Vous êtes sur la page 1sur 13

À L’AVANT-GARDE

Le protocole eLAB®
Première partie : gestion de l’outil en clinique
et perspectives de résultats
Le but du protocole eLAB® est de permettre une communication objective
à propos de la teinte entre le cabinet et le laboratoire dentaires, tout en s’affranchissant
prise de teinte
numérique
des grandes distances géographiques qui peuvent exister entre les deux.
eLab
Une méthode protocolaire et logiquement structurée, s’appuyant sur des technologies
colorimétrie actuelles, a été développée pour permettre une reproduction de la teinte précise
et fiable sans l’utilisation de nos teintiers habituels.

INTRODUCTION Afin de pallier le manque de standardisation de


la teinte, le protocole eLAB® propose enfin un
Bio-Emulation est un groupe de réflexion interna- langage commun à tous. Place aux chiffres et à
tional de recherche ayant pour objectif de mieux l’objectivité tout en laissant une large place à la
décoder et comprendre les propriétés optiques créativité et au talent de chacun.
et mécaniques des dents naturelles, et de trou-
ver le moyen d’adapter ses connaissances aux
LE CONCEPT
techniques et matériaux actuellement disponibles.
Le maître prothésiste Sascha Hein, les Il existe sur le marché une très grande quantité de
DJEMAL IBRAIMI Drs Javier Tapia Guadix et Panaghiotis Bazos ont teintiers (VITA Classical, Candulor, Shofu Vintage,
Prothésiste dentaire développé le protocole eLAB® sur une période de etc.) et de systèmes différents pour le choix de
i-Tech Dental
Rue de la Promenade 11 quatre ans à l’aide d’une approche de recherche la couleur des dents de nos patients (Fig. 1). Mais,
1630 Bulle, Suisse systématique comprenant des tests in vivo et existe-t-il véritablement une teinte A2 ou A3 ? Qui
bab.ibraimi@gmail.com in vitro. ou quoi définit la couleur de nos matériaux (Fig. 2) ?

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 1


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

saturation varie entre chaque prise (Fig. 4). Cela va


à l’encontre du principe de standardisation et de
calibration souhaitée. Sascha Hein et Panaghiotis
Bazos ont conçu une « grey card » parfaitement
neutre dans le gris (blanc noir) et sans aucune
« contamination » par d’autres couleurs.
Cette carte, appelée « white_balance » a été
spécialement développée pour faciliter le proto-
cole eLAB® (Fig. 5). Elle a une réflexion uniforme
avec des coordonnées de couleurs connues : CIE
L*a*b* 1976 à 79 % de luminosité, pas de rouge,
ni de vert, de bleu ou de jaune. La tolérance d’er-
reur (TOL) est de ± 0,5.
Le CIE L*a*b*, souvent abrégé CIE LAB, est un
Fig. 1 Exemple d’échantillons de teinte.
espace de couleur pour la caractérisation des
couleurs de surface.
La Commission internationale de l’éclairage
(CIE) a défini en 1976 deux espaces non linéaires
de description des couleurs, CIE L*u*v* pour la
caractérisation des lumières des éclairages et
écrans, et L*a*b* :
■ la composante L* est la clarté, qui va de 0 (noir)

