (soit 40 000 citoyens au Ve siècle).
B. À Rome : la République sans la démocratie
Rome modifie son système politique en –509 : la
République (« res publica », la chose publique) remplace
la royauté. Il s’agit d’une république de type
aristocratique dirigée par des magistrats nommés pour
un an de façon collégiale.
Les citoyens les plus fortunés participent aux affaires
publiques :
• Les Comices (assemblées) où les citoyens sont
répartis dans des tribus en fonction de leur fortune (5
classes censitaires). Les 2 premières classes votent en
premier, les citoyens des autres classes ne sont pas
appelés.
• Les magistratures annuelles les plus importantes sont
accordées aux citoyens de la 1re classe.
• Les membres du Sénat, la plus haute autorité romaine,
sont issus des grandes familles aristocratiques.
Si comme à Athènes, un homme né de père citoyen
devient citoyen romain à l’âge adulte, la citoyenneté est
plus ouverte :
• Elle peut être donnée aux habitants des cités de
l’Empire, aux élites barbares alliées, aux soldats des
troupes auxiliaires.
• En 212, l’empereur Caracalla accorde la citoyenneté à
tous les hommes libres de l’Empire.
La citoyenneté est plus restreinte et ne s’accompagne
pas de droits politiques. La naissance et la fortune
restent primordiales pour s’occuper des affaires
publiques. Ainsi, la démocratie n’a jamais été instaurée à
Rome.
C. Déclin ou renaissance de la démocratie au
Moyen Âge ?
Une société hiérarchisée organisée en 3 ordres se met
en place. La monarchie féodale s’organise : au sommet,
le roi, puis les nobles vassaux. Les rois renforcent leur
pouvoir (droit divin).
Mais des organisations restent fondées sur un système
d’élection et d’assemblées :
• C’est le cas des communes en Italie à partir
du XIIe siècle : des pratiques démocratiques populaires
sont instaurées dans le cadre des cités-États.
Exemple Florence.
• En Europe, les communautés villageoises
s’organisent : des assemblées d’habitants décident
l’organisation des récoltes, certaines s’affranchissent
des droits seigneuriaux.
• Les guildes de métiers obtiennent des règlements
spéciaux.
• Les abbayes fonctionnent selon un principe électif et
collégial.
Zoom événement
La naissance du parlementarisme
 En Angleterre, le roi Jean sans Terre subit une révolte des
bourgeois et barons alliés qui l’obligent à signer la Magna
Carta en 1215. Le Parlement anglais naît, il restreint les
pouvoirs royaux et reconnaît les libertés individuelles. La
Grande Charte est à l’origine de l’Habeas Corpus Act (1679)
avec la reconnaissance du principe d’égalité devant la loi :
aucun homme ne peut être arrêté sans jugement, la loi est la
même pour tous.

II. Les fondements de la démocratie


moderne
A. Lumières et idéaux démocratiques
En Angleterre, la Glorieuse Révolution (1688) marque
la fin de l’absolutisme. L’instauration du Bill of Rights
(1689) limite le pouvoir du roi et réaffirme l’autorité du
Parlement pour contrôler les lois et les impôts. Des
élections libres sont assurées, la doctrine de la
souveraineté du peuple est établie.
L’exemple anglais nourrit les Lumières. Des philosophes
critiquent le pouvoir absolu du roi, l’arbitraire, les
privilèges de la noblesse et du clergé. Denis Diderot
(1713-1784), dans l’Encyclopédie, affirme qu’« aucun
homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux
autres ».
Pour garantir cette égalité, John Locke (1632-1704)
énonce les droits naturels de l’homme et évoque
l’existence d’un « contrat social » entre les hommes et
le gouvernement. Les premiers concèdent une part de
leur souveraineté au pouvoir librement, lequel en retour
garantit ces droits naturels.
Plus tard Montesquieu (1689-1755) montre la
nécessité de séparer les pouvoirs, lesquels
concentrés entre les mêmes mains font courir le risque
de dérive autoritaire : « le pouvoir arrête le pouvoir » (De
l’Esprit des lois, XII-4).
Zoom notion
Les trois pouvoirs
 Le pouvoir législatif promulgue les règles générales
s’imposant à tous les sujets : c’est le pouvoir de faire les lois.
 Le pouvoir exécutif aspire à faire appliquer les règles
fondamentales : c’est le pouvoir de faire exécuter les lois.
 Le pouvoir judiciaire intervient en cas de litiges entre les
sujets : c’est le pouvoir de sanctionner les manquements aux
lois.

B. Un État de droit
Pour J. Locke, seule la création d’un droit partagé et
respecté par tous permet aux hommes d’être libres.
Seul un État de droit peut faire respecter cette exigence.
La Constitution est garante des droits fondamentaux
avec l’instauration d’une autorité administrative
indépendante vérifiant la conformité des lois. Pour
permettre à chacun de faire valoir ses droits, l’ensemble
des pouvoirs se conforment à ces règles supérieures.
Cette hiérarchie de normes est une des garanties de
l’État de droit. Les normes édictées ne sont valables que
si elles respectent ces règles supérieures.
Un tel modèle implique une justice indépendante des
pouvoirs législatif et exécutif.
C. La souveraineté populaire
Pour Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) chaque
citoyen détient une part de cette souveraineté, qui
est une et indivisible. Elle s’exprime par la volonté
générale qui résulte de la délibération de tous les
citoyens assemblés. Rousseau est hostile au système
représentatif et à tout ce qui divise la souveraineté du
peuple.
L’idée de démocratie directe se heurte à de
nombreuses limites :
• Si à Athènes, l’Ecclésia a pu s’assembler sur la colline
de la Pnyx (6 000 citoyens sur 30 000 au IVe siècle av.
J.-C.), la taille des États modernes empêche la
réalisation de cet idéal démocratique.
• Autre limite : les compétences limitées du citoyen.
Rousseau reconnaît que ce gouvernement parfait ne
convient qu’à un « peuple de dieux ».
Zoom notion
Démocratie directe et semi-directe
 La démocratie directe est un régime politique dans lequel le
peuple exerce directement le pouvoir, sans l’intermédiaire de
représentants. Le peuple participe directement au pouvoir
législatif. Elle se caractérise par : l’égalité politique des
citoyens, la délibération et la prise de décision en assemblée,
le mandat impératif, la rotation des mandats.
 La démocratie semi-directe qualifie les régimes
représentatifs : le peuple désigne ses représentants et
participe à la fonction législative également par les
référendums ou un droit de véto ou d’initiative populaire.
 Des mécanismes d’initiative populaire permettent de
renforcer la participation des citoyens : on parle alors de
démocratie participative.

• Tous les régimes démocratiques proclament la


souveraineté du peuple. L’expression de cette
souveraineté passe par un droit de vote pour chaque
citoyen (suffrage universel) par lequel un mandat
impératif est remis aux élus. Si les élus s’écartent de la
volonté du peuple, les électeurs peuvent le révoquer.
III. Les régimes démocratiques en pratique
A. Des systèmes représentatifs
La théorie de la souveraineté nationale est préférée à
celle de la souveraineté populaire (art. 3 de la
Déclaration des droits de l’Homme de 1789) : elle n’est
pas exercée directement par le peuple mais dans le
cadre d’une démocratie représentative.
Cette théorie considère que la volonté des représentants
équivaut à celle des représentés et de la Nation tout
entière. Le mandat des élus est un mandat
représentatif, et non plus impératif. Ils ne sont plus
responsables devant leurs électeurs, mais seulement
devant la Nation.
La représentation permet de surmonter la division des
groupes d’intérêts et contribue à la formation d’une
volonté générale. Le Parlement s’impose comme le lieu
par excellence de la délibération.
B. Différents régimes démocratiques
Tous ont en commun la séparation des pouvoirs et
mettent en pratique le principe du mandat représentatif,
mais les relations entre les pouvoirs sont différentes :
a. Dans un régime parlementaire, il existe une
séparation souple entre les pouvoirs. Ils sont
dépendants les uns par rapport aux autres et disposent
de moyens de pression pour permettre l’équilibre entre
les pouvoirs. Ce modèle est proche du régime
britannique.
Exemple Le pouvoir exécutif peut dissoudre le pouvoir
législatif.
b. Dans un régime présidentiel, il existe une
séparation rigide des pouvoirs : ils ont des domaines
spécialisés et ne disposent pas de moyens de pression
sur les autres. Le pouvoir exécutif tient sa légitimité de
son élection par le peuple et il ne peut pas dissoudre le
pouvoir législatif ; le pouvoir législatif a l’exclusivité de
l’initiative des lois et ne peut pas renverser le pouvoir
exécutif. Le régime le plus proche est celui des États-
Unis.
c. Le régime semi-présidentiel est le régime
correspondant à la France de la Ve République. C’est
un modèle hybride : le gouvernement émane de la
majorité parlementaire et est responsable devant elle ;
le président est élu au suffrage universel direct et n’est
pas responsable politiquement devant le Parlement, il
peut le dissoudre et nommé le chef du gouvernement.
C. Caractéristiques des régimes démocratiques
Des élections régulières permettent de prévenir toute
tentative d’autonomisation du pouvoir de la part des
élus. Le programme des élus est soumis ainsi à
l’approbation des électeurs, tout en leur conférant une
légitimité.
L’élection implique la reconnaissance de partis
politiques distincts. Cette conception de la démocratie
pluraliste repose sur le suffrage universel.
La liberté d’expression permet à l’opinion publique de
s’exprimer en dehors des institutions et entre les
élections. Elle permet le contrôle continu des
gouvernants par les gouvernés. Ce droit de contestation
complète le droit de vote.
La séparation des pouvoirs permet un contrôle mutuel
des organes du pouvoir.
Les principes et valeurs universels – liberté, égalité –
des premières démocraties permettent aux sujets de
droit de s’opposer à tous les abus du pouvoir. Depuis
1948, la reconnaissance du statut de démocratie passe
par l’adhésion préalable du pays aux droits de l’homme
définis dans la Déclaration universelle.
Conclusion
Au cours de son histoire, la démocratie représentative
n’a cessé de se transformer. Parmi les changements
les plus notables, il y a l’extension du suffrage
universel et l’essor des partis politiques.
Si les démocraties représentatives présentent de
multiples variantes dues aux différences de cultures et
de trajectoires nationales, l’opposition des origines
entre démocratie directe et représentation populaire est
progressivement dépassée.
Fiche méthode

Méthode

Faire une fiche de lecture


• Conseils généraux
La fiche de lecture est une bonne habitude à prendre
pour vous faciliter la vie au cours de vos études. Ce
travail vous permet de retenir l’essentiel de vos
lectures et de noter des références claires réutilisables
ensuite dans vos travaux. Ce travail peut être réalisé
pour des manuels généraux comme des ouvrages
spécialisés.
• L’objectif : extraire l’essentiel et mémoriser
La fiche de lecture consiste à donner la structure
logique d’un ouvrage et à énoncer clairement et de
façon synthétique les thèses développées par un
auteur. Pour être utile elle doit être courte et rédigée de
façon soignée.
Faire une fiche de lecture vous oblige à lire le texte
plus sérieusement et vous aide à mémoriser. Ces
fiches de lecture deviennent ensuite des outils de
travail précieux que vous pouvez réutiliser tout au long
de vos études.
• Réaliser la fiche d’identité de l’ouvrage
Pour être efficace vos fiches de lecture doivent suivre
un même modèle :
 Les caractéristiques principales de l’ouvrage :
titre, auteur, éditeur, lieu et date de publication,
langue d’origine et traducteur si nécessaire, nombre
de pages.
Attention La date d’édition ne correspond pas toujours à la date de
première parution ; la référence à un ouvrage est très codifiée : les
titres d’ouvrage se mettent en italique et les titres d’articles entre
guillemets.

 La fiche d’identité de l’auteur. Qui est-il ? Quelles


idées défend-t-il ? Y a-t-il des faits marquants dans
sa biographie ?
 Le contexte de production de l’ouvrage. Il faut
faire des recherches autour de l’ouvrage avant de
commencer la lecture. L’ouvrage s’inscrit-il dans une
époque particulière ? A-t-il été écrit en réponse à un
autre ouvrage ?
 Le genre de l’ouvrage. Il faut identifier le genre
auquel appartient l’ouvrage : fiction (roman,
théâtre…) ou textes d’idées (essai philosophique,
pamphlet, recueil d’articles…).
 Le thème central. Il s’agit d’expliquer en quelques
lignes le sujet général de l’ouvrage. Il peut s’agir de la
thèse de l’auteur que vous pouvez essayer de
formuler sous forme de questions.
 Enfin, le résumé de l’ouvrage. Vous pouvez suivre
l’organisation de l’ouvrage ou procéder à des
regroupements par thèmes. Cette deuxième solution
est plus difficile car pour connaître tous les thèmes il
faut avoir fini la lecture de l’ouvrage. N’hésitez pas à
sélectionner des citations significatives (en notant les
pages pour les retrouver).
Pour conclure. Vous pouvez évoquer les limites de
l’ouvrage, mettre en perspective la thèse de l’auteur à
l’aide de vos connaissances, ou expliquer dans quelle
mesure l’ouvrage vous aide à comprendre le sujet
étudié.

Méthode appliquée

Fiche de lecture
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en
Amérique
• Les caractéristiques principales de l’ouvrage
Alexis de Tocqueville (1805-1859), De la Démocratie
en Amérique, tome I (1835) et tome II (1840). Édition
de référence : Paris, Gallimard, Collection :
bibliothèque de la Pléiade, 1 193 pages.
• La fiche d’identité de l’auteur
Alexis de Tocqueville (1805-1859) est un philosophe
français, issu d’une famille noble normande. Nommé
juge auditeur au tribunal de Versailles, il part aux États-
Unis étudier le système pénitentiaire. À son retour, il
devient avocat et publie De la Démocratie en Amérique
qui rencontre un succès considérable. Élu à
l’Académie française en 1841 à seulement 36 ans,
député sous Louis-Philippe, puis conseiller général de
la Manche, il déploie une grande activité politique. En
1848, il participe à la rédaction de la Constitution de
la IIe République et devient ministre des affaires
étrangères. Opposé à Louis-Napoléon Bonaparte, il
doit quitter la vie politique.
• Le contexte de production
En 1831, Tocqueville passa 9 mois à voyager à travers
les États-Unis, visitant les prisons et découvrant la
société américaine, son économie, sa politique. Il remit
ainsi un rapport en 1833.
• Le genre de l’ouvrage
Fasciné par la politique américaine, il écrivit ce traité
d’analyse politique et sociale. La rédaction de l’ouvrage
s’appuie sur des observations consignées dans ses
carnets, ses échanges avec les autorités (dont le
président A. Jackson), la consultation de documents
officiels.
• Le thème central
Cet ouvrage est une analyse de la démocratie
représentative et ses formes particulières aux États-
Unis. On y trouve des réflexions sur la nature et les
dangers de la démocratie et une comparaison entre les
systèmes politiques européens et américain. Son
intention est d’instruire les gouvernants de son pays.
• Le résumé de l’ouvrage
L’œuvre se divise en deux tomes. L’un publié en 1835,
le second en 1840.
Le premier tome est une analyse descriptive de la
démocratie aux États-Unis et de la société américaine.
Il décrit l’impulsion que le mouvement démocratique
donne à la forme du gouvernement, aux lois et à la vie
politique. Dans les trois premiers chapitres, il dépeint
les caractéristiques géographiques, historiques et
économiques du pays, mesurant ainsi l’écart avec la
France. Le chapitre IV expose le principe de la
souveraineté du peuple garantit au niveau
constitutionnel par la décentralisation administrative, la
séparation des pouvoirs entre les différentes
institutions (V), une justice indépendante (VI) et
l’établissement d’un dispositif fédéraliste (VII).
L’exercice de la démocratie s’exerce ainsi de la
démocratie locale au niveau fédéral. Au niveau social
(chapitres VIII à XII), les opinions des citoyens
s’expriment à travers les partis politiques, la presse ou
les associations. Le suffrage universel (XIII) garantit la
préservation des intérêts des gouvernés et des
gouvernants qui en reçoivent la légitimité. Cet État de
droit (XIV) permet le développement de l’esprit public
(XVII).
Le second tome est une réflexion sur les formes
particulières de la démocratie américaine. Il s’organise
en quatre livres qui traitent de l’impact du régime
démocratique sur les idées, les sentiments, les mœurs
et les comportements politiques des Américains. Cette
réflexion s’élargit aux dangers de la démocratie,
notamment le risque de « tyrannie de la majorité ». Il
montre ainsi dans le livre I le paradoxe de la croyance
égalitariste qui conduit au nivellement des jugements
et au recul de l’esprit critique. Tocqueville spécule sur
le futur de la démocratie aux États-Unis qui a une
tendance à dégénérer en un « despotisme mou ».
Conclusion
De la Démocratie en Amérique rencontre
immédiatement le succès en Europe et aux États-Unis,
devenant au XXe siècle un classique de la philosophie
politique. De fait Tocqueville soulève plusieurs questions
dont : la question de l’abolition de l’esclavage ; le rôle
croissant de l’administration dans la vie des citoyens ; le
renoncement des citoyens à leur liberté au profit d’une
plus grande égalité.
Sujet corrigé

Commentaire de document

Sujet

« La démocratie représentative » d’après


Benjamin Constant (1819)
• « Le but des Anciens était le partage du pouvoir social
entre tous les citoyens d’une même patrie : c’était là ce
qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la
sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment
liberté les garanties accordées par les institutions à ces
jouissances.
• J’ai dit en commençant que, faute d’avoir aperçu ces
différences, des hommes bien intentionnés d’ailleurs,
avaient causé des maux infinis durant notre longue et
orageuse révolution. A Dieu ne plaise que je leur
adresse des reproches trop sévères : leur erreur même
était excusable. (…)
• La liberté individuelle, je le répète, voilà la véritable
liberté moderne. La liberté politique en est la garantie ;
la liberté politique est par conséquent indispensable.
Mais demander aux peuples de nos jours de sacrifier
comme ceux d’autrefois la totalité de leur liberté
individuelle à la liberté politique, c’est le plus sûr
moyen de les détacher de l’une et quand on y serait
parvenu, on ne tarderait pas à leur ravir l’autre. (…)
• De là vient, Messieurs, la nécessité du système
représentatif. Le système représentatif n’est autre
chose qu’une organisation à l’aide de laquelle une
nation se décharge sur quelques individus de ce
qu’elle ne peut ou ne veut pas faire elle-même. Les
individus pauvres font eux-mêmes leurs affaires : les
hommes riches prennent des intendants. C’est
l’histoire des nations anciennes et des nations
modernes. Le système représentatif est une
procuration donnée à un certain nombre d’hommes par
la masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient
défendus, et qui néanmoins n’a pas le temps de les
défendre toujours lui-même. Mais à moins d’être
insensés, les hommes riches qui ont des intendants
examinent avec attention et sévérité si ces intendants
font leur devoir, s’ils ne sont ni négligents ni
corruptibles, ni incapables ; et pour juger de la gestion
de ces mandataires, les commettants qui ont de la
prudence se mettent bien au fait des affaires dont ils
leur confient l’administration. De même, les peuples
qui, dans le but de jouir de la liberté qui leur convient,
recourent au système représentatif, doivent exercer
une surveillance active et constante sur leurs
représentants, et se réserver, à des époques qui ne
soient pas séparées par de trop longs intervalles, le
droit de les écarter s’ils ont trompé leurs vœux, et de
révoquer les pouvoirs dont ils auraient abusé. Car, de
ce que la liberté moderne diffère de la liberté antique, il
s’ensuit qu’elle est aussi menacée d’un danger
d’espèce différente. Le danger de la liberté antique
était qu’attentifs uniquement à s’assurer le partage du
pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché
des droits et des jouissances individuelles. Le danger
de la liberté moderne, c’est qu’absorbés dans la
jouissance de notre indépendance privée, et dans la
poursuite de nos intérêts particuliers, nous ne
renoncions trop facilement à notre droit de partage
dans le pouvoir politique. (…)
• Loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux
espèces de liberté dont je vous ai parlé, il faut, je l’ai
démontré, apprendre à les combiner l’une avec l’autre.
(…)
• L’œuvre du législateur n’est point complète quand il a
seulement rendu le peuple tranquille. Lors même que
ce peuple est content, il reste encore beaucoup à faire.
Il faut que les institutions achèvent l’éducation morale
des citoyens. En respectant leurs droits individuels, en
ménageant leur indépendance, en ne troublant point
leurs occupations, elles doivent pourtant consacrer leur
influence sur la chose publique, les appeler à
concourir, par leurs déterminations et par leurs
suffrages, à l’exercice du pouvoir, leur garantir un droit
de contrôle et de surveillance par la manifestation de
leurs opinions, et les formant de la sorte par la pratique
à ces fonctions élevées, leur donner à la fois et le désir
et la faculté de s’en acquitter. »
• Benjamin Constant, extraits d’un discours « De
la liberté des Anciens comparée à celle des
Modernes » (1819) (Œuvres politiques de Benjamin
Constant, Paris, éd. Charpentier, 1874, consultées sur
gallica.bnf.fr).
Introduction
(Attention les titres des parties doivent être rédigés)

• (Accroche) Appartenant par sa formation à l’époque


des Lumières, par sa carrière politique au XIXe siècle,
Benjamin Constant est l’un des représentants du
libéralisme les plus célèbres de cette période
charnière.
• (Document) En 1819, Benjamin Constant donne au
cercle de l’Athénée une conférence mémorable, « De
la liberté des Anciens comparée à celle des
Modernes », dont est extrait notre document, un des
textes canoniques du libéralisme. Devant ce cercle
d’élites, son but est de former aux idées libérales.
• (Auteur et contexte) Né en Suisse dans une famille
protestante, Benjamin Constant (1767-1830) a connu
une vie agitée à l’image de la période, successivement
monarchiste, républicain, napoléonien, puis de
nouveau monarchiste. Il reste cependant fidèle à ses
idées libérales qu’il défend à la Chambre des députés
à partir de 1818 comme chef de file de l’opposition
libérale face aux partisans du retour à l’Ancien Régime.
• (Thèse) Dans notre extrait, il évoque l’existence de
deux sortes de liberté. La « liberté des Anciens », en
Grèce, c’est la liberté politique, la délibération sur les
affaires de la Cité. La « liberté des Modernes », c’est la
liberté individuelle, liberté de dire et de penser, de
détenir une propriété, de travailler et commercer. Il
défend cet idéal face aux abus de pouvoirs exercés au
nom du peuple comme au nom d’un seul.
• (Problématique) Comment Constant tente-t-il de
dépasser l’opposition entre démocratie directe et
système représentatif ?
• (Plan) D’abord nous verrons quelles sont les critiques
que Constant fait de la liberté des Anciens(I). Puis
comment il conçoit le gouvernement représentatif
garant des libertés modernes (II). Il tente enfin de
dépasser cette opposition en ébauchant un système
démocratique idéal (III).
I. Une critique de la démocratie directe
A. Les libertés des Anciens
• Constant définit les libertés des Anciens et le système
de participation politique directe qui en découle aux l.1-
2. Cette liberté « politique » consiste à exercer
collectivement et directement la souveraineté : en
délibérant en assemblée (Ecclésia) de la guerre et de
la paix, en votant les lois, en prononçant des
jugements (Héliée).
• Cette liberté des Anciens s’incarne dans la théorie de
la souveraineté populaire qu’il retrouve chez
Rousseau (Du Contrat social, 1762).
B. Un danger pour les libertés modernes
• Le danger de la démocratie grecque c’est la perte
de la liberté individuelle « civile » (l.9-11). Pour
Constant, le citoyen est soumis à l’autorité de
l’ensemble. Rien n’est accordé à l’indépendance
individuelle dans le domaine des opinions, de
l’économie ou de la religion.
• Cette nostalgie de la Grèce s’avère dangereuse (l.4-
5). Un pouvoir illimité, même s’il est issu de la
souveraineté populaire, en contrôlant tous les aspects
de la vie sociale peut amener à la tyrannie. Les excès
révolutionnaires ont conduit à l’écrasement de la
minorité par la majorité.
(Transition) Les limites de la participation politique et les
dangers qu’elle fait peser sur les libertés rendent
nécessaire un système représentatif.
II. Constant, théoricien du gouvernement
représentatif
A. La solution représentative
• Le système représentatif est « nécessaire » (l.12)
pour éviter les excès. Entre excès révolutionnaires et
Restauration, Constant doit défendre en 1819 son
modèle pour empêcher le retour d’un pouvoir absolu.
• Et pour ces avantages (l.12-14) : Constant évoque
l’impossibilité matérielle de s’occuper au quotidien des
affaires publiques et le manque d’intérêt ou de
capacités pour exercer ces charges. Le régime
parlementaire permet de dépasser ce problème.
• Aux l.15-16, la comparaison avec la réalité moderne
montre l’impossibilité d’appliquer les solutions
antiques. Pour Constant, la modernité se caractérise
par l’émergence de nations commerçantes occupant
à plein temps les forces de la Nation, réalisant leurs
libertés individuelles (l.7). Il lie ainsi libéralisme
économique et politique.
• Le système repose pour Constant sur la volonté des
individus qui pour assurer que leurs « intérêts soient
défendus » (l.17) s’en remettent à des représentants.
Les citoyens usent de leur liberté de donner cette
« procuration » (l.16) pour se défaire de cette charge
politique.
• Cette théorie de la souveraineté nationale implique
un gouvernement représentatif où la Nation, la
« masse du peuple » (l.17), s’exprime par
l’intermédiaire de représentants désignés par les
membres de la Nation par le biais d’une élection.
B. Les dangers
• Le système représentatif n’est cependant pas dénué
de dangers (l.29-31) :
 La surveillance doit être constante pour éviter une
appropriation du pouvoir par les seuls représentants.
Le risque est un transfert de la souveraineté de la
Nation aux parlementaires, la confiscation du
pouvoir par une minorité, en contradiction avec
l’idéal démocratique.
 Autre limite : le désintérêt des citoyens eux-mêmes
de la chose publique et le repli individualiste sur les
affaires privées. C’est une des limites essentielles du
système électif moderne : si l’abstention est forte, le
système perd son caractère représentatif.
(Transition) Si Constant montre la nécessité de la
représentation, les carences de ce type de démocratie
en cas de désintérêt des citoyens ou le risque de
confiscation du pouvoir poussent Constant à réfléchir à
des garde-fous.
III. Dépasser l’opposition entre libertés des
Anciens et des Modernes
A. Des contre-pouvoirs
• Dans son modèle représentatif, les individus
n’abandonnent pas totalement la préservation de leurs
libertés aux représentants :
 Constant vante la « prudence » et surveillance des
citoyens, gérant la chose publique comme ils gèrent
leurs affaires privées (l.21-23). Ce contrôle peut
s’exercer par la séparation des pouvoirs ou
l’indépendance du pouvoir judiciaire.
 Constant appelle à développer l’intérêt citoyen pour
la politique par la liberté de la presse, le
développement des partis ou les associations (l.35-
41). Cet intérêt brise le risque de repli individualiste.
 Le bon fonctionnement du système repose sur la
confiance en la Raison des individus (l.29) qui
choisissent les gouvernants les plus aptes à défendre
leurs intérêts.
 Constant évoque également des solutions
institutionnelles pour limiter les dérives des
mandataires comme le droit de révocation (l.24-27).
(Transition) Sa conception de la souveraineté nationale
reste proche de la souveraineté populaire : les
gouvernants restent responsables devant les électeurs.
La démocratie directe comme la démocratie
représentative impose la recherche d’un juste milieu.
B. « Combiner » (l.33)
• Constant ne réalise pas une critique totale de la liberté
politique qui reste « indispensable » à la liberté
individuelle : la première est le moyen de protéger la
seconde qui est la fin (l.6-8). Cette conception est
proche d’une démocratie semi-directe où coexistent
organes représentatifs et procédures de démocratie
directe (veto, révocation et droit d’initiative populaire,
référendum).
• La défense des libertés civiles est ainsi la raison
d’être de l’État, s’il faut les libertés politiques, c’est
pour empêcher que l’État n’abuse de sa force et ne
supprime les libertés fondamentales. La Constitution
française de 1958 est parvenue à un tel compromis : si
« la souveraineté appartient au peuple », il l’exerce à la
fois « par ses représentants et par la voie du
référendum ».
(Transition) Ces réflexions ouvrent la voie à un
compromis entre institutions représentatives et théorie
démocratique.
Conclusion
Le modèle de démocratie parlementaire de Constant
s’impose dans les pays occidentaux des XIXe
et XXe siècles. Ces systèmes représentatifs se
démocratisent progressivement.
Constant montre également, avant Tocqueville, les
risques d’un « despotisme démocratique », les
citoyens trop attachés à leurs libertés individuelles se
détournent de la chose publique. Cette réflexion est
toujours d’actualité.
Chapitre 2

Avancées et reculs
des démocraties
Synthèse de cours
Introduction
« La démocratie est le pire des systèmes, à l’exception
de tous les autres qui ont été essayés au fil du
temps », Winston Churchill (discours à la Chambre des
Communes, 11 novembre 1947). Si cette formule
célèbre fait référence aux régimes totalitaires vaincus
en 1945, Churchill s’inquiète aussi des faiblesses des
régimes démocratiques.
Au début du XXe siècle, le niveau de démocratisation
des régimes occidentaux reste fragile et laisse place à
des régimes autoritaires (I). Si la vague de
démocratisation s’accélère dans un second XXe siècle
(II), les fragilités des démocraties restent nombreuses
et le XXIe siècle voit le retour de pratiques autoritaires
(III).
Notions du chapitre : régimes autoritaire et totalitaire,
transition démocratique.
I. Le XXe siècle : le siècle des autoritarismes ?
A. Des démocraties minoritaires et fragilisées
La voie tracée par la France, l’Angleterre et les États-
Unis a été peu suivie avant 1914. L’Europe reste clivée
en deux.
En Italie, Espagne ou Portugal, des monarchies
constitutionnelles sont mises en place officiellement.
Dans la pratique la démocratisation du système
n’intervient pas. Dans les pays d’Europe de l’Est ou
en Grèce, l’administration et l’armée dominent. En
Allemagne jusqu’en 1918, malgré l’imitation du
libéralisme politique, l’empereur et l’armée conservent le
pouvoir exécutif.
Ce clivage s’agrandit dans les années 1920 entre
l’affirmation du régime communiste en Russie et la
montée des dictatures : en 1922, Mussolini opère un
coup d’État en Italie.
La crise économique de 1929 achève d’affaiblir les
démocraties :
• En Autriche, en 1932, le régime autoritaire de
Dollfuss remplace la Ire République.
• Salazar en 1932 installe son régime autoritaire au
Portugal.
• De 1936 à 1939, la guerre civile en Espagne permet
l’installation du général Franco et sonne le glas de la
jeune République née en 1931.
• Enfin en janvier 1933, Hitler accède au poste de
chancelier entérinant la chute de la république de
Weimar.
Zoom événement
L’affaire Stavisky (1933-1934)
 Ce scandale politico-financier fragilise la IIIe République. Le
suicide suspect de cet escroc proche des milieux politiques
contribue à la chute du gouvernement. Le 6 février 1934 a
lieu une violente manifestation antiparlementaire à l’appel
d’organisations d’extrême droite. La manifestation dégénère
entraînant la démission de E. Daladier. Vue comme une
tentative de coup d’État fasciste, cette manifestation entraîne
l’union des partis de gauche (Front populaire, 1936-1938).

B. Les caractéristiques des régimes autoritaires


Les régimes autoritaires se distinguent des régimes
démocratiques :
• Par le degré de liberté de conscience accordé aux
gouvernés : les régimes autoritaires interdisent la
compétition politique lors d’élections pluralistes.
• L’opposition n’existe pas car elle n’a pas droit de cité
(interdiction des partis politiques, syndicats). Si elle
existe : les opposants sont surveillés, menacés ou
éliminés (pseudo pluripartisme, répandu dans les pays
d’Amérique du Sud).
• Les régimes d’ordre conservent les appareils de l’État
(administration, police, armée) et s’appuient sur les
élites traditionnelles.
• Ils n’ont pas une idéologie élaborée, leur but est
seulement de maintenir l’ordre et la tradition.
Les régimes autoritaires sont donc extrêmement
divers du point de vue de leur organisation
institutionnelle : dictatures militaires, régimes
oligarchiques en Amérique latine, monarchies du Moyen-
Orient, bureaucraties autoritaires de l’entre-deux-guerres
(Portugal de Salazar ou Mexique de Cardenas)
jusqu’aux États communistes d’Europe centrale.
Mais ils ont en commun : la volonté des gouvernants de
soustraire leur pouvoir à toute remise en cause.
Zoom notion
Les régimes totalitaires
 La philosophe Hannah Arendt (Le système totalitaire, 1972)
les distingue des régimes autoritaires : ils exigent l’adhésion
de la masse à une idéologie unique, ne tolèrent aucune forme
d’expression des oppositions ; ils modifient en profondeur les
structures politiques, institutionnelles, économiques et
sociales du pays. Ce gouvernement dicte tous les aspects de
la vie des individus.

C. 1945 : un tournant démocratique ?


En 1945, la défaite allemande prend le visage de la
victoire des Alliés mais aussi d’une résurrection de
l’idéal démocratique dans le droit international
avec la création de l’ONU en 1945 ou la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948.
Zoom notion
La démocratie dans le droit international
 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(1966) pose les fondements juridiques des principes de la
démocratie au regard du droit international :
 la liberté d’expression, de réunion, d’association ;
 le droit de participer à la gestion des affaires publiques,
directement ou par l’intermédiaire de représentants ;
 le droit de voter et d’être élu au cours d’élections honnêtes,
périodiques, au suffrage universel légal et au vote secret.
 En 2017, le Pacte comptait 169 États l’ayant ratifié, soit 85 %
des États Membres de l’ONU.

Les pays occupés d’Europe de l’Ouest retrouvent leur


système démocratique, ceux de l’Europe de l’Est ont des
élections presque libres jusqu’en 1948. Le processus
de démocratisation semble sans retour après 1945 :
• L’Italie se débarrasse de sa monarchie en 1946.
• La IIe République autrichienne ressuscite en avril 1945.
• Le Japon est pris en main par le général Mac Arthur.
• L’Allemagne se voit imposer des organes
démocratiques et une dénazification.
Cependant, cette transition démocratique se fait au prix
d’occupations militaires et d’une surveillance accrue.
L’Amérique latine est touchée par cette deuxième
vague démocratique.
Exemple Au Brésil, des élections libres sont organisées.
II. Des espoirs démocratiques déçus
dans la deuxième moitié du XXe siècle
A. Une transition démocratique limitée
La démocratie se heurte au système soviétique qui
revendique le terme de « démocraties populaires »,
l’Europe est coupée en 2 blocs. La prise de conscience
du caractère totalitaire de ce régime n’intervient que lors
de la publication de l’Archipel du Goulag (1973) d’A.
Soljenitsyne. Les valeurs libérales de la démocratie
représentative prennent alors seulement un sens réel,
mais cette reconnaissance est tardive.
L’espoir d’une décolonisation démocratique
généralisée s’effondre dans le cadre de la Guerre
Froide (1947-1991).
En Inde, en Afrique, aux Antilles, la puissance coloniale
britannique met en place des institutions parlementaires
et conduit à une indépendance négociée. En
Indochine, les Américains empêchent le rétablissement
de la domination coloniale (France et Pays-Bas).
Les indépendances sont obtenues également par la
violence (guerre d’Algérie 1954-1962) relativisant ce
processus de transition démocratique. Certaines sont
tardives et débouchent sur la mise en place de
gouvernements autoritaires.
Exemple Pays du Maghreb.
La transition démocratique après-guerre reste
fragile :
• La confrontation Est/Ouest alimente des espérances
révolutionnaires et l’avènement de dictatures par
contrecoup. Ces régimes forts sont soit réactionnaire,
soit progressiste.
Exemple Cuba, prise du pouvoir par Fidel Castro en
1962.
• L’Amérique latine est le théâtre du recul de la
démocratie devant l’autoritarisme après 1960 : le
système électoral aboutit à l’élection de dictateurs
(Perón en Argentine, ou Vargas au Brésil plébiscité à
nouveau en 1951), des coups d’État militaires mettent
fin à des réformes prématurées et mal menées.
B. Le retour de l’autoritarisme : l’exemple du Chili
(1973)
La situation chilienne après-guerre : Comme dans
d’autres pays, le Chili voit augmenter l’audience du Parti
communiste (grèves). Le Président Videla réagit en
l’interdisant (loi dite « maudite » de « Défense de la
démocratie »). Le pouvoir reste entre les mains d’une
oligarchie.
Un espoir en 1970 : La victoire du socialiste Allende
permet un renouvellement des élites. Il pose les bases
d’une nouvelle société basée sur le socialisme et la
démocratie et lance un programme de nationalisation. Si
l’économie redémarre, la réforme agraire se fait au
détriment des agriculteurs. Des grèves et manifestations
se multiplient encouragées par les États-Unis.
Le 11 septembre 1973 le général Pinochet prend le
pouvoir et met en place une dictature militaire :
• le Congrès national est dissous, comme les partis
politiques et les syndicats, la Constitution est abolie.
• Les libertés publiques sont supprimées, l’état
d’urgence est proclamé.
• Les ennemis sont désignés : le « cancer marxiste », la
répression est sanglante.
• Pinochet devient chef suprême de la Nation en 1974,
puis président.
• L’armée concentre tous les pouvoirs.
Un référendum en 1988 débouche sur la victoire des
partisans du départ de Pinochet et débouche sur une
transition démocratique avec l’élection d’un Congrès
et d’un nouveau président (1990). Le Chili redevient une
démocratie. Pinochet reste commandant en chef de
l’armée jusqu’en 1998 et meurt en 2006 sans avoir été
jugé pour les exactions de l’armée (viols, tortures,
assassinats de 3 000 opposants, arrestations de
150 000 personnes, 3 000 disparitions, centaines de
milliers d’exilés politiques).
Zoom événement
Le rôle trouble des États-Unis au Chili
 L’élection du socialiste Allende en 1970 dans un contexte de
Guerre Froide a suscité l’hostilité américaine (Richard Nixon).
 Si des documents déclassifiés de la CIA montrent que les
États-Unis n’ont pas directement participé au coup d’État, ils
ont tout fait pour le préparer en favorisant l’instabilité sociale
et économique.
 Les intérêts des firmes américaines plus importants que les
valeurs démocratiques ?

C. Une transition démocratique « modèle » :


l’exemple de l’Espagne (1975-1982)
La transition démocratique espagnole est exemplaire
par la maîtrise de l’exécution Elle prend la forme d’une
transition « octroyée » par les élites au pouvoir.
En 1975, le général Franco meurt. Le roi Juan Carlos
lui succède dans la continuité des institutions
dictatoriales. En 1976, il nomme un 1er ministre (Suarez),
converti à la démocratie, dont le but est de maintenir les
élites en place tout en neutralisant les inquiétudes de la
population (risque de guerre civile).
Il adopte une première loi de réforme politique
autorisant le remplacement progressif de la légalité
franquiste. Puis il se lance dans la légalisation du Parti
communiste, car une transition démocratique
authentique exige le rétablissement du multipartisme.
Enfin, l’autonomie de la Catalogne et du Pays basque
est restaurée également par surprise en 1977. En 1978
une charte démocratique quasiment fédérale est
promulguée. La victoire socialiste en 1982 aux élections
confirme la consolidation démocratique.
La formule séduit les gouvernements militaires
d’Amérique du Sud : elle permet le maintien du
personnel des régimes autoritaires tout en étant
pacifique.
III. La démocratie face aux nouveaux défis
du XXIe siècle
A. Années 1990 : le renouveau des espoirs
Zoom notion
« La Fin de l’Histoire »
 Selon Francis Fukuyama dans son essai La Fin de l’Histoire
et le Dernier Homme (1992), la fin de l’Histoire advient avec
la fin du communisme (1991). L’Histoire s’achève le jour où
un consensus universel sur la démocratie met un point final
aux conflits idéologiques. La démocratie, une fois implantée,
ne peut que se réaffirmer.

Après 1989, l’implosion du bloc communiste laisse


espérer un achèvement total des systèmes
démocratiques en Europe.
3 réformes gigantesques vont de pair :
• la réforme politique (installation d’institutions
démocratiques) ;
• la transformation d’une économie dirigée par l’État en
économie de marché ;
• une mutation des hommes et des attitudes
(s’approprier les mécanismes démocratiques, fin de
l’idéologie unique).
Au tournant du XXIe siècle, les facteurs de la transition
démocratique se multiplient.
La mondialisation s’accélère depuis les années 1980 et
laisse espérer l’approfondissement de la démocratisation
avec l’amélioration des conditions de vie (mythe de La
mondialisation heureuse, Alain Minc, 1993).
Les régimes autoritaires s’usent du dedans face à la
détérioration de leur assise économique. Les
populations fascinées par la prospérité des sociétés
libérales n’acceptent plus les formes dictatoriales du
pouvoir.
Les régimes autoritaires doivent s’ouvrir à une
libéralisation contrôlée de l’espace culturel,
économique ou politique, qui contribue à les affaiblir. Ce
mouvement a eu lieu dans les années 1970 dans les
dictatures d’Amérique latine, en URSS en 1984 avec la
Glasnost (« transparence ») de Gorbatchev.
B. L’absence de pratiques démocratiques
1. En Europe de l’Est et en Russie
Les ex-membres de la nomenklatura (cadres dirigeants
du PCUS) s’emparent des restes de l’appareil de
production collectivisé et s’organisent en mafias. La
réforme économique brutale entraîne un chômage de
masse et une hausse vertigineuse des prix. C’est le
choix fait par les experts occidentaux de la « pilule
amère ». Le projet démocratique se confond avec le
naufrage économique et social en Russie, Ukraine,
Biélorussie, ouvrant à nouveau la porte à des
« sauveurs » de la Nation, comme Vladimir Poutine. Le
nationalisme se réveille dans les territoires de l’ex-
URSS. Il s’accompagne de prises de position populistes
et xénophobes dans ce contexte de crise.
Exemple Dans l’ex-Yougoslavie en guerre de 1991 à 2001.
Seule la perspective d’intégration dans l’UE – et non ces
réformes démocratiques – sauve une partie des ex-
démocraties populaires.
2. Dans le monde
• En Amérique latine, la démocratie représentative à
l’occidentale recule face à une surenchère populiste :
élection du colonel Chavez au Venezuela en 1998, Evo
Morales en Bolivie, le couple Kirchner en Argentine.
• La qualité démocratique des nouveaux régimes
pose question.
Exemple Aux Philippines en 1986, le pouvoir est revenu
après la dictature de Marcos à l’oligarchie terrienne
alliée à l’Église catholique.
• L’instauration de la démocratie en Amérique centrale
vient de pressions extérieures (États-Unis) et non
d’une culture politique populaire. En Afrique
subsaharienne, les pseudo-démocraties mises en
place répondent surtout aux recommandations du
président Mitterrand (discours de La Baule, 1990).
• Quel avenir pour un régime démocratique imposé par
les armes ?
Exemple Les interventions américaines armées en
Afghanistan (2001) et en Irak (2003) inaugurent
l’installation de « démocraties balistiques ».
Zoom évènement
L’Afrique du Sud : une démocratisation réussie ?
 L’exemple de l’Afrique du Sud est unique : la démocratisation
entreprise en 1993-1994, après la fin de l’apartheid, aboutit à
l’extension du suffrage universel aux Noirs et à l’avènement
immédiat au pouvoir de la nouvelle majorité. Mais le modèle
de la « renaissance africaine », lancée dès 1996 par Thabo
Mbeki, inquiète sur le respect démocratiquement nécessaire
des droits de la minorité blanche.

C. Les anciennes démocraties face à de nouveaux


défis
• Le nécessaire renforcement des mécanismes
démocratiques : Des mouvements comme « Nuit
debout » en France (printemps 2016) ont porté cette
exigence. La crise économique, le chômage de masse,
augmentent les inégalités et les tensions à l’image de
la « crise des Gilets jaunes » en France (novembre
2018-2019) avec une revendication centrale : le
Référendum d’initiative citoyenne.
• La question de l’état d’urgence : Le terrorisme actuel
prend pour cible l’idéal démocratique, comme le
montre l’assassinat en octobre 2020 du
professeur d’histoire Samuel Paty. Il impose aux
démocraties de se défendre par des mesures
exceptionnelles. Mais comment concilier sécurité et
liberté ?
• L’état d’urgence sanitaire déclaré dans de
nombreux pays pour faire face à la pandémie de
Covid-19 en 2020 impose des mesures restreignant les
libertés individuelles (confinement, couvre-feu…). Les
oppositions politiques et des manifestations de
citoyens exaspérés dénoncent la mise en place de
« dictatures sanitaires » (automne 2020 : Allemagne,
Italie). Comment concilier santé et liberté face à une
pandémie d’une ampleur exceptionnelle ?
• La démocratie : une arme dans la guerre
idéologique. Reagan déclare, en 1982, que le conflit
qui oppose les États-Unis à l’URSS ne pourra se
terminer qu’avec le triomphe de la démocratie libérale.
Après le 11 septembre 2001, les États-Unis font la
guerre pour la défense de la démocratie, « libérant »
un pays par la conquête : un paradoxe intenable
décrédibilisant le modèle démocratique aux yeux
du monde.
Conclusion
La démocratie n’est pas une conquête définitive des
peuples, mais résulte de combats et peut être remise
en question par des régimes autoritaires, mais aussi
par l’abstention ou le désintérêt des citoyens au sein
des démocraties anciennes.
Ces grandes phases n’ont pu permettre que la
démocratie devienne l’unique forme de gouvernement
en vigueur, et ce, même au sein du continent
européen. En 2016, selon l’ONG Freedom House, 50
pays sont encore des régimes autoritaires, 56 sont
seulement « en parties libres », 86 seulement
disposent d’institutions démocratiques garantes de
droits politiques et civiques. En 2019 son rapport
intitulé « la démocratie en retraite » exprime ses
inquiétudes concernant le recul démocratique dans le
monde. Ses inquiétudes se confirment en 2020 : en
octobre, l’ONG montre que les autorités dans des
dizaines de pays ont utilisé la pandémie de Covid-19
pour intensifier leur surveillance et mieux réprimer la
dissidence en ligne.
Fiche méthode

Méthode

Faire une carte de synthèse


• L’objectif
Rendre clair à l’aide d’une carte un sujet complexe. De
nombreux sujets peuvent amener à la réalisation d’une
carte de synthèse, que ce soit en géographie, en
géopolitique, en histoire ou en science politique.
Votre travail doit être guidé par un seul souci : rester
clair et précis.
• Lire le sujet
Comme pour une dissertation, le sujet doit être
clairement défini. Ce travail se fait au brouillon.
Vous devez définir les termes du sujet et dégager les
grandes idées principales qui seront ensuite montrées
sur la carte.
Pour aider cette lecture, vous pouvez vous poser
plusieurs questions : qui sont les acteurs ? Quelles
conséquences sur les territoires ? Quelles limites à un
phénomène ? Quels moyens sont utilisés ?
C’est le célèbre : Qui ? Quand ? Où ? Quoi ?
Comment ?
• Organiser la légende
Une lecture du sujet approfondie permet de dégager
les grands thèmes et structurer la légende en 2 à 4
grandes parties.
Vous devez veiller, comme dans une dissertation, à
l’équilibre des parties.
Chacune de ces parties doit comporter 3 ou 4
symboles maximum afin de privilégier la clarté de la
carte.
La légende doit être problématisée et montrer les
difficultés du sujet.
• Réaliser la carte
Le choix des figurés doit suivre des règles
cartographiques simples.
Attention Ne pas oublier la règle du COLET : une carte comporte
toujours un Cadre, une Orientation, une Légende, une Échelle et un
Titre.

 Les figurés alternent entre 3 types (vous devez


veiller à ce qu’ils soient tous présents sur la carte) :
– Les figurés de surface : pour représenter une zone
(région agricole, région industrielle, densité de
population…)
– Les figurés ponctuels : ville, port, pôle industriel,
sièges d’entreprise…
– Les lignes : axe de communication, flux, interface,
limite climatique…
 La taille des figurés : elle permet de hiérarchiser les
informations.
Exemple Tailles de flèches différentes pour montrer
l’importance des flux.
 Les couleurs utilisées suivent également la
logique :
– Le choix des couleurs : il faut respecter les
couleurs conventionnelles (rouge : forte densité,
marron : montagnes, bleu : mer…)
– Les dégradés : ils sont utilisés pour hiérarchiser les
informations.
ExempleDensités plus ou moins élevées dans un
dégradé rouge-orange-jaune.
 Enfin la nomenclature (noms) est essentielle : il n’y
a pas de carte sans localisations précises ! À adapter
selon le sujet…
Attention – On commence par les figurés de surface, puis ponctuels
et linéaires.
– On utilise des crayons de couleur et non des feutres ou
fluos pour le coloriage.
– On termine par la NOMENCLATURE + titre + légende

Méthode appliquée

Sujet

« La démocratie dans le monde au XXIe siècle »


• Lire le sujet :
Un sujet-tableau qui réclame de faire un état des lieux
des régimes démocratique. On se pose plusieurs
questions :
 Où se trouvent-t-elles ?
 Quelles sont les autres formes de régimes que l’on
doit représenter (démocraties incomplètes, régimes
autoritaires) ?
 Qui facilite le processus de démocratisation ?
 Quelles limites ? (Conflits, guerres…)
Ce travail permet de sélectionner les informations à
représenter.
• Organiser la légende :
On regroupe les idées dans 3 grandes parties qui
s’enchaînent :
I. Un constat : une inégale répartition de la
démocratie dans le monde…
 On réalise une typologie des pays en fonction de leur
degré de démocratisation (indice démocratique 2017
Freedom House) → Figurés de surface
II. Les facteurs de la transition démocratique…
 Les acteurs et processus de transition démocratique
(institutions, aides, révolutions démocratiques
réussies) → Figurés ponctuels
III. Des limites et de nouveaux défis
 Attaques terroristes, crise des migrants, montée des
populismes dans les anciennes démocraties →
Figurés ponctuels et lignes
• Réaliser la carte :
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Quelle est la place de la démocratie dans le


monde depuis les années 1990 ? »
Introduction
(Attention les titres des parties doivent être rédigés)

• (Accroche) Moins de la moitié de la population


mondiale vit dans une démocratie. Les libertés
individuelles sont en recul depuis 10 ans et la Corée du
Nord et la Russie n’en sont pas les seules
responsables, constate l’ONG américaine Freedom
House en 2016.
• (Définition du sujet) Le régime démocratique se définit
comme un État de droit qui garantit les libertés et droits
fondamentaux de la personne. Il s’oppose ainsi aux
régimes autoritaires. Il peut exister des régimes
démocratiques incomplets dans lesquels les libertés
individuelles sont en recul.
• (Bornes du sujet) Depuis 1945, les démocraties
occupent une place centrale dans les institutions
internationales qui se définissent comme des lieux
d’expression de la démocratie. Si la Guerre Froide a
empêché la réalisation d’un espoir démocratique
mondial, à partir des années 1990, le moment semble
favorable pour l’achever. Le modèle démocratique
libéral va de pair avec la mondialisation en plein essor
depuis les années 1980.
• (Problématique) Mais les fragilités du modèle
démocratique invitent à s’interroger sur la capacité de
celui-ci à s’imposer à l’ensemble du monde et sur la
légitimité même de cette volonté d’expansion qui peut
être remise en cause.
• (Plan) Les années 1990 font renaître l’espoir d’un
aboutissement du processus démocratique mondial (I).
Mais ce processus reste incomplet : les démocraties se
heurtent aux dictatures modernes et sont le terrain de
nouveaux reculs (II).
I. Une vague de transition démocratique
A. Cadre chronologique
• Dans les 40 dernières années, les démocraties ont été
multipliées par 3 dans le monde (passant de 35 à plus
de 100). La période qui a suivi la chute du mur de
Berlin, sans se traduire par la « fin de l’Histoire »,
semblait présager un avenir radieux pour les espoirs
démocratiques.
• Dès 1989, la chute du mur sonne l’heure de
l’émancipation des démocraties populaires à l’Est. Le
basculement démocratique de l’Amérique centrale a
lieu de 1979 à 1990 : le virage se produit en 1979 et
1980 avec la chute du tyran Somoza et l’avènement du
gouvernement sandiniste au Nicaragua. À partir de
1990, le passage du Chili à la démocratie clôt la phase
centrale des transitions démocratiques latines comme
norme.
• En Asie et en Afrique les conditions de la
décolonisation ont souvent abouti à l’indépendance à
l’établissement de régimes autoritaires. La chronologie
de la démocratisation est dépendante de celle de la
décolonisation.
B. Moyens utilisés pour atteindre l’objectif
démocratique
 Par la force : il s’agit de la forme révolutionnaire.
L’opposition s’organise malgré les restrictions de
liberté et parvient à renverser un pouvoir autoritaire
déjà affaibli. C’est le cas par exemple du putsch
militaire pro-démocratique au Salvador, au terme
d’une guerre civile sanglante (1979-1992).
 Par la voie légale : cette voie suppose des élites
acquises au modèle démocratique. On peut parler de
« transition douce ». C’est le modèle employé en
Espagne (1975-1982) et utilisé notamment dans les
grands pays d’Amérique latine. Le modèle espagnol
sert à la théorisation d’un schéma de « transition
démocratique », dégageant les étapes nécessaires.
Exemples Brésil, Argentine, Chili.
C. Facteurs et acteurs
• Les jeunes démocraties sont aidées dans leur
transition par des organisations internationales
(envoi d’experts de l’ONU, soutien diplomatique, aides
financières du FNUD) et par les anciennes
démocraties (rôle des États-Unis qui soutiennent les
transitions démocratiques en Amérique centrale, de
l’UE). Des institutions publiques ou semi-publiques,
comme le National Endowment for Democracy (NED),
financent aussi partis politiques et programmes de
recherche dans les pays en voie de démocratisation.
• Le rôle du peuple est essentiel (grèves,
manifestations). La masse ne veut plus accepter le
renforcement des pratiques dictatoriales.
Exemple Les « Printemps arabes » (décembre 2010-
2011) désignant les contestations populaires
aboutissant au départ de dictateurs et à
l’instauration de démocraties (essais réussis en
Tunisie et Égypte).
• La transition démocratique s’accompagne d’un profond
remaniement du paysage médiatique. L’État perd le
monopole des médias et doit engager des politiques de
libéralisation culturelle. Les nouveaux médias
(Facebook, Twitter) jouent un rôle central dans
l’organisation et la médiatisation des luttes
démocratiques.
• Le contexte économique est favorable : le succès du
capitalisme dans la mondialisation et la prospérité des
sociétés libérales contrastent avec les régimes
autoritaires en récession et encouragent le passage à
un processus de transition démocratique.
• (Transition) Mais les grands défis du XXIe siècle
remettent en cause le modèle de la démocratie
libérale. En 2020, de nombreux signaux inquiétants
montrent au contraire un recul de celle-ci dans le
monde.
II. Limites et nouveaux défis
A. Les dictatures modernes
• Si la plupart des régimes autoritaires se sont ouverts
progressivement à la libéralisation, des dictatures
résistent sur tous les continents (même en Europe
avec le Bélarus : la dernière dictature d’Europe) où tout
le pouvoir politique est concentré entre les mains d’un
seul individu. La situation est particulièrement
inquiétante au Moyen-Orient et en Afrique. Ces
despotes attirent l’attention sur la situation de leur pays
comme Kim Jong-un en Corée du Nord.
• Beaucoup conservent l’apparence de la démocratie.
Une fois élus, les dictateurs se donnent tous les
pouvoirs et les moyens de les conserver. Les lois sont
modifiées sous leur contrôle. Des référendums leur
permettent de prolonger leur mandat.
Exemple N. Nazarbaïev au Kazakhstan, seul président
qu’a connu le pays depuis son indépendance en
1990.
B. L’échec des révolutions démocratiques
• Les printemps arabes (2011) ont été de vraies
désillusions (ex : l’aspiration démocratique en Turquie
s’est soldée par la restauration d’un régime autoritaire)
et rappellent que l’histoire de l’émancipation des
peuples est ainsi faite d’avancées et de reculs. La
Syrie et la Libye sont encore à feu et à sang, l’Égypte
du maréchal Al-Sissi n’est guère mieux que celle de H.
Moubarak.
• Le mouvement a été détourné par des acteurs
extérieurs et intérieurs dans un contexte géopolitique
complexe.
C. Des démocraties anciennes acculées
• Le terrorisme prend pour cible l’idéal démocratique
(libertés individuelles). L’exigence de sécurité des
populations impose l’état d’urgence qui restreint les
libertés individuelles. Il déstabilise les sociétés
occidentales dont les populations se tournent vers des
partis d’extrême-droite.
Exemple La France en 2017 selon le Democracy Index
(Economist Intelligence Unit) n’est qu’à la
29e position sur 167 pays et figure parmi les
6 « démocraties imparfaites » en Europe : culture
politique basse et faible participation citoyenne,
état d’urgence et potentielles restrictions à la
liberté de la presse.
• La crise migratoire démontre l’incapacité de l’Europe
à y répondre et est devenue un prétexte utilisé par les
populistes pour s’opposer à l’UE et à ses valeurs
libérales (demande de « Frexit », « axe » de Visegrad).
• Après l’élection de D. Trump en 2016 et le référendum
sur le Brexit, la menace semble venir du
dysfonctionnement de la démocratie et de sa
conséquence : la montée des populismes.
• Ces difficultés popularisent la théorie de la
« démocratie illibérale » reprise par le 1er ministre
hongrois V. Orban en 2014 dans laquelle la protection
de la Nation légitime un détachement des libertés ou
de l’État de droit.
• Enfin, le capitalisme en crise, les dérives de la
financiarisation de l’économie apparaissent comme
des échecs de la démocratie libérale.
• (Transition) A l’échelle mondiale, l’exportation du
modèle démocratique semble en repli et fait face à
résistances nombreuses. Le modèle de la démocratie
libérale, ses ambitions mondiales, sont critiquées.
Conclusion
• La démocratie n’a pas conquis sa place en un jour et
cette conquête longue doit être protégée. Les premiers
penseurs libéraux (B. Constant) invitent à maintenir les
citoyens en éveil et à exercer une surveillance sur
leurs gouvernants.
• La place de la démocratie dans le monde aujourd’hui
reste instable : à l’échelle mondiale en 2020, le constat
inquiétant est fait du recul de la démocratie dans le
monde, mais aussi dans les anciennes démocraties.
Chapitre 3

L’Union européenne et la
démocratie
Synthèse de cours
Introduction
L’idée européenne renaît après 1945 dans un cadre
géopolitique nouveau : la Guerre Froide. Les
gouvernants veulent ancrer l’Europe dans le camp des
démocraties libérales.
La « démocratie » s’entend comme un idéal, qui prend
la forme de valeurs et de réalisations concrètes comme
l’organisation d’élections libres au sein des pays
membres, mais aussi au sein des institutions
européennes.
Si l’idée d’une Europe démocratique naît au lendemain
de la guerre (I), la démocratisation de la construction
européenne n’intervient qu’avec Maastricht et
Copenhague au début des années 1990 (II). Elle doit
faire face à de nombreux défis extérieurs et internes à
son fonctionnement (III).
Notions du chapitre : construction européenne, idée
européenne, valeurs européennes, modèle fédéral et
intergouvernemental, institutions européennes,
démocratie représentative, euroscepticisme,
europhobie.
I. La construction européenne et l’idéal
démocratique
A. Un objectif démocratique contrarié
Les urgences après 1945 sont de garantir la paix,
reconstruire l’Europe pour lutter contre son déclin,
garantir la démocratie après l’épreuve des régimes
totalitaires, mais également endiguer le communisme.
W. Churchill en 1946 appelle ainsi à la création
d’« États-Unis d’Europe » vue comme une union des
démocraties contre les communistes. Le lien entre
Guerre Froide et idée démocratique européenne est
central.
Zoom notion
Quelle idée d’Europe ?
 Les confédéralistes ou unionistes sont partisans d’une
Europe des États : simple coopération intergouvernementale
sans abandon de souveraineté. Les États-Nations conservent
la légitimité populaire, les institutions européennes en sont
dépourvues.
 Les fédéralistes sont partisans d’une Europe
supranationale : une fédération européenne où les États
renoncent à une part de leur souveraineté. Les institutions
européennes reçoivent une délégation des pouvoirs des
peuples européens.

