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Conception empannage - Continuité des pannes.

4 - CONTINUITE DES PANNES

4-1 Ce qu'apporte la continuité : flèches, moments, actions sur supports

Le fait de mettre en continuité une panne de toiture sur 3 appuis ou plus modifie de façon sensible les
sollicitations et les flèches.

Pour une panne en flexion uniaxiale (suivant sa grande inertie) :

• Flèche maximale sous l'effet de q : charge uniformément répartie


o Panne isostatique, sur 2 appuis simples :
f0 = 5qL4/384EI,
o Panne sur 3 appuis, continuité parfaite : f = 0,4 f0,
o Panne sur 4 appuis et plus : f = 0,5 f0

La mise en continuité d'une panne soumise à une charge uniformément répartie permet de
diviser sa flèche par 2 (par rapport à la panne sur deux appuis simples).

• Moment maximal sous q :


o Panne isostatique, sur 2 appuis simples :
M0 = qL2/8
o Panne sur 3 appuis, continuité parfaite :
Mmin = -M0 (sur appui central) et
Mmax = 0,56 M0 (en travée)
o Panne sur 4 appuis et plus :
Mmin = -0,84 M0 (sur premier et dernier appuis intermédiaires) et
Mmax = 0,63 M0 (en travées de rive).

La mise en continuité sur au moins 4 appuis diminue la valeur absolue du moment de flexion
principale.

• Action maximale sur appui sous l'effet d'une charge uniformément répartie q :
o Appui recevant une panne isostatique de part et d'autre : R0 = qL,
o Panne sur 3 appuis :
R = 1,25 R0 sur appui central,
o Panne sur 4 appuis et plus :
R = 1,1 R0 sur premier appui intermédiaire

La mise en continuité majore l'action des pannes sur certains appuis. Il convient d'en tenir
compte pour le dimensionnement des structures supports (portiques par exemple).

De ce qui précède, on tire les conclusions suivantes :

• La mise en continuité des pannes est particulièrement intéressante lorsque le critère de flèche
est prépondérant, donc pour les longues travées (au delà de 6 m environ),
• Si les pannes sont continues sur toute la longueur du bâtiment, l'action sur le premier et le
dernier appuis intermédiaires est majorée par rapport à la répartition isostatique,
• Si les pannes sont en continuité par tronçons sur la longueur du bâtiment, on cherchera à
minimiser la majoration de l'action sur certains portiques en décalant les appuis à réaction
majorée d'un cours de panne à l'autre (notamment si les pannes sont continues par tronçons
de deux travées).

4-2 - Mode de réalisation de la continuité des pannes IPE


Il est d'usage de réaliser la continuité des pannes en profilés laminés (IPE) par assemblage boulonné.

Deux types d'assemblages sont possibles :

• Les assemblages où les efforts transmis sont perpendiculaires aux tiges des boulons,
• Les assemblages où les efforts transmis sont parallèles aux tiges des boulons.

Pour les premiers comme pour les seconds, il est d'usage de ne pas utiliser de boulons à serrage
contrôlé, mais des boulons dits « ordinaires ». Cela signifie que dans la première famille
d'assemblages les boulons sont cisaillés (et dans la deuxième, les boulons sont tendus).

La pratique la plus répandue est l'éclissage de continuité par boulons cisaillés, comme montré sur la
figure 10 ci dessous, qui permet une meilleure commodité de montage.

La continuité est réalisée par éclissage sur l'âme des deux tronçons de pannes à rendre continus : on
n'éclisse pas les semelles car l'éclissage de la semelle supérieure gênerait l'appui de la couverture sur
la panne ; l'éclissage de la semelle inférieure gênerait l'appui de la panne sur la structure principale en
cas de continuité réalisée sur appui.
L'éclissage est symétrique par rapport au plan de l'âme (une éclisse de part et d'autre) : les boulons
travaillent au double cisaillement.
Attention : limiter le jeu des boulons dans leur trou sous peine de n'avoir qu'une continuité partielle
(cf. ci-dessous).
fig 10 Eclissage de continuité par boulons cisaillés