à 100 (blanc) ;
■ la composante a* représente une gamme de

600 niveaux sur un axe vert (– 300) g rouge


(+ 299) ;
■ la composante b* représente une gamme de

600 niveaux sur un axe bleu (− 300) g jaune


(+ 299).
Fig. 2 Prise de teinte conventionnelle avec un échantillon de teinte.
Le delta E, dE ou encore ΔE est défini comme une
mesure de différence entre deux couleurs. Elle
Jusqu’ici, aucune compagnie ni aucun orga- consiste en la formule suivante :
nisme compétent n’a défini une charte de cou- ΔE* = √((L*2 – L*1)2 + (a*2 – a*1)2 + (b*2 – b*1)2),
leur exacte. qui a été établie en 1976 par la Commission inter-
Comment prendre en photo une teinte pré- nationale de l’éclairage (CIE) (Fig. 6).
cise avec un appareil photo dont les résultats de Une autre variable qui doit être prise en compte
l’image sont toujours aléatoires ? Comment le est la spécificité de l’appareil photo utilisé pour
« calibrer » et obtenir un résultat constant ? Il suf- prendre ses clichés. À situation similaire, deux
fit d’essayer un calibrage avec une référence de appareils différents généreront des résultats dif-
gris à 18 %, par exemple, pour se rendre compte férents également. Il existe un moyen de calibrage
qu’il est impossible de sortir des images iden- de cette variable : le profil DCP.
tiques (Fig. 3). Une carte de gris se révèle être plus Les profils DCP sont créés sur mesure pour obte-
simple d’utilisation. nir une grande précision de couleur dans des
Il existe beaucoup de cartes de gris (« grey situations d’éclairage spécifiques.
card ») prétendument neutres, bien souvent uni- Supposons que vous photographiez un mariage,
quement dans les niveaux gris, c’est-à-dire en ou des panoramas pour une visite virtuelle, il
quantité de noir et de blanc mais sans incorporer vous faut des couleurs précises et constantes.
la composante de saturation. Par conséquent, il Le spectre de couleur de la lumière extérieure
peut arriver, lors du calibrage d’une photo, que d’un bâtiment est complètement différent de celui
la balance des blancs soit correcte, mais que la de l’intérieur et, même à l’intérieur, la lumière est

2 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

a b c
Fig. 3 a à c Utilisation de différentes références de gris à 18 % pour le calibrage du cliché photo.

différente dans chaque pièce, car les différents


types de lampes d’usage général produisent des
lumières de température et de spectre différents,
et il y a souvent plusieurs lampes de différents
types pour éclairer une même pièce.
Si vous disposez d’un nuancier d’étalonnage des
couleurs (aussi appelé charte des couleurs), tel
que le X-Rite ColorChecker Passport, tout ce que
vous avez à faire est de prendre une photo de
ce nuancier dans des lieux hors cabinet/labo-
ratoire, une photo par situation d’éclairage (qui
généralement se traduit par une photo dans
une pièce et une en dehors), puis de générer les Fig. 4 Autre exemple de « cartes » pour le calibrage de la balance des blancs.
profils DCP depuis ces photos et de les utiliser
dans RawTherapee pour obtenir des couleurs
correctes et fidèles ainsi que la balance des
blancs entre toutes vos prises de vue. Installez
vos profils DCP afin d’avoir les mêmes para-
mètres entre vos appareils photo. Vous trou-
verez sur Facebook toutes les étapes à suivre
Fig. 5 Carte de balance des gris,
(https://www.facebook.com/groups/elaboraid/
« white_balance » adaptée
learning_content/?filter=240604759958697). pour le protocole eLAB® car elle
affiche des valeurs LAB idéales
pour un gris : L*79, a*0, b*0.
LES PARAMÈTRES
DE L’APPAREIL PHOTO
Le format d’image L 100

Afin de pouvoir calibrer un cliché en fonction d’une Delta E

carte de balance des blancs, il faut un format


d’image capable d’être modifié. C’est pour cette b
a
raison qu’il est impératif de configurer la prise
d’image en format RAW et non JPEG.
Il sera impossible de reprendre la balance des -a -b
blancs à partir d’un fichier JPEG. Toutefois, ce Fig. 6 Illustration
format peut être utile dans le cadre d’une utilisa- des espaces non-linéaires
de description des couleurs :
tion quotidienne, hors de l’analyse de teinte. Les
L* (clarté),
avantages et inconvénients des deux formats sont 0 a* (vert-rouge)
résumés dans un tableau (Tableau 1). et b* (bleu-jaune).

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 3


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

Tableau 1

Avantages Inconvénients

– Un format standard lisible par n’importe quel ordinateur. – Pas fait pour de la postproduction. La retouche se fait au prix
– Un fichier compressé. d’une dégradation de l’image.
– Un fichier plus léger que le fichier RAW, entre 5 et 10 Mo. – Plage dynamique inférieure au RAW.
– Une image plus « vivante » (plus contrastée, plus saturée,
JPEG
plus nette), car préretouchée par votre appareil.
– Un fichier « prêt à l’emploi » pour l’impression
ou pour la diffusion Web.
– Un fichier qui n’a pas (sauf erreur) besoin de correction.