Le Conseil de l’Europe, défenseur de la démocratie ?


L’objectif du Conseil de l’Europe est de promouvoir la
démocratie. En 1959 est ainsi fondée à Strasbourg la
Cour européenne des droits de l’homme qui veille au
respect de la Convention européenne des droits de
l’homme (1950). Le Conseil invente les symboles de la
CEE/UE : hymne européen (9e symphonie de
Beethoven), devise (« Unis dans la diversité »), journée
de l’Europe (9 mai), drapeau (cercle de 12 étoiles or sur
fond bleu), dont l’objectif est de fédérer les habitants
autour d’une identité commune.
Mais paradoxalement, cette première construction
européenne souffre d’un déficit démocratique. Fondée
en 1949 par 10 États, elle n’est pas supranationale, n’a
pas de députés élus : c’est un « club des démocraties »,
une simple instance de dialogue.
B. Des aspirations démocratiques déçues : la CEE
C’est une Europe technocratique qui se met en place,
une Europe des Experts :
• Le fonctionnalisme prévaut : créer une association pour
répondre à un besoin par secteur (CECA pour le
charbon et l’acier en 1951, Euratom pour l’atome).
• Les institutions de la CECA/CEE (1957-traités de
Rome) ne sont pas représentatives.
• Il s’agit d’une « petite Europe » : la RFA seule est
intégrée, l’Europe du Sud (dictatures) n’est pas
représentée. L’exigence démocratique semble être un
préalable à l’intégration.
On tente de procéder à un approfondissement de la
construction (renforcement des institutions) :
• Le Conseil européen des chefs d’État et de
gouvernement est créé en 1974 : chargé de définir les
orientations de la politique européenne, instance
majeure de la communauté, intergouvernementale.
• Pour rapprocher l’Europe des citoyens on décide
l’élection au suffrage universel direct (SUD) du
Parlement : en 1979, 1re élection au SUD des députés
européens pour 5 ans.
Mais cette évolution démocratique ne repose pas sur un
consensus : très mal acceptée en France, le SUD
européen est vu comme un déni de démocratie.
L’espace national reste le seul espace public légitime.
Zoom notion
Les institutions de la CEE : démocratiques ?
 Commission européenne : initiative des lois européennes,
responsable de leur exécution. Commissaires nommés, mais
indépendants des gouvernements.
 Conseil des ministres : seul à pouvoir adopter les lois, à
l’unanimité pour les décisions importantes, ou à la majorité
qualifiée (nombre de voix d’un État proportionnel à sa
population).
 Parlement : contrôle le travail de la Commission, rôle
consultatif dans l’élaboration des lois. Députés élus à partir
de 1979.
 Cour de Justice : règle les différends entre les institutions et
les États.

Ce fonctionnement repose sur un compromis entre


supranational (Commission, Parlement) et inter-
gouvernemental (Conseil des ministres). Il reste celui de
l’Europe aujourd’hui.
II. L’approfondissement de la
démocratisation
A. L’affirmation de critères démocratiques
Les élargissements des années 1980 sont
représentatifs de l’importance du critère
démocratique, mais ils se font de manière empirique.
En 1981, la fin de la « dictature des colonels » permet à
la Grèce de rejoindre la CEE. Puis, en 1986, la fin du
salazarisme et du franquisme au Portugal et en Espagne
permet une transition démocratique qui précède leur
entrée.
Des Critères d’adhésion sont édictés seulement en
1993 par le Conseil européen de Copenhague :
• Critère politique : institutions stables démocratiques,
droits de l’homme et respect des minorités ;
• Critère économique : économie de marché viable,
capacité pour faire face à la concurrence à l’intérieur
de l’UE ;
• Critère de « la reprise de l’acquis
communautaire » : capacité du pays à assumer les
obligations d’un État membre, souscrire aux objectifs
de l’Union politique, économique et monétaire.
L’élargissement est limité à 3 États neutres : Autriche,
Suède et Finlande en 1995.
Les années 1990 marque un tournant avec la chute du
mur de Berlin en 1989 et l’adhésion de la RDA qui rejoint
les Länder allemands. En 1991, la chute de l’URSS
entraîne un afflux d’adhésions des anciennes
démocraties populaires.
Le Conseil de l’Europe fonde alors la « Commission
européenne pour la démocratie » pour assister les
pays ex-communistes nouvellement démocratiques. Elle
leur fournit des juristes pour rédiger des constitutions
(Ukraine, Albanie).
B. Naissance d’une citoyenneté européenne
Le traité de Maastricht (1992) est un
approfondissement majeur de la démocratisation des
institutions de la CEE/UE dont le but est de « créer une
union sans cesse plus étroite entre les peuples » :
• Il met en œuvre l’union économique et monétaire :
achève la mise en place du marché unique (critères de
convergence) ; le passage à l’Euro effectif en 2001
donne une réalité quotidienne à cette construction.
• Il crée une citoyenneté européenne (art. 8).
• Il étend les compétences de l’UE en matière de
politique sociale, d’éducation, de santé, de protection
des consommateurs.
• Il renforce les pouvoirs du Parlement, seule
assemblée représentative européenne (rôle accru de
codécision en matière législative) lui donnant une
caution démocratique supplémentaire.
• Il prévoit une politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) et la coopération dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures.
Cette citoyenneté est renforcée par les traités
d’Amsterdam en 1997, de Nice en 2001 et de Lisbonne
en 2007.
Les principaux droits accordés par la citoyenneté
européenne sont :
• droit de circuler, de séjourner et de travailler sur le
territoire des autres pays membres ;
• droit de voter et d’être élu aux élections municipales et
européennes dans l’État membre où il réside ;
• droit d’être protégé contre toutes les discriminations ;
• droit d’initiative populaire (1 million de citoyens
européens peuvent présenter de nouvelles
propositions).
Le fonctionnement de l’UE se démocratise :
• Les parlements nationaux sont davantage associés au
processus décisionnel, grâce au principe de
subsidiarité.
• Classification plus précise des compétences qui
apporte plus de transparence dans les relations entre
UE et États membres.
• Extension du vote à la majorité qualifiée pour un
processus décisionnel plus efficace. Le but : éviter les
blocages qui entravaient le processus d’intégration.
III. Une démocratie européenne en crise ?
A. Une démocratie déléguée jugée « technocratique »
Mais les institutions restent peu démocratiques
malgré l’élection au SU, car le suffrage proportionnel
débouche sur des combines entre partis et reste peu
lisible pour les citoyens européens.
La parole n’est pas donnée aux peuples sur les grandes
orientations. L’Europe reste faite par le haut avec des
décisions prises par les politiques, conseillés par des
experts, sous l’influence de groupes d’intérêts (lobbys) à
Bruxelles.
La Commission européenne (seule institution
européenne à l’initiative des lois) – dont les membres
sont nommés par les États membres – n’émane pas du
SU. Ses membres ne sont pas responsables devant les
peuples.
Les critères d’adhésion sont limités.
Jusqu’en 1995 (Europe à 15), les élargissements
concernent des pays d’Europe de l’Ouest. Ils ont
bénéficié de la politique de développement pour
rattraper leur retard par le biais du FEDER (fonds
européen de développement régional).
Après 1991, les candidatures des PECO affluent. Se
pose la question de l’adaptation économique de ces
nouveaux pays et du fonctionnement de leurs
institutions. Le critère démocratique chèrement acquis
passe au 2e plan face aux critères économiques…
B. De l’euroscepticisme à l’europhobie
La ratification de Maastricht se fait dans le contexte de la
montée de l’euroscepticisme et d’une chute brutale de
la croissance (1991-1992). Trois pays consultent leurs
électeurs : si en Irlande, le « oui » l’emporte largement
(68,7 %) ; au Danemark, la victoire du « non » (50,7 %)
est un coup de tonnerre, le traité est revoté au prix de
dérogations ; en France, le traité est voté à une très
faible majorité (51 %).
Les taux d’abstention sont en constante
augmentation depuis 1979 et les réformes
européennes soumises au vote citoyen par référendum
rencontrent peu d’adhésion dans les opinions publiques
nationales.
Les crises se multiplient :
• Le difficile élargissement à 25 en 2004 (puis à 27 en
2007 et 28 en 2013) : les populations de l’Ouest
rejettent ces nouveaux arrivants (peur des
délocalisations, crainte d’une concurrence déloyale).
• Crises institutionnelles en 2005-2009 : le traité
constitutionnel est rejeté en France (54 %) et aux
Pays-Bas (61 %) en 2005. Le traité constitutionnel est
mort. Après son élection, N. Sarkozy redémarre les
négociations (traité de Lisbonne signé en 2007) sans
consultation populaire. En 2008, les Irlandais rejettent
ce nouveau traité par référendum, mais dans la
tourmente financière, l’Irlande doit le ratifier en 2009.
Les peuples sont mis à l’écart.
• La question turque : 2004, processus d’adhésion
lancé cristallisant les attaques populistes sur la Turquie
musulmane. Erdogan redouble ses dérives autoritaires
et sort du processus.
• La crise de la dette grecque : une crise économique
débarquée des États-Unis en 2008-2009. L’UE adopte
en 2010 un 1er plan d’aide à la Grèce contre un plan
d’austérité visant à réduire l’endettement. Puis un
2e plan d’aide avec une austérité encore plus
drastique, la population grecque sombre dans la
misère. Cette situation déstabilise la démocratie
grecque. Un nouveau parti d’extrême gauche Syriza
emporte les élections en 2015 après une campagne
contre l’austérité imposée. Un référendum rejette un
nouveau plan. L’Allemagne « pro-austérité » devient la
cible des partis des extrêmes contre l’« Europe
allemande ».
• La crise migratoire : des milliers de Syriens arrivent
en Europe à partir de l’été 2015, via la Turquie, mais
aussi des migrants économiques d’Afrique
subsaharienne (2 millions en 2015-2016). Face aux
naufrages médiatisés en Méditerranée, A. Merkel
ouvre les portes de l’Allemagne. Les 28 votent une
directive pour une relocalisation des migrants au sein
de l’UE. Certains États refusent et ferment leurs
frontières. Le groupe de Visegrad à l’est de l’Europe,
rejoint par l’Italie, rejette les quotas obligatoires.
L’incapacité de l’UE à répondre à cette crise qui
s’inscrit maintenant dans la durée – signe de son
blocage – a suscité une crise encore plus grave,
montrant que le terme d’union ne correspondait pas à
la réalité.
• Le Brexit : dans ce contexte économique et social
tendu, le référendum sur la sortie de l’UE débouche sur
le « oui » au Royaume-Uni en juin 2016 (accord entré
en vigueur le 31 janvier 2020, avec une période de
transition jusqu’à la fin de 2020).
Zoom événement
La montée des partis populistes europhobes
 Dans les années 2000, les partis populistes représentaient
5 % des voix aux élections nationales, ils en réunissent à
présent plus de 25 % :
• En France, M. Le Pen atteint le 2e tour des présidentielles
en 2017 avec un discours anti-Euro (11 millions
d’électeurs) ;
• Aux Pays-Bas, montée du Parti de Geert Wilders (PVV) pro-
Nexit aux législatives de 2017 ;
• En Italie, coalition du M5S (Mouvement 5 étoiles) et de la
Ligue du Nord, M. Salvini ministre de l’intérieur en 2018-
2019 s’oppose à l’UE sur le budget italien et l’accueil des
migrants.
• En Allemagne, les Länder voient la montée de l’Afd, parti
europhobe. A. Merkel doit quitter la tête de la CDU en
novembre 2018.
• En Hongrie, Pologne, Roumanie, arrivée de dirigeants
populistes.

Conclusion
La démocratie est bien un moteur de la construction
européenne : sa recherche a motivé de vastes
élargissements et de nouveaux approfondissements.
Cependant, les dérives institutionnelles vers une
Europe jugée trop technocratique déclenchent de
nouvelles crises : désaffection des citoyens, crises
institutionnelles, développement de discours
europhobes dans un contexte de crise économique –
et maintenant sanitaire – mondiale.
Fiche méthode

Méthode

Analyser graphiques et tableaux


• Conseils généraux
Ces documents sont des façons de représenter des
données chiffrées sous une forme visuelle pour en
faciliter la compréhension. Vous devez savoir les lire
avec précision et faire preuve de rigueur dans l’analyse
en suivant les étapes suivantes.
• Différents types de graphiques
 Histogrammes (en barres) : ils montrent une
évolution ou comparent des phénomènes.
 Diagrammes de répartition « circulaire » (camembert,
ou semi-circulaire) : ils montrent une répartition.
 Diagrammes cartésiens (représentations de séries
chronologiques en courbes) : ils montrent des
évolutions.
En commun : toujours les mêmes étapes de lecture et
d’analyse.
I. Lire
A. Situer le document
• Titre (quoi ?) ;
• Source et date de publication (qui ?) ;
• Dates étudiées (quand ?) ;
• Lieux étudiés (où ?) ;
• Comment les données sont exprimées ? : Lire dans un
graphique les légendes et les axes, dans un tableau
les intitulés des lignes et colonnes ; S’interroger sur les
types de données : absolues ou relatives ? Ensemble
de référence pour les proportions ? Unités de mesure ?
Attention Aux pièges de lecture :
– les données relatives par proportions le sont par rapport à
un ensemble de référence ;
– les données relatives par variations le sont par rapport à
des dates (à préciser).
– si les données représentent des indices, on ne peut que
comparer leur taux de variation, pas les données absolues !

B. Présenter le document en reprenant ces éléments


en donnant du sens.
II. Décrire
A. Dans un graphique
• Dégager la tendance générale et vérifier si elle est
régulière. Elle peut être ascendante, descendante,
stationnaire ou irrégulière.
• Périodiser en 2 ou 3 phases (tendances successives).
• Noter les points exceptionnels (max./min.) : mesurer
les écarts.
• Mettre en évidence les évolutions : donner des
ordres de grandeur (coefficients multiplicateurs, taux
de variation, écarts entre paliers…). Vous devez
chiffrer les variations consécutives.
B. Dans un tableau
• Observer les lignes et colonnes qui expriment des
totaux ou ensembles et donnent les grandes
tendances des phénomènes à observer.
• Reprendre ensuite le tableau ligne par ligne ou
colonne par colonne : voir si chacune confirme ou
infirme la tendance générale. Structurer l’analyse en
présentant soit les informations en ligne, soit en
colonne.
• Traiter les données : calculs de pourcentage,
variation, coefficient multiplicateur…
• Effectuer des regroupements (classification) entre les
différents pays, régions ou autres : grouper les plus
grands effectifs, les plus petits, les moyens ; voir si la
taille des barres augmente, baisse… (fortes
croissances, baisses ou stagnation).
Attention Vous devez sélectionner les données, décrire les éléments
pertinents, hiérarchiser les résultats, mettre en évidence les principaux
phénomènes (et non commenter l’ensemble des chiffres !)

III. Expliquer
• Expliquer les variations d’après vos
connaissances : réfléchir à l’intérêt des
dates/périodes, des pays ou lieux choisis par rapport
au sujet (causes historiques politiques, économiques,
physiques).
• Mettre en relation ce document avec :
 Les intentions de l’auteur (la source) : Pourquoi
celui-ci a-t-il créé le graphique, quel choix de
données ? Questionner la source (fiabilité des
statistiques…) : qui l’a commandé ? dans quel but ?
 Les intentions du concepteur du sujet : Pourquoi
a-t-il jugé utile de mettre ce graphique ? Quelles sont
ses attentes ?
 Le sujet, la problématique d’ensemble : Dans
quelles parties du plan provisoire les données
analysées peuvent-elles être utiles à
l’argumentation ?
S’il y a plusieurs documents, croiser le graphique avec
les autres documents : confirme-t-il ou infirme-t-il les
idées des autres documents ?
IV. Conclure
• Répondre à la question posée.
• Mettre en évidence les spécificités et manques du
document.

Méthode appliquée

Sujet

« Comparer les taux d’abstention aux élections


européennes dans l’espace et le temps »
Document 1 Graphique du taux de participation aux
élections européennes de 1979 à 2019

Source : TNS/Scytl en coopération avec le Parlement européen

Document 2 Tableau de l’évolution de participation dans


les 8 pays les plus peuplés de l’UE de 1979 à 2019
(source Parlement européen)

1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014 2019

Allemagne 65,73 56,76 62,28 60,02 45,19 43,00 43,30 48,10 61,38

France 60,71 56,72 48,80 52,71 46,76 42,76 40,63 42,43 50,12

Italie 85,65 82,47 81,07 73,60 69,76 71,72 65,05 57,22 54,50

Pays-Bas 58,12 50,88 47,48 35,69 30,02 39,26 36,75 37,32 41,93
Royaume- 32,35 32,57 36,37 36,43 24,00 28,52 34,70 35,60 37,18
Uni

Espagne – – 54,71 59,14 63,05 45,14 44,87 43,81 60,73

Pologne – – – – – 20,87 24,53 23,83 45,68

Roumanie – – – – – – 27,67 32,44 51,2

Moyenne
60,51 55,88 55,12 52,93 46,46 43,03 39,68 40,09 50,34
des 8 pays

Moyenne de
61,99 58,98 58,41 56,67 49,51 45,47 42,97 42,61 50,66
l’UE

I. Lire
A. Situer

Doc. 1 –
Doc. 2 – Tableau
Histogramme

Taux de participation
Participation par pays
Quoi ? aux élections
aux élections européennes
européennes

Parlement européen
et consortium
Qui ? TNS/Scytl (spécialiste
des logiciels Parlement européen et TNS/Scytl.
(Source, date europarl.europa.eu
électoraux)
de publication)
Site officiel :
europarl.europa.eu

Quand ? 1979-2019 1979-2019

De l’UE à 9 à l’UE à
28 (la Croatie : 8 pays les plus peuplés de l’UE :
dernière adhésion en appartenant aux pays fondateurs
2013 ; le R-U qui a (France, Italie, Allemagne Pays-
voté en 2016 le Brexit Bas, puis Royaume-Uni) et aux
Où ?
effectue pays issus des élargissements
ses dernières vers l’Europe du Sud (Espagne)
élections et de l’Est après 1991
européennes en (Pologne, Roumanie).
2019)
Doc. 1 –
Doc. 2 – Tableau
Histogramme

Axe horizontal :
dates des élections
européennes au
Lignes :
Parlement
8 pays les plus peuplés, moyenne
élargissements de
des 8 pays et moyenne de l’UE
Comment ? l’UE
(de 9 à 28 en 2019)
Axe vertical :
Colonnes : dates des élections
Pourcentage du taux européennes au SU
de participation par
rapport au corps
électoral.

B. Présenter
1. Le graphique en bâtons permet d’analyser
l’évolution du taux de participation en pourcentage aux
élections européennes au fil des élargissements, de
1979, date de la première élection au suffrage
universel des députés européens dans une Europe à
9, à 2019, date des dernières élections européennes
dans une Europe à 28. Il a été réalisé à partir des
statistiques de vote officielles collectées par TNS/Scytl
en coopération avec le Parlement européen.
2. Le tableau à double entrées réalisé à partir des
mêmes statistiques officielles (TNS/Scytl – Parlement
européen) permet de lire pour les 8 pays les peuplés
de l’UE l’évolution du taux de participation aux
élections européennes, et donc l’évolution de
l’abstention par rapport à la moyenne de l’UE.
II. Décrire
A. Dans un graphique
• Tendance générale :
 Le taux de participation subit une érosion continue
depuis l’instauration de l’élection au suffrage
universel en 1979. Il a reculé de 20 points en 30 ans
(62 % en 1979 ; 42 % en 2014).
 En miroir, on peut lire la montée de l’abstention : de
38 % en 1979 (UE à 9) à 57 % (UE à 28).
• Tendances successives et points exceptionnels :
La baisse constatée n’est pas uniforme : plusieurs
paliers de montée de l’abstention :
 En 1979 : un taux élevé de 62 % de participation.
 En 1999, la barre de 50 % de participation est
franchie : autant de participation que d’abstention. Le
désintérêt du corps électoral est marqué : en 20 ans
et 5 élections européennes, la participation perd 12
points.
 En 2009 et 2014 : le taux de participation se stabilise
à moins de 43 %, soit plus de 57 % d’abstention. En
10 ans, le taux de participation s’est érodé plus
rapidement perdant 7 points. : le recul du taux de
participation s’accélère à mesure que le nombre de
pays membres augmente.
 2019 : un taux de participation qui gagne 8 points et
dépasse les 50 %. On retrouve un niveau de
participation proche de 1994.
B. Dans un tableau
• Tendance générale : La moyenne des taux de
participation des 8 pays les plus peuplés de l’UE est
systématiquement inférieure de 1 à 3 points à la
moyenne de l’UE et baisse avec constance depuis
1979. Elle perd ainsi 20,5 points entre 1979 et 2014
(au lieu de 19 points pour l’ensemble de l’UE).
• Points exceptionnels : (lignes)
 Les taux de participation du Royaume-Uni sont
particulièrement faibles (minimum de 24 % en 1999)
entraînant vers le bas la moyenne des 8 pays par
rapport à celle de l’UE au sens large. 2019 n’inverse
pas la tendance avec la mise en application du Brexit,
voté en 2016, et décidé en 2020.
 Lien marqué entre élargissement et recul de la
participation dans la moyenne des 8 pays (par
rapport à la moyenne de l’UE).
Exemples ouverture à l’Europe du Sud en cours : – 5
points en 1984 ; annonce de l’ouverture à l’Europe de
l’Est : – 6 points entre 1994 et 1999 ; ouverture
progressive à l’Europe de l’Est : – 6 points (1999-
2009). Le taux d’abstention s’établit à 60 % à partir
de 2009 et semble stabilisé.
 Les taux d’abstention les plus élevés s’observent
dans les États nouvellement entrés (80 % en
Pologne en 2004, 72 % en Roumanie en 2009).
 Cependant, la baisse du taux des élections
européennes recouvre des évolutions différentes.
Entre 2004 et 2014, le taux de participation baisse
dans 4 pays (Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne,
Italie) ; stagne en France (1 pays) ; remonte en
Allemagne, Pologne, Roumanie (3 pays).
 Quelques exceptions : hausse entre 1989 et 1994
de 4 points en France. Hausse de 10 points général
en 2019 traduisant un rebond de participation dans
certains pays (+13 points entre 2014 et 2019 en
Allemagne, +8 points en France, +20 points en
Espagne, +22 en Pologne et + 19 en Roumanie.
III. Expliquer : hypothèses
• Le mode de scrutin pose problème : une élection à
un niveau « fédéral » entraîne un fort taux d’abstention.
Le déficit d’ancrage civique des députés européens
dépend du mode de scrutin utilisé : l’usage de la
proportionnelle. Si ce choix permet une large
représentation des partis minoritaires, il a son revers.
L’usage des scrutins de liste, organisés dans de
grandes circonscriptions macro-régionales (tous les
pays de l’UE, sauf Irlande, Malte), empêche
l’identification des électeurs à leurs députés
européens.
• Le déficit de représentativité repose sur l’idée que
les élections européennes ne conduisent pas à un
changement profond de l’équilibre des pouvoirs
communautaires (au contraire des législatives ou
présidentielles). Elles ne changent pas les orientations
politiques globales du Conseil européen, n’ont pas
d’influence sur le fonctionnement de la BCE (rôle
accru).
• L’euroscepticisme grandit. Le désintérêt, voire
l’hostilité, des citoyens s’explique par des critiques
récurrentes : projet politique peu transparent,
éloignement des préoccupations des habitants,
absence d’intérêts communs pour fédérer. Critiques
très présentes dans l’espace public britannique contre
l’« Europe de Bruxelles ».
• Les crises économiques (1998, 2001, 2008) :
manque de solidarité des anciens États membres vis-
à-vis des nouveaux entrants, sentiment de déception et
de frustration qui se traduit par un fort taux
d’abstention.
• L’impact du vote obligatoire est de plus en plus
faible : en 1979 le taux de participation est très élevé
(80 % pour certains pays), le vote obligatoire concerne
alors la Belgique, l’Italie – jusqu’en 1993 –, le
Luxembourg. Avec l’adhésion de la Grèce en 1984, 4
pays sur 10 pratiquent le vote obligatoire (29 % du
corps électoral), encore 4 sur 12 en 1989. À partir de
1994, ils ne sont que 3 sur 12 à pratiquer le vote
obligatoire ; en 2014, 4 sur 28 (4 % du corps électoral :
Belgique, Chypre, Grèce et Luxembourg).
• Des différences géographiques marquées :
 Les très faibles taux de participation en Roumanie et
Pologne s’expliquent par l’absence de réflexe de
pratiques démocratiques. Néanmoins, il progresse.
Entre 2014 et 2019, plus de 20 points gagnés. Mais
ce regain de participation dans ces pays de l’Est
s’explique aussi par des débats tendus entre parti
conservateur au pouvoir et UE. Comme entre la
Hongrie de Victor Orban et l’UE, en Pologne, le parti
conservateur au pouvoir (Droit et justice, PiS)
entretient des relations tendues avec l’UE, la
participation a gagné 22 points.
 Les exceptions s’expliquent ainsi par des débats à
l’échelle nationale tendus : en France entre 1989 et
1994 : + 4 points. L’UE est marquée par une crise
économique, vifs débats parlementaires liés à la
ratification de Maastricht, contexte d’éclatement de
l’ex-Yougoslavie. Les controverses sont intenses,
d’où la hausse de participation. En 2019, le rebond
de la participation s’explique car il s’agit des
premières élections depuis les présidentielles de
2017 dans un contexte de crise des Gilets Jaunes.
Cette hausse joue en faveur du Rassemblement
national et des écologistes d’EELV au détriment de
LREM.
 En Espagne, plus forte hausse entre 2014 et 2019,
ce résultat s’explique car 2 autres élections se sont
tenues en même temps (régionales et municipales).
Au total 8 pays sur 28 organisaient des scrutins
parallèles aux élections européennes, contre
seulement 3 en 2014.
 Les taux de participation du Royaume-Uni sont très
faibles : euroscepticisme ancien (refus de structures
supranationales, de l’Euro, Brexit en 2016).
 L’abstention dépasse 56 % dans 15 des 28 pays : en
Allemagne (56 %), France (59 %), Royaume-Uni
(65 %), les trois 1re puissances de l’UE.
Conclusion
Ces 2 documents témoignent de la difficile construction
d’un espace public européen : crise de légitimité
démocratique. Si le fait que 62 % des électeurs se soient
mobilisés en 1979 pour la 1re élection de députés
européens aux pouvoirs limités est étonnant, il est plus
étonnant encore que le taux d’abstention augmente,
alors même que les pouvoirs du Parlement européen
sont renforcés par les traités successifs.
En 2019, les dernières élections européennes sont une
exception, 20 des 28 pays membres ont vu leur électorat
se mobiliser. Les taux de participation s’élèvent sans
gommer les tendances de fond avec la transposition de
problèmes politiques nationaux à l’échelle européenne.
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« L’UE peut-elle être démocratique ? »


Introduction
• (Accroche) Le traité de Maastricht est un
approfondissement majeur de la démocratisation du
fonctionnement de l’UE. Plus de 20 ans après, on
assiste pourtant à la montée des partis europhobes.
• (Sujet et bornes) En 1992, l’UE donne naissance à une
Europe politique, attendue par les fédéralistes,
partisans d’une construction supranationale impliquant
une délégation d’une part de la souveraineté nationale,
depuis 1945. Cependant le processus de renforcement
et de démocratisation des institutions européennes doit
aussi exister dans un système de valeurs et de droits
rassemblant les citoyens européens. La montée de
l’abstention aux élections européennes montre au
contraire dans ce 1er XXIe siècle la difficile naissance
d’un espace public européen.
• (Problématique) Cette crise démocratique européenne
ne peut-elle pas s’expliquer par un problème
institutionnel au sein de l’UE qui n’a pas su choisir
entre institutions intergouvernementales (non
représentatives) et supranationales ? Les crises
actuelles ne dévoilent-elles pas les faiblesses
essentielles de la construction ?
• (Plan) Les tentatives sont nombreuses depuis 1992
pour renforcer la légitimité des institutions et la
démocratie représentative (I). Cependant, ces
réformes institutionnelles dans un contexte de crises
empêchent l’instauration d’un lien politique fort entre
l’UE et les citoyens européens (II).
I. Les tentatives de démocratisation de l’UE
A. Renforcer la représentativité
• Le choix en 1974 d’une élection au SUD des députés
européens est une concession faite aux fédéralistes.
• Le traité de Maastricht en 1992 entérine la naissance
d’une Europe politique avec la citoyenneté européenne
(art. 8) dont les droits sont précisés dans La Charte
des droits fondamentaux (2000), entérinée par le traité
de Nice, juridiquement contraignante avec Lisbonne.
• Le traité de Lisbonne entrée en vigueur en 2009
rappelle que le fonctionnement de l’UE repose sur les
principes de la démocratie représentative. Les députés
sont élus au SUD. Le Parlement européen se veut le
lieu de l’expression de la volonté populaire (légitimité
démocratique), il participe à la prise de décision avec
le Conseil des ministres (principe de codécision). Ses
pouvoirs renforcés montrent la volonté de l’UE d’une
plus grande transparence et écoute des attentes des
citoyens. Enfin, les États-membres représentés au
Conseil européen sont démocratiquement
responsables devant leurs parlements nationaux, ou
devant leurs citoyens.
B. Rapprocher les institutions des citoyens
• Le traité de Lisbonne accorde une place importante au
principe de subsidiarité, art. 10 : « Tout citoyen a le
droit de participer à la vie démocratique de l’Union ».
L’échelon supérieur est utilisé uniquement quand
l’échelon inférieur manque d’efficacité.
• Le but de l’UE est d’améliorer le bien-être des
populations, il est donc nécessaire de tenir compte de
son opinion. Le droit d’initiative citoyenne cherche à
créer un lien politique fort entre citoyens et UE.
• Pour faire vivre la représentativité des institutions, il
faut incarner l’UE dans le quotidien (monnaie, libre-
circulation, Erasmus, coupe de l’UEFA, Eurovision…)
• (Transition) Si peu de citoyens européens remettent en
cause l’idée d’Europe, les institutions souffrent toujours
d’un déficit démocratique.
II. Des crises révélatrices du déficit
démocratique
A. Des institutions opaques
• Jacques Delors (think tank « Notre Europe »), pourtant
européiste convaincu, parle de l’UE comme d’un
« OPNI » : un « objet politique non identifié ».
• L’abstention aux élections européennes révèle le
manque de visibilité des partis européens,
l’incompréhension des politiques publiques
européennes. Les préoccupations nationales restent
prioritaires sur les projets défendus à l’échelle
européenne.
B. Crises et divisions de l’UE
• Les plans d’austérité imposés lors de la crise de la
dette aggravent les conditions de vie des citoyens, tout
en révélant l’ingérence de l’UE dans un domaine
régalien.
• L’Europe se divise autour de la crise migratoire
(2015-) : les institutions sont bloquées, certains pays
refusent d’appliquer les quotas de répartition des
migrants (groupe de Visegrad, Italie). Certains citoyens
refusent cette politique migratoire appliquée sans
consultation populaire.
• À la suite du Brexit, les populistes agitent la menace
d’une sortie de l’UE pour répondre aux préoccupations
nationales des électeurs.
• L’Europe se divise, comme le corps des citoyens :
entre partisans d’une Europe des Nations privilégiant
les intérêts nationaux, et ceux d’une Europe
communautaire. Des « démocraties illibérales » (V.
Orban) émergent au sein même de l’UE. Les pratiques
démocratiques sont remises en cause ainsi au sein
même de pays membres
Conclusion
• Les institutions européennes ont accéléré le processus
de démocratisation avec les derniers traités.
Cependant, l’échelon européen reste dans la pratique
éloignée des citoyens. De nouveaux défis secouent
l’UE au XXIe : des méthodes européennes brutales, des
citoyens contestant le primat du libéralisme sur le bien-
être national, des pays divisés en deux Europes autour
de la crise migratoire, une démocratie en recul dans
certains pays. La démocratie, si elle a été un moteur
fondamental de la construction, avec la volonté des
peuples aujourd’hui de s’en détourner, porte en elle-
même le risque d’implosion.
Thème 2

Analyser les dynamiques


des puissances
internationales
Introduction
Au XXe siècle, la puissance s’est progressivement
concentrée entre les mains des États-Unis. Mais les
hiérarchies qui en découlent ne sont pas immuables au
regard de l’histoire qui nous livre une conception
dynamique des cycles de la puissance entre essor et
déclin [Chapitre 1]. La nouveauté tient dans les formes
indirectes de la puissance contemporaines [Chapitre 2].
Elles ont un coût que seuls les États-Unis peuvent
supporter. Ces derniers combinent l’ensemble des
moyens : militaires, diplomatiques, économiques,
monétaires, culturels et ne contrôlent pas seulement les
territoires réels, mais aussi les espaces virtuels. Quelles
sont les remises en cause de cette puissance sans
partage américaine dans un monde devenu multipolaire
[Chapitre 3] ?
Chapitre 1

Essor et déclin
des puissances : un regard
historique
Synthèse de cours
Introduction
La notion de puissance occupe traditionnellement une
place centrale dans l’analyse des relations
internationales, tant sur le plan théorique que politique.
Mais qu’est-ce qu’une puissance ?
On étudiera d’abord les fondements des puissances
internationales en rappelant les évolutions, passées et
présentes de cette notion de puissance (I), avant
d’étudier comment se réorganise la hiérarchie des
grandes puissances dans l’histoire entre déclin et
renaissance (II).
Notions du chapitre : puissance, hard power, soft
power, facteurs de puissance, thalassocratie,
impérialisme, capacité de projection, basculement du
monde.
I. Les fondements de la puissance
A. Penser la puissance
La question de la puissance tient une place cruciale
dans le développement de la géopolitique. Cette
discipline prend son essor dans un XIXe siècle marqué
par la confrontation des impérialismes européens qu’elle
entreprend d’analyser. La puissance devient un élément
central de compréhension de l’agenda mondial.
Les définitions de la notion de puissance sont
nombreuses, mais se rejoignent autour d’un noyau de
définition commun : « la capacité des acteurs
internationaux ».
Pour Serge Sur (rédacteur en chef de Questions
internationales), c’est la « capacité de faire, de refuser
de faire, de faire faire, d’empêcher de faire ».
Zoom notion
La puissance
 Du verbe latin potere (pouvoir) lui-même issu de potis sum,
« je suis maître de ». Telle est la nature de la puissance : la
maîtrise de son destin et de ce qui peut l’affecter.
 Aristote est le premier à avoir pensé la puissance qu’il
distingue de l’acte. Chez lui, la puissance s’identifie à un
potentiel indéterminé, seule l’action consciente lui donne un
sens.

Les dimensions de la puissance sont donc


multiples. De façon classique nous en distinguons trois,
résumé par Nicolas de Chamfort à l’heure des
révolutions : « Trois puissances gouvernent les
hommes : le fer, l’or et l’opinion. »
La notion de puissance apparaît donc comme
relative : son exercice concerne des rapports entre
acteurs, non de simples données brutes. Joseph Nye,
théoricien des relations internationales, reprend
Chamfort en définissant la puissance comme le pouvoir
de contraindre, d’acheter et de plaire.
B. Les facteurs traditionnels de la puissance
Certains de ces critères sont anciens, même si la
comparaison entre époques est rendue difficile du
simple fait du progrès technique.
1. La puissance militaire aujourd’hui, c’est :
La force militaire qui reste un des principaux critères de
la puissance. Appréciable en quantité (budgets et
volume des forces), mais aussi en qualité (répartition
des budgets, efficacité, interopérabilité des forces).
L’autonomie stratégique qui permet de ne pas
dépendre de systèmes d’alliances. Un État puissant doit
être en mesure d’assurer seul la défense de ses intérêts.
La capacité de projection : un État capable de projeter
des forces en plusieurs points, de façon efficace et
rapide, dispose d’une autorité supérieure à une armée
traditionnelle moins flexible.
La puissance nucléaire pour le prestige politique
comme la dissuasion.
Des systèmes d’alliances pour la capacité à ne pas
être isolé, à s’imposer dans un ensemble inter-étatique
(les stratégies d’unilatéralisme semblent vouées à
l’échec sur le long terme).
Enfin, la protection : avant d’être qualifiés de
« puissances », les États doivent assurer la protection
de leurs citoyens.
2. La puissance économique
L’économie permet d’entretenir des armées
nombreuses, de leur fournir un matériel sophistiqué,
alimente l’innovation qui irrigue toutes les formes de
pouvoir.
Les spécialistes parlent d’attractivité : elle finance la
culture, contribue à son rayonnement, démontre
l’efficacité d’un modèle, permet d’attirer les talents, les
capitaux.
La puissance économique est quantifiable en
masse : la taille du territoire et ses ressources, la
population qui le met en valeur et, synthèse chiffrée de
ces éléments, le produit intérieur brut. Ces capitaux
financiers, physiques, naturels valent par leur
abondance et leur qualité.
Enfin, la capacité d’intégration dans une économie
mondialisée est primordiale : une économie isolée ne
peut être viable. Il faut savoir en tirer profit et si possible
l’organiser.
3. La population
C’est un critère traditionnel de la puissance des États,
mais il ne vaut pas en lui-même.
La population est un facteur d’émergence. La Chine
et l’Inde sont les deux pays les plus peuplés de la
planète, avec le Brésil, ils figurent dans la liste des
puissances émergentes. Mais ce n’est pas le cas pour
l’Indonésie ou le Bangladesh figurant parmi les plus
peuplés de la planète.
Un autre point peut jouer : le dynamisme
démographique.
ExempleÀ l’inverse des démocraties européennes, les
États-Unis continuent de voir leur population croître.
En 2050, l’âge moyen des citoyens américains sera
de 36 ans, 52 ans pour l’UE.
C. Les nouveaux facteurs de puissance
• La culture est un des piliers du soft power, un outil de
puissance et un enjeu.
• Le niveau d’éducation d’une société fait partie des
critères de puissance.
• La capacité des puissances à séduire par leur
modèle, à faire se ranger derrière elles d’autres États,
est une condition essentielle de la puissance. À
l’inverse, une puissance qui ne parvient plus,
autrement que par la force, à imposer son modèle,
décline (l’URSS dans les années 1980).
• La cohésion sociale est indispensable. Un État qui
ne parvient pas à imposer un équilibre entre les
différentes composantes de sa société peut plus
difficilement accéder au rang de grande puissance, car
son modèle n’est pas susceptible d’être accepté à
l’extérieur. La notion de démocratie est souvent
associée à cette cohésion sociale et apparaît comme
un élément important dans l’image de la puissance.
Ces critères et modes d’action et d’expression de la
puissance, malgré leurs évolutions dans le temps, sont
les outils privilégiés pour analyser l’essor et le déclin des
puissances.
II. Les cycles de la puissance dans l’histoire
A. Expliquer les cycles de la puissance
Les grandes puissances de l’Antiquité à nos jours sont
les États qui ont pu, par leurs capacités politiques,
économiques, technologiques ou militaires avancés,
influencer et rayonner à l’échelle internationale dans le
temps et l’espace. Mais ces positions ne sont pas
forcément légitimes pour l’ensemble de la communauté
internationale, ni établies de façon irréversible.
On observe ainsi des cycles de la puissance dans
l’histoire : si nombre de civilisations ont pu accéder à la
place de leader, peu ont pu conserver cette place sur
plusieurs siècles. Il y a toujours une période de déclin au
cours de laquelle les rapports de force entre puissances
sont modifiés.
Les Habsbourg aux XVe-XVIIe siècles, l’Angleterre
aux XVIIe-XXe siècles, les États-Unis au XXe siècle
correspondent au schéma d’ensemble de l’essor et du
déclin des puissances proposé par P. Kennedy.
Zoom auteur
Paul KENNEDY
Naissance et déclin des grandes puissances, 1987
 P. Kennedy est professeur d’histoire des relations
internationales à Yale.
 Sa thèse montre que l’essor et le déclin d’une puissance
passe par 3 phases :
• Une société occupant une situation de périphérie mais qui
bénéficie des avantages de la centralité sans en subir les
inconvénients (Phase I).
• Cette situation proche du centre permet de saisir des
opportunités, d’accroître sa puissance ce qui permet à cette
société de passer en position de puissance centrale
(Phase II). À ce moment les charges inhérentes au statut de
puissance centrale sont compensées par les avantages à
être la puissance dominante.
• Mais ces charges érodent la puissance et finalement la
puissance centrale perd son hégémonie (Phase III).
Concurrencée par de nouvelles compétitrices, elle perd
lentement son statut de puissance centrale.

B. Essor des puissances


Autrefois, les grandes puissances se définissaient
par leur capacité à agir à l’échelle mondiale et par
l’influence qu’elles exerçaient sur les petits pays.
Elles se reconnaissaient et se réservaient les meilleures
places dans les organisations internationales (concert
des Nations en 1815 à Vienne) ou les congrès mondiaux
(Congrès de Berlin du partage de l’Afrique).
L’impérialisme, défini comme une volonté
d’expansion et de domination universelle, était
l’expression de cette puissance.
L’exemple britannique, l’empire colonial le plus
étendu de l’histoire :
C’est d’abord une puissance thalassocratique.
Jusqu’au XXe l’Angleterre profite d’une position centrale
par rapport à l’Atlantique et aux autres mers (possession
de Gibraltar, bases coloniales). La Royal Navy peut
mener des opérations contre n’importe quelle base
adverse sans trop s’éloigner des siennes (puissance de
projection). Cette politique de puissance commence
avec Elisabeth Ier et se systématise au XVIIIe.
Cette stratégie pluriséculaire assure au Royaume-Uni
une puissance économique de 1er ordre. Le
Royaume-Uni au XIXe devient le 1er pays du monde à
adopter le libre-échange global et donne naissance à la
Révolution industrielle. Cette 1re puissance économique
et financière est soutenue par la marine marchande la
plus large du monde et un contrôle indiscuté des routes
de commerce internationales.
Elle se construit ainsi un territoire immense. Après
1918, la récupération des possessions allemandes et
ottomanes permet à l’Empire britannique de contrôler
22 % des terres émergées, soit 33M de km2. En 1922, il
représente le ¼ de la population mondiale (soit 400M
d’habitants).
Cette présence planétaire permet la diffusion de sa
puissance culturelle : la culture anglo-saxonne s’étend
(pays du Commonwealth, sport, Britishness, exemple du
sport comme le rugby).
C. Les phases de déclin
Le déclin de la puissance s’explique dans un temps
long (3e phase pour P. Kennedy), au-delà des grands
évènements (ex : 476, chute de l’Empire romain
d’Occident ; 1453, prise de Constantinople et chute de
Byzance).
ExempleLe long déclin de l’Empire britannique : Pour
le géopoliticien Mackinder, le déclin de la Grande-
Bretagne s’explique par son incapacité à soutenir
seule la concurrence des grands espaces
continentaux (Allemagne, Russie). Trop petite, ses
ressources s’épuisent, sa productivité (nouvelles
puissances industrielles : États-Unis, Allemagne,
Japon) est dépassée, elle risque de perdre la
maîtrise des mers. La cohésion de l’Empire est
alors menacée, le déclin économique de l’Empire
(coûts des 2 Guerres mondiales) mène de
nombreuses colonies à affirmer leur souveraineté et
à accéder à l’indépendance.
Les empires en crise connaissent des évolutions
militaires opposées :
• Des crises financières spectaculaires se traduisent par
l’émergence politique d’une nouvelle aristocratie
militaire. C’est le cas de l’Empire romain
du IIIe siècle où 22 Empereurs se succèdent entre 235
et 285. Après l’effondrement économique, la sécession
territoriale des royaumes gaulois, de Palmyre, les
empereurs restaurent la securitas au IVe siècle grâce à
la militarisation de l’Empire. Les officiers supérieurs
fournissent les cadres de l’administration civile.
• À l’inverse, les crises impériales peuvent
s’accompagner d’une mise en sommeil de l’appareil
militaire. C’est le cas de Venise à la fin du Moyen
Âge : elle confie la défense de son empire à des
mercenaires étrangers et mise sur son habileté
politique afin de préserver son influence. La puissance
devient alors incomplète.
• À l’image de Venise, les États occidentaux
du XXIe siècle sont marqués par une crise de la
puissance. Deux réactions :
• soit relancer leur complexe militaro-industriel (solution
choisie par la Russie en recomposition depuis l’élection
de Poutine en 2000, démonstration de force conjointe
avec la Chine en 2018) ;
• soit accepter une réduction drastique de leurs moyens
militaires en comptant sur la « guerre douce » afin de
perpétuer leur suprématie (choix de l’UE dépourvue
d’armée européenne). Dans ce cadre, la soft war
apparaîtrait comme l’outil d’un interventionnisme
dégradé, dont l’efficacité est discutée (échecs
diplomatiques français en Syrie).
P. Kennedy en 1987 pronostiquait un repli de la
puissance américaine au XXIe siècle victime – comme
l’Angleterre victorienne – de sa « surexpansion
impériale » et affaiblie par le coût croissant de
l’entretien de sa puissance surdimensionnée.
Conclusion
Comme l’économie, la puissance connaît des cycles,
ils sont d’ailleurs souvent corrélés. Une théorie des
« transitions de puissance » émerge. Pour
P. Kennedy : « il existe une dynamique du
changement, alimentée principalement par l’évolution
de l’économie et des techniques ».
Le monde n’a pas plus de chances de rester figé en
2030 qu’en 2001, 1991, 1945, 1870, 1453, ou 476.
Compte tenu des « tendances mondiales » actuelles, il
faut envisager un nouveau « basculement du monde »
vers l’Asie et le Pacifique nord.
Fiche méthode

Méthode

Analyser un sujet et problématiser


• Conseils généraux
Comment lire un sujet de dissertation ? Comment
éviter un hors sujet ou éviter des oublis ? Comment
trouver une problématique qui ne soit pas une simple
reformulation du sujet ?
Voilà quelques-unes des questions que se pose tout
lycéen. Pour éviter de tomber dans ces pièges
courants, il s’agit de comprendre parfaitement le sujet !
Les sujets de dissertation ne sont presque jamais des
questions de cours : il s’agit souvent de sujets
transversaux qui mobilisent des connaissances
acquises au cours de nombreuses séances.
I. Lire et comprendre le sujet
• Lire et relire le sujet en analysant chacun des termes
(TOUS les termes).
• Déterminer le sens précis de chaque terme, (noms
propres, noms communs spécifiques, verbes-sujets,
les faux amis) : pour cela il faut bien connaître les
notions employées.
• Comprendre le sens global du sujet : pluriel ou
singulier des mots, ordre des mots, « et », « ou »,
« dans »…, il faut comprendre les rapports entre tous
les termes, la ponctuation, les majuscules.
• Voici quelques exemples :
 « La superpuissance américaine face au
communisme dans la Guerre Froide » Il ne faut pas
déballer une histoire de la puissance américaine,
mais étudier les réactions des Américains face à la
montée d’une idéologie concurrente, dans ses
aspects militaires, économiques, idéologiques.
 « Puissance américaine et puissance russe de 1947
à nos jours » : il s’agit de traiter des relations entre
les deux grandes puissances, et surtout pas de traiter
les deux indépendamment.
Attention Ne pas hésiter à relire à nouveau le sujet au moment où la
recherche des idées est achevée pour s’assurer qu’on n’a pas réduit
ou étendu à l’excès le sujet.

II. Délimiter le champ chronologique


• Quand ?
Quand le sujet est limité par des dates : il faut
expliquer les raisons de ce choix. En cas d’absence
d’indications chronologiques, à vous de définir les
dates butoirs en fonction du sens du sujet et
d’expliquer ce choix.
• Délimiter le champ géographique
 Se poser la question : OÙ ?
 Il faut préciser l’espace correspondant au sujet et le
statut du territoire étudié.
 Le cadre géographique peut être amené à être
modifié en cours de devoir suivant la périodisation.
• Rechercher des idées
 POURQUOI ? COMMENT ? QUI ?
 Noter toutes les idées en rapport avec le sujet et jeter
sur le papier tout en vrac.
 Ne paniquer pas si vous avez l’impression que rien
ne vous vient, si vous avez travaillé un minimum les
idées viendront : cette phase nécessite un peu de
temps.
 Ce travail de questionnement du sujet doit être repris
en introduction.
III. Élaborer la problématique
• La problématique est la question qui fait du sujet un
problème à résoudre et du devoir une démonstration.
• La problématique découle logiquement de l’intitulé du
sujet et de la définition que vous en avez faite, d’où
l’importance des premières étapes.
• Quels thèmes, quels axes de réflexion le sujet permet-il
de soulever ? Quelle est l’idée-force autour de laquelle
les thèmes peuvent s’organiser ?
Attention La problématique n’est pas une reformulation du sujet !