La continuité est réalisée par platines d'about soudées à l'extrémité de chaque tronçon de panne et
boulonnées entre elles. On ne peut pas utiliser de boulons extérieurs côté semelle supérieure, pour
ne pas gêner la pose de la couverture. On ne peut utiliser des boulons extérieurs (en pointillé) côté
semelle inférieure que si le joint de continuité est décalé par rapport à l'appui ; cette disposition n'a
d'intérêt que si la semelle inférieure est en forte traction dans la section où la continuité est réalisée,
ce qui n'est pas fréquent.
La disposition courante est donc : platine sans boulon extérieur.

fig 11 Continuité par platine d'about et boulons tendus

4-3 Mode de réalisation de la continuité des pannes formées à froid : cas des
Zed par emboitement ; cas des Sigma par éclissage
• La continuité des pannes Zed (figure 12) est réalisée par emboîtement d'un profilé dans
l'autre :
o Le recouvrement est obtenu en donnant aux tronçons une sur-longueur par rapport à
la longueur de la travée. En général, la sur-longueur est de l'ordre de 0,1L au-delà de
chaque appui ( un tronçon courant a ainsi une longueur de 1,2L ). Pour les tronçons
de rive, on donne souvent une sur-longueur un peu plus grande, de l'ordre de 0,15L
au-delà du premier appui intermédiaire du fait que le moment sur cet appui est
maximal en valeur absolue ( un tronçon de rive a ainsi une longueur de 1,15L ).
o La rigidité de l'assemblage, notamment dans les cas de recouvrement court, doit être
évaluée par l'expérimentation.

fig 12 Continuité des pannes

• La continuité des pannes Sigma est assurée par éclissage.


o Les éclisses sont généralement profilées à froid, comme les pannes, mais à partir de
tôles d'acier plus épaisses (de l'ordre de 4mm). Ce mode de fabrication permet de
leur donner une forme exactement adaptée à leur fonction, et la continuité se fait à la
fois par cisaillement des boulons (comme montré en figure 1) et par emboîtement de
l'éclisse dans le creux d'âme du Sigma.
o Compte tenu de la forme de la section des pannes, l'éclissage est placé d'un seul
côté, avec des boulons au simple cisaillement.
o La rigidité de l'éclissage, notamment dans les cas d'éclissage court, doit être évaluée
par l'expérimentation.

4-4 - Semi-rigidité des assemblages de continuité ; calcul simple illustrant la


prise de rotation par jeux dans un éclissage court
Il faut prendre garde au fait que les avantages de la continuité des pannes peuvent être rapidement
perdus si l'assemblage réalisé entre deux tronçons consécutifs est insuffisamment rigide. L'EN 1993 -
1.3 prescrit d'ailleurs de tenir compte de la semi-rigidité éventuelle de cet assemblage pour le calcul
des sollicitations et des déplacements. Cette prescription doit être étendue à tous les types de
pannes, IPE ou minces formées à froid

Prenons l'exemple d'une panne à deux travées de 10 mètres, avec continuité réalisée par éclissage :

Notations - Valeurs numériques


• La longueur totale de l'éclisse est de 1m (500mm de part et d'autre de l'appui) ; l'assemblage
de l'éclisse sur chaque tronçon de panne est réalisé par 4 boulons de diamètre 16mm, logés
dans des trous de 18mm de diamètre (2mm de jeu).
• La prise de jeu permet une rotation de 4/350 = 0,0114 rd, ce qui correspond à libérer, sur
appui, un moment égal à 0,0114 (3EI/L).

Si on suppose que la panne a été dimensionnée par le critère de flèche de L/200 à l'ELS, avec
l'hypothèse d'une continuité parfaite :

• L/200 = 2 qELS L4 / 384EI


soit EI = 400 qELS L3 / 384,
• Le moment libéré sur appui vaut :

0,0114 x 1200 qELS L2 / 384 = qELS L2 / 28,

• La flèche additionnelle en travée vaut environ :

(qELS L2 / 28)(L2 / 16) = qELS L4 / 448EI,

• La flèche a donc augmenté de 43% !!! et n'est plus admissible.

Attention donc à la maîtrise des jeux dans les assemblages de continuité.

Date : 19/09/2008 Auteur(s) : P. LE CHAFFOTEC

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