– Brut, sans perte des données du capteur photo – Un fichier qui ne convient pas pour l’impression directement
– Une plage dynamique plus élevée, c’est-à-dire que le RAW depuis l’appareil ou sans post-traitement.
permet d’afficher plus de détails dans les hautes lumières et – Un fichier non compressé donc lourd, souvent plus de 20 Mo.
dans les ombres. Ce qui est extrêmement précieux lors de prises Résultat : moins de photos sur la carte mémoire, plus de place
de vue en milieu difficile (concert, église, etc.). occupée sur le disque dur.
– Une plus grande souplesse de retouche en postproduction. – Une image plus « plate », car moins de contraste,
RAW
– La possibilité de régler sa balance des blancs en postproduction. de saturation, de netteté.
– Généralement un format propriétaire et pas lisible par défaut
par tous les ordinateurs. Le fichier RAW chez Nikon
est un NEF et chez Canon c’est un CR2.
– Un fichier qui doit absolument (c’est une obligation) être traité
par votre ordinateur.

L’espace de couleur sRGB


Le terme RGB est l’abréviation de rouge, vert, bleu sRGB est la norme actuelle internationale adop-
en anglais (Red, Green, Blue). C’est une forme tée par des logiciels et des équipements géné-
d’affichage des couleurs dans une gamme d’ap- raux, comme Microsoft Windows, des écrans, des
pareils numériques, tels que les appareils photo imprimantes et des appareils photo numériques.
numériques, les imprimantes et les écrans. Le plus grand avantage du sRVB réside dans
Il existe deux normes : sRGB et Adobe RGB. La le fait que la plupart des appareils utilisent cette
différence entre les deux est la gamme de cou- norme de couleurs, ce qui limite les différences de
leurs capturées (Fig. 7). couleurs entre eux. Cela signifie que la transition
entre un appareil photo, un écran et une impri-
mante doit produire une image présentant très
sRGB peu de variations de couleurs du début à la fin.
B Écran
Toutes Toutefois, la gamme des couleurs que le sRVB
les couleurs peut afficher est quelque peu limitée. En consé-
visibles
quence, les images peuvent paraître avoir des
Adobe teintes plus subtiles.
RGB
Adobe RGB
Il s’agit d’un espace de couleurs standard, pro-
posé par Adobe Systems.
V La gamme de couleurs qui peut être capturée
est plus étendue que celle du sRVB, ce qui per-
R met d’obtenir des couleurs plus détaillées et plus
vives. Pour cette raison, il est largement utilisé
dans des domaines tels que l’industrie graphique
Fig. 7 Différence des spectres colorimétriques et c’est celui qui doit être utilisé pour le protocole
entre le sRGB et l’adobe RGB. eLAB® (Fig. 8).

4 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

Nikon Canon

Fig. 8 Menu de réglages selon l’appareil photo pour choisir le mode Adobe RGB.

Nikon Canon

Fig. 9 Réglage de la balance des blancs sur le mode flash ou auto.

Vitesse d’obturation déformation de notre image et donc de notre


Nous remarquons qu’en augmentant le temps couleur.
d’exposition, la photo apparaît surexposée, et
qu’en diminuant le temps d’exposition, elle appa- La sensibilité ISO
raît sous-exposée. C’est comme cela que l’on a En photographie, la sensibilité ISO désigne la
convenu d’une exposition correcte à 1/125 s (Fig. 8). mesure de la sensibilité à la lumière des pelli-
cules et des capteurs numériques. Elle est une
La balance des blancs donnée essentielle à la détermination d’une expo-
La balance des blancs doit être réglée sur flash sition correcte (Fig. 11).
ou auto. Ce paramètre n’est pas primordial, car
la balance des blancs se fera avec Lightroom
puisque les clichés sont pris en mode RAW et Ouverture f/22
qu’elle sera déterminée grâce à la carte de gris
white_balance (Fig. 9). f/stop 2.8 5.6 11 16 22

L’ouverture ou focale Dof 2 mm 5 mm 10 mm 17 mm 23 mm

Lorsque l’on parle de focus, on parle de profon-


deur et d’ouverture de champ. Si l’on considère
qu’avec un objectif macro 1:1 l’ouverture focale
maximale sans déformation majeure de l’image
est de f/11, on peut alors aller jusqu’à une focale
maximale de f/22 avec une distance maximale de
2:1, ce qui nous permettra d’être suffisamment
loin de l’objet à photographier sans pour autant
être sous-exposé ni surexposé (Fig. 10).
Fig. 10 Un rapport de focale à 22 correspond à une profondeur de champ de 23 mm qui est
Sachant qu’une ouverture focale plus grande une valeur suffisante pour assurer une bonne exposition et une bonne netteté de l’image,
que f/22 induira de toutes les manières une sans déformation.