Méthode appliquée

Sujet

« Essor et déclin de la puissance ottomane »


I. Lire et interroger le sujet
• « Essor » = les fondements de la puissance ottomane.
• « Déclin » = faire le récit de la chute de cet Empire.
• « Et » = la relation entre les deux termes : les formes
de la puissance ottomane, leurs évolutions, expliquent-
elles en partie sa chute ?
• « Puissance ottomane » = quels sont les moyens et
modes d’organisation du pouvoir ottoman (forme
impériale) : appareil militaire, prospérité économique,
association des pouvoirs politiques et religieux.
II. Délimiter le sujet
• Où ?
À l’origine, un beylik (territoire sous juridiction d’un chef
de clan) au nord-ouest de l’Anatolie. Aux XVIe
et XVIIe siècles, à son apogée, c’est un empire
multinational contrôlant depuis Constantinople : des
parties de l’Europe du Sud-Est et centrale, de l’Asie
occidentale, du Caucase, de l’Afrique du Nord. Soit 32
provinces et de nombreux États vassaux. En 1566
l’Empire atteint 5,2M de km2.
• Quand ?
 Si 1299 est la date retenue pour la fondation du
pouvoir ottoman en Anatolie ;
 1354 marque l’irruption des Ottomans sur la scène
européenne avec la conquête des Balkans ;
 1453, prise de Constantinople par Mehmed II, achève
de transformer ce beylik oriental en un empire
transcontinental.
 Les XVIe et XVIIe siècles marquent l’apogée de la
puissance ottomane avec des règnes brillants comme
celui de Soliman Ier le Magnifique (1520-1566).
La fin de l’Empire est précipitée par la défaite lors du
1er conflit mondial. Dès 1914, allié à l’Empire allemand,
ils déclarent la guerre à l’Entente et entreprennent des
offensives vers l’Égypte et le Caucase qui sont des
échecs. Des tensions internes l’affaiblissent comme la
révolte arabe de 1916-1918. Dans le camp des
vaincus, le traité de Sèvres consacre le
démantèlement de l’Empire et réveille le sentiment
national turc : Atatürk s’impose et abolit en 1923
l’Empire et le califat.
Mais le déclin est amorcé depuis les XVIIIe-XIXe :
faiblesse du pouvoir central, crises politiques, défaites
militaires, tentative de réformes avec les tanzimats.
Ces 6 siècles d’histoire (1299-1922) imposent un plan
chrono-thématique pour dégager les évolutions et
adaptations de la puissance ottomane de son apogée
à son déclin.
III. Problématiser
• Il faut :
 interroger les formes spécifiques de la puissance
ottomane ;
 ET les mettre en relation avec ses faiblesses pour se
demander si la forme même de l’Empire ne
renferme pas les blocages à l’origine de sa chute.
Exemples

– l’échec wpéennes…
IV. Au brouillon
• Les spécificités de la puissance ottomane :
 Un gouvernement centralisé : le sultan ottoman
devient khan, padishah, puis calife au XVIe
(successeur de Mahomet, chef de la communauté
musulmane).
 L’organisation de l’Empire : des statuts allant des
États vassaux payant un tribut annuel, de la province
des pachas aux divisions plus petites comme les
vilayets.
 Un Empire peuplé : 30 millions d’hommes au XVIe.
 Un rayonnement culturel : l’Empire hérite de
l’éducation, sciences et techniques byzantines
devenues ottomanes.
 Une puissance militaire : les armées ottomanes
parviennent jusqu’à Vienne en 1529 et 1532. Au XVIe,
« l’armée de l’islam » est impressionnante : une flotte
armée, une logistique considérable, des janissaires
d’élites. Au XVIIe, elle compte jusqu’à
200 000 hommes.
 Une puissance diplomatique : alliée traditionnelle
de la France contre les Habsbourg.
 Une puissance économique : plaque tournante
dans le commerce entre Levant et Europe.
• Des tensions internes et externes :
 Naissance de contre-pouvoirs : les janissaires, un
État dans l’État, celui des grands vizirs.
 Multiplication des ennemis extérieurs et de
guerres coûteuses : revendications russes
(Catherine II) et perses aux confins ; la guerre de
Crimée (1853-56, défaite russe) révèle la faiblesse
financière de l’Empire.
 La pression fiscale augmente et alimente les
troubles. Prise d’indépendance de la Grèce en 1830,
puis de plusieurs pays des Balkans, soutenus par les
puissances occidentales.
 Retard économique et technologique : aucune
révolution industrielle. Cela entraîne une dépendance
économique : les Européens investissent dans
l’Empire et se taillent des zones d’influence (d’abord
les Français et Anglais, puis les Allemands à partir de
1890).
 Au XIXe, l’Empire, « homme malade de l’Europe »,
réagit avec un processus de modernisation : le
mouvement des Tanzimats lancé en 1839.
 Mais des tensions entre réformateurs et
conservateurs : poussée du parti nationaliste
réformateur des Jeunes-Turcs (coup d’État en 1913).
 Le traité de Sèvres en 1920 prévoit la partition des
restes de l’Empire.
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« La Russie au XXIe siècle :


une puissance en recomposition ? »
Introduction
• (Accroche) Le 16 juin 2009, le premier sommet officiel
des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) organisé à
Iekaterinbourg en Russie marque le retour sur la scène
internationale de la Russie comme une puissance
émergente.
• (Sujet) Depuis le début des années 1990, l’hégémonie
américaine a fait oublier qu’avant l’hyperpuissance, il y
avait deux superpuissances. La Fédération de Russie
est née de la dislocation de l’URSS en décembre 1991.
En 2020, cette ancienne superpuissance est toujours
en pleine recomposition.
• (Problématique) Si la Russie veut s’affirmer aujourd’hui
à nouveau comme une puissance mondiale
au XXIe siècle, cette puissance est-elle complète pour
assumer ces prétentions ?
• (Plan) Les atouts de la Russie sont nombreux (I), mais
les défis internes et externes également pour assumer
ses prétentions mondiales (II).
I. Les atouts d’une grande puissance :
« Russia is back »
A. Une puissance territoriale et énergétique
• La fédération de Russie s’étend sur un territoire
immense : 11 fuseaux horaires de la Baltique au
Pacifique. Si depuis 1991 son territoire s’est rétracté
(perte de 5 millions de km², de bases navales et
ressources naturelles), elle reste le plus vaste État de
la planète : 11 % des terres émergées, 17 millions de
km2 (30 fois la France).
• Elle est une puissance énergétique de 1er plan avec
18 % des réserves mondiales prouvées de gaz
(2e rang mondial), 5 % de celles de pétrole ; selon les
années elle est 1er ou 2e producteur mondial et 1er ou
2e exportateur mondial. Ses réserves de charbon sont
considérables (20 % des réserves mondiales),
auxquelles s’ajoutent des ressources hydroélectriques
importantes (barrages du Dniepr, de la Volga) et les
puissantes centrales sibériennes.
• La Russie possède la quasi-totalité des minerais
métalliques : fer, cuivre, zinc, nickel, platine, uranium,
or.
B. Une puissance économique
• L’économie est mise au service de son ambition
politique.
• L’énergie surtout : l’État se dote des moyens pour
l’utiliser comme un instrument de politique extérieure. Il
constitue de grands groupes, dont Gazprom, dans le
capital desquels il est majoritaire. Elle fournit à l’UE ⅓
de ses importations de pétrole. Plusieurs États
membres sont dépendants de son gaz.
• La Russie est membre du G8 (club de pays riches de
1997 à 2014) et du G20. Elle adhère à l’OMC en 2012
après 18 ans de négociations.
• Elle tente de moderniser son économie. Elle poursuit
ses investissements dans le complexe militaro-
industriel (plan de modernisation en 2011). De son
passé soviétique, elle a hérité une industrie
métallurgique lourde puissante, de savoir-faire pointus
dans l’aéronautique, l’armement, l’énergie. Elle
développe les industries de hautes technologies.
Construction d’une Silicon Valley russe près de
Exemple
Moscou (NTIC, nucléaire, biomédical).
• La Russie était en 2019 au 12e rang mondial, son
économie a connu une croissance du PIB très forte
(phénomène de rattrapage : entre 6 et 8 % entre 1999-
2008 ; freiné depuis 2014 par des difficultés
économiques).
C. Une puissance militaire et stratégique maintenue
• Dans la catégorie des forces armées, la Russie
occupe une position de force : elle écrase les
puissances européennes.
• Le facteur nucléaire lui confère cet avantage. Son
arsenal reste le 2e au monde : elle reste un partenaire
incontournable pour les États-Unis.
• Après la guerre en Géorgie (2008), le pouvoir lance
une ambitieuse réforme de la défense (modernisation,
professionnalisation). La part du PIB pour la défense
augmente (3 % en 2012), avant de connaître un léger
repli depuis 2016.
• Néanmoins, son poids militaire global n’atteint que la ½
de celui des États-Unis, son budget militaire n’est que
le 1/10e de celui de Washington, sa capacité de
projection est sans commune mesure avec celle
américaine.
• Dans l’espace postsoviétique elle maintient son
emprise avec la CEI (Communauté des États
Indépendants), renforcée en 2003 par un dispositif
multilatéral (Organisation de traité de sécurité
collective) et l’Union économique eurasiatique. Des
bases militaires sont maintenues.
Exemples Accords renouvelés en 2008 sur le
stationnement de ses forces en Abkhazie et en
Ossétie du Sud, en 2010 en Ukraine et en
Arménie, 2012 au Kirghizstan.
• La présence d’importantes minorités russes renforce
ce lien ancien (prétexte pour le rattachement de la
Crimée indépendante de l’Ukraine en 2014).
• Ses ressources énergétiques sont une arme. La
Russie en use à plusieurs reprises contre l’Ukraine.
• Sur ses marges, la Russie affirme son droit
d’ingérence et recourt à la force : interventions
armées en Tchétchénie et en Géorgie (2 guerres en
2008), intervention dans les élections des pays voisins
en favorisant des dirigeants pro-russes.
ExempleEn Ukraine, lors de la révolution orange en
2004.
• À l’échelle mondiale, c’est une puissance ré-
émergente. Elle est membre permanent du conseil de
sécurité de l’ONU et prétend jouer un rôle de 1er plan.
ExempleEn Syrie, ses intérêts économiques et politiques
(base militaire russe dans le port de Tartous)
expliquent le soutien de Poutine à Bachar el
Assad. Il use de son veto à 2 reprises contre un
vote de sanction.
• Le lien entre l’industrie de défense et sa politique
étrangère est manifeste : exportations d’armes vers la
Chine et l’Inde, partenariat mis en place avec ces 2
États, et vers le Moyen-Orient pour la relance de son
influence politique.
• (Transition) La Russie a de nombreux atouts pour
redevenir une grande puissance, mais elle doit faire
face à une concurrence nouvelle (Chine) et sa
puissance semble incomplète au XXIe : cela est dû à la
nature particulière de la puissance russe dans un
monde dominé par l’économie de marché.
II. De nombreux défis
A. Des faiblesses internes
• Les facteurs humains viennent pondérer ses atouts
naturels. La population russe est réduite (2 fois la
France, mais moins de la ½ des Américains) :
140 millions d’habitants. L’espérance de vie y excède à
peine celle de l’Inde. Son accroissement naturel est
négatif avec un taux de mortalité très élevé (nombre
élevé d’homicides, de suicides, surmortalité
accidentelle).
• Les conditions de vie sont difficiles : 90 % de son
territoire au nord du 50e parallèle, 30 % au-delà du
cercle polaire.
• La « thérapie de choc » (privatisations hâtives et
inflation persistante liée à la transition à l’économie de
marché depuis 1991) a des conséquences brutales
(chômage inexistant en 1990 qui grimpe à 7,5 % en
1994). Le niveau d’inégalités est comparable aux
sociétés latino-américaines, des oligarques
s’enrichissent quand 13 % de la population vit sous le
seuil de pauvreté.
• Enfin, les crises économiques démontrent la fragilité du
niveau de vie (2009, 2015), même si la croissance
économique a permis la naissance d’une classe
moyenne (classe de consommateurs).
• Ce sont les indicateurs d’une société d’un pays
émergent. L’IDH de la Russie la rapproche d’autres
pays émergents. Ensemble ils forment les BRICS, et
tentent de s’unir…
B. Un soft power en reconstruction
• En termes d’influence, la Russie a des points forts :
siège permanent au Conseil de sécurité, réseau de
relations internationales, place dans les disciplines
sportives (mais seul pays soupçonné de dopage
organisé).
• En revanche, la langue russe n’a pas de statut
international, l’attraction d’étudiants étrangers n’est pas
un objectif, le tourisme international reste peu
développé. Intégrée récemment à la vie économique
mondiale, elle n’a pas de marques mondialement
connues.
• Par le biais de son idéologie, l’URSS a exercé une
réelle attraction, mais aujourd’hui, même si l’on sent
monter dans les opinions un mouvement pro-russe, la
Russie n’a plus les moyens d’influencer l’agenda
politique mondial.
• Les positions internationales russes se détériorent. La
Russie fait face à un double élargissement de l’OTAN
et de l’UE sur ses confins, aux « révolutions de
couleur » en Géorgie et en Ukraine.
• L’État russe reste marqué par un degré important
d’interventionnisme et une forte corruption (au même
rang que certains pays africains). L’importance de
l’économie informelle et le rôle économique des mafias
témoignent aussi de la faiblesse relative de l’État.
• Enfin, l’environnement paie un lourd tribut du fait des
négligences de l’exploitation énergétique.
C. Un hard power concurrencé
L’économie russe est toujours en recomposition. La
transition vers une économie de marché depuis 1992 a
permis le développement d’une économie mafieuse et
parallèle.
La difficile reconversion d’industries devenues obsolètes
héritées de la première industrialisation est le résultat de
70 ans de socialisme soviétique. La Russie reste ainsi
en mauvaise position dans l’industrie technologique (R
& D : seulement 1,2 % du PIB, brevets, robotisation,
exportations de technologie civile), même si l’activité
spatiale et les technologies militaires atténuent la
situation.
Si les ressources naturelles sont le principal atout de la
Russie, ces richesses sont difficiles à exploiter et
nécessitent des investissements massifs (gisements
arctiques). Son économie de rente reste dépendante de
ses exportations.
Exemple 2014 : chute des prix des matières premières
entraînant inflation et une chute de sa monnaie de
40 %). Son économie est peu diversifiée et manque
d’industries de consommation (importations).
Conclusion
• En dépit de ses progrès fulgurants, la Russie n’est pas
un pays de la Triade. Elle doit faire face à la
concurrence de la puissance émergente chinoise et sa
puissance est incomplète au regard des puissances
occidentales. On aurait tort cependant de la sous-
estimer. La Russie a, par exemple, de hautes
compétences cybernétiques (institut ITMO de Saint-
Pétersbourg, pépinière de hackers). Les attaques
russes dans le cyberespace (Russiagate 2016)
témoignent de l’adaptation rapide de cette puissance
renaissante.
• Si son emprise idéologique a vécu, la Russie bénéficie
toujours d’une expérience et d’un savoir-faire
diplomatique séculaires. Enfin, la nature même du
régime, autocratique depuis Ivan le terrible, permet des
prises de décision et une capacité d’action rapides,
gages d’efficacité.
Chapitre 2

Les formes indirectes de la


puissance
Synthèse de cours
Introduction
Après la chute de l’URSS en 1991, si les capacités
militaires restent un critère de puissance primordial,
elles ne sont plus les seules.
De nouveaux critères de puissance indirects prennent
de l’importance : la maîtrise du savoir, de l’information,
le niveau d’éducation ou le rayonnement culturel, dont
l’évaluation semble néanmoins plus incertaine. Ces
nouvelles formes de puissance sont une réponse aux
théories déclinistes prédisant la fin des grandes
puissances dans un monde devenu multipolaire (I). À
côté des critères traditionnels de la puissance, les
formes du soft power comme l’influence culturelle sont
mises en avant (II), même si ces premiers perdurent au
sein du smart power (III).
Notions du chapitre : soft power, smart power,
attraction, codécision, globish, américanisation,
francophonie, Françafrique, cyberpuissance, GAFAM,
BATX.
I. Les nouvelles formes de la puissance : le
soft power
A. Origines
Le concept de « puissance douce » est élaboré par
Joseph Nye, professeur à Harvard à la fin de la Guerre
Froide. Il s’agit d’une nouvelle forme de puissance,
subtile, indirecte : la séduction exercée par un modèle
de civilisation et ses valeurs. Il est ainsi un complément
indispensable à la puissance traditionnelle de coercition
politique et économique, le hard power.
Zoom notion
Le soft power au XIXe siècle
 La notion est née au Royaume-Uni. Elle désigne le
rayonnement et l’influence exercée par la culture britannique,
sa littérature (Shakespeare, Lewis Caroll…) et l’adoption par
de nombreux pays des valeurs britanniques comme le fair-
play britannique (Thomas Arnold, collège de Rugby) jusqu’au
début du XXe siècle.

Il apparaît dans le cadre d’un débat à la fin des


années 1980 : est-ce que les États-Unis sont en
déclin ?
La publication du britannique Paul Kennedy, Naissance
et déclin des grandes puissances (1987) est le
déclencheur. Il forge le concept de « surextension
impériale » pour désigner le point de rupture atteint
lorsque la charge économique nécessaire au maintien
de l’empire dépasse les capacités de la puissance. Il
prédit le déclin américain.
Joseph Nye y répond dans Bound to Lead (1990) : Le
leadership américain. Quand les règles du jeu changent.
Il critique Kennedy qui ne prend pas en compte les
changements des règles du jeu géopolitique. Les
ressorts de la puissance ne procèdent plus uniquement
des facteurs traditionnels (territoire, population,
richesse) : « Le pouvoir doux a autant d’importance que
le pouvoir autoritaire. »
La question du soft power n’est posée qu’en 1990 car la
nature de la puissance a changé. Avec le début de la
mondialisation, la fin de la Guerre Froide, la prolifération
nucléaire qui en interdit l’usage, la puissance est
devenue plus diffuse, plus difficile à exercer. Ainsi si la
guerre en Irak peut être une guerre facile à gagner,
consolider la paix semble impossible sans la puissance
douce et l’adhésion qu’elle entraîne.
B. Les fondements du soft power
a. La capacité à peser sur les grandes décisions
internationales (lieu, thème, ordre du jour)
Exemple Les derniers sommets du G20 montrent que
rien n’est possible sans les accords de la Chine et
des États-Unis.
b. L’attraction
Disposer d’un modèle attractif pour un pays est une
source de puissance considérable.
Exemple Les États-Unis sont la 1re terre d’immigration
légale, leur société et leur économie attirent des
diplômés (Brain Gain). Cette attractivité renforce son
avance technologique.
La séduction repose sur l’idéologie.
Exemples

– le Vatican dispose d’un pouvoir d’influence par la


diffusion du christianisme ;
– la force de frappe de Daesh est liée à l’attraction
exercée par le discours de l’islam intégriste sur
des jeunes musulmans partout dans le monde.
c. La codécision
Capacité d’un État à faire partager ses vues
par les autres jusqu’à faire pencher la décision en sa
faveur.
Exemple Les États-Unis ont longtemps obtenu ce qu’ils
voulaient des institutions internationales (Banque
mondiale, FMI) : dans le domaine de l’aide au
développement, solidarité militaire dans le cadre de
l’OTAN, sur leur vision de la mise en place d’un
marché carbone au lieu de limiter les émissions de
CO2.
Zoom notion
Mesurer le soft power
 Depuis 2015, le magazine américain Forbes propose un
classement des pays en fonction de leur soft power.
 Différents indicateurs : économie digitale, entreprise,
éducation, culture, engagement, gouvernement.
 Le classement 2019 des pays les plus influents en matière
de soft power est le suivant (indice sur 100) : 1re position la
France avec 80,28 ; 2e position le Royaume-Uni avec 79,47 ;
l’Allemagne en 3e position avec 78,62 ; la Suède arrive en
4e position avec 77,41, déclassant les États-Unis en
5e position avec 77,4, juste devant la Suisse, le Canada et le
Japon.

II. La puissance culturelle


A. Formes
Moins facilement quantifiables que les autres éléments
de la puissance, ces éléments comptent au plus haut
point :
• Le cinéma, acteur majeur du soft power.
Exemple Le Pentagone a une longue tradition de
collaboration avec les cinéastes d’Hollywood (Top
Gun).
• L’histoire, la « haute culture », la littérature font de
la France ou de l’Italie des pays attractifs et
crédibilisent leur point de vue sur ces questions.
Exemple L’« exception française » mise en avant en
1997 pour mettre en échec l’Accord multilatéral sur
les investissements (AMI) à l’OMC.
• La langue, véhicule et révélateur de la puissance
douce.
Exemple Le français est depuis des siècles une langue
diplomatique importante. Utilisée comme l’anglais
pour les traités de l’ONU, validés dans ces 2
versions. Cette importance au regard du nombre
de locuteurs s’explique par une politique culturelle
active depuis des décennies.
Mais, cette puissance de séduction est versatile.
ExempleAprès le blocage de la guerre en Irak en 2003,
le « french bashing » a atteint la capacité
d’attraction française outre-Atlantique.
De nouveaux pôles de puissance
douce apparaissent. En Asie, la Corée du Sud et l’Inde
jouent sur leur image de démocratie et de pays
émergents. Mais si Bollywood est le 1er producteur de
cinéma au monde (en nombre de films produits), son
influence reste inférieure au cinéma américain.
Le soft power des anciennes puissances se
maintient. L’Europe demeure le continent du soft power.
Ses valeurs restent attractives : droits de l’homme,
société d’abondance, protection sociale, libertés. Peut-
être parce qu’elle ne peut faire autrement ? La
puissance globale de l’UE souffre d’un défaut de hard
power qui l’empêche de devenir un pôle de puissance
concurrent des États-Unis.
B. L’exemple américain
Zoom notion
Américanisation
 Processus par lequel les États-Unis tentent de modeler une
partie du monde à leur image et réussissent à exporter
nombre de principes sociaux, politiques ou encore culturels
au XXe siècle. Le monde, par ce processus, se comprend
comme un simple prolongement des États-Unis, car modeler
le reste du monde à leur image revient à projeter les États-
Unis hors de leurs frontières.

Un modèle au rayonnement mondial : l’American


way of life renvoie au mode de vie américain. La
gauche américaine l’associe à un esprit démocratique, la
droite à la notion d’« exceptionnalisme américain »
(destin unique des États-Unis).
L’« impérialisme culturel » américain prend différentes
formes et use de différents supports :
• Il passe par la diffusion de la langue sous la forme du
globish (« Global English » : « anglais planétaire »)
version simplifiée de l’anglais.
• Popularisée pendant la Guerre Froide, ce modèle
souligne les principes de démocratie et de production
capitaliste : il est un instrument de la puissance.
• Pendant les 30 Glorieuses, l’expression désigne la
société de consommation qui s’exporte (Coca-Cola,
McDonald’s, Levis, Nike, Ford).
• Ce phénomène de diffusion mondialisée est renforcé
avec l’essor des NTIC (Google, Microsoft, Apple) :
internet, support, moteur et éminent représentant de la
diffusion de l’American way of Life.
• La musique anglo-saxonne domine largement le
marché occidental.
• Les films américains, et notamment Hollywood, ont une
distribution mondiale prépondérante, comme les séries
télévisées.
Pour J.-M. Guéhenno, diplomate français, la
mondialisation marque le triomphe durable de
l’Amérique. Le processus de globalisation est une
« américanisation du monde » : une extension à
l’échelle de la planète du « rêve américain ».
C. Le développement du soft power chinois
Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU en
1971, détenteur de l’arme atomique, 1re puissance
économique mondiale depuis 2014 en parité de pouvoir
d’achat (PIB basé sur PPA), 2e en PIB nominal après les
États-Unis en 2019, 3e puissance militaire derrière les
États-Unis et la Russie, le pays doté des attributs du
hard power cherche à développer un soft power.
Le soft power est théorisé dans le cadre du « rêve
chinois » défini par Xi Jinping en 2012 et qui peut
s’appuyer sur de puissants moyens de diffusion (médias,
Instituts Confucius, diaspora) et jouer sur son patrimoine
naturel et sa culture : le pays est devenu en 2013 la
4e puissance touristique mondiale. Pour l’avenir, la Chine
ne néglige ni la révolution de l’information, ni l’économie
de la connaissance :
• Le contenu en chinois sur le Web dépasse celui de
langue anglaise en 2020. La Chine compte
830 millions d’internautes en 2018 ; Baidu supplante
Google ; Alibaba devient le leader chinois du
commerce électronique, à la 2e place mondiale derrière
Amazon en 2019.
• Dans le domaine universitaire, 2 plans en 1995 et
1998 visent à renforcer la qualité des universités
chinoises. Objectif : atteindre le haut des classements
internationaux.
• Dans l’économie de la connaissance, la Chine est
dans une logique de rattrapage : elle accroît de
23 %/an ses dépenses de recherche et
développement ; les articles scientifiques publiés sont
multipliés par 6 depuis 2000 ; le nombre de brevets
déposés dépasse les États-Unis en 2011.
• Le pouvoir chinois accélère la création d’instituts
culturels « Confucius » insistant sur son passé
glorieux plutôt que sur sa politique actuelle. Des
centaines d’instituts ont été créés à travers le monde
pour enseigner sa langue et sa culture.
• Les efforts des présidents chinois, depuis Deng, en
direction de l’Afrique mêlent pouvoir économique et
séduction : expansion du commerce et investissements
chinois, projets d’infrastructures. Premier Forum de la
coopération sino-africaine en 2000.
Mais le gain en matière d’image obtenu grâce aux JO de
Pékin en 2008 est perdu avec la répression des
militants des droits de l’homme ; celui de l’exposition
de Shanghai en 2010 est brouillé par l’emprisonnement
de Liu Xiaobo (Nobel de la paix). Sous Xi Jinping (2013,
réélu 2018), le soft power chinois souffre de sa
répression contre la société civile (ex : la répression des
Ouïghours, minorité musulmane du nord-ouest du pays)
et de la réaction nationaliste aux différends entre Chine
et pays voisins.
III. Le smart power : synthèse entre hard et
soft power
A. Genèse
T. Roosevelt : « Parler doucement avec un gros bâton à
la main ».
La démocrate Suzanne Nossel a nommé « smart
power » l’articulation intelligente du « soft » et du « hard
power » dès 2004.
La notion de smart power révèle que la séduction,
l’argent, la force ne sont plus les uniques composantes
de la puissance : il faut les combiner efficacement.
Joseph Nye en 2011 modifie sa thèse : il n’oppose plus
hard et soft power mais insiste sur leur complémentarité.
Le développement des capacités d’influence ne doit pas
se réaliser au détriment des capacités de contrainte qui
demeurent une garantie fondamentale.
B. En pratique
Janvier 2009, investie au département d’État, Hillary
Clinton développe la théorie du smart power dont l’enjeu
est de mettre en œuvre de nouvelles stratégies pour
adapter le leadership aux enjeux du XXIe siècle dans le
contexte d’une montée d’anti-américanisme.
Deux principes prévalent pour cette redéfinition de la
politique étrangère américaine : s’adapter aux nouvelles
menaces et défis du XXIe siècle dans un monde
multipolaire ; se démarquer de la politique étrangère des
années Bush marquée par l’interventionnisme et
l’unilatéralisme qui ont terni le soft power américain.
L’objectif est la restauration et le maintien du leadership
américain.
Cette doctrine implique une utilisation du hard
power plus ciblée et discrète.
ExempleLa stratégie de l’« empreinte légère » en Afrique,
ou le « leadership de retrait » en Libye, le recours
aux alliés en Europe, Asie, dans le Golfe, le transfert
d’une partie du fardeau de la sécurité régionale.
Et un soft power adapté aux relations asymétriques :
des stratégies de coopération avec l’ensemble des
partenaires, étatiques et privés, la poursuite du virage
numérique (diplomatie 2.0, coopération avec les chefs
d’entreprise, institutions, ONG, citoyens).
Mais l’approche du président Obama rencontre des
limites :
• Le smart power se traduit comme un retour au réalisme
dans la politique étrangère américaine, mais face aux
enjeux planétaires, elle semble peu efficace.
• Au Moyen-Orient en privilégiant l’inaction sur l’action,
les conséquences sont dramatiques.
Exemple Syrie.
• En Asie, l’approche est inefficace face au hard power
chinois : on assiste à un retour du hard power dans la
région.
• Depuis l’élection de D. Trump : retour à un
protectionnisme agressif (bras de fer avec le géant
chinois autour des taxes à l’importation), l’économie
redevient un élément agressif du hard power. Les
élections présidentielles de 2020, marquées par
l’affrontement entre le démocrate J. Biden et D. Trump,
ne devraient pas infléchir en profondeur cette politique.
C. Le futur de la puissance : la cyberpuissance
Plus besoin de guerre pour soumettre, mais de
nouveaux médias et acteurs (Google, Facebook, TV),
lesquels font le même travail tout en renforçant des
éléments hard (puissance économique, industrielle,
renseignements). Le cyberespace est pour les États-
Unis un formidable outil pour ces aspirations.
L’économie numérique, à cheval entre hard et soft
power, bouleverse l’ordre économique établi. Depuis la
crise de 2008, les flux mondiaux de biens et de capitaux
stagnent, les flux de données numériques ne cessent de
croître. Ces échanges numériques génèrent 10 % du
PIB mondial en 2014.
La spécificité de la cyberpuissance n’est pas l’apanage
des États. Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook,
Apple et Microsoft) sont les nouveaux acteurs
transnationaux de cette géopolitique (22 ans de
moyenne d’âge en 2018) :
• Les 10 premières sociétés américaines du numérique
ont une valorisation boursière supérieure au budget
annuel de la France.
• Leur position est dominante sur le marché : situation de
monopole voir de cartels avec cette concentration de
pouvoir technologique.
• La numérisation rapide de nos économies et sociétés
leur donne un pouvoir sur l’ensemble du système. Le
cyberespace est faiblement régulé par des normes
juridiques, ils le façonnent selon leurs valeurs et
pratiques.
• Les GAFAM ont le pouvoir de racheter toutes les
entreprises innovantes montantes empêchant toute
concurrence. Situation souvent dénoncée par l’UE
(diverses poursuites sur le plan fiscal ou concurrentiel).
• Selon une étude d’Oxfam America sur l’évasion fiscale
des plus grandes entreprises américaines entre 2008
et 2014 : Apple, Microsoft, IBM, Cisco et Google ont
transféré plus de 450Mds $ dans les paradis fiscaux.
Zoom chiffre
1 000 milliards de dollars
 Le 2 août 2018, Apple devient la première entreprise à
atteindre cette valeur.

De nouveaux concurrents chinois, les BATX (Baidu,


Alibaba, Tencent, et les smartphones Xiaomi et
Huawei) :
• Ils révolutionnent l’économie et la société chinoise,
soutenus par l’État soucieux de construire son propre
écosystème numérique.
• Leurs investissements dans l’intelligence artificielle
sont à la hauteur des ambitions de la Chine : devenir le
n° 1 mondial de l’IA d’ici 2030.
ExempleLe développement de la 5G mondial avec
Huawei impliquant le contrôle de l’information
mondiale.
• Après avoir sécurisé leur marché intérieur les BATX
accentuent leur internationalisation.
Conclusion
Le soft power indéniable des sociétés occidentales
n’empêche pas des jeunes gens de rejoindre l’État
islamique. La puissance est un tout, d’où l’émergence
de la réflexion autour du smart power qui réconcilie les
opposés comme deux faces d’une même puissance.
Pour le père du soft power Joseph Nye, les nations
victorieuses au XXIe siècle seront celles qui auront su
établir des stratégies de smart power.
Fiche méthode

Méthode

Construire un plan
• Conseils généraux
 Le plan doit répondre à votre problématique.
 Souvent, vous trouverez d’abord le plan, puis une
problématique qui correspond.
 Dédramatiser l’élaboration du plan : les correcteurs
valorisent toujours la cohérence d’ensemble et le
souci d’un certain équilibre des parties.
 Mieux vaut faire trop simple que trop compliqué.
Penser aux correcteurs : ils doivent comprendre le
plan proposé.
 Mais l’audace peut payer : il faut aussi se faire
confiance tant que la cohérence d’ensemble sert la
démonstration.
• 3 grands types de plans
Après avoir fait une rapide analyse du sujet, on sait
quel sera le meilleur plan à appliquer. La réflexion
s’engage toute seule : le plan type génère du sens et
des idées.
1. Le plan chronologique : suppose l’analyse d’une
succession d’événements et de leurs facteurs
d’évolutions. Les ruptures chronologiques choisies
doivent être adaptées au sujet. Quand il s’agit d’une
période courte, on peut élargir les mises en
perspective, en ne s’écartant pas trop de la
problématique. C’est le plan par excellence en histoire.
2. Le plan thématique : un thème par partie. L’analyse
suppose une vaste opération de tri et de classement
d’informations selon une grille adaptée au sujet. Ce
plan est utile en géopolitique.
Attention Ne pas faire un plan à tiroirs, où les parties sont
juxtaposées sans articulations. Le déroulement de l’argumentation
doit suivre la logique de la problématique !

3. Le plan chrono-thématique : mélange des 2


premiers. Ce sont des plans où les périodes et les
thèmes correspondent. C’est le plus utilisé : un plan est
rarement uniquement chronologique ou thématique.
• Élaborer le plan détaillé
Le plan est construit à partir de la problématique : il en
constitue une réponse.
Pour savoir si votre plan est bon : vérifier que les titres
de vos parties répondent à la problématique.
Votre plan peut être déterminé à partir des idées jetées
sur le brouillon en vrac, en surlignant vos idées pour
les rassembler.
Attention Ne retenez que ce qui concerne le sujet pour répondre à la
problématique.

• Les exemples
Ils sont essentiels, ils servent à appuyer les arguments.
Il n’y a pas d’argument sans exemple, ni d’exemple
sans argument.
• Le nombre des parties
Il doit correspondre à la meilleure façon de répondre à
votre problématique, que ce soit en 2 ou 3 parties, plus
rarement 4.
Attention Le plan de 3 parties n’est pas une obligation. Le risque de
vouloir à tout prix faire 3 parties est de devoir meubler 1 partie. Il vaut
mieux faire un plan de 2 parties dans ce cas, de ⅔ paragraphes par
partie, pour répondre de façon correcte à votre problématique.
Les parties doivent s’équilibrer en termes de volume :
un plan déséquilibré sera sanctionné autant qu’un
hors-sujet !

Méthode appliquée

Sujet

« Les nouvelles formes de la puissance


redessinent-elles la hiérarchie des puissances ? »
• Lecture du sujet
 Il faut définir « les nouvelles formes » – indirectes –
de la puissance
 « La hiérarchie » : classement des puissances à
l’échelle mondiale selon les critères classiques de la
puissance et ici surtout selon les nouvelles formes de
puissance.
 « Redessiner » : il s’agit de voir en quoi les évolutions
de la puissance réorganisent ou non la hiérarchie des
puissances dans le monde
• Mobilisation des connaissances
L’expression « hiérarchie des puissances » invite à
dessiner une typologie (regroupement) des puissances
en fonction de leur rang.
Les critères pour classer les États sont les formes de la
puissance détenues par ceux-ci (puissance
complète/incomplète) et leur échelle d’influence
(mondiale ou régionale).
 Bornes chronologiques : la chute de l’URSS,
l’accélération de la mondialisation depuis les
années 1990 redessine la puissance jusqu’aux
années 2010.
 Bornes géographiques : l’espace mondial.
• Problématique
La forme interrogative du sujet n’appelle pas une
réponse formelle.
Il faut se demander si les « nouvelles formes de la
puissance » (éléments du soft power) peuvent
remplacer le hard power traditionnel.
 Le soft power peut-il devenir le seul étalon de la
puissance ?
Il faut justifier sa réponse en s’appuyant sur le
bouleversement/maintien de l’équilibre des puissances.
• Proposition de plan
C’est un sujet de type évolutif imposant un plan
chrono-thématique. Il faut également répondre au
sujet avec une partie typologique où on classe les
puissances en fonction de leur rang.
I. L’ère du soft power dans un monde multipolaire :
les années 1990
A. Fin de la bipolarisation du monde (1991) :
avènement d’un monde unipolaire et de la
mondialisation libérale. Mais évolutions vers un
monde multipolaire, la puissance américaine remise
en question impose de repenser les formes de la
puissance. C’est la naissance du soft power (J. Nye).
B. Les nouvelles formes de la puissance et ses outils :
naissance des GAFAM, Internet, culture dominante,
enjeux de la langue, valeurs : un soft power, mais
avec des limites.
Transition : Face aux risques du déclin de la puissance
américaine, dans un monde bouleversé par l’émergence
de nouvelles puissances, les critères de la puissance se
complexifient entre héritages et nouveautés, rendant
plus difficile la lecture de la carte géopolitique mondiale.
II. Des nouvelles formes de puissance insuffisantes
pour assurer la domination mondiale : les
années 2000
A. Les limites du soft power : crises économiques,
environnementales, nouveaux conflits
mondiaux (attentats terroristes). Le soft power est
affaibli face aux nouveaux défis mondiaux
du XXIe siècle.
B. Le maintien des critères traditionnels de la
puissance : Les forces armées par exemple (un
critère d’affirmation pour les puissances émergentes).
Exemples Cyberguerre, guerres économiques entre FMN
concurrentes.
Transition : Au-delà des évolutions des formes de la
puissance, les rapports de force traditionnels se
complexifient et s’étendent à de nouveaux domaines
III. Évolutions de la puissance et nouvelle hiérarchie
mondiale : les années 2010
On réfléchit au nouvel ordre mondial en fonction des
critères suivants : quelles sont les formes de la
puissance utilisées hard, soft, smart ? Quel est le
rayon d’influence de ces puissances : mondiale,
régionale ?
A. Le maintien d’une superpuissance mondiale : les
États-Unis
Seule puissance complète. Ils doivent néanmoins
adapter les modes d’action de leur puissance (smart
power).
B. Les puissances émergentes : des puissances
incomplètes
– L’exemple de la Chine (hard power menaçant, soft
power déficient).
– La Russie, puissance ré-émergente au hard power
réaffirmé.
– L’UE : une puissance douce souffrant d’un déficit de
hard power.
– Des puissances moyennes reléguée au 2nd plan :
Mais elles peuvent peser dans le règlement des
questions internationales.
Exemple La France et l’« exception française ».
Conclusion
• (Synthèse) La complémentarité des formes de
puissance est pensée aujourd’hui en termes de smart
power. Si la hiérarchie des puissances est en partie
bouleversée en son milieu, les grandes lignes se
maintiennent : la prééminence américaine, l’UE –
puissance incomplète est concurrencée par les
puissances (ré-)émergentes que sont la Russie et la
Chine. À la base de la pyramide : des puissances
régionales n’exerçant une influence qu’à l’échelle
régionale, pour peser sur les grandes décisions elles
doivent développer des alliances.
Exemple G20 pour peser dans les tractations
commerciales à l’OMC.
• (Ouverture) Plus que les formes de la puissance, c’est
la façon d’user de ce pouvoir qui change dans un
monde complexe et mouvant.
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« La France ne peut-elle être


qu’une puissance douce ? »
Introduction
• (Accroche) Si l’idée d’une « puissance douce » est
théorisée aux États-Unis, elle convient également à la
« douce France » : les deux pays ont en commun de
vanter un modèle universel.
• (Sujet) La France dispose d’un hard power ancien et
d’un soft power qui se définit comme la capacité à
édicter des normes au reste du monde, à exercer un
pouvoir de séduction par sa culture et les arts. Ce
prestige français au rayonnement mondial s’exprime à
travers une politique étrangère originale, une présence
dans le monde importante, un rayonnement culturel
hérité.
• (Problématique) Mais que pèse désormais la
puissance douce de la France face au géant américain
et face aux puissances émergentes qui entendent
désormais séduire le monde ?
• (Plan) Ce soft power français en héritage (I) se heurte
à de nouvelles limites (II), lesquelles lui imposent de se
redéfinir face à l’amenuisement de son influence (III).
I. Les fondements de la puissance douce
française
A. Une présence mondiale
• La France possède de nombreux relais pour son
rayonnement.
• La francophonie (OIF) est créée au Niger en 1970
pour promouvoir la solidarité internationale autour du
partage de la langue française et de sa culture. Des
sommets sont organisés depuis 1986. L’OIF rassemble
58 pays membres, 26 pays observateurs. D’après
l’OIF, il y aurait 275 millions de locuteurs, c’est la
5e langue la plus répandue au monde.
• Elle dispose du 1er réseau éducatif à l’étranger avec
l’Alliance française et l’AEFE (500 établissements),
des centres culturels nombreux pilotés depuis 2011
par l’Institut de France.
• Le français reste une langue internationale : langue
de travail à l’UE, dans des ONG, à l’ONU, l’OCDE, au
Comité international olympique…
• Le succès français de la notion d’« exception
culturelle » est né lors de la réunion du GATT à
Marrakech en 1993 : la culture n’est pas une
marchandise, les productions culturelles nationales
sont à l’abri du libre-échange.
B. Un rayonnement culturel
• Ce rayonnement culturel s’appuie sur un patrimoine
artistique, architectural et paysager exceptionnel. Elle
est la 1re destination touristique en 2016 : 83M de
touristes.
• La France exporte des biens culturels : Louvre et
Sorbonne à Abu Dhabi ; marques de luxe (Chanel,
Dior, Louis Vuitton) ; son image (Paris ville
romantique).
• Son art de vivre est protégé comme « patrimoine
mondial immatériel de l’Humanité » (Gastronomie
française, 2010), autre concept forgé en France et
développé par l’UNESCO, dont le siège est à Paris.
C. Politique étrangère entre « Droits de l’homme »
et héritages coloniaux
• Les Lumières et la Révolution ont donné une place de
1er choix à la France. Elle est le « pays des droits de
l’homme », principe fondateur du droit international.
Des concepts comme le « devoir d’ingérence » (1994)
ou la Cour Pénale Internationale (2010) sont des
propositions françaises.
• Elle dispose des restes d’une grande puissance,
comme la « Françafrique ». Cette expression désigne
la volonté de certains pays africains de conserver une
proximité avec la France. Elle désigne aussi les liens
occultes entre chefs d’État africains, diplomates et
grandes entreprises en Afrique permettant aux
premiers de conserver leur pouvoir et aux entreprises
de garantir leurs intérêts.
• La France est membre du G7, G8, G20. Cette
position diplomatique de force est un héritage de 1945,
où elle obtient une place de choix au conseil de
sécurité de l’ONU. Elle intervient dans le règlement de
nombreux conflits. Elle est un des ténors de l’UE
(couple franco-allemand) et dispose du 2e plus vaste
réseau d’ambassades (derrière les États-Unis).
• (Transition) Tout cela est le fruit d’un héritage
patiemment accumulé. Mais les perspectives sont
moins réjouissantes.
II. Le recul du soft power français dans la
mondialisation ?
A. Un modèle concurrent : l’américanisation du monde
• Les États-Unis d’alliés sont devenus concurrents.
L’histoire des relations entre les 2 pays remonte à la
guerre d’Indépendance (1776-1783), avec le soutien
français (La Fayette). Le symbole de ce lien ancien est
la statue de la Liberté, cadeau de la IIIe République.
• Mais après 1945, les États-Unis sont les libérateurs de
l’Europe (GI) et le recul français est indéniable face au
« rêve américain » et s’accélère avec la mondialisation.
La France partage désormais son statut de langue
internationale avec l’anglais et le soft power français se
situe maintenant bien loin derrière celui des États-Unis.
B. Le recul de l’influence économique
• La France reste une puissance économique et
commerciale : au 4e rang mondial pour l’industrie et les
échanges commerciaux ; avec des industries de pointe
dans le domaine des transports (Alstom, Airbus),
l’aérospatiale (Ariane), l’industrie militaire (Matra) ou
nucléaire (Framatome), dans l’agroalimentaire
(Danone).
• Puissance agricole, elle est le 2e exportateur mondial
(1er= États-Unis), la 1re puissance agricole européenne.
• Mais, les perspectives sont plus sombres :
 Les pays émergents montent dans les classements
économiques et tableaux de dépenses militaires, la
France descend.
 De 1996 à 2015, la part de la France dans le PIB
mondial est passée de 5,1 à 3,2 %.
 La France a perdu son triple A en juillet 2013. Son
PIB est supérieur à 2 800 milliards de dollars, mais sa
dette publique représente 90 % du PIB.
 Le chômage reste élevé (10 %).
 Les effectifs de fonctionnaires et la fiscalité freinent
les IDE ; la diplomatie, la justice et la défense sont
dégraissés affaiblissant les rêves de grandeur.
C. Déprise du soft power français
• Les attaques terroristes au cœur de Paris (novembre
2015), l’échec de la politique européenne, le faible
poids de sa politique étrangère écornent son image.
• La fronde des « gilets jaunes » (depuis le 17 novembre
2018) révèle les fractures du modèle politique et social
français. Ce mouvement touche de plein fouet le soft
power français (Paris : ville dangereuse, après les
émeutes de banlieues). Elle empêche a posteriori la
France de revendiquer cette posture de patrie des
droits de l’homme donneuse de leçons (la Turquie
d’Erdogan elle-même s’inquiète de la répression
policière, l’ONU elle-même en mars 2019).
III. Adapter la puissance aux nouveaux
défis : un smart power français nécessaire
A. Une politique étrangère de moins en moins
indépendante
• La France ne peut plus se projeter seule à l’étranger :
 La diplomatie de J. Chirac n’a pas pu empêcher la
guerre en Irak en 2003.
 Avec N. Sarkozy en 2007 la France réintègre l’OTAN.
 Lors du « Printemps arabe » de 2011, la ligne de
Paris se calque sur Washington.
 En 2016, son intention d’attaquer la Syrie se heurte
au compromis américano-russe avec la Syrie.
• Si les succès diplomatiques et militaires restent
importants en Afrique, c’est seulement parce que
Washington préfère lui déléguer les conflits africains :
 En 2011, aide au président ivoirien A. Ouattara pour
rétablir l’ordre dans le pays (guerre civile).
 2012, troupes envoyées au Mali pour stopper les
islamistes liés à Al-Qaïda avec succès.
 2013, Paris stoppe l’escalade du conflit en
Centrafrique.
• Sa puissance se déploie aujourd’hui à travers des
actions multilatérales, où ses vues ne dominent pas
toujours, même au sein de l’UE, même si elle conserve
sa place dans la concertation internationale. Mais sans
éléments de hard power, la diplomatie française pèse
peu.
B. Le maintien d’un hard power
• De son Empire colonial de 10 millions de km2, il lui
reste quelques « confettis d’empire » : les DROM et
TOM, des collectivités territoriales comme Clipperton.
Ces possessions lui offrent une ZEE de 11 millions de
km2 (2e mondiale) avec de nombreuses ressources et
positions stratégiques.
• L’armée française reste au 4e rang mondial. Elle
s’appuie sur la force nucléaire et des industries de
défense puissantes. Depuis 1945, c’est la 1re armée
d’Europe en termes d’effectifs (280 000 hommes). Elle
fait partie des casques bleus, intervient dans des
opérations extérieures (OPEX) sous mandat de l’OTAN
(Bosnie, Kosovo). Mais les restrictions budgétaires
rendent difficiles les interventions.
• Mais la population française est inférieure à celle des
grands pays : 67 millions de Français, moins de 1 % de
la population mondiale. De plus cette population a
tendance à vieillir (1,87 enfant par femme en janvier
2020).
Conclusion
• Le soft power français pour peser dans les grandes
décisions ne peut s’exprimer qu’à travers la
coopération au sein des instances internationales. La
France ne peut se passer du hard power pour
s’affirmer dans les relations internationales. Malgré sa
puissance douce unique, elle n’a plus l’envergure
d’une grande puissance, mais celle d’une « grande
puissance moyenne ».
• La France, menacée dans son intégrité culturelle par
l’hégémonie américaine peut-elle rester encore
longtemps une « puissance moyenne » à part ? Ce
n’est que grâce aux difficultés rencontrées par ses
grands concurrents que la France profite d’un certain
répit et redore son blason en s’établissant en 2019 à la
1re place mondiale en termes de soft power
(classement Forbes), détrônant la Grande-Bretagne en
plein Brexit et les États-Unis en recul de D. Trump.
Chapitre 3

La puissance américaine
Synthèse de cours
Introduction
Les États-Unis se pensent comme la 1re puissance
mondiale, ce qu’ils sont depuis 1945.
Ils constituent ainsi un étalon de la mesure de la
puissance internationale à partir duquel on pense la
notion même de « puissance ». Elle repose sur de
nombreux atouts (I), permettant aux États-Unis de
s’affirmer dans un monde bipolaire, unipolaire, puis
multipolaire (II). Cependant, les nouvelles formes de
conflits au XXIe siècle montrent que la puissance
américaine trouve dans de nouveaux acteurs
asymétriques leurs adversaires les plus coriaces,
susceptibles de remettre en cause leur leadership (III).
Ces difficultés imposent aux États-Unis de repenser
leur puissance et ses modalités d’action.
Notions du chapitre : isolationnisme, interventionnisme,
chasse gardée, droit d’ingérence, hyperpuissance,
superpuissance, unipolaire, multipolaire, unilatéralisme,
multilatéralisme.
I. Les fondements de la puissance
A. Des ressources et des hommes
Vaste de 9,6 millions de km2, presque autant que toute
l’Europe, cet État-continent dispose de la 4e superficie
mondiale, la 1re avec sa ZEE (11,4 millions de km2), avec
d’énormes réserves d’espaces (Alaska). Le territoire
américain est une véritable réserve de croissance.
Les matières premières représentent 17 % de leurs
exportations totales (hors pétrole) avec : les ressources
agricoles des Grandes plaines, le charbon des
Appalaches, le bois dans l’Ohio et l’Ontario, le coton du
Mississipi et de l’Alabama. Elles lui assurent une relative
indépendance.
C’est un géant de l’agriculture avec 3,7 millions de
km2 de surface agricole, une grande culture mécanisée.
Le trinôme maïs-blé-soja constitue le fondement de son
food power. Il est doublé d’un agrobusiness sans
égal : la Bourse de Chicago des prix des céréales en $,
les géants du négoce comme Cargill, des innovations
comme les OGM… S’agissant d’alimentation humaine,
elle lui fournit un moyen de pression exceptionnel.
Les ressources énergétiques sont immenses : le
« gaz non conventionnel » représente la ½ de sa
production totale de gaz (fracturation hydraulique) ; la
découverte du pétrole de schiste représente 55 % de
son pétrole aujourd’hui. Les États-Unis sont les 1ers
producteurs mondiaux de gaz en 2009, de pétrole en
2014. L’autosuffisance devrait être atteinte en 2020. Le
prix du gaz a été divisé par 4 entre 2003 et 2013
renforçant sa compétitivité. La donne géopolitique
change avec une moindre dépendance extérieure.
Son territoire est maîtrisé grâce à un réseau de
transports et de télécommunications le plus complet au
monde : chemin de fer, routes, canaux, aménagement
du Mississippi, prospérité des grands ports, hubs
ultramodernes comme Atlanta (1er aéroport mondial avec
100 millions de passagers/an).
Les villes sont au cœur de la puissance américaine
(1re mégalopole au monde le Nord-Est américain). Elles
concentrent les fonctions politiques (Washington),
financières et économiques (New York, Chicago),
touristiques (Miami). Les villes s’organisent autour de
CBD concentrant les fonctions de commandement. Sa
population est fortement urbanisée (80 % d’urbains)
vivant en majorité dans les métropoles de l’est et de
l’ouest (50 % des Américains).
La population américaine a une démographie
dynamique (taux de fécondité de 2,1, population jeune,
innovante). De 300 millions (barre franchie en 2006), la
3e puissance démographique mondiale, pourrait passer
la barre des 400 millions en 2050. C’est un marché de
consommation gigantesque.
Cette croissance est alimentée par un solde migratoire
fort (limité par des quotas). Ils attirent chercheurs et
étudiants entraînant un « Brain Drain » affaiblissant
Europe et PED. La ½ de ces migrants vient d’Amérique
latine : brassage culturel, diffusion des modes nord-
américaines, transferts financiers.
B. Première puissance économique
1er PIB mondial, ils produisent les ¼ des richesses
mondiales pour 4,5 % de la population.
Son économie est diversifiée et attractive : ils sont les
1ers investisseurs sur le continent. À l’échelle mondiale :
ils sont le 1er pays pour l’accueil et l’émission des IDE.
Le dollar reste la 1re monnaie de réserve, ce qui leur
permet de financer leurs déficits, imposer leurs règles
avec la Federal Reserve. Le $ représente 48 % des
échanges mondiaux, 61 % des réserves de change des
banques centrales, 46 % des émissions d’obligations
internationales (en 2014). Le droit américain s’étend
puisque toute entreprise qui utilise des dollars est
susceptible d’être jugée aux États-Unis.
Les bourses les plus puissantes sont américaines
(Wall Street et Chicago). Lors de la crise de 2007-2008
des subprimes, c’est l’ensemble de la planète qui a été
touché, car Wall Street est la 1re place d’échange
financière.
Les FMN américaines dominent le commerce
mondial (126 des 500 premières mondiales). Certaines
sont incontournables : Google, Microsoft, IBM… Les
NTIC montre la volonté d’actualisation de leur stratégie
économique (tertiarisation) : ils délocalisent une partie
de leur industrie et se spécialisent dans la haute
technologie et les services.
Ils peuvent financer l’innovation et creuser un
technology gap avec le reste de la planète. Le ⅓ de la
R&D mondiale et 25 % des exportations mondiales de
produits de haute technologie sont américains. Les
États-Unis consacrent ainsi 3 % de leur PIB à la
recherche et obtiennent le ¼ des prix Nobel.
Zoom notion
Le MIT
 Le Massachussetts Institute of Technology, fondé en 1861 à
Cambridge aux États-Unis, est un établissement universitaire
privé qui combine institut de recherche et enseignement avec
11 000 étudiants et 1 000 enseignants. Le MIT est un des
hauts lieux de la recherche. Il a engrangé 85 prix Nobel, vu
l’invention de la pénicilline et des radars. Dans un laboratoire
du MIT, le « brevetage » fait partie intégrante du processus
de recherche pour protéger l’invention. Le Technology
Licensing Office du MIT facilite la création d’entreprises ou
start-up à partir de certains brevets. Comme Stanford, le MIT
possède une intense culture de l’entrepreneuriat.

Cette puissance économique se fonde sur un vaste


marché intérieur (PIB/Hab./an de 54 678 $ en 2014) et
une assise continentale pour s’imposer comme un
pôle majeur de la Triade contemporaine :
• Le centre de gravité du pays se tourne vers l’Ouest
(Asie). Cette réalité économique renvoie à la théorie du
« pivot » en géopolitique : la zone Pacifique est riche
en opportunités, mais aussi en menaces (Chine).
• Sur le continent, une véritable « chasse gardée » :
la frontière avec le Canada est la plus longue du
monde (8 890 km), celle avec le Mexique (3 200 km)
est la plus active au monde (maquiladoras). Ils
absorbent les ¾ des exportations mexicaines et
canadiennes.
• La création de l’ALENA en 1992 intègre les 3 pays
dans une même zone de libre-échange (21,5M de
km2). Ils dominent ces flux commerciaux, même si le
Canada et le Mexique bénéficient de la croissance de
la zone.
• L’Amérique centrale et du Sud est également sous
contrôle (hormis Cuba, les conflits commerciaux avec
le Brésil ou le Venezuela).
Zoom notion
Doctrine Monroe
 En 1823, elle affirme leurs relations privilégiées avec le
continent dont les États-Unis s’estiment les protecteurs.
Avant 1917, le pays s’affirme comme une puissance politique
régionale, à l’écart des conflits européens, et ce même si leur
puissance économique est devenue mondiale. Cette assise
économique continentale leur permet de se projeter dans le
reste du monde sans craindre de rétorsion.

C. Leadership et puissance militaire


Le renforcement des réseaux d’alliance hérités de la
Guerre Froide leur permet de jouer un rôle clé sur le plan
diplomatique : membres permanents du conseil de
sécurité de l’ONU, principaux contributeurs de l’ONU,
1er réseau diplomatique mondial.
Les États-Unis disposent du 1er réseau mondial de
bases militaires. En Europe, l’OTAN survit à la
Guerre Froide et s’ouvre aux pays de l’ancien pacte de
Varsovie.
Exemples la Croatie et l’Albanie en 2009.
Au Moyen-Orient, ils conservent des alliés
traditionnels (Arabie Saoudite, Turquie, Israël). Dans
l’Asie pacifique, les alliances datent de la Guerre
Froide avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines
ou l’Australie.
La capacité militaire des États-Unis est sans
concurrence avec :
• Le 1er budget militaire du monde : le ⅓ des dépenses
militaires mondiales (en 2014), soit 2 fois les dépenses
des alliés de l’OTAN. Le budget de la Défense, même
en baisse, atteint encore 610 milliards de $ en 2014,
soit 3,5 % du PIB.
• Une force de frappe nucléaire : 4 500 têtes
nucléaires en 2007, les accords START en 2010
prévoient leur réduction.
• Son armement : 8 500 chars, 6 000 hélicoptères,
4 300 avions de combat, 10 porte-avions (dont 8
nucléaires), et 14 SMNLE (sous-marin nucléaire
lanceur d’engins), 53 sous-marins d’attaque.
• La 1re armée mondiale avec 1,45M d’hommes (actifs
avec la possibilité de le porter à 2,3M) et une capacité
de projection de 400 000 hommes (Russie
60 000 hommes). Elle peut faire face à plusieurs
conflits à la fois. Il s’agit d’une armée de spécialistes,
capable d’une guerre « propre » par ses frappes
chirurgicales, selon Washington.
• La 1re flotte aéronavale avec 7 flottes de guerre
réparties dans le monde, composées chacune de 281
navires leur permettant d’intervenir partout en 48 à
96 heures. L’US Navy représente 70 % des flottes de
guerre mondiales.
• Un matériel américain réputé dans l’aviation ou les
munitions.
• Des innovations : utilisation récente de drones (avions
sans pilote) de reconnaissance mais aussi de combat.
• Le budget pour la R&D militaire est 4 fois plus
important qu’en Europe : 45 Mds de $ en 2014.
• Ils peuvent mener une « guerre asymétrique » :
concept stratégique qui repose sur la supériorité
technologique écrasante d’un belligérant (Irak en 1991
et 2003, Afghanistan en 2001).
• Le renseignement avec 2 agences efficaces et avec le
plus gros budget du monde : la NSA (National Security
Agency) pour les menaces extérieures, la CIA (Central
Intelligence Agency) pour les menaces directes sur les
intérêts américains, intérieures ou extérieures.
ExempleLe réseau Échelon pour intercepter les
communications à l’échelle mondiale.
II. La géopolitique américaine au XXe siècle
A. Héritages d’une superpuissance
Le centre de la coopération internationale avec
l’ONU est à New York (siège). L’ONU est créée en juin
1945 lors de la conférence de San Francisco. Elle
dispose d’un organe restreint de pouvoir, le conseil de
sécurité, qui traduit l’ordre des vainqueurs, dont les
États-Unis font partie.
Le centre de la gouvernance économique mondiale
est à New York avec le FMI et à Washington avec la
Banque Mondiale. Ce sont les chefs de file du
libéralisme mondialisé nés également en 1945.
Les principes wilsoniens prévalent dans le nouvel
ordre mondial avec la Charte des Nations Unies. Ils
deviennent les objectifs classiques de la politique
étrangère américaine.
Les années 1950 sont celles de l’affirmation de la
superpuissance américaine dans la lutte contre
l’URSS. C’est à cette époque que l’expression
« superpuissance » naît. Cette puissance assumée se
traduit par un interventionnisme à l’échelle
internationale et la justification idéologique de leur rôle
dans le monde.
Zoom évènement
8 janvier 1918 : discours des 14 Points de W. Wilson au
Congrès
 Le Président présente les objectifs de la paix. Les principes
sont : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’égalité
des nations, la liberté de circulation et la démocratie
s’incarnant dans un idéal de libéralisme ; le refus de la
militarisation. Dans cet ordre mondial les États-Unis ont un
rôle majeur à jouer.
 Date-tournant de l’histoire des relations des États-Unis avec
le monde commencé en 1917 : l’engagement américain,
malgré des phases de repli national, est resté dominant.
 Cet idéalisme inspire la politique de Roosevelt puis de
Truman après 1945. On le retrouve dans la vision de G. Bush
père du « nouvel ordre mondial » naissant à la fin de la
Guerre Froide.

B. Le soft power américain


L’engagement américain dans la Guerre Froide se fait au
nom de valeurs, et la justification idéologique irrigue la
société américaine et s’associe à la célébration de
l’American way of life, censée en montrer la supériorité.
La mondialisation en montre la réussite mondiale à partir
des années 1980 [Chapitre 2].
C. Le temps de l’hyperpuissance : les années 1990
Le terme d’« hyperpuissance » supplante celui de
« superpuissance ». Il traduit les velléités américaines
de refondation d’un ordre mondial.
La politique de Reagan est l’expression de cette
politique étrangère volontariste avec le slogan « America
is back » (repris en 2016 par D. Trump), critique radicale
de la politique de Détente, visant à rendre à l’Amérique
sa place de 1re puissance mondiale incontestée. Reagan
dénonce l ’ « empire du mal » soviétique (1983).
Après l’effondrement soviétique, les valeurs
américaines s’affirment à l’échelle mondiale (à l’Est
mais aussi pour le capitalisme en Chine).
La 1re guerre du Golfe traduit le nouvel ordre
mondial : c’est le 1er conflit majeur à la fin de la Guerre
Froide. L’annexion du Koweït par Saddam Hussein
entraîne l’intervention américaine, justifiée a posteriori
par l’ONU. Les États-Unis sont les grands vainqueurs :
ils renforcent leur présence au Moyen-Orient, la
surveillance de leurs intérêts économiques (pétroliers),
leur suprématie militaire est incontestée.
Ils se posent comme les « gendarmes du monde »,
pour la défense de leurs valeurs et de leurs intérêts :
• intervention décisive dans l’ex-Yougoslavie (OTAN en
Bosnie et accords de paix de Dayton en 1995).
• avancées au Proche-Orient avec B. Clinton : les
accords d’Oslo sur le conflit israélo-
palestinien concrétisé à Washington en octobre 1993
prévoient la création de territoires autonomes gérés
par une autorité palestinienne en échange de la paix
pour Israël.
C’est le retour à l’unilatéralisme, très marqué pendant
les présidences de George W. Bush (2000-2008) :
changement de perspective vis-à-vis des institutions
internationales, en particulier de l’ONU et rejet de Kyoto
en 1997.
Mais au milieu des années 1990, la diplomatie
américaine change de perspective, poussée par l’échec
de l’opération « Restaure Hope » en Somalie, 1re remise
en cause de leur hard power militaire.
Zoom évènement
Restaure hope
 En 1993 l’administration Bush décide d’une intervention
militaire et humanitaire en Somalie (famine). Cette opération
se veut porteuse de la générosité américaine. Poursuivie par
B. Clinton, l’intervention est catastrophique. La mort de
soldats américains dans des conditions effroyables trouve un
écho dans l’opinion américaine, toujours traumatisée par le
Vietnam. Arrêt de l’opération en mars 1994. Cet échec
montre les limites de leur supériorité militaire, même en cas
de forces asymétriques.