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 5


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

ou moins élevée est lié à l’amplification du signal


Iso 200 Iso 400 Iso 800
F2, 1/15 s F2, 1/15 s F2, 1/15 s électrique causée par l’augmentation de la sen-
sibilité ISO (Fig. 12).

LES FLASHES
Iso 1600 Iso 3200 Iso 6400
F2, 1/15 s F2, 1/15 s F2, 1/15 s La plupart des flashs commercialisés sur le mar-
ché (Fig. 13) se fondent sur une norme colorimé-
trique : le D65. Il s’agit d’un étalon colorimétrique
correspondant à une lumière naturelle en plein
Fig. 11 Plus la norme ISO est élevée plus la sensibilité à la lumière sera importante. jour en zone tempérée. Il s’agit d’un blanc froid qui
correspond à une température de couleur proche
de 6 500 K (Fig. 14). C’est un réglage standard dans
80 100 125 160 200 250 320 400 500 l’industrie des ordinateurs, du cinéma et de la
production audiovisuelle numériques.

Le mode de déclenchement
Pour la prise de teinte, que ce soit le protocole
choisi (eLAB® ou conventionnel), les flashs utili-
sés doivent être déclenchés en mode manuel. En
effet, en observant le comportement d’un même
flash selon le mode de déclenchement (TTL : auto-
matique ou M : manuel), on peut constater une
640 800 1000 1250 1600 2000 2500 3200 grande variation de quantité de lumière diffusée
(Fig. 15 et 16).
Fig. 12 Une augmentation de la norme ISO peut causer un bruit numérique La raison de ce comportement se trouve dans l’ar-
caractérisé par des pixels de couleur. chitecture du capteur de la caméra qui enregistre
habituellement 80 % des informations correctes
Étant donné que la quantité de lumière reçue est de l’image dans la zone surexposée et seulement
très importante en photographie macrodentaire, 20 % dans les autres zones de l’histogramme qui
du fait de l’utilisation de flashs, celle-ci ne doit sont sous-exposées. L’exposition correcte peut
pas être élevée. Par ailleurs, plus cette valeur être facilement réalisée à chaque fois avec les
augmente, plus le risque d’apparition de « bruit réglages recommandés, malgré le fait que pour
numérique » est important. Ce « bruit » qui cor- un œil non averti, l’image puisse apparaître trop
respond à une quantité de pixels de couleur plus brillante.

Fig. 13 Exemple de flashs du


commerce suivant la norme
D65, utilisés en dentisterie.

6 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

Filtre polarisant et puissance du flash


Le filtre polarisant a pour but d’extraire un seul
0,3 Visible
faisceau avec une polarisation de toute la lumière
qui est émise par le flash. Seulement environ 60 %
de la lumière émise par les flashs fait réellement 0,2
son chemin au travers du filtre (polar_eyes, Bio- Intensité 6000 K
Emulation), le reste est soit absorbé, soit réfléchi relative
vers le flash. Le faisceau de lumière monophasé 0,1
5000 K
frappe la surface de la dent et est renvoyé vers
4000 K
la caméra où il passe à travers une autre feuille
3000 K
polarisante pour effacer toutes les spéculations
0 0,5 1 1,5 2
de la surface.
Longueur d’onde (μm)
L’intérêt est donc évident, notamment pour
analyser la couleur d’une dent, car l’observateur Fig. 14 L’étalon colorimétrique D65.
pourrait être gêné par les reflets lumineux qui se
produisent sur la surface dentaire (Fig. 17). Avec toute réflexion spéculaire. L’auteur conseille de
l’aide du filtre, il est ainsi possible de révéler les se servir du filtre officiel « polar_eyes », car des
détails de la structure dentinaire interne (Fig. 18). De tests cliniques ont permis de relever des erreurs
plus, le calibrage de la photo et son interprétation et des inexactitudes dans les relevés de teintes
en seront facilités, car le cliché sera exempt de avec d’autres filtres « génériques ».

Fig. 15 Différence de rendu d’image, avec filtre polarisant Fig. 16 Analyse de la différence colorimétrique entre les deux modes
et avant calibration d’image, entre le mode TTL (à gauche) après calibration des deux images. Le ΔE est de 2,83, ce qui constitue
et le mode manuel (à droite). une différence trop grande en termes de puissance de flash.

Fig. 17 Illustration de l’effet du filtre polarisant sur la Fig. 18 L’utilisation d’un filtre polarisant permet de révéler les caractéristiques internes
réflexion lumineuse en surface des dents observées. des dents observées (corps dentinaire, mamelons, opalescence, etc.).

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 7


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

Puisqu’il existe une grande perte d’intensité Si l’on compare les différents systèmes de flashs
lumineuse lors du passage au travers du filtre qui peuvent être utilisés en dentisterie (annulaire
polarisant, il convient d’utiliser son flash en mode ou flash double sur anneau, flash double avec
manuel et à pleine puissance (rapport 1:1). diffuseur ou avec Softbox) avec l’Axis_bracket, on
note que la diffusion de la lumière n’est pas uni-
Support des flashs forme sur les trois premiers systèmes de flashs.
Afin de simplifier les prises de vue, un support de La lumière est soit trop centrée, soit trop latérale
flash a été conçu pour éviter toute variation de soit trop « spéculaire ». L’Axis crée un volume
positionnement des flashs et donc une diffusion de lumière bien plus uniforme avec une forme
lumineuse inégale. Il est constitué de deux bras d’arc qui se rapproche de la forme d’une arcade
fixes, non articulés, orientés à 45° par rapport à dentaire (Fig. 20).
l’objectif. Celui-ci est adaptable pour les appareils
Nikon et Canon (Fig. 19).
UTILISATION DES OUTILS SPÉCIFIQUES
Positionnement de la carte
Il est primordial de positionner correctement la
carte « white_balance », afin d’éviter toute erreur
de calibrage et de choix de la teinte. La carte doit
donc être positionnée perpendiculairement au
grand axe représenté par l’objectif de l’appareil,
et dans le même plan que le grand axe de la dent
visée (Fig. 21 et 22).
Le dentiste doit se positionner à une certaine dis-
tance pour minimiser le plus possible le risque de
déformation. En lien avec le rapport de focale 22
utilisé et la diffusion de la lumière obtenue avec
l’Axis, cette distance a été établie de 20 à 25 cm
entre l’objet (dent) et l’objectif. Elle correspond
à un rapport de 1/0,4 pour un objectif macro
105 mm.

Écarteurs
Les Retrax (Spectrolab) sont des écarteurs spé-
cialement conçus pour l’Axis et le protocole eLAB®
afin d’éviter l’apparition de réflexions spéculaires
sur les dents dues à la repolarisation de la lumière
Fig. 19 L’angulation des bras de l’Axis_bracket permet d’obtenir un angle de 45° du flash (Fig. 23 et 24), ce qui peut se produire lorsque
entre la surface des dents antérieures et le grand axe de l’objectif.
des rétracteurs transparents sont utilisés, car
ils sont constitués d’un plastique cristallin biré-
fringent (c’est-à-dire ayant la capacité de polari-
ser la lumière). Il est également possible d’utili-
ser des écarteurs métalliques, à condition qu’ils
soient positionnés à distance des dents anté-
rieures (Fig. 25).

Fig. 20 Différence de diffusion de la lumière selon le système de flash utilisé.


De gauche à droite : double flash sur anneau ; double flash sur anneau avec réflecteurs ;
double flash sur bras articulé avec Softboxe ; double flash sur Axis_bracket.

8 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

Fig. 21 La carte de balance des gris doit être positionnée dans le même plan que le grand axe
des incisives centrales, en étant perpendiculaire à l’objectif.

Appareil en contre-plongée
déformation perspective
verticale

Appareil plat
pas de déformation
Appareil plat Appareil en contre-plongée
perspectives du rectangle ou plongée le rectangle
conservées devient un trapèze
a b

Mur et appareil Mur et appareil Mur et appareil


alignés ou parallèles non alignés / parallèles non alignés / parallèles
= rectangle parfait = trapèze = trapèze

Fig. 22 a à c L’incidence
et le positionnement de l’appareil
photo peuvent avoir un impact
Appareil parallèle au mur perspectives Appareils non parallèles au mur sur le rendu de l’image final.
du rectangle conservées les rectangles deviennent des trapèzes
Le risque de déformation
c peut être important.