III. Un colosse aux pieds d’argile


A. Fractures internes
Dès les années 1950-1960, les « ratés » du rêve
américain apparaissent : il y a beaucoup d’exclus du
rêve américain, ce qui est aggravé en interne par la
quasi-absence de protection sociale (15 % de pauvres
soit 45 M). Cette pauvreté se lit dans les dégradations
urbaines.
La discrimination reste forte, avec des quartiers
« noirs », « latinos », « WASP » qui cohabitent mais se
mélangent peu. Les revendications se radicalisent des
émeutes de Watts (ghetto de Los Angeles en 1992) à
celles de 2020 (mort de George Floyd) et réactivation du
mouvement Black Lives Matter.
Au pays du rêve américain, la mobilité sociale est
bloquée : le pouvoir d’achat des salariés stagne,
effondrement du modèle social des grandes industries
automobiles (emploi stable, avantages sociaux),
surendettement des jeunes diplômés (total de 1 000 Mds
de $).
Les tensions aux frontières exacerbent les tensions
nationalistes.
ExempleConstruction du mur américano-mexicain relancé
par D. Trump en 2017.
B. Une puissance économique concurrencée
La concurrence des autres pôles de puissance est
rude.
Les États-Unis sont déficitaires dans leurs échanges
(4 500 Mds $ en 2011), c’est la conséquence de la NDIT
(Nouvelle Division Internationale du Travail).
Ce déficit est financé par l’endettement. Le
12 septembre 2017, la dette de l’État fédéral dépasse
les 20 000 Mds de $ (dette des agents économiques
comprenant États, ménages, et entreprises).
Cette dette étatique est accrue avec la guerre en Irak
(coût estimé 500 à 3 000 Mds $ sans ou avec coûts
induits).
Si le dollar reste la monnaie de référence mondiale, la
Chine en détient un nombre considérable et peut exercer
des pressions (cf. aujourd’hui la question du taux de
change du yuan).
Cet endettement colossal des entreprises, particuliers et
État, est caractéristique des puissances hégémoniques.
Il touche les États-Unis plus gravement avec un
créancier majeur (la Chine). Le poids nouveau de la
Chine ne peut être occulté ; « l’atelier du monde »
impose des prix de plus en plus concurrentiels. Les
États-Unis s’adaptent avec la tertiarisation de l’économie
productrice de produits à plus forte valeur ajoutée.
Zoom chiffre
La Chine : 1re puissance économique mondiale
 Elle représente en décembre 2014 16,5 % de l’économie
mondiale en termes de pouvoir d’achat réel (PPA), devant les
16,3 % des États-Unis.
 Les « parités de pouvoir d’achat » (PPA) indiquent ce qu’on
peut réellement acheter avec chaque monnaie, les
statisticiens corrigeant les taux de conversion des monnaies.
 Selon le FMI, l’écart devrait se creuser entre les 2 Grands :
la Chine atteindrait 26 800 Mds de $ de richesse nationale en
2019, contre 22 000 Mds pour les États-Unis.

La surexploitation des ressources inquiète. Le territoire


américain est vulnérable (ouragan Katrina en 2005).
La crise des subprimes a affaibli le pays. Sa kyrielle de
conséquences néfastes atteint le rêve en son cœur : la
job machine. Si le chômage est retombé en 2016 sous la
barre de 5 %, il était monté à 10 %, chiffre sans
précédent depuis 1945.
Les entreprises américaines taxées d’exploiter la planète
souffrent d’un déficit d’image profond, de Mc Donald
(« malbouffe ») à Nike (« exploitant les enfants »).
C. Remise en cause de la puissance
Le 11/09/2001 marque la fin de l’idée que les États-Unis
peuvent être le « gendarme du monde », qu’ils sont
capables de garantir une stabilité mondiale. Ils sont
vulnérables et suscitent des oppositions fortes avec le
choix de G. Bush (2000-2008) du retour à une diplomatie
agressive, écornant leur potentiel de soft power.
L’hyperpuissance ne garantit plus ce rôle de « gendarme
du monde ».
Un certain anti-américanisme se développe en
Occident où le manque de concertation choque ses
alliés. L’action américaine est dénoncée comme une
ingérence impérialiste au Moyen-Orient. Les États-Unis
sont critiqués (traitements inhumains à Guantanamo,
mensonge initial pour déclencher la guerre en Irak).
Sur le continent américain, les États-Unis cherchent à
imposer leur hégémonie donnant naissance à un
sentiment « antiyankee » très fort. L’arrivée au pouvoir
d’hommes politiques au discours anticapitaliste illustre
cette défiance.
Le Venezuela hostile au modèle capitaliste, Hugo
Exemple
Chavez, à la tête du pays durant 14 ans (mort en
2013), nationalise le pétrole…
Enfin, l’islamisme radical, notamment iranien,
s’oppose à la culture et aux intérêts américains. Cette
idéologie se retrouve dans de nombreux pays de
tradition arabe ou musulmane.
Les rivaux d’hier renaissent comme la Russie hier en
état de décomposition avancée, qui se relève et retrouve
croissance économique et ambitions avec V. Poutine.
Son hard power est en difficulté lorsque les guerres
sont asymétriques. En Irak, si la 2e guerre du Golfe
(mars-mai 2003) est un succès rapide aux pertes
limitées (138 morts), le maintien de la paix est meurtrier
(4 400 morts, 32 000 blessés américains entre 2003-
2009).
Zoom notion
Acteurs asymétriques
 Il s’agit des groupes terroristes, dont les intentions sont de
détruire la puissance américaine, avec des moyens simples,
en répétant à l’infini des attaques imprévisibles.
 Cette catégorie peut s’étendre aux États faibles disposant de
peu de moyens, qui vouent une haine quasi viscérale à
Washington.
 La puissance militaire américaine semble dans l’incapacité
d’éradiquer ces nouvelles menaces.

Les dirigeants américains « corrigent le tir » après la


crise économique de 2007-2008 avec un retour au
réalisme : les États-Unis doivent se contenter de
maintenir leur leadership avec des moyens en constante
réduction (« séquestres budgétaires » depuis 2013 pour
réduire le déficit public).
L’administration Obama veut restaurer davantage de
multilatéralisme, volonté de reséduire le monde,
partage du « fardeau de la sécurité » avec leurs alliés.
ExemplesIls laissent la France et le Royaume-Uni soutenir
les rebelles libyens contre Khadafi en 2011 ; grande
prudence en Syrie et au Mali.
C’est la mise en pratique du concept de smart power :
sans renoncer à leur puissance diplomatique et militaire,
ils veulent rompre avec le recours systématique à la
coercition [Chapitre 2].
Mais les États-Unis peuvent toujours intervenir seuls s’ils
le décident.
Exemple Exécution de Ben Laden au Pakistan en 2011.
Conclusion
Fondée sur une puissance économique, militaire, mais
aussi idéologique, la superpuissance des États-Unis
est une réalité en 1945 et en 1991. Mais cette
puissance a ses limites. Elle est confrontée à la crise
que traverse le pays, à sa relative fermeture
(présidence de D. Trump en 2016-2020 et retour d’un
discours protectionniste), à la dénonciation de son
impérialisme.
Néanmoins, les États-Unis restent la 1re puissance du
monde, avec des faiblesses, mais pas au point de
perdre cette place. Le XXIe siècle voit surtout la position
de puissance américaine évoluer : ils doivent adapter
leur position à l’état du monde, ce qui explique la
quasi-reconnaissance d’un G2 avec la Chine
aujourd’hui. Mais la logique de domination impériale
n’est pas remise en cause, ni sous Obama, ni sous
Trump : ce sont les moyens d’y parvenir qui eux ont
changé.
Fiche méthode

Méthode

Rédiger une introduction


• Conseils généraux
L’introduction donne au correcteur les premières
impressions sur votre travail. Elle est donc d’une
importance capitale.
• Mise en œuvre :
 Prendre son temps dans l’introduction si on a des
choses à dire, même si certains correcteurs aiment
parfois la concision.
 Soigner l’expression : l’introduction donne au
correcteur la 1re impression grâce à laquelle on peut
se mettre le correcteur dans la poche.
 Elle doit donc être rédigée au brouillon en entier.
Elle peut néanmoins être modifiée ensuite au propre,
si nécessaire.
Attention De préférence elle doit être rédigée après la mise en place
du plan détaillé. Le titre des parties dans le développement doit
absolument correspondre à ce qui est annoncé dans votre plan.

Les 5 étapes :
1. L’accroche
Il y a différents types d’accroche :
 Aller du particulier au général :
– Une citation : elle permet de capter l’attention du
correcteur, mais aussi de montrer son érudition.
C’est efficace à condition de ne pas faire trop long.
On peut très bien se faire une fiche de citations :
générales mais suffisamment érudites, qui vont
avec le sujet parce qu’elles répondent à la
problématique de fond.
– Utiliser un exemple qui ne sera pas réutilisé plus
tard.
Exemple Un événement historique ou d’actualité.
 Aller du général au particulier :
– Mise en contexte
– Point historiographique qui permet d’inscrire le
sujet dans les débats contemporains et de souligner
son actualité scientifique.
Attention L’accroche doit rester courte !

2. Un paragraphe qui définit les termes du sujet


 Définir les concepts : il s’agit du travail préalable au
brouillon. Éviter le « on définira… » mais utiliser plutôt
des tournures comme « la puissance peut renvoyer à
deux réalités distinctes », « dominer, c’est… »
 Les bornes chronologiques et géographiques
même évidentes doivent être précisées. Dire à quoi
correspondent les dates de début et de fin, en
justifiant leur rapport avec le sujet. Ce n’est pas un
paragraphe à part, cette délimitation doit se retrouver
à un moment ou un autre de votre introduction, au
détour d’une phrase.
3. Amener le questionnement
 Dégager les enjeux (importance des petits mots
comme « dans », « et »…). Même si on nous
demande de faire la meilleure synthèse possible,
montrer qu’on n’est pas dupe de la complexité (donc
de toute la richesse) d’un sujet.
 Ne pas oublier les grandes lignes de fractures
historiographiques.
Exemple Grands débats autour de notions de
puissance.
 On peut aussi briller par une référence technique et
précise sur la question.
4. Exposer la problématique
 Aller droit au but.
 Reprendre les termes du sujet. Le correcteur doit la
repérer visuellement sans difficulté (point
d’interrogation, alinéa, formules toute comme : « Il
s’agira dès lors de se demander/de voir/dans quelle
mesure/comment… »). Avec une seule question
claire et pertinente, on ne prend pas de risque.
 Ne pas se contenter de reformuler le libellé : la
problématique doit découler de l’analyse du sujet et
des enjeux qu’il soulève. Elle doit être assez large
pour englober tous les aspects. Ce n’est pas non plus
grave de n’y répondre que partiellement ou dans une
partie (souvent la dernière) plus que dans les deux
autres.
5. Annoncer le plan
 De manière fine : ne pas dire « dans un premier,
second, troisième temps »). L’idéal est de formuler
l’annonce du plan en une seule phrase qui, le cas
échéant peut très bien se limiter à 2 lignes.
Attention Si l’introduction est la partie peut-être la plus normée du
devoir, elle doit conserver une certaine légèreté. Il faut de la fluidité
entre les étapes, qui sont comme les étapes d’un raisonnement.

Variante : L’introduction d’un commentaire de


document
Pour un commentaire de texte entre l’accroche et la
définition des termes du sujet (2e étape), il faut présenter
le document en précisant : la source, l’auteur, le contexte
d’écriture et/ou de publication et le thème général de
l’extrait/document étudié (en une seule phrase, ne pas
trop développer). Ensuite, seulement, vous procédez à
l’analyse du sujet qui doit guider votre commentaire.
Méthode appliquée

Sujet

« Peut-on parler aujourd’hui


d’un déclin de la puissance américaine ? »
• Analyse du sujet :
La forme interrogative du sujet invite à s’interroger sur
la réalité de ce déclin. Ce dernier relève plus d’un
mythe que de la réalité effective.
Le sujet invite donc à s’interroger sur la nature de la
puissance américaine, son maintien en valeur absolue
au 1er rang mondial, même si de manière relative, elle
est de plus en plus contestée ou concurrencée.
Introduction
• (Accroche) Le candidat républicain aux présidentielles
de 2016, Donald Trump, a choisi de placer sa
campagne sous l’égide d’un slogan déjà adopté par
Reagan en 1980 : « Make America Great Again ». Un
slogan qui illustre l’actualité de ce sentiment de déclin
qui affecte avec récurrence les États-Unis, mais qui
laisse surtout entendre que celui-ci n’a rien
d’insurmontable, précisément parce que ses causes
sont d’abord internes.
• (Définitions des termes du sujet/questionnement) La
peur du déclin (face à des ennemis extérieurs), – qui
peut se comprendre pour cet État-continent surtout
comme une peur de la décadence –, touche tous les
grands empires dans l’histoire et n’a rien de nouveau.
Le britannique Paul Kennedy l’a remis au goût du jour
dans son livre à succès de 1988, Naissance et déclin
des grandes puissances, où il met en avant l’existence
d’un phénomène de « surextension impériale » qui
guetterait les Américains incapables de défendre la
somme globale de tous leurs intérêts dans le monde.
De nombreuses critiques s’opposent alors à son
argumentaire, notamment celle du théoricien des
relations internationales Joseph Nye qui le conduit à
réévaluer la nature même de la puissance américaine.
La nature de la puissance est très différente
aujourd’hui, elle ne dépend plus de la force pure (hard
power), mais également de la capacité à influencer
(soft power). De fait, depuis 1991 et la chute du bloc
soviétique, les États-Unis sont apparus comme une
« hyperpuissance » dans un moment unipolaire
(H. Védrine). Le Pentagone, Wall Street, Microsoft,
CNN, Hollywood et McDonald’s seraient les différentes
facettes d’un triomphe américain absolu qui doit
cependant faire face à de nouveaux défis au début des
années 2000.
• (Problématique) On peut se demander comment la
puissance américaine adapte sa puissance aux
nouveaux défis et rapports de force d’aujourd’hui et de
demain (réels ou virtuels) ?
• (Annonce de plan) Il convient tout d’abord de dresser
un état de la puissance américaine qui reste première
dans les domaines militaire, économique, mais aussi
du soft power (I). Celle-ci doit cependant faire face à
de nouveaux défis dans un monde en mouvement : la
montée en puissance de nouveaux rivaux, Chine,
Russie et autres émergents inquiète ; la nouvelle
donne géopolitique et géoenvironnementale sape les
bases du soft power américain ; de nouveaux ennemis
asymétriques mettent en difficulté les instruments de la
Puissance classique (II). Ces défis imposent ainsi à la
puissance américaine des évolutions : rééquilibrage
géopolitique, retour au multilatéralisme, recentrage sur
les nouvelles formes de puissance stratégique et
économique (III).
Sujet corrigé

Réaliser une carte de synthèse

Sujet

« Les États-Unis et l’exercice de la puissance »


• Remarque générale
De nombreuses cartes peuvent être réalisées pour
cette partie du programme :
 des cartes thématiques concernant un aspect précis
de la puissance américaine (ex : « L’influence du
modèle américain dans le monde » ou « La
puissance militaire américaine dans le monde ») ;
 en variant les échelles : échelle mondiale (comme
ici), régionale (ex : « Les États-Unis en Amérique »,
« Les États-Unis face à l’Orient », « Les États-Unis
en Afrique ») ou nationale (ex : « Le territoire
américain : fondement de la puissance ? »).
• Analyse du sujet
Cette carte de synthèse permet de montrer les
fondements de la puissance américaine qui lui
permettent de se projeter à l’échelle mondiale depuis
son territoire.
Le fond de carte fournit correspond à l’échelle
mondiale.
La légende doit permettre de rendre compte de la
diversité des atouts de la puissance américaine au
cœur de la mondialisation : puissance militaire,
économique, diplomatique.
Sans oublier de questionner cette puissance militaire
qui se heurte à de nouveaux défis avec de nouveaux
adversaires.
• Légende et carte
Carte les États-Unis et l’exercice de la puissance

Légende les États-Unis et l’exercice de la puissance


Thème 3

Étudier les divisions


politiques du monde :
les frontières
Introduction
Les frontières politiques telles que nous les connaissons
atteignent leur apogée aux XIXe-XXe siècles, quand ligne
Maginot et ligne Siegfried se font face le long de la
frontière franco-allemande [Chapitre 1]. Ce modèle
européen de frontière est exporté dans le reste du
monde : Asie, Proche-Orient, Afrique se couvrent de
frontières. En débat, certaines frontières sont contestées
économiquement, politiquement, culturellement et
deviennent les lieux, objets, moyens de conflits
[Chapitre 2]. Si l’accélération de la mondialisation et
l’extension du libéralisme a fait croire à certains que
l’heure était venue de la fin des frontières, on assiste en
réalité aujourd’hui à une complexification des frontières,
comme le montre les débats sur les frontières internes et
externes de l’UE [Chapitre 3].
Chapitre 1

Tracer des frontières,


approche géopolitique
Synthèse de cours
Introduction
« Tracer une frontière est un acte géopolitique par
excellence puisqu’il s’agit de délimiter des aires
d’exercice de la souveraineté, d’inscrire le politique
dans l’espace » affirme le spécialiste des frontières
Michel Foucher dans Frontières et limites (1991).
Le tracé des frontières est un processus conditionné
par les circonstances historiques et politiques : il est le
résultat d’une négociation ou d’un conflit entre voisins.
La frontière est ainsi intrinsèquement liée à l’affirmation
des États-Nations, tracer une frontière comprend une
dimension matérielle, juridique et symbolique, mais
aussi impose un contrôle de ce tracé. Ce processus de
délimitation des frontières comporte plusieurs phases.
Ces frontières évoluent et se multiplient des limes
antiques aux frontières politiques contemporaines (I).
Cette inflation des frontières nécessite un droit
international pour entériner le tracé de frontières
solides (II), les États renforcent les dispositifs de
contrôle face à la complexification des frontières entre
ouverture et fermeture (III).
Notions du chapitre : limes, droit international,
frontières naturelles, limes, frontières artificielles,
souveraineté, barrières douanières, murs
I. Du limes aux frontières politiques
actuelles
A. Aux origines : le limes rhénan
La frontière a à voir avec le front : manifestation
spatiale d’un rapport de forces, elle accompagne
l’expansion de la puissance romaine.
Le caractère flou des frontières dans les espaces
non contrôlés par les Romains : Les frontières à l’est
du Rhin entre les peuples semblent auparavant non-
linéaires. Dans La Guerre des Gaules, César insiste sur
ces espaces inhabités qui séparent les peuples
germaniques : « Ils pensent que la plus grande gloire
d’une nation c’est d’avoir au-delà de ses frontières un
désert aussi vaste que possible, car cela signifie qu’un
grand nombre de cités n’ont pu soutenir la gloire de ses
armes ».
L’installation de limes est une conception impériale
de la ligne de frontière : précise, scandée par des forts
occupés par des soldats capables de contrôler les
entrées, marquant précisément un dedans et un dehors
de l’Empire.
Le tracé des limes marque également la fin des
conquêtes de l’Empire et la solidification de ce vaste
territoire. Elle débute avec la prise de conscience de la
plus grande menace : les Germains après les vaines
tentatives de conquérir la Germanie (Désastre de
Varus).
Zoom notion
Le Limes
 En latin, il signifie « chemin de patrouille à la frontière ».
Pour permettre une vue dégagée, les Romains déboisent de
grands espaces.
 Le limes est constitué de murs de pierres, de tertres, de
fossés, de palissades, de tours de guet, de forts… Les murs
constituant le limes consolident les limites naturelles de
l’empire (rivières, montagnes, collines). Ce terme est utilisé
pour la 1re fois en 97 par l’historien Tacite.

Les fonctions du limes :


• Matérialiser la frontière entre Empire romain et
barbares ;
• Défendre l’Empire contre les attaques extérieures,
contenir les révoltes des peuples de l’intérieur ;
• Communiquer entre tours de guets par signaux visuels
ou sonores, permettre un déplacement rapide des
troupes ;
• Contrôler les frontières en établissant des points de
passage obligatoires pour les passages des
populations barbares, les marchandises (taxes).
Le limes rhénan protège les provinces de Germanie
supérieure et de Rhétie. Il est constitué de 60 places
fortifiées tous les 10 km (origine de Cologne, Strasbourg
ou Vienne), ponctuées de 900 tours de guet, pour avertir
au plus vite la prochaine place fortifiée de tout
mouvement germain. Des cohortes de 500 légionnaires
y sont stationnés. Le limes a pu s’étendre sur 600 km.
Ce Limes est détruit par les attaques des Alamans en
258 : une nouvelle ligne est établie par Aurélien
au IIIe siècle le long du Rhin et de l’Iller, affluent du
Danube.
B. Naissance des frontières et de la cartographie
modernes
Zoom notion
La « frontière »
 Selon Lucien Febvre le mot « frontière » apparaît en français
au XIIIe siècle. C’est alors un adjectif dérivé de « front ». Pour
la « zone-frontière » on utilisait le mot « fins » ou « confins »,
la ligne était la « borne » ou la « limitacion ». Au XVIe siècle,
le mot « frontière » prend son sens actuel de « ligne
conventionnelle marquant la limite d’un État ».
À partir du XVIe siècle, le Prince impose des lois, des
impôts sur un territoire délimité. L’apparition du modèle
d’État-nation, issu des traités de Westphalie (1648),
met un terme à l’idéal universel impérial et laisse place à
la délimitation de monarchies nationales. L’Europe se
fragmente en États souverains.
Les progrès de la cartographie rendent compte de cet
évènement diplomatique majeur. La cartographie permet
aux dirigeants de mieux prendre conscience de leur
territoire et de mieux le contrôler. Les limites politiques
apparaissent sur les cartes à la fin du XVIe. Jusque-là, les
cartes médiévales se souciaient peu des confins mal
connus, ornés de figures de monstres.
Dessiner une frontière sur une carte nécessite une
connaissance précise de la topographie. Des
arpenteurs enquêtent sur le tracé exact des frontières :
croquis, sources (cadastres médiévaux), bornes,
témoignages des anciens.
Au XVIIIe, l’arpentage, la cartographie et la topographie
font entrer la frontière d’État dans l’âge des Lumières et
instaurent un ordre rationnel de la frontière. Le pouvoir
s’adresse à des professionnels : les ingénieurs
topographes. Les États modernes se dotent de services
spécialisés pour la rédaction des cartes cadastrales, de
bureaux topographiques pour aider les diplomates.
Au XIXe siècle, les cartographes secondent les
diplomates et accompagnent les traités de cartes :
congrès de Vienne, traité de Berlin, traité de Versailles.
À Berlin, on découpe l’Afrique, les cartographes
reportent les décisions sur la carte.
L’idée de créer des limites précises, permettant de
clarifier les situations juridiques s’impose dans les
régions sous contrôle européen. Mais dans les faits, la
définition exacte des frontières nationales ne se fait que
sur le long terme : de nombreux États n’avaient toujours
pas déterminé les limites précises de leurs territoires à la
fin du XXe.
C. Une inflation des frontières au xxe siècle
Les frontières se multiplient avec la disparition des
Empires après la 1re Guerre mondiale qui laisse place à
des nouvelles nations (reconnaissance du fait national).
La décolonisation à partir de 1947 voit la fin des Empires
coloniaux, la naissance de nouveaux États indépendants
et donc la délimitation de nouvelles frontières selon la
conception européenne en Asie, Afrique.
L’implosion de l’URSS en 1991 et la fragmentation qui
s’ensuit explique la création de 10 % des frontières
actuelles. Depuis 1991 : plus de 26 000 kilomètres de
frontières politiques ont été tracés surtout en Europe et
en Asie centrale.
On compte 250 000 km de frontières aujourd’hui.
II. Définir le tracé des frontières
A. Des frontières naturelles ?
Longtemps les géographes ont voulu délimiter les
frontières par des données physiques : montagnes,
fleuves avec un potentiel défensif important. Le débat
est ancien : y a-t-il un déterminisme naturel pour limiter
les territoires ?
La doctrine des « frontières naturelles » émerge en 1793
avec Danton : « Les limites de la France sont marquées
par la nature, nous les atteindrons des quatre coins de
l’horizon, du côté du Rhin, du côté de l’Océan, du côté
des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre
République. »
Si cette théorie est contestée au XXe, elle a eu une
grande influence sur le tracé des frontières. Ces
données physiques facilitent le travail de délimitation.
ExempleL’importance des fleuves en Amérique du Sud
pour les frontières.
Des lignes imaginaires (méridiens et parallèles) sont
utilisées pour tracer des frontières : c’est le cas dans le
Sahara.
Cependant les facteurs géographiques ne sont pas la
justification unique.
Exemple Entre France et Belgique, la frontière dans une
plaine aisément franchissable est le fruit d’une
longue histoire.
B. Le résultat de rapports de force
Pour Friedrich Ratzel, fondateur de la géopolitique
allemande, au XIXe siècle, les États les plus dynamiques
s’étendent aux dépens des plus faibles : les frontières
sont dynamiques.
Jacques Ancel en 1938 dans la Géographie des
frontières montre que la frontière « est déterminée non
par la nature mais par l’homme ». L’étude des frontières
relève donc de la géographie humaine et non physique.
Il la définit comme : « un isobare politique qui fixe, pour
un temps, l’équilibre entre deux pressions ».
La frontière n’est jamais que la résultante, toujours
provisoire, d’un rapport de forces. La viabilité d’une
frontière ne dépend pas de sa concordance avec des
obstacles physiques, mais de la cohésion des
populations qu’elle renferme, capables par leur unité
d’opposer une force de résistance aux pressions
extérieures. Inversement, le défaut d’unité nationale se
traduit par un affaiblissement des frontières.
Ainsi, le tracé de frontières très sinueux, avec des
saillants, des entrants, est le reflet de conflits successifs
historiques.
Les frontières peuvent être aussi le résultat de
stratégies plus complexes. C’est le cas par exemple
pour les régions dominées par des puissances distantes.
L’Afrique est ainsi partagée entre États européens à la
fin du XIXe siècle en fonction des rapports de force
existants en Europe.
Exemple Les tractations britanniques pour accorder le
Kilimandjaro à l’Allemagne.
C. Le rôle du droit international
L’établissement d’une frontière dans le droit
international moderne n’impose aucun critère autre
que la volonté (et la puissance). Il n’est pas nécessaire
de respecter le relief : la frontière naturelle n’est pas
reconnue en droit positif. Elle est un marqueur du
respect de l’identité culturelle et de la spécificité juridique
exigé de l’autre et, réciproquement, reconnu à l’autre.
Les frontières internationales sont définies comme
intangibles : elles ne peuvent être modifiées sans accord
entre États ou décision de justice internationale.
Sa détermination s’effectue en deux phases : la
délimitation et la démarcation (ou concrétisation sur le
terrain de son emplacement).
Les fonctions de la frontière moderne :
• Protéger par la régulation du passage des personnes
et des biens ;
• Délimiter le domaine de validité spatiale d’un ordre
juridique : ligne établissant où commence et où finit la
souveraineté de deux États voisins.
Zoom notion
La souveraineté dans les relations internationales
 Les relations internationales sont fondées sur l’égalité de
souveraineté des États ayant pour corollaire les principes de
non-intervention et d’interdiction du recours à la force (art. 2
de la Charte de l’ONU). Ce sont donc les États qui limitent
leur souveraineté en prenant des engagements. La contrainte
du droit international n’est pas présumée : elle est choisie
(négociation) et délimitée (contrat) par les États eux-mêmes.
Mais, si les États ne sont pas juridiquement hiérarchisés, ils
ne sont pas, non plus, géopolitiquement égaux. La réalité de
la scène internationale reste dominée par les rapports de
force.

Le rôle des organisations internationales :


• La SDN après 1919 intervient dans la fixation des
frontières, avec l’application du « droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes ».
Exemple Disparition d’un empire multiethnique austro-
hongrois laissant place à des États-Nations plus
petits.
• Après 1945, l’ONU déploie le principe du respect de
l’intégrité territoriale des États : en théorie un État
ne peut en agresser un autre pour modifier son tracé
frontalier.
• L’ONU envoie des forces d’interposition pour faire
respecter ces tracés. Certaines frontières sont des
lignes de cessez-le-feu.
Exemple La « ligne Attila » à Chypre, qui n’est pas la
vraie frontière de l’État.
• Ces principes peuvent se contredire : d’un côté
l’ONU fixe le principe de la garantie territoriale des
États, mais elle défend le principe du « droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes » (cas de la Serbie et
du Kosovo).
Les grandes organisations régionales essaient de
pacifier les questions frontalières.
Exemples

– L’Union Africaine lance un programme pour parvenir


au règlement pacifique des conflits frontaliers. Les
nations africaines proclament l’intangibilité des
frontières héritées de la décolonisation. Le sort des
pays qui se sont risqués à modifier leur tracé (Somalie,
Soudan, Érythrée) rend prudent… Idée que les
frontières produiront de l’unité nationale
mécaniquement.
– Le Mercosur pour la frontière Brésil-Argentine.
– L’UE intervient avec des programmes comme Interreg,
à l’interne, et à l’externe avec des programmes comme
TACIS, PHARE, MEDA, dans le cadre de sa politique
de voisinage (PEV).
D’une certaine façon, les frontières sont sacralisées.
III. La complexification des frontières après
1945
A. Défendre et protéger : le rôle des États
Les États mettent en œuvre les mesures de surveillance
de la frontière et de restriction des mouvements
frontaliers. Ils peuvent le faire de manière intense avec
des frontières fermées, ou non, frontières ouvertes.
Les États ont souvent placé d’importantes forces
militaires sur les frontières. Au XVIIe siècle, de nombreux
forts sont construits par Vauban pour protéger le
territoire du roi de France. La présence militaire joue un
rôle structurant dans ces régions. Un mur peut être créé
pour surveiller le passage et protéger d’attaques.
La Grande Muraille de Chine, en France la ligne
Exemple
Maginot dans les années 1930.
Avec les changements technologiques (transport
aérien), la ligne frontière n’est plus le principal lieu où
s’exercent ces contrôles : les technologies militaires se
sont transformées et les moyens de transport ont gagné
en rapidité, les avions et les missiles passent sans
encombre les murailles terrestres.
Mais les restrictions aux mouvements de
populations restent importantes avec l’instauration de
barrières au sens matériel du mot. En plus des contrôles
intérieurs, les contrôles individuels à la frontière se
renforcent.
ExempleLes smart borders prennent le relais face à la
multiplication des flux alliant : dispositif informatisé
de surveillance des véhicules, contrôle des
étrangers désireux de se rendre aux États-Unis avec
système de pré-filtrage par ordinateur, collecte de
données biométriques.
B. Des frontières économiques entre ouverture
et renforcement
Depuis 1945, si les restrictions aux mouvements de
marchandises ont eu tendance à diminuer, la frontière
reste une ligne qui délimite le territoire douanier :
• Aux frontières sont subies des contraintes allant de
simples normes aux embargos en passant par des
mesures de protectionnisme tarifaire, des contrôles et
des interdictions qui contreviennent à une parfaite
mobilité des biens et services, des capitaux, des
hommes.
• Les ports avec la maritimisation de l’économie (rôle de
la conteneurisation) deviennent les lieux privilégiés de
cette surveillance, comme les aéroports.
• Le territoire douanier d’un pays n’est pas forcément le
même que le territoire politique, il peut être plus étendu
ou plus petit, en fonction des accords régionaux.
Aux frontières économiques nationales s’ajoute
l’émergence de frontières régionales que la
décentralisation renforce, en tout cas dans les pays
européens, ou de frontières entre blocs commerciaux
comme l’ALENA nord-américaine ou l’ASEAN du Sud-
Est de l’Asie.
L’Union européenne fournit le meilleur exemple de
cet enchevêtrement de frontières qu’a sanctionné le
principe de subsidiarité : à chaque niveau ses
responsabilités et ses compétences, mais aussi ses
instances de décision. Ici l’emboîtement des frontières
est un emboîtement des souverainetés.
C. Le retour des murs : matérialiser les tracés
C’est une idée reçue, la mondialisation fait disparaître
les frontières. La disparition du mur de Berlin en 1989 a
fait oublier cette réalité : presque inexistantes en 1950,
les frontières fortifiées sont une quinzaine entre 1975 et
2000 et approchent la soixantaine aujourd’hui.
Deux raisons prédominent : la lutte contre le terrorisme
et le contrôle de l’immigration illégale. Les deux
préoccupations peuvent d’ailleurs coexister. S’y ajoutent
quelques véritables lignes de défense (Sud Maroc,
Corée) pour prévenir des attaques de type militaire.
Quelques exemples :
• Sahara occidental (1980-1986) : 2 000 km de
remblais de sable, champs de mines et barbelés.
Depuis le retrait de l’Espagne et de la Mauritanie, le
Maroc possède seul le Sahara occidental. En 1980, il
décide de mettre un terme aux incursions des
indépendantistes du Front Polisario et construit le
« mur de sable ». Élément de conquête, il tend aussi à
freiner le flux migratoire en provenance du Sahel.
• Ceuta et Melilla (1995) : 8 km de long à Ceuta, 12 km
à Melilla, passé de 3 à 6 m de haut en 2005, double
grillage rehaussé de barbelés. Gardé par la Guardia
civil. Côté marocain, un enchevêtrement de fils de fer
souples. À partir des années 1990, la pression
migratoire en provenance d’Afrique sature les centres
d’accueil espagnols. Le Maroc, qui revendique ces
enclaves, accepte de reprendre certains migrants
contre compensation financière.
• Israël : 500 km, mur de béton de 6 mètres de haut
entrecoupé de miradors, de caméras et de « check-
points » en acier et barbelés. En construction depuis
2002, il devrait atteindre 720 km. Face au djihadisme
palestinien, la barrière israélienne coupe les colonies
juives des villages palestiniens, créant de véritables
ghettos urbains. Elle entérine certaines conquêtes de
1967, dont la très symbolique Jérusalem-Est, mais
renonce à l’essentiel de la Cisjordanie. Couplée au
« dôme de fer », le système de missiles d’interception
antibalistique, la barrière a fait chuter le nombre
d’incursions et les attentats terroristes.
• Grèce/Turquie (2012) : 10 km entre Andrinople et
Edirne, des rouleaux de barbelés superposés derrière
un grillage, caméras thermiques, miradors. La crise
économique conjuguée à la guerre en Syrie a poussé
Athènes à financer cette barrière anti-migrants. Cette
première clôture a déporté la pression sur les îles
grecques et la Bulgarie.
Conclusion
Les tracés des frontières perdurent, se renforcent
parfois au risque de devenir des murs. Surtout la
nature des frontières change : les frontières nationales
doivent tenir compte de la multiplication des lignes de
démarcation (organisations régionales), mais elles
gardent leur prééminence.
Dans la mondialisation actuelle, contrairement aux
idées reçues, il n’y a pas de « fin des frontières », mais
une multiplication de celles-ci. La frontière au sens
large garde son rôle protecteur, de défense, dont le
symbole le plus flagrant est le retour des murs.
Fiche méthode

Méthode

Rédiger la conclusion
• Conseils généraux
La conclusion est importante : c’est la dernière
impression laissée au correcteur.
Il faut donc la soigner particulièrement.
Pour ne pas bâcler la conclusion : il faut la préparer le
plus possible avant la rédaction.
Au brouillon, lister 3 ou 4 idées pour bâtir la
conclusion : idées d’ouverture, éléments nuançant la
démonstration sans pour autant remettre cause les
résultats.
Les 3 étapes de la conclusion
1. Faire le bilan de la démonstration : résumer le plan
en reprenant les conclusions intermédiaires des parties
et en soignant les articulations pour montrer une
dernière fois la cohérence de l’argumentation.
2. Apporter une réponse à la problématique :
reprendre les termes de la problématique pour que le
correcteur comprenne ce que l’on est en train de faire.
3. Proposer une ouverture : essayer d’élargir le sujet
tout en restant dans le cadre de la problématique, ou
proposer un exemple illustrant la réponse à la
problématique ou soulevant de nouvelles questions.
Attention Si on sent qu’on va se contenter d’une généralité sans
intérêt, mieux vaut s’en tenir à la réponse apportée à la
problématique…

Méthode appliquée
Conclure sur le sujet

« Peut-on parler d’un effacement des frontières


dans la mondialisation ? »
• Analyse du sujet :
« Frontières » et « mondialisation » : deux termes que
tout oppose.
Les « frontières » sont celle qui « font front », lieux de
rupture, de discontinuités. Attribut fondamental des
États-Nations, elles se multiplient au XXe siècle. Malgré
les discours « sans frontiéristes », l’actualité montre
qu’elles n’ont pas disparu, au contraire…
La « mondialisation » s’oppose à ces frontières, tout en
en jouant.
Exemple Mise en place de la NDIT, Nouvelle Division
internationale du Travail, qui joue sur les
différentiels de niveau de vie/besoins, « effet-
frontière »). Elle s’accélère depuis les années 1980
portée par l’idéologie libérale triomphante et
appelle à la naissance d’un monde sans barrières
(économiques) : la globalisation. Elle agit sur les
espaces-frontières dont les dynamiques sont
modifiées : on parle de « retournement des
frontières ».
Cependant, à l’heure de la « mondialisation
heureuse », allons-nous réellement vers un effacement
des frontières ? L’étude approfondie de celles-ci
montre au contraire le paradoxe suivant :
En ce début du XXIe siècle, plus qu’à une disparition
des frontières, n’assiste-t-on nous pas à une
complexification des frontières ? .
• Proposition de plan :
Le développement peut être mené en trois temps.
 Un état des lieux de la diversité des frontières après
un rappel historique : le XXe siècle est celui de la
multiplication des frontières (économiques, politiques,
culturelles).
 La remise en cause des frontières qui semblent se
« retourner » : elles deviennent des espaces
d’échanges dynamiques.
 Enfin, il faut relativiser ce « retournement des
frontières » : alors que les discours dominants
appellent à la disparition des frontières, on assiste à
une complexification de leurs rôles. De nouvelles
frontières apparaissent proches de leur sens originel
de barrières.
Conclusion
• (Synthèse) La frontière est une réalité historiquement
définie avant-même qu’on ne puisse la définir : « la
frontière a précédé l’État qui a précédé la nation » (R.
Pourtier). Il existe des frontières géographiques,
juridiques, économiques, mais l’invention de la
frontière telle qu’on la connaît est liée à l’émergence de
l’État-Nation (I). Mais avec la mondialisation les
frontières ont apparemment perdu de leur intérêt, au
même titre que l’État qui semble remis en cause : les
NTIC semblent effacer les frontières, les flux de
personnes et de biens à la faveur de la tertiarisation de
l’économie et des sociétés les traversent. Le monde
semblait s’ouvrir à une ère d’interrelations et
d’échanges : la « globalisation » (II). Cependant,
l’attaque du World Trade Center à New York en 2001
signe le passage à une période où la sécurité redevient
le credo majeur et les frontières s’emmurent pour faire
face à de nouvelles peurs (immigration, terrorisme,
pauvreté, insécurité) (III).
• (Réponse) Ainsi on constate aujourd’hui que la
mondialisation s’accompagne d’un mouvement de
consolidation territoriale et d’un retour des frontières
face aux nouveaux défis globaux. Plus qu’un
effacement des frontières, on assiste à une
transformation de celles-ci.
• (Ouverture) Les frontières se complexifient et
deviennent des lieux de sélection à l’image de la
frontière américano-mexicaine : ouverte pour les flux
de marchandises avec les maquiladoras, mais fermée
pour les migrations clandestines (reprise de la
construction du mur déjà existant par D. Trump en
2017).
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Frontières et conflits »
Introduction
• (Accroche) Michel Foucher dans L’obsession des
frontières (2007) fait état de 26 000 km de frontières
terrestres apparues depuis 1991, alors que les
processus d’effacement sont au contraire très rares
(dans le cadre des régionalisations par exemple). D’où
un monde toujours aussi fragmenté où un
grand nombre de conflits subsistent.
• (Définition des termes du sujet) La définition par les
géographes des frontières est double et recoupe la
dialectique classique entre conflit et coopération,
fermeture et ouverture. Si on peut les considérer
comme des interfaces, des lieux d’échanges
dynamiques, les frontières restent des lieux de
discontinuités majeurs dans le monde contemporain,
objet de différends, de modifications et donc de
nombreux conflits. L’étude des conflits recoupe les
guerres armées traditionnelles, mais aussi de
nouveaux conflits à différentes échelles (autres que
nationales, et de natures diverses : environnementales,
économiques, culturelles, asymétriques…). Le lien est
donc ancien entre frontières et conflits.
• (Problématique) De nos jours, le globe en mouvement
accéléré les inclut dans la problématique de la
mondialisation. Il s’agit ici de se demander en quoi les
frontières en se métamorphosant produisent elles-
mêmes de nouveaux conflits ?
• (Annonce de plan) Les frontières sont des lieux de
conflits anciens interétatiques (I). Cependant, si les
conflits frontaliers entre États semblent en diminution,
de nouvelles frontières sont aujourd’hui le lieu de
nouveaux conflits dans la mondialisation (II).
I. Les frontières : lieux de conflits anciens
A. Les conflits aux origines des frontières
• Affirmation de puissance par excellence, la frontière est
à la fois l’objet d’une appropriation territoriale et
l’aboutissement de conflits.
• L’invention des frontières remonte au XVIIe siècle : le
traité de Westphalie clôt ainsi une longue (seconde)
guerre de Cent ans.
• Ce sont des conflits successifs qui ont abouti à ces
tracés frontaliers.
B. La naissance d’un droit international
pour apaiser les conflits aux frontières
• Les organisations internationales comme l’ONU,
depuis 1945, interviennent dans la fixation des
frontières, avec l’application du « droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes » qui a conduit à modifier les
frontières, ou le principe de respect de l’intégrité
territoriale des États. En théorie un État ne peut en
agresser un autre pour modifier son tracé frontalier.
• Mais ces principes mêmes peuvent être conflictuelles.
Dans le cadre de l’ex-Yougoslavie, en Serbie et
Exemples
au Kosovo.
• Les frontières internationales, terrestres et maritimes,
dans un monde d’États souverains sont réaffirmées par
des voies légales, par des moyens technologiques de
surveillance et de sécurité.
Exemple En mer de Chine.
• La plupart des grandes organisations régionales essaie
de pacifier les questions frontalières. Les frontières
interétatiques font l’objet d’un processus d’ouverture,
dans le cadre des phénomènes d’intégration régionale,
UE, Alena, Mercosur, etc. Nous avons là une frontière
pacifiée, qui devient plutôt une interface qu’un lieu de
rupture.
C. Une tendance : la diminution des conflits
interétatiques aux frontières
• Aujourd’hui, on assiste plutôt à un apaisement des
conflits frontaliers, même si des conflits interétatiques
anciens demeurent : ces conflits sont estimés à une
quarantaine.
• Des tensions persistent. Par exemple : les menaces
transfrontalières au Moyen-Orient et en Afrique ; la
violation de frontières agréées en Europe ; les risques
issus des héritages de 1945-1953 dans la péninsule
coréenne ; les enjeux frontaliers entre Bolivie et Chili
qui remontent à la guerre du Pacifique au XIXe siècle ;
le conflit du Cachemire depuis la partition de l’Inde en
1947 ; les frontières d’Israël depuis 1948.
• L’évolution de l’armement explique également le recul
de ces conflits intraétatiques : on peut lancer des
attaques en plein cœur du territoire ennemi (drones,
missiles, terrorisme). A priori, la frontière paraît avoir
perdu de son importance en termes de conflictualité.
• (Transition) Paradoxalement, l’époque de la
mondialisation heureuse voit se poursuivre ce
processus ancien de délimitation des frontières. Le
droit international issu de l’établissement des frontières
est lui-même un moteur actif de cette fragmentation,
avec l’application du « droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes ». Aujourd’hui : les nouvelles frontières
multiplient les risques de conflits.
II. Nouveaux conflits, nouvelles frontières
A. De nouveaux conflits frontaliers
• Les conflits liés aux flux migratoires entraînent la
fermeture des frontières face aux mouvements
migratoires, comme entre le Mexique et les États-Unis,
ou sur certaines frontières sud de l’UE (depuis 2015).
• Des conflits frontaliers sont liés au contrôle de
ressources. Le pétrole présent sur la nouvelle
frontière entre les deux Soudan pose ainsi des
problèmes de tracé. Le transit des ressources peut
poser des problèmes de frontière, comme le conflit
gazier russe entre Russie, Biélorussie et Ukraine.
• Les conflits frontaliers voient l’émergence de
nouveaux acteurs dans les « zones grises ». La
frontière post-moderne peut échapper au contrôle de
l’État (État failli). Sur ces zones frontalières les conflits
peuvent être liés à des groupes armés qui s’implantent
dans les zones périphériques.
Exemples Les zones frontalières entre Rwanda, RDC et
Ouganda dans la région des Grands Lacs, la
frontière est contrôlée par des groupes mafieux.
On peut avoir enfin des conflits transfrontaliers
criminels, comme avec les cartels de la drogue
dans le Nord du Mexique.
• Des conflits se développent à de nouvelles
échelles.
• On peut avoir des méta-frontières qui vont séparer,
au-delà des États, de grands ensembles socio-
culturels et cristalliser des points de conflictualité
(théorie du « Choc des civilisations » de S.
Huntington). Exemple de l’interface méditerranéenne,
ou la frontière entre États-Unis et Mexique qui sépare
également 2 Amériques : frontière entre 2 régions
économiques avec un fort différentiel de
développement.
• Des frontières urbaines (socio-économiques) sont le
lieu de nouveaux conflits comme dans les ghettos des
villes américaines.
Exemple Émeutes de Los Angeles en 1992.
• Certaines frontières infra-urbaines ont été organisées,
comme en Afrique du Sud avec les Bantoustans et les
Townships.
B. … matérialisant de nouvelles frontières
• La frontière se matérialise à travers les nouvelles
technologies.
ExempleNovembre 2010, incident diplomatique entre le
Nicaragua et le Costa Rica car sur Google maps,
le Costa Rica a estimé que le tracé de la frontière
était à son désavantage. Cette frontière virtuelle
sur Google a fait l’objet d’un incident diplomatique.
• Les murs frontaliers ont suivi une évolution
particulière. On en compte 21 construits entre 1945 et
1989 durant la Guerre Froide. 6 ont été construits entre
1991 et 2001, et une trentaine depuis le 11 septembre
2001. Michel Foucher recense 18 000 km de murs sur
les frontières en 2007. Cette matérialisation de la
frontière peut prendre différentes formes sur le
territoire. Ainsi, si le mur pour les Israéliens est un
symbole de sécurité, il est symbole d’oppression pour
les Palestiniens.
• La volonté de faire des frontières blindées apparaît
comme en Europe avec FRONTEX. Si ses frontières
internes peuvent s’effacer, elles sont remplacées par
des formes immatérielles de contrôles, comme le
système Schengen avec non plus un contrôle à la
frontière mais un fichage des individus. La frontière
n’est pas fermée, mais devient une frontière filtre.
Avec l’arrivée ou l’expulsion de migrants illégaux, les
aéroports internationaux deviennent des lieux de
conflictualité.
• La frontière électronique entraîne des cyber conflits.
Certains États vont tenter d’établir des frontières sur
Internet, pour que leurs populations ne soient pas
« infectées » par certaines idées.
Exemple Baidu en Chine.
Conclusion
• (Synthèse) Les frontières ont longtemps été définies
comme des lieux révélateurs des rapports de forces
entre deux États. Cette conception est à l’origine de
l’émergence d’un droit international souhaitant réguler
ces rapports de force. Si les frontières changent de
nature et de lieux, les conflits frontaliers loin de
s’effacer se multiplient et changent de nature au
tournant des XXe et XXIe siècles.
• (Ouverture) Les discours sur un monde sans frontières
ont marqué la fin du XXe siècle laissant penser que
l’analyse de conflits appartenait désormais à une autre
époque, mais il n’en est rien.
Chapitre 2

Les frontières en débat


Synthèse de cours
Introduction
La mondialisation actuelle depuis les années 1980 a
conduit à l’accélération des flux de personnes,
d’informations à l’heure des NTIC, des flux financiers,
des marchandises, amenant à une relativisation des
frontières, dans leurs représentations comme dans leur
matérialité.
Les frontières, discontinuités territoriales, limites
étanches entre États, sont mises désormais à rude
épreuve dans la mondialisation. G. Wackermann dans
Cités, murs et frontières (2007) parle même de
« défrontiérisation ». Pourtant, plusieurs décennies
après l’émergence de l’utopie du « sans-frontiérisme »
(ex : Médecins sans frontières en 1971), ces dernières
sont toujours présentes. N’assistons-nous pas plutôt à
une complexification des frontières avec la notion de
« frontière épaisse » comme le laisse penser les
nombreux débats contemporains ?
Notions du chapitre : sans-frontiérisme, libéralisme,
protectionnisme, migrations internationales, interface,
maquiladoras, coopérations transfrontalières, porosité,
frontière épaisse, filtre, nouvelles frontières,
cyberespace, ZEE, OMI.
I. Des frontières dépassées dans la
mondialisation ?
1. La fin des frontières nationales ?
Notre époque serait celle de la fin des frontières. La
cause principale en est la mondialisation.
Le commerce mondial est passé de 61 à 1 850 Mds $
entre 1950 et 2013, soit une multiplication par 30. Les
droits de douane ont été progressivement réduits,
comme le contrôle sur les mouvements de capitaux, les
flux d’investissements directs à l’étranger sont passés de
13 à 1 452 Mds $ entre 1970 et 2013 selon la CNUCED.
Les migrations internationales n’ont pas progressé pour
autant, mais les crises traversées depuis 1973 ne les ont
pas ralenties, au contraire.
Parallèlement émerge un droit international des affaires,
se créent des juridictions supranationales comme la
Cour pénale internationale (statut de Rome 1998) qui
marginalisent les frontières juridiques.
Les progrès du libre-échange (164 pays membres de
l’OMC en 2019), la construction d’ensembles régionaux
contribuent à laisser passer de marchandises :
associations de coopération, zones de libre-échange,
unions douanières dont les membres adoptent une
politique commerciale commune (MERCOSUR, CEE),
les marchés communs se multiplient, remettant en cause
la définition traditionnelle des frontières.
Semble émerger un ordre public supranational se
substituant aux traditionnelles relations interétatiques.
Les frontières n’y sont pas explicitement abolies, mais
sont dévaluées. Leur légitimité est contestée au nom du
libéralisme économique et politique.
2. Le retournement des frontières économiques
La frontière-interface permet aux acteurs économiques
de jouer sur les différences salariales, fiscales,
monétaires de chaque côté de la frontière : ces espaces
frontaliers deviennent des espaces dynamiques (« effet
frontière ») : on assiste à un retournement des frontières
dans la mondialisation actuelle.
ExempleDe la frontière entre nord du Mexique et États-
Unis avec la mise en place à partir des années 1960
du programme des maquiladoras : un régime
d’exonération fiscale pour l’installation des usines
d’assemblage américaines important les
composants et exportant les produits finis. [Voir
méthode appliquée suivante]

D’autres formes de développement économique


frontalier apparaissent :
• Les coopérations transfrontalières se multiplient,
associant collectivités locales, États, autour de projets
de développement.
Exemple Les Eurorégions.
• Les zones franches.
Exemple En Chine 1976.
• Le phénomène des travailleurs transfrontaliers se
développe.
Exemple Entre la France et la Suisse, l’Allemagne, le
Luxembourg.
3. Des frontières poreuses
Les frontières deviennent poreuses : elles sont
abaissées avec la réduction des droits de douane, la
disparition du contrôle des changes, traversées par les
FMN au gré de leurs stratégies, survolées par les
satellites…
De nouveaux acteurs se jouent des frontières : des
flux illégaux échappent à l’action des États (migrations
clandestines, terrorisme, économie illicite). La porosité
des frontières met en évidence l’incapacité des acteurs
étatiques à garantir leurs frontières.
Exemples En Afrique subsaharienne, la porosité des
frontières permet la multiplication de flux illicites :
trafic de drogues, porosité des frontières
sahariennes vers l’Europe, faiblesse des systèmes
judiciaires et policiers nationaux, accélération de la
circulation des armes depuis la guerre civile en
Libye (2011). Dans la zone sahélo-saharienne, les
frontières protègent les trafiquants locaux des
poursuites et ralentissent les enquêtes.
II. Des frontières transformées et de
nouvelles questions
1. Une redéfinition des frontières : la « frontière
épaisse »
Zoom notion
La « frontière épaisse »
 Si l’on prend en considération les frontières en matière de
migrations, on peut parler de « frontière épaisse » comme
dans le cas de l’étude de l’historienne Sabine Dullin en Union
soviétique entre 1920 et 1940. Elle analyse la zone frontière
qui se constitue avec réseaux de passeurs, système de
surveillance étatique, frontière vécue. Sa thèse permet de
mettre en avant les inégalités dans les modes d’accès à la
frontière.

La frontière s’épaissit : il s’agit d’une riposte à la


pénétration des territoires par les réseaux.
En réaction, les contrôles s’étendent de plus en plus
dans l’espace :
• À l’intérieur du territoire avec la police aux frontières qui
s’installe dans les aéroports.
• Avant même l’arrivée sur le territoire surtout, avec les
visas délivrés dans les consulats à l’étranger.
Exemples Le Royaume-Uni a obtenu encore plus lors des
accords du Touquet de 2003 : les contrôles
d’immigration doivent être effectués de l’autre côté
de la Manche, en France, et c’est à cette dernière
de gérer le problème des immigrants illégaux de
Calais.
Les frontières n’ont pas disparu mais se sont
complexifiées et déplacées. Si les frontières
matérielles peuvent s’effacer, elles sont remplacées par
des formes immatérielles de contrôle. Ainsi le
système de Schengen remplace le contrôle à la frontière
par un fichage des individus, à l’appui d’une frontière
filtre.
La frontière devient ponctuelle, interne au territoire,
nécessitant contrôle et législation et peut se révéler
zones de conflictualités (contrôle dans les aéroports).
Ainsi la notion de frontière nationale change :
aujourd’hui la frontière est partout, elle s’étend en
profondeur et s’épaissit. Elle devient technique et même
« intelligente ».
La frontière est un filtre : elle ne bloque pas les
échanges et les flux, elle les sélectionne.
Zoom notion
Les smart borders
 Après les attentats du 11 septembre, le président Bush lance
un programme de smart borders, de frontière intelligente
capable de remplir son rôle : reconnaître ce qu’il faut
empêcher de passer et le retenir. Les techniques les plus
modernes sont mobilisées. Le résultat est la multiplication
des murs à travers la planète, hérissés de caméras avec
capteurs biométriques, de senseurs, d’appareils à rayon X et
surveillés par des drones.

2. L’édification des murs : le retour des frontières


La frontière en cas de nouvelles menaces redevient un
mur : immigration, terrorisme, pauvreté, violence
urbaine, ou criminalité.
On trouve dans cette catégorie le mur anti-immigration
entre les États-Unis et le Mexique, les barrières autour
des enclaves espagnoles au nord du Maroc, la clôture
entre l’Inde et le Bangladesh, les constructions en cours
sur les frontières entre l’Arabie saoudite et l’Iraq, Israël
et l’Égypte et sur les frontières de l’espace Schengen.
Ces murs-frontières sont construits sur des frontières
non contestées et participent de la volonté de rendre une
frontière étanche.
Pour certains chercheurs, il existerait aujourd’hui plus
d’une soixantaine de murs de séparation dans le monde,
représentant jusqu’à 40 000 kilomètres, soit 13 % des
frontières.
3. L’analyse de M. Foucher : une mondialisation
des frontières ?
Zoom auteur
M. Foucher, L’obsession des frontières, 2007
 Géopoliticien, ses travaux portent sur les questions d’États et
de frontières, en Europe et dans le monde. Né en 1946,
Michel Foucher a fait des études de géographie, influencé par
Yves Lacoste, il a notamment fondé l’Observatoire européen
de géopolitique (Lyon) dont il est le directeur jusqu’en 1998.
 Dans cet ouvrage il défend la thèse suivante : alors que
l’idée est répandue de la disparition des frontières, il faut
constater la permanence de celles-ci et surtout leur
solidification : la mondialisation s’accompagne d’une
intensification des limites, et même du durcissement des
moyens consacrés à leur préservation.

La thèse de M. Foucher dans L’obsession des frontières


est la suivante : la multiplication des frontières n’est pas
en contradiction avec la mondialisation, mais son
corollaire : à l’ouverture économique et physique
répond la consolidation territoriale
Dans cet ouvrage, il rappelle la définition des
frontières : « discontinuités territoriales, à fonction de
marquage politique » et évoque notamment le processus
de leur élaboration à travers les quatre phases de la
mondialisation.
• La première partie étudie les règlements récents en
recherchant des problématiques locales.
• La deuxième partie, « Clôturer les limites », se
concentre sur les frontières-clôtures. Si le démontage
du mur de Berlin a symbolisé une ère d’ouverture
appelée à s’étendre, un contre-modèle l’a évincé. Ces
nouveaux murs sécuritaires incarnent une
mondialisation négative.
• La troisième partie s’intéresse aux Balkans et aux
confins russes, pour décrire la production continue de
frontières en Europe, ce continent est déjà le plus
morcelé du monde.
• Enfin, la quatrième partie s’interroge sur les frontières
possibles pour l’Europe, en envisageant plusieurs
scénarios : américain (tout le continent sauf la Russie),
confédéral (fusion avec l’espace du Conseil de
l’Europe), sans la Turquie, grand marché continental
ou scénario des frontières temporaires.
III. Les nouveaux lieux des frontières
A. Frontières maritimes
Aux frontières terrestres s’ajoutent également des
frontières maritimes, souvent très conflictuelles et plus
complexes : ce n’est pas uniquement la souveraineté de
l’État qui est circonscrite, mais également des
compétences économiques (la Zone économique
exclusive limite non la souveraineté mais les
compétences économiques). [Voir le sujet de dissertation n° 8
ci-dessous]

B. Frontières aériennes
L’appropriation étatique s’applique également aux
espaces aériens.
Milieu à trois dimensions, l’espace aérien est
compartimenté en frontières horizontales nationales
suivant le tracé des frontières terrestres.
Mais il n’existe pas d’accord international fixant la
limite verticale de l’espace aérien donc pas de
frontières avec l’espace extra-atmosphérique (bien que
le monde aérospatial considère que l’espace aérien
s’arrête lorsqu’un objet ne peut plus utiliser la portance
de l’air pour se déplacer, soit entre 100 et 120 km) régi
par le principe de non-souveraineté.
La gestion des frontières aériennes répond à trois
enjeux : économique, sécuritaire et politique.
L’autorisation de transiter dans l’espace aérien ou
d’accéder aux aéroports nationaux dépend d’accords
étatiques bilatéraux qui ressortissent d’abord du
protectionnisme des compagnies « nationales ».
La création de zones de défense aérienne bien au-delà
des eaux territoriales, comme l’a fait la Chine en 2016 en
créant une zone d’identification aérienne qui couvre
l’ensemble des zones revendiquées en mer de Chine,
relève de la stratégie géopolitique d’un pays.
La fermeture des frontières aériennes, volontaire (en cas
de catastrophes naturelles) ou forcée (par des zones
d’interdiction aérienne) relève d’un acte politique aux
conséquences économiques et stratégiques majeures.
ExempleFermeture de l’espace aérien du Kosovo en 1999
ou des espaces européens lors de l’éruption
volcanique islandaise en avril 2010.
Avec la libéralisation du transport aérien de 1992 à
1997 et le Ciel unique européen, l’UE est le seul
exemple d’entité politique ayant accepté d’évoluer vers
une utilisation civile de l’espace aérien sans
considération des frontières nationales.
C. Frontières virtuelles
S’il est un domaine où les frontières ne semblent avoir
aucun sens, c’est le monde virtuel du Web. Pourtant les
différences culturelles et linguistiques contribuent à le
fractionner. Et la Chine a démontré qu’elle pouvait
contrôler l’accès de ses utilisateurs à la toile.
Des frontières virtuelles, électroniques, se développent :
on peut aller jusqu’aux cyber conflits. Certains États
essaient d’établir des frontières sur Internet à l’image du
débat actuel sur « la balkanisation de l’internet ».
Aujourd’hui, l’Internet est dominé sans partage par
l’empire hégémonique des États-Unis (Google), mais un
nouvel empire manifeste ses ambitions, la Chine
(Baidu).
Zoom notion
Le « bouclier d’or » chinois
 Le débat sur le rôle d’Internet et des médias sociaux est une
répétition de tous les débats sur les armes offensives ou
défensives, ou sur la prétendue “neutralité” de la technologie.
Mais il se joue à une échelle et dans une dimension inconnue
dans tout autre pays : il y a probablement 800 millions
d’utilisateurs de la toile en Chine, au premier rang mondial.
Mais ces utilisateurs évoluent dans un environnement de
contrôle absolument arbitraire, sans aucune garantie ni
contre-pouvoir. La technologie de contrôle de l’accès à partir
des mots-clefs est très efficace, même si les utilisateurs
chinois inventent constamment des périphrases. Lors
d’événements graves, par exemple, les émeutes ethniques
du Xinjiang en 2011, toute la région a pu être privée de
téléphonie mobile et d’Internet pendant plusieurs mois. Le
« bouclier d’or » permet de filtrer toutes les informations
venues de l’étranger.

Conclusion
« La réalité des frontières a été mise en cause à la fois
par les discours du « sans frontières », par le
mouvement de la mondialisation économique et
financière qui a contribué à un moindre contrôle des
frontières et, enfin, par l’installation de réseaux de
communication tissant la toile d’un cyberespace réputé
lui aussi « sans frontières », affirme Michel Foucher
dans « Le réveil des frontières » (2016). Cependant,
l’attaque contre les tours du World Trade Center à New
York en 2001 signe le passage à une période où la
sécurité devient le credo majeur. Face aux nouveaux
défis globaux, on constate aujourd’hui que la
mondialisation économique s’accompagne, au
contraire, d’un mouvement de consolidation territoriale.
La pandémie de Covid-19 marque en 2020 le retour
des frontières en tant que frontières sanitaires, la
majeure partie des pays fermant les leurs aux
étrangers venant de pays à fort taux de circulation du
virus.
Ainsi la notion de frontière nationale change-t-elle à
nouveau, comme elle l’avait fait au XVIIe, puis
au XIXe siècle. Aujourd’hui la frontière est partout, elle
est le « front de la mondialisation » selon la formule de
Jorge Bustamante. Elle s’étend en profondeur et
s’épaissit. Elle devient technique et même
« intelligente ». La frontière se modernise, se modifie,
se complexifie, s’adapte aux nouveaux défis mais elle
ne disparaît pas.
Fiche méthode

Méthode

Réaliser un croquis d’illustration


• Croquis, cartes et schémas
Les cartes, croquis et schémas sont les documents
géographiques par excellence. Il ne faut pas les
confondre.
Le croquis sert une démonstration, il veut montrer
quelque chose de précis en simplifiant la réalité et en
choisissant des figurés expressifs. Ils ont une valeur
d’exemples dans le développement.
Le modèle est un exemple d’organisation de
l’espace qui ne représente pas un espace réel.
• La représentation des informations
Comme la carte, le croquis comprend des figurés de 3
types :
 Des figurés de surfaces : des plages colorées,
éventuellement avec un dégradé de couleurs du clair
au foncé/du chaud au froid.
 Des figurés ponctuels : points, cercles, symboles
représentant des informations ponctuelles.
 Des lignes/flux de différentes épaisseurs.
• Un croquis comme une carte possède
nécessairement :
 Un titre
 Une légende
 Une échelle (rapport entre longueur mesurée sur la
carte et mesure réelle sur le terrain).
Le croquis peut représenter une grande diversité
d’échelles. L’échelle doit être définie « à la louche ».

Méthode appliquée

Sujet

« L’exemple d’une frontière-filtre entre États-


Unis et Mexique »
Consigne Réaliser un croquis représentant les
dynamiques frontalières entre États-Unis et Mexique à
partir de la carte régionale suivante : « Les dynamiques
frontalières entre le Mexique et les États-Unis »
Carte des dynamiques frontalières entre Mexique et
États-Unis

I. Analyse
La frontière entre États-Unis et Mexique court sur plus
de 3 140 km. Elle n’a pas bougé depuis 1853.
Paradoxalement, la construction du mur résulte de la
création de l’ALENA. Cet accord de libre-échange, signé
en 1992 entre États-Unis, Mexique et Canada, prévoyait
la libre-circulation des marchandises et des capitaux,
mais pas des hommes.
Une frontière-filtre se met donc en place caractérisée par
une forte dissymétrie entre un pays développé du Nord
avec le PIB/habitant le plus élevé au monde et un pays
en développement du Sud.
Elle favorise le développement économique des villes
frontalières (« villes-jumelles » comme San Diego-
Tijuana), des zones industrielles avec les célèbres
« maquiladoras » mexicaines (entre 1960 et 2000 : taux
de croissance annuel de 25 %, ralenti avec la
contraction des marchés mondiaux à partir de 2001 et la
concurrence asiatique), les flux d’IDE américains, flux
touristiques venant des États-Unis.
Mais également : des flux illégaux (immigrants illégaux,
drogues avec des cartels installés le long de la frontière),
des tensions dans les régions américaines frontalières
avec la forte proportion de population « latinos » (plus de
25 % dans les États américains limitrophes).
Cette situation dissymétrique aboutit à la mise en place
d’une frontière-filtre symbolisé par la construction d’un
mur (3 000 km) de métal à la frontière doublée déjà de
barbelés, projecteurs, caméras de surveillance, route de
patrouille, drones C’est en 2006 qu’est adopté le Secure
Fence Act renforcé ensuite (1 300 km construit en 2017).
Le financement de la construction du mur pour achever
l’ouvrage (promesse de campagne de D Trump) a mis
en difficulté le président américain (« shutdown »
américain, décembre 2018-février 2019, blocage du
budget fédéral au Congrès, recul temporaire de D
Trump).
II. Croquis simplifié
Mexamerica : exemple d’une frontière filtre
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Les espaces maritimes : de nouvelles


frontières ? »
Introduction
• (Accroche) L’expédition russe en Arctique en 2007
pour y planter un drapeau sur leur plateau continental
sous-marin montre que les espaces maritimes sont
devenus un nouvel enjeu d’appropriation pour les
puissances. Ils sont toutefois particuliers : leur contrôle
est difficile comme l’établissement de frontières.
• (Sujet et bornes) De manière globale, les espaces
maritimes constituent l’essentiel de notre planète : ils
recouvrent 70 % de la surface terrestre. Jusqu’à une
époque récente, ces espaces échappaient à une
appropriation territoriale. Mais cette appréhension des
espaces maritimes s’est modifiée dans la période
récente. Les « frontières » sont des zones d’échange,
des interfaces et délimitent également des territoires.
C’est donc à la fois une rupture et un espace
d’échange qui prend ici d’autant plus d’importance que
dans la mondialisation actuelle les voies maritimes,
détroits et passages jouent un rôle majeur. Si on parle
de « frontière » dans le sens d’un horizon à dépasser,
la frontière correspond à un front pionnier, sans cesse
repoussé, un espace en cours de mise en valeur,
encore mal connu. Cela rappelle les caractéristiques
particulières des espaces maritimes, comme leur
profondeur (jusqu’à 11 000 m). La question du contrôle
des océans est aussi bien politique qu’économique.
• (Problématique) Dans quelle mesure l’importance des
espaces maritimes dans l’économie mondiale accentue
les rivalités pour le contrôle de ces nouvelles
frontières ?
• (Plan) Les espaces maritimes sont des interfaces
majeures dans la mondialisation, leur appropriation en
fait de nouvelles frontières (I), lesquelles ouvrent de
nouvelles questions (II).
I. Les espaces maritimes : une délimitation
récente et précise
A. L’appropriation des espaces maritimes :
une délimitation récente
• Les espaces maritimes font l’objet d’une appropriation
récente par les États. La Convention des Nations
Unies sur le Droit de la mer (CNUDM), est signée à
Montego Bay (Jamaïque) en 1982 (164 États
signataires en 2013). Elle sert de base pour le zonage
de souveraineté du littoral vers la haute mer :
 La mer territoriale dont la largeur est fixée à
12 milles nautiques. L’État riverain y jouit de droits
souverains. Il en réglemente l’utilisation et en exploite
les ressources.
 La zone contiguë jusqu’à 24 milles des côtes :
« espace tampon », l’État côtier n’exerce pas sa
pleine souveraineté mais a le pouvoir d’y appliquer
des droits.
Exemplesdroits de douane et de police, lutte contre les
trafics…
 La zone économique exclusive (ZEE), jusqu’à
200 milles, est la zone dont l’État riverain peut
exploiter toutes les ressources. Lorsque les lignes de
base de deux États sont distantes de moins de
400 milles, la limite séparant leurs ZEE doit être fixée
d’un commun accord.
 La délimitation du plateau continental étendu au-
delà de la ZEE permet aux États côtiers d’étendre
leurs droits jusqu’à 350 milles marins des lignes de
base, ou jusqu’à 100 milles de l’isobathe
2 500 mètres (critère de profondeur). En contrepartie,
il contribue à un système de partage des revenus
tirés de l’exploitation des ressources minérales au-
delà de la limite des 200 milles, gérés par l’Autorité
internationale des fonds marins.
B. La naissance d’un droit maritime international pour
gérer ces nouveaux espaces et les différends qui en
résultent
 Les espaces maritimes internationaux s’étendent
au-delà de ces zones. Ils sont reconnus par l’ONU
comme un « patrimoine commun de l’humanité »
(1970).
 La haute mer commence au-delà de la limite de la
ZEE et représente 64 % de la surface des océans. Le
principe de la liberté y prévaut (de navigation, survol,
pêche…).
 L’OMI (organisation maritime internationale) est
l’institution spécialisée dans le domaine de la
navigation maritime de l’ONU, créée par une
convention internationale adoptée en 1948 et entrée
en vigueur en 1958. Son but est de fournir un moyen
de coopération entre les gouvernements pour le
commerce international maritime.
C. Les espaces maritimes : des interfaces majeures
dans la mondialisation
• La faiblesse des coûts, la standardisation des
moyens de navigation (la conteneurisation depuis les
années 1950-1960), accélère la constitution de
véritables routes maritimes : Asie-Europe via le
détroit de Malacca et Suez, route Pacifique entre Asie
et Amériques.
• Il faut ajouter les routes maritimes Nord-Sud qui relient
les pays producteurs de matières premières aux pays
consommateurs : ce sont des routes plus spécialisées
mais qui gagnent en importance.
• Se développent des façades maritimes : ce sont de
véritables frontières, mettant en relation arrière-pays et
foreland, où transitent aujourd’hui 90 % des
marchandises échangées.
• (Transition) Des espaces maritimes intégrés à l’espace
national qui supposent un contrôle accru, même si un
droit de passage « innocent » a été prévu pour les
détroits. Les espaces sont donc des frontières mettant
également en relation pays riches et pays pauvres
dans le cadre de la NDIT contemporaine.
II. De nouvelles questions
A. Des enjeux économiques
• Les richesses halieutiques (produit de la pêche) et
énergétiques de ces espaces maritimes motivent la
délimitation de ces frontières maritimes.
• La production off-shore d’hydrocarbures (gaz et
pétrole) représente 30 % de la production aujourd’hui.
Des découvertes récentes spectaculaires dans l’off-
shore profond (au-delà de 1 000 m) renforcent cet
engouement.
• Le statut de la haute mer est remis en cause : la
présence de ressources rares comme les nodules
polymétalliques dans le Pacifique pose la question de
leur exploitation.
B. Des enjeux stratégiques
• Les désaccords et tensions les plus marquées
concernent la délimitation des différentes zones de
souveraineté maritime et ils se multiplient à travers le
monde.
• La ZEE est devenue un formidable moyen
d’expansion géographique, et donc économique.
Une ZEE se revendique, et le demandeur déploie des
trésors d’ingéniosité pour légitimer ses droits sur une
île :
 Pékin transforme des récifs en île habitable (base
navale) ;
 La France possède des îlots inhabités où elle
maintient sa présence (Juan de Nova, canal du
Mozambique, un détachement militaire y est présent
depuis 1973).
 Le dossier le plus polémique concerne le plateau
continental arctique. Les fonds sous-marins de
l’Arctique peuvent renfermer 15 % des réserves de
pétrole, 30 % de celles de gaz, sans oublier l’intérêt
de nouvelles voies de commerce maritime. Moscou
juge qu’une chaîne de montagnes sous-marine est la
continuité géologique de la Sibérie et réclame des
droits sur cet espace arctique, prétention que lui
refuse le Canada.
• Les conflits maritimes sont nombreux, permettant de
voir l’intérêt de la présence d’une flotte stratégique
pour appuyer les revendications.
Exemple En mer de Chine entre marine américaine et
démonstration de force chinoise.
• Les espaces maritimes sont les lieux de déploiement
de nouveaux acteurs qui se jouent des frontières : la
piraterie moderne.
• Les lieux de passage forcés des grandes routes
circumterrestre.
Exemple Les détroits de Bab el Mandeb et de Malacca,
bordiers de l’océan Indien, sont propices au
développement de ces « effets-tunnels ». Ces
seuils, détroits, sont des espaces précis qui vont
faire l’objet d’une volonté de contrôle.
• (Transition) Les espaces maritimes sont donc sources
de contentieux pour : le contrôle des ressources, des
questions de souveraineté, des dangers liés à la
persistance de la piraterie, mais aussi des questions
de flux migratoires.
Exemple En Méditerranée.
Conclusion
• Ainsi, la mondialisation donne une place centrale aux
espaces maritimes, même si c’est de manière inégale.
Leur intérêt à ce titre en fait de véritables fronts
pionniers.
• Les enjeux stratégiques du contrôle des espaces
maritimes renforcent leur rôle de rupture, de coupure, à
l’image des frontières terrestres.
Chapitre 3

Les frontières internes et


externes de l’Union
européenne
Synthèse de cours
Introduction
Le thème des frontières externes et internes de l’Union
européenne est un des thèmes centraux de la
géographie, comme de l’histoire et de la géopolitique
européenne. M. Foucher, géopoliticien spécialiste des
frontières, parle de Fragments d’Europe (1998) : « ces
fragments qui composent aujourd’hui l’Europe en font
une entité géopolitique virtuelle ».
Ce thème des frontières est posé à chaque
élargissement, et aujourd’hui rétrécissement (Brexit).
Venir en Europe, passer la frontière, choisir les
mobilités, autant de thèmes liés à la question très
médiatisée de la « crise de l’identité européenne » et
son corollaire : la frontière. Une recomposition des
frontières en Europe est en cours : la question centrale
est donc celle de la dévaluation ou au contraire du
renforcement des frontières internes et externes de
l’UE.
Cette question soulève plusieurs problèmes : Où
arrêter les frontières de l’Europe (I) ? Peut-on parler
d’un effacement des frontières internes et externes de
l’UE (II) ? Ou au contraire d’un retour des frontières
(III) ?
Notions du chapitre : Europe géographique, Schengen,
Frontex, Interreg.
I. Définir et délimiter l’Europe
A. Un débat ancien : quelles sont les limites
de l’Europe continent ?
Géographiquement, l’Europe pourrait se définir comme
l’un des 6 continents. Mais si les limites d’un continent
semblent « naturelles », celles de l’Europe sont en
grande partie issues de circonstances historiques.
Si c’était un continent, la question de son identité
géographique serait résolue ; or l’Europe est une grande
étendue de terre qui n’est pas complètement délimitée
par des océans. L’Europe, avec ses 10 millions de km2,
constitue le Finisterre d’un ensemble eurasiatique
que les scientifiques ne divisent pas.
Les limites nettes et franches sur le modèle de la
frontière étatique ou de la ligne de démarcation ne
fonctionnent pas.
Les limites géographiques de l’Europe sont définies
de manière conventionnelle : Atlantique, Cap Nord,
Détroit de Gibraltar, Bosphore et Dardanelles, Oural et
Mer Caspienne. Ces limites sont discutables et donc
mouvantes.
Du point de vue des climats et milieux physiques,
l’Europe est caractérisée par une grande variété de
milieux. Elle appartient à la zone climatique tempérée
mais se situe au carrefour des influences océanique,
polaire et tropicale.
Conscient de cette limite géographique, le géographe
Albert Demangeon en 1932 utilise la géographie
économique pour définir l’Europe (y intégrant la
Russie et son marché de 100 millions de
consommateurs alors).
Les intellectuels se posent également la question des
frontières européenne.
Exemple Paul Valéry dans La crise de l’esprit
1919 propose des critères culturels pour délimiter
l’Europe (romanisation, christianisation, et apports
grecs).
B. L’Europe : un continent fragmenté
Un lien ancien entre frontières et Europe : la notion
de « frontière » trouve sa définition en Europe où elle
devient une ligne à la fin du XVIIIe (cartographie militaire,
cartes Cassini).
Les frontières sont les objets de contestations entre
États : les frontières en Europe sont toujours plus
nombreuses depuis 1900.
• 1918 : 8 % des frontières actuelles ;
• 1945 : 20 % de frontières nouvelles ;
• 1992 : 30 % de frontières nouvelles (guerre des
Balkans).
Le continent est historiquement fragmenté avec plus
de 38 000 km de frontières dont la ½ nées après la
2e Guerre mondiale. Il comprend de nombreux États,
souvent de petite taille (50), et une juxtaposition de
langues (41 au total) aux racines parfois complètement
différentes (indo-européennes, ouralo-altaïques, finno-
ougriennes…).
En somme, l’Europe peut être considérée comme un
« concept historique à géométrie variable » (Michel
Foucher) avec la conscience d’une histoire commune,
de la construction d’un espace économique, politique,
culturel original. L’Europe est une invention, une
construction de l’Histoire. Néanmoins, elle s’identifie de
plus en plus à l’UE.
C. Les limites de l’UE : quels critères ? Quelles
frontières ?
Après 1945, il y a une volonté de créer les conditions
d’une paix durable par la construction d’une union
économique alors que l’Europe se reconstruit et entre
dans la Guerre Froide.
La construction recouvre d’abord l’Europe du nord-ouest
(camp des démocraties libérales), s’étend vers le sud
dans les années 1980, puis à l’est à partir de 2004. En
2013 : le territoire continental de l’UE à 28 recouvre plus
de 4 millions de km2.
Mais les réponses à la question des limites restent
floues :
• L’article 237 des Traités de Rome (1957) dit que tout
État européen peut devenir membre sans donner de
définition.
• En 1992, à Lisbonne, les États-membres n’avaient pas
souhaité sceller les limites géographiques, ni la
définition d’une identité européenne, préférant le
principe de l’autodétermination future.
• Les années 1990 marquent un tournant. Le processus
d’élargissement met au 1er plan la question de
l’identité. Quels territoires convient-il d’intégrer de
façon légitime ?
• En 2005, le traité constitutionnel ajoute la notion de
« proximité », réduite à la localisation d’États contigus.
Des problèmes :
• avec la Turquie ou la Russie.
Exemple Le centre démographique, urbain et industriel
russe est à l’ouest de l’Oural, mais la majeure
partie du territoire est à l’est.
• avec Ceuta et Melilla (enclaves espagnoles au Maroc) ;
les Canaries, Madère, les Açores, les DOM (7
territoires avec le statut de régions ultrapériphériques -
RUP-) ; et 21 Pays et territoires d’Outre-Mer non
soumis à la législation de l’UE mais disposant
d’accords d’association.
• avec la présence d’enclaves contiguës mais hors-UE,
comme la Suisse (bien qu’elle entre en 2009 dans
l’espace Schengen), ou Kaliningrad, enclave russe au
cœur de l’UE.
La conception des frontières extérieures de l’UE se
révèle ainsi « élastique ».
II. Les dynamiques des frontières internes
A. La dévaluation des frontières
L’espace Schengen est un espace de libre-circulation
des personnes qui réorganise totalement le travail des
douanes et renforce les contrôles aux frontières
extérieures. Schengen permet la coopération judiciaire
et policière, des règles communes pour les conditions
d’entrée (visas, demandes d’asile), le maintien de
contrôles volants par la police et les douanes.
En 1985, la France et l’Allemagne signent avec le
Benelux les accords de Schengen. Leur mise en place
est longue : signés en 1991, son entrée en vigueur n’est
effective qu’en 1995.
Aujourd’hui, de nombreux pays rejoignent cet espace :
25 pays, dont 22 de l’UE et 3 hors-UE (Norvège, Islande,
Suisse).
L’Acte Unique de 1986 étend la libre circulation des
personnes à toutes les catégories : travailleurs,
étudiants, inactifs… On voyage sans visa en Europe,
même hors espace Schengen.
La zone Euro (2002) regroupe les États membres de
l’UE qui ont adopté l’euro comme monnaie. Sur les 28,
19 adhèrent à l’Eurozone qui représentent 340 millions
d’habitants, un PIB cumulé de 11 886 Mds d’euros.
L’adhésion à la zone Euro est dépendante de critères de
convergence.
L’euro circule également dans certains PTOM et dans
des micro-États contigus hors-UE.
Exemples Monaco, Vatican, Monténégro, Kosovo.
B. Des frontières internes comme interfaces
dynamiques
La dévaluation différenciée des frontières internes a un
impact sur les territoires frontaliers qui deviennent des
interfaces dynamiques.
Différentes politiques de coopération :
• La politique de coopération transfrontalière avec les
programmes INTERREG.
Zoom notion
INTERREG
 Le 1er programme INTERREG est lancé en 1991. Objectif :
soutenir les activités régionales transfrontalières et le
rapprochement des peuples.
 INTERREG I (1991-93) : soutient les initiatives
transfrontalières entre membres.
 INTERREG II (1994-99) : prépare les frontières externes à
devenir des frontières internes avec l’élargissement :
coopération transfrontalière, complémentarité pour l’énergie,
l’eau.
 INTERREG III (2000-06) : porte une attention particulière
aux régions ultrapériphériques et aux frontières externes avec
les pays candidats à l’adhésion (coopérations
transfrontalières, transnationales, interrégionales).
 INTERREG IV (2007-13) : renforcer les échanges
économiques et sociaux entre régions européennes (gestion
environnementale, définition d’une identité transfrontalière…).
 INTERREG V (2014-2020) : poursuit le renforcement des
coopérations transfrontalière, interrégionale et transnationale.

• Les Eurométropoles
Exemple L’Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai (2008)
concrétise l’un des 1ers groupements européens de
coopération territoriale (GECT). C’est la
1re agglomération transfrontalière d’Europe avec
2M d’habitants. Elle soutient une coopération
transfrontalière autour de l’économie, culture,
environnement, transports… et concerne
145 communes. Les aires urbaines exigent des
périmètres de gestion plus complexes et
intégrateurs.
• Les « méta-régions » ou Eurorégions : recouvrent un
large spectre de regroupements institutionnels sous
une bannière méga régionale unique.
Exemple L’Eurorégion adriatique 2006 : 6 pays,
signataires d’une Déclaration conjointe. 22M de
personnes, elle regroupe 7 régions croates, 7
Italiennes, une commune slovène, un canton de
Bosnie-Herzégovine, 5 communes albanaises, une
commune monténégrine. Objectifs : protéger les
ressources naturelles, projets dans les domaines
de l’agriculture, pêche, tourisme, transports,
coopération culturelle ».
En 2010, plus de 75 structures transfrontalières
fonctionnent à travers des niveaux différents.
Les mobilités et échanges transfrontaliers s’accélèrent
favorisés par la constitution d’un RTE, réseau de
transports européen.
Exemple Des LGV, tunnel sous la Manche.
Mais ces mobilités sont différenciées dans l’espace
européen selon le degré d’ouverture des frontières,
l’importance des flux, les pays d’origine et de destination
(différentiel de revenus).
Les flux ouest-ouest restent majoritaires (espaces aux
frontières anciennement ouvertes, populations aisées,
tourisme).
Les flux est-est et ouest-est ont des logiques de
circulation secondaire (régions moins connectées,
délocalisations).
Les flux extérieurs et est-ouest sont plus contrôlés,
avec un fort différentiel économique.
III. Les nouvelles tensions
A. Le renforcement des frontières externes
Les frontières externes de l’UE se renforcent et forment
une rupture majeure, sans cesse repoussée entre pays
intégrés et les autres.
Exemple La Pologne a fermé sa frontière à la Biélorussie.
On veut limiter l’immigration illégale en Europe depuis
les autres continents.
Des politiques de sanctuarisation des frontières
extérieures : camps, contrôles, murs et barbelés, plus
de garde et de systèmes de sécurités (comme à
Gibraltar) coopération entre États avec Frontex et les
accords de Dublin I et II pour le droit d’asile.
À ce système de contrôle aux frontières s’ajoutent des
accords pris entre UE et pays limitrophes pour la
réadmission des clandestins (en Méditerranée, avec la
Turquie). C’est un des aspects des politiques de
voisinages aux confins de l’UE.
Zoom notion
L’agence FRONTEX
 Créée en 2004. Siège à Varsovie.
 Coordonne la coopération aux frontières extérieures :
formation des garde-frontières, assistance technique,
améliorer la surveillance et aider les États à expédier les
immigrants comme des malpropres.

B. La persistance de conflits frontaliers


L’exemple de Chypre : Cette île a été successivement
possession vénitienne (1489), ottomane (1573) et
britannique (1878). En 1931, les Chypriotes demandent
le rattachement à la Grèce. L’indépendance est
obtenue en 1960 avec le maintien de 2 bases
britanniques. Depuis 1974, l’armée turque occupe le
Nord et l’île reste depuis divisée.
Au Sud, la République de Chypre, seul État reconnu
internationalement (Conseil de l’Europe en 1961, UE en
2004, zone euro en 2008) avec 700 000 habitants.
Au Nord, la république turque de Chypre du Nord,
reconnue uniquement par la Turquie, avec
200 000 habitants dont 40 % de colons turcs d’Anatolie.
Nicosie est la seule capitale européenne coupée en
deux par une frontière fermée, appelée « ligne verte »
ou « ligne Attila », constituée de barbelés, miradors,
postes d’observation et baraquements militaires. Une
zone tampon est instaurée par l’ONU en 1974 comme
zone de sécurité (3 % de l’île).
En 2004, Koffi Annan propose la création de deux
entités autonomes avec un gouvernement central et la
disparition des forces de l’ONU. Après référendum, les
Chypriotes grecs rejettent à 76 % le plan Annan, tandis
que 65 % de Chypriotes turcs l’approuvent.
C. Les risques de fragmentation interne
Les régionalismes et mouvements indépendantistes au
sein des États membres de l’UE font craindre un
« réveil de nouvelles frontières ».
Il faut distinguer :
• Les revendications régionalistes modérées
(revendication culturelle).
Exemples Bretons en France, Bavarois en Allemagne…
• Les revendications régionalistes fortes, mais pacifistes,
parfois avec des velléités séparatistes.
Exemples Lombardie, Catalogne, Flandre.
• Les revendications indépendantistes militaro-politiques.
Mélange de lutte armée, de moments de négociation et
de stratégies électorales légalistes.
Exemples IRA, ETA, Corse dans une moindre mesure.
S’ajoutent des tensions externes qui menacent autant
les États Nations que la construction européenne elle-
même. Cette menace de la balkanisation de l’Europe
se cristallise autour de plusieurs crises.
Depuis 2015, l’UE se déchire sur la crise des réfugiés.
Les frontières se ferment, rejet de la politique de
relocalisation voulue par Bruxelles avec la constitution
en juin 2018 d’un « axe » Autriche, Hongrie, Italie anti-
réfugiés.
Face à la mondialisation, les nationalismes renaissent
comme autant de systèmes de sauvegarde de cultures
et d’identités locales (montée des populismes).
Zoom notion
Balkanisation
 Le dictionnaire la définit comme l’« éclatement en petites
unités nationales d’un territoire jusqu’alors uni par des
conditions géographiques ou historiques. »
 Ce terme trouve son origine dans l’évolution des Balkans
au XIXe siècle. Cette région du sud-est de l’Europe entre
1805 et 1923 a éclaté en une série de petits pays.
 La géopolitique s’est emparée de ce terme journalistique
pour en faire un concept opératoire pour étudier ces
processus de fragmentation, de dislocation, de séparation, de
désagrégation d’un territoire.

Conclusion
Les frontières sont en perpétuelles recompositions en
Europe. Les frontières internes se dévaluent avec le
projet de l’UE, créant plus de coopérations. Les
frontières, zones de confrontation, imposent à l’Europe
un questionnement relatif à son identité, ses limites,
ses objectifs.
Des voix s’élèvent pour dénoncer à tort ou à raison que
l’Europe devient « une forteresse ». Les frontières
restent donc un défi majeur pour l’Europe entre mise
en valeur et enjeux stratégiques.
Fiche méthode

Méthode

Le commentaire de carte
• Généralités :
Une forme particulière du commentaire de documents,
c’est une épreuve spécifique des concours des
grandes écoles de commerce.
La carte, comme tout document, procède de choix de
l’auteur, et comme pour n’importe quel commentaire il
faut exercer son esprit critique.
• Les différentes cartes
De nombreuses cartes peuvent faire l’objet d’un
commentaire : cartes géoéconomiques, géopolitiques,
historiques…
Les cartes peuvent être à différentes échelles : de
l’échelle mondiale (avec différentes projections, ex :
polaire ou européanocentrée), à la très grande échelle
portant sur des lieux géopolitiques majeurs.
Exemple Carte d’Eurorégion, frontière urbaine…
1. Lire le sujet et présenter la carte
Pour commencer : bien lire le titre de la carte, l’intitulé
du sujet, pour appréhender le thème de réflexion à
retenir.
Relever : la nature de la carte, sa source, la date de
publication, sa légende, afin de dégager sa structure
d’ensemble.
L’introduction du commentaire doit reprendre ces
éléments de présentation de la carte en indiquant la
source, la nature, l’objet, l’échelle, la projection choisie
et la présentation du problème géopolitique posé
(problématique).
2. Décrire la carte
Dégager quelques idées-forces : les idées
principales du document sont généralement de 2 à 4
maximum.
Chaque idée doit être étayée par des exemples précis,
localisés.
Comme en dissertation, il n’y a pas d’idée sans
exemple, et inversement.
Attention Vous devez faire preuve d’esprit de synthèse. Il ne faut pas
chercher à être exhaustif au risque d’alourdir cette 1re partie.

3. Décrypter les enjeux géopolitiques


Cette 2e partie permet d’effectuer une critique de la
carte. On doit se poser quelques questions :
 en quoi la carte peut être partisane (ex : des grandes
puissances placées au centre de la carte, le choix de
la projection) ;
 quels sont les partis pris scientifiques, idéologiques,
ou même scientifiques ?
 la carte est-elle réductrice ou biaisée (il est
impossible de tout cartographier pour des raisons de
lisibilité) ? quelles sont les lacunes, oublis, évolutions
récentes ? Ces ajouts permettent de montrer vos
connaissances.
4. Choisir un plan
On peut soit procéder à la description de la carte dans
une 1re partie, puis analyser/critiquer dans une 2e.
Soit se servir des idées principales dégagées pour
suivre un plan, en veillant à alterner les phases de
description/analyse.
5. Pour conclure
Il faut revenir sur l’intérêt de la carte proposée en se
demandant en quoi permet-elle une meilleure
compréhension de la complexité du monde.

Méthode appliquée

À l’aide des cartes suivantes, répondez à la question :


« L’Europe élargie est-elle une Europe à la carte ? »
Carte 1 : Les frontières de l’UE
Source Manuels, éd. Ellipses.

Carte 2 : Les limites de la zone Euro


• Analyse du sujet :
L’Europe « à la carte » : cette expression renvoie à un
mode d’intégration différenciée. Les États membres
sélectionnent les domaines dans lesquels ils veulent
participer.
Ce paradoxe de la construction peut s’expliquer par les
modalités d’élargissement de l’UE. Cette Europe
élargie interroge ses propres limites.
La formulation du sujet porte sur le paradoxe suivant :
ces élargissements, preuves du succès de la CEE/UE,
ne sont-ils pas également une faiblesse car permettant
la mise en place d’une Europe à plusieurs vitesses ?
Introduction
• (Nature du document) Il s’agit de deux cartes de
l’Europe centrée sur l’UE, bordée par le Maghreb, les
terres russes, le nord du Proche-Orient, et intitulée
« Les frontières de l’UE » (carte 1) et « les limites de la
zone Euro » (carte 2). Ces deux cartes ont été conçues
pour des manuels des éditions Ellipses et s’adressent
à un public d’étudiants s’intéressant à la géopolitique,
l’histoire et la géographie de la construction
européenne. Elles permettent de voir l’élargissement
progressif des frontières externes de l’UE de 1951 à
2016 et la superposition de nouvelles limites internes
(zone Euro en 2002).
• (Sujet et problématique) Le sujet invite à s’interroger
sur les modalités d’élargissement de l’UE et de son
approfondissement qui peuvent constituer un frein à
l’unité européenne. Quels sont les dangers que font
peser sur l’Europe élargie la constitution d’une telle
« Europe à la carte » ?
• (Plan) La construction européenne s’élargit mais au
détriment d’un approfondissement étendu à tous (I).
Cette constitution d’une « Europe à la carte » dévoile
les tensions aux frontières extérieures et internes à
l’UE (II).
I. La construction européenne entre
élargissements et difficultés
d’approfondissement
A. Les élargissements : du Nord-Ouest vers le Sud,
puis vers l’Est
En premier lieu, L’UE à 28 apparaît ici comme le fruit
d’un processus rapide : 7 élargissements en une
soixantaine d’années. L’Europe élargie recouvre
aujourd’hui plus de 4M de km2.
En 1951-1957, avec la CECA/CEE, le couple franco-
allemand est le cœur de la construction européenne.
L’Allemagne de l’Ouest seule adhère, la construction est
avant tout un camp des démocraties libérales.
En 1973, les élargissements concernent des pays du
Nord : l’adhésion britannique est tardive, révélant
l’opposition entre une conception d’une Europe a minima
britannique et française (politique « de la chaise vide »
de De Gaulle dans les années 1960).
Dans les années 1980, la CEE s’ouvre au Sud, à la
faveur de la disparition des dictatures : la démocratie est
un critère d’intégration.
En 1991, l’indépendance des démocraties populaires
accélère l’ouverture à l’est (massive en 2004). L’entrée
de la Roumanie et de la Bulgarie est plus tardive (2007,
retard de leurs économies peu développées, adaptation
des institutions).
En 2013, les derniers élargissements intègrent les
problèmes des Balkans. La Croatie bénéficie d’aides
pour la mise en œuvre de l’acquis communautaire.
L’UE agglomère des États de taille et de traditions
politiques différentes et aux niveaux de vie très
hétérogènes.
B. L’« Europe à la carte » : de nouvelles frontières
dans l’UE
De nombreux pays sont membres de l’UE, mais non de
la zone Euro (19 États-membres seulement sur 28).
La zone Euro est une des principales étapes de
l’intégration économique au sein de l’UE. Il était prévu à
la création de l’Union économique et monétaire
(Maastricht) que tous les pays de l’UE l’intègrent à
terme.
Mais plusieurs États membres n’ont pas adopté l’Euro :
• soit parce qu’ils ne répondent pas encore aux critères
d’adhésion.
Exemples la Hongrie et la Roumanie, espèrent rejoindre
la zone euro en 2019-2020.
• soit parce qu’ils ne le souhaitent pas.
Exemple La Suède en 2003 refuse par référendum.
Le Royaume-Uni conserve son indépendance monétaire
et négocie une dérogation permanente, comme le
Danemark.
Depuis la crise de 2008, les sondages d’opinion
montrent le refus des populations d’intégrer la zone euro
(70 % en République tchèque, 75 % en Pologne, 87 %
en Suède…).
D’autres frontières internes à l’UE ne sont pas
montrées :
• Comme celles de l’espace Schengen : refuser par
exemple au Royaume-Uni, faisant de Calais une des
frontières où se concentrent les tensions dues au
contrôle des personnes. Des pays non-membres
peuvent intégrer l’espace Schengen (Islande, Suisse,
Norvège).
• Les frontières économiques qu’on peut représenter à
l’aide d’un gradient de richesse d’ouest en est
(PIB/régions d’Europe) sont absentes, alors qu’elles
sont éclairantes pour expliquer la constitution de cette
Europe élargie à la carte (contrastes de PIB très
marqués).
II. Les enjeux géopolitiques des limites de
l’UE
A. Où s’arrête l’Europe ?
Derrière les frontières de l’UE issues des
élargissements, les différentes procédures d’adhésion
entamées et avortées témoignent de la difficulté de
définir quelles sont ses limites.
La définition des critères d’adhésion est tardive (à
partir de 1993, puis traités successifs) : un premier
critère est l’appartenance géographique au continent
européen (sans précision géographique). Les 3 autres
critères sont : le respect des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales ; une économie qui fonctionne
bien ; être capable d’appliquer l’ensemble des règles
adoptées par l’UE (« l’acquis communautaire »).
Des pays aux confins de l’UE :
• La Turquie : les négociations sont ouvertes
tardivement, statut de pays candidat depuis 1999. Une
« politique de voisinage » est engagée. Son rôle est
accru avec la crise des réfugiés depuis 2015. La
Turquie assure le rôle de frontières externes de l’UE en
filtrant les clandestins, en échange d’aides de l’UE.
Mais les évolutions du régime d’Erdogan montrent une
politique tournant le dos à l’UE. Les partenaires
européens, comme E. Macron, préfère parler de
« partenariat » (janvier 2018).
• Les pays d’ex-Yougoslavie dont l’adhésion est
retardée par la question des minorités. Les candidats
officiels : ancienne république yougoslave de
Macédoine, Monténégro, Serbie, Albanie. Depuis
2007, l’Instrument d’Aide à la Pré-adhésion (IAP)
remplace les programmes précédents. Autres
candidats potentiels non-officiels en 2019 : la Bosnie et
le Kosovo.
• L’exemple du Maroc : candidature déposée mais
rapidement écartée. Le Maghreb est intégré aux
confins de l’UE par la mise en place de politique de
voisinage (partenariat euro-méditerranéen). En 1987
cela traduit le refus de l’accès à un pays non-
européen.
Des pays contigus qui restent indépendants/non
concernés par l’intégration :
• Des pays riches (ressources, services) : la Norvège et
ses hydrocarbures qui renonce à 2 reprises à adhérer ;
des petits États considérés comme des paradis fiscaux
(Liechtenstein), ou pour la Suisse statut de neutralité
depuis 1815. Mais ces États peuvent facilement
adhérer à l’UE car ils respectent tous les critères
d’adhésion.
• Des pays culturellement proches, mais
géopolitiquement différent : l’Islande en difficulté avec
la crise de 2008 reste tournée vers les États-Unis
(même plateau continental, bases militaires
américaines), bien que culturellement européenne
(peuplement viking).
• Une UE qui tourne le dos à la Russie et à l’Ukraine
(double voisinage Europe-Russie, question de
Crimée depuis 2014) : rappelant historiquement la
confrontation des 2 blocs. Le retour de la puissance
russe explique que l’UE souhaite voir l’Ukraine rester
dans son voisinage uniquement.
B. Les risques de fragmentation interne
L’exemple de la sortie du Royaume-Uni est révélateur
de ce risque de fragmentation interne de l’UE. Le
référendum sur le Brexit vainqueur en 2016 est
révélateur des doutes suscités par les élargissements
successifs, dans un contexte de crise économique et de
montée de l’europhobie.
De nombreux membres peuvent être tentés par cet
exemple.
Exemples En France, lors des présidentielles 2017, le rejet
de l’UE et la sortie de l’Euro sont un thème majeur
de la candidate du Front National, Marine Le Pen,
qui rallie 11 millions de Français.
Conclusion
• (Synthèse) Les cartes présentent l’intérêt de revenir
sur la rapidité du phénomène de l’élargissement de
l’UE de 1951 à 2013 et de mettre en lumière les
incohérences qui affectent la constitution de la zone
euro. Il ressort de l’analyse que l’UE est fragilisée par
ses frontières intérieures qui se multiplient au gré des
intérêts divergents des pays adhérents.
• Cette constitution d’une « Europe à la carte » reste un
défi face aux nouveaux obstacles auxquels l’UE est
confrontée (crise grecque, crise de l’Eurozone, crise
migratoire).
Sujet corrigé

Carte de synthèse

Sujet

« Les frontières de l’Europe »


• Analyse du sujet
 Bornes géographiques du sujet : Les limites de
l’Europe sont définies facilement de l’Atlantique à
l’Oural (définition géographique du continent
européen), on n’évoquera donc pas celles dans le
Caucase.
 Il ne s’agit pas d’étudier spécifiquement les frontières
de l’UE : l’espace Schengen, les pays européens
hors UE, les grands voisins doivent être représentés.
 Le pluriel implique de s’intéresser aussi bien aux
frontières externes qu’internes.
 Les « Frontières internes » renvoient à la frontière
classique comprise comme une limite entre États. La
frontière peut fonctionner comme un verrou ou un
filtre, ou au contraire comme une interface.
 Les « Frontières externes » se superposent aux
premières avec la construction régionale qui coïncide
avec celles-ci/ou non. Les enjeux géopolitiques de
ces frontières doivent être montrés.
• Légende
Il faut limiter les informations pour que la carte reste
lisible.
Les dynamiques des frontières internes comme externes
doivent être représentées de manière équilibrée.
Dans une 1re partie : on posera les différentes frontières
de l’espace européen, avant dans une 2e partie de se
pencher sur les enjeux économiques, puis géopolitiques
(3e partie) de celles-ci.
Légende « Les frontières de l’Europe »

• Carte
Carte « Les frontières de l’Europe »
Thème 4

S’informer :
un regard critique sur
les sources et modes
de communication
Introduction
Comment s’informe-t-on aujourd’hui ?
Les médias et les supports de communication n’ont
jamais été aussi nombreux et divers. Des pratiques
d’information différenciées selon les individus, les
groupes sociaux et les territoires apparaissent. Les
progrès techniques, depuis l’essor de l’imprimerie
jusqu’aux NTIC ont renforcé depuis le XIXe siècle la place
de l’information dans notre quotidien [Chapitre 1]. La
multiplication des sources d’information, leurs liens avec
le pouvoir politique posent la question de la liberté de
l’information et de son contrôle [Chapitre 2]. Cette question
devient un enjeu crucial à l’heure d’internet et ouvre de
nouveaux débats sur le contrôle de cet espace de
liberté, des Fake news aux lanceurs d’alertes [Chapitre 3].
Chapitre 1

Les grandes
révolutions techniques
de l’information
Synthèse de cours
Introduction
Une « révolution de l’information » est une évolution
qui change fondamentalement l’accès à l’information,
sa circulation, sa construction même. Reposant sur des
progrès techniques et scientifiques, ces révolutions
bouleversent les circuits traditionnels de l’information.
Comment les progrès techniques ont renforcé depuis
le XIXe siècle la place de l’information dans notre
quotidien ?
On peut distinguer 3 grandes phases : l’essor de
l’imprimerie et de la presse à grand tirage au XIXe (I) ;
l’information par le son et l’image au XXe (II) ; une
information mondialisée et individualisée avec la
révolution numérique au XXIe (III).
Notions du chapitre : TIC, presse, opinion publique,
révolution numérique.
I. Le XIXe, « siècle de la presse » (Ch. Charle)
A. La diffusion de l’imprimerie
La presse est le plus ancien des médias. Ce n’est
sans doute pas un hasard si le même mot désigne l’outil
et l’usage que les hommes en ont fait.
Zoom événement
 L’invention de l’imprimerie par J. Gutenberg (v.1400-1468)
 Découverte et perfectionnée en Europe au XVe siècle sous
l’impulsion de l’allemand Gutenberg.
 Il met au point des caractères mobiles en plomb
reproductibles et réutilisables, une nouvelle encre
d’impression et la presse à imprimer.
 Il est considéré comme le père de la typographie moderne
grâce à la Bible à « 42 lignes » imprimée à Mayence (1452-
1456), tirée à 180 exemplaires. La typographie permet
l’exacte duplication d’un même texte et offre à l’écrit une
diffusion que le manuscrit ne possédait pas.

Cette redécouverte de l’imprimerie (invention chinoise


du Ier siècle) s’inscrit dans un contexte favorable :
Renaissance, Réforme, grandes Découvertes,
développement du commerce international, les
échanges d’informations s’accélèrent. Les États
modernes exigent de nouveaux réseaux d’information et
on assiste à une floraison d’écrits de types divers
comme les nouvelles manuscrites, les feuilles volantes
imprimées ou encore les libelles. Jusqu’en 1789 ces
réseaux d’informations complètent la presse imprimée.
La presse périodique imprimée ne naît qu’un siècle
et demi après l’invention de l’imprimerie avec les
premières gazettes régulières.
ExempleLa Gazette de Théophraste Renaudot fondée
en 1631 avec l’appui de Richelieu.
Mais les progrès de la presse sont freinés par la sévérité
du contrôle politique jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
B. L’essor de la presse écrite au XIXe
Dans les deux premiers tiers du XIXe, la presse fait des
progrès considérables. Les journaux se multiplient et se
diversifient. Les tirages progressent.
ExempleEn France, de 1803 à 1870, le tirage de la presse
quotidienne à Paris passe de 36 000 à 1 million
d’exemplaires.
Les véritables prototypes de la presse quotidienne
moderne naissent. En France, La Presse et Le Siècle
sont fondés en 1836. La presse devient populaire en
1863 avec Le Petit Journal à 5 centimes. En Amérique,
le Sun fondé en 1833 et vendu à 1 cent.
À la fin du siècle, la presse devient un media de
masse à la faveur de facteurs politiques, sociaux et
économiques
En France la IIIe République s’accompagne de la
conquête des libertés d’expression de publication et de
la presse (lois 1881 et 1889). L’élargissement du corps
électoral s’accompagne des progrès de l’éducation.
L’urbanisation diversifient les attentes d’un public plus
nombreux. La photographie, les illustrations et
caricatures rendent les journaux plus attrayants. Les
plus fortes ventes sont réalisées par des quotidiens
populaires comme Le Petit Journal. Des journaux
d’opinion émergent : le quotidien radical L’Aurore, Le
Figaro de centre-droit…
L’industrialisation des méthodes de fabrication et
l’extension du marché transforme les conditions
d’exploitation de la presse. Le prix des journaux baisse,
le journal devient un produit de consommation courante.
L’apparition de la publicité est un des moteurs de cette
diminution du prix.
Des progrès techniques considérables :
• L’encre d’imprimerie pour presses rapides en 1818.
• Substitution du papier de bois au papier de chiffon vers
1865-1875.
• Mise au point de la stéréotypie pour mécaniser la
composition.
• 1re presse mécanique réalisée pour le Times à Londres
par F. Koenig en 1811 (300 feuilles recto à l’heure). En
1814 : presse à vapeur (1 100 journaux à l’heure).
1816 : presse à retiration en couplant 2 bobines
permettant l’impression recto-verso.
• Les presses à réaction mises au point dans les
années 1840-1850 : 7 000 à 12 000 exemplaires à
l’heure.
• Les rotatives (papier en bobine) mises au point entre
1860-1870 : 12 000 à 18 000 exemplaires à l’heure.
• La reproduction des illustrations : lithographie
découverte en 1797.
• La révolution des transports accélère la diffusion de la
presse.
• L’évolution de la diffusion de l’information s’appuie sur
le télégraphe électrique mis au point par Morse aux
États-Unis en 1837. Les premières lignes en Europe
datent de 1845.
La presse reste en retard dans les autres parties du
monde : le degré de développement des journaux est
fonction du degré d’occidentalisation de leur société.
II. L’information par le son et l’image
au xxe siècle
Dans l’entre-deux-guerres, le nombre de publications
imprimées est en diminution, la presse est concurrencée
par la radio (10 % des Français sont équipés d’un poste
de TSF en 1932), puis la télévision dans les
années 1950.
A. La radio
1. La radio entre dans l’histoire
En 1896, G. Marconi dépose le brevet de la TSF
(télégraphie sans fil) et transmet des messages sonores
par les ondes hertziennes en 1899. Ce progrès
technique est dû à des découvertes antérieures : les lois
de Maxwell sur l’électromagnétisme (1864), la
transmission d’ondes radioélectriques (Hertz, 1887).
Pendant la 1re Guerre mondiale la radio entre dans
l’histoire : en novembre 1917, la révolution russe est
annoncée par radio.
Pendant la 2e Guerre mondiale, la radio s’impose :
60 % des foyers français possèdent un récepteur alors
que de nombreux journaux disparaissent avec
l’interdiction allemande. C’est le début de « la guerre des
ondes » :
• 1939-1940, Radio-Stuttgart émet en français des
nouvelles pour saper le moral de la population.
• Radiodiffusion nationale relaie la propagande de Vichy.
• De Gaulle le 18 juin appelle à continuer le combat sur
les ondes de la BBC (« Radio-Londres »).
2. Les évolutions de la radio montrent la voie aux
autres médias
En 1954, la miniaturisation des transistors permet
l’autonomie de la radio : segmentation des audiences,
diversification des programmes (publics ciblés, thèmes
précis).
Dans les années 1970, avec la bande FM, se multiplient
des programmes avec des audiences visées plus
étroites (jeunes, jazz…)
Si Internet permet à la radio de poursuivre cette
évolution, en 2009, la radio atteint son plus bas niveau
d’audience en France (internet, podcast).
B. La télévision : un média de masse
1. Naissance d’un média de masse
L’histoire de la télévision commence véritablement
au milieu du XXe siècle.
Dès 1948, la FCC autorise l’ouverture de plus de 100
stations. Elles se syndiquent et donnent naissance aux
premiers réseaux (CBS, NBC, ABC).
La retransmission du couronnement d’Elisabeth II
coïncide en France avec la première vente massive de
téléviseurs, quand l’élection de J. Kennedy aux États-
Unis en 1960 est attribuée à ses prestations télévisées.
En une décennie, la télévision impose ses règles.
Dans les pays développés, 2 ou 3 chaînes sont en
concurrence.
2e innovation à partir des années 1970, la télévision
devient accessible par câbles (grâce à des satellites).
La première chaîne du câble naît aux États-Unis en
1972 : HBO, payante et diffusant des films de cinéma.
On passe de l’ère de la rareté hertzienne à l’ère de la
multiplication de l’offre.
3e innovation : l’ère du numérique (= traduction du son
et image dans le langage informatique) dans les
années 1990 :
• 1994 : DirectTV aux États-Unis : 1re télévision
numérique accessible par satellite offrant un bouquet
de 175 chaînes.
• La VOD et le replay s’imposent : la télévision devient
interactive.
• 2009 : première étape de la diffusion hertzienne
numérique en France.
• 2020 : nombre de chaînes de télévision diffusées par
satellite : plus de 40 000 (24 000 en 2010).
2. Statuts privé ou public ?
Les progrès techniques permettent la fin des monopoles
publics et l’apparition des diffuseurs privés dans les
années 1970-1980 :
• Création d’une 2e chaîne en France en 1964 ;
• En Italie, le monopole de la RAI est frappé
d’inconstitutionnalité en 1974 : création de la première
chaîne câblée par Silvio Berlusconi en 1976.
• En France, Canal + est créée en 1984, la 5 et TV6 en
1985 ; en Angleterre : Channel 4 en 1982.
• La loi du 29 juillet 1982 abroge le monopole public de
programmation en France. Même mouvement dans les
autres pays européens.
Depuis les années 1990, on assiste ainsi à une
libéralisation progressive et à la multiplication des
médias.
III. L’information mondialisée et
individualisée à l’heure d’internet
A. Les progrès de l’industrie numérique
Au tournant des années 1980, plusieurs innovations
trouvent leur origine dans une utilisation inédite de
l’informatique.
• La naissance de la télématique française avec le
Minitel (1982) : des services d’information « mis en
ligne » et accessibles sur demande.
• Vente au public, dès 1981, aux États-Unis, des
premiers ordinateurs personnels, les PC (Personal
Computer) IBM. Lancement de son concurrent
en 1984, le Mac.
• Philips et Sony lancent en 1982 les disques compacts
audio – CD. Avec le CD-ROM, en 1991, les sons,
images et vidéos sont traduits en langage numérique ;
le CD est supplanté en 1996 par le DVD, puis le Blu-
ray en 2007.
Ainsi le numérique est la condition essentielle à
l’avènement du multimédia. Mais c’est Internet qui
favorise son essor et développe ses potentialités.
B. Internet : acteur essentiel de la révolution
numérique
Internet, réseau des réseaux, permet de relier entre eux
les ordinateurs du monde entier grâce à ses deux
protocoles, TCP et IP :
• 1983 : naissance d’Internet. Arpanet et CSnet
(Computer Science Network) sont les 2 premiers
réseaux interconnectés grâce à la suite de protocoles
TCP/IP.
• 1991 : des serveurs multimédias sont accessibles
depuis n’importe quel ordinateur relié à Internet grâce
aux liens hypertextes et hypermédias. Naissance du
Web : la toile mondiale.
• 1998 : lancement du moteur de recherche Google
• 2004 : M. Zuckerberg crée Facebook, réseau social sur
Internet pour les étudiants d’Harvard. Il relie les
internautes entre eux en 2006.
• 2005 : lancement de Twitter.
• 2007 : lancement de l’Internet mobile grâce au haut
débit (3G) et aux smartphones.
• 2008 : la Chine dépasse les États-Unis en nombre
d’internautes (228M contre 217M), mais 65 % des
foyers américains ont un accès internet contre 15 % en
Chine.
Internet et le numérique ont changé les règles du jeu
auxquelles les médias obéissent : celles concernant la
production, le financement, la distribution, la promotion
et la fréquentation de leurs contenus.
C. Convergence des TIC
Le phénomène le plus caractéristique des TIC est le
brouillage des frontières entre télécommunications,
informatique et multimédias.
Les smartphones contiennent plus de capacité en
mémoire et de puissance de calcul que les ordinateurs
des années 1990. Ils permettent de prendre des photos
et des vidéos. Ils sont utilisés pour écouter de la
musique, voir des images ou des vidéos enregistrées ou
en ligne. Ils permettent de produire des contenus en
réseau.
Conclusion
Ainsi, la frontière se brouille entre médias et opinion
publique : chacun peut s’exprimer à travers des sites,
des blogs et réseaux sociaux. La presse écrite a créé
des extensions virtuelles de son support papier
traditionnel, mais les journalistes sont concurrencés
par des groupes de citoyens qui peuvent relayer,
analyser, commenter l’information.
Les limites entre liberté et contrôle de l’information sont
rediscutées à l’heure d’internet.
Fiche méthode

Méthode

Analyser un document iconographique


• Conseils généraux
Il existe une grande diversité de documents
iconographiques. Avec les progrès techniques, les
images sont devenues un élément essentiel de la
communication.
Ce message visuel a son propre langage, ses
propres codes, ses fonctions : communiquer,
convaincre, persuader, critiquer.
• L’analyse d’image comprend 3 étapes
fondamentales :
1. Présenter, situer : Comment a-t-elle été
construite ?
2. Décrire, prélever des informations : Qu’est-ce que
je vois ?
3. Mettre en contexte, interpréter : Qu’est-ce que je
sais ? Qu’est-ce que j’en déduis ? Quelle est la
portée du document ?
• Les principaux types d’images
 La caricature est une représentation grotesque,
déformée, de personnes ou d’évènements. Elles se
multiplient au XIXe siècle avec la liberté de la presse.
 Le tableau reflète les sentiments et la personnalité
de l’auteur et témoigne des évolutions d’une époque.
 La photographie apparaît à la fin du XIXe siècle, suivi
du cinéma. Ils changent le rapport à l’image des
historiens.
 La « Une » de journal est porteuse de l’identité du
journal par le nom et la maquette, c’est une vitrine.
Elle résulte du choix de la rédaction, de la
hiérarchisation des informations, témoigne autant des
événements que de la manière dont une société se
les représente.
Zoom notion
Le lexique de la « Une »
 Le bandeau : « état civil » du journal (nom, logo, date,
numéro, prix…)
 La manchette : en haut de la page, attire l’attention sur le
sujet du jour avec un titre en gros caractère.
 L’oreille : espace encadré à droite ou à gauche de la
manchette : annonce un supplément, un texte court, une
publicité.
 Tribune et sous-tribune : l’espace le plus important sous la
manchette : pour les titres importants du jour.
 Le ventre : Au milieu de la page, entre tribune et pied du
journal.
 Le pied de page : en bas, on y trouve information ou
publicité.