Fig. 23 Les écarteurs en plastique mat Fig. 24 Exemple d’une photo eLAB® correcte Fig. 25 Des écarteurs métalliques peuvent
sont idéaux pour la prise de photo sans filtre polar_eyes et support Axis être utilisés à condition qu’ils soient
en filtre polarisant (ici, eLAB Retrax), (puissance du flash 1/4). à distance des dents antérieures.
car ils empêchent toute repolarisation
de la lumière comme cela peut être le cas
avec un écarteur en plastique transparent.

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 9


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

Nikon et Canon
Nikon
Objectif macro 105/100 mm
et support Axis

Mode : M
Qualité d’image : RAW
Code de couleur : Adobe RGB

Iso : 100 à 200


Vitesse : 1/125
Focal : 22
Balance des blancs :
flash ou auto

Objectif manuel
Canon
à distance fixe :
entre 20 et 25 cm

Puissance flash :
1/4 avec support Axis,
1/1 avec polar_eyes

Fig. 26 a et b Résumé des paramètres.

au niveau de l’histogramme situé en haut à droite


CALIBRAGE PHOTO
de la fenêtre. En modifiant la valeur d’exposition
Cette étape du protocole est essentielle, car c’est du cliché (augmenter ou diminuer) il est alors
grâce à elle que va pouvoir se faire la détermina- possible d’atteindre la valeur de calibration sou-
tion de la teinte. Le calibrage se fait à l’aide d’un haitée : L*79, a*0, b*0.
logiciel d’interprétation et de retouche, tel que Le cliché est ainsi étalonné selon la balance des
Lightroom CC, Bridge CC ou Photoshop (Adobe). blancs et prêt à être analysé (Fig. 27 a à f).
Après avoir pris le cliché pour l’analyse de la
teinte dans des conditions optimales, comme
ANALYSE DE LA TEINTE
décrites ci-dessus (paramètres de l’appareil photo
réglés, filtre polarisant, Axis_bracket et carte Cette étape est rendue possible à l’aide d’un logi-
« white_balance »), celui-ci peut être importé sur ciel gratuit que l’on trouve sur tous les macOS :
l’ordinateur et ouvert à l’aide d’un des logiciels Digital Color Meter (il en existe un autre, disponible
précédemment cités. Une fois la photo ouverte sur Internet : Classic Color Meter) (Fig. 28). Son uti-
dans le logiciel, celle-ci doit être traitée en se lisation principale est de localiser une couleur sur
servant du mode « Camera RAW » (Bridge CC) l’écran et de fournir les valeurs de cette couleur.
ou « Develop » (Lightroom CC). Pour illustrer le Ces couleurs peuvent être relevées sous forme de
protocole, les différentes étapes ont été réalisées plusieurs valeurs différentes telles que CIE L*a*b*.
avec Bridge. Comme cela a été décrit précédem- Il est important de ne pas être trop proche de
ment, chaque appareil a ses propres caracté- la gencive avec le curseur, car elle a tendance à
ristiques colorimétriques qui sont regroupées « refléter » du rouge, ce qui va fausser notre teinte
dans un fichier dit DCP. Ainsi, avant de calibrer la et la situer dans un ton rougeâtre.
balance des blancs, il est impératif de sélection- En l’occurrence, le choix de la teinte d’une dent
ner le profil de l’appareil photo utilisé (ici, Nikon va se faire un niveau de sa zone la plus lumineuse,
D7000 85 mm ISO 100). Puis, il faut utiliser l’outil c’est-à-dire là où le corps dentinaire est le plus
« balance des blancs » et cliquer sur la zone cen- épais. Il s’agit de la zone de jonction entre le tiers
trale de la carte matérialisée par les deux demi- cervical et médian de la dent, légèrement décalée
cercles. On voit alors les valeurs LAB apparaître en mésial (Fig. 29).

10 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

Fig. 27 a Ouverture et sélection


du cliché dans le logiciel
Bridge CC (Adobe).

Fig. 27 b Sélection du mode « Camera RAW ». Fig. 27 c Une fois le module Camera RAW défini,
sélectionnez le profil DCP correspondant à l’appareil
photo utilisé.

Fig. 27 d Sélectionnez l’outil pipette « balance des Fig. 27 e Placez le curseur sur le demi-cercle Fig. 27 f Modifiez l’exposition jusqu’à obtenir
blancs ». central de la carte. une valeur LAB de L*79, a*0, b*0 visible sur
l’histogramme.