1. Présenter l’image
 L’auteur : quel est son statut ?
 Le public visé et le support pour sa publication.
 Le thème
 Le genre
 La date d’exécution, le lieu de publication (ou de
conservation), le contexte (historique, artistique…) de
l’image et du sujet.
 Les dimensions
2. Décrire
Étudier le sujet : qui sont les personnages ? Quelle
est l’action représentée ?
Étudier la composition, les lumières, les couleurs :
Quels sont les différents plans ? Où sont situés les
personnages ? Comment sont-ils mis en valeur ?
Quelles tonalités ? Quelles lignes directrices ?
Étudier la technique : quel trait utilisé (flou ou net) ?
Quel cadrage ? Quels effets ?
3. Mettre en contexte
 Le point de vue de l’auteur : Quelle opinion veut-il
exprimer et transmettre ? Quelles sont ses
particularités artistiques ?
 Le point de vue du public visé : Quelle opinion
peut-il se faire des événements ou personnages
présentés ? Quelle portée ?
 Le point de vue de l’historien : Quel éclairage
l’image donne de cet événement passé ? Que nous
apprend-t-il sur ces événements, l’auteur ou le
public ? Quelle originalité ou efficacité de l’image ? La
vision de l’auteur est-elle conforme à la réalité ?

Méthode appliquée

Document Étude de la « Une » du Petit journal du


19 novembre 1911
« Une » du Petit journal, 19 novembre 1911
1. Présenter l’image
 Source et auteur : Le Petit Journal est un des plus
anciens journaux de France né en 1863. Son succès
lui permet de développer des publications
supplémentaires, comme son supplément illustré
dont les images offrent un exemple de l’idéologie
populaire. L’auteur de la gravure n’est pas connu.
 Public visé : c’est le 1er journal français dont la
stratégie est axée sur le sensationnel. Le prix de
vente est modique (5 centimes), distribué à Paris
comme en province. En 1870, il tire à 400 000
exemplaires, en 1892 un million. En 1911, malgré la
concurrence, il est tiré à 800 000 exemplaires.
 Date : 19 novembre 1911.
 Sujet : l’arrivée de la France au Maroc.
 Contexte : « Une » publiée après l’accord entre
France et Allemagne.
2. Décrire
 Composition
Cette revue est composée de 8 pages avant 1914 et
comprend une 1re page en couleur. Dans le bandeau,
on trouve l’état civil du journal : son nom, la
typographie reconnaissable « Le Petit Journal », prix,
date (22e année de parution). En oreillettes :
l’adresse, les conditions d’abonnements pour
fidéliser. Dans le pied de page, l’illustration est
légendée : « La France va pouvoir porter librement au
Maroc la civilisation, la richesse et la paix ». Le ventre
est imposant avec une gravure en couleur occupant
80 % de la « Une » dont le but est d’attirer le regard
des potentiels lecteurs.
 Description de l’image
Le personnage principal est Marianne, allégorie de la
France. Représentée tête haute, éclairée (soleil :
auréole). Elle symbolise avec ses formes (larges
épaules, poitrine) la civilisation nourricière. Coiffée
d’un bonnet phrygien, sa tunique porte les couleurs
du drapeau. Sa taille est disproportionnée. Elle
apporte de lourdes charges : un livre symbole
d’instruction, une charrue pour les techniques, une
corne d’abondance pour la monnaie, un bâton pour
l’élevage.
Les autochtones semblent admiratifs (un indigène
embrasse la cape), regards tournés vers elle,
pauvres (costumes), courbés. Leur retard de
développement est représenté par leur petite taille.
Personnages secondaires sublimant Marianne.
À l’arrière-plan à droite, un fonctionnaire colonial
armé représente l’armée donnant un ordre à un
soldat autochtone. Des personnes montant des
dromadaires saluent Marianne : des tribus
marocaines engagées dans l’armée française ?
Le décor représente un littoral, le pied qui s’avance de
Marianne symbolise la prise de possession du Maroc.
3. Mise en contexte
 Du point de vue de l’auteur, ce journal populaire
d’information évolue vers une tendance conservatrice
et soutient le fait colonial en 1911. Son but est de
convaincre l’opinion publique du rôle civilisateur de la
France. La République est vue comme le meilleur
des régimes.
 Du point de vue du public, le journal donne à voir
les colonies telles qu’on se les imaginait
(exotisme, « orientalisme »). Mais est-ce la
préoccupation première des Français en 1911 ? La
majorité n’est-elle pas plutôt indifférente au fait
colonial qui nécessite l’envoi de soldats ?
 Pour l’historien, il s’agit ici de propagande en faveur
de la conquête du Maroc dans le contexte de la
montée des rivalités entre Nations colonisatrices.
Depuis 1905, les puissances se livrent un bras de fer
dépassant les enjeux du Maroc. Les colonies
fournissent à la France des débouchés pour son
industrie comme son approvisionnement en matières
premières.
Cette « Une » est publiée au terme d’un bras de fer
entre Berlin et Paris, qui avait vu une démonstration de
force allemande dans le port d’Agadir. Le protectorat
imposé par la France fait suite au traité franco-
allemand (4 novembre 1911) mettant fin à ce violent
incident : l’Allemagne renonce au Maroc en échange
de territoires en Afrique équatoriale.
Conclusion
Cette « Une » est représentative du journalisme
populaire qui est à son apogée au tournant du XXe siècle.
L’importance prise par l’illustration en couleur montre sa
volonté de s’adresser à un large public. C’est un sujet
d’actualité mais celle-ci n’est pas critiquée, au contraire,
les décisions du gouvernement sont soutenues.
Sujet corrigé

Commentaire de documents

Sujet

« La crise du 6 février 1934 vue par la presse »


Consigne Après avoir présenté les documents et leur
contexte, montrez comment ils illustrent le rôle de la
presse dans les crises politiques et la division de
l’opinion publique en France dans les années 1930.
Document 1 « Une du journal L’Action française du
9 janvier 1934 »

Document 2 « Une du journal L’Action française datée


du lendemain de l’émeute, le 7 février 1934 »
Document 3 « Une du journal Le Populaire du 7 février
1934, lendemain de l’émeute »
Introduction
• (Accroche) Lors des grandes crises qui secouent
la IIIe République, la presse apparaît comme une
véritable actrice.
• (Documents) Le 1er document précède la crise. Daté du
9 janvier 1934, cette « Une » de L’Action française,
journal d’extrême-droite, témoigne de la montée de
l’antiparlementarisme. Le doc. 2, « Une » du même
journal, date du 7 février 1934, lendemain de l’émeute
et dénonce les violences du gouvernement. Le 3e offre
un autre point de vue, celui du Populaire, journal
socialiste qui soutient le gouvernement.
• (Contexte) Cette manifestation éclate après le
changement de gouvernement (démission du président
du Conseil Chautemps compromis dans l’affaire
Stavisky) au moment où le nouveau président du
Conseil, Daladier, présente devant l’Assemblée son
discours de politique générale. Une manifestation
d’anciens combattants et de ligues tourne à l’émeute
place de la Concorde contraignant Daladier à la
démission.
• (Sujet) Ces documents permettent d’illustrer le rôle de
la presse dans cette crise (doc.1) qu’elle provoque en
partie et témoignent de la division de l’opinion après
les émeutes (docs 2 et 3).
• (Problématique) En quoi peut-on dire que les médias
jouent un rôle de 1er plan dans la division de l’opinion
en 1934 ?
• (Annonce du plan) D’abord on verra le rôle actif de la
presse dans la crise (I), puis comment elle témoigne de
la division des Français (II).
I. La presse à l’origine d’une violente crise
politique
A. Un média puissant
• Dans les années 1930, face à l’arrivée de la radio, la
presse se jette sur la photographie et les gros titres,
modifiant son rapport à l’opinion. Les journaux traitent
des évènements pour informer, mais aussi pour faire
basculer l’opinion publique. Ils détiennent ainsi un
pouvoir important.
• Le contexte européen est celui de la montée de
l’extrême-droite : la France risque-t-elle de tomber
dans le fascisme à la faveur d’une crise politique ?
Cette inquiétude prédomine dans Le Populaire qui titre
sur « le coup de force fasciste » (doc 3).
• En 1934, le contexte politico-économique favorise la
montée des mouvements d’extrême-droite, le régime
parlementaire est discrédité par des scandales comme
l’affaire Stavisky (oreillette droite doc. 1 : « Stavisky
déclarait : « Je suis flambé : si je ne fiche pas le camp,
ILS me tueront » ».)
• Homme d’affaire malhonnête, ce dernier a réalisé des
transactions financières avec l’aide d’un ministre et de
députés. Retrouvé mort en janvier, la version officielle
est celle d’un suicide ce que conteste L’Action
française (doc. 1).
B. Une presse partisane qui attise la crise
• Monarchiste (L’Action française cite le duc d’Orléans,
« chef de la Maison France », et le duc de Guise,
« héritier des quarante rois » dans son bandeau), l’AF
contribue à la crise :
 Elle répand les rumeurs de corruptions : « voleurs »,
« assassins » (référence à la mort de Stavisky),
généralise ces attaques (« ILS » – doc. 1) à
l’ensemble des parlementaires.
 Elle appelle à manifester devant la « chambre ».
 Ces attaques se doublent d’attaques contre les
Francs-maçons (doc. 2) : « le bandit Frot et le franc-
maçon Bonnefoy-Sibour ».
• De fait : le 6 février 1934, les ligues d’extrême-droite et
monarchistes comme les « Camelots du Roy », les
« Croix de Feu », « bandes fascistes » pour Le
Populaire, descendent dans la rue (doc. 3).
II. Une presse témoin de la division de
l’opinion
A. La presse témoin de la violence de la crise
• La manifestation est une des plus violentes de l’histoire
politique française : 15 morts, 2 000 blessés au cœur
de Paris.
• La presse est témoin du choc de l’opinion : Paris
« couverte de sang » (doc. 2). L’AF exagère le nombre
de morts : « 50 morts – milliers de blessés » ; « Après
les voleurs, les assassins ».
• Le 7 février, le clivage entre droite et gauche se creuse
envenimé par les médias partisans.
• Selon le Populaire, les manifestants d’extrême-droite
voulaient mener un « coup de force » contre
l’Assemblée. La police a fait son travail en défendant la
démocratie. Il dénonce une manifestation violente :
« les manifestants ont mis le feu au ministère de la
marine », « sauvagerie inouïe », « à coups de
matraques, de rasoirs et de revolvers ». On parle des
morts mais du côté de la police (« 29 morts »).
B. Une division instrumentalisée
• Le 6 février est instrumentalisé par la presse cherchant
à rallier une partie de l’opinion.
• Les clivages idéologiques sont représentés par
l’existence même de ces titres : au Populaire, « organe
du SFIO », répond L’Action française, « organe du
nationalisme intégral ».
• La presse de gauche prend peur et appelle à avoir
confiance dans le gouvernement. Elle affirme que la
Chambre lui vote la confiance. Elle soutient la
répression. La stratégie d’action contre le « coup de
force fasciste » (doc. 3) est une alliance contre elle.
L’ensemble des « camarades » est appelé « à suivre
les mots d’ordre du Parti ». Cet évènement participe du
réveil des gauches : le Front Populaire qui unit
socialistes et communistes.
• Aux politiques corrompus, L’AF oppose un peuple
debout : « la révolte des honnêtes gens », « le sang de
Paris », appelant à une union derrière elle du « peuple
français ». L’AF lance la rumeur que la Chambre refuse
la confiance à Daladier qui préfère démissionner, décrit
sortant du Palais-Bourbon « par derrière, longeant les
murs ».
Conclusion
• La presse joue un rôle essentiel dans la crise du
6 février avec l’essor de la presse partisane
d’opposition. Elle donne le sentiment d’une guerre
civile et pousse à l’action. Pour Le Populaire il
s’agissait de s’unir face aux antiparlementaristes pour
gagner les élections de 1936. Pour L’Action française il
s’agissait de s’unir face aux parlementaires pour
renverser le pouvoir. C’est en tout cas ce que les partis
de gauche ont cru et affirmé dans la presse. Nombre
d’historiens ne valident pas aujourd’hui une telle
volonté.
Chapitre 2

Liberté ou contrôle
de l’information
Synthèse de cours
Introduction
Tous les gouvernements ont cherché à orienter,
surveiller, brider la presse. C’est avec elle et pour elle
que se sont mis en place les circuits et méthodes de
l’information politique, culturelle, économique. Ce
combat pluriséculaire est fait de reculs et d’avancées
pour asseoir la liberté d’informer (I). L’information est la
relation d’un événement ou d’un fait, transmis par des
témoins à un journal ou à une agence de presse. Le
rôle des journalistes est de servir de relais entre ce fait
et le public, mais le rôle croissant des agences de
presse proches des milieux d’affaires et de pouvoir
interroge la construction d’un monopole de l’information
(II). Aujourd’hui dans de nombreux pays, les
journalistes doivent toujours faire face à la censure et à
la répression et des limites à la liberté d’informer
demeurent même dans les anciennes démocraties (III).
Notions du chapitre : censure, monopole, agence de
presse, liberté d’expression, liberté de la presse, droit à
l’information, propagande, marché de l’information,
journalisme, RSF.
I. La liberté d’informer : un combat
pluriséculaire
A. Pouvoir et information : une relation complexe
Pouvoir et information sont intimement liés en
France sous l’Ancien Régime. En 1631, la première
Gazette de Théophraste Renaudot, publiée à Paris,
marque la naissance de la presse française et son lien
avec le pouvoir. Soutenue par Richelieu, Renaudot
obtient le privilège de l’impression de toutes les
informations.
Imprimerie, librairie, colportage sont soumis à une
surveillance étroite : brevet d’imprimeur, privilège royal,
contrôle policier. La presse autorisée se développe
lentement : en 1777 seulement paraît le 1er quotidien
français : Le Journal de Paris.
Les publications clandestines se multiplient. La
convocation des États-Généraux en 1788 suscite libelles
et pamphlets qui ont un rôle important dans la circulation
de l’information sous la Révolution. Dans les cahiers des
doléances de 1789 s’expriment des aspirations à plus de
libertés. Mirabeau écrit : « La liberté de la presse (est…)
la liberté sans laquelle les autres ne seront jamais
acquises. »
Des premiers espoirs déçus. Au XIXe siècle, presse et
gouvernements s’affrontent : la presse n’est libre que
de 1789 à 1792 : l’information repasse sous le contrôle
du pouvoir (Ier et IInd Empire, monarchies
constitutionnelles de 1815-1848).
Il faut attendre la loi du 29 juillet 1881 et
la IIIe République pour l’indépendance des médias face à
l’État.
Zoom notion
Le « timbre »
 Les gouvernements poussent les journalistes à l’auto-
censure : soit par un système d’avertissements (risque de
peines de prison) ; soit en renchérissant le coût d’un journal
sous le IInd empire.
 Le « timbre » à 5 centimes : les journaux doivent être
imprimés sur du papier timbré par l’administration, elle
contrôle le nombre d’exemplaires et renchérit le prix de vente.
 Des lois postales limitent la diffusion en la rendant plus
chère.

B. Une liberté universelle dans les textes


Il faut attendre plus d’un siècle pour que la liberté
d’expression soit inscrite dans les textes. La Suède est
le 1er pays à instituer le droit de la presse en 1766 : la
liberté de publication est inscrite dans la Constitution. Le
1er amendement de la Constitution américaine garantit la
liberté d’expression et d’information, indépendante des
pouvoirs (1791).
Cette liberté devient un droit universel et s’étend à tous
les médias :
• La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789 définit dans l’article 11 un droit à l’information.
• En 1881, la loi du 29 juillet rattache la liberté de la
presse à la liberté d’opinion. Elle abroge la
réglementation antérieure limitant imprimerie,
colportage et affichage. Libérale, une simple
déclaration suffit pour créer une entreprise de presse.
Les personnes mises en cause disposent d’un droit de
réponse.
• La Convention européenne des droits de l’homme
(1950) donne la priorité aux critères de contrôle et de
vigilance démocratique de la presse et de l’information.
• L’arrêt Handyside (1976) de la Cour européenne de
Strasbourg, étend la liberté d’expression même aux
informations « qui heurtent, choquent ou inquiètent
l’État. »
• La Cour européenne de Strasbourg définit un « droit
des journalistes de taire leurs sources ».
Les principes sont posés, mais les gouvernements
cherchent des moyens de les limiter.
C. Limites légales et maintien du contrôle de l’État
Les droits des individus peuvent être préférés à la
liberté d’expression. La Déclaration de 1789 évoque
un « abus de cette liberté dans les cas prévus par la
loi ». La loi de 1881 sanctionne 3 délits : l’offense au
président de la République, l’outrage aux bonnes
mœurs, la publication de fausses nouvelles.
Le contrôle se renforce en période de crise. Des
« lois scélérates » (1893 et 1894) répriment la
propagande anarchiste, elles sont ensuite utilisées
ensuite contre les communistes.
Durant la Première Guerre mondiale, la loi de 1881 est
suspendue avec l’état de siège : l’information laisse
place à la propagande d’État au nom de la Défense
nationale.
Durant l’Occupation : censure, contrôle, interdictions
rétablis par les Allemands et Vichy. À la Libération : les
restrictions ne sont levées qu’en 1947.
À partir de 1949, de nouvelles limitations :
• En 1949 au nom de la protection de l’enfance.
Exemple Interdiction d’affichage.
• 1951 : délit d’apologie des crimes de guerre.
• 1955 : loi sur l’état d’urgence permet aux préfets de
contrôler presse, radio, cinéma et théâtre.
• 1972 : loi Pleven contre la « provocation à la haine, la
discrimination ».
• 1990 : loi Gayssot contre le délit de « négationnisme ».
• 2001 : la loi Taubira (« mémorielle »)
La France se met en conformité avec la jurisprudence
européenne tardivement.
ExempleIl faut attendre 2010 et la loi Dati pour l’adoption
du droit des journalistes sur la protection des
sources avec 2 exceptions : pour des « questions
d’intérêt général » ou infractions graves aux yeux de
la justice.
La tradition anglo-saxonne est plus libérale.
Zoom notion
Radio et pouvoir en France
 En 1945, toutes les concessions accordées aux radios
privées en France sont annulées par ordonnance.
 Décret créant la RDF (Radiodiffusion française), qui devient
la RTF en 1949, érigée en monopole.
 1958, De Gaulle revient au pouvoir et prononce sa mainmise
complète sur l’information (radio et télévision avec l’ORTF,
Office de Radiotélévision française, créée en 1964). Lors de
la tentative de putsch des généraux en Algérie en 1961, les
médias passent en boucle le message du Président appelant
à ne pas suivre les généraux.
 C’est seulement en 1982 que le monopole de la radio est
abrogé. Les contenus restent contrôlés par le CSA (Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel).

II. L’information en débat entre marché et


État
A. L’essor des agences de presse
Zoom notion
Les agences de presse
 Elles recueillent, trient, stockent, transmettent l’information.
Elles ont des impératifs de rapidité, d’exactitude et
d’exhaustivité pour leurs clients. Les grandes agences
peuvent couvrir l’événement partout grâce à un réseau de
correspondants dans tous les centres producteurs
d’information du monde.

Au XIXe, un marché de l’information se développe, des


agences de presse spécialisées s’organisent et
alimentent le flux informationnel continu.
L’intérêt porté à l’information est indissociable des
enjeux économiques et financiers.
Les premiers monopoles de l’information :
• L’exemple de l’agence Havas : Charles Havas ouvre
à Paris un bureau d’information qui devient l’agence
Havas en 1835. Avec l’appui du pouvoir, elle
monopolise les services télégraphiques. Son agence
devient le canal privilégié de la diffusion de
l’information gouvernementale. Ses premiers succès
reposent sur la diffusion des informations financières
de la Bourse de Londres par pigeons voyageurs.
• L’agence Reuter est créée à Londres en 1851 par un
ancien agent d’Havas, ses premiers services sont
financiers.
• L’agence Wolff, fondée à Berlin en 1849 également
par un ancien employé d’Havas, passe dès 1865 sous
le contrôle prussien.
• L’Associated Press aux États-Unis née de
l’association de 6 journaux en 1848.
Pour faire face à la concurrence les grandes agences
passent des accords d’échanges des informations se
réservant des domaines géographiques exclusifs :
1er accord Havas-Wolff-Reuter en 1859.
B. Une compétition accrue pour le contrôle du marché
de l’information
L’entre-deux-guerres est marqué par une aggravation
des tensions entre agences de presse. Les régimes
totalitaires contrôlent de nouvelles agences (Deutsches
Nachrichten Büro en Allemagne, Tass pour l’URSS) à
des fins de propagande internationale. L’Agence Havas
en 1940 est « nationalisée » par Pierre Laval.
Après 1945, les agences américaines ont une position
dominante (Associated Press et United Press créée en
1907), les États-Unis édictent la libre circulation
internationale de l’information.
Pendant la Guerre Froide, les agences occidentales se
concurrencent, mais développent un professionnalisme
commun, en opposition avec les valeurs défendues par
Tass ou « Chine nouvelle ».
En France, l’Agence France-Presse (AFP), créée en
1944, tente de mettre en place un type d’information
mondiale différente de l’anglo-saxonne. Mais celle-ci
reste dominante.
C. Remise en cause de l’ordre mondial de
l’information et spécialisation
Le différend Nord-Sud qui se fait entendre à l’ONU
rejaillit sur la question du partage de l’information :
les pays du Sud contestent le néo-impérialisme culturel
de l’Occident par ses médias et agences. Le Nord est
accusé de déformer l’information envoyée par le Sud.
Le Sud préconise un « nouvel ordre mondial de
l’information et de la communication » : la circulation de
l’information doit être équilibrée pour être libre. Sont
créées des agences de presse nationales dans les PED.
Elles coopèrent entre elles : l’Agence panafricaine de
presse (PANA) ; Inter-Presse-Service (IPS) multiplie les
échanges entre agences d’Amérique latine, d’Afrique et
d’Asie.
Les marchés de l’information se spécialisent vers
l’information boursière qui leur assure des revenus
importants. L’agence Reuters développe des services
économiques et financiers, elle permet de réaliser des
opérations boursières en temps réel. Des agences
spécialisées naissent comme Bloomberg.
Les agences généralistes développent de nouveaux
contenus (information économique, sportive,
divertissement) à destination des télévisions et
diversifient leurs services.
L’avènement de l’Internet les confronte à une exigence
toujours plus grande de leurs clients en matière de
réactivité.
III. Nouveaux défis pour l’information
au XXIe siècle
A. Une liberté toujours bafouée dans une partie du
monde
Elle ne s’exerce pleinement que dans un nombre
limité de pays : Europe de l’Ouest, Amérique du Nord,
une partie de l’Europe de l’Est, Océanie, Israël et dans
certains pays d’Afrique et d’Asie.
Des facteurs économiques peuvent limiter le pouvoir
de la presse et la liberté de la presse est limitée dans les
régimes autoritaires.
Les enquêtes de Reporters sans frontières mettent
en lumière les violations répétées de la liberté de la
presse.
Exemple La Turquie exige que la question kurde soit
traitée dans un sens progouvernemental.
Les journalistes, notamment les correspondants de
guerre, paient un lourd tribut au droit à l’information. En
2018, 80 journalistes tués (en 2019, la moitié). Plus de
700 tués ces 10 dernières années. Autre chiffre
inquiétant : le nombre de journalistes détenus en
hausse : 389 en 2019 (plus de la moitié dans 3 pays : la
Chine, l’Égypte et l’Arabie saoudite).
Zoom acteur
RSF
 Reporters sans frontières est une ONG indépendante créée
en 1985 qui a pour mission de surveiller l’état de la liberté de
la presse. Elle publie un « classement mondial de la liberté de
la presse » : parmi les pays les plus répressifs en 2020
figurent la Corée du Nord, Erythrée, le Turkménistan, la
Chine, Djibouti ou encore le Vietnam, la Syrie et l’Iran.

B. Une liberté qui reste sous condition dans les pays


démocratiques
La logique économique peut aller à l’encontre de la
liberté de publier. L’information devient une donnée
économique dont la valeur se mesure par son niveau
d’audience. Le risque est d’empêcher le développement
d’une information différente moins rentable.
Exemple La France au classement RSF 2020 n’est que
34 à cause de la hausse inquiétante des attaques
e

et pressions contre les journalistes. Nombre d’entre


eux ont été blessés par les tirs de LBD ou gaz
lacrymogènes ou agressés par des manifestants lors
du mouvement des Gilets jaunes en 2019. Autre
forme de pression : le nombre croissant
d’intimidations judiciaires visant les journalistes
d’investigation afin d’identifier leurs sources (ex :
affaire Benalla, vente d’armes à l’Arabie saoudite).
De plus les conflits d’intérêts demeurent avec le
processus de détention capitalistique des groupes
de médias.
La concentration des médias fait courir le risque d’une
homogénéisation (« pensée unique ») et une perte du
pluralisme de l’information (logique capitaliste de fusion-
acquisition).
Exemplede concentration aux États-Unis, 6 conglomérats
(Disney, Viacom, Time Warner, News Corp,
Bertelsmann, Comcast) possèdent 90 % du marché
des médias.
Une évolution parallèle : la « diversification » des
médias. L’avènement du web 2.0 a rendu possible
l’appropriation de l’Internet par des utilisateurs toujours
plus nombreux (« journalisme citoyen »). Mais il pose de
nouvelles questions : problèmes de vérification des
sources, traitement de l’information, risque de
désinformation…
Zoom notion
Déontologie du journalisme
 Les journalistes, au cœur des conflits de pouvoir entre
affaires, politique, publicité, codifient leurs pratiques. Une
Charte des devoirs professionnels des journalistes
français est adoptée par le syndicat des journalistes français
en 1918. Ils définissent des interdictions comme : déformer
les faits, mentir, plagier, accepter de l’argent de services
publics ou d’intérêts privés. Ils sont responsables de leurs
écrits et ont un devoir de secret professionnel.

Conclusion
Dans les pays réputés démocratiques, où la presse est
considérée comme le « quatrième pouvoir », lois du
marché et publicité s’imposent et peuvent mettre à mal
la liberté des journalistes dès lors que celle-ci
contrevient aux intérêts économiques des groupes
contrôlant les organes de presse. Les conflits armés
créent toujours dans le monde des situations
complexes pour la liberté de l’information.
Le marché de l’information reste l’objet de tensions
entre contrôle externe (par les États, lobbys, groupes
financiers…) et tendance à l’auto-régulation interne, la
liberté d’expression reste fragile face aux nouveaux
défis contemporains.
Fiche méthode

Méthode

Le commentaire de deux documents


• Conseils généraux
L’objectif reste le même que dans un commentaire
classique : dégager la portée des documents, les
intentions des auteurs, contexte de production.
Mais ici il faut nécessairement les comparer tout au
long du commentaire en faisant des allers-retours entre
les deux.
Attention Il ne faut pas séparer l’étude des 2 documents en
consacrant la première partie à l’un, puis la deuxième à l’autre !

1. Bien lire
 Pour identifier la question centrale que pose le sujet.
 Pour montrer quel est l’intérêt des documents, en
quoi ils nous donnent des clés d’explication sur un
problème historique ou géographique.
(Voir fiche méthode : Analyser un sujet)
2. Présenter les documents
 Indiquer : natures, sources, auteurs, dates, contexte,
idée centrale.
Ce travail peut être réalisé à l’aide d’un tableau à
double entrée au brouillon permettant de faire
ressortir points communs et divergences.
3. Confronter les deux documents
 Identifier les thèmes principaux présents dans les
documents (2 à 4 maximum) pour répondre au sujet
(ils sont souvent suggérés par celui-ci).
 Relever les informations pour chaque thème dans
les documents (extraits, notion illustrée, mots-clés) :
cela permet de confronter les points de vue.
Ces informations peuvent être prises en note dans un
tableau à double entrée reprenant un thème par
colonne : ce travail de hiérarchisation des
informations permet de rester collé aux documents
sans en faire un prétexte pour réciter le cours.
4. Rédiger !
La présentation des documents et l’analyse du sujet
doivent être reprises en introduction ainsi que la
problématique.
Les 2 à 4 thèmes communs aux deux documents
peuvent constituer vos parties : ainsi vous ne risquez
pas de séparer leur analyse !

Méthode appliquée

Sujet

« Quel rôle joue la presse dans l’affaire Dreyfus


et l’évolution de l’opinion ? »
Consigne Vous répondrez au sujet en comparant les
apports et limites des deux documents.
Document 1 Une condamnation antisémite de Dreyfus,
dessin de Royer paru dans Le Journal illustré, 6 janvier
1895.
Source Méaulle Fortuné-Louis (11 avril 1844-) (Graveur) ; Janvier 1895.
Royer Lionel (Illustrateur) ; Janvier 1895. Collections musée de Bretagne
et Écomusée du Pays de Rennes.

Document 2 Extrait de la « Lettre au président de la


République » d’Émile Zola, parue dans L’Aurore, le
13 janvier 1898.
« Je le répète avec une certitude plus véhémente : la
vérité est en marche et rien ne l’arrêtera. C’est
aujourd’hui seulement que l’affaire commence (…)
J’accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam
d’avoir été l’ouvrier diabolique de l’erreur judiciaire,
en inconscient, je veux le croire, et d’avoir ensuite
défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans par les
machinations les plus saugrenues et les plus
coupables.
J’accuse le général Mercier de s’être rendu
complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une
des plus grandes iniquités du siècle.
J’accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains
les preuves certaines de l’innocence de Dreyfus et
de les avoir étouffées. (…)
Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que
l’enquête ait lieu au grand jour ! J’attends. »
1. Lire et relire le sujet
 Contexte : La IIIe République, née de la défaite de
1870 face aux Allemands, est encore jeune
lorsqu’elle doit faire face à ses premières crises.
 La presse devient libre en 1881 en France. Les
années 1890 sont celles de l’essor de la presse
illustrée, les tirages augmentent. Le rôle des médias
devient essentiel dans la division de l’opinion.
 « L’affaire » : le capitaine Alfred Dreyfus est arrêté
en octobre 1894 pour espionnage à la solde des
Allemands. Innocent, il est pourtant condamné au
bagne au nom de la raison d’État.
 Problématique : quel a été le rôle de la presse dans
la mobilisation et la division de l’opinion publique au
cours de l’affaire Dreyfus ?
2. Présenter les documents au brouillon
Document 1 Document 2

Gravure de presse
Nature 1890’s : essor de la Article de presse
presse illustrée.

Lionel Royer, peintre


Émile Zola, écrivain et journaliste
Auteur d’histoire, a fait la guerre
engagé
de 1870.

Gravure de « Une » du
Source Article de « Une » de L’Aurore
Journal Illustré

1895 : 5 janvier, le
capitaine Dreyfus est
dégradé dans la cour de
l’École militaire,
condamné au bagne à 13 janvier 1898 : cet article révèle
Date perpétuité et déporté à « l’affaire », c’est-à-dire l’erreur
Cayenne. Il n’y a pas judiciaire.
encore d’« affaire ».
Politiques et opinion sont
convaincus de sa
culpabilité.

Gravure Quotidien républicain ; Zola y clame


« antidreyfusarde ». son opinion et accuse des hauts
Il reprend des argumentsgradés de l’armée d’avoir condamné
Sujet/ antisémites. un innocent pour éviter le déshonneur.
(En 1896 : le vrai coupable, Esterhazy,
Point Il défend la justice est découvert, jamais condamné).
de vue militaire. Il tombe sous le coup d’une des
Pas de critique de cette restrictions de la liberté de la presse
condamnation rapportée de la loi de 1881 et est accusé
comme un fait historique. dans un procès.

Journal illustré : presse à 300 000 exemplaires tirés. Le but est


Public
bas coût (10 centimes) d’alerter sur l’affaire face à une opinion
visé
Groupe du Petit Journal. à 90 % antidreyfusarde.

Les 2 documents ont en commun de révéler l’importance


du rôle de la presse dans cette affaire : elle est une
actrice de l’affaire. Les points de vue proposés sont
opposés et témoignent de la division de l’opinion.
3. Organiser le commentaire au brouillon

Partie 1 : Partie 2 :
Une presse puissante et … témoin de la mobilisation
divisée… et de la division de l’opinion

Soutien des institutions :


• de l’armée : corps uni qui
Lectorat conséquent se défait d’un traître
Rôle des illustrations attractives (dégradation).

Relation de l’actualité judiciaire. • de la Justice militaire


Doc. (allégorie avec balance et
1 Position antidreyfusarde largement glaive brandi) qui ôte
partagée l’uniforme.
Antisémitisme latent : « Judas » : le Souvenir de la Défaite de
traître 1870 : soutien massif à l’armée
et dénonciations violentes
de Dreyfus.

Mise en cause des


Diversification de la presse : responsables et des
apparition d’une presse d’opinion institutions.
Tirage plus restreint Justice inique : machination
Lettre de Zola : réaction Rôle des élites
au jugement en faveur et des intellectuels
du commandant Esterhazy, déclaré pour défendre les valeurs
innocent le 11 janvier 1898 de justice.
Doc.
2 Accusation de 3 officiers supérieurs Lettre adressée au président :
Titre spectaculaire : « J’accuse ! » un « justicier »
C’est cet article et le procès de Zola Écrivain traduit en justice
qui s’ensuit qui déclenche par les généraux
« l’affaire ». Procès relayés :
Cette lettre médiatise l’affaire participent de la médiatisation
L’Aurore acteur de l’affaire et révèlent les incohérences
de l’affaire.

Conclusion
Ces documents permettent d’appréhender des aspects
majeurs de l’affaire qui divisa les Français : les
institutions en cause, le rôle de la presse qui déclenche
l’affaire et témoigne de la division de l’opinion.
Mais il faut relativiser l’écho de ces documents : la
France reste rurale et ces documents ne couvrent
qu’une partie de l’affaire. On peut croire à une division
égale entre les deux camps ce qui est loin d’être le cas
en 1895-1898.
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Doit-on limiter la liberté d’informer


aujourd’hui ? »
Introduction
• (Accroche) Dans le droit français, la liberté
d’expression est formulée dans la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 et a donc
valeur constitutionnelle, les lois doivent respecter cette
liberté.
• (Sujet) Pourtant, le sujet soulève un paradoxe : à
l’heure où nos sociétés se transforment en sociétés de
l’information, des limites semblent nécessaires pour
contrôler celle-ci, même dans une démocratie. La
« liberté d’informer » fait partie des libertés
individuelles. L’information doit être accessible par
tous, mais demande des commentaires, une analyse,
elle est donc presque toujours l’expression d’une
opinion. Les « limites » renvoient à différents degrés de
liberté de l’information jusqu’à la censure dans les
régimes autoritaires. Se pose alors la question de la
régulation de cette liberté dans une démocratie, car
comme pour toute liberté, ma liberté s’arrête là où
commence celle d’autrui.
• (Problématique) Comment justifier la limitation de la
liberté d’informer dans un régime démocratique ?
• (Plan) La liberté d’informer est une liberté
fondamentale qui semble incompatible avec des limites
instituées (I). Mais elle n’est pas absolue et des limites
sont instaurées pour garantir l’égalité dans un État de
droit (II).
I. La liberté d’informer : une liberté
fondamentale
A. Liberté d’informer et limites : une longue lutte
• L’essor de la presse est contemporain de la lutte pour
la démocratisation de nos sociétés, conquise de haute
lutte. Elle se diversifie permettant l’expression aussi
bien de la majorité que de l’opposition.
• Dans les régimes autoritaires jusqu’à aujourd’hui
(Corée du Nord, dernier du classement RSF 2019),
cette liberté d’informer reste sous le contrôle du
gouvernement (« Boulier d’or » pour l’internet chinois).
Des pressions sont exercées sur les journalistes,
premières victimes de la violence d’État (assassinat de
Anna Politkovskaïa en Russie en 2006). Les régimes
autoritaires gardent la main jalousement sur ce
« 4e pouvoir ».
B. Une liberté nécessaire en démocratie
• Les médias sont des contre-pouvoirs efficaces. Ils ont
un rôle essentiel en dénonçant scandales et
dysfonctionnements. L’affaire Dreyfus avec E. Zola et
son fameux « J’accuse » révèle ainsi le scandale
judicaire en 1898. Les médias ont un rôle essentiel
dans la révélation de scandales politiques comme le
Watergate aux États-Unis révélé par des journalistes
d’investigation du Washington Post entraînant la
démission du président Nixon en 1974 (espionnage,
abus de pouvoir) , ou le travail des journalistes de
Mediapart révélant les abus de pouvoir d’A. Benalla en
2018-2019.
C. Des limites nouvelles inquiétantes
• La concentration des médias dans de grands
groupes industriels pouvant défendre des intérêts
privés.
Exemple Lagardère en France.
• La proximité entre médias et pouvoir politique
demeure même dans des régimes démocratiques.
Exemple En Italie, Berlusconi jusqu’en 2006 a été à la
fois chef de gouvernement et PDG d’un groupe de
médias contrôlant 90 % de l’audience des chaînes
italiennes.
• Des exigences économiques avec l’accroissement de
la concurrence : certains médias pratiquent l’auto-
censure pour éviter de perdre de l’audience, se
conforment à la pensée dominante, traitent de sujets
préférés à d’autres, évitent de critiquer. Le risque est
grand de la désinformation de l’opinion.
• (Transition) Ainsi limiter la liberté d’informer paraît
contradictoire avec son exercice. Mais celle-ci ne doit
pas s’exercer au détriment des autres libertés.
II. Une liberté d’informer non absolue
A. Les dérives des médias
• Les médias pour attirer lectorat ou audience se
spécialisent dans le sensationnel et peuvent porter
atteinte à la vie privée.
• L’importance des médias dans la vie politique, la
publication de sondages d’opinion, inquiètent sur le
risque d’influencer le corps électoral.
• De nouveaux médias (blogs, Youtube, réseaux
sociaux) sont des supports de diffusion de propos
racistes, théories complotistes ou négationnistes, de
Fake news…
B. Des limites retranscrites dans le droit
• La Cour européenne énumère les restrictions que les
États sont en droit d’apporter à la liberté d’expression.
Elles relèvent de :
 l’intérêt public : sécurité nationale, intégrité
territoriale, sûreté publique, défense de l’ordre,
prévention du crime, protection de la morale…
 la protection de la réputation ou des droits d’autrui :
protection des informations confidentielles, protection
du droit à l’image, protection de la présomption
d’innocence…
• La législation française préfère favoriser la défense des
droits individuels en limitant la liberté d’informer depuis
les années 1970. Le but : éviter les dérives des
médias.
• La déontologie des professionnels de l’information
interdit également certaines pratiques (injure,
déformation de la réalité…).
C. Vers un renforcement du contrôle des médias ?
• Face aux défis contemporains comme la lutte contre le
terrorisme (attentat de Charlie Hebdo en France), le
contrôle de l’État se renforce sur les médias, même s’il
ne prend plus les mêmes formes dans un contexte de
déréglementation et de multiplication de l’information.
• L’État contrôle l’information : en référençant les sites
Internet suspects, en mémorisant les individus les
consultant, demandant aux géants de l’internet
informations et blocages de site.
• Les ONG et journalistes s’inquiètent du risque de
limitation abusive de leur liberté d’informer (loi
promulguée en 2018 contre les Fake news).
Conclusion
• Les libertés de la presse et d’expression sont de
grandes conquêtes démocratiques. Si des limites
existent, c’est pour protéger les droits individuels. Cette
tension entre liberté d’informer et limites est à nouveau
débattu avec l’accélération et la massification de
l’information. Les premières réponses des pouvoirs
font craindre des abus.
Chapitre 3

L’information à l’heure
d’internet
Synthèse de cours
Introduction
L’émergence des TIC transforme les activités
humaines et l’organisation de la société. Nous
employons de nouveaux outils au quotidien pour
communiquer. De nouvelles techniques et normes se
déploient auxquelles répondent de nouveaux besoins
sociaux avec l’appropriation par les usagers de ces
outils. Quelles nouvelles opportunités et risques portent
cette révolution de l’information pour le développement
humain ?
La révolution Internet conditionne une véritable
révolution de l’information (I). Les rapports à
l’information des utilisateurs sont bouleversés (II). Mais
cette « société de l’information » émergente est
porteuse de nouvelles menaces (III).
Notions du chapitre : révolution numérique, fracture
numérique, Toile, réseaux sociaux, Web 2.0,
journalisme 2.0, Fake news, théories du complot, hoax,
Fact checking, désinformation.
I. Révolution numérique et révolution de
l’information
A. La Toile : acteur essentiel de la révolution
numérique
Zoom notion
Révolution numérique
 Introduction massive et rapide de la technologie numérique
dans tous les domaines de la vie. Elle contribue à
l’émergence d’un réseau mondial de l’information se
densifiant avec de nouveaux supports.
 Expression créée et utilisée par des auteurs technophiles
identifiant progrès technique et humain. Elle suscite de vives
critiques (« technophobes »).

La miniaturisation des composants permet de produire


des appareils « multifonctions » à prix accessibles dès
2000.
L’augmentation rapide du nombre d’accès à internet à
haut débit.
ADSL, par câble) et très haut débit (fibre optique,
Exemple
4G/5G) favorise la diffusion de contenus
audiovisuels à des prix abordables.
En 2000, Internet compte 368 millions d’ordinateurs
connectés dans le monde, dont 40 % en Amérique du
Nord.
D’après le Digital Report 2019 plus de 4,39 milliards de
personnes dans le monde ont accès à Internet en janvier
2019.
Internet n’est plus une simple « autoroute de
l’information » et devient une « société de
communication » avec de nouveaux moyens de
communication intuitifs.
La grande majorité des citoyens des pays industrialisés
utilise les TIC pour accéder à l’information.
Exemple En France, 88 % de la population en 2018.
B. Un paysage médiatique bouleversé
Le numérique recompose le paysage des médias
selon plusieurs logiques :
• L’auto-programmation : c’est la possibilité de
composer son programme soi-même, en allant puiser
contenus ou services sur la Toile. On entre dans l’ère
du « ce que je veux, quand je veux et comme je le
veux » (Atawad).
• Le mode d’accès à l’information devient horizontal :
on passe de site en site par l’intermédiaire des liens
dans les articles, ceux que proposent un moteur de
recherche ou ceux recommandés par d’autres
utilisateurs.
• L’autoproduction avec le Web 2.0, ses blogs et
plateformes de partage, on passe dans une logique de
Do-it-yourself (DIY), permettant à chacun de
s’exprimer.
• Une accessibilité accrue avec des supports, devenus
des terminaux, toujours plus nombreux et performants.
• L’hyperfragmentation découle d’une diversité plus
grande et des publics dispersés sur l’ensemble de la
planète « globalisant » les marchés.
• Le multimédia brouillent les barrières : l’écrit intègre
de l’hypertexte, l’audiovisuel se libère des grilles de
programme avec l’écoute en différé.
Zoom notion
Web 2.0
 Désigne l’évolution exponentielle des réseaux sociaux
numériques. Née en 2004 (sous la plume de Tim O’Reilly qui
dirige une agence de médias américaine), elle ne s’impose
qu’en 2007 avec l’apparition de Facebook et de Twitter. Ce
« web participatif » concerne surtout les interfaces et
échanges permettant aux internautes, sans compétences
techniques, de s’approprier de nouvelles fonctionnalités du
Web.

C. Le poids des plateformes numériques


Les premiers sites visités par les Français ne sont pas
des sites d’information : Google (version.com et version
française du site) en 1er en 2019, suivi par YouTube et
Facebook. Ces plateformes sont devenues des portes
d’entrées pratiquement obligées.
• Google : 1er moteur de recherche dans le monde.
• Wikipédia, lancé en 2001, site collaboratif :
1re encyclopédie en ligne.
• YouTube et Dailymotion : sites d’hébergement de
vidéos (en 2020 : plus de 2 milliards d’utilisateurs).
• Facebook, lancé en 2004, ouvert à tous en 2006,
1er réseau social avec 2,7 milliards de membres actifs
fin 2020.
• Twitter s’est illustré à l’occasion des révolutions arabes,
en 2011-2012 : véritable moyen d’information avec ses
minimessages.
• En 2011-2012, apparaissent des réseaux sociaux de
2e génération : des réseaux thématiques ciblant une
catégorie d’internautes.
Exemple Snapchat pour les adolescents.
II. L’évolution des usages
A. Nouveaux modes de consommation de l’information
et inégalités
Les habitudes de consommation évoluent. En 2016, la
lecture digitale regroupe 50 % des lectures de presse, la
diffusion print poursuit son déclin.
Mais l’information reste un élément de la vie
quotidienne : en 2016, 98 % des Français de plus de
18 ans s’informent, dont 63 % plusieurs fois par jour,
90 % au moins une fois par jour, seul 1 % moins d’une
fois par semaine (Médiamétrie).
Un effet générationnel apparaît : les jeunes générations
transitent plus par internet. Si 38 % des Français
passent par internet pour accéder à l’information, c’est
77 % pour les 18-24 ans.
Les TIC sont progressivement mises à la portée du
grand public, mais leur usage devient indispensable au
quotidien et le fossé se creuse entre utilisateurs et non
utilisateurs :
• Dans les pays développés, sur le plan géographique,
les différences sont marquées entre zones rurales et
urbaines. Selon l’UFC-Que choisir (2019), 20 % des
internautes français n’ont pas accès au haut débit, et la
½ d’entre eux n’ont pas accès à un internet de qualité
« minimale ». « L’objectif présidentiel d’un accès de
qualité à Internet pour tous d’ici 2020 relève du
mirage ». Le déploiement du très haut débit renforcent
cette fracture (« zones blanches »). Le fossé
générationnel double cette inégalité géographique
d’accès aux réseaux : 2 non-internautes sur 3 sont
retraités, seuls 5 % possèdent un smartphone (2015).
Les inégalités sociales sont renforcées : les revenus
élevés, cadres supérieurs, habitants d’agglomération,
sont plus équipés et utilisent plusieurs modes de
connexion.
• À l’échelle mondiale, 3 milliards d’individus ne
disposent toujours pas d’accès à la Toile. Un accès
pour tous, a un prix raisonnable fait toujours partie des
17 objectifs du « Programme de développement
durable à l’horizon 2030 » engagé par l’ONU.
L’économie numérique a un effet multiplicateur des
inégalités. Les non-connectés, minoritaires, sont
également ceux qui sont marginalisés socialement,
culturellement, économiquement.
B. Redéfinition du rapport à l’information
Le rapport à l’information est bouleversé avec
internet.
Exemple en France : Les grands titres de la presse
ont vu leurs ventes dégringoler.
Exemple Le Monde, ses ventes passent de 500 000
exemplaires dans les années 1970 à 200 000 dans
les années 2010. Gratuité et immédiateté
conditionnent le rapport à l’information. Des pure
players apparaissent, des journaux intégralement
diffusés en ligne (ex : Rue 89, Slate, Mediapart…).
Mais les médias traditionnels restent en tête du
classement pour la confiance : la radio à la 1re place
avec 56 % d’indice de confiance, puis les journaux
(52 %), la télévision (48 %), internet loin derrière (25 %).
La réalité est plus complexe : on assiste à un transfert
de « support » plus qu’à un changement de source
d’informations.
Le rapport entre public et professionnels de
l’information évolue.
Dans le modèle traditionnel, le public est cantonné à un
rôle de récepteur.
Avec l’information en ligne, il joue un rôle de
transmetteur.
Exemple En partageant un article sur les réseaux.
Le public peut se transformer en émetteur, critique,
personne-ressource.
ExempleMultiplication des articles citant des tweets, qui
constituent alors à eux seuls une information.
Des sites de grands médias hébergent des plateformes
de blogs, rédigés par des non professionnels.
C’est la fin du modèle de média homogène qui laisse
place à une polyphonie informationnelle hybride.
Zoom notion
L’art du tweet
 Lors des élections américaines de 2016 et des élections
françaises de 2017, les candidats se servent de plateformes
YouTube, Twitter et Facebook pour s’adresser directement
aux citoyens par des tweets, blogs ou vidéos.
 Cette stratégie, dite du « one-to-many », neutralisent les
intermédiaires au risque de ne s’adresser qu’à un public
restreint et déjà acquis.
 Le meilleur exemple est celui de D. Trump et de sa
« diplomatie du tweet » qui a suscité lui-même de nombreux
articles.

C. La profession de journaliste évolue


Traditionnellement, le journalisme est encadré. Le
journaliste dispose d’une carte de presse qui atteste un
cadre déontologique.
La pratique du journalisme se démocratise.
La profession se précarise : contexte financier, impératif
d’une information à moindre coût.
Les médias numériques se démarquent par leur
réactivité au détriment parfois d’une information moins
vérifiée et nuancée.
Zoom notion
Journalisme 2.0
 Le web 2.0 implique une redéfinition du rôle du journaliste
professionnel dans ce nouvel écosystème de l’information.
Les flux d’information en réseau (many to many) dépassent
l’ancienne logique des mass media (one to many) et circulent
maintenant de manière horizontale. La logique des réseaux
sociaux fait rentrer les médias dans des logiques
conversationnelles. Le journalisme 2.0 doit se réinventer à
partir de ce qui fait l’essence du journalisme : enquête,
vérification, recoupement des faits, style, déontologie.

III. « Société de l’information » et nouveaux


risques
A. De nouveaux risques
La révolution numérique s’étend à tous les domaines de
la vie. Mais des désagréments spécifiques à Internet
apparaissent.
Des difficultés d’accès à l’information : multiplication
des courriels, nécessité des mises à jour, virus, spam…
Des risques nouveaux pour les libertés
individuelles (« Big Brother ») :
• de la part des États : mise en place de surveillance
globale, fichage.
• des robots mus par des algorithmes peuvent orienter
des recherches sur les moteurs (référencement,
ciblage des publics).
• de la part des pirates informatiques : vol et revente
des données personnelles, hameçonnage…
• La distinction entre vie privée et publique
s’estompe à mesure que croît le flux d’informations.
ExempleLicenciements pour des actes privés publiés sur
Facebook.
De nouveaux risques écologiques :
• Le phénomène « big data » : les centres de données
sont de plus en plus volumineux, coûteux en
énergie (en parallèle de l’essor du cloud computing).
Les unités de mesures pour quantifier cette masse ne
cessent de grandir : exaoctets (1018 octets), zettaoctets
(1021)…
De nouveaux risques sanitaires :
• La surcharge informationnelle avec ses conséquences
psychologiques et physiques.
• La généralisation d’Internet et du téléphone portable au
quotidien (effets nocifs des ondes électromagnétiques).
Zoom notion
Infobésité
 Concept désignant l’excès d’informations reçues par une
personne qu’elle ne peut traiter ou supporter sans porter
préjudice à elle-même ou à son activité (anxiété
informationnelle, cyberdépendance, déficit d’attention…).
 La surinformation peut être aussi une stratégie délibérée de
communication : elle rend le tri et le recul analytique
impossible. Elle peut être employée dans le cas
d’une « guerre de l’information ».

B. Du « tout information » à la désinformation


Internet peut aussi être un canal majeur de
désinformation, c’est le revers de l’autoproduction.
Les contenus mensongers ne sont pas nouveaux : les
hoax (« canulars ») et théories du complot circulent
massivement depuis les débuts d’internet.
Zoom notion
Fake news
 Néologisme apparu aux États-Unis, traduit par « fausse
nouvelle » ou « fausse information ». Il ne s’agit pas de
nouvelles, mais d’affirmations mensongères diffusées par des
médias, dans les moteurs de recherche et réseaux sociaux, à
des fins politiques ou idéologiques. La nouveauté tient à la
multiplication des canaux et à la rapidité de la diffusion.

À partir de 2016, les cas de fake news se multiplient sur


les réseaux sociaux et dans le débat public à l’occasion
du « Brexit », de la campagne électorale de Donald
Trump, puis française. Il s’agit de manipulation de
l’information à des fins politiques.
L’industrialisation de la production des Fake news
s’appuie sur le modèle économique des réseaux
sociaux. Les Fake news sont des produits
informationnels compétitifs car elles génèrent de
l’« engagement » (clics, partages) et contribuent à la
croissance économique des plateformes. Celles-ci sont
soupçonnées de les favoriser.
C. Premières réponses et limites
Les journalistes sont les premiers à agir contre la
désinformation avec la pratique du fact checking,
« vérifier les faits », qui revient à évaluer la véracité des
propos chiffrés tenus par des personnalités publiques.
Des instruments collaboratifs sont mis en place pour
vérifier les informations en circulation et les
différentes sources.
Exemple Le Décodex du Monde.
Les pouvoirs publics entreprennent de légiférer contre
les Fake news.
ExempleEn France, loi promulguée en décembre 2018
avec 2 volets :
– imposer aux plateformes des obligations de
transparence concernant leur processus d’allocation
d’espaces publicitaires ;
– création d’une procédure judiciaire en référé pour
faire supprimer un contenu, déréférencer un site,
fermer un compte en 48 h.
Cette loi suscite des inquiétudes : risque de censure en
période électorale en bloquant des révélations ; risque
qu’en amont les plateformes censurent davantage en
toute opacité.
La société civile se mobilise. Lancée en avril 2018 par
l’ONG RSF et ses partenaires, dont l’AFP, la démarche
de certification Journalism Trust Initiative vise à
établir collectivement (avec médias, syndicats,
associations, plateformes, annonceurs) un référentiel sur
le processus de production de l’information
(transparence de la propriété des médias, indépendance
éditoriale, méthodes journalistiques…).
L’intervention de l’UE pour réguler le marché de
l’information en ligne en organisant la concurrence. En
juin 2017, des amendes records sanctionnent des firmes
pour abus de position dominante (Google condamné à
verser 2,4 milliards d’euros). Des dispositions sont prises
pour lutter contre l’évasion fiscale des géants du web.
Zoom notion
Lanceur d’alerte
 Toute personne, association ou institution, qui connaissant
un danger pour l’intérêt général, adresse un signal d’alarme
pour enclencher une mobilisation collective. Seuls 60 pays
disposent de législation les protégeant. Sur internet,
Wikileaks ouvre la voie avec un site permettant de soumettre
anonymement des documents.

Conclusion
Journalistes et médias jouent toujours un rôle crucial
dans l’écosystème de l’information numérique. Mais le
phénomène des Fake news constitue un nouvel
indicateur d’un déficit démocratique profond dans les
pays occidentaux qui s’exprime par un rejet des élites
politiques, intellectuelles et médiatiques.
Fiche méthode

Méthode

Faire une recherche internet


• Conseils généraux
Dans un contexte de surabondance d’informations et
de diversité de ses supports, les processus de
recherche documentaire et de validation de
l’information requièrent une méthode efficace : une
stratégie de recherche.
• Faire une recherche sur Internet, c’est :
 Savoir chercher.
 Valider la crédibilité de l’information.
 Avoir une attitude responsable lors de son
exploitation.
• Définir sa recherche :
 Quelle est la nature du travail à produire ? exposé,
article…
 Quel est le niveau attendu de l’information ?
information de base (½ ouvrage et une encyclopédie
suffisent) ou développée (articles, conférences,
rapports…)
 Quelle est la nature de l’information recherchée ?
développements, données statistiques…
 Quel est le degré d’actualité ? Des documents
d’archives aux derniers résultats de la recherche…
• Les moteurs de recherche
Si votre sujet est : « Quels sont les impacts des
réseaux sociaux sur les révolutions arabes ? », vous
tapez quoi ?
Si vous tapez « révolutions arabes », vous aurez
2 500 000 résultats ! Google cherche toutes les pages,
images, vidéos… contenant ces mots,
individuellement, mais aussi ensemble.
Pour réduire les résultats, il faut sélectionner les mots-
clés et rédiger des formules pour les moteurs de
recherche.
• Préparer sa recherche
 Reformuler le sujet en une phrase courte,
sélectionner les concepts, chercher des synonymes.
 Aller du général au particulier : pour clarifier le sujet,
consulter des documents qui donnent une vue
d’ensemble (dictionnaires, encyclopédies, manuels).
 Cerner-le avec des questions : Qui ? Quoi ? Quand ?
Où ? Comment ? Pourquoi ?
• Utiliser des « opérateurs de recherche »
Signes typographiques qui permettent d’affiner vos
recherches en fonctionnant comme une opération.
Voici les principaux :

Opérateurs Objectif Exemple

Permet de chercher
une expression telle Retrouver l’auteur d’une citation ;
Guillemets
quelle, Faire une recherche précise ; ex :
«…»
avec les termes « révolutions arabes »
dans le même ordre.

Pour une recherche


précise.
Permet de mettre en Je cherche des informations sur les
ET/+ relation 2 mots, révolutions uniquement arabes :
exclut les pages Révolutions + arabes
contenant
uniquement
un des 2 mots.

OU/OR Pour une recherche Pour des informations sur la Tunisie


large. en général, la révolution en général
ou sur la révolution en Tunisie :
Permet de chercher
Révolution OU Tunisie
2 mots
indépendamment ou
ensemble

Précède et colle le
Tiret : – mot à exclure d’une Ex : Révolution Et Tunisie-Libye
recherche

Pour des informations


sur la révolution, la Tunisie,
Parenthèses Permet de combiner la Turquie, mais aussi
(…) plusieurs signes sur la révolution en Tunisie ou la
révolution en Turquie : Révolution
ET (Tunisie OU Turquie)

Permet de préciser Chercher toutes les informations sur


des bornes les révolutions arabes entre 2010 et
:/=/</> 2013
chronologiques pour
la recherche Révolutions arabes 2011 : 2013

Attention À la casse ! Il est conseillé de n’utiliser que des


minuscules, sans accent, d’enlever les mots vides (articles,
pronoms).

• Valider l’information
Sélectionner les meilleures sources (bases de
données, portails spécialisés…) mais aussi les types
de documents recherchés (articles de presse, vidéo,
images…).
Il faut reconnaître l’origine d’une information pour
évaluer la crédibilité des données :
 Qui est l’auteur ? Organisme ? Professionnel ?
Particulier ?
 Quel est l’objectif du site ? Informer ? Vendre ?
 Quel type de site ? Blog ?
 Comment est présenté le contenu ? Mises à jour ?
Attention Privilégiez des sites d’information reconnus, notamment les
versions numériques de la presse papier.

• Les ressources du Web


Utiliser le portail documentaire du CDI et ses
ressources numériques.
Exemples

 Le catalogue Esidoc : des articles en ligne


référencés ;
 Europresse, accès à la presse en ligne.
Au-delà des moteurs de recherche des portails
utiles :
 Encyclopédies en ligne : Wikipédia, Larousse,
Gallica…
 Archives ouvertes : Google Scholar…
 Articles : Cairn…
• Citer vos sources
Citer vos sources avec une sitographie qui répond à
des normes :
 Références d’une contribution en ligne :
– NOM, Prénom. « Titre de la contribution ». Nom du
site, date d’édition/de mise à jour [date de
consultation]. Disponibilité et accès.
 Références d’une vidéo en ligne :
– Auteur de la mise en ligne. « Titre ». Nom du site.
Date de la mise en ligne. [Date de la consultation]
Disponibilité et accès.
Pour illustrer vos devoirs, utiliser des images libres de
droit.

Méthode appliquée

Sujet

« Quels sont les impacts des réseaux sociaux


sur les révolutions arabes (2011-2012) ? »
Consigne Réaliser une sitographie traitant tous les
aspects du sujet.
I. Analyser le sujet
• Du général… :
 sur l’essor « des réseaux sociaux » (Twitter…) ;
 sur les « pays arabes » touchées par ce mouvement
(Maghreb, Moyen-Orient).
• Au particulier :
 sur les « révolutions arabes » appelées aussi
« printemps arabes » en référence aux « printemps
des peuples » de 1848 ;
 sur une période : 2011-2012 ;
 sur les conséquences de ces révolutions.
II. Sitographie
• Généralités :
 Sur l’essor des « réseaux sociaux » :
– CARDON, Dominique, « RÉSEAUX SOCIAUX,
Internet », Encyclopædia Universalis [en ligne],
[consulté le 11 février 2019]. URL :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/reseaux-
sociaux-internet/
 Sur les « pays arabes » (cadre géographique du
sujet) :
– « Monde arabe ». [En ligne], Wikipédia, modifié le
1er février 2019, [consulté le 11 février 2019]. URL :
https ://fr.wikipedia.org/wiki/Monde_arabe
• Articles spécialisés :
 Sur les « révolutions arabes » :
– « Printemps arabe », Wikipédia, modifié le
28 janvier 2019, [consulté le 11 février 2019]. URL :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe
– DROZ-VINCENT, Philippe, « Printemps arabe ou
révolutions arabes », Encyclopædia Universalis [en
ligne], [consulté le 11 février 2019]. URL :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/printemps-
arabe-revolutions-arabes
 Sur le rôle des « réseaux sociaux » dans ces
« révolutions » :
– BENILDE, Marie, « La révolution arabe, fille de
l’Internet ? », Les blogs du « Diplo », publié le
15 février 2011, [consulté le 11 février 2019]. URL :
https://blog.mondediplo.net/2011-02-15-La-
revolution-arabe-fille-de-l-Internet
– FARIS, David, « La révolte en réseau : le “printemps
arabe” et les médias sociaux », paru dans Politique
étrangère 2012/1, mis en ligne sur Cairn.info le
20/04/2012, [consulté le 11 février 2019].URL :
https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-
2012-1-page-99.html
 Sur les conséquences des révolutions arabes :
– AYAD, Christophe, « Révolutions arabes : des
transitions inachevées », Le Monde, publié le
5 octobre 2012 [consulté le 11 février 2019]. URL :
https://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/
05/des-transitions-inachevees_1770877_3210.html
 Vidéos :
– VICTOR, Jean-Christophe, « Mondes arabes », Le
Dessous des cartes, première diffusion
10 septembre 2011 (en ligne [archive] sur le site
ddc.arte.tv), [consulté le 11 février 2019].
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Les inégalités dans l’accès à l’information à


l’heure d’internet »
Introduction
• (Accroche) Avec plus de 3 milliards de personnes non
connectées : on est loin du « village global ». La
« société de l’Information », qui succède à la société
industrielle a également mis en place de nouvelles
formes d’exclusion rassemblées sous le nom de
« fracture numérique » (« Digital divide »).
• (Sujet) L’accès à l’information se comprend dans ses
aspects matériels (moyens techniques, niveau de vie)
et immatériels (niveau d’éducation, alphabétisation,
codes socio-culturels, esprit critique). L’accès se
comprend quantitativement (nombre de connexion) et
qualitativement (compréhension, sélection des
informations). Alors que plus de 4 milliards d’individus
sont connectés en 2019, le fossé se creuse entre
utilisateurs et « non-utilisateurs ». Les enjeux sont
nombreux dans les PED comme dans les pays
développés. Se maintenir en dehors du web signifie
s’isoler des grands flux d’échanges d’informations.
• (Problématique) Un rattrapage est-il possible pour
dépasser cette fracture numérique dans les PED
comme dans les pays développés ?
• (Plan) Nous ferons d’abord un état des lieux des
inégalités dans l’accès à internet à l’échelle mondiale
(I), avant d’évoquer quelles solutions sont mises en
place face à ces inégalités (II).
I. Les inégalités dans l’accès à l’information
à l’heure d’internet
A. La fracture numérique à l’échelle mondiale
• Plus de 3 milliards d’individus ne disposent toujours
pas d’accès pérenne à la Toile.
• En 2018, le taux de pénétration d’Internet s’établit à :
73 % en Amérique, 80 % en Europe, pour seulement
34 % en Afrique (malgré une augmentation de 20 % en
1 an) et 48 % pour l’Asie du Sud. Dans les pays du
Sud l’accès à internet est le plus en retard.
• Avec des exceptions : en 2019, 800 millions
d’internautes sont en Chine.
• La perpétuelle évolution des TIC creuse les écarts :
dans les pays peu développés, la connexion Internet
est lente et chère car peu démocratisée, faible
concurrence. D’après la Banque mondiale, en 2006 les
coûts de connexion en Afrique sont les plus élevés au
monde, 70 % du trafic internet est réacheminé à
l’extérieur du continent, d’où un surcoût.
• L’inégalité des contenus : bien que le chinois soit la
1re langue mondiale, elle n’est que 2e sur internet en
nombre de locuteurs.
B. Un phénomène plus complexe dans les pays
développés
• Cette fracture est qualifiée d’horizontale lorsqu’elle est
constatée au sein d’un pays.
Exemple Si la France est un pays riche au parc
informatique développé, les inégalités touchent
aussi ce domaine.
 En 2018, 12 % n’ont pas accès à un internet « de
qualité minimale » malgré des progrès rapides (65 %
en 2005).
 Les personnes qui n’utilisent pas internet
appartiennent à des catégories spécifiques : les plus
de 60 ans (fracture générationnelle), peu diplômées
et disposant de revenus faibles (fracture socio-
culturelle).
 Le fossé générationnel se double d’une inégalité
géographique d’accès aux réseaux (« zones
blanches »).
• Les non-utilisateurs apparaissent de plus en plus
marginalisées par rapport à une tendance sociétale
majeure.
• (Transition) La fracture numérique est flagrante au
niveau mondial et existe aussi à l’intérieur même des
pays développés. Un rattrapage numérique est-il
possible ?
II. Solutions et limites
A. Dans les PED
Des solutions :
• L’UIT (Union internationale des télécommunications)
crée un « Sommet mondial sur la société de
l’information » (1998). En 2005 est créé un « Fonds
pour la solidarité numérique », mais c’est un échec
financier.
• Un accès pour tous à un prix raisonnable fait toujours
partie des 17 objectifs du « Programme de
développement durable à l’horizon 2030 » (2015), mais
sans marche à suivre…
• Seuls les géants du web proposent des solutions
concrètes.
Exemple Le projet O3B (« other 3 billions ») avec l’envoi
d’une constellation de satellites pour offrir du très
haut débit aux exclus de la Toile (2013-2014).
Kinshasa (RDC) est la 1re ville à bénéficier du
service O3B en Afrique. En 2019, le nombre de
satellites O3B est porté à 20.
• Des politiques nationales volontaristes peuvent
permettre un rattrapage. C’est un succès en Chine
(BATX, déploiement de la 5G avec Huawei…).
• Des ONG agissent : l’accès à internet est un levier de
développement (partage des savoirs, opensource,
démocratisation…)
ExempleLa World Wide Web Foundation, fondée en
2008, dont l’objectif est d’améliorer l’accessibilité
au Web, notamment aux femmes.
Des limites :
• Pour pallier ces inégalités, les PED sont contraints de
solliciter l’aide financière, matérielle et technique des
pays développés et émergents.
Exemple Investissements publics et privés chinois en
Afrique.
• Si le nombre d’utilisateurs prévu d’ici 2021 est en
hausse (5 milliards), les usages aussi évoluent,
nécessitant toujours plus de débit (5G, plusieurs
térabits/seconde). Cette course technologique
complique le rattrapage.
• Qualitativement, un internaute européen peut-il être
comptabilisé comme un internaute chinois ? Les freins
politiques dans l’accès à un internet libre demeurent
(Arabie Saoudite…).
B. Dans les pays développés
Des solutions :
• Afin de combattre l’exclusion numérique et favoriser l’e-
Inclusion, l’UE a mis en œuvre des programmes (e-
accessibilité).
• En France, des mesures sont prises par les
gouvernements.
Décembre 2017, plan national contre l’exclusion
Exemple
numérique. Un des leviers : des accords avec les
FAI pour développer leur réseau dans les zones
numériquement sinistrées.
• Qualitativement, les politiques publiques et acteurs
associatifs agissent pour développer les compétences
numériques : éduquer par tranche d’âges, rôle de
l’éducation nationale (B2i), campagnes de
sensibilisation pour un accès de qualité à internet.
Des limites :
• Les outils étatiques semblent limités face aux
évolutions du marché de l’information. Leurs combats
contre les Fake news soulèvent de nouveaux risques
(limitation de la liberté d’expression).
• Le déploiement du très haut débit renforce la fracture
au lieu de la combler malgré les engagements pris
(« haut débit pour tous dès 2020 »).
Conclusion
• Les inégalités dans l’accès à internet creusent un fossé
numérique qui ne se traduit pas seulement par la
séparation entre Sud et Nord. Cette complexité rend
difficile un rattrapage et donc une réduction de cette
fracture toujours mouvante.
• Le combat contre la fracture numérique apparaît pour
certains comme hypocrite. Le problème de fond reste
le sous-développement que reflète la fracture
numérique.
Thème 5

Analyser les relations


entre États et religions
Introduction
S’interroger sur les rapports entre religion et pouvoir
légitime c’est poser une question simple : qu’est-ce
qu’un pouvoir légitime pour une religion donnée ?
Comme il arrive souvent à question simple réponse
complexe, car nuancée à la lumière de l’histoire
[Chapitre 1]. Des relations de natures différentes entre
États et religions (séparation, religion officielle…) se
mettent progressivement en place. L’évolution majeure
est celle d’une tendance à la sécularisation de l’État
permettant des degrés variables de libertés de
conscience et religieuse [Chapitre 2]. Cependant, cette
séparation du politique du religieux n’est pas dénuée
d’ambiguïtés, à l’image des évolutions constatées en
Inde [Chapitre 3].
Chapitre 1

Pouvoir et religion : des liens


historiques traditionnels
Synthèse de cours
Introduction
Le mot de « pouvoir » évoque presque inévitablement
l’idée de puissance ou de force, attribut par excellence
de l’État. La religion s’incarne dans une autorité
spirituelle, mais dans l’histoire elle peut également
détenir des formes du pouvoir temporel. Les relations
entre ces deux formes de pouvoir sont complexes
oscillant entre complémentarités et tensions. Si le
monde occidental est soucieux de « séparation des
pouvoirs » temporels et spirituels suivant le principe
christique de « rendre à César ce qui est à César et à
Dieu ce qui est à Dieu » (I), le modèle du
« césaropapisme », où un empereur agit comme un
pape, est utilisé pour qualifier la situation du monde
oriental (II). La méthode privilégiée pour ce chapitre est
une approche comparative. Les spécificités de l’Islam
médiéval sont étudiées dans le sujet corrigé n° 13.
Notions du chapitre : Spirituel, Temporel, « théorie des
deux glaives », dogme, théocratie, césaro-papisme,
augustinisme, gallicanisme, concile.
I. État et religion dans l’Occident chrétien
A. Deux autorités séparées en théorie…
L’Occident chrétien a introduit une distinction entre
Spirituel et Temporel qui rompt avec la nature du
pouvoir connue dans l’Antiquité. Cette distinction a
d’abord une raison pratique : le christianisme se
développe en pays juif, puis païen.
Le pouvoir du clergé au Moyen Âge est ainsi dit spirituel,
distinct du pouvoir temporel détenu par les empereurs,
rois et seigneurs. Cette distinction permet de reconnaître
la transcendance du Spirituel.
Au Moyen Âge, les hommes d’Église ne relèvent pas de
la justice civile et ne peuvent être jugés que par un
tribunal ecclésiastique (droit de for ecclésiastique).
Zoom notion
Temporel et Spirituel
 Aux empereurs et rois est reconnu un pouvoir temporel
(potestas) limité aux affaires humaines, à l’ordre social.
 Aux institutions et hommes d’Église est reconnu un pouvoir
spirituel (auctoritas) exercé sur les âmes à travers la
définition et le maintien du dogme (tradition, conciles…).
 Le christianisme est le seul monothéisme à vocation
universaliste à introduire cette distinction. Dans le judaïsme,
autorités religieuses et étatiques ne sont pas nettement
séparées, de même dans l’Islam, le Coran sert de cadre dans
tous les domaines de la vie (notamment le droit).

Cette distinction n’empêche pas une alliance des deux


pouvoirs :
• En 313, l’édit de Milan accorde la liberté aux chrétiens
dans l’Empire et l’empereur Constantin se convertit. En
380, l’empereur Théodose fait du christianisme la
religion officielle et unique de l’Empire. L’Empire
s’affirme comme protecteur du christianisme.
• Les rois barbares se convertissent au christianisme. En
499, poussé par l’évêque de Reims, Clovis, roi des
Francs, se baptise, suivi de son armée. L’Église est la
seule autorité reconnue depuis l’effondrement de
l’Empire pour légitimer son pouvoir temporel.
Des institutions peuvent cumuler fonctions
politiques et religieuses.
L’Église a un pouvoir spirituel : elle est la source du
droit canon (ensemble des lois adoptées par les
autorités catholiques en matière de foi et de discipline
s’appliquant aux clercs comme aux fidèles).
Mais elle dispose aussi d’un pouvoir temporel. Dans
le système féodal, elle reçoit des princes des domaines
et droits seigneuriaux. À ce titre, elle se comporte
comme un seigneur ecclésiastique. Elle doit y rendre
justice, prélever l’impôt, lever l’armée, même si ses
fonctions sont assurées par des laïcs. La réforme
grégorienne reprocha ainsi à certains grands prélats,
issus de la noblesse, leurs modes de vie laïques
(chasse, banquet…)
B. Les prétentions du Spirituel
Le Spirituel s’affirme comme le 1er des pouvoirs. Les
actions des princes laïques contraires à la morale
chrétienne peuvent être condamnées par
l’Église (doctrine de l’intervention ratione peccati de
l’évêque St Ambroise de Milan dès le IVe s.).
Le pape Gélase au Ve s. affirme l’autonomie de l’autorité
temporelle (potestas) par rapport au pouvoir spirituel
(auctoritas), mais le 2e prime en raison de sa finalité
supérieure (le Salut).
Aux Xe-XIe s., les clercs établissent une conception
tripartite de la société : le 1er ordre étant « ceux qui
prient », suivi de « ceux qui combattent » et « ceux qui
travaillent ».
La réforme grégorienne veut séparer les 2 sphères :
elle interdit aux évêques et abbés toute investiture
laïque, on abandonne l’idée carolingienne d’alliance
entre Empire et Église, au profit d’une supériorité de
la 2e.
La « théorie des deux glaives » formulée par Bernard
de Clairvaux (XIIe siècle) affirme que Dieu a confié au
pape 2 glaives. Le 1er est le glaive spirituel, dont il use
directement. Le 2nd est le glaive temporel mis en dépôt
entre les mains des princes, mais qui doit servir les
intérêts de l’Église.
Au XIIIe siècle, St Thomas d’Aquin réaffirme la distinction
des domaines et leur hiérarchie. Celui qui œuvre pour la
fin supérieure doit commander aux autres.
Zoom notion
Augustinisme politique
 St Augustin, évêque originaire d’Afrique du Nord
au IVe siècle, dans La Cité de Dieu, affirme que l’ordre
existant est voulu par Dieu. La « cité des hommes » est le
reflet de la « cité de Dieu ». Le pouvoir temporel n’est voulu
par Dieu que parce qu’il appartient à l’ordre existant et non en
lui-même. Cette interprétation lui permet de ne pas
considérer l’Église comme devant être soumise au pouvoir
temporel. Mais Augustin n’affirme pas qu’elle doit commander
à la cité des hommes : les interprétations médiévales
aboutissent à cette conclusion. Cet « augustinisme politique »
permet à l’Église d’affirmer la supériorité de l’auctoritas sur la
potestas.

L’Église, 1er ordre, veut imposer sa morale à la


société avec le mouvement dit de la « paix de Dieu »
aux Xe-XIe siècles. L’Église entend maîtriser les violences
des laïcs et obtenir une pacification du monde chrétien à
la faveur du morcellement féodal des pouvoirs. La
bénédiction des armes des combattants, les
mouvements de la paix et de la trêve de Dieu, les
pèlerinages, les croisades, la création d’ordres militaires
moralisent la conduite de la noblesse.
L’Église a comme armes : l’anathème
(excommunication majeure), l’excommunication ou
encore l’interdit (privation des offices religieux, sépulture
en terre sacrée, sacrements d’un royaume) contre ceux
refusant ses instructions ou s’attaquant aux biens
ecclésiastiques. Elle contrôle l’accès aux sacrements
indispensables pour accéder au Salut.
Des conflits entre papes et empereurs émergent une
conception théocratique du pouvoir Spirituel :
• En 1059, Nicolas II rappelait déjà par décret qu’un
pape ne peut être désigné que par les cardinaux et non
par l’empereur.
• Commence la querelle dite « des Investitures »
déclenchée par la nomination d’évêques par les
empereurs du St Empire romain germanique.
• Dans son Dictatus papæ (1075, 27 propositions),
Grégoire VII considère que le pape peut déposer les
empereurs et délier les sujets de leur serment de
fidélité. On parle de théocratie pontificale qui
s’affirme au détriment des tenants de la souveraineté
royale.
• Dans la Bulle Unam sanctam (1302), le pape
Boniface VIII réaffirme que la société ne peut avoir
qu’un pouvoir suprême unique parce que, dans l’ordre
naturel, un corps n’a qu’une tête. Par conséquent, les
deux glaives sont dans la puissance de l’Église qui
délègue le 2d au pouvoir temporel. La papauté peut
juger le pouvoir politique.
Mais la victoire du roi Philippe le Bel contre Boniface VIII
marque le déclin des prétentions pontificales et la
montée de l’État.
C. Du césaropapisme au gallicanisme
Le pouvoir politique tente également de contrôler
l’institution spirituelle.
L’État romain dès l’édit de Thessalonique en 313 prétend
instrumentaliser le christianisme : c’est la naissance du
césaro-papisme. L’empereur Constantin convoque et
préside le concile œcuménique de Nicée en 325, il se dit
« l’évêque du dehors ».
Le sacre de Charlemagne en 800 s’inscrit dans cette
perspective : il est chef de l’État mais aussi de l’Église,
son pouvoir temporel s’impose au pouvoir spirituel. On
parle alors d’une Église d’État : il nomme les évêques
et intervient sur des questions de dogmes.
Aux Xe-XIe siècles, les empereurs germaniques
reprennent cette idée d’un pouvoir politique temporel
tout-puissant. L’Empire a une vocation universelle,
l’autorité impériale vient de Dieu et n’a pas pour origine
l’Église. Henri II (1002-1024) remet en cause le dualisme
gélasien et prend des décisions relevant des
prérogatives de l’Église (il préside des synodes
d’évêques à Rome). Henri III (1039-1056) va jusqu’à
désigner le pape Clément II.
Le pouvoir temporel s’impose comme justice d’appel
face à la justice ecclésiastique. Les rois de France
étendent leur juridiction sous couvert de libertés
gallicanes. Le gallicanisme affirme l’origine divine
directe de la potestas royale afin de se libérer de
l’auctoritas.
Zoom notion
Gallicanisme
 Ensemble de principes et de règles tendant à assurer
l’indépendance de l’Église de France face au Saint-Siège. Le
pouvoir politique cherche à assurer son indépendance et le
contrôle de l’ensemble des matières politico-juridiques (dont
le droit ecclésiastique), à l’exception des questions
spirituelles. La séparation des domaines est respectée, mais
la hiérarchie des institutions est bouleversée. C’est
au XVIe siècle que s’établit cette doctrine.

Aux XIVe-XVe siècles, des penseurs vont dépasser la


querelle pluriséculaire entre Pape et Empereur.
Guillaume d’Ockham, Marsile de Padoue, Nicholas
Machiavel annoncent l’autonomisation du politique du
religieux et d’une raison d’État avec sa finalité propre.
II. Empereur et patriarche dans l’Orient
chrétien
A. Un modèle d’alliance du sabre et de la croix
Les relations entre les pouvoirs à Byzance constituent
une sorte de modèle d’alliance entre l’épée et la foi.
L’empereur romain chrétien apparaît comme vecteur
principal de l’évangélisation. En 335, l’évêque Eusèbe
de Césarée dépeint l’idéal d’un Empire universel qui se
confond avec la Chrétienté : un seul Dieu dans le ciel, un
seul empereur sur terre et l’empereur est l’intermédiaire
entre les deux. Cette vision s’oppose à la dualité des
pouvoirs en Occident. L’empereur, basileus, est le centre
de l’Empire, la loi incarnée. Il défend les lois de l’Empire
et celles de Dieu.
Sur le plan militaire, il est l’héritier des imperatores
romains, garant de la paix, il règne sur l’ensemble du
monde connu. Le rituel d’intronisation de l’empereur
reprend : l’acclamation par l’armée, l’élévation sur le
pavois, le couronnement par le patriarche à Sainte-
Sophie. L’empereur est choisi par Dieu, c’est une
personne sacrée.
À Byzance, la sujétion du patriarche à l’empereur n’a
jamais été contestée. Le patriarche est un agent de la
politique impériale et, en principe, aucun patriarche n’est
élu en synode sans l’accord de l’empereur. En retour, les
empereurs soutiennent leurs ambitions contre Rome et
l’expansion du christianisme dans les pays slaves.
Les souverains se permettent d’adapter la doctrine à
leurs buts politiques. Aux VIIIe et IXe siècles (crise
iconoclaste 717-867), les empereurs déclarent la guerre
aux icônes. C’est une affirmation sans précédent des
prérogatives impériales dans le domaine spirituel.
Zoom notion
La théorie des deux pouvoirs de Justinien (VIe s., Novelle)
 Le Sacerdoce est représenté par le patriarche, l’Empire par
l’empereur, ils se partagent l’administration des affaires
humaines. Ces deux pouvoirs découlent d’un seul principe
qui est Dieu : il n’y a donc pas séparation mais union des
deux pouvoirs, l’Église se plaçant sous la tutelle du « bon
empereur ». La relation entre les deux est vue sous la forme
d’une « symphonie ». Cependant, cette symphonie peut être
dissymétrique : Justinien « empereur-prêtre » est le plus
intervenu en matière de dogme (débat sur la nature du
Christ).

Mais ce modèle de césaro-papisme fige une réalité du


pouvoir qui n’a jamais cessé de se négocier.
B. Faiblesses impériales et autonomisation du
religieux
Les périodes d’instabilité politique provoquent des
changements rapides à la tête de l’État et donnent aux
patriarches un poids politique qui les fait sortir de leur
rôle.
Avec la perte des provinces orientales au VIe siècle, il
devient le seul patriarche de l’Église byzantine. Il est
aussi un personnage d’État, choisi par l’empereur sur
proposition du synode, aumônier du palais, souvent rival,
parfois conseiller de l’empereur. Il est à la tête de sa
propre administration, qui possède son chancelier, son
archiviste en chef…
Par sa position, il dispose d’un poids politique et moral
suffisant pour infléchir la politique d’un empereur et
ouvrir un conflit à la tête de l’État byzantin. C’est lui qui
procède à l’onction et au sacre du Basileus, qui le marie,
qui baptise ses enfants. Il participe aux conseils de
régence lors de la minorité d’un souverain.
Ce poids politique entraîne une redéfinition théorique
des pouvoirs. Le patriarche Photius dans son
introduction au recueil de lois entrepris par l’empereur
Basile Ier en 867 (Eisagogè) rééquilibre l’alliance en
faveur du patriarche. S’il reconnaît à l’empereur l’autorité
légitime, il est soumis à l’obligation de défendre les
prescriptions bibliques et les décisions des conciles.
Pour Photius, c’est le patriarche qui représente le Christ
et non l’empereur. Ce dernier est le gardien et protecteur
de l’Église, il se doit d’être orthodoxe.
Mais l’affaiblissement progressif de l’Empire puis son
effondrement en 1453 conduisent les patriarches à se
construire une autorité indépendante du pouvoir
politique entre Rome et l’Islam. Ils revendiquent leur
autorité en matière ecclésiastique, affirment la
supériorité du Spirituel sur le Temporel, un modèle
d’universalité orthodoxe indépendant des frontières de
l’Empire.
En 1393, dans une Lettre au grand prince de Moscou, le
patriarche Antoine IV se proclame « didascale universel
de tous les chrétiens » : ce n’est plus l’Empire qui est
universel, c’est le patriarcat. L’universalité s’est
déplacée : sa dignité de patriarche universel ne dépend
plus des territoires de l’empire.
L’institution du sacre de l’empereur byzantin, par
imitation de l’Occident, relativise la souveraineté
universelle de l’empereur : le fait que l’empereur soit
sacré par le patriarche montre qu’il n’est plus sacré
directement par Dieu. Sa légitimité dépend de l’Église.
Conclusion
Les historiens opposent traditionnellement un empire
d’Orient où l’Église est subordonnée au pouvoir
politique (le « césaro-papisme ») à un Occident régi
par deux « pouvoirs » séparés, le Sacerdoce et
l’Empire. Mais l’histoire témoigne de nombreuses
tensions entre les deux têtes de l’Empire. À Byzance,
l’équilibre s’inversa mais sans rien changer à l’étroite
imbrication du Temporel et du Spirituel caractéristique
de la tradition orthodoxe, modèle suivi ensuite dans
l’Empire russe. L’autonomisation de l’Église d’Orient
est une nécessité avec la disparition de l’Empire. En
Occident, les conflits se multiplient conduisant à une
autonomisation du politique, puis à une séparation de
ce dernier.
Mais, la distinction du Spirituel et du Temporel en
Occident n’équivaut pas à la séparation de l’Église et
de l’État car elle permet la hiérarchie des pouvoirs en
fonction de leurs fins et maintient le religieux dans
l’ordre public.
Fiche méthode

Méthode

Le commentaire de document
• Conseils généraux
Le commentaire critique de document est l’exercice-roi
en histoire, le plus étroitement lié au métier d’historien.
Comme la dissertation, c’est un exercice scolaire qui
permet de vérifier les connaissances, les qualités de
réflexion et d’expression.
• L’objectif : expliquer et critiquer
Il faut apporter des éléments d’explication pour mieux
comprendre le document : allusions historiques,
événements, vocabulaire spécialisé, personnages…
Il faut vérifier les informations fournies par le
document, les classer et les sélectionner en fonction
de la problématique de départ.
• Bien lire le document
Il faut d’abord s’interroger sur la nature du document,
l’auteur, la date et le contexte historique, la réception et
la portée du document.
Puis lire plusieurs fois le document, souligner les
articulations du texte, noter les mots qui posent
problème, les personnages et contenus historiques
qu’il faut expliciter.
• Élaborer le plan
Il faut ensuite dégager les idées principales du texte
qui forment vos parties (2, 3, plus rarement 4).
Un tableau peut être utile pour classer les citations à
utiliser, les notions dégagées, les informations
recueillies au brouillon.
• Introduire le commentaire
 Amener le sujet par une accroche au bout de
laquelle vient l’énoncé du sujet.
 Présenter le document : le situer dans l’espace et le
temps (bornes chronologiques et géographiques),
préciser sa nature et rappeler ce qu’il faut savoir de
l’auteur pour sa compréhension, présenter le ou les
idée(s) principale(s).
 Dégager la problématique : quelle question le
document amène à se poser ? Quel problème
historique permet-il d’éclairer (en général une
problématique de cours) ?
• Le développement
Au sein de chaque partie vous devez veiller à alterner :
citation/explication et critique ; en regroupant les
informations par thème. Cet équilibre entre
citation/explication vous permet d’éviter l’écueil de la
dissertation.
Si le document proposé a une construction rigoureuse,
vous pouvez suivre le texte pas à pas en respectant
ses articulations.
Attention Il vaut mieux éviter de construire le commentaire en 2
phases en expliquant dans une 1re partie, puis en analysant les
données dans une 2e. Le risque est de faire de la paraphrase suivie
d’une dissertation tout en tombant dans des répétitions !

• Conclusion
Il faut proposer un bilan en reprenant les principaux
renseignements du document, en montrant ses limites
(silences, erreurs…), puis répondre à la problématique
en montrant en quoi le document permet de mieux
comprendre un problème historique.
Ensuite, on peut s’interroger sur la portée du document,
ses prolongements, en dégageant de nouvelles
questions.

Méthode appliquée

Sujet

« Empereur et pape en 800 en Occident »


Consigne À l’aide de l’analyse des documents, montrez
quelles sont les relations entre pouvoirs politiques et
religieux au haut Moyen Âge.
Document 1 Le couronnement de Charlemagne d’après
la Vita Karoli.
« Entre tous les lieux saints et respectables, il
vénérait spécialement l’église de l’apôtre saint Pierre
à Rome ; aussi lui fit-il des dons en or, en argent, et
même en pierreries, pour de grandes sommes
d’argent, et envoya-t-il aux papes des présents d’une
immense valeur. (…) Et cependant, malgré toute la
dévotion qu’il professait pour elle, il ne put y aller
faire ses prières et acquitter ses vœux que quatre
fois dans tout le cours des quarante-sept ans, qu’il
occupa le trône.
Le désir de remplir ce pieux devoir ne fut pas le seul
motif du dernier voyage que Charles fit à Rome. Le
pape Léon, que les Romains accablèrent de
mauvais traitements, et auquel ils arrachèrent les
yeux et coupèrent la langue, se vit contraint de
recourir à la protection du roi. Ce prince vint donc
pour faire cesser le trouble, et remettre l’ordre dans
l’État de l’Église [en 800]. Dans ce but, il passa
l’hiver à Rome, et y reçut à cette époque le nom
d’Empereur et d’Auguste. Il était d’abord si loin de
désirer cette dignité, qu’à assurer que, quoique le
jour où on la lui conféra fût une des principales fêtes
de l’année, il ne serait pas entré dans l’église, s’il eût
pu soupçonner le projet du souverain pontife. Les
empereurs grecs virent avec indignation que Charles
eût accepté un tel titre (…).
Eginhard, Vie de Charlemagne, trad. M. Guizot,
1824.
Document 2 L’expédition en Italie et le couronnement
d’après les Annales.
[800] (…) Là, le roi annonça le voyage d’Italie, partit
avec son armée (…). Le pape Léon vint au-devant
lui jusqu’à Lamentana, et l’y reçut avec de grands
honneurs. Après le repas qu’ils prirent ensemble le
roi demeura dans ce lieu, et le pape retourna à
Rome. Le jour d’après, Léon, placé avec les
évêques et tout le clergé, sur les degrés de la
basilique de Saint-Pierre, reçut le roi, en louant et
remerciant Dieu, à sa descente de cheval ; et tandis
que tout le monde chantait des psaumes, il
l’introduisit dans l’église de ce bienheureux apôtre en
glorifiant, remerciant et bénissant Dieu. Ces choses
se passèrent le 24 novembre ; sept jours après le roi
convoqua une assemblée, déclara à tous pourquoi il
était venu à Rome, et depuis donna chaque jour tous
ses soins aux affaires qui l’avaient amené. Il
commença par la plus importante, comme la plus
difficile ; c’était l’examen des accusations dirigées
contre le saint pontife ; mais comme personne ne
voulut entreprendre de les prouver, le pape monta en
chaire en présence de tout le peuple, dans la
basilique de l’apôtre Saint-Pierre, prit l’Évangile dans
sa main, invoqua le nom de la sainte Trinité, et se
purgea par serment des crimes qui lui étaient
imputés. ( …)
Le saint jour de la naissance du Seigneur, tandis que
le roi, assistant à la messe, se levait de sa prière
devant l’autel du bienheureux apôtre Pierre, le pape
Léon lui posa une couronne sur la tête, et tout le
peuple romain s’écria : A Charles Auguste, couronné
par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains,
vie et victoire ! Après laudes il fut adoré par le
pontife, suivant la coutume des anciens princes, et
quittant le nom de patrice, fut appelé empereur et
auguste.
[801] Peu de jours après il ordonna que ceux qui
avaient déposé le pape l’année précédente fussent
traduits en justice, et leur ayant fait leur procès,
selon la loi romaine, ils furent condamnés à mort
comme criminels de lèse-majesté.
Annales royales, trad. M. Guizot, 1824.
Introduction
(Accroche) Charlemagne, « père de l’Europe », régna
de 768 à 814 et a entretenu des rapports complexes
avec l’Église et la papauté.
(Documents et auteurs) Pour illustrer ces rapports nous
disposons de deux extraits se rapportant à un
événement majeur de son règne : son sacre impérial à
Rome le 25 décembre 800 par le Pape Léon III. Ces
textes sont l’œuvre de clercs, il s’agit de commandes
royales. Le premier est un extrait de la Vita Karoli, sa
principale biographie rédigée entre 830-836 par
Eginhard, proche et admirateur de l’Empereur. Le
second est un extrait des Annales royales, ouvrage
historique de la période carolingienne couvrant la
période 741-829 et élaboré par plusieurs auteurs
successifs.
(Sujet) A un moment de faiblesse de la papauté
romaine, la renaissance de l’Empire bouleverse le
rapport de force entre Spirituel et Temporel.
(Problématique) En quoi ce sacre est-il révélateur de
l’inversion de la hiérarchie des pouvoirs en faveur du
Temporel ?
(Plan) Ces documents nous montrent tout d’abord un roi
conquérant protecteur de l’Église (I), dont le pouvoir
impérial lui permet de s’affirmer sur l’Église (II).
I. Un roi très chrétien
A. Un roi très chrétien
Dans le doc. 1, Eginhard montre la dévotion de
Charlemagne : ses 4 « voyages » à Rome, un « devoir
pieux ». Le pèlerinage à Rome est un acte de pénitence.
Selon Eginhard, c’est la 1re motivation de son voyage.
Eginhard ne tarit pas d’éloges : il vante ses largesses
(« dons », « présents »…). C’est un bâtisseur d’églises :
l’attention portée à la basilique St-Pierre rappelle la
construction de la chapelle à Aix (798). Charlemagne
suit une foi orthodoxe, ne manque ni messes, ni prières
quotidiennes (« psaumes », « laudes »… doc. 2).
Il favorise le renouveau intellectuel, protège les clercs
(comme ici Eginhard qui dresse ce panégyrique).
B. Conquérant et protecteur de la Foi
Ce roi pieux a la mission d’étendre la foi par ses
conquêtes : « couronné par Dieu » (doc. 2), il est le
lieutenant de Dieu sur terre, son bras armé.
Ce voyage en Italie « avec son armée » (doc. 1) s’inscrit
dans l’expansion des conquêtes franques. Défenseur du
pape et de l’Église, il met au pas les aristocrates
lombards. Charlemagne avait déjà reçu le titre de
« patrice » à Rome en 774 (doc. 2), en tant qu’appui
militaire du pape. Il est accueilli comme un sauveur
(doc. 2) par Léon III, pape de 795 à 816, qui franchit les
Alpes (à « Lamentana ») pour obtenir son aide.
Charlemagne refuse de juger le pape, qui se justifie par
un serment d’innocence (doc. 2). Et le roi justicier punit
ses adversaires : « condamnés à mort ».
(Transition) La puissance du Roi chrétien et conquérant
légitime son accession à l’Empire. D’autant plus que la
place de « champion de la Chrétienté » est vacante.
II. Une royauté sacerdotale
A. Un sacre impérial
Le déroulement de la cérémonie :
Eginhard (doc. 1) affirme que Charlemagne était opposé
à ce sacre. Le pape le couronne, puis il accepte ce rôle
(humilité).
Les Annales (doc. 2) parle d’une acclamation du peuple
qui fait l’empereur (reconnaissance de son rôle de
conquérant). La faveur des armes est révélatrice du
choix divin.
Si le pape couronne l’empereur : c’est par la volonté de
Dieu (date du 25 décembre, jour de la Nativité, origine
divine du choix).
Il n’est pas fait mention de l’onction dans ce récit,
cependant, Charlemagne est un personnage sacré, la
preuve en est l’acclamation, réservée jusque-là
à l’empereur byzantin.
Officiellement se rejoignent deux traditions :
La tradition biblique : Charles est un roi sacré ; ce
sacre permet à Charlemagne de justifier la théocratie
royale. Le Roi est le représentant de Dieu et le garant
des pouvoirs dans la Chrétienté et de l’ordre.
La tradition romaine : Charles est un empereur
couronné, « empereur des Romains », « à la manière
des anciens princes ». On parle de renovatio imperii.
Charlemagne est qualifié d’« Auguste » (« aimé de
Dieu ») titre impérial romain. Héritier des traditions
antiques, il va renforcer son activité législative pour fixer
le droit séculier mais aussi ecclésiastique dans l’Empire.
Exemple Concile d’Aix en 802.
Ce sacre intervient à un moment opportun.
L’« indignation » des empereurs grecs est de pure
forme, l’impératrice Irène ne peut que faire la paix. En
797, l’empereur Constantin VI est déposé à la suite
d’intrigues, Irène reprend le titre de basileus, mais les
Occidentaux l’accusent d’usurpation.
B. Une position pontificale ambiguë
Le Pape couronne Charlemagne avant l’acclamation
(contrairement à la tradition byzantine) et ainsi lui
transmet le pouvoir divin. Est-ce une ruse, une manière
de rappeler la supériorité du Spirituel ?
Durant la cérémonie, le pontife ne s’agenouille pas
devant le nouvel empereur marquant le début des luttes
entre Sacerdoce et Empire. D’après Eginhard,
Charlemagne « ne serait pas entré dans l’église, s’il eût
pu soupçonner le projet du souverain pontife » (doc. 1).
Dans les textes, le pape apparaît comme relégué au
rang de simple puissance sacerdotale n’ayant plus qu’un
rôle de prière. Dans les faits, Charlemagne profite de la
faiblesse politique du pape Léon III. Eginhard montre un
pape réduit au rang de collaborateur fidèle du souverain.
Conclusion
Charlemagne reste le plus célèbre et prestigieux des
Rois carolingiens. Son sacre impérial constitue une
première depuis 476, il est révélateur de la puissance du
roi franc en 800 et entérine l’apparition en Occident
d’une Église dans l’Empire et non au-dessus. Un duel
s’établit entre le pouvoir grandissant de l’empereur qui
offre une image aussi pieuse que le pape et le pouvoir
spirituel.
Ce « césaropapisme » carolingien motive après la
disparition de l’Empire dans une période de
morcellement des pouvoirs le retour des prétentions du
Spirituel sur le Temporel aux Xe-XIe siècles.
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Pouvoir politique et religion


dans l’Islam médiéval »
Introduction
• (Accroche) Le Coran rappelle que l’autorité terrestre
vient de Dieu. Toute autorité est de droit divin dans le
livre saint de l’islam qui fonde un lien très fort entre
pouvoir politique et religion.
• (Sujet) Le Moyen Âge est la période fondatrice de
l’Islam. Elle a vu se succéder plusieurs dynasties
(Abbassides à Bagdad 892-1258, Fatimides au Caire
909-1171, Omeyyades en Andalus 909-1090…). Si le
califat s’efface face à de nouveaux pouvoirs régionaux
(Turcs, Berbères), il reste la référence du pouvoir pour
les siècles suivants. L’objectif du pouvoir politique est
de promouvoir et garantir l’unité de l’umma, la
communauté des croyants. La publicité de la dévotion
est au cœur de l’autorité et de la légitimité du
souverain ; à l’inverse, la contestation de l’autorité
politique s’exprime souvent en terme religieux.
• (Problématique) On peut se demander dans quelle
mesure l’autorité politique repose sur
l’instrumentalisation de la religion ?
• (Plan) La souveraineté est d’abord d’origine divine
dans l’Islam (I). Une des missions fondamentales du
souverain est d’étendre le dar al-islam et protéger
l’islam, mais des divisions religieuses et contestations
font émerger une autre conception du pouvoir (II).
I. Le califat, une souveraineté théocratique
A. La source théocratique de l’autorité
• Le calife a pour rôle de préserver la foi et d’empêcher
l’innovation, notamment religieuse.
• La fonction califale est fondamentalement religieuse : il
est une personne sacrée, difficile d’accès (il s’adresse
aux ambassadeurs cachés derrière un rideau, le hijâb
chez les Abbassides).
• En tant que « commandeur des croyants », successeur
du Prophète, il est l’intermédiaire entre les croyants et
Dieu, mais il délègue aussi la justice, est responsable
de la guerre, récolte l’impôt (l’aumône légale : la zakat
redistribuée aux pauvres), a en charge la charité
d’État.
• Toute autorité politique découle du calife qui seul remet
les offices.
Exemple Les robes d’honneurs remises aux émirs et
cadis par les califes.
B. Une loi sacrée
• La loi est sacrée et provient du Coran (parole de Dieu)
et des hadiths (paroles et actions du prophète) à
l’origine de la Sunna (« loi » ou « tradition »).
• Le tribunal du souverain (mazalim) existe depuis les
Abbassides. Le souverain juge en vertu de la charia
(figure du souverain justicier). Le fait de rendre justice
est un acte pieux.
• Mais d’autres justices spécifiques apparaissent : dans
les villes le muhtasib surveille les marchés ; une justice
militaire la siyasa (très critiquée par les religieux).
• Les oulémas sont les savants, théologiens et juristes.
Ils ont un rôle de conseillers et d’autorité religieuse et
diffusent les discours de légitimité du politique. Mais ils
peuvent être très critiques vis-à-vis des sultans, chefs
militaires, dénués de légitimité califale.
C. Une piété ostentatoire
• Le souverain montre sa dévotion.
• Dans son titre on peut trouver –al-Din (= la religion).
Sayf al-Din (frère de Saladin) signifie « sabre de la
religion ».
• Les aumônes permettent de mettre en avant la figure
charitable du souverain, comme les fondations pieuses
(mosquée, écoles…).
• Le souverain fait publiquement ses 5 prières, il dit à
l’origine le sermon du vendredi (la prière de la khutba)
ou lors des grandes fêtes.
• Plusieurs souverains font le pèlerinage à La Mecque
entre le Xe et le XVe siècle (hajj).
• (Transition) La religion légitime le pouvoir des califes,
en retour ils témoignent d’une profonde piété. Les
sujets du calife attendent des souverains protection
des lois et dévotions pour leur Salut.
II. Dans un Islam divisé, une redéfinition des
pouvoirs
A. Le jihad : étendre et protéger l’islam
• Les formules au début des actes politiques et frappées
sur les monnaies dès le VIIIe siècle rappellent que tout
est fait « au nom de Dieu ». La conquête est celle de
Dieu lui-même. C’est une conception impériale,
universelle, du pouvoir islamique.
• Le combat armé gagne en importance face aux
menaces extérieures. Ex :
 La dynastie Hamdanide (émirs) au Nord de la Syrie
dès le Xe siècle se fait la championne du djihad face
aux Byzantins, ce qui contribue à autonomiser et
légitimer son pouvoir.
 Le jihad est pratiqué par le calife omeyyade face aux
Chrétiens au nord de la péninsule ibérique.
 Le jihad réapparait en Orient, cœur de l’empire, en
réaction aux croisades franques (XIIe). Le sultan
Saladin, fondateur de la dynastie ayyoubide, prend le
titre de « protecteur des Lieux saints ».
• Le jihad devient un attribut essentiel des sultans
dénués de légitimité califale.
B. Des luttes politico-religieuses
• La religion légitime le pouvoir politique et en est
indissociable, mais elle peut aussi être à l’origine de
contestations et divisions faisant vaciller le pouvoir
lorsqu’elle est elle-même divisée.
• Les luttes entre chiites et sunnites sont le fruit d’un
conflit de succession. Les sunnites choisissent un
compagnon du prophète comme successeur à la mort
de Mahomet en 632, les chiites eux reconnaissent le
pouvoir légitime à ses descendants par sa fille Fatima
et son gendre Ali. Ces luttes sont présentées comme
des jihads même si elles ont des buts pragmatiques.
Exemple L’opposition politique entre Omeyyades
sunnites de Cordoue et Fatimides chiites du Caire
qui repose sur une propagande religieuse, la
Da’wa, dont l’enjeu principal reste l’affirmation de
leurs prétentions califales.
• Les luttes entre chiites : il y a des divisions au sein du
chiisme entre un courant quiétiste, qui développe une
religion ésotérique, et un courant révolutionnaire qui
porte de nombreuses révoltes.
Exemple Celle des Qarmates contre les Abbassides qui
recouvre une contestation sociale (en Syrie, au
Bahreïn).
• Des mouvements millénaristes puritains lancent des
révoltes donnant naissance aux dynasties berbères
Almoravides et Almohades au Maghreb.
C. Nouveaux pouvoirs et religion
• À partir du Xe, les califes abbassides perdent le contrôle
de l’administration et de l’armée qui passe entre les
mains de l’« émir des émirs ». Le calife conserve un
rôle honorifique. Les oulémas appellent à des réformes
et contestent ces pouvoirs jugés illégitimes.
Exemple Le dernier émir Ziride de Grenade accuse les
oulémas d’avoir précipité sa chute face aux
Almoravides (invasion de Grenade en 1090).
• Mais en général, les militaires parviennent à contrôler
et instrumentaliser les religieux.
• Les sultans reprennent pour se légitimer des
expressions d’un pouvoir théocratique (le sultan est
« l’ombre de Dieu sur terre »).
• Des ouvrages comme les « miroirs aux princes » disent
ce que doit être le pouvoir.
Exemple Celui de Nizâm al-Mulk XIe s., vizir des sultans
turcs seldjoukides.
• Le calife est toujours mentionné dans les titulatures
des sultans (autorité symbolique, délégation du
pouvoir).
Exemple Le sultan seldjoukide Malik Shâh (1072-1092)
est « celui en qui le commandeur des croyants a
placé sa confiance ». Il promeut un « renouveau
sunnite » (édifices religieux, piété affichée, combat
contre les chiites). Son pouvoir suit le modèle
califal qui reste la référence universelle (titres de
« roi des rois » ou « roi de l’islam »).
Conclusion
• Le pouvoir est d’origine théocratique et sacrée dans
l’Islam médiéval. La religion est politique et les
hommes politiques exhibent leur piété. Le pouvoir
militaire même se présente comme défenseur de
l’islam. Mais à partir du Xe siècle, l’émergence de
nouveaux pouvoirs affaiblit le pouvoir califal. Ces
derniers s’efforcent de maintenir l’instrumentalisation
des religieux. Les sultanats dont à l’origine d’une
nouvelle conception de la royauté islamique
(combinant maintien d’un pouvoir fort profane et
soumission aux règles califales en apparence).
Chapitre 2

États et religions :
une inégale sécularisation
Synthèse de cours
Introduction
Depuis l’Antiquité, la question de la séparation entre
État et religion fait débat. Des empereurs romains aux
rois européens, les chefs d’État se sont longtemps
proclamés représentants de Dieu sur terre, basant la
légitimité de leur pouvoir sur son origine divine.
Pourtant, de multiples penseurs, comme les
philosophes des Lumières, ont insisté sur la nécessité
de limiter le pouvoir de l’Église sur l’organisation de la
vie publique, même si le processus de sécularisation
reste inégal dans le monde (I). Certains pays, comme
la France, ont fait de la laïcité leur fer de lance et sont
allés jusqu’à bannir l’enseignement religieux de leur
système éducatif, en adoptant différentes lois (II). Mais
encore aujourd’hui, de très nombreux pays ont une
religion d’État. Pour certains d’entre eux, les décisions
politiques restent fortement influencées par des valeurs
religieuses.
Notions du chapitre : sécularisation, Lumières, laïcité,
État confessionnel, État non-confessionnel, religion
civile.
I. Une sécularisation inégale dans le monde
A. Des degrés multiples de sécularisation
Entre la laïcité radicale du système français et les
systèmes théocratiques comme l’Iran, où le pouvoir
politique est entre les mains du clergé, il existe de
multiples degrés de sécularisation.
Sur les quelque 196 États internationalement reconnus,
seuls 9 États francophones d’Afrique et la Turquie se
sont proclamés « laïques ». Beaucoup plus nombreux
sont ceux qui se pensent comme « séculiers ».
Les États séculiers ou laïques se situent ainsi entre les
États confessionnels et les États athées.
Zoom notion
Sécularisation
 On y trouve la référence à la notion ecclésiastique de
« siècle », par opposition aux clercs.
 On utilise ce terme pour désigner les différentes modalités
du recul religieux : laïcisation, déchristianisation, extension de
l’incroyance ou irréligion.
 Le terme anglo-saxon prend un sens englobant les divers
processus de recul des religions. Il désigne
l’« autonomisation » du domaine « séculier » ou profane et
même certaines mutations intérieures aux religions et aux
sociétés.
 On retient l’idée d’un processus de séparation du religieux
du politique que recouvre le terme français de « laïcité ».

Dans le domaine chrétien, on peut dire qu’il n’existe


plus aucun État confessionnel au sens ancien de
l’Ancien Régime : tous reconnaissent le droit à la liberté
de conscience et de religion.
• Quelques-uns reconnaissent toujours l’autorité
supérieure de l’Église catholique.
Exemple Espagne, Italie, Monaco, Liechtenstein,
Guatemala, Costa Rica, Colombie) ou de l’Église
orthodoxe (Grèce).
• En Allemagne, il n’y a pas de religion officielle, mais les
institutions religieuses coopèrent avec l’État et peuvent
prélever un impôt auprès de leurs fidèles par
l’intermédiaire de l’État.
• Aux États-Unis, État et religion sont officiellement
séparés, mais la pratique politique fait de nombreuses
références à la religion chrétienne.
• En l’Italie en 1947 les rapports entre État et Église
catholique sont réglés par les pactes du Latran (1929)
qui affirment l’indépendance de l’État et de l’Église
catholique, souverains chacun dans leur ordre.
À l’opposé se trouvent les États communistes avec
un athéisme d’État :
• L’Albanie est le pays qui a poussé le plus loin cet
athéisme jusqu’à nier tout droit à l’existence pour les
organisations religieuses (1976).
• La Chine et le Vietnam restent marxistes.
Le monde musulman connaît de multiples situations :
• La Turquie kémaliste choisit la laïcité de l’État ;
• La Syrie dans la Constitution de 1973 proclame l’islam
source principale d’inspiration de la législation.
• La Constitution de 1959 de Tunisie déclare que « la
Tunisie est un pays de religion musulmane », mais
l’islam n’est pas la religion d’État.
• La plupart des autres États de population musulmane
adopte un régime confessionnel faisant de l’islam la
religion d’État.
Exemples Mauritanie, Égypte.
Certains États contemporains restent loin d’une
conception laïque de l’État et de nombreux États
séculiers ne sont pas disposés à se dire « laïques ». Le
rapport à la religion des États donne lieu à toutes les
combinaisons qu’il est arbitraire de classer.
Zoom notion
Les États confessionnels
 Ils s’opposent au modèle d’État séculier. L’expression
renvoie aussi bien à des États qui reconnaissent une religion
majoritaire qu’à des États qui imposent l’autorité d’une
religion à l’exclusion des autres.

B. La question de la liberté religieuse


La véritable question qui sous-tend le processus de
sécularisation est celle de la garantie des libertés de
conscience, de religion et d’expression au sein de ces
États.
Zoom notion
La liberté religieuse
 C’est une liberté individuelle privée, mais qui doit également
être publique pour être entière. De multiples termes la
désignent encore aujourd’hui :
 La tolérance religieuse correspond à une concession limitée.
 La liberté de culte renvoie aux pratiques religieuses et à la
liberté des Églises.
 La liberté de conscience renvoie à la possibilité de croire ou
ne pas croire les religions mais aussi le théisme, le déisme,
l’agnosticisme, l’athéisme.
 Elle peut faire référence à l’égalité entre les citoyens sans
critère de religion.
 Elle pose la question de l’aide de l’État aux Églises
(privilèges, financement).