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 11


À L’AVANT-GARDE / LE PROTOCOLE eLAB®

C’est avec ces trois valeurs que l’on va pouvoir


tirer une formulation de stratification pour le sys-
tème de céramique qui sera utilisé.
Cette étape est normalement effectuée par le
prothésiste, mais il semble intéressant et recom-
Fig. 28 L’application Digital Color mandé que le dentiste puisse le faire lui-même
Meter (macOS) permet d’afficher afin de comprendre plus finement le compor-
les valeurs LAB d’un objet sur tement optique (dégradé de teinte, caractérisa-
l’écran.
tion incisale, opalescence, etc.) d’une dent. Cela
aidera également à la communication avec le
prothésiste.

TRANSCRIPTION
DE L’ANALYSE DE LA TEINTE

Cette partie sera développée plus longuement


dans la deuxième partie de cet article (à paraître
dans QDRP 4 2019).
C’est en standardisant nos prises de vue et
en calibrant nos appareils et nos images que
nous avons finalement réussi à avoir une image
identique entre le dentiste et le prothésiste, bien
qu’étant à distance, et surtout prédictible. Il est
devenu possible d’obtenir une image calibrée de
Fig. 29 Utilisation du Digital Color Meter pour lire les valeurs LAB de la dent de référence.
la part d’un dentiste et d’un prothésiste séparés
La zone de « lecture » se situe à la jonction entre le tiers cervical et le tiers médian.
par des centaines ou des milliers de kilomètres
et utilisant des appareils photo différents.
Il a fallu cependant trouver un moyen de retrans-
crire les valeurs L*a*b*obtenues par l’analyse
numérique des couleurs en informations utiles
pour la stratification de céramique. C’est ainsi que
la charte de couleur eLABor_aid est apparue. Elle
résulte d’une étude, via le protocole eLAB® (avec
toutes les conditions décrites dans cet article), de
tous les différents systèmes de céramique. Ainsi
une valeur LAB a une correspondance de teinte
Fig. 30 Le logiciel eLAB_pilot donne une formulation ou de masse en fonction de la céramique utilisée.
de teinte en indiquant les masses Un logiciel spécifique a été conçu pour déter-
et quantités à utiliser.
miner avec exactitude cette correspondance :
eLAB_pilot. En intégrant les valeurs LAB de la
dent de référence, on obtient un détail des masses
à utiliser et surtout en quelle quantité.
Il devient désormais possible de prendre une
teinte exacte et de reproduire un mélange de colo-
rants dans notre dentine et un émail, proposé par
l’application, et même le choix de la couleur de
notre armature (Fig. 30 et 31).
Les quelques cas montrés ici illustrent l’intérêt
Fig. 31 Les instruments du kit eLAB_copilot du protocole dans l’obtention d’un résultat pré-
aident au bon dosage des masses. dictible et esthétique (Fig. 32 à 34).

12 QDRP / QUINTESSENCE DENTISTERIE RESTAURATRICE ET PROTHÈSE


DJEMAL IBRAIMI

Fig. 32 Cas d’un bridge collé en cantilever


pour compenser l’édentement de la 12.

Fig. 34 Cas d’une couronne en LiSi (GC) sur 32.

Fig. 33 Cas d’une couronne stratifié sur zircone au niveau


de la 11.

CONCLUSION
La prise de teinte a toujours été un sujet de contro-
verse en dentisterie restauratrice, car a souvent
été difficile de faire que soient communiquées les
bonnes informations entre dentiste et prothésiste
pour obtenir le résultat esthétique souhaité. Il
semblerait que le protocole que nous venons de
décrire présente de nombreux avantages d’un
point de vue clinique, en comparaison avec les
techniques conventionnelles de prise de teinte.
En effet, le paramétrage de l’appareil photo est
standardisé, les outils (carte et écarteurs) sont
simples d’utilisation et l’analyse et la communica-
tion du cliché de « teinte » sont rapides à exécuter.
Nous verrons, dans la deuxième partie, comment
s’assurer d’un résultat esthétique fiable du point
de vue du laboratoire et quelles sont les limita-
tions de cet outil.
Bien que le protocole eLAB® soit utilisé depuis
peu, sa communauté n’a de cesse de grandir et le
champ des indications s’élargit au fil du temps :
outil d’analyse pour éclaircissement, prise de
teinte pour les composites directs, etc.

VOLUME 13 / NUMÉRO 3 / SEPTEMBRE 2019 13

Vous aimerez peut-être aussi