Le principe de la liberté religieuse est formulé par la


Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
par la Convention européenne des droits de l’homme et
des libertés fondamentales de 1950, et par d’autres
déclarations internationales. Les instances
internationales sont les tenants de la sécularisation.
La plupart des Constitutions proclament la liberté
religieuse, en des termes divers, dans des États laïques
(la laïcité garantit la liberté religieuse des citoyens), mais
aussi dans les États confessionnels.
L’affirmation de la liberté religieuse permet :
• que nul soit privilégié ou pénalisé en raison de ses
croyances ;
• toutes les confessions religieuses sont libres devant la
loi ;
• les confessions ont le droit de s’organiser selon leurs
statuts propres.
C. Limites et discriminations
Pour assurer une complète égalité entre citoyens,
certains États interdisent toute aide aux cultes. Cela
entraîne des difficultés aux États-Unis ou en France :
l’État peut-il apporter son aide aux écoles
confessionnelles ?
Le problème est compliqué en France : certaines
restrictions à l’aide publique à l’enseignement privé ne
visent pas toujours des écoles confessionnelles ; les
subventions sont interdites pour les écoles dispensant
des enseignements religieux ; permises pour celles qui
donnent un enseignement général, simplement
d’inspiration religieuse. Les limites peuvent être floues
dans l’application.
Aux États-Unis, on distingue l’aide permise aux élèves
au titre de la législation sociale ou économique
(obligatoire afin d’éviter toute discrimination relative aux
choix individuels) et l’aide directe interdite aux écoles
(car favorisant les confessions religieuses). Mais
l’application est ambiguë.
On trouve dans certains États, confessionnels ou non,
diverses règles discriminatoires.
Exemples

– De hautes fonctions publiques non accessibles dans


des États confessionnels aux membres des religions
dissidentes (ex : pour les non-catholiques dans
l’Espagne de Franco, pour les non-musulmans en
Algérie).
– La liberté du culte public est parfois réservée à la
religion officielle ; c’était le cas en Espagne jusqu’en
1967.
– En Grèce, le prosélytisme contre la religion dominante
(christianisme orthodoxe) est interdit.
– La religion officielle bénéficie d’une protection
particulière (évangélisme luthérien en Islande ;
catholicisme au Lichtenstein, en Bolivie, au Pérou).
– Dans les sociétés confessionnelles, des tensions
interreligieuses, à la faveur de troubles politiques,
économiques, peuvent être instrumentalisés par des
partis politiques. Les exemples sont nombreux dans
l’histoire.
II. L’exemple de la laïcité française
A. Une sécularisation brutale
En France, la mise en œuvre du principe de
sécularisation est d’abord une conséquence directe des
Lumières et de la Révolution française.
Dès 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen affirme l’égalité devant la loi de tous les citoyens.
La laïcité apparaît comme protectrice des droits de
l’homme.
L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen renverse le fondement du pouvoir : « le principe
de toute souveraineté réside essentiellement dans la
nation ». La Révolution Française met fin à une
monarchie de droit divin et à la société d’ordres
considérée comme voulue par Dieu.
Des philosophes des Lumières comme J-J Rousseau et
son Contrat social influence ces premières mesures :
comme celle de la mise en place d’une « religion civile ».
Rousseau cherche à concilier : tolérance religieuse
permettant la coexistence religieuse et la nécessité du
maintien de « dogmes élémentaires », fondement d’une
morale commune.
Le statut social de la religion n’est pas clarifié : on reste
dans la perspective d’une religion civile, source de la
morale et garante du lien social. C’est le 1er « seuil de
laïcisation » pour l’historien J. Baubérot :
• La Constitution Civile du Clergé du 12 juillet 1790
(nationalisation des biens de l’Église) introduit une
première rupture. Il s’agit d’une mise sous tutelle de
l’Église par le pouvoir d’État.
• Le Concordat de 1801 se charge d’apporter un premier
règlement de ce conflit avec la création du mariage
civil et de l’état civil. La laïcisation de l’état civil permet
de ne plus faire coïncider les grands moments de la vie
aux cérémonies religieuses.
• Plusieurs religions sont mises juridiquement à égalité
(pluralisme des cultes reconnu), même si le
catholicisme reste majoritaire.
• La religion est concurrencée par d’autres institutions
(médecine, école) qui s’émancipent de son influence
(la science) ;
• Mais la religion reste une institution de socialisation et
assure un service public reconnu.
La sécularisation « à la française » a pu ressembler à
de l’intolérance religieuse pour J. Baubérot.
Lors de la Terreur, Robespierre institue une religion
civique. La mise en place des « cultes révolutionnaires »
(1793), culte de l’Être suprême, s’accompagne d’une
répression ne permettant pas le pluralisme religieux
(exils et exécutions de catholiques, de prêtres).
La loi de 1901 sur les associations réglemente la
création de toute nouvelle congrégation. La loi de 1904
prive tout membre d’une congrégation de la possibilité
d’enseigner : ces religieux sont privés d’une partie de
leurs droits. 30 000 congréganistes quittent la France.
La laïcité française apparaît comme l’adversaire de la
religion catholique, opposition qui se retrouve dans le
« combat des deux Frances » au XIXe siècle.
B. La séparation
Zoom notion
Laïcité
 Le principe de laïcité est défini comme la séparation de
l’Église et de l’État, qui implique l’indépendance et la
neutralité des institutions publiques vis-à-vis de la religion. Il
ne s’agit pas d’une forme d’athéisme d’État, mais au contraire
d’un moyen de garantir à chacun la liberté de conscience et
de culte, et l’égalité de chacun devant la loi, quelle que soit sa
religion. Attention, un État protégeant la liberté de culte n’est
pas nécessairement laïc : il peut reconnaître une religion
d’État.

Deux dates sont à retenir, outre la loi sur les


associations du 1er juillet 1901.
Dans les années 1880, les mesures de laïcisation
concernent l’école avec la loi Jules Ferry de 1882 sur
l’instruction publique obligatoire. La religion n’est plus
enseignée dans les écoles mais un jour de congé est
prévu pour que les parents envoient leurs enfants au
catéchisme. La loi d’ensemble de 1886 laïcise le
personnel enseignant tout en maintenant la liberté de
l’enseignement.
La loi de séparation des Églises et de l’État de 1905
abolit le Concordat de 1801 et met fin au système des
« cultes reconnus ». Ces dispositions concrétisent le
refus d’une religion civile. Cette loi instaure une
séparation réciproque entre État et institutions
religieuses.
C’est le 2e « seuil de laïcisation » pour J. Baubérot.
La laïcité figure en bonne position dans la Constitution
de 1958. Comme en 1946, elle est affirmée dès le
1er article : « La France est une République indivisible,
laïque, démocratique et sociale ».
Le principe de laïcité dans l’enseignement est réaffirmé
en 2013 par la « Charte de la laïcité à l’École », qui
rappelle en 15 articles les règles du « vivre ensemble » à
l’école et leurs objectifs. Il s’agit d’encourager l’accès à
une culture commune, la tolérance et le libre arbitre.
C. Limites et tensions actuelles
D’une laïcité combattant la religion catholique, presque
hissée au statut de religion, on passe à une laïcité
protectrice d’un espace public laïque. La laïcité apparaît
alors comme limitative de la religion.
Cette laïcité française se trouve actuellement confrontée
à trois défis qui se cristallisent autour de l’islam :
• des difficultés relationnelles entre l’État et l’islam
de France. Le ministre de l’Intérieur, en charge des
Cultes, crée des organes représentatifs pour surmonter
ces difficultés.
Exemple Le Conseil du Culte Musulman
• le problème de la construction et le financement
des lieux de culte musulmans. Cette exigence
sociale rencontre de nombreux obstacles (culturels,
sociaux, voire politique et juridique). Un rapport de
1990 estimait préférable « le financement étatique (…)
à l’intervention des pays d’origine ».
• le débat autour du « foulard islamique ». La loi sur
« les signes religieux ostensibles à l’école » du
15 mars 2004.
En novembre 2020, un sondage Ifop souligne la fracture
grandissante séparant les jeunes musulmans (15-
24 ans) de l’ensemble des Français, 57 % d’entre eux
plaçant la charia devant les lois républicaines. Les
attentats islamistes qui se multiplient sont révélateurs
des tensions communautaires et les valeurs laïques
contestées par une minorité (assassinat du
professeur d’histoire S. Paty en octobre 2020).
L’histoire de la laïcité en France est une « exception
française » pour certains auteurs. Cette exception n’est
pourtant que relative. Le premier piège est ici la langue.
En anglais, secular apparaît comme une catégorie plus
générale [Chapitre 3].
Conclusion
Chaque État reste maître de la position qu’il adopte :
neutralité ou reconnaissance d’une religion officielle,
avec ou sans prise en compte de la pluralité religieuse.
Un ensemble de textes juridiques voit le jour, tant au
niveau national qu’international. La liberté religieuse
relève des libertés fondamentales des droits de
l’homme définies par la Déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948.
Le pluralisme religieux apparaît comme une
composante essentielle du monde contemporain. Si les
États reconnaissent la nécessité de respecter la liberté
de religion et de conviction, sa mise en œuvre pratique
n’en reste pas moins délicate et reste un enjeu majeur
en ce début de XXIe siècle.
Fiche méthode

Méthode

Réaliser une bibliographie


• Conseils généraux
Une bibliographie c’est l’ensemble des références que
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réaliser un exposé ou un dossier : ce sont vos sources.
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 que le lecteur puisse les vérifier et les connaisse ;
 pour montrer le sérieux de votre recherche ;
 pour respecter le droit d’auteur.
 cela permet au professeur de se rendre compte de la
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Ces références sont citées dans une liste dont la
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D’autres références peuvent être trouvées dans vos
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De manière générale, comme dans toute recherche,
vous devez d’abord cerner le sujet, puis rechercher du
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Méthode appliquée

Sujet

« États et religions dans la politique intérieure


des États-Unis depuis la Seconde Guerre
mondiale ».
• Cerner le sujet :
Le sujet concerne les relations entre pouvoirs
politiques (les États-Unis : une grande démocratie) et
religions à l’intérieur des États-Unis. Quelles sont les
spécificités de la laïcité aux États-Unis.
Tous les courants religieux sont concernés : les États-
Unis se caractérisent par une grande diversité
religieuse (protestantisme majoritaire, apports de
l’immigration, place de l’islam aujourd’hui).
Les bornes chronologiques et géographiques sont
précisées : les États-Unis de 1945 à nos jours.
• Bibliographie organisée :
 Usuels
– Toinet M.-F., Foucrier A., Fohlen C., « États-Unis
d’Amérique (Le territoire et les hommes) –
Histoire », Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 19 février 2019.
 Ouvrages généraux
– Henneton L., Histoire religieuse des États-Unis,
Flammarion, 2012.
– Vincent B. (dir.), Histoire des États-Unis,
Flammarion, 2016.
 Ouvrages spécialisés
– Fath S., Dieu Bénisse l’Amérique. La religion de la
Maison-Blanche, Seuil, 2004.
– Froidevaux-Metterie C., Politique et religion aux
États-Unis, La Découverte, 2009.
– Lacorne D., De la religion en Amérique. Essai
d’histoire politique, Gallimard, 2012.
– Nouailhat Y.-N., La Foye (de) S., Les États-Unis et
l’islam, Armand Colin, 2006.
 Articles
– Froidevaux-Metterie, Camille, « Dieu et les
Américains : la fin d’une exception ? », Le Débat,
108, 2000/1, p. 116-133. (Accessible
http ://www.cairn.info/).
 Films et documentaires
– Tim Robbins, Dead Man Walking (« La Dernière
Marche »), film américain réalisé d’après le livre de
Sœur Helen Prejean, 1995.
– Michael Sullivan, God in America, série
documentaire de 6 épisodes d’1 h sur les relations
et évolutions entre liberté religieuse et politique,
2010. URL : http://www.pbs.org/godinamerica/view/.
Sujet corrigé

Commentaire de document

Sujet

« À l’aide de l’étude des documents, montrez


les caractéristiques et limites de la laïcité
de la jeune République turque en 1924 ».
Document 1 L’abolition du califat en 1924 vue par
Mustapha Kemal.
a. « La Turquie ne saurait être tenue à la disposition
du calife pour que celui-ci accomplisse la mission
dont on le prétend investi, de fonder un État
embrassant tout l’islam. La nation n’y saurait
consentir. Le peuple turc n’est pas en état d’assumer
une si grande responsabilité, une mission si peu
raisonnable. Notre nation a été conduite durant
des siècles sous l’influence de cette idée erronée.
Mais qu’en est-il résulté ? Partout où elle a passé,
elle a laissé des millions d’hommes. Savez-vous
quel est le nombre des fils d’Anatolie qui ont péri
dans les déserts torrides du Yémen ? »
Extrait d’un discours de Mustafa Kémal aux députés,
le 3 mars 1924, in MONNIER F., Atatürk, naissance
de la Turquie moderne, 2015, CNRS éd.
b. « La monarchie étant abolie, le califat démis de
ses pouvoirs, il est devenu important d’entrer en
contact proche avec le peuple et d’étudier une fois
de plus sa psychologie et ses tendances spirituelles
[…] Les points principaux sur lesquels partout les
gens veulent être informés sont les suivants : la
Conférence de Lausanne et ses résultats ; la
souveraineté nationale et le califat, leur position et
leurs relations réciproques ; et enfin, le parti politique
qu’ils me savent l’intention de créer. […]
Les gens ont raison de faire preuve de curiosité et
d’inquiétude au sujet des rapports de la souveraineté
nationale et du califat, (…) les imams, comme par
exemple Shukri, ont commencé à s’agiter,
prétendant que : « l’opinion publique du monde
musulman est alarmée et perturbée ». Ils disent :
« le Califat et le gouvernement sont une seule et
même chose ; nul être humain, nulle assemblée n’a
le droit d’anéantir les droits et l’autorité du califat ».
Ils rêvent de maintenir la Monarchie abolie par
l’Assemblée sous la forme du califat, et de placer le
calife à la place du sultan. »
Mustafa Kemal Atatürk, Mémoires, Éd. Coda, in
Jean-Pierre Jackson, PUF, 2005.
Document 2 Extraits de la Constitution de la République
turque de 1924.
Chapitre premier. Dispositions fondamentales.
Article premier. L’État turc est une République.
Article 2. La religion de l’État turc est l’islamisme ; la
langue officielle est le turc ; la capitale est la ville
d’Angora.
[La disposition relative à la religion a été supprimée
en 1928.]
Article 3. Le pouvoir, sans réserve ni conditions,
appartient à la nation.
Article 4. La Grande Assemblée Nationale de
Turquie étant l’unique et véritable émanation de la
nation exerce en son nom le pouvoir.
Article 5. La compétence législative et le pouvoir
exécutif se concentrent et s’expriment dans la
Grande Assemblée Nationale.
Article 6. L’Assemblée exerce directement le pouvoir
législatif.
Article 7. L’Assemblée exerce le pouvoir exécutif par
l’intermédiaire d’un Président de la République et
d’un conseil des ministres, nommé par lui.
L’Assemblée peut, en tout temps, contrôler et faire
tomber le gouvernement.
Article 8. La justice est exercée au nom de la Nation,
conformément aux principes et aux lois, par des
tribunaux indépendants.
Document 3 Chronologie indicative des réformes de
M. Kémal (1922-1938)

Réformes
Réformes Réformes Réformes
sociales et
politiques juridiques économiques
culturelles

Abolition du Abolition Abolition Unification


sultanat de la législation de la dîme de l’enseignement
(1er nov. 1922) musulmane (aşar), impôt et suppression
(1924-1937) reversé des écoles
Proclamation
Mise en place aux autorités religieuses
de la République
du Code Civil religieuses. (3 mars 1924)
(29 oct. 1923)
suisse, du code Établissement Attribution
Abolition du califat criminel de « fermes de droits égaux
(3 mars 1924) français, du modèles », entre hommes
et mise en place Code pénal agriculture et femmes
d’un Diyanet, italien, modernisée (1926-1934)
Bureau des et du code sur le modèle
affaires Loi sur les
commercial européen.
religieuses. chapeaux et
allemand.
« Loi de l’habillement :
1931 : définition du (1924-1937)
l’encouragement interdiction
laïcisme et de
1928 l’Islam à l’industrie » de port du fez
5 autres principes
n’est plus 2 « plans de et du foulard
du kémalisme,
religion d’État, développement » islamique
« républicanisme,
elle demeure (1933-1937). (25 nov. 1925)
progressisme,
sous sa tutelle. Fermeture
populisme, « Programme
étatisme En 1937, la des tekkes,
d’industrialisation
et nationalisme ». laïcité de l’État nationale »
des zaviyes
devient un (monastères
réalisé avec
principe musulmans)
l’aide soviétique.
constitutionnel. et des türbes
(sanctuaires)
(30 nov. 1925)
Suppression
des titres
et des surnoms
(26 Nov. 1934)
Le dimanche
remplace
le vendredi
comme jour
de repos.

Introduction
• (Accroche) À la suite de la défaite de ses armées en
1918, le sultan Mehmet VI doit accepter l’armistice de
Moudros qui entraîne l’occupation et le démembrement
de l’Empire ottoman. Tandis que le Sultan accepte le
traité de Sèvres, Mustafa Kémal organise un
soulèvement national contre les Alliés. Une première
Constitution provisoire est établie en 1921. En 1922, le
sultanat est aboli. La République est proclamée en
1923.
• (Documents et sujet) Nous avons ici des extraits des
Mémoires du fondateur de la Turquie moderne et d’un
discours de M. Kémal qui reviennent sur l’abolition du
califat voté le 3 mars 1924 par les députés turcs
déposant le titulaire du titre, Abdülmecid II (doc. 1).
Une nouvelle Constitution est promulguée le 20 avril
1924 : les 8 premiers articles contiennent les
dispositions fondamentales (doc. 2). Cette démarche à
fort contenu symbolique fait de la jeune République
turque le premier État laïc et républicain du monde
musulman et donne le coup d’envoi à la modernisation
du pays dont les réformes sont présentées dans un
tableau (doc. 3).
• (Problématique) Quelles sont les spécificités et
ambiguïtés de la laïcité de la jeune République
turque ?
• (Plan) Nous verrons d’abord en quoi la jeune
République turque liquide l’héritage ottoman (I), puis
quelles sont les ambiguïtés de la laïcité turque.
I. La liquidation de l’héritage ottoman
A. De l’abolition du sultanat à celle du califat
• Mustafa Kemal affirme une volonté de rupture avec le
passé impérial ottoman. Il profite de la trahison du
sultan avec l’armistice de Moudros pour mettre un
terme au sultanat le 1er novembre 1922. C’est la fin de
la légitimation religieuse de l’ordre politique. Il distingue
les attributions spirituelles du chef religieux de l’islam
des pouvoirs temporels (la prétendue « mission » du
calife, doc. 1a).
• La fonction religieuse du sultan est conservée (titre de
calife) : elle fait de lui le chef spirituel de tous les
musulmans sunnites et le successeur du Prophète. Les
députés transfèrent la fonction au cousin de l’ancien
sultan, le 101e (et dernier) calife.
• Le califat s’oppose à la Nation turque. Le calife se
prétend chef des millions de sunnites du Maghreb à
l’Orient (doc. 1a) : des prétentions universelles qui
s’opposent à l’affirmation de l’État-Nation.
• Un an plus tard, le 29 octobre 1923, il franchit un pas
de plus et fait proclamer la République turque (doc. 3).
Kémal devient le premier président (13 août 1923).
Mais soucieux de ménager les religieux, il fait inscrire
dans la Constitution l’islam comme religion d’État
(art.2, doc. 2).
• Après la proclamation de la République, il déplace la
capitale d’Istanbul à Ankara. Le 3 mars 1924, à
Ankara, un discours aux députés du Parti républicain
du Peuple (kémaliste) aboutit à une motion en vue
d’abolir le califat. La loi est votée sur le champ à main
levée. Le lendemain, le calife et les siens embarquent
dans l’Orient Express.
B. De la légitimité califale à la légitimité kémaliste
• Mustafa Kémal a instauré en 1923 une république
reposant sur une légitimité tout autre que religieuse : la
souveraineté nationale. Dieu n’est plus source du
pouvoir : c’est la Nation. Il donne à la nation turque le
droit d’exercer la souveraineté populaire à travers une
démocratie représentative (doc. 2 articles 3 et 4). Les
pouvoirs sont séparés (articles 5, 6 et 7).
• L’avènement de la République permet la réalisation de
la doctrine du « kémalisme » (doc. 3) qui repose sur le
« laïcisme » et 5 piliers , « républicanisme,
progressisme, populisme, étatisme, nationalisme » :
 une révolution politique, on passe d’un Empire
multinational ottoman à un État-Nation turc
républicain ;
 une révolution sociale, menée par une élite avec une
orientation vers le peuple ;
 une révolution nationaliste dont le but est d’assurer
l’indépendance de la nation face aux puissances
étrangères. C’est un nationalisme unitaire et jacobin,
il n’y a aucune différence entre les différents peuples
en Turquie ;
 une révolution laïque : il n’y a plus de différences
entre les religions ;
 une révolution progressiste : la modernisation
complète de la Turquie ne peut venir que de l’État et
du développement économique et technologique.
L’activité économique est gérée par l’État (« plans de
développement », doc. 3)
• (Transition) La République turque se construit autour
de principes inspirés de la Révolution française et en
rupture avec l’Empire : l’unité de la République, la
sécularisation, mais aussi l’occidentalisation et la
modernisation du pays.
II. Les ambiguïtés de la jeune République
A. « Laïcisme » et « progressisme »
• Les extraits reviennent sur la question de la nature du
régime turc.
• M. Kemal abat les dernières institutions de l’ancien
Empire. Les réformes de la laïcisation concernent le
domaine juridique : les tribunaux religieux sont abolis
en 1924 (art.8 doc. 2 : « la justice est exercée au nom
de la Nation », « par des tribunaux indépendants »).
• En 1926, le gouvernement abolit la charia comme
source de loi et les remplace par un Code civil (modèle
suisse !).
• Hommes et femmes sont égaux en droits, les femmes
ont le droit de vote et de se présenter lors d’élection
(doc. 3).
• M. Kemal interdit le port du fez (doc. 3), symbole féodal
imposé par l’Empire en 1826 : il demande aux Turcs
d’adopter le code vestimentaire européen. Craignant
une guerre civile, le port du hijab est maintenu mais
son port déconseillé.
• Pour construire le pays, M. Kemal entreprend de
réformer l’éducation et interdit toutes les écoles
religieuses.
• En 1928, l’article 2 est amendé : toute référence à la
religion effacée ; les couvents sont fermés, ordres
religieux dissous, titres musulmans interdits.
B. Oppositions et interrogations sur les limites du
« laïcisme »
Des oppositions :
• Malgré l’adhésion massive en Anatolie à la révolution
kémaliste, M. Kémal reconnaît : « la curiosité et
d’inquiétude au sujet des rapports de la souveraineté
nationale et du califat » (doc. 1b).
• La disparition du califat après 14 siècles suscite une
levée de boucliers dans les milieux religieux turcs.
L’imam Shukri est à l’origine d’un parti réactionnaire
(doc. 1b).
Des interrogations :
• Le terme turc de laïcité (« laïcisme ») n’est pas inscrit
dans ces « dispositions fondamentales » de 1924. Le
terme n’apparaît qu’en 1931 (doc. 3) au sein du
congrès du parti unique. Il faut attendre la Constitution
de 1937 pour qu’il soit inscrit institutionnellement.
• La Turquie ne connaît pas de véritable séparation entre
État et religion. L’État peut intervenir dans les affaires
religieuses. Le jour de l’abolition du califat est créée
une Direction des affaires religieuses (Diyanet)
rattaché au cabinet du Premier ministre (doc. 3).
L’enseignement religieux reste inclus dans
l’enseignement primaire jusqu’en 1939.
• Le doc. 1 mentionne la « conférence de Lausanne »
(1923) qui s’inspire de la structure ottomane du
« millet » donnant aux non-musulmans un statut de
minorité reconnue. Mais ce statut est minoritaire alors
(massacre des Arméniens en 1915, échange des
chrétiens orthodoxes de Turquie avec les populations
musulmanes de Grèce en 1922, émigration des Juifs).
Sous la République, les Turcs se trouvent en majorité
soumis au Diyanet.
• La problématique des minorités reste posée, en
particulier celle de la communauté kurde. Le souhait du
gouvernement kémaliste est d’avoir une Turquie
homogène ethniquement et religieusement. Mais les
Kurdes ont des revendications séparatistes et se
trouvent dans un état d’insurrection permanente dès
1921.
• (Transition) Ainsi ce Diyanet symbolise toute
l’ambiguïté d’un imposant appareil religieux crée pour
protéger le principe de laïcité turque.
Conclusion
• La République s’est construite par opposition au
sultanat compromis dans le traité de Sèvres et au
califat universel. Si le principe de la Nation est affirmé
clairement, ce n’est pas le cas du principe laïc.
Ironiquement, la mainmise de l’État sur la religion n’est
pas sans rappeler celle de l’Empire ottoman. Comme
dans l’Empire, la religion reste un moyen de
légitimation du pouvoir.
• La laïcité n’a jamais eu en Turquie le sens qui est le
sien en Occident et en France. Elle ne s’est pas
traduite par une séparation de l’État et de la religion
mais plutôt par une subordination de celle-ci à l’État.
Au XXIe siècle, la laïcité instaurée par Mustafa Kémal a
de plus en plus de mal à résister à la réislamisation de
la société turque.
Chapitre 3

État et religions en Inde


Synthèse de cours
Introduction
Entourée par des États musulmans (Pakistan,
Bangladesh, Malaisie), des États bouddhistes
(Thaïlande, Myanmar, Sri Lanka), le Népal hindou et la
Chine communiste, l’Inde se veut un État
« séculariste » : neutre et même positif à l’égard de
toutes les religions.
Le paysage religieux indien est très varié. Si
l’hindouisme est pratiqué par 80 % de la population,
l’islam constitue la 2e religion (13 %), suivi par le
christianisme (2,3 %), le sikhisme (2 %), le
bouddhisme, le jaïnisme et autres (pour environ 2 %).
Le terme « secularism » ne fait son apparition dans le
texte constitutionnel qu’en 1976, même si l’Inde se
définit dès l’origine comme une « secular Republic »,
qui porte un respect égal à toutes les religions (I). Mais
la Cour Suprême constate dès 1974 que le secularism
ne règle pas dans la société indienne la question des
minorités religieuses et des inégalités sociales (II). Au
contraire, les tensions religieuses sont à l’origine d’un
des plus longs conflits armés, avec le conflit israélo-
palestinien, entre Inde et Pakistan au Cachemire (III).
Notions du chapitre : théorie des deux nations,
sécularisme, partition, jaïnisme, sikhisme, bouddhisme,
hindouisme, nationalisme hindou, hindouité, castes.
I. Aux origines du sécularisme indien
A. La partition de 1947
Le processus de « partition » de 1947 commence dans
les années 1930, le futur leader de la Ligue
musulmane, Jinnah, forge la « théorie des deux
nations » : il conçoit hindous et musulmans comme
deux nations, voire deux civilisations, ces différences
doivent s’exprimer territorialement.
Dans l’empire des Indes de 1947, les hindous étant deux
fois plus nombreux que les musulmans, Jinnah
considère que ces derniers passeraient de la tutelle
anglaise à celle d’une majorité électorale hindoue.
Le parti du Congrès mené par Gandhi et Nehru ne se
définit pas comme un parti hindou et s’oppose à ce
projet avec l’idée d’une citoyenneté transcendant les
appartenances religieuses.
En 1947, la partition de l’Inde s’est effectuée au prix de
massacres et migrations massives affectant surtout le
Pendjab et le Bengale (1re guerre indo-pakistanaise). Les
terres à majorité musulmane formèrent un Pakistan
bicéphale : Pakistan occidental, centré sur l’Indus,
Pakistan oriental, centré sur le delta du Gange. En 1971,
le Pakistan oriental fait sécession pour devenir le
Bangladesh.
L’Inde de Nehru aime se définir par le slogan « L’unité
dans la diversité ». Elle s’affirme multireligieuse,
multiculturelle.
Le Pakistan au contraire se définit comme une
république islamique, l’islam étant à la fois fondement
religieux de la nation et raison d’être de l’État.
B. Le sécularisme indien
L’expérience de la partition explique le souci d’unité.
En 1948 naît l’idée d’une nation unifiée, où la loyauté
des citoyens envers l’État supplante l’allégeance
traditionnelle à la « community » et où les minorités
religieuses sont protégées.
La construction de la nation et de l’État passe par
l’intégration des 554 États princiers que la loi
d’indépendance de 1947 libérait. Les trois plus grands
États (le Hyderabad, le Mysore et le Cachemire)
subsistent comme entités distinctes.
Nehru avait énoncé dès 1946 les grands principes de
la Constitution : démocratie, laïcité et égalité.
Dès 1950, l’Inde se dote d’une Constitution qui la définit
comme une république séculariste. Le concept de
« secularism » est à rapprocher de celui posé par le
1er amendement de la constitution américaine, qui
garantit le « libre exercice » de toute religion. L’État y
reconnaît toutes les religions mais ne se définit par
aucune d’entre elles (le Népal est le seul pays hindou au
monde). Les religions minoritaires y bénéficient de
privilèges, préservant certaines de leurs spécificités. Le
système de castes est aboli (art. 15 de la Constitution
qui interdit les discriminations fondées sur les castes).
À cette époque, le gouvernement de l’Inde est l’affaire
d’un seul parti, le Congrès, dirigé par Nehru,
successeur de Gandhi. En 1948, le Congress Socialist
Party devint le Parti socialiste (identité centriste). C’est le
champion de la conception séculariste de la nation
indienne. Durant des décennies, il a bénéficié des
suffrages de la majorité des musulmans de l’Union
indienne.
Zoom notion
Les religions en Inde
 L’hindouisme : religion principale de l’Inde. Elle est basée
sur les livres sacrés que sont les quatre Veda. Ses pratiques
principales sont : le puja, la crémation des morts et la
hiérarchisation par le système des castes.
 L’islam est la deuxième religion de l’Inde. L’Islam s’inscrit
dans la tradition des grandes religions monothéistes comme
le judaïsme et le christianisme.
 Le christianisme, autre monothéisme, repose sur le
Nouveau et l’Ancien Testament.
 Le sikhisme fondé au XVe siècle se base sur quelques
principes hindouistes, mais il n’y a pas de castes, ils croient
en un dieu unique et s’opposent à l’idolâtrie.
 Le bouddhisme né vers 500 av J.-C., le bouddhisme n’est
pas une religion mais une philosophie opposée à celle de
l’hindouisme.
 Le jaïnisme, fondé vers 500 av. J.-C., réfute certains
principes de l’hindouisme comme le système des castes, la
domination des prêtres brahmanes. Les jaïnas croient en la
réincarnation et au spiritualisme.

C. Applications et limites
L’insistance de plusieurs articles sur la notion d’égalité
provoque une remise en cause de l’idéologie sociale
de l’hindouisme traditionnel. Des lois visent la
réalisation de l’égalité.
Exemples

– loi sur le divorce et le mariage (Hindu Marriage Act,


1955),
– loi sur le droit des veuves et des divorcés en matière
d’héritage ( Hindu Succession Act, 1956).
• l’État secular impose la neutralité envers les différents
cultes, la séparation du politique et du religieux. Cela
entraîne notamment l’interdiction de l’intouchabilité.
• politique de réservation des emplois publics au profit
des castes les plus défavorisées : 25 % des postes
réservés à la population issue des sans-castes, des
intouchables. Objectif : sortir de la contradiction entre
inégalités du système des castes et démocratie
reposant sur un suffrage universel.
Ce sécularisme n’est pas dénué d’ambiguïtés.
Dès les années 50, il existait un projet de « code civil
unique ». Mais ce projet pose un problème par rapport
au « secularism » qui veut protéger les minorités
religieuses. Le projet de « uniform civil code » va à
l’encontre des exigences de la religion musulmane.
En effet, le souci de ne pas aggraver les tensions lors de
la partition avec le Pakistan a laissé subsister
(officiellement de façon temporaire) des éléments de
droit personnel pour les musulmans et un ensemble
d’exceptions à la non-différenciation pour raisons
religieuses en faveur des minorités.
Aujourd’hui, une grande partie du droit des personnes en
Inde obéit aux coutumes et traditions écrites des
diverses religions, donc chez les musulmans la charia.
II. Limites de l’unité indienne
La république séculariste indienne est traversée par
différentes tensions religieuses et traditions qui mettent
en échec sécularisme et principe d’égalité.
A. Nationalisme hindou et hindouité
À partir des années 1970, l’hégémonie du parti du
Congrès s’effrite alors que le nationalisme hindou
s’affirme dans les années 1980 :
• Le « pseudo-sécularisme » du Congrès, les privilèges
accordés aux minorités (facilités pour créer des écoles,
droit civil musulman, statut particulier du Cachemire…)
sont dénoncés. L’hindutva, mouvement nationaliste
hindou, au mot d’ordre « hindi, hindu, hindustan »
(« une langue, une religion, un pays »), réclame un
droit civil commun à tous.
• La notion d’« hindouité » se répand : citoyenneté
indienne et système religieux hindou ne peuvent se
dissocier. L’hindouité est la dimension culturelle de
l’hindouisme qui fait que, au-delà des croyances
religieuses, il existe une identité civilisationnelle qui
définit la nation indienne.
Ainsi, le parti nationaliste hindou, le Bharatiya
Janata Party (BJP, « Parti du peuple de Bhârat »)
s’engage dans la course au pouvoir et y parvient en
1998. Bhârat est le vieux nom sanscrit de l’Inde : façon
de réaffirmer l’importance des origines. Il instrumentalise
les tensions entre hindous et musulmans.
Particularité : le nationalisme hindou contemporain a
intégré un discours critique de la caste en disant qu’il
faut transcender cette tradition. Le BJP veut unifier les
hindous de castes différentes pour en faire une force
identitaire supérieure. Ce mouvement né dans les
hautes castes sous l’influence de brahmanes mène des
campagnes de recrutement dans les basses castes. Il
vise à renforcer l’unité des hindous face aux minorités
musulmane et chrétienne.
Le BJP, partisan de l’hindutva gouverne de 1998 à 2004
et revient au pouvoir en 2014.
Zoom notion
Le nationalisme hindou
 Courant qui trouve son origine dans certains mouvements
réformateurs de l’hindouisme vers la fin du XIXe siècle. Il
prend corps comme doctrine en 1925, avec le RSS, Rashtriya
Swayamsevak Sangh, « Association des volontaires
nationaux ». Le RSS considère que la nation indienne existe
depuis l’émergence de la civilisation hindoue, elle n’est pas
une construction moderne du XXe siècle. Cette thèse fonde
l’identité de la nation indienne sur le fait de civilisation qu’est
l’hindouisme.

B. Islam et Inde
D’autres problèmes géopolitiques intérieurs posés
par la présence de 130 millions de musulmans en Inde.
C’est un peuplement ancien qui remonte au XIIe siècle
(dynasties musulmanes).
L’Union indienne vient au 4e rang mondial après
l’Indonésie, le Pakistan et le Bangladesh, pour l’effectif
de sa population musulmane. Mais à la différence de ces
États, en Inde ils sont en situation minoritaire, dans
certaines régions ils dépassent rarement 25 % à 35 %
de la population, et ils sont peu représentés
politiquement. Exception : le Cachemire où les
musulmans forment la grande majorité de la population
(80 %).
La part de la population musulmane augmente
cependant, malgré la partition. Il semble que ce soit les
plus basses couches sociales qui aujourd’hui se tournent
vers l’islam, pour échapper au système des castes. Et ce
sont ces basses couches sociales qui ont le taux de
fécondité le plus élevé.
C. Permanence des castes
La société indienne reste fondée sur le système de
la caste.
Chaque caste est définie territorialement. Quand on
passe du territoire d’un système endogamique à un
autre, on passe de l’espace d’une caste à celui d’une
autre caste de même rang, mais qui a son propre
territoire. Plusieurs réseaux de castes se superposent
sur un même territoire.
Les migrations individuelles n’effacent pas le territoire de
référence de la caste d’origine, même si mobilité sociale
et changements professionnels ont assoupli le système.
La caste demeure le cadre de sa reproduction sociale
par le mariage endogamique (entre membres de même
caste).
Le concept de « caste dominante » du sociologue
indien M. N. Srinivas : ce n’est pas nécessairement celle
du plus haut statut rituel, mais c’est celle qui,
régionalement ou localement, contrôle, par son emprise
foncière, le plus de territoires.
Les « intouchables » ou dalits représentent 17 % de la
population et restent exclus du système car exerçant les
professions « impures ».
Cette géopolitique de la caste transforme la
géographie électorale (Yves Lacoste) : la caste devient
un instrument d’une identité sociale et économique qui
cherche à défendre ses intérêts et qui se donne des
instruments politiques pour faire entendre sa voix.
L’identité de caste se maintient, comme potentiel de
pression socio-politique.
Les tentatives d’unification des castes portés par les
partisans de l’hindouisme ou le sécularisme du parti du
Congrès sont rejetées par les partis régionaux qui
s’appuient sur des identités régionales fortes ou des
castes moyennes ou basses localement
surreprésentées. Elles sont considérées et maintenues
comme des « banques de voix ».
Zoom notion
Castes
 La société indienne est organisée selon un système de
castes héréditaires, division hiérarchique et inégalitaire de la
société.
 Selon les textes fondateurs de l’hindouisme, dans le système
traditionnel de la société aryenne, composée de quatre
castes ou varnas — les Brahmanes ou prêtres, suivis des
Kshatriyas ou guerriers, puis des Vaishyas, des artisans et
des marchands, et enfin des Sudras, les artisans, les Dalits
(ou Intouchables) se sont retrouvés tout en bas, au-dessous
des Sudras, qui étaient également des descendants de
résidents pré-aryens du pays.
 Il n’y a pas de place pour les Intouchables dans ce tableau
du monde. Le système de varna des 4 classes s’est
définitivement instauré entre le VIIe siècle av. J.-C. et
le IIe siècle.

Bien que le système des castes soit officiellement aboli


dans la plus grande démocratie du monde, les
discriminations perdurent.
III. Des tensions interreligieuses de plus en
plus violentes
A. Des émeutes communautaires
Sur le plan intérieur, la tension hindo-musulmane est
attisée par les fondamentalistes hindous. Le cycle de
violence entre hindous et musulmans reprend, parmi les
plus marquants :
• Le 6 décembre 1992, les extrémistes hindous
détruisent la mosquée d’Ayodhya, ce qui entraîne des
affrontements intercommunautaires dans tout le pays,
causant plus de 2 000 morts (des émeutes anti-
indiennes ont lieu au Pakistan et au Bangladesh).
• série d’émeutes meurtrières et d’attentats attribués à la
mafia musulmane dans la vallée du Gange, au Gujarat
et à Bombay, qui ont fait entre 2 000 et 3 000 morts.
• 2002, le Gujarat est de nouveau le théâtre de graves
conflits communautaires (attaque par des bandes
musulmanes d’un train ramenant d’Ayodhya des
militants partisans de la construction d’un temple à
Rama sur le site de la mosquée rasée en 1992 ;
émeutes antimusulmanes et massacres de musulmans
par les extrémistes hindous (plus de 2 000 morts) ;
• Les émeutes communautaires sont le plus souvent
orchestrées par des organisations extrémistes,
instrumentalisant la religion à des fins électorales. Le
point de départ est souvent une provocation :
musulmans abattant une vache sacrée, ou hindous
perturbant la prière du vendredi.
Les chrétiens sont visés également par ces violences.
Fin 2015, un chrétien soupçonné d’avoir mangé de la
viande de vache est lynché par 200 personnes dans le
nord de l’Inde.
B. Le Cachemire entre guerres, attentats
et terrorisme international
La question du terrorisme en Inde est, comme
toujours, complexe et en constante évolution.
1. La question du Cachemire
Depuis la Partition en 1947, c’est le point focal des
tensions entre Pakistan et Inde.
• La thèse pakistanaise considère le Cachemire
comme étant la marque de l’inachèvement de la
partition : majoritairement musulman et contigu, il doit
lui revenir.
• La thèse indienne se réfère au principe du droit des
princes lors de la partition. En 1947, le Cachemire avait
un prince hindou qui décida de rattacher son royaume
à l’Inde qui lui fournit une aide armée afin de repousser
l’avancée des bandes pakistanaises souhaitant
soutenir une révolte dans la province du Poonch.
Après l’indépendance commence une 1re guerre indo-
pakistanaise qui se termine le 1er janvier 1949 par un
cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU.
Le Cachemire est alors partagé par une « ligne de
contrôle », qui reste en place après la guerre de 1965 et
redéfinie comme telle après la guerre de 1971 (guerre
du Bangladesh).
En mars 1998, les élections portent au pouvoir le
BJP. 2 mois plus tard, l’Inde procède à des essais
nucléaires souterrains auxquels le Pakistan répond.
En 1999, la « guerre de Kargil », est conduite sur la ligne
de contrôle transgressée par les troupes pakistanaises.
Pour le Pakistan, sa défaite est une des origines du coup
d’État qui porte au pouvoir le général Mucharraf en
1999. Il adopte une politique proaméricaine depuis la
guerre contre les Talibans (2001).
La crainte de dérives incontrôlées explique les pressions
internationales, contre le déclenchement de frappes
indiennes sur les camps d’organisations terroristes
d’Azad Kashmir, en 2002.
2. L’enjeu est internationalisé avec le terrorisme
C’est le principal défi qui subsiste à l’égard de la
démocratie indienne.
Dans les années 1980-1990, les attentats sont attribués
aux divers mouvements de lutte pour l’indépendance du
Cachemire (Jammu Kashmir Liberation Front) ou pour
un rattachement de la totalité de la Province indienne au
Cachemire pakistanais (Hizbul Mujahideen, créé par les
services secrets pakistanais).
Depuis 1990, les affrontements au Cachemire ont
provoqué plus de 11 000 morts d’après les sources
indiennes. Les séparatistes musulmans sont eux-mêmes
divisés entre fondamentalistes pro-pakistanais et
partisans d’une indépendance laïque.
D’autres organisations suivent le Front Islamique
International créé par Ossama ben Laden en 1998 et
élargissent leur combat. Plus ou moins liés à la
mouvance et au discours d’Al Qaeda, leurs attentats
visent à tuer un maximum de civils.
Le lourd passif avec le Pakistan, l’essor de groupes
talibans font de l’Inde une cible de choix : l’attentat lancé
en novembre 2008 contre deux hôtels de Mumbai a
causé la mort de 173 personnes.
La multiplicité des attaques et la diversité des cibles
indiquent que cette attaque commando avait été
longuement préparée, probablement au Pakistan pour
l’Inde.
Conclusion
La jeune République indienne, fédérale, issue de la
décolonisation en 1947 s’affirme comme unie,
séculariste, multiculturelle et multiconfessionnelle. Mais
la plus grande démocratie au monde (plus de 1,3 Md
d’habitants aujourd’hui) fait face à de nombreux défis
pour réaliser cette idéologie d’origine : contradictions
apparentes entre égalité et sécularisme attribuant des
régimes de faveur aux minorités, affaiblissement du
parti du Congrès chantre du sécularisme, montée du
parti national hindou et des partis régionaux
encourageant le maintien d’un système de caste,
renouveau des tensions interreligieuses à l’aune du
défi islamiste contemporain, conflits inter-religieux et
permanence des violences faites aux femmes et aux
sous-castes.
Ces contradictions internes de l’État indien ressortent
avec la question du Cachemire, la guerre « la plus
haute du monde ». La question du Cachemire est fort
complexe, c’est probablement avec le conflit israélo-
palestinien, l’écheveau politique le plus difficile à
résoudre.
Fiche méthode

Méthode

À l’oral
• Conseils généraux
Un exposé oral permet de rendre compte de ses
recherches documentaires devant votre professeur ou
un jury. L’oral prend de plus en plus de place dans le
nouveau Bac avec le « Grand Oral », aussi faut-il s’y
préparer et multiplier les exercices oraux au cours de
l’année de Première.
• Un oral se prépare à l’écrit…
Vous devez vous organiser, maîtriser les techniques de
recherche de l’information de bases, et être autonome
dans votre travail !
 Au brouillon : comme dans toute recherche
documentaire, il faut cerner le sujet. Mobiliser ses
connaissances (brainstorming), déterminer les mots-
clés, effectuer une recherche sur Internet avec des
moteurs, prélever l’information, s’assurer de sa
fiabilité, organiser ses notes (carte mentale, tableau,
thèmes…).
 Prendre les références et citer ses sources
(bibliographie/sitographie) au fur et à mesure.
 Élaborer une problématique : un fil directeur qui
guidera la démonstration à l’oral. Vous devez adapter
votre discours au sujet !
• Préparer sa fiche de notes
Passer du résultat d’une recherche à un condensé :
formaliser une fiche synthétique support de la prise de
parole.
Quelques conseils simples :
 Utilise un style simple télégraphique,
 Des couleurs pour les différentes parties pour t’y
repérer facilement.
 Accorde un soin particulier aux transitions en utilisant
des connecteurs logiques/Mots de liaison, et montre
comment tes parties font avancer ta problématique.
Attention Tes notes ne doivent pas être rédigées entièrement et
lues : c’est un support de l’oral, un « aide-mémoire »

• Préparer un support de communication


(Powerpoint…)
Illustrer votre exposé à l’aide de vidéos, images,
fichiers sons.
Ces illustrations doivent être organisées : élaborer un
plan, un chemin de fer pour votre Powerpoint et y
insérer les illustrations trouvées.
Attention Il faut justifier le choix de telle illustration en montrant
quelles informations/connaissances en supplément elles apportent.

• À l’oral
 Maîtriser la langue française.
 S’entraîner : à parler lentement et d’une voix claire en
te chronométrant. Le temps doit être respecté.
 Si vous êtes plusieurs, partagez-vous les parties de
l’exposé.
Attention Tu communiques à l’oral et ne dois donc pas oublier ton
auditoire ! Tu ne dois pas oublier de regarder ton auditoire, et tu dois
rendre vivant ton exposé (rythme, mouvement, intonation) : cela se
prépare !

• Exemple de grille d’évaluation de l’oral


Indispensable pour évaluer les attentes du correcteur.
Les éléments évalués peuvent être :
 La fiche écrite pour l’oral : existence, articulations,
logique générale…
 L’expression : clarté, précision, pédagogie…
 La voix : intonations, débit, conviction…
 Le regard : mobilité, s’adresse à tous…
 Le corps : posture, mouvement, aisance…
 Réception de l’exposé : suscite l’intérêt, acquisition
de connaissances…
Sujet corrigé

Dissertation

Sujet

« Religions et géopolitique entre Inde et


Pakistan »
Introduction
• (Accroche) L’Inde pose des problèmes singuliers du
point de vue religieux : 1 milliard d’hommes y suivent
les préceptes de l’hindouisme, au milieu des hindous
se trouvent dispersés 130 millions de musulmans.
• (Sujet) Le sujet porte sur l’étude des relations entre
phénomènes religieux et géopolitique, c’est-à-dire les
rapports de force et conflits qui opposent l’Union
indienne « laïque » au Pakistan musulman (République
islamique). L’Union indienne entretient depuis la
« partition » de 1947 des relations conflictuelles avec
son voisin musulman. La crise du Cachemire, dont les
causes ne se limitent pas à des rivalités religieuses,
est le point de tensions le plus chaud entre les deux
pays. Dans la géopolitique actuelle, avec le renouveau
du terrorisme international, les relations entre l’Inde et
le Pakistan constituent un enjeu géopolitique majeur :
ils représentent ⅙ e de la population mondiale et se
sont dotés tous deux de l’arme nucléaire.
• (Problématique) On peut se demander en quoi le
facteur religieux est un élément déterminant des
relations conflictuelles indo-pakistanaises depuis
1947 ?
• (Plan) Nous verrons d’abord les origines conflictuelles
des relations indopakistanaises depuis 1947 (I),
renouvelées par la nouvelle donne géopolitique
mondiale depuis 2001 où le facteur religieux semble
redoubler les risques de conflits (II).
I. Un conflit ancien entre Inde et Pakistan
musulman
A. La partition de 1947
• La partition est le résultat de l’application de la
« théorie des deux nations » qui émerge dans les
années 1930 dans l’Empire britannique qui appuie les
revendications de la Ligue musulmane face à la
communauté hindoue majoritaire. Elle défend l’idée
que les musulmans de l’Inde doivent avoir leur État.
• 1947, sous la pression d’un vaste mouvement
nationaliste, l’Empire des Indes devient indépendant,
mais 2 États voient le jour entraînant transferts de
populations (6M de musulmans quittent l’Inde, 4M
d’hindous quittent le Pakistan) et affrontements
sanglants (200 000 victimes). La Partition de 1947
répond à une logique d’identité religieuse, vue comme
fondement de la nation. La partition de 1947, acte
libérateur dans la légende pakistanaise, est un
traumatisme pour l’Inde.
• L’Inde se proclame laïque et reprend l’essentiel du
territoire de l’ancienne colonie et son appareil
gouvernemental. Elle est opposée à la Partition. Si les
hindous représentent plus de 80 % de la population,
l’Inde n’est pas une République hindoue.
• Le Pakistan est une République islamique. C’est au
nom de la primauté de l’appartenance religieuse que
l’ancien royaume du Jammu et Cachemire aurait
naturellement dû revenir au Pakistan.
• Le conflit au Cachemire semble insoluble, car la
possession de la région est au cœur du projet étatique
de l’Inde et du Pakistan. C’est la raison directe des
guerres de 1947-48, 1965-1971.
B. Les guerres du Cachemire
• Dès 1947-1948, premier affrontement entre l’Inde et le
Pakistan au sujet du Cachemire. Le Cachemire, où la
population est majoritairement musulmane et se
soulève avec l’appui de l’armée pakistanaise, mais le
prince hindou choisit le rattachement à l’Inde avec
l’aide militaire de New Delhi. Cette 1re guerre indo-
pakistanaise conduit à la partition du Cachemire entre
les 2 pays sur la « ligne de contrôle » : ligne de
cessez-le-feu fixée le 1er janvier 1949.
• En 1965 a lieu le 2nd conflit indo-pakistanais déclenché
par le Pakistan qui occupe des territoires (l’Aksai Shin).
L’Inde, soutenue par les Soviétiques, les défaits. La
médiation soviétique aboutit au retour à la situation
initiale.
• Le Pakistan est touché par la séparation entre Pakistan
occidental (dominé par la Ligue Awami et le Cheikh
M. Rahman, domination des Penjabis) et oriental
(différence de culture et de langue : bengali non
reconnu), ce dernier proclame son indépendance en
1971 (guerre du Bangladesh). La fuite de 10M de
réfugiés Bengalis face à la répression militaire du
Cheikh amène l’Inde à intervenir avec l’URSS. Défaite
du Pakistan et reconnaissance de l’indépendance du
Bengladesh.
• La guerre de 1971 abouti à un accord important dit
« de Simla » en 1972 : les 2 pays concluent que tout
différend doit être résolu au même niveau. L’Inde
refuse toute internationalisation du conflit du
Cachemire et toute médiation internationale et refuse
la résolution de l’ONU entérinant la partition du
Cachemire.
• Le Pakistan récuse la thèse indienne, réclame
l’application du droit international et la consultation de
la population cachemirie (« droit des peuples »).
• Mais les relations entre les deux États connaissent une
plus grande stabilité.
C. Montée des fondamentalismes et arme nucléaire
• La montée des fondamentalismes contribue à
exacerber les extrémismes.
• En Inde, des affrontements fratricides voient les
hindous s’affronter aux musulmans, ce que condamne
le Pakistan.
En 1992 destruction de la mosquée d’Ayodhya,
Exemple
émeutes antimusulmanes du Gujarat.
• Ces violences ne se déroulent pas toutes au Jammu-
et-Cachemire.
ExempleDans le Gujarat, État fédéré frontalier, la rivalité
indo-pakistanaise alimente les violences.
• Depuis 1989, au Jammu-et-Cachemire, le réveil d’un
islam militant a pris le pas sur les anciens partis,
soutenu par le Pakistan.
• Cette rivalité conduit les deux puissances à se doter,
en 1998, de l’arme nucléaire. Cette question rend
potentiellement explosive l’acquisition de l’arme
nucléaire par les deux belligérants.
• Les deux armées s’affrontent à nouveau en 1999 lors
de la « guerre de Kargil ». Le conflit se conclut par une
défaite pakistanaise. Les États-Unis exercent une forte
pression et obtiennent le retrait de l’armée
pakistanaise. Le recul du pouvoir civil face aux
pressions internationales est une des raisons du coup
d’État militaire du général Musharraf.
• (Transition) La géopolitique du Cachemire cristallise les
tensions indo-pakistanaises. À l’origine issues de
revendications religieuses régionales, elles s’inscrivent
également dans le cadre mondial de la Guerre Froide
(présence américaine et soviétique) et dans le cadre
régional (inquiétudes indiennes face à la montée de la
Chine).
I. Les relations indopakistanaises face
aux nouveaux enjeux après 2001
A. Le terrorisme international
• Les attentats perpétrés contre les États-Unis le
11 septembre 2001 par Al-Qaida et la guerre que
Washington en Afghanistan contre le régime des
Talibans ont fortement influencé les relations indo-
pakistanaises.
• Le gouvernement de P. Musharraf choisit d’appuyer les
États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme : mise à
disposition de l’espace aérien pakistanais et de bases
au sol, contrôle de la frontière entre Pakistan et
Afghanistan. En échange, il obtient la levée des
sanctions qui le frappaient depuis les essais nucléaires
de 1998 et le coup d’État de 1999, l’augmentation de
l’aide internationale.
• Les groupes islamistes les plus radicaux, basées au
dans les régions montagneuses du Pakistan,
considèrent comme une guerre sainte la lutte menée
par leurs groupes armés au Cachemire. Elle s’inscrit
dans le projet d’une lutte pour l’affirmation de l’Islam
face à l’Inde et l’Occident.
• Ces positions déstabilisent les tenants d’un Pakistan
moderne, porteur d’un islam modéré et fidèle à ses
alliances occidentales, et attisent les tensions avec
l’Inde.
B. Conséquences : la montée des tensions politiques
et des violences
• Au Cachemire des liens s’étaient établis entre
Talibans, Al-Qaida et militants du djihad au Cachemire.
• Au Pakistan ce revirement de politique étrangère
provoque des tensions politiques qui se sont traduites
par des attentats contre des intérêts étrangers.
Exemple Attentats à Karachi contre les employés de
DCN en mai et en juin 2002 devant le consulat des
États-Unis.
• En Inde, les attentats commis par des militants
islamistes cachemiris contre le Parlement du
Cachemire, puis contre le Parlement indien à New
Delhi le 13 décembre 2001. L’Inde prend des mesures
de rétorsion contre le Pakistan accusé de financer les
groupes terroristes au Cachemire : leurs armées se
font face tout au long de leur frontière.
• L’intervention des États-Unis fin 2002 permet une
détente des relations indopakistanaises (retrait des
troupes, reprise d’un « dialogue global » en 2004,
décisions d’ouvrir une ligne d’autocars entre les 2
Cachemires en 2005). Ce dialogue survit aux attentats
de Mumbai en 2006, mais pas à ceux de 2008.
• La question du Cachemire reste entière et un
élément clé des relations indo-pakistanaises. La
frontière se renforce en 2001-2006 : l’Inde initie une
tactique de clôture pour transformer la ligne de contrôle
en frontière permanente (double rangée de barbelés
parallèle à la Ligne de contrôle, sur 500 km, en partie
électrifié, équipée de radars et de capteurs
thermiques).
c. Les conflits liés aux ressources
• Ce conflit structurel pèse sur le développement des
échanges économiques et d’autres questions d’intérêt
commun.
Exemple Construction d’un gazoduc entre l’Iran et l’Inde
via le sud du Pakistan.
• Les conflits hydriques sont un élément important des
relations indo-pakistanaises, face à une demande
croissante et la perspective du changement climatique.
• L’Indus constitue une artère vitale du Pakistan où
l’irrigation a été développée depuis le XIXe. Mais l’Indus
et ses affluents majeurs naissent ou traversent l’Inde
pour la plupart, essentiellement dans le Cachemire
indien.
• Pendant la guerre de 1948, l’Inde avait coupé
l’approvisionnement en eau (accord en 1960). Cet
accord a été globalement respecté, avec des appels à
un arbitrage international. Mais il est de plus en plus
dénoncé par la population : violentes manifestations et
2 nouveaux problèmes apparus récemment : la
hauteur du barrage indien sur le fleuve Chenab et le
détournement de la rivière Kishangaga.
• (Transition) En plus des conflits liés au Cachemire, au
positionnement face à l’extrémisme islamique, à la lutte
d’influence en Afghanistan, s’ajoutent des conflits
autour du contrôle des ressources.
Conclusion
• On peut parler de normalité conflictuelle entre les 2
pays. Le Cachemire n’est pas seulement un enjeu
territorial : il symbolise deux conceptions de la nation
où le facteur religieux prime. Les facteurs religieux
pèsent lourdement sur une Asie du Sud structurée (ou
déstructurée) par la partition de 1947 qui détacha le
Pakistan de l’Inde à l’heure de l’indépendance ; une
Asie du Sud devenue dans les années 1980 et 1990
un des hauts lieux du djihad (antisoviétique en
Afghanistan, puis anti-indien au Cachemire).
• Si l’on inclut l’Afghanistan dans l’Asie du Sud, la région
est aussi devenue, sous le règne des Talibans, la base
d’un terrorisme international d’un type nouveau.